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Évaluation du risque toxicologique des OGM Commission du génie biomoléculaire

L’évaluation du risque toxicologique des produits


phytosanitaires
Daniel Marzin
Président de la Commission des toxiques
Institut Pasteur de Lille, 1 rue du Professeur-Calmette, BP 245, 59019 Lille Cedex

En tant que président de la Commission des toxiques en agriculture, je souhaite remercier le Sénat
pour avoir bien voulu nous accueillir. Je tiens également à remercier le professeur Marc Fellous
pour m’avoir proposé d’organiser ces deux journées avec lui. J’ai accepté ce séminaire commun
avec enthousiasme, puisqu’il nous donnait l’occasion de confronter nos méthodes d’évaluation : je
crois en effet que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres au cours de cette réunion.

Nous allons nous pencher tout d’abord sur l’évaluation des risques des pesticides pour l’homme. Je
n’aborderai pas ici les risques pour l’environnement, car nous avons décidé de nous limiter aux
risques pour l’homme dans le cadre de cette réunion. L’environnement constitue en revanche une
dimension grandissante du travail de la Commission des toxiques. Il n’est que de lire les journaux
pour mesurer les problèmes que sont supposés poser certains pesticides. Cette évaluation s’inscrit
dans un cadre réglementaire régi par la directive 91/414CEE. Il s’agit d’un cadre assez rigide,
relativement ancien et qui a été, en juillet 2002, l’objet d’une première révision. L’Europe doit
proposer de nouvelles orientations.

L’évaluation des risques de la matière active pour l’homme


L’évaluation des risques pour l’homme s’articule autour de quatre points principaux : l’évaluation
des propriétés physico-chimiques, l’évaluation des méthodes analytiques, l’évaluation proprement
dite du risque pour l’homme et enfin, l’évaluation des résidus dans les aliments. Ce dernier point
fera l’objet d’un exposé particulier.

Les risques liés aux propriétés physico-chimiques


En ce qui concerne les propriétés physico-chimiques des pesticides, nous envisageons
l’inflammabilité, l’explosivité, l’acidité, la tensio-activité, etc. Ces propriétés engendrent des
risques pour l’homme : le risque qu’un produit explose, le risque de corrosivité pour le
manipulateur, le risque lié au devenir de la substance dans l’environnement du fait de sa
photodégradation ou de son hydrolyse, le risque d’accumulation dans les graisses, de volatilisation
etc. Dès ce stade, nous sommes donc capables de définir des risques et d’étiqueter la substance en
fonction de ses propriétés physico-chimiques. Ainsi nous disposons de phrases de risque, telles que
par exemple la phrase « R10 », qui code pour « inflammable ».

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L’évaluation des méthodes analytiques


Par la suite, le problème est de doser le pesticide lui-même ou ses métabolites produits dans notre
environnement. Il va falloir disposer de méthodes analytiques fiables : des méthodes de dosage
dans les végétaux, pour évaluer les résidus (Bernard Declercq abordera sans doute ce point en
détail) ; dans les tissus animaux, si ces végétaux sont consommés par des animaux ; dans l’air, pour
le risque de dispersion et d’inhalation ; dans les eaux, qu’elles soient de surface ou souterraines ;
enfin dans les sols. Toutes ces méthodes seront exécutées selon des critères classiques : sensibilité,
précision, reproductibilité, et ce dans chacune de ces matrices, de façon à pouvoir détecter la
substance et ses métabolites, afin de contrôler les résidus et les contaminants.

L’évaluation des risques pour l’homme proprement dit

Métabolisme et toxico-cinétique
Pour évaluer les risques sur l’homme, on va d’abord s’intéresser à des études de pharmaco-toxico-
cinétique chez l’animal. On étudiera alors l’absorption d’un produit : s’il est peu absorbé, on va
pouvoir mesurer l’absorption systémique réelle pour ensuite la corriger à partir des paramètres
d’absorption. On s’attachera également à la distribution du produit : si un produit s’accumule dans
un organe, il est possible et souvent probable que cet organe soit un organe cible. Celui-ci sera alors
plus spécifiquement étudié que pour un autre produit. On s’intéressera par ailleurs au métabolisme,
soit à la formation des métabolites, qui peuvent être des métabolites toxiques. On comparera le
métabolisme chez le mammifère et dans la plante, les deux étant parfois, et même souvent
différents. En cas de différence, des études complémentaires seront nécessaires. On évaluera enfin
l’élimination et a contrario l’accumulation dans l’organisme – qui constitue un facteur de risque
toxicologique.

