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Revue des sociétés

Revue des sociétés 1993 p.847

Délit d'initiés : problèmes de responsabilité pénale et d'action pénale

Bernard Bouloc, Professeur de droit privé à l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

L'essentiel

Justifie sa décision de relaxe de complicité du délit de diffusion de fausses informations, la cour d'appel qui énonce qu'aucun fait
précis d'aide ou d'assistance ne peut être imputé aux prévenus, leur participation aux faits se limitant à un simple entretien avec
l'auteur principal.

Inverse la charge de la preuve, la cour d'appel qui, pour renvoyer le président d'une banque des fins de la poursuite du chef de délit
d'initié, après avoir relevé qu'utilisant les informations reçues en sa qualité d'actionnaire sur la situation financière critique d'une
société, cet établissement a revendu sur le marché à terme l'essentiel des actions détenues, se borne à énoncer qu'il n'est démontré
contre lui aucun fait impliquant sa participation délibérée au délit reproché.

COUR DE CASSATION (Crim.), 15 mars 1993, Procureur général près la Cour d'appel de Paris et Foulonneau, D.
1993.J.610, note Ducouloux-Favard

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par : - le procureur général près la Cour d'appel de Paris, - Foulonneau
Gérard, partie civile, contre l'arrêt de cette juridiction, 9e Chambre correctionnelle, en date du 15 janvier 1992, qui, dans
les poursuites exercées contre Maurice Girard et Alain Mercadé, dirigeants de la société générale de Fonderie, pour
diffusion d'informations fausses ou trompeuses de nature à agir sur les cours, contre Gilles Cosson et Jean-François
Reignier, François Morin, respectivement directeurs généraux et président de l'OPFI Paribas, les premiers, pour
complicité de ce délit et pour délit d'initié, le troisième pour le seul délit d'initié, a notamment relaxé Gilles Cosson et
Jean-François Reignier du chef de complicité du délit de diffusion de fausses nouvelles reproché aux dirigeants de la SGF,
relaxé François Morin du chef de délit d'initié et a prononcé sur les intérêts civils ; - Joignant les pourvois en raison de leur
connexité ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur les faits ; - Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Maurice Girard et Alain Mercadé, respectivement président-
directeur général et directeur général adjoint de la société générale de Fonderie, société cotée au marché à terme de la
Bourse de Paris, ont été poursuivis pour avoir, entre novembre 1985 et mai 1986, répandu dans le public des informations
fausses sur la situation de la société et des filiales de celle-ci ; qu'ils ont en effet à plusieurs reprises, notamment par voie
de communiqués à la presse, présenté leur groupe comme étant en voie de redressement alors qu'il se trouvait en état de
cessation des paiements, réalité qu'ils n'ont fait connaître qu'en mai 1986 ; - Que Gilles Cosson et Jean-François Reignier,
respectivement directeur général adjoint et directeur de l'Omnium de Participations Financières et Industrielles Paribas,
principal actionnaire du groupe SGF, ont été poursuivis, d'une part, pour avoir aidé et assisté les dirigeants de la SGF dans
leurs agissements délictueux et, d'autre part, pour avoir, à partir des renseignements privilégiés qu'ils détenaient sur la
situation réelle du groupe SGF, cédé une part importante des titres de participations que l'OPFI Paribas détenait sur ce
groupe, pendant que les cours étaient encore à la hausse ; - Que l'opération de bourse ayant été réalisée au nom de l'OPFI
Paribas, le président de cette société, François Morin, a été poursuivi en cette qualité en même temps que ses
collaborateurs ; - Que des porteurs du titre SGF, parmi lesquels Foulonneau, qui avaient acquis leurs actions entre le mois
de novembre 1985 et le mois de mai 1986, alors que la valeur s'en trouvait à la hausse, se sont constitués parties civiles ;

En cet état :

