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REPÈRES. PÉDAGOGIQUES

Histoire de
la scolarisation
des filles
-LELÈ
IVRE
FRANÇOISECLAUDE-LELIÈVRE

NATHAN
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Autres ouvrages deClaudeLelièvre:


En collaboration avec Eric Walter, La Presse picarde, mémoire de la
République, Paris, Éd. Anthropos, 1983.
Encollaboration avec Christian Nique, Histoire biographiquedel'enseigne-
mentenFrance, Paris, Ed. Retz, 1990.
Histoire desinstitutions scolaires (1789-1989), Paris, Éd. Nathan, 1990.
Postface historique àl'ouvrage: LANGOUËTGabriel et LÉGERAlain,
Public ouprivé? Trajectoires et réussitesscolaires, Paris, Éd. Publidix et Éd.
de l'Espace européen, 1991.

Direction éditoriale: FrançoiseJuhe!


Édition: Christine Grall
Couverture et maquette: Véronique Chappée
Graphiques: Odile Maury
Mise en pages: Martine de Cagny
Photos de couverture: Roger-Viollet (en haut); Niepce-Rapho (en bas).
@Éditions Nathan, Paris 1991 - ISBN 209 181921-2
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ÀAnne-Laure et François
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AVANT-PROPOS
Il n'existait pas jusqu'alors d'ouvrage de synthèse sur
l'histoire de la scolarisation des filles en France. D'excellents
livres1 traitent de cette question de façon sectorielle (sous
certains aspects, pour des périodes variées). L'essai de synthèse
que nous avons effectué à partir de ces travaux et de nos
propres recherches n'allait pas sans risque, d'autant que les
zones d'ombre qui subsistent sont loin d'être négligeables.
Nous avons cependant tenté cette entreprise téméraire,
sachant qu'elle s.avérerait assez vite provisoire: de nombreux
signes montrent que ce domaine d'étude est à l'ordre dujour,
notamment chez les sociologues et les pédagogues.
Les politiques et les discours relatifs à la scolarisation des
filles nous paraissent dominés successivement — non sans
conflit — par trois préoccupations majeures: l'éducation
religieuse d'Eglise, l'éducation socio-politique d'État (républi-
cain), l'insertion socio-professionnelle des femmes dans le
monde du travail.
LaRéforme et la Contre-Réforme ont permis le démarrage
décisifde la scolarisation des filles pour des raisons fondamen-
talement religieuses. Lesenseignements primaire et secondaire
d'État ont été institués dans la seconde moitié du xixe siècle
pour les filles, alors qu'ils avaient été créés dès la première
moitié du siècle pour les garçons: une certaine appréhension
du rôle socio-politique des femmes amène àfaire fond sur elles

1. Cités dansla bibliographie.


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en tant que «médiatrices républicaines». Mais qu'il s'agisse


d'en faire des catholiques ou des républicaines, la scolarisation
des filles ne saurait alors avoir pour objectif majeur de
favoriser leur insertion dans le monde du travail, bien au
contraire. Lesfemmes, mêmescolarisées, doivent rester «àleur
place» et si possible «au foyer».
La mise en système des institutions scolaires sous la
VeRépublique, la généralisation institutionnelle de la mixité,
le développement plus rapide de la scolarisation des jeunes
filles par rapport auxjeunes gens(mêmes'il leur reste àinvestir
les bastions scolairement et socialement les plus prestigieux),
la liaison de plus en plus marquée entre la formation et
l'emploi, ont pour effet un déplacement majeur des enjeux. La
problématique de la scolarisation des filles est désormais
dominée par le souci de l'insertion professionnelle. C'est le
signe d une profonde évolution où la place même des femmes
(dans et par la scolarisation) est de fait mise en question.
Le sens dominant de la scolarisation des filles a donc
profondément changé. Saplace relative par rapport àcelle des
garçons aussi. De l'Ancien Régime à la IVe République, la
scolarisation des filles est manifestement et explicitement
différente de celle des garçons; il est patent qu'elle est .
qualitativement et quantitativement inférieure à la leur. Le
simple fait que la sous-scolarisation (voire la sur-scolarisation)
des jeunes filles par rapport aux jeunes gens soit maintenant
posée comme un problème complexe donne la mesure des
changements intervenus ou en cours2.
Si on s'en tient aux grands indicateurs, l'avancée et l'avance
des filles sont indéniables. Mais leur investissement des secteurs
scolairement et socialement les plus prestigieux semble encore
limité, m ê m e si leurs positions tendent à s améliorer (de façon
non linéaire d'ailleurs). À cet égard, le diagnostic et le
pronostic doivent être réservés. Il n'appartient pas aux
historiens mais à l'Histoire de trancher.

