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HGGSP 6 : L’ENJEU DE LA CONNAISSANCE

AXE 1 PRODUIRE ET DIFFUSER DES CONNAISSANCES

Introduction : « Je suis l’un de ceux qui pensent comme le Nobel, que l’humanité tirera plus de bien que du mal de
nouvelles découvertes ». Cette phrase de Marie Curie, physicienne et chimiste française, témoigne de la nécessité pour
les sociétés contemporaines de produire des connaissances. Depuis l’époque moderne, l’accès aux connaissances s’est
lentement ouvert et diffusé aux catégories sociales les plus faibles. Les femmes ont longtemps été exclues de la
diffusion des connaissances. La question du genre reste primordiale dans l’accès aux connaissances, dans un monde
marqué par de profondes inégalités.
Problématique : Pourquoi la production et la diffusion des connaissances sont-elles des enjeux majeurs de
développement pour les sociétés ?

I. Accéder à la connaissance : l’alphabétisation des femmes du XVIe s à nos


jours.

A. Un accès à la connaissance limité (XVI-XVIIIe s)

La lente mise en place de l’enseignement féminin : A l’époque moderne, l’alphabétisation des filles comme celle des
garçons n’est pas une fonction entre les mains de l’État mais elle appartient au Clergé et à la famille. L’éducation des
filles est alors une éducation pratique, en lien avec le métier occupé par les parents. Ainsi, les jeunes filles qui vivent
chez des commerçants apprennent à compter et à écrire. Le XVIe s voit l’apparition de mouvements qui poussent à
l’éducation des jeunes filles en lien avec l’humanisme : Jean-Louis Vivès publie en 1523 L’instruction de la femme
chrétienne, Érasme en 1529 (De l’éducation des enfants). Pour eux, les femmes doivent avoir un enseignement
rudimentaire : savoir lire, écrire et surtout apprendre les travaux domestiques. La réforme protestante, en proposant
aux fidèles la Bible en langue vernaculaire, pousse au développement de la lecture et de l’écriture et à l’instruction
des fidèles. L’Église catholique s’empare elle aussi de la question de l’instruction des fidèles et développe des
congrégations qui prennent en charge l’éducation des plus pauvres.
Quelle éducation pour les femmes ? La question du contenu de l’éducation des femmes commence à se poser en
France à la fin du XVIIe s. L’éducation est souvent limitée à la lecture de la Bible et aux tâches domestiques. L’Abbé de
Fleury propose une éducation féminine dans laquelle, outre l’instruction religieuse, on enseigne aux jeunes filles une
grammaire, du droit, de la médecine et des mathématiques simplifiés. En 1687, Fénelon publie De l’éducation des
filles dans lequel il défend l’éducation des filles (« Rien n’est plus négligé que l’éducation des filles »). L’éducation
proposée est plus complète : enseignement religieux et moral, grammaire, mathématiques mais aussi histoire,
littérature, latin, musique et peinture. Madame de Maintenon, favorite de Louis XIV, fonde la Maison royale de Saint-
Cyr et accueille 250 jeunes filles pour y appliquer les principes de Fénelon. Le mouvement des Lumières au XVIIIe s
aborde lui aussi la question. Rousseau et Diderot s’opposent sur l’égalité intellectuelle entre les hommes et les
femmes, le second appelant à une éducation égalitaire.
Les lents progrès de l’alphabétisation : Le nombre d’écoles pour filles augmente largement aux XVII et XVIIIe s en
France, principalement dans les villes et toujours sous l’autorité religieuse. Cependant, l’éducation à domicile reste la
norme et l’éducation des filles est très rudimentaire, basé sur les savoirs considérés comme « utiles ». A la veille de la
révolution française, les inégalités demeurent très fortes : si près des ¾ des hommes peuvent signer leur contrat de
mariage dans le Nord de la France, moins de la moitié des femmes le font. Dans le sud de la France, seule une femme
sur 8 est capable de signer son contrat de mariage.

B. L’état, acteur principal de l’accès à la connaissance (XIXe-XXe s)


Grandes lois sur la scolarisation en France : Avec la révolution française, le rôle de l’état dans l’éducation est affirmé
pour limiter l’influence de l’Église dans la société. Mais le droit à l’éducation des filles donne lieu à de vifs débats.
Quelques rares députés comme Nicolas de Condorcet sont favorables à une éducation égale pour les filles. En 1795,
une première loi affirme le principe d’une école publique dans chaque village, comprenant une classe de filles mais
elle est peu appliquée. Malgré tout, l’instruction féminine reste majoritairement entre les mains de l’Église durant la
période révolutionnaire et sous l’Empire. En 1802, les lycées sont créés mais ils sont réservés aux garçons. La seconde
moitié du XIXe s voit la multiplication des lois permettant une alphabétisation de masse des filles :
- La loi Falloux en 1850 instaure l’obligation pour les communes de plus de 800 habitants de créer une école de
filles.
- La loi Duruy en 1867 baisse le seuil à 500 habitants
- La loi Ferry (1882) reconnaît l’égalité de sexes devant l’instruction. Les filles ont accès à un enseignement
primaire laïc, gratuit et obligatoire.

La lutte pour l’égalité : Si la bataille de l’accès à l’alphabétisation est gagnée en France dès 1882, celle pour l’égalité
reste à mener. En 1880, la loi Camille See institue les collèges et les lycées de jeunes filles. Ils visent à la préparation
de diplômes différents et les jeunes filles ne peuvent pas accéder au baccalauréat, et donc à l’enseignement supérieur,
avant 1924. Elles reçoivent des enseignements spécifiques : cours de travaux à l’aiguille, d’économie domestique et
de morale (à la place de la philosophie). Au début du XXe siècle, la place des institutions religieuses dans l’éducation
féminine est forte. Après la seconde guerre mondiale, la mixité se généralise. Elle est imposée à l'école primaire en
1969. La loi Haby de 1975 créé le collège unique, dans lequel garçons et filles ont le même enseignement.

C. L’accès à la connaissance, un droit humain appliqué inégalement pour les femmes


(XXe-XXIe s)
Un processus inégal : Le droit à l'éducation fait partie des droits humains listés dans la Déclaration universelle des
droits de l'homme faite par l'Organisation des nations unies (ONU) en 1948, et il est aussi mentionné dans
la Convention internationale relative aux droits de l'enfant de 1989. L’alphabétisation des femmes a connu des progrès
très importants au XXe s sous l’impulsion notamment de l’UNESCO, l’organisation des Nations Unies pour l’éducation
et la culture. Le taux d’alphabétisation des femmes entre 15 et 24 ans est passé de 70 % en 1975 à 90 % en 2018. Mais
des inégalités très fortes demeurent. Sur les 750 millions de personnes analphabètes dans le monde, 500 millions sont
des femmes. Les inégalités restent très fortes en Afrique, subsaharienne, en Irak, au Pakistan et en Afghanistan,
particulièrement depuis le retour au pouvoir des talibans.
Alphabétisation et développement : Depuis une vingtaine d’années, l’alphabétisation des femmes stagne pour
plusieurs raisons :
- Des raisons communes aux garçons : guerre, pauvreté, état défaillant et peu d’écoles.
- Des raisons spécifiques : freins religieux, préjugés sexistes et surtout une discrimination genrée : les parents
privilégient l’éducation des garçons car les filles sont vouées à se marier et à quitter rapidement le foyer.

L’alphabétisation des femmes est un enjeu majeur puisqu’il permet d’améliorer directement le développement. Sur
le plan économique, l’alphabétisation permet aux femmes d’accéder aux emplois ce qui signifie recul de la pauvreté
et meilleure autonomie des femmes. L’alphabétisation des femmes a aussi un impact social important, permettant un
meilleur contrôle de la natalité et un recul de la mortalité infantile. L’alphabétisation universelle est un enjeu majeur
de développement et fait partie des objectifs prioritaires fixés par l’Organisation des Nations Unies.

II. Produire de la connaissance : la recherche sur la radioactivité (1896-


années 1950).

A. La découverte de la radioactivité.

La découverte de la radioactivité : La fin du XIXe siècle est marquée par une grande effervescence scientifique,
notamment dans le domaine de la physique. En 1895, Wilhelm Röntgen découvre que les rayons sont capables de
traverser une feuille de papier mais pas les os. Ce sont les rayons X. L’année suivante, le physicien Henri Becquerel
découvre « par hasard » le principe de la radioactivité. Il devient alors un objet majeur de la recherche scientifique.
Le principe de la radioactivité : La radioactivité est naturelle et est présente partout dans l’univers. Son principe est
simple : des noyaux d’atome instables se transforment spontanément en d’autres atomes plus stables. Durant cette
transformation, ils perdent une partie de leurs particules de matières sous forme de rayonnements. Ce sont les
rayonnements radioactifs. Ces rayonnements radioactifs sont plus ou moins pénétrants : les rayons alpha et bêta sont
des particules et du coup sont plus facilement arrêtés, alors que les rayons gamma sont des rayonnements
électromagnétiques et donc plus pénétrants. En 1934, Irène Curie et son mari Frédéric Joliot découvrent la
radioactivité artificielle. On peut créer des éléments artificiellement radioactifs en exposant des composants
chimiques aux rayons radioactifs du polonium. Plusieurs nouveaux éléments chimiques sont ainsi découverts.

B. La radioactivité : recherche et applications.

Une communauté scientifique en fusion : Face à l’immensité des champs d’application du principe de radioactivité,
une communauté scientifique extrêmement dynamique se développe autour de la question de la physique radioactive.
Entre 1911 et 1933, l’industriel belge Ernest Solvay organise une série de conférences consacrées à la recherche en
physique et en chimie. La question de la radioactivité y est souvent centrale et celle de 1927 qui réunit les plus grands
spécialistes de la radioactivité :
- Marie Curie (1867-1934) : née en Pologne, elle s’installe à Paris en 1891. Avec son époux, Pierre Curie, elle
découvre en 1898 le radium. En 1903, elle partage avec son mari et Henri Becquerel, le prix Nobel de physique
et en 1911, elle obtient le prix Nobel de chimie.
- Albert Einstein (1879-1955) : physicien allemand naturalisé suisse connu pour sa théorie sur la relativité,
Einstein contribue à l’établissement d’une communauté internationale partageant recherches et avancées.
- Paul Langevin (1872-1946) physicien français qui a travaillé sur la théorie de la relativité et le magnétisme.

Les applications civiles : La découverte de la radioactivité permet le développement d’applications nombreuses et


variées.
- Dans le domaine médical, Marie Curie met en place la curiethérapie, une radiothérapie pour soigner les
cancers et développe pendant la Première Guerre mondiale les Petites curies, des véhicules transportant un
système de radiologie portatif.
- Dans le domaine civil, la radioactivité permet aussi la datation au carbone 14 (1949) et aboutit à d’importants
progrès dans l’archéologie. En 1938, la découverte de la fission du noyau d’uranium en 1938 permet de mettre
en évidence la possibilité de dégager une quantité extraordinaire d’énergie. L’énergie nucléaire civile se
développe après la seconde guerre mondiale. En 1951, la première centrale nucléaire est créée aux États-Unis.
Dans le même temps, les pays européens développent en 1957 EURATOM, une communauté européenne du
nucléaire civil.

C. La radioactivité et l’usage militaire.


La prise de conscience du danger : la communauté scientifique qui travaille autour de la radioactivité prend très vite
conscience des dangers que représente l’utilisation de leurs travaux à des fins militaires. En 1905, Pierre Curie alerte
sur les dangers de l’utilisation du radium. La marche à la guerre dans l’Allemagne nazie et la seconde guerre mondiale
mettent fin aux échanges scientifiques internationaux et sont un accélérateur de cette prise de conscience. En 1939,
la France et l’Allemagne lancent chacun un programme militaire pour développer une bombe atomique basée sur le
principe de la radioactivité. Albert Einstein écrit au président des États-Unis Franklin Roosevelt pour le persuader de
mettre en place un programme de recherche afin de devancer l’Allemagne nazie dans la production de cette nouvelle
arme.
Le projet Manhattan : Les États-Unis, alors très en retard dans le domaine de la recherche sur la radioactivité, mettent
en place le projet Manhattan. Placés en 1942 sous la direction de Robert Oppenheimer, le hongrois Leo Szilard, qui
développe l’idée d’une réaction en chaîne dans la libération de l’énergie radioactive des atomes et l’italien Enrico
Fermi qui créé la première pile atomique en 1942, permettent aux États-Unis de combler leur retard alors que
l’Allemagne nazie échoue à développer un tel projet. Une véritable ville secrète se développe à Los Alamos, en plein
cœur du désert américain. Le 16 juillet 1945, c’est la première explosion atomique (Trinity). Alors que la guerre contre
l’Allemagne est déjà gagnée, et que le Japon a quasiment perdu, des scientifiques dont Leo Szilard cherchent à
empêcher l’utilisation de la bombe atomique sur une ville japonaise, en vain. Le 6 août 1945, la première bombe
atomique de l’histoire est lâchée sur la ville japonaise d’Hiroshima. Trois jours plus tard, la ville de Nagasaki subit à son
tour un bombardement atomique.
L’équilibre de la terreur : L’Humanité est entrée dans l’Âge du nucléaire et découvre avec effroi la puissance
dévastatrice de cette nouvelle arme qui place les États-Unis dans une situation de toute puissance. Alors que le monde
bascule en 1947 dans la guerre froide, l’URSS se dote à son tour de la bombe atomique en 1949. Le monde vit alors
dans l’équilibre de la terreur et une course aux armements se joue entre les deux superpuissances. La communauté
scientifique internationale se mobilise pour alerter sur les dangers que court l’Humanité face à l’ère atomique. En
1950, l’appel de Stockholm qui demande l’abandon de l’arme atomique, recueille 150 millions de signatures dont
celles de Frédéric Joliot-Curie. En 1955, le manifeste Russell-Einstein appelle les grandes puissances à mettre en œuvre
des solutions pacifistes et à renoncer à la bombe atomique. Malgré tout en 1952, le Royaume-Uni rejoint le rang des
puissances nucléaires, suivi en 1960 par la France, puis la Chine (1964), l’Inde, le Pakistan et la Corée-du-Nord. Israël
possède aussi l’arme nucléaire. Oppenheimer, Einstein, Sakharov, le père de la bombe soviétique, expriment des
regrets et des remords quant à l’utilisation militaire de la fission nucléaire.

Conclusion :
La connaissance est donc au cœur de la construction des sociétés modernes. Longtemps limitée à une élite, sa diffusion
s’est progressivement élargie, notamment par l’alphabétisation des femmes qui a largement progressé au XIXe dans
les pays développés puis au XXe s sur l’ensemble des continents. Proclamé droit humain par l’ONU, le droit à
l’éducation reste encore inégal et très insuffisant dans certains pays. La question de la radioactivité qui a bouleversé
la recherche scientifique au XXe s témoigne des difficultés et des enjeux de coopération internationale, de
développement d’applications militaires et civiles marquées par le développement de l’arme nucléaire. Produire du
savoir, cela signifie échanger entre savant pour progresser. Mais cela engendre aussi une concurrence entre les états,
ou entre les entreprises qui freinent la production de la connaissance. Les enjeux liés au Covid-19 et à la vaccination
en sont une illustration.

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