I. - Sur le pourvoi de la partie civile.

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 10 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967
dans sa rédaction applicable à la cause, ordonnance instituant une commission des opérations de bourse et relatives à
l'information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse, ensemble violation de
l'article 60 du Code pénal et méconnaissance des exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale ; - « En ce que
l'arrêt infirmatif sur ce point a renvoyé Cosson et Reignier des fins de la poursuite du chef de complicité et de diffusion
de fausses informations ; - Aux motifs que, ainsi que la Cour l'a rappelé, Cosson et Reignier, pris en leur qualité respective
de directeur-général adjoint de la compagnie Paribas et d'adjoint de Cosson, ont été poursuivis comme complices des
consorts Girard et Mercadé et ont été retenus par le jugement déféré dans les liens de ce chef de prévention ; que sur ce
point le procureur de la République, dans son réquisitoire définitif, expose que Cosson, directeur général adjoint de
Paribas avait lui-même pour adjoint Reignier, ce dernier spécialement chargé du secteur des travaux publics, de
l'équipement, de l'habitat et des transports ; qu'également Reignier était membre du conseil d'administration de la société
générale de Fonderie, et, à ce titre, participait aux comités de direction ; que, toujours selon la poursuite, Reignier était en
charge du dossier du groupe société générale de Fonderie et rendait compte à son supérieur direct, Cosson ; qu'en outre, il
est noté au réquisitoire définitif, que Reignier a été chargé, pour le compte du conseil d'administration de la société
générale de Fonderie, d'une mission de recherche d'une solution à la question de la reconstitution des fonds propres,
Cosson et Reignier étant en liaison avec les services qui suivaient, pour le compte de Paribas, les engagements bancaires
de la société générale de Fonderie et de ses filiales ; que la poursuite retient en outre, que Paribas a participé à la confection
de l'information fallacieuse dénoncée par les communiqués de la société générale de Fonderie, ci-avant examinés par la
Cour, et souligne que cette compagnie possédait, en sa double qualité de banquier et d'actionnaire de la société générale
de Fonderie, toute l'information afférente à ce groupe ; qu'il est encore énoncé que l'avis de Paribas a été sollicité pour la
rédaction desdits communiqués, étant souligné que la diffusion des informations en cause était destinée à éviter le dépôt
de bilan de la société générale de Fonderie ; que pour retenir les consorts Cosson et Reignier dans les liens de ce chef de
poursuite, le tribunal a retenu que le communiqué du 25 novembre 1985 avait été élaboré par Girard et Mercadé après
consultation de Reignier et, la Cour l'a déjà relevé, après démarches communes auprès de la commission des opérations
de bourse, ce que ce prévenu n'a pas contesté ; - Et aux motifs que cependant Reignier affirme dans ses écritures que cette
démarche était exclusive de toute tentative d'induire en erreur le public puisque, expose-t-il, une telle tentative aurait
supposé que la commission des opérations de bourse elle-même eût été égarée alors que cet organisme connaissait
parfaitement la situation de la société générale de Fonderie et n'a formulé aucune observation ; qu'au demeurant, fait valoir
Reignier, il n'est pas démontré que, dans l'hypothèse même où les indications en cause eussent été erronées, ce qu'il
conteste, il ait eu connaissance de leur inexactitude cependant que l'affirmation du réquisitoire définitif selon laquelle les
dirigeants de la société générale de Fonderie savaient que la reconstitution des fonds propres serait impossible n'est assortie
d'aucune démonstration ; qu'en cet état, la Cour ne peut que constater qu'aucun fait précis d'aide ou d'assistance de Girard
et Mercadé au sens de l'article 60 du Code pénal n'est dénoncé et encore moins démontré par la poursuite à l'encontre de
Cosson et Reignier ; - Alors que la Cour n'a pu sans se contredire affirmer, d'une part, lorsqu'elle a examiné la culpabilité
des dirigeants de la société générale de Fonderie au regard du délit de diffusion de fausses informations résultant déjà du
communiqué du 22 novembre 1985, que lesdits dirigeants avaient créé l'équivoque en n'exprimant pas en toute clarté la
véritable situation de la société générale de Fonderie, ce qui caractérisait leur mauvaise foi (cf. p. 24 de l'arrêt) et, d'autre
part, s'agissant des poursuites pour complicité de Cosson et Reignier, dire « que l'affirmation du réquisitoire définitif selon
laquelle les dirigeants de la société générale de Fonderie savaient que la reconstitution des fonds propres serait impossible
» n'était assortie d'aucune démonstration (cf. p. 34 de l'arrêt) ; qu'en l'état d'une contradiction en fait aussi éclatante, la
Cour méconnaît les exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale ; - Alors que par ailleurs, ladite contradiction
entre l'affirmation selon laquelle il n'était pas démontré que les dirigeants de la société générale de Fonderie savaient que
la reconstitution des fonds propres serait impossible (cf. p. 24 de l'arrêt) et le fait qu'il savait parfaitement ce qu'il en était
quant à ce, s'évince de la circonstance que lorsqu'elle se prononce sur l'intention frauduleuse de ces mêmes dirigeants pour
les retenir dans les liens de la prévention, la Cour relève que lors de la publication des différents communiqués et
notamment de ceux des 22 novembre 1985 et 27 mars 1986, les dirigeants de la société générale de Fonderie connaissaient
parfaitement la situation désespérée de ladite société (cf. p. 32 de l'arrêt) ; qu'ainsi, ont encore été méconnues les exigences
de l'article 593 du Code de procédure pénale ; - Et alors que, de troisième part, le fait que la commission des opérations de
bourse n'ait pas été induite en erreur par Cosson et Reignier apparaît radicalement sans emport au regard du délit de
diffusion de fausses informations dans le public à la suite de communiqués contenant des informations erronées,
communiqués établis et diffusés après la consultation de Reignier également membre du conseil d'administration de la