Les étapes de l’évaluation toxicologique


Quelles sont les étapes de cette évaluation de la matière active, sachant que les préparations seront
abordées par la suite ?

La toxicité aiguë
Tout d’abord, on évalue la toxicité aiguë, soit le risque que présente une matière lorsqu’elle est
absorbée en quantité massive et en une seule fois. Le plus souvent, les études s’effectuent sur le rat,
bien que l’on puisse s’appuyer sur d’autres espèces. Sont consignés les doses létales et les
symptômes en termes d’intensité et de durée. Ces mêmes critères sont évalués par voie cutanée,
puisque les agriculteurs peuvent être exposés par ce biais : on applique alors le produit sur la peau
des rats ou des lapins sous des patchs occlusifs qui miment la macération que l’on obtient chez
l’agriculteur en contact avec le pesticide. On fait les mêmes études sur le plan des voies
respiratoires, puisqu’il peut y avoir inhalation au cours des applications. Les doses létales et les
symptômes sont donc là encore déterminés. À l’issue de cette première étape, on peut déjà classer
les produits et leur accoler si nécessaire des phrases de risque telles que « R22 : risque toxique par
ingestion ».

La tolérance locale
Une seconde étape concerne la tolérance locale, puisque ces produits peuvent être appliqués au
niveau de la peau ou des muqueuses. On détermine alors des tolérances oculaires chez le lapin,
grâce au test de Draize. Au niveau de la peau, c’est également le lapin qui nous sert de modèle. En
ce qui concerne l’allergie cutanée, on recherche la capacité pour un produit d’induire des réactions
d’hypersensibilité de type IV – c’est-à-dire d’hypersensibilité retardée. Sont utilisés les tests de
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Magnusson et Kligman ou celui de Bulher, et plus récemment le Local Lymph Node Assay qui se
réalise chez la souris, et qui envisage la réaction au niveau du ganglion proximal du site
d’application. On peut, en fonction des réponses, classer ou non le produit comme étant « R43 :
risque d’allergie de contact ».

L’évaluation à court terme et à moyen terme


On évalue ensuite les effets à court et à moyen terme qui concernent le risque pour l’applicateur,
mais aussi pour le consommateur. Ces études sont réalisées sur deux espèces animales –
généralement le rat et le chien – par des études à 30 jours, 90 jours et un an ; on procède par
addition du produit dans la nourriture, puisque le but visé est la protection du consommateur. Un
nombre très important d’examens sont effectués sur ces animaux : examens du comportement, des
symptômes toxiques, de l’évolution pondérale, de la consommation de la nourriture, mais aussi
examens biochimiques, hématologiques et urinaires. Les animaux sont sacrifiés à l’issue de la
période de traitement, et subissent une autopsie et des examens histopathologiques d’une grande
quantité d’organes. La conclusion est la détermination de la dose sans effet toxique, appelée NOEL
– No Observable Effect Level – ainsi que la détection des organes et systèmes cibles, qui va amener
dans un certain nombre de cas à développer des études du mécanisme d’action toxique engendré
par ces substances.

Par la suite, on mènera des études pour définir le potentiel mutagène et ainsi déterminer un risque
cancérogène génotoxique. Il existe en effet deux types principaux de substances cancérogènes : les
cancérogènes « génotoxiques », qui exercent leurs effets par des mutations, et des cancérogènes dits
« épigénétiques », qui complètent l’effet des cancérogènes génotoxiques. Ces derniers, parce qu’il
n’est pas possible de mettre en évidence de seuil, ne sont pas acceptables. On procède donc à une
série de tests sur des bactéries et sur des eucaryotes, par exemple sur des cultures de cellules, de
manière à faire apparaître les anomalies chromosomiques ou l’induction de mutations géniques. On
complète ces études par des tests in vivo, au cours desquels on recherche chez l’animal la présence
de cassures de chromosomes au niveau de la moelle ou, plus précisément, la conséquence de ces
cassures dans le test du micronucleus. Le test dit de « synthèse non programmée d’ADN », qui se
réalise généralement sur les hépatocytes de rat, permettra d’identifier des lésions primaires de
l’ADN. De la sorte, c’est l’ensemble des événements de mutation induits par un produit qui sont
mis en évidence.

Des études à long terme


Des études à long terme complètent les précédentes, de manière à évaluer d’une part le risque de
toxicité générale pour l’applicateur et pour le consommateur, d’autre part le risque cancérogène :
pour étudier ce dernier, on utilise deux espèces animales (pour cerner la variabilité inter-espèces)
qui sont traitées pendant toute leur vie : deux ans chez le rat et dix-huit mois chez la souris. On
procède par addition dans la nourriture et l’on détermine, comme dans les essais à court et moyen
termes, les comportements, les symptômes, les résultats des examens histopathologiques, etc. On
aboutit à la détermination d’une dose sans effet toxique sur les organes et sur les systèmes cibles,
mais également au caractère cancérogène ou non du produit chez le rat et/ou la souris.

On s’intéresse par la suite à la toxicité vis-à-vis des fonctions de reproduction : pour cela, on réalise
tout d’abord des études de tératogénèse, qui évaluent le risque pour l’embryon et le foetus. Deux
espèces – le rat et le lapin – sont utilisées à cet effet. Les études sont réalisées par addition du
produit dans la nourriture ou plus souvent par gavage, et le traitement a lieu pendant toute la
période d’organogenèse, c’est-à-dire pendant le temps de différenciation et de maturation des
organes. Au terme de cette période, les animaux sont sacrifiés et les petits prélevés par césarienne.
On s’intéresse alors à la survie des petits, à leur poids, à leur sex ratio pour voir si les produits sont
susceptibles de perturber la différenciation sexuelle. On se penche aussi sur la malformation des
tissus mous, du squelette et des cartilages, par des techniques particulières que nous utilisons

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depuis de nombreuses années.

Toutefois, la fonction de reproduction ne se limite pas à l’organogénèse : nous sommes tous, en


permanence, en pleine fonction de reproduction, les uns en spermatogénèse, les autres en
ovogénèse. Il convient de déterminer l’interférence de ces produits avec ces fonctions. Pour ce
faire, des études sont effectuées sur deux générations : on traite des mâles et des femelles, et l’on
expose les animaux mâles 120 jours avant l’accouplement – soit en dépassant très largement la
durée d’un cycle de spermatogénèse – et les animaux femelles 14 jours – ce qui couvre deux à trois
cycles oestroprogestatifs. Une fois l’accouplement réalisé, les femelles continuent d’être traitées
pendant la gestation et jusqu’à la fin du sevrage des petits, de façon que, s’il y a exposition, les
petits puissent être affectés à travers l’allaitement maternel. Les tests sont réalisés par addition dans
la nourriture. Ils visent à observer les comportements parentaux, ceux des petits, la fertilité, les
conditions de la gestation – sa durée, le déroulement de la parturitionet le développement sensoriel
et comportemental des petits. La génération parentale F0 que l’on traite donne naissance à une
génération F1A, puis à une génération F1B, obtenue elle aussi avec des parents maintenus sous
traitement. Parmi cette génération F1B, un certain nombre de petits sont sélectionnés : ceux-ci sont
traités à leur tour à partir du sevrage, puis sont accouplés une fois arrivés à maturité sexuelle et
donnent ainsi naissance à une génération F2.

Autres études
Les autres études que nous réalisons sont des études de neurotoxicité, des études complémentaires
sur l’évaluation de la toxicité des métabolites lorsqu’ils ont été insuffisamment étudiés chez le
mammifère, mais aussi les métabolites des plantes, ainsi que ceux retrouvés dans le sol et qui
n’existeraient pas chez les mammifères, enfin des produits de dégradations, des impuretés qui
doivent être également évalués. On se penche alors sur les mécanismes d’action toxique, en
particulier pour savoir si ces effets toxiques sont transposables de l’animal à l’homme.

À partir de toutes ces données, ils sera possible là aussi d’opérer un étiquetage selon les propriétés
toxicologiques pour l’homme. On pourra, par exemple, proposer un étiquetage « R62 : risque
possible d’altération de la fertilité ».

La détermination des doses de référence


À ce stade, il devient possible de définir une dose de référence, notamment la dose de référence
aiguë – acute reference dose (ARfD) en anglais – qui est la quantité de substance pouvant être
ingérée pendant une courte période (un jour ou un repas) dans la nourriture et l’eau de boisson, sans
effet sur la santé. Cela revient à se demander si, par exemple, en mangeant trois pommes contenant
des résidus de pesticide, je prends des risques pour ma santé. Pour calculer cette dose, on prend la
dose sans effet la plus basse démontrée dans l’espèce la plus sensible telle qu’elle a été calculée
dans les études à court terme (c’est-à-dire allant de 24 heures à 28 jours : nos données sont donc
largement exagérées dans le calcul de cette dose) et on la divise par un facteur de sécurité qui n’est
jamais inférieur à 100. Ce facteur 100 correspond à un facteur 10 tenant compte de la variation inter
espèce (extrapolation de l’animal à l’homme), multiplié par un facteur 10 pour tenir compte de la
variation entre les individus humains.

Par la suite, on détermine une dose journalière admissible (DJA), qui correspond à la dose pouvant
être ingérée quotidiennement, pendant toute la vie, sans effet dangereux pour la santé. Pour cela, on
prend la dose sans effet dans les études à long terme et les études de reproduction – il s’agit de la
dose la plus basse dans l’espèce la plus sensible – qui est divisée par un facteur de sécurité qui n’est
jamais inférieur à 100.

On détermine ensuite un niveau acceptable d’exposition pour l’applicateur, appelé AOEL


(Acceptable Operator Exposure level [niveau d’exposition acceptable pour les opérateurs]), qui
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correspond à la quantité maximale de substance à laquelle l’agriculteur peut être exposé


quotidiennement dans le cadre des travaux agricoles, sans effet dangereux pour la santé. Pour ce
faire, on prend la dose sans effet dans les études à moyen terme – qui est la dose la plus faible dans
les études inférieures ou égales à 90 jours – à laquelle on applique un facteur de sécurité. Ce facteur
n’est jamais inférieur à 30.

Je ne vous parle pas ici des résidus dans les aliments, puisque Bernard Declercq s’y consacrera. Je
souhaite en revanche ouvrir une parenthèse environnementale. L’homme, en effet, peut être exposé
à travers l’environnement. Nous devons donc déterminer le devenir de la substance dans les sols,
identifier les métabolites de la substance pour savoir quels sont ceux à contrôler dans
l’environnement, caractériser la persistance des produits et des métabolites, envisager les risques
d’accumulation et les risques pour les cultures suivantes – puisque si l’on cultive un sol qui
contient déjà le produit, celui-ci risque de migrer dans la plante. Nous devons également évaluer le
risque de dispersion dans l’eau et le sol, de façon à pouvoir calculer des concentrations prévisibles
dans les sols (PEC) permettant de mesurer tant les risques écotoxicologiques que les risques pour
l’homme. En ce qui concerne l’air, on mesurera de même la volatilité et la dégradation et l’on
calculera des concentrations prévisibles dans l’air afin d’évaluer les risques par voie aérienne des
produits appliqués sur les cultures.

L’évaluation des risques d’une préparation pour l’homme


Une matière active n’est rien sans une préparation, qui constitue la forme d’application de ce
produit. Il est donc indispensable de s’intéresser à la préparation commerciale, aux produits phyto-
pharmaceutiques finaux qui vont être utilisés par l’applicateur. Les critères pris en compte sont
alors l’identité, les propriétés physico-chimiques du produit et les données relatives à l’application
qui nous permettront d’évaluer le risque pour l’applicateur. Par ailleurs, on effectuera des études de
toxicité pour l’homme (toxicité aiguë, tolérance locale), qui sont complémentaires de celles qui
auront été opérées sur la matière active, et qui nous permettront de classifier et d’étiqueter les
préparations. Des études de passage transcutané des préparations sont également mises en œuvre,
puisque le produit peut passer à travers la peau et diffuser dans l’ensemble de l’organisme lorsque
l’applicateur l’utilise.

On procède par la suite à une évaluation des risques, en utilisant des modèles validés (un modèle
britannique et son concurrent allemand) afin d’évaluer les expositions humaines calculées dans les
conditions normales d’utilisation des produits. Cette évaluation concerne les applicateurs et les
travailleurs, c’est-à-dire ceux qui sont susceptibles d’entrer dans les champs après l’application du
produit. On obtiendra ainsi un niveau prévisible d’exposition, qui doit bien sûr être inférieur à
l’indice de toxicité AOEL que nous avions calculé précédemment. Si ce niveau d’exposition est
supérieur, on emploiera à nouveau ce modèle, en envisageant l’utilisation par l’agriculteur de
moyens de protection et, si ceux-ci ne sont pas suffisants, des études seront poursuivies par des
essais d’exposition dans des conditions réelles aux champs, ce qui se conclue par des exigences
quant au port de protections individuelles si cela s’avère nécessaire, voire même par l’absence
d’octroi d’autorisation.