2. Ceci explique aussi que nous avons été amenés —pour la dernière période
—à multiplier les indicateurs, à tenter d'apprécier la valeur qu'on pouvait leur
accorder. Aurisque de lasser le lecteur, nous avons donc été conduits àmultiplier
les données et les traitements statistiques.
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PREMIÈRE PARTIE

A v a n t l ' É c o l e d ' É t a t
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1. SOUSL'ANCIEN RÉGIME
L'École ne commence pas avec l'École républicaine; celle
des filles pas davantage que celle des garçons, même si les
républicains de la IIIe République lui ont porté une attention
singulière.
L'éducation desfilles acertes été élevée au rang des affaires
d'État plus tardivement que celle desgarçons (dans la première
moitié du xixe siècle pour les uns; dans la seconde moitié pour
les autres). Mais, bien avant que l'État légifère en la matière,
elles ont été éduquées dans la famille ou dans les institutions
d'Église. «L'historiographie de l'éducation sous l'Ancien
Régime perçoit désormais les institutions et les pratiques de
formation avectout leur ancrage social, inscrites dansl'histoire
de la culture et des mentalités comme dans celle de la vie
familiale et privée1.»
LeMoyenÂge lui-même n'avait pasignoré l'école ; mais les
écoles monastiques, presbytérales oucapitulaires restent long-
1. M. Sonnet, L'Éducation des filles au temps des Lumières, Paris, les Éditions du
Cerf, 1987, p. 13. Nous devons beaucoup à ce livre, qui a renouvelé l'approche et
la connaissance de la période concernée, cantonnées jusqu'alors à l'analyse des
textes pédagogiques des grandes figures de l'éducation des filles ou à l'étude des
textes normatifs. Il n'en reste pas moins que l'appréhension des institutions
scolaires féminines est encore lacunaire, d'autant que le travail de Martine Sonnet
—magistral —se limite à Paris.
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temps l'apanage des clercs ou des futurs clercs. Le démarrage


décisif de la scolarisation —des filles en particulier —vient
dela Réformeprotestante et dela Contre-Réforme catholique.

L'impulsion dela Réforme


et dela Contre-Réforme
Enfaisant dela lecture individuelle dela Bible une exigence
fondamentale, Luther et Calvin induisent la nécessité pour
chaque fidèle d'un minimum d'instruction, à acquérir dès
l'enfance (alors que, dans la majorité des cas, les parents ne
disposent ni du temps ni de la compétence nécessaires pour
s'occuper de cette tâche complexe). Dès 1524, Luther lance un
«Appel aux magistrats de toutes les villes allemandes pour les
inviter àouvrir et à entretenir des écoles chrétiennes». Calvin
se fait un ardent propagandiste de la scolarisation. «Cette
multiplication des écoles en terre huguenote est bientôt
considérée par les autorités de l'Église romaine comme une
leçon et undéfi [...] Ainsi, qu'elle soit calviniste oucatholique,
l'école est d'abord un instrument d'éducation religieuse [...]
L'école constitue une arme essentielle dans l'œuvre
d'"extirpation de l'hérésie" entreprise avant et après la
révocation de l'édit de Nantes (en 1685): dans les diocèses où
les minorités protestantes sont importantes, les évêques consi-
dèrent qu'elle est le seul moyen efficace pour arracher les
enfants des des"nouveauxconvertis " àl'influence "pernicieuse "
de leurs parents 2. »
Le pouvoir royal soutient les catholiques par l'édit de
Châteaubriant de 1551: seuls les catholiques sont autorisés à

2. F. Lebrun, J. Queniart et M. Venard, Histoire générale de l'enseignement et de


l'éducation en France, Tome II, «De Gutenberg aux Lumières», Paris, Librairie de
France, 1981, p. 628.
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tenir école. En 1560, l'ordonnance d'Orléans amplifie l'action


des évêques en imposant à chaque chapitre cathédral ou
collégial de consacrer une partie de ses revenus au financement
d'une école. Les déclarations royales stipulent que les maîtres
sont soumis aux curés qui «doivent veiller avec une attention
particulière sur l'instruction». A vrai dire, les textes royaux
n'ont pas pour objet de créer une dynamique nationale
d'obligation scolaire : s'il est énoncé que des écoles doivent être
établies, c'est «autant qu'il sera possible »et «nommément pour
les enfants dont les pères et mères ont fait profession de ladite
religion prétendue réformée ». L'intervention royale se déploie
en raison de la politique de Contre-Réforme.
Comme le note avec force Martine Sonnet3: «Déjà sensible
avec l'émergence des écoles paroissiales de charité vers 1650,
la dette de l'instruction féminine envers le mouvement de
Réforme catholique post-tridentin se dessine avec plus d'évi-
dence encore à travers les dates de fondation des communautés
religieuses féminines enseignantes dans la capitale. Celles qui
fonctionnent au XVIIIe siècle se sont presque toutes installées au
siècle précédent.» Alors que le XVIIIe siècle n'est pas avare de
discours et de projets au sujet des écoles de filles, et bien qu'il
multiplie les mises en garde ou les déplorations quant aux
orientations et à la médiocrité des formations proposées au
«deuxième sexe», les hommes des Lumières n'ont guère
concrétisé leurs conceptions (contrairement à ceux de la
Contre-Réforme). Sept nouvelles institutions pourjeunes filles
sont ouvertes à Paris au XVIIIe siècle contre cinquante-sept au
XVIIe. On saisit là l'influence déterminante ae la Contre-
Réforme dans l'instauration significative des institutions sco-
laires féminines sous l'Ancien Régime.
L'enjeu est essentiellement d'ordre religieux; il transparaît
nettement, par-delà la diversité institutionnelle et sociale des
écoles de filles, dans la place accordée à l'éducation religieuse
relativement aux savoirs profanes.

3. Op. cit., p. 38.


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RÈGLEMENT ET MÉTHODES POUR LES ÉCOLES4

Enpremière classe:
Les enfants qui commencent, auxquels on enseignera à prier Dieu, les
principaux mystères, les éléments du catéchisme, à connaître les lettres
et à épeler.

En deuxième classe:
Les enfants qui commencent à lire et auxquels on enseignera le
catéchisme ; surtout les sacrements, et les prières avant et après le repas,
avant le travail et la lecture spirituelle; celles qu'ils doivent faire pour
leurs parents, dans la tentation et en entrant dans l'église [...] On leur
apprendra à bien lire en français, puis en latin.

En troisième classe:
Ceux qui savent lire, et il y aura deux sortes de leçons ;l'une àapprendre
par cœur, comme les maximes chrétiennes, les Épîtres et Évangile,
l'abrégé de l'Histoire de la Bible: et les enfants emporteront ces livres
chez eux. L'autre des livres qu'ils liront à l'école et ceux-là y resteront.
On enseignera dans cette classe à écrire.

Letableau dressé parMartine Sonnetsurlanature deslivres


saisis dans les classes buissonnières5, le recensement des
ouvrages en place dans les bibliothèques, tout laisse à penser
que «l'
dans lainstruction religieuse».s'affiche comme quasi exclusive
formation féminine

4. Le «Règlement et méthodes pour les écoles» paraît à Paris, chez Muguet, en


1709. Les écoles des paroisses s'y rallient massivement.
5. Op. cit., p. 224. Les «écoles buissonnières» sont des écoles dépourvues
d'autorisation. Ces classes, ouvertes dans l'illégalité par des particuliers, fonction-
nentjusqu'à ce que les autorités scolaires de la cathédrale les repèrent et mettent
fin à leurs activités, protégeant ainsi leur monopole. Les procès-verbaux dressés
lors des saisies sont des sources d'archives précieuses.
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«Dans l'instruction religieuse de leurs écolières, les institu-


teurs investissent la plus grande part de leur ambition, de leur
énergie et de leur autorité. Les programmes d'enseignement,
après avoir longuement défini et balisé les apprentissages de la
piété, s'achèvent généralement par un laconique: "On leur
montrera aussi àlire et à écrire. ' Les savoirs profanes passent
toujours après ceux de la religion6.» L'apprentissage religieux
emprunte quatre voies principales: la prière (qui scande le
travail scolaire), la connaissance des textes sacrés, l'assistance
à la messe, la préparation à la première communion (temps fort
de l'éducation féminine et moment privilégié de leur scolari-
sation).

6. L'Éducation desfilles autemps desLumières, op. cit., p. 240.


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Diversification sociale
de l'instruction desfilles
Mais cette éducation religieuse se décline différenunent
selon les institutions scolaires et leurs clientèles socialement
diversifiées. Les maisons qui accueillent des pensionnaires
payantes instruisent «à la religion et piété catholique, à lire et
à écrire, à travailler en diverses sortes d'ouvrages propres à des
filles bien nées7», tandis que les écolières externes reçues
gratuitement dans d'autres institutions sont formées «à la foi,
à gagner leur vie, à lire et à écrire8». L'instruction religieuse
est donnée aux pensionnaires selon un éclairage savant, alors
que pour les autres il s'agit de s'accorder à une simple croyance.
Par ailleurs, l'ordre des priorités entre l'alphabétisation et le
travail manuel (lui-même conçu différemment) s'inverse des
unes aux autres.
La lecture, instrument au service de la formation religieuse
(et au principe du développement même de la scolarisation lors
de la Réforme et de la Contre-Réforme), entre dans tous les
programmes d'enseignement. L'apprentissage de l'écriture est
dissocié de celui de la lecture : il le suit dans la plupart des cas ;
mais tous les établissements ne l'enseignent pas (faute d'un
temps de scolarisation suffisant pour certaines catégories
d'élèves ou, parfois, en raison de l'incompétence du personnel
- enseignant). Certaines institutions et certaines élèves appren-
nent à compter; les plus huppées peuvent se hausser aux arts
d'agrément. Mais en définitive, même à Paris, le lot commun
des écolières se limite à l'instruction religieuse, à l'alphabéti-
sation et aux travaux d'aiguille.
Les travaux d'aiguille existent aussi bien à l'école populaire
qu'au couvent. Ils manifestent une première spécification de
1école de filles. Cette spécificité est également modulée en

7. Usages desreligieuses dela congrégation Notre-Dame, Châlons, Seneuse, 1690.


8. Établissements desservis par les Filles de la Charité, paroisse Saint-Louis-en-l'Ile,
A.N.S. 61 60.
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raison de l'origine sociale de la clientèle des diverses institu-


tions et de leur statut futur souhaitable: les institutions
scolaires charitables s'emploient à faire acquérir aux filles un
savoir professionnel susceptible de leur assurer une subsistance
gagnée «honnêtement» à l'issue de leur scolarité; les grands
pensionnats comprennent ces apprentissages comme une pré-
paration aux tâches de responsabilité des grandes maisons, et
aussi comme un instrument d'édification. «Les périphrases
auxquelles recourent les institutions charitables pour désigner
les activités manuelles reflètent la façon dont les initiations
sont choisies dans le registre des métiers. Il est question tour
à tour de "tous les ouvrages convenables à leur sexe et à leur
état " (Sainte-Anne), de"métiers defemmes" (Sainte-Agnès),
d'" ouvrages convenables à leur sexe" (Saint-Gervais) [...] ae
"métiers convenables suivant leur sexe et état" (Saint-
Sulpice), de "toutes les petites sciences qui peuvent convenir
à des filles " (Orphelines de l'Enfant-Jésus). La spécificité
sexuelle féminine de la tâche s'impose en premier lieu; puis sa
"petitesse", c'est-à-dire son adaptation aux aptitudes enfan-
tines; enfin la cohérence du métier avec l'état —entendu
comme l'origine sociale —des filles9.»

Diversification desscolarisations
masculineetféminine
Cependant la différenciation principale entre la scolarisa-
tion des filles et celle des garçons n'est pas là, mais réside dans
sa durée —beaucoup plus courte pour elles que pour eux —
ce qui n'est pas sans conséquences sur la nature des apprentis-
sages et leurs modalités.

9. L'Éducation desfilles autemps desLumières, op. cit., p. 251.


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Commele montre le tableau ci-contre10, la durée duséjour


desfilles enpensionnatest généralementd'une oudeuxannées
seulementet dépasse rarement quatre ans; àl'inverse celle des
garçons est le plus souvent de trois àhuit années.
La plupart des garçons pensionnaires peuvent suivre des
cursus totaux ou partiels cohérents (classes élémentaires,
classes de grammaire, classes d'humanités); il en va très
différemment pour les filles pensionnaires (c'est-à-dire pour
des filles —il y alieu de le noter —qui appartiennent aux
milieux socialement et culturellement privilégiés).
Par ailleurs, les rythmes d'entrée en pensionnat diffèrent
pourlesfilles etlesgarçons. Lesflux d'entrées masculines sont
très forts àl'automne et importants après Pâques: ils scandent
des temps scolaires marqués; les flux d'entrées féminines sont
disperséset distribués sur toute l'année, avecunaccroissement
saisonnier sensible lié significativement au sacrement de la
première communion.
L'étude menéeparMartine Sonnetsur 1075séjours defilles
dans sept internats différents deParis —entre 1704et 1792—
montreque35%d'entre ellespassentauplusunanaucouvent,
«la retraite préparatoire à la première communion motivant
leur placement11». Enmoins ae deux ans, une forte majorité
de filles (58,6%)terminent leur scolarité.
Cesscolarités rapides, les entrées àtout momentdel'année,
les retraites pour la communion, rendent très difficile une
instruction coordonnée et suivie. Contrairement aux garçons
pensionnaires qui ont une scolarité ordonnée en un cursus
effectif, onnepeutparler (ausensstrict) devéritable scolarité
pour les filles (même pour celles de statut social élevé).
D'autant, commele souligne Martine Sonnet, que «l'habitude
d'arriver à dix ou onze ans montre que l'approche de la
première communion aiguise le souci éducatifdes familles et
que la formation religieuse conditionne l'éducation géné-
rale 12 ».

10. Emprunté à l 'Atlas delaRévolutionfrançaise, Tome 2, «L'enseignement. 1760-


1815», volume publié sous la direction de DominiqueJulia, Éditions de l'École des
hautes études en sciences sociales, Paris, 1987, p. 60.
11. Op. cit., p. 201.
12. Op. cit., p. 197.
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Dansles «petites écoles»externes —surtout les gratuites —,


les intérêts financiers ne sauraientjouer le mêmerôle que dans
les maisons d'éducation (sensibles aux grosses pensions à
recevoir ou à décliner): les «petites écoles» peuvent, dans une
certaine mesure, dicter un calendrier scolaire, voire des âges
d'entrée.
Les écoles gratuites s'ouvrent aux petites filles qui ont
atteint un «âge de raison» jugé nécessaire à la réception du
savoir: entre cinq et huit ans selon les institutions, paroissiales
ou congréganistes.
Lesprocès-verbaux qui sanctionnentles écoles buissonnières
permettent d'appréhender plus précisément l'âge des élèves,
les différences de distribution qui existent entre les écoles de
garçons et celles de filles13.
DISPERSION DESÂGESDANSLESÉCOLESBUISSONNIÈRES
Nombred'écoles représentées par âge

13. Atlas dela Révolutionfrançaise, op. cit., p. 21.


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D'après les textes mêmes qui régissent le déroulement des


scolarités dans les externats gratuits, la durée de scolarisation
est aussi rapide dans les écoles paroissiales oules petites écoles
que dans les pensions: deux à trois ans au maximum pour la
plupart à Paris même (sans doute pourtant en avance sur la
province). Au xvine siècle, en deux années souvent, les
écolières franchissent les trois paliers du savoir défini par les
textes normatifs(le fonctionnement dela petite école d'Ancien
Régime n'assigne pas une année à chaque «classe» à suivre:
chaqueécolière progresse àsonrythme, selonsescapacités, son
assiduité, son travail).
En définitive, «entre les apprentissages de la lecture, de
l'écriture ou du calcul proposés aux filles et aux garçons, ce
sont moins les méthodes qui changent que l'accomplissement
de parcours inachevés ou menés à terme. Les filles, accordant
moins de temps que leurs frères à l'acquisition des savoirs
fondamentaux, atteignent plus rarement qu'eux le degré de
maîtrise totale deces sciences [...] Les rudiments de lecture et
d'écriture montrés aux filles par leurs maîtresses doivent être
cultivés hors de l'école, sans quoi ils s'oublient. Les filles du
peuple sont évidemment les premières à faire les frais d'un
enseignement fondamental inabouti. Onest toujours pressé de
leur ôter le livre ou la plume des mains pour y substituer le fil
et les aiguilles14».
Il y a lieu de souligner en effet que le marché de la
scolarisation des filles est très diversifié, tant ducôté des offres
de scolarité que du côté des clientèles (très hétérogènes
socialement et culturellement). AParis, les «écoles decharité»
— gratuites — ne reçoivent pas les plus démunies (qui
n'accèdent pas àl'instruction), mais les pauvres qui travaillent
«honnêtement»: les filles demanouvriers, revendeuses, coutu-
rières, blanchisseuses, fruitières, fripiers, merciers et tailleurs.
Les petites écoles payantes qui relèvent de la juridiction du
Chantre accueillent les filles de marchands et d'aubergistes,
d'artisans (où dominent les secteurs dynamiques du textile, de
l'ameublement et dubâtiment). Al'autre extrémité du spectre
14. LÉducation desfilles au temps desLumières, op. cit., pp. 250-251.
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social se situe la fine fleur des pensions, elles-mêmes diversi-


fiées selon l'origine sociale de leur clientèle: pour les grandes
familles les abbayes de Port-Royal ou de l'Abbaye-au-Bois, les
maisons des bénédictines ou des visitandines ; les ursulines de
la rue Saint-Avoye pour un public majoritairement bour-
geois15. Les écoles de charité et tous les établissements gratuits
reçoivent environ les deux tiers de la population féminine
scolarisée ; les écoles payantes accueillent l'autre tiers (qui peut
verser de 30 à 40 livres pour les petites écoles du Chantre, ou
de 100 à 1000 livres pour les pensions)16.
Martine Sonnet révèle par ailleurs la remarquable homolo-
gie sociale qui rapproche enseignantes et enseignées. «Le
monde des enseignantes, calqué sur celui des écolières, reflète
ses contrastes. Chaque élève rejoignant un banc qui l'attend,
aux écoles du peuple aussi bien qu'à celles du beau monde,
rejoint en même temps une maîtresse qui lui ressemble17.»
En effet, les dots exigées des religieuses induisent une stricte
hiérarchie sociale selon les maisons d'éducation, et l'éventail
des prix de pensions provoque une différenciation équivalente.
Les visitandines, ou les cisterciennes de l'Abbaye-aux-Bois,
appartiennent aux plus hautes familles du royaume ; les
ursulines de la rue Saint-Avoye ou les religieuses de la
congrégation Notre-Dame sont issues de la petite noblesse
d'offices ou de la bourgeoisie du commerce ; les filles de Sainte-
Geneviève qui tiennent un externat gratuit viennent de la
boutique ou de l'échoppe.

15. Cf. le remarquable tableau sociologique dressé par Martine Sonnet, op. cit.,
p. 90.
16. Lapension est enmoyenne de400livres à Paris, dumêmeordre de grandeur
quecelles desgarçons; le salaire annuel moyend'un ouvrier est alors de300livres...
17. Op. cit., p. 100.
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L'horreurdesmélangeset dela mixité


Une certaine «horreur des mélanges», d'une façon plus
générale, se manifeste avec beaucoup d'acuité. «L'éducation
des filles ne se pratique qu'entre soi, dans des classes dont un
système élaboré de ségrégations tente d'homogénéiser le
public18»(selonle sexe, l'âge, les conditions). ASainte-Anne,
par exemple, le souci de ne pas faire voisiner sur les mêmes
bancs des filles d'âges et de conditions sociales différents
apparaît lors mêmedel'assistance quotidienne àla messe.
«Pourlesfillesdutravailquisontfortgrandes,etcellesdontlesparents
sontd'uneconditiondistinguéeet nesouffriraient pasqueleurs filles
allassentàlamesseaveclespauvres,lesmaîtressesdetravailferonttous
leurs efforts afin qu'elesl'entendent touslesjours avant8heuresou
lesenverrontà11heuresaveclesplussages19.»
La communauté Sainte-Agnès apprend à lire à toutes ses
écolières, aussibiencelles desonexternat gratuit quecelles de
son internat payant; mais elle réserve l'apprentissage de
l'écriture aux pensionnaires —de conditions sociales plus
élevées. Il yadeux types de classes, manifestés explicitement
dans l'emploi dutemps:
«Onferapasserlajournéedelamanièrequiaétéditepourlesexternes;
il yauraseulementcette différence qu'onemploieraplusdetempsà
faire lire les internes et aussi qu'on leur apprendra à écrire 2°. »

Martine Sonnet
fondamentaux précise
du côté deque le temps
l'école gagné est
charitable sur les savoirs
investi au
bénéfice des
la maison21. travaux manuels qui soutiennent financièrement
18. L'Éducationdesfilles autempsdesLumières, p. 144.
19. Règlementsdela communautédesFiles deSainte-Anneétabliespourl'instruction des
pMazarine.
auvres filles de la paroisse Saint-Roch à Paris, 1698, f° 374-375, manuscrit, bibl.
25620.
7. Règlementspour lacommunautédeSainte-Agnès, Bibliothèque de l'Arsenal ms
21. Op. cit., p. 241.
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Même les écoles charitables, lorsqu'elles accueillent des


élèves issues de milieu sociaux plus élevés que ceux pour
lesquelles elles ont été créées, classifient et discriminent dans
le souci de préserver du contact des plus indigentes. Les
maîtresses des classes charitables, chez les ursulines, doivent:
«prendregardedenepasmettrelesfillesdeconditionprochesdesplus
pauvresetmalpropres,pournepointleurdonnerdedégoût;cequ'eles
ferontpourtantavecdiscrétion:afinquelespauvresnesecroientpas
méprisées 22».

Lemélangele plusredouté, entout casle pluscondamnépar


les autorités religieuses, est la mixité des filles et des garçons
à l'école. Comme le soulignent François Furet et Jacques
Ozouf23: «C'est plus qu'une règle: une obsession. Dans les
statuts synodaux, la recommandation est constante, tirée des
autorités
France.»les plus hautes, les conciles de l'Eglise et les rois de
La réitération de cette condamnation tout au long des
XVIe et XVIIe siècles donne à penser que cette prescription
n'était pas toujours respectée: l'offre d'école inégale et
insuffisante du côté féminin conduisait —de façon certes
limitée, mais effective —auplacement decertaines écolières
dans des écoles de garçons. Onen possède d'ailleurs quelques
preuves, même si l'on ne peut mesurer l'étendue de la
transgression. Untarif d'amende existe: pris enflagrant délit
de «mélange des sexes», le maître oula maîtresse est passible
d'un débours de 5à 25livres. L'évêque d'Amiens fait état de
«désordres dans les petites escolles, par la communicationdes
filles etdesgarçonsquiyestaientconfusémentadmis24».Enfin,
commel'écrivent F. Furet etJ. Ozouf, «que la mixité ait été,
malgré les règlements, parfois pratiquée dans les écoles du
22. Règlements des religieuses ursulines de la congrégation de Paris, Paris, Josse, 1705;
livre I, 2e partie, «Des écolières externes», chapitre III.
23. Lire et écrire. L'alphabétisation des Français de Calvin àJules Ferry, Paris, Les
Éditions de Minuit, 1977, p. 84.
24. «Lettre relative aux écoles du diocèse d'Amiens, 1641»in Actesdelaprovince
ecclésiastique deReims, 1842-1844.
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royaume, on le déduit de certains progrès spectaculaires de


l'alphabétisation féminine, sans qu'il y ait multiplication des
écoles de filles, comme dans la Normandie du XVIIIe siècle25».
ORDONNANCES ET RÈGLEMENTS SYNODAUX
POUR LE DIOCÈSE DE LA ROCHELLE
(1711)
«Selon les décrets des Conciles, les Lettres de Louis XIII d'heureuse
mémoire, les Déclarations des Rois et les Arrêts des Cours supérieures,
nous défendons aux Maîtres d'école d'enseigner des filles avec des
garçons, et de les recevoir en une même École, sous quelque prétexte
que ce soit; et aux Maîtresses d'école, d'enseigner des garçons avec des
filles [...]
Les Écoles des garçons ne seront tenues que par des hommes; et les filles
seront instruites dans une École séparée par quelques filles ou femmes
de piété [...]
Nous défendons pareillement à tous Maîtres d'École d'entreprendre
sous quelque prétexte que ce soit d'enseigner sans notre permission
aucune fille dans les maisons particulières; ce que nous n'accorderons
que très difficilement, et à condition que le Père ou la Mère ou
quelqu'autre personne de vertu reconnue seront présentes quand le
Maître fera l'instruction. »

ORDONNANCE PORTANT DÉFENSES ÀTOUS


MAÎTRES D'ÉCOLE DE RECEVOIR AUCUNES FILLES
EN LEURSÉCOLES ETAUXMAÎTRESSES AUCUNS GARÇONS
«Nousdéfendons très expressément sous les peines qui ysont portées :
savoir, d'excommunication, et autres de droit, à tous maîtres d'école
de notre Diocèse, de recevoir en leurs écoles aucune fille, et aux
maîtresses d'y recevoir aucun garçon. Et enjoignons sous lesdites peines
auxdits maîtres de renvoyer les filles, et aux maîtresses de renvoyer les
garçons, dans trois jours après la publication du présent règlement.
Nous ordonnons sous les mêmespeines aux Pères et aux Mères de retirer
leurs enfants dans ledit temps, c'est à savoir les garçons des écoles de
filles, et les filles des écoles de garçons26.»

25. Op. cit., p. 85.


26. Anciens statuts, ordonnances et règlement des petites écoles de lecture, écriture,
arithmétique etgrammaire [...], Paris, Thiboust, 1747, pp. 36-37.
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Delapuretédesfilles et deséducatrices
Le plus important, dans cette règle édictée, réside moins
dans son application pratique (parfois limitée) que dans la
conception éducative qu'elle implique. «La non-mixité de
l'école et la ségrégation des femmesjusqu'au mariage ne sont
que des aspects de cette œuvre inlassablement pédagogique que
mène l'Église de la Contre-Réforme pour effacer au monde de
la culture les objets sexuels27.» D'autant qu'il ne saurait être
question pour les filles d'en rester au seul «redressement28» du
corps; encore faut-il qu'il soit «sublimé» et que les filles
respirent en toute circonstance la modestie et la décence.
Comme l'écrit Martine Sonnet, «le corps façonné doit être un
corps pur, sans quoi son éducation perd toute valeur [...] Le
jeune corps féminin, incontournable objet, suscite une grande
part des ambitions, des craintes et des obsessions des pédago-
gues. Il faut dépouiller la petite fille des derniers oripeaux
d'Ève, avant de neutraliser les manifestations physiques déran-
geantes de sa féminité par un strict façonnage, à défaut de
pouvoir les gommer tout à fait. Les images du corps émaillant
les textes réglementaires illustrent samaintenance alimentaire,
thérapeutique et hygiénique, sa discipline et son modelage
quotidien, aussi bien que sa sublimation par la prière ou le
châtiment [...] Inculcation plutôt qu'éducation, car les prin-
cipes défendus confinent à 1interdit et à la négation, jamais à
l'épanouissement29». Rien ne témoigne mieux de la «sublima-
tion» nécessaire du corps féminin que la Conduite chrétienne ou
Formulaire de prières à l'usage des pensionnaires des religieuses
ursulines30. Chaque geste est exalté et transposé par un
symbolisme religieux précis et adapté.
27. Lire et écrire, op. cit., p. 86.
28. Cf. la très belle étude de Georges Vigarello, Le Corps redressé, histoire d'un
pouvoir pédagogique, Paris, Delarge, 1978; en particulier le chapitre II: «Une
pédagogie traditionnelle. »
29. Op. cit., pp. 150et 157.
30. 2e édition, Châlons, Claude Bouchard, 1734. Cet ouvrage connaît un très
grand succès dans les milieux éducatifs féminins, en dehors même de l ordre des
ursulines ; il est réédité au xixe siècle.
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Ensechaussant:
Seigneur montrez-moi vos voies et enseignez-moi vos sentiers. Que
votre parole soit la lampequiéclaire mespaset la lumière qui luisedans
les sentiers oùje marche, afin queje ne vous offense point. 0 queje
souhaite que mes voies soient réglées d'une telle sorte qu'elles tendent
toutes àl'observation de vos commandements! [...]
Enmettant leurceinture:
Ceignez mesreins, ôJésus, de la vertu depureté et de chasteté, comme
d'une ceinture qui m'environne, afin queje puisse courir légèrement
dans la voie de vos saints commandements. [...]
Ensecoiffant:
Je coiffe et orne mon chef; et le vôtre, mon Sauveur, a été couronné
d'épines; je vous supplie très humblement de blesser mon cœur de
l'épine d'une vraie contrition et que toutes mes pensées n'aient autre
fin que vous [...]
Enlavant leurs mains:
Que le sang et l'eau qui sortirent de votre précieux côté, ôbonJésus,
lavent les souillures de mon âme.

La petite fille, la femme, sont des mères virtuelles. Il s'agit


d'en faire des mères qui aient gardé leur innocence : la figure
de Marie, la Contre-Réforme, structurent cette éducation,
cette idéalisation.
L'horreur des péchés, «particulièrement de ceux qui sont
opposés à la pureté31», est davantage souligné dans les devoirs
dévolus aux maîtresses d'école que dans ceux des maîtres. La
mission éducative elle-même est conçue comme une sublima-
tion de la maternité. Les règlements suggèrent aux sœurs de
se substituer aux mères de leurs élèves ; les sœurs «tiennent la
place des mères»; c'est «la qualité de mère qu'elles exercent ».
Selon Martine Sonnet, «l'amour maternel sollicité des maî-
tresses cache une dépossession: la bonne mère enseignante
enlève sa fille à la mauvaise mère nourricière32 [...] L'activité
pédagogique résout l'équation impossible entre la figure de la
31. Règlementpourlaconduitedesmaîtressesd'écoledudiocèsedeChâlons,Châlons, 1693.
32. Dans l'appréhension de «l'ignorance» ou de «l'impuissance» des familles,
comme dans le redressement et la purification à accomplir des écolières, se révèle
le pessimisme catholique —notamment celui de la Contre-Réforme —fondé sur
la conception d'une nature humaine corrompue.
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Vierge et celle de la mère. Les enseignantes gardent la


perfection de leur virginité en vivant une maternité sublimée
et désincarnée; elles se font mères de leurs élèves, "ce qui
rendra leur virginité féconde devant Dieu, de qui elles sont les
épouses"33». La plupart des enseignantes laïques des écoles
buissonnières elles-mêmes34, ainsi que la plupart des ensei-
gnantes engagées dans les petites écoles du Chantre35 sont des
célibataires.
Dans les congrégations féminines, les textes institutionnels
exaltent le rôle del'enseignante :vouer savie àl'éducation des
filles paraît être le meilleur choix pour assurer son salut:
«Il semble que Dieu a approuvé l'emploi de ces maîtresses par des
marques évidentes desa protection toute singulière, ence quecelles
d'entre elles, qu'il ajusqu'à présentretiréesàlui, sonttoutesmortesen
très bonne odeur, avec des témoignages sensibles de leur bonheur
éternel36. »

Il va de soi que gagner son paradis dans l'accomplissement


decemétier implique d'avoir été exemplaire, et s'accompagne
des qualités morales et professionnelles requises. Martine
Sonnet, en analysant les règlements et constitutions des
congrégations parisiennes en charge de l'enseignement fémi-
nin, a pu dresser la liste prioritaire des attributs souhaités les
plus souvent mentionnés: la charité, la patience, la douceur;
l'adresse, la capacité, la méthode; la prudence et la modestie.
Les qualités professionnelles sont encadrées par des qualités
morales, qui finalement dominent et éclairent les choix
éducatifs prononcés.

33. Op. cit., p. 129. La fin de la citation est extraite des «Constitutions du
monastère de Port-Royal».
34. Les 94 procès qui leur sont intentés révèlent qu'il y a eu 54 demoiselles
condamnées contre 10veuves et 20 épouses seulement.
35. 226 demoiselles sur 329, soit 69 % (contre 24 % de femmes mariées);
L'Éducation desfilles au tempsdesLumières, p. 104.
36. Mémoireinstructifpourfaire connaître l'utilité desécoles charitables du Saint-Enfant-
Jésus, Paris, F. Le Cointe, 1685, p. 4.
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En définitive, comme le souligne Michel Rouche dans sa


préface au livre de Martine Sonnet37: «Vouée aux tâches de
reproduction, d'entretien et de transmission des us et coutumes
familiers, des vérités et des savoirs élémentaires et fondamen-
taux, la femme reste avant tout mère éducatrice, épouse et
génitrice, et doit être formée pour cela. L'école parisienne s'y
emploie avec des méthodes d'apprentissage qu imprègne en
profondeur une vision théologique, augustinienne, dévalori-
sante du beau sexe. C'est sans doute ce qui contribue à
accentuer l'aspect quelque peu désordonné du cursus féminin
si on le compare àcelui des garçons [...] Bref, l'école des filles :
une autre éducation. Les valeurs essentielles y sont celles de la
société religieuse et holiste38, celle de l'inégalité de tous et de
la plus grande inégalité des femmes. »

Les «Lumières»: principes et réalités


Or, précisément, la question de l'éducation féminine débat-
tue par les philosophes des Lumières est centrée sur le principe
d'égalité appliqué au cas particulier des relations entre les
sexes. La réponse n'est pas évidente; et il est significatif que
les prises de position en faveur de la liberté et ae l'égalité se
clivent lorsqu'il s'agit du statut de la femme dans la société.
Comme le remarque Georges Snyders39, «si nous envisa-
geons, non pas directement les conduites, mais le plan
idéologique, les affirmations et les espoirs des philosophes et
des écrivains, nous sommes frappés par l'insistance avec
laquelle ils veulent placer les deux époux sur un pied d'égalité,
l'affirmation véhémente que la femme n'est nullement infé-
rieure à l'homme, qu'il n'existe aucune loi naturelle qui
37. Op. cit., p. 10.
38. Du grec holos, tout entier. «Holisme»: théorie d'après laquelle le tout est
quelque chose de plus que la somme de ses parties.
39. LaPédagogieenFranceaux xVIJfet XVIIesiècles, Paris, P.U.F., 1965, p. 310.
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FRANÇOISE • LELIÈVRE CLAUDE • LELIÈVRE
Professeur de lettres. Agrégé dephilosophie,
Déléguée régionale aux professeur d'histoire de
Droits desfemmes en l'éducation à l'univer-
Picardie. sité René Descartes
(Sorbonne - Sciences de
l'éducation). Membre
de l'équipe de sociologie
de l'éducation associée
au CNRS.

Histoire de la scolarisation desfilles


La scolarisation des filles débute vraiment après la Contre-Réforme, pour des
raisons essentiellement religieuses. La Révolution française et la IIIe République
veulent, par le biais de l'enseignement, faire jouer à la femme un rôle de
«médiatrice républicaine ». La Ve République, à ses débuts, généralise enfin la
mixité des institutions scolaires.
Aujourd'hui où en est-on? La scolarisation des filles est plus développée que
celle des garçons. Mais dans quelles filières ?Quels sont les bastions qui résistent
encore auxjeunes filles ?Et surtout qu'en est-il de leur insertion professionnelle ?

REPÈRES - PÉDAGOGIQUES
• Nul ne le conteste aujourd'hui : . De notre capacité àformer lesjeunes
l'Education constitue l'un des grands de notre temps dépendra leur capacité à
enjeux de ce tournant de siècle. mieux construire leur devenir.
• Face à cette tâche considérable, quifait
d'ailleurs la grandeur de sa mission,
l'éducateur doit poursuivre lui-même sa
formation.
• La collection Repères pédagogiques a
été conçue pour l'y aider. Les ouvrages
qui la composent sont autant d'outils pour
mieux comprendre des moments de
l'histoire, des domaines de savoirs, des
questions et débats qui concernent tout
formateur.
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