société générale de Fonderie, ce qui est relevé par l'arrêt ; qu'en l'état d'une motivation radicalement inopérante, l'arrêt
n'est pas légalement justifié ; - Et alors qu'il résultait très clairement du jugement et du dossier : que le communiqué diffusé
le 25 novembre 1985 contenant de fausses informations ainsi qu'en ont jugé les juges du fond, a été élaboré par Mercadé
et Girard après consultation de Jean-Pierre Reignier ; ce dernier, de son propre aveu, ayant reconnu qu'il prit part à une
démarche auprès de la commission des opérations de bourse sur le contenu même dudit communiqué relatif à la question
des fonds propres (cf. p. 20, dern. al. du jugement) ; qu'il est par ailleurs établi et reconnu par les prévenus que Reignier
rendait systématiquement compte à Gilles Cosson de ce qui se passait au sein des réunions de la société générale de
Fonderie lorsque ce dernier ne pouvait y prendre part (cf. p. 21 du jugement, al. 1) ; - qu'en novembre 1985, les prévenus
n'ignoraient pas au vu d'une note établie par Reignier le 24 juin 1985 que la reconstitution des fonds propres était
impossible et que la situation nette de la société générale de Fonderie était négative de 740 millions de francs (cf. p. 22 du
jugement) ; - Qu'il était constant que Reignier et Cosson étaient immédiatement instruits de tout événement affectant la
société générale de Fonderie, ce qui n'était contesté par quiconque (cf. p. 25 du jugement) ; - Qu'en ne s'exprimant pas sur
ces données objectives de nature à avoir une incidence sur la prévention, la Cour prive son arrêt de base légale ; - Qu'en
statuant sur le fondement de motifs inopérants car contradictoires ou sans emport, la Cour ne permet pas à la chambre
criminelle d'exercer son contrôle ; - Qu'en se prononçant uniquement par rapport au communiqué du 22 novembre 1985,
cependant que les faits de complicité visaient également notamment le communiqué du 27 mars 1986, la Cour motive
encore insuffisamment son arrêt et ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle » ; - Attendu que, pour
relaxer Gilles Cosson et Jean-françois Reignier du chef de complicité du délit de diffusion de fausses informations
reproché aux dirigeants de la SGF, la cour d'appel énonce qu'aucun fait précis d'aide ou d'assistance ne peut leur être
imputé, leur participation aux faits se limitant à un simple entretien avec Maurice Girard et Alain Mercadé quelque temps
avant que ceux-ci ne fassent leur premier communiqué à la presse ; - Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a
justifié sa décision ; que le moyen, qui remet en cause l'appréciation souveraine par les juges des faits et circonstances de
la cause, ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation par refus d'application de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 67-833
du 28 septembre 1967 dans sa rédaction applicable à la cause ; - « En ce que l'arrêt infirmatif sur ce point a écarté la
responsabilité pénale de François Morin, président du conseil d'administration de l'Omnium de participation financière
industrielle de Paribas, devenus la compagnie financière de Paribas pour le compte de laquelle des opérations ayant
permis de caractériser le délit d'initié, ont été effectuées ; - Aux motifs qu'aux termes du réquisitoire définitif et de
l'ordonnance de renvoi, Morin est recherché es qualité, pour avoir « sciemment » réalisé sur le marché, par personnes
interposées, en disposant d'informations privilégiées sur des perspectives ou la situation de la société générale de Fonderie
ou les perspectives d'évolution de la valeur mobilière, plusieurs opérations de vente de titres avant que le public ait
connaissance desdites informations ; que cette prévention se réfère à l'article 10-1, alinéa 2, de l'ordonnance du 28
septembre 1967, dans la rédaction de cet article antérieur à la loi du 2 août 1989, ledit alinéa énonçant « dans le cas où les
opérations auront été réalisées par une personne morale, les dirigeants de droit ou de fait de celles-ci seront pénalement
responsables des infractions commises », les infractions visées étant celles définies à l'alinéa 1 dudit article ; - Et aux motifs
encore qu'en cet état, et bien que l'adverbe « sciemment » tel énoncé à la prévention ci-dessus rappelée ne soit pas
expressément mentionné dans le libellé du texte de l'alinéa dont s'agit, les principes généraux du droit, dont la poursuite
fait elle-même état commandent que la responsabilité pénale d'un dirigeant social, prévue audit texte, soit subordonnée à
la réunion à sa charge des éléments matériels et intentionnels propres à caractériser une telle responsabilité ; qu'en
l'occurrence, il n'est en rien démontré à l'encontre de Morin aucun fait précis impliquant sa participation délibérée aux
opérations retenues à la charge de Cosson et Reignier ; qu'en tout état de cause, en excluant des termes de la prévention
telle que dirigée contre Morin l'adverbe « sciemment », pour s'en tenir à la lettre même du texte applicable en l'espèce et
en faisant ainsi abstraction de l'élément intentionnel dénoncé par la poursuite, la Cour aggraverait ladite prévention et
méconnaîtrait, par là, les droits fondamentaux de la défense ; - Alors que les dispositions spéciales de l'article 10-1, alinéa
2, de l'ordonnance du 28 septembre 1967 dans sa rédaction applicable à la cause n'exige ni une participation matérielle
aux opérations visées au premier alinéa dudit article, ni un élément intentionnel ; que lesdites dispositions ont institué, à
la charge des dirigeants de droit ou de fait des personnes morales qu'elles visent, une responsabilité pénale de plein droit
du fait d'autrui dont ils ne peuvent être exonérés que par la force majeure nullement caractérisée ; qu'en jugeant,
différemment sur le fondement de motifs inopérants, la Cour viole par refus d'application le texte cité au moyen ; - Alors
que par ailleurs et en toute hypothèse, lesdites dispositions font à tout le moins peser sur les dirigeants une présomption
de responsabilité qu'il leur appartient de renverser ; qu'à aucun moment la Cour ne constate en fait une telle inversion, si
bien que pour cette raison encore l'arrêt attaqué doit être censuré ; - Et alors, enfin, que la circonstance que le réquisitoire