La même démarche sera entreprise afin d’évaluer le risque des personnes présentes, c’est-à-dire les
personnes qui passent aux abords du champ au moment où les produits sont répandus. Le niveau
d’exposition de ces personnes doit être inférieur à l’indice de toxicité AOEL : on ne peut bien
évidemment pas demander à ces personnes de prendre des mesures de protection.

Nous arrivons donc à un étiquetage global de ces préparations, avec des symboles de danger, des
phrases-type relatives aux risques ou donnant des conseils de prudence. Par exemple la phrase

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« R38 », qui désigne un produit « irritant pour la peau ».

On constate donc que cette évaluation toxicologique des pesticides, en ce qui concerne l’homme,
envisage l’ensemble des effets toxiques, mais aussi l’ensemble des modes de contamination
possibles de l’homme : les effets directs, l’exposition de l’applicateur lorsqu’il utilise ces produits,
l’exposition des personnes présentes et des travailleurs, ainsi que celle des consommateurs de
produits traités par ces pesticides. Les effets indirects ne sont pas moins pris en considération. Ce
sont l’exposition par les résidus pouvant être les matières actives, leurs métabolites, leurs produits
de dégradation dans l’environnement, ou leurs produits de transformation. Cette transformation a
lieu, par exemple, lorsqu’un pesticide se retrouve dans de la farine et que celle-ci est utilisée pour
faire du pain.

Je vous ai donc présenté les modalités d’évaluation des risques pour l’homme. Je pense qu’on
arrive par ce biais à une évaluation assez complète. Je vous rappelle que cette étude est par ailleurs
associée à une étude des risques pour l’environnement qui sont aussi importants, voire plus, que les
risques pour l’homme, compte tenu de la diversité biologique existante.

Discussion
Gilles-Éric Séralini – Un travail est effectué sur les adjuvants : est-ce que ce sont les formulations
qui contiennent les matières actives ? Comment étudiez-vous la différence de solubilité ou
d’accumulation dans les graisses avec les adjuvants ? Les études sur la reproduction sont-elles
faites avec les matières actives associées aux adjuvants ou simplement avec les matières actives ?

Daniel Marzin – Il faut distinguer les adjuvants des formulants. Ces derniers sont des excipients et
nous possédons un certain nombre d’informations sur la toxicité de ces produits. Les adjuvants,
eux, servent à produire des émulsions, des formulations ; ils sont l’objet d’une évaluation propre.
D’autres produits, comme les phytoprotecteurs, sont évalués comme des matières actives. On
procède également à l’évaluation de la formulation, de façon à voir notamment si le produit est
mieux véhiculé à travers la peau que la matière active. Nous possédons donc un certain nombre de
données. Celles-ci, bien sûr, sont limitées puisque l’éthique nous interdit d’effectuer les études sur
l’homme ; mais on réalise des études sur l’animal in vivo, l’animal in vitro, et sur de la peau
humaine in vitro. Au final, nous sommes donc à même d’évaluer la pénétration cutanée des
préparations chez l’homme. Ces études sont réalisées sur la préparation pure et sur les dilutions
telles qu’elles sont appliquées sur les cultures.

À partir du moment où le produit pénètre dans l’organisme, c’est la matière active qui circule : les
adjuvants et formulants n’ont plus aucun rôle. Ce qui est important, c’est la quantité de matière qui
circule. C’est l’aspect pharmacocinétique qui nous intéresse, et qui nous permet d’évaluer si la
préparation est susceptible d’augmenter ou de diminuer l’exposition à la matière active.

Jean Lunel – La directive étant en cours de révision, allons-nous faire davantage appel aux
méthodes alternatives, telles qu’elles ont été développées à Ispra puis validées par les
toxicologues, et supprimer le test de Draize, qui est pénible pour les animaux ?

Daniel Marzin – Mis à part le test de Draize et éventuellement les tests d’irritation pour la peau, il
existe peu de tests validés par les toxicologues. Je ne pense pas que des tests in vitro permettent de
mettre en évidence un produit qui est métabolisé par le foie et qui est neurotoxique. Depuis que je
fais de la mutagenèse, c’est-à-dire depuis 25 ans, nous avons développé énormément de tests in
vitro. Or, nous appelons de nos vœux le développement de tests in vivo. Il me paraît impossible en
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effet, sauf pour les domaines de la tolérance oculaire et cutanée, de remplacer l’ensemble des tests
in vivo par des tests in vitro. Je vais à présent laisser la parole à Bernard Declercq, qui est l’un des
grands spécialistes français et internationaux des résidus de pesticides dans les aliments.

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