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28/03/2017 «Histoire croisée des luttes des femmes maghrébines pour les droits»

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«Histoire croisée des luttes des femmes


maghrébines pour les droits»
La Nouvelle République, 18 octobre 2006

Un cycle de cinq conférences traitant de la problématique de la lutte des


femmes des trois pays du Maghreb à l’initiative d’un groupe
d’associations. Une démarche qui poursuit un double objectif : «faire
croiser les expériences et évaluer l’impact sur les sociétés». Et d’autre
part, interroger «la mémoire de l’histoire de la lutte des femmes
maghrébines afin «de réfléchir le présent…, d’enrichir le débat et rendre
visibles les luttes souvent méconnues et parfois dénigrées». La première
conférence avait pour objectif de situer ces mouvements dans le contexte
politique, social, économique et culturel dans lequel ils ont évolué dans le
but «d’en recenser les expressions les plus significatives, les formes
organisationnelles et les axes prioritaires».

Dans son intervention, F. Lalami a repéré trois grandes périodes du


mouvement des femmes en Algérie.

1970­1991. La détermination de codifier les relations hommes/femmes


au sein de l’institution familiale sur des bases essentiellement
inégalitaires remonte aux lendemains de l’indépendance.

En 1973, un groupe de femmes manifeste dans les rues d’Alger. Elles


protestent contre le projet de loi relatif au statut du code du statut
personnel. Action vaine puisqu’en 1984, l’assemblée nationale promulgue
le Code de la famille, document social et juridique qui institutionnalise la
domination masculine maintenant les femmes dans un statut de minorité
opprimée.

En l’absence de liberté d’association et d’expression, des femmes


s’opposant au code de la famille se structurent dans des collectifs qui
oeuvrent dans la clandestinité. Elles dénonçent l’inégalite des rapports
entre les sexes mettant ainsi en exergue la «violation» du principe
d’égalité affirmée dans la Constitution algérienne. Octobre 1988 inaugure
une ère d’ouverture démocratique puisque cette période se caractérise
essentiellement par l’instauration du multipartisme et la liberté
d’association. Les organisations clandestines se constituent en
associations. Elles dénoncent le contenu du Code de la famille et
revendiquent un statut plus équitable pour les femmes. Deux tendances
émergent. D'une part, les partisanes de l’amendement du texte de loi,
c’est­à­dire la suppresion des articles jugés les plus discriminatoires
(divorce unilatéral, polygamie, le logement en cas de divorce…). Et d'autre
part, celles qui revendiquent l’abrogation du Code de la famille et la
promulgation de lois civiles et égalitaires.

Au delà de ce clivage, ces associations partagent des revendications


communes, en l'occurrence la dénonciation des violences faites aux
femmes et la défense de la mixité en réaction à l’imposition de l’ordre
moral par des partis politiques à prétention théocratique (FIS, HAMAS).
Dans les années 1991, le mouvement des femmes s’affirme comme un
interlocuteur et un acteur politique sur la scène publique .

1991­2000. Situation de crise politique

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Le vent des revendications cesse de souffler sur le pays. La violence règne


suprême. Menaces. Attentats. Assassinats. Les femmes n’y échappent
pas. Elles sont prises pour cibles: menacées, utilisées comme «butin de
geurre» et parfois même assassinées. C’est pendant cette période que
des femmes migrent. En France, elles s’associent à des militantes
françaises et créent des associations en guise de solidarité avec les
femmes vivant en Algérie. Elles jouent le rôle de porte voix des luttes des
femmes en Algérie et dénoncent les violences qui leur sont faites.

2000­2006. Baisse de la violence. Augmentation du nombre


d’associations qui se forment à partir des besoins socio­économiques des
femmes s’investissant ainsi dans des problématiques sociales. Elles aident
et soutiennent les femmes des classes populaires les plus défavorisées.
Par ailleurs, la question des violences faites aux femmes et celle de la
violence domestique est posée sur la scène publique. Dans la conjoncture
actuelle, il semble difficile pour les femmes de constituer un mouvement
et de l’affirmer comme acteur et interlocuteur politiques.

Dans son exposé sur le mouvement des femmes en Tunisie,


L. Nejri identifie trois périodes.

1980­1983. Durant cette période, un groupe d’enseignantes et


d’étudiantes créent le Club Tahar Haddad. Cette initiative est critiquée par
les partis politiques qui accusent ces femmes de vouloir dissoudre les
familles et diviser la classe ouvrière sur des revendications sexistes. Ce
groupe étend son action : création d’une commission femmes à l’Union
générale des travailleurs tunisiens (l’UGTT), d’un espace femmes à
l’université, dans les partis politiques, d’une rubrique «femmes» à
l’hebdomadaire
Le Maghreb. Le fonctionnement du club est collectif et auto­gestionnaire.
En 1980, la journée internationale des femmes est célébrée pour la
première fois en Tunisie. Les discours des militantes font apparaître une
volonté de rupture avec le paternalisme bourguibien. Et d’autre part, avec
le discours de la gauche qui préconise la libération des femmes comme
conséquence de la libération sociale. Pour agir sur les mentalités,
contribuer à la transformation des représentations sociales relatives au
statut, rôle et place des femmes dans la société et proposer d’autres
modèles plus valorisants, les membres du club prennent la parole en
public. 1982, voit la création du groupe des femmes démocrates. En
1983, lors d’un colloque sur la sexualité et la contraception, les femmes
posent de manière ouverte la problématique du corps comme lieu où
s’exerçent l’oppresssion patriarcale.

1983­1985. les femmes affichent une volonté de structurer leur


mouvement. Elles s‘impliquent davantage dans des actions et prennent
position par rapport à des sujets d’ordre politique et autres : les émeutes
du pain (1984), la peine de mort, la question des femmes et des
pouvoirs, la montée de l’islamisme …Puis des divergences se font jour au
point de précipiter le groupe dans une situation de crise. Pour un groupe
de femmes, c’est le refus de débattre des questions de fond qui entrave la
réflexion. Pour d’autres, l’engagement dans l’action est la condition sine
qua non de la réussite de l’action des femmes. Ces divergences font
néanmoins apparaître l’idée de la nécessité d’avoir un cadre
organisationnel légal afin de définir des stratégies de lutte. L’émergence
de l’islamisme et la remise en cause des acquis des femmes incitent ces
dernières à s’unir pour lutter ensemble. En 1985, elles créent le journal
Nissa.
Mais des conflits relatifs à la gestion du journal et aux sujets traités font
surface.

1985­1987. Les divergences s’accentuent. Des femmes créent


l’association «des femmes démocrates».Les faits les plus signifiants de
ces divergences sont en l’occurrence, la nature du mode de gestion des
conflits à l’intérieur du club, le refus de débattre de la question du
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féminisme, la tendance à vouloir contrôler et canaliser le débat et les


divergences entre celles qui voulaient faire des compromis et s’intégrer à
la société civile et celles qui affichaient la détermination d’assumer le
décalage pour défendre leurs idées et des revendications. D’autre part,
elles semblent être dues à la pesanteur sociale, historique, culturelle de la
société tiunisienne fortement patriarcale où la religion, la gouvernance
politique et les modes relationnels sont fortement hiérarchisés.
D’une manière générale, le club Tahar Haddad proposait un modèle de
société qui mettait au centre la question des femmes et interrogeaient les
rapports régissant les relations entre les sexes. Cette approche échappait
au contrôle des hommes et remettait en cause leur pouvoir.

Dans son intervention sur le mouvement des femmes au Maroc, L.


Hamili, distingue trois périodes.

La période du protectorat. Dans les représentations coloniales, les


femmes sont un enjeu dynamisant car «la féminité est le véritable levier
des dirigeants de la société musulmane». Pour les réformateurs et les
instances royales, les femmes sont une forteresse symbolique et
impénétrable. Afin d’institutionnaliser le féminisme, le roi Mohamed V
confie à sa fille, Lala Aicha, la mission «d’endiguer dans une certaine
mesure la question des femmes». En 1947, elle s’adresse aux femmes.
Dans son discours, l’instruction est préconisée comme élément moteur de
la renaissance et de la réforme. Ce discours est relayé par les sections
féminines des partis politiques (PDI, El Istiqlal…). Ce dernier se positionne
sur la lignée du réformisme musulman. Cependant, son discours
s’adresse à la catégorie des femmes lettrées et aisées excluant de facto
les paysannes analphabètes qui pourtant joueront un rôle important dans
la lutte pour l’indépendance. En 1957, la Moudawana est promulguée.
Elle s’inscrit dans la logique de la consécration de l’identité musulmane
prônée par le mouvement réformateur. Ce code est un texte de conduite
morale dont l'objectif est de préserver les acquis de la famille musulmane.

Les années 1960. En 1962, la première organisation féminine est créée


au sein de la section syndicale de l’Union nationale des forces populaires.
Les revendications sont essentiellement politiques. En 1969, l’Union
nationale des femmes marocaines présidée par la fille du roi, voit le jour.
Son objectif est de faire entendre la voix des femmes et constituer un
rempart face à l’occidentalisation des mœurs. En 1970, cette organisation
est reconnue d’utilité publique instaurant ainsi un féminisme d’Etat. Dans
les années 1980, les partis politiques créent des sections féminines qui
mettent au centre de leur action la problématique du statut des femmes
marocaines.

1990­2004. L’Union de l’action féminine lance une pétition pour la


réforme de la Moudawana. Un million de signatures sont obtenues. Cette
initiative est condamnée par les courants islamistes qui traitent les
femmes d’apostates et lançent à leur encontre une condamnation à
mort. Le roi reçoit les femmes et annonce qu’une commission composée
d’Ulémas proposera des amendements. En 1993, la Moudawana est
réformée. Mais celle­ci est «jugée superficielle». En 1998, le
gouvernement de l’altenance rend public un plan d’action pour
l’intégration des femmes au développement. Les mesures préconisées
sont d’ordre socio­économique. Quelques amendements de la Moudawana
sont proposés. Les jugeant insuffisantes, les partisanes des
amendements manifestent à Rabat en mars 2000. A Casablanca, ce sont
les femmes islamistes qui organisent une contre­manifestation. En 2004,
la Moudwana est réformée.

De Paris, Nadia Agsous

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