définitif et l'ordonnance de renvoi fassent état du fait que François Morin aurait « sciemment » réalisé sur le marché...
apparaît en elle-même sans emport et insusceptible de porter atteinte aux droits de la défense dès lors que l'ordonnance
du 28 septembre 1967 retient une responsabilité pénale de plein droit des dirigeants de droit de la personne juridique » ;
- Attendu que le demandeur au pourvoi, qui ne s'est constitué partie civile que pour le seul délit de diffusion dans le public
d'informations fausses ou trompeuses de nature à agir sur les cours, reproché aux dirigeants de la SGF, est sans qualité
pour critiquer la décision de la cour d'appel en ce qu'elle relaxe François Morin du chef de délit d'initié ; - Que, dès lors, le
moyen est irrecevable ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 2 du Code de procédure pénale, de l'article 10-1 de
l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 dans sa rédaction applicable à la cause de l'article 1382 du Code civil,
ensemble méconnaissance du principe de la réparation intégrale et méconnaissance des exigences de l'article 593 du Code
de procédure pénale ; - « En ce que l'arrêt confirmatif attaqué sur ce point a condamné solidairement Girard et Mercadé
à verser à Foulonneau une somme de 1 500 000 F à titre de dommages-intérêts pour le préjudice résultant de l'achat
d'actions entre le mois de novembre 1985 et le mois de mai 1986 ; - Aux motifs notamment que devant la Cour,
Foulonneau demande que lui soit allouée à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier correspondant aux 19
500 actions de la société générale de Fonderie acquises entre le mois de novembre 1985 et le mois de mai 1986, une somme
de 2 929 711,42 F, et ce avec intérêts au taux légal capitalisé annuellement à compter du 31 décembre 1986 jusqu'à la
date de l'arrêt à intervenir à titre de dommages-intérêts complémentaires ; que par le truchement de conclusions
additionnelles récapitulatives sur le préjudice, Foulonneau a demandé que lui soit allouée une somme de 3 048 276,10 F
à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier correspondant aux 19 500 actions acquises entre le mois de
novembre 1985 et le mois de mai 1986 et aux frais de report exposés à cause de la diffusion des informations fausses et
trompeuses ; qu'en l'état de ces écritures, il apparaît que Foulonneau, quant à son préjudice financier, distingue deux
parties correspondant à des situations différentes, d'une part l'acquisition de 19 500 actions pendant la période s'étendant
du mois de novembre 1985 au mois de mai 1986, et, d'autre part, la conservation pendant la même période de 60 000
actions société générale de Fonderie acquises avant le mois de novembre 1985 ; que dès lors, la Cour examinera en premier
lieu ces deux chefs de conclusions avant de rechercher le mérite des demandes formulées par le concluant et fondées,
respectivement, sur la réparation d'un préjudice moral et sur les dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure
pénale ; - Et aux motifs encore s'agissant du préjudice fondé sur l'acquisition de 19 500 actions société générale de Fonderie
du mois de novembre 1985 au mois de mai 1986, que, sur ce point, Foulonneau expose dans ses écritures qu'il n'a acquis
les 19 500 titres SGF en cause, entre le mois de novembre 1985 et le 2 mai 1986, qu'en raison de la montée de leur cours,
dont la Cour a précédemment constaté le caractère fallacieux puisque fondée sur les informations sciemment inexactes
diffusées auprès du public, dans les conditions rappelées par la Cour et retenues à la charge de Girard et Mercadé ; qu'il
est ainsi certain que Foulonneau a subi un préjudice résultant directement de l'infraction constatée par la Cour ; qu'en ce
qui concerne le montant dudit préjudice, la cour relève que, dans ses conclusions, Foulonneau évalue à la somme totale
de 2 777 048,60 F la valeur des titres SGF par lui acquis pendant cette période et ce compris les frais de report pour 1986,
la valeur de liquidation (337 155 F) étant déduite et y ajoute, selon un échéancier qu'il dresse, la somme de 152 662,82 F
à titre d'intérêt légal pour l'immobilisation de la somme investie pendant la période de novembre 1985, date de ses
premiers achats, au 31 octobre 1986, date de liquidation de ses derniers titres ; que, si dans leurs écritures les prévenus
contestent cette analyse en soulignant que les affirmations de la partie civile sont inexactes en ce qu'elle affirme qu'elle
n'aurait pas acheté une action nouvelle si le cours avait repris sa baisse après le 25 novembre 1985, cependant que
Foulonneau a, depuis 1982, acquis avec constance des titres société générale de Fonderie et qu'il a même procédé à de
telles opérations jusqu'au 22 mai 1986, soit 20 jours après la publication du dernier communiqué provoquant
l'effondrement du cours alors qu'il aurait dû, au contraire, réaliser immédiatement les valeurs société générale de Fonderie
qu'il détenait déjà ; qu'il est cependant incontestable que Foulonneau a acquis un certain nombre d'actions de société
générale de Fonderie entre le mois de novembre 1985 et le mois de mai 1986, en une période de hausse fallacieuse des
cours et qu'il y a lieu à réparation pour Foulonneau du préjudice par lui directement subi de ce chef ; - Et aux motifs enfin,
qu'à la lumière des éléments d'appréciation dont elle dispose, la Cour confirmera le montant des dommages-intérêts
alloués à Foulonneau en réparation du préjudice direct et actuel subi du fait des agissements frauduleux en allouant pour
l'acquisition des titres pendant la période de référence une somme de 1 500 000 F ; - Alors que, d'une part, la Cour qui
rappelle l'analyse rigoureuse de la partie civile s'agissant de l'étendue du préjudice directement lié à l'infraction en ce qui
concerne les actions société générale de Fonderie acquises entre novembre 1985 et avril 1986, ne motive absolument pas
sa décision pour arrêter à une somme de 1 500 000 F le préjudice ainsi souffert, procédant par simple affirmation lapidaire
; - Alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, à la faveur de conclusions circonstanciées,. Foulonneau insistait sur la
circonstance que pour acquérir entre le mois de novembre 1985 et le mois d'avril 1986 19 500 titres société générale de
Fonderie, il a exposé la somme de 3 114 203,60 F, n'ayant pu liquider lesdites actions que pour une somme globale de 337
155 F, soit un préjudice directement lié à l'infraction de 2 777 048,60 F (cf. p. 14 du premier jeu de conclusions) ; qu'en
ne s'exprimant pas sur ces données objectives en elles-mêmes incontournables, la Cour méconnaît les exigences de l'article
593 du Code de procédure pénale, ensemble ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle au regard des
exigences du principe de la réparation intégrale ; - Et alors, enfin, que le défaut de motifs apparaît d'autant plus éclatant
et critiquable que la Cour admet en premier lieu que l'acquisition par Foulonneau de 19 500 actions société générale de
Fonderie entre le mois de novembre 1985 et le mois d'avril 1986 est bien directement liée à l'infraction constatée en
limitant toutefois à 1 500 000 F le montant de l'indemnisation et par ailleurs fait droit au centime près aux demandes
d'indemnisation émanant d'autres parties civiles, à savoir notamment Jarry et Mermet, ayant le même conseil que
Foulonneau et procédant d'une méthode d'évaluation absolument identique, s'agissant de la même période de référence ;
qu'ainsi est derechef caractérisée l'insuffisance de motifs au regard du principe de la réparation intégrale, ensemble de
l'égalité de traitement entre les mêmes victimes d'une même infraction se trouvant dans une situation identique » ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation de l'article 10 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967
dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble, violation de l'article 2 du Code de procédure pénale, de l'article 1382
du Code civil, de l'article 593 du Code de procédure pénale, méconnaissance des exigences du principe de la réparation
intégrale et 1315 du Code civil ; - « En ce que l'arrêt attaqué a débouté Foulonneau de sa demande d'indemnisation fondée
sur la conservation des actions par lui acquises avant le mois de novembre 1985 ; - Aux motifs que pour critiquer la décision
des premiers juges qui ont écarté la demande de la partie civile tendant à obtenir réparation du préjudice né pour elle de
la conservation entre le mois de novembre 1985 et le mois de mai 1986 de 60 000 actions (et non pas 600 000) acquises
antérieurement au mois de novembre 1985, la partie civile expose que la décision d'acheter implique nécessairement celle
de conserver les titres déjà en portefeuille, de telle sorte que les deux décisions sont indivisibles, la cause déterminante de
l'achat des actions étant également celle de conserver lesdites actions déjà en portefeuille, si bien que les fausses
informations diffusées sur le titre société générale de Fonderie, qui ont conduit la partie civile à acheter lesdits titres l'ont
également déterminé à conserver les 60 000 actions acquises antérieurement au mois de novembre 1985 ; que la partie
civile ajoute qu'en diffusant des informations fausses et trompeuses lesquelles ont été retenues à la charge des prévenus,
ceux-ci ont sciemment pris le risque d'inciter les actionnaires à conserver leurs titres et par là, spécialement, ont en
connaissance de cause affecté la libre faculté de jugement de Foulonneau qui, sans cela, aurait pu vendre les valeurs en
cause à moindre risque ; que cependant, en dehors de ses affirmations, Foulonneau n'apporta pas la preuve péremptoire
que sa décision de conserver les actions acquises avant le mois de novembre 1985 ait été directement dictée par la seule
hausse des cours du titre société générale de Fonderie entre 1985 et 1986, si bien qu'il y a lieu de confirmer le jugement
entrepris quant à ce ; - Alors que, d'une part, en exigeant une preuve « péremptoire », on ne sait si la Cour statue en fait
ou en droit, posant ainsi une condition draconienne ne résultant d'aucun principe et d'aucune règle, lesquels en la matière
sont dominés par la liberté d'appréciation du juge en présence d'indices, de présomptions de l'homme, et de faits et de
documents ; - Alors que, d'autre part, et en tout hypothèse, il y avait une irréductible indivisibilité, sauf preuve contraire
dont la charge incombait au prévenu, preuve nullement rapportée, entre la décision d'achever de façon massive des titres
à compter du 25 novembre 1985 et celle de conserver ceux acquis antérieurement ; en décidant le contraire, sur le
fondement de motifs tout à la fois erronés et inopérants, la Cour viole derechef les textes et principes cités au moyen ; -
Alors que, de troisième part, à supposer même que le fait de conserver 60 000 titres n'ait pas été directement causé par les
seules hausses artificielles des cours des titres société générale de Fonderie entre le mois de novembre 1985 et le mois
d'avril 1986, il va de soi que cette hausse a nécessairement eu une incidence au moins partielle sur la conservation desdits
titres, si bien qu'en déboutant purement et simplement la partie civile de sa demande d'indemnisation pour les actions
achetées avant 1985, la Cour viole encore spécialement les articles 2 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil
et le principe de la réparation intégrale ; - Et alors, enfin, que la Cour ne répond pas au moyen essentiel tiré de la
circonstance « qu'en diffusant des informations fausses et trompeuses, les prévenus ont sciemment pris le risque d'inciter
les actionnaires à conserver leurs titres (...) en affectant la libre faculté de jugement de Foulonneau » (cf. p. 13 du premier
jeu de conclusions des parties civiles), lequel a ce faisant perdu une chance à partir du 25 novembre 1985 de négocier ses
titres au moment le plus favorable pour lui, c'est-à-dire la chance de vendre ses 60 000 actions dans la perspective d'éviter
ou de limiter les pertes qu'il enregistra et la chance de réaliser une plus-value substantielle sur les produits de la vente
pendant la période de manipulation ayant correspondu à une hausse considérable du titre (cf. égal. p. 13 des premières
conclusions des parties civiles) ; qu'ainsi ont été méconnues les exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale »
;

Les moyens étant réunis ; - Attendu que, pour limiter à 1 500 000 F l'indemnité à allouer à la partie civile, la cour d'appel
retient que seul le préjudice né de la différence de cours est certain et découle directement de l'infraction dont Gérard
Foulonneau a été la victime ; - Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ; - Que les
moyens, qui se bornent à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges, des faits et circonstances de la cause
et la fixation de l'indemnité propre à réparer le préjudice subi par la victime, ne peuvent qu'être écartés ;
II. - Sur le pourvoi du procureur général.

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des alinéas 1 et 2 (devenu al. 3, depuis la loi du 2 août 1989) de
l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 ; - « En ce que. l'arrêt attaqué a écarté la responsabilité pénale de
François Morin ; - Aux motifs que la participation délibérée du prévenu aux opérations litigieuses n'est pas démontrée et
que manquent donc les éléments, tant matériel qu'intentionnel, de l'infraction poursuivie ; - Alors que les dispositions
spéciales de l'article 10-1, alinéa 2 (devenu al. 3 depuis la loi du 2 août 1989) de l'ordonnance du 28 septembre 1967
n'exigent ni participation matérielle aux opérations visées au 1er alinéa dudit article ni élément intentionnel ; qu'elles ont
institué, à la charge des dirigeants de droit ou de fait des personnes morales qu'elles visent, une responsabilité pénale du
fait d'autrui dont ils ne peuvent être exonérés que par la force majeure ; qu'à tout le moins, lesdites dispositions font peser
sur ces dirigeants une présomption de responsabilité qu'il leur appartient de renverser ; que dès lors, en l'état de ses motifs
ci-dessus rappelés, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte précité » ; - Vu ledit article, ensemble l'article
593 du Code de procédure pénale ; - Attendu que l'article 10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 fait défense, aux
personnes disposant, à l'occasion de l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions, d'informations privilégiées sur les
perspectives ou la situation d'un émetteur de titres ou sur les perspectives d'évolution d'une valeur mobilière, de réaliser
sur le marché des opérations avant que le public ait connaissance de ces informations ; - Que selon ce texte, dans le cas où
les opérations ont été réalisées par une personne morale, les dirigeants de droit ou de fait de celle-ci sont pénalement
responsable des infractions commises ; - Attendu que, pour renvoyer François Morin, président de l'OPFI Paribas, des fins
de la poursuite du chef de délit d'initié, après avoir relevé qu'utilisant les informations reçues en sa qualité d'actionnaire
sur la situation financière critique de la société générale de Fonderie, cet établissement a revendu sur le marché à terme
l'essentiel des actions SGF qu'il détenait, la cour d'appel se borne à énoncer qu'il n'est démontré à l'encontre du prévenu
aucun fait impliquant sa participation délibérée au délit reproché ; - Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il
appartenait au prévenu, dirigeant de la personne morale ayant réalisé les opérations critiquées, de combattre la
présomption édictée par le texte susvisé, en en administrant éventuellement la preuve contraire, la cour d'appel a inversé
la charge de celle-ci et méconnu le texte susvisé ; - Que, dès lors, la cassation est encourue ;

PAR CES MOTIFS : - I. - Sur le pourvoi de la partie civile : le rejette ; - II. - Sur le pourvoi du procureur général : casse
et annule ;...

MM. LE GUNEHEC, prés. ; DE MORDANT DE MASSIAC, rapp. ; LIBOUBAN, av. gén. ; BLONDEL et
CHOUCROY, av.

Note

Par la présente décision, la Chambre criminelle de la Cour de cassation se prononce sur deux infractions définies dans
l'ordonnance du 28 septembre 1967 instituant une commission des opérations de bourse, et tendant, en fait, à une
transparence desdites opérations et à une égalité de traitement des opérateurs. Il s'agit, en l'espèce, du délit de diffusion
d'informations fausses ou trompeuses, et du délit d initié. Dans le cas présent, des personnes avaient procédé à des
acquisitions de titres d'une société, la société générale de fonderie, à un moment où la valeur se trouvait à la hausse. Il est
vrai que les dirigeants de la société avaient indiqué, dans différents communiqués reproduits par la presse, que la société
et le groupe étaient en voie de redressement. Mais, la réalité était autre, et six mois plus tard, il apparaissait que la société
était en état de cessation des paiements. Bien évidemment, les acquéreurs d'actions se plaignaient de ces agissements qui
leur avaient fait perdre des sommes importantes. Ils étaient d'autant plus fâchés de cette situation que les dirigeants d'une
banque, principal actionnaire de la société, avaient cédé une part importante du capital à un moment où les cours étaient
à la hausse, ce qui impliquait l'utilisation d'informations privilégiées.

La Cour d'appel de Paris, par un arrêt du 15 janvier 1992 (Gaz. Pal., 22-23 avr. 1992, note Marchi) avait condamné les
dirigeants de la société pour délit de diffusion d'informations fausses ou trompeuses de nature à agir sur les cours. En ce
qui concerne les dirigeants de la banque, elle avait retenu contre les directeurs généraux, le délit d'initié, mais non la
complicité dans le délit de diffusion d'informations fausses. Quant au président de la banque, condamné par le tribunal
de Paris le 20 décembre 1990 (Gaz. Pal., 1991.2.461, note Marchi), il avait bénéficié d'une relaxe, dès lors qu'il n'était pas
établi qu'il ait directement participé à la réalisation des opérations critiquées.

Deux pourvois étaient formés, l'un par une partie civile, l'autre par le procureur général près la cour d'appel de Paris. La
partie civile contestait la relaxe des directeurs généraux de la banque pour leur complicité dans la diffusion des
informations fausses, ainsi que celle du président de la banque pour délit d'initié. Elle critiquait aussi le montant de
l'indemnité à elle allouée pour le préjudice subi. Quant au parquet, il demandait la mise en jeu de la responsabilité pénale
du président. Seul, ce pourvoi a été accueilli par la Chambre criminelle qui apporte quelques lumières tant sur le délit de
diffusion d'informations fausses ou trompeuses, que sur le délit d'initié.

Sur le délit de diffusion d'informations fausses ou trompeuses

En outre des dispositions du droit des sociétés relatives à l'information des actionnaires (et par exemple celle de l'art. 433-2°
de la loi du 24 juillet 1966 ; V. à cet égard, Crim. 26 juin 1978, Bull., n° 212), l'ordonnance du 28 septembre 1967
incrimine le fait de répandre sciemment dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou
trompeuses sur les perspectives ou la situation d'un émetteur de titres ou sur les perspectives d'évolution d'une valeur
mobilière, d'un produit financier coté ou d'un contrat à terme négociable, de nature à agir sur les cours. La peine est celle
prévue au premier alinéa de l'art. 10-1 de l'ordonnance, c'est-à-dire l'emprisonnement de deux mois à deux ans et l'amende
de 6 000 à 10 millions de francs.

Dans le cas présent, les dirigeants de la société commerciale avaient diffusé un communiqué faisant état du redressement
du groupe, alors qu'en réalité la situation ne s'améliorait pas. Par ailleurs, ce communiqué avait été répandu dans le public,
la loi visant les « voies et moyens quelconques ». Deux points faisaient difficulté : les dirigeants de la banque ne devaient-ils
pas être considérés comme complices, et l'indemnité allouée était-elle satisfactoire ?

A. - Précisément, l'actionnaire reprochait à la Cour d'appel de Paris d'avoir infirmé la décision des premiers juges quant à
la complicité des directeurs généraux de la banque. Il faisait valoir que ces derniers étaient membres du conseil
d'administration de la société et participaient aux comités de direction. De plus, le parquet avait relevé, dans son
réquisitoire définitif que l'un d'eux avait une mission de recherche d'une solution pour la reconstitution des fonds propres
de la société. En bref, pour l'actionnaire, les dirigeants de la banque avaient été consultés par les dirigeants de la société.

En dépit de la longueur du moyen de cassation, la Chambre criminelle le rejetait. Elle relève que la relaxe avait été motivée
par l'absence de fait précis d'aide ou d'assistance. Aussi bien, puisque la participation du complice consisterait dans un
entretien limité intervenu peu de temps avant le premier communiqué à la presse, la Cour de cassation a jugé que le
moyen en ce qu'il remettait en cause l'appréciation souveraine donnée par les juges aux faits et circonstances de la cause
ne pouvait qu'être écarté.

De fait, on ne peut oublier que la Cour de cassation n'est pas un troisième degré de juridiction. Si donc les juges du fond
ont répondu aux questions posées et justifié leur décision, sans insuffisance ou contradiction, le moyen ne peut être admis.
Indirectement, la Cour de cassation rappelle que la complicité requiert des actes matériels positifs. Le fait d'assister passif
à une infraction ne suffit pas pour qu'il y ait complicité punissable (V. STEFANI-LEVASSEUR et BOULOC, Droit
pénal général, 14e éd., n° 260). Sans doute, cette règle est-elle mise en échec lorsque l'agent devait avoir un comportement
vigilant (notaire, policier, douanier etc., cf. DECOCQ, « Inaction, abstention et complicité par aide et assistance », JCP,
1983.I.3124). Mais dans le cas présent le banquier ne se trouvait investi d'aucune mission spécifique. Aussi bien, la
collusion ne pouvait pas être envisagée (v. toutefois pour le membre du directoire d'une société : Crim. 28 mai 1980, D.,
1981.IR.137, obs. Roujou de Boubée ; il est vrai qu'il s'agissait d'abus de biens sociaux dont il avait connaissance et qu'il
avait laissés commettre).

B. - L'actionnaire contestait aussi le montant de l'indemnité mise à la charge des dirigeants de la société pour le préjudice
qu'il avait subi du fait de l'achat des actions au cours de la période durant laquelle les informations fausses avaient été
répandues.

Sans doute, avait-il acquis près de 20 000 titres pour un montant de près de trois millions de francs. Mais, il avait acquis
des titres bien avant cette période, et même après la publication du dernier communiqué provoquant l'effondrement des
cours. Aussi bien, la Cour d'appel de Paris ne lui avait alloué qu'une indemnité de 1 500 000 F. Il faisait valoir devant la
Cour de cassation la règle de la réparation intégrale du dommage, et ce tant pour les titres achetés au cours de la période
litigieuse que pour ceux conservés.

Mais, la Cour de cassation a relevé que la cour d'appel avait retenu que seul le préjudice né de la différence de cours est
certain et découle de l'infraction dont la partie civile a été la victime. Aussi bien, la critique qui remettait en cause
l'appréciation souveraine par les juges des faits et circonstances de la cause et la fixation de l'indemnité ne pouvait qu'être
écartée. A vrai dire, il semble que la Cour de cassation n'ait pas tenu compte des deux séries d'opérations réalisées par la
victime, savoir les achats de titres et la conservation de ceux acquis antérieurement. Par ailleurs, la cour d'appel n'aurait-
elle pas dû indemniser totalement la victime des débours subis à l'occasion des achats d'actions, de sorte que la Cour de
cassation aurait dû censurer sa décision sur ce point.

Car, s'il est certain qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement l'indemnisation due à la victime d'un
délit, ils doivent cependant assurer une indemnisation intégrale, laquelle, dans le cas présent, était facile à terminer,
puisqu'elle résultait de la différence entre le prix d'achat des actions et le cours soit de réalisation, soit du jour le plus
proche de la révélation de la situation catastrophique de la société. Aussi bien, la décision de la haute juridiction n'est pas
à l'abri de la critique sur ce point.

En outre de ces indications, le présent arrêt de la Cour de cassation apporte des précisions essentielles sur le délit d'initié.

Sur le délit d'initié

Statuant sur les pourvois du parquet général de Paris et de la partie civile, la Chambre criminelle donne deux réponses à
des questions délicates. Il s'agit, tout d'abord, de celle de la responsabilité pénale du dirigeant d'une société lorsque le délit
d'initié a été apparemment réalisé par celle-ci. Mais c'est aussi relativement à l'action civile en cette matière que la Cour
de cassation donne une réponse indirecte.

A. - Dans le cas présent, des dirigeants de la banque détentrice d'une partie du capital de la société avaient été poursuivis
pour avoir procédé à des ventes de titres à un moment où ils disposaient d'informations privilégiées sur la situation de la
société. L'opération de bourse ayant été réalisée au nom de la banque, non seulement les directeurs généraux avaient été
poursuivis, mais encore le président de la banque. Tous avaient été condamnés par le Tribunal correctionnel de Paris.
Mais la Cour d'appel de Paris devait relaxer le président au motif que sa responsabilité pénale devait être subordonnée à
la réunion à sa charge des éléments matériels et intentionnels propres à la caractériser.

Le procureur général près la Cour d'appel de Paris contestait cette décision. Selon lui, les dispositions spéciales de l'article
10-1 de l'ordonnance du 28 septembre 1967 n'exigent ni participation matérielle ni élément intentionnel, car elles
auraient institué à la charge des dirigeants de personnes morales, une responsabilité pénale du fait d'autrui, dont ils ne
pourraient être exonérés que par la force majeure. Aussi bien, en prononçant la relaxe du président de la société de
banque, la Cour d'appel de Paris aurait méconnu le sens et la portée de la loi.

C'est cette thèse qu'accueille la Cour de cassation. Dès lors que la loi dispose qu'en cas de réalisation des opérations d'initiés
par une personne morale, ses dirigeants de droit ou de fait sont pénalement responsables des infractions commises, les
juges ne sont pas en droit de relaxer le dirigeant légal faute de fait impliquant sa participation délibérée au délit reproché.
Ils doivent, au contraire, le présumer responsable, sauf à lui à combattre la présomption édictée par la loi en en
administrant éventuellement la preuve contraire.

Une telle interprétation avait, sans doute, été donnée par certains auteurs (v. Mme DUCOULOUX-FAVARD, « Le délit
d'initié, dix ans de jