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REPÈRES. PÉDAGOGIQUES
Histoire de
la scolarisation
des filles
-LELÈ
IVRE
FRANÇOISECLAUDE-LELIÈVRE
NATHAN
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ÀAnne-Laure et François
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AVANT-PROPOS
Il n'existait pas jusqu'alors d'ouvrage de synthèse sur
l'histoire de la scolarisation des filles en France. D'excellents
livres1 traitent de cette question de façon sectorielle (sous
certains aspects, pour des périodes variées). L'essai de synthèse
que nous avons effectué à partir de ces travaux et de nos
propres recherches n'allait pas sans risque, d'autant que les
zones d'ombre qui subsistent sont loin d'être négligeables.
Nous avons cependant tenté cette entreprise téméraire,
sachant qu'elle s.avérerait assez vite provisoire: de nombreux
signes montrent que ce domaine d'étude est à l'ordre dujour,
notamment chez les sociologues et les pédagogues.
Les politiques et les discours relatifs à la scolarisation des
filles nous paraissent dominés successivement — non sans
conflit — par trois préoccupations majeures: l'éducation
religieuse d'Eglise, l'éducation socio-politique d'État (républi-
cain), l'insertion socio-professionnelle des femmes dans le
monde du travail.
LaRéforme et la Contre-Réforme ont permis le démarrage
décisifde la scolarisation des filles pour des raisons fondamen-
talement religieuses. Lesenseignements primaire et secondaire
d'État ont été institués dans la seconde moitié du xixe siècle
pour les filles, alors qu'ils avaient été créés dès la première
moitié du siècle pour les garçons: une certaine appréhension
du rôle socio-politique des femmes amène àfaire fond sur elles
2. Ceci explique aussi que nous avons été amenés —pour la dernière période
—à multiplier les indicateurs, à tenter d'apprécier la valeur qu'on pouvait leur
accorder. Aurisque de lasser le lecteur, nous avons donc été conduits àmultiplier
les données et les traitements statistiques.
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PREMIÈRE PARTIE
A v a n t l ' É c o l e d ' É t a t
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1. SOUSL'ANCIEN RÉGIME
L'École ne commence pas avec l'École républicaine; celle
des filles pas davantage que celle des garçons, même si les
républicains de la IIIe République lui ont porté une attention
singulière.
L'éducation desfilles acertes été élevée au rang des affaires
d'État plus tardivement que celle desgarçons (dans la première
moitié du xixe siècle pour les uns; dans la seconde moitié pour
les autres). Mais, bien avant que l'État légifère en la matière,
elles ont été éduquées dans la famille ou dans les institutions
d'Église. «L'historiographie de l'éducation sous l'Ancien
Régime perçoit désormais les institutions et les pratiques de
formation avectout leur ancrage social, inscrites dansl'histoire
de la culture et des mentalités comme dans celle de la vie
familiale et privée1.»
LeMoyenÂge lui-même n'avait pasignoré l'école ; mais les
écoles monastiques, presbytérales oucapitulaires restent long-
1. M. Sonnet, L'Éducation des filles au temps des Lumières, Paris, les Éditions du
Cerf, 1987, p. 13. Nous devons beaucoup à ce livre, qui a renouvelé l'approche et
la connaissance de la période concernée, cantonnées jusqu'alors à l'analyse des
textes pédagogiques des grandes figures de l'éducation des filles ou à l'étude des
textes normatifs. Il n'en reste pas moins que l'appréhension des institutions
scolaires féminines est encore lacunaire, d'autant que le travail de Martine Sonnet
—magistral —se limite à Paris.
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Enpremière classe:
Les enfants qui commencent, auxquels on enseignera à prier Dieu, les
principaux mystères, les éléments du catéchisme, à connaître les lettres
et à épeler.
En deuxième classe:
Les enfants qui commencent à lire et auxquels on enseignera le
catéchisme ; surtout les sacrements, et les prières avant et après le repas,
avant le travail et la lecture spirituelle; celles qu'ils doivent faire pour
leurs parents, dans la tentation et en entrant dans l'église [...] On leur
apprendra à bien lire en français, puis en latin.
En troisième classe:
Ceux qui savent lire, et il y aura deux sortes de leçons ;l'une àapprendre
par cœur, comme les maximes chrétiennes, les Épîtres et Évangile,
l'abrégé de l'Histoire de la Bible: et les enfants emporteront ces livres
chez eux. L'autre des livres qu'ils liront à l'école et ceux-là y resteront.
On enseignera dans cette classe à écrire.
Diversification sociale
de l'instruction desfilles
Mais cette éducation religieuse se décline différenunent
selon les institutions scolaires et leurs clientèles socialement
diversifiées. Les maisons qui accueillent des pensionnaires
payantes instruisent «à la religion et piété catholique, à lire et
à écrire, à travailler en diverses sortes d'ouvrages propres à des
filles bien nées7», tandis que les écolières externes reçues
gratuitement dans d'autres institutions sont formées «à la foi,
à gagner leur vie, à lire et à écrire8». L'instruction religieuse
est donnée aux pensionnaires selon un éclairage savant, alors
que pour les autres il s'agit de s'accorder à une simple croyance.
Par ailleurs, l'ordre des priorités entre l'alphabétisation et le
travail manuel (lui-même conçu différemment) s'inverse des
unes aux autres.
La lecture, instrument au service de la formation religieuse
(et au principe du développement même de la scolarisation lors
de la Réforme et de la Contre-Réforme), entre dans tous les
programmes d'enseignement. L'apprentissage de l'écriture est
dissocié de celui de la lecture : il le suit dans la plupart des cas ;
mais tous les établissements ne l'enseignent pas (faute d'un
temps de scolarisation suffisant pour certaines catégories
d'élèves ou, parfois, en raison de l'incompétence du personnel
- enseignant). Certaines institutions et certaines élèves appren-
nent à compter; les plus huppées peuvent se hausser aux arts
d'agrément. Mais en définitive, même à Paris, le lot commun
des écolières se limite à l'instruction religieuse, à l'alphabéti-
sation et aux travaux d'aiguille.
Les travaux d'aiguille existent aussi bien à l'école populaire
qu'au couvent. Ils manifestent une première spécification de
1école de filles. Cette spécificité est également modulée en
Diversification desscolarisations
masculineetféminine
Cependant la différenciation principale entre la scolarisa-
tion des filles et celle des garçons n'est pas là, mais réside dans
sa durée —beaucoup plus courte pour elles que pour eux —
ce qui n'est pas sans conséquences sur la nature des apprentis-
sages et leurs modalités.
15. Cf. le remarquable tableau sociologique dressé par Martine Sonnet, op. cit.,
p. 90.
16. Lapension est enmoyenne de400livres à Paris, dumêmeordre de grandeur
quecelles desgarçons; le salaire annuel moyend'un ouvrier est alors de300livres...
17. Op. cit., p. 100.
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Martine Sonnet
fondamentaux précise
du côté deque le temps
l'école gagné est
charitable sur les savoirs
investi au
bénéfice des
la maison21. travaux manuels qui soutiennent financièrement
18. L'Éducationdesfilles autempsdesLumières, p. 144.
19. Règlementsdela communautédesFiles deSainte-Anneétabliespourl'instruction des
pMazarine.
auvres filles de la paroisse Saint-Roch à Paris, 1698, f° 374-375, manuscrit, bibl.
25620.
7. Règlementspour lacommunautédeSainte-Agnès, Bibliothèque de l'Arsenal ms
21. Op. cit., p. 241.
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Delapuretédesfilles et deséducatrices
Le plus important, dans cette règle édictée, réside moins
dans son application pratique (parfois limitée) que dans la
conception éducative qu'elle implique. «La non-mixité de
l'école et la ségrégation des femmesjusqu'au mariage ne sont
que des aspects de cette œuvre inlassablement pédagogique que
mène l'Église de la Contre-Réforme pour effacer au monde de
la culture les objets sexuels27.» D'autant qu'il ne saurait être
question pour les filles d'en rester au seul «redressement28» du
corps; encore faut-il qu'il soit «sublimé» et que les filles
respirent en toute circonstance la modestie et la décence.
Comme l'écrit Martine Sonnet, «le corps façonné doit être un
corps pur, sans quoi son éducation perd toute valeur [...] Le
jeune corps féminin, incontournable objet, suscite une grande
part des ambitions, des craintes et des obsessions des pédago-
gues. Il faut dépouiller la petite fille des derniers oripeaux
d'Ève, avant de neutraliser les manifestations physiques déran-
geantes de sa féminité par un strict façonnage, à défaut de
pouvoir les gommer tout à fait. Les images du corps émaillant
les textes réglementaires illustrent samaintenance alimentaire,
thérapeutique et hygiénique, sa discipline et son modelage
quotidien, aussi bien que sa sublimation par la prière ou le
châtiment [...] Inculcation plutôt qu'éducation, car les prin-
cipes défendus confinent à 1interdit et à la négation, jamais à
l'épanouissement29». Rien ne témoigne mieux de la «sublima-
tion» nécessaire du corps féminin que la Conduite chrétienne ou
Formulaire de prières à l'usage des pensionnaires des religieuses
ursulines30. Chaque geste est exalté et transposé par un
symbolisme religieux précis et adapté.
27. Lire et écrire, op. cit., p. 86.
28. Cf. la très belle étude de Georges Vigarello, Le Corps redressé, histoire d'un
pouvoir pédagogique, Paris, Delarge, 1978; en particulier le chapitre II: «Une
pédagogie traditionnelle. »
29. Op. cit., pp. 150et 157.
30. 2e édition, Châlons, Claude Bouchard, 1734. Cet ouvrage connaît un très
grand succès dans les milieux éducatifs féminins, en dehors même de l ordre des
ursulines ; il est réédité au xixe siècle.
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Ensechaussant:
Seigneur montrez-moi vos voies et enseignez-moi vos sentiers. Que
votre parole soit la lampequiéclaire mespaset la lumière qui luisedans
les sentiers oùje marche, afin queje ne vous offense point. 0 queje
souhaite que mes voies soient réglées d'une telle sorte qu'elles tendent
toutes àl'observation de vos commandements! [...]
Enmettant leurceinture:
Ceignez mesreins, ôJésus, de la vertu depureté et de chasteté, comme
d'une ceinture qui m'environne, afin queje puisse courir légèrement
dans la voie de vos saints commandements. [...]
Ensecoiffant:
Je coiffe et orne mon chef; et le vôtre, mon Sauveur, a été couronné
d'épines; je vous supplie très humblement de blesser mon cœur de
l'épine d'une vraie contrition et que toutes mes pensées n'aient autre
fin que vous [...]
Enlavant leurs mains:
Que le sang et l'eau qui sortirent de votre précieux côté, ôbonJésus,
lavent les souillures de mon âme.
33. Op. cit., p. 129. La fin de la citation est extraite des «Constitutions du
monastère de Port-Royal».
34. Les 94 procès qui leur sont intentés révèlent qu'il y a eu 54 demoiselles
condamnées contre 10veuves et 20 épouses seulement.
35. 226 demoiselles sur 329, soit 69 % (contre 24 % de femmes mariées);
L'Éducation desfilles au tempsdesLumières, p. 104.
36. Mémoireinstructifpourfaire connaître l'utilité desécoles charitables du Saint-Enfant-
Jésus, Paris, F. Le Cointe, 1685, p. 4.
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REPÈRES - PÉDAGOGIQUES
• Nul ne le conteste aujourd'hui : . De notre capacité àformer lesjeunes
l'Education constitue l'un des grands de notre temps dépendra leur capacité à
enjeux de ce tournant de siècle. mieux construire leur devenir.
• Face à cette tâche considérable, quifait
d'ailleurs la grandeur de sa mission,
l'éducateur doit poursuivre lui-même sa
formation.
• La collection Repères pédagogiques a
été conçue pour l'y aider. Les ouvrages
qui la composent sont autant d'outils pour
mieux comprendre des moments de
l'histoire, des domaines de savoirs, des
questions et débats qui concernent tout
formateur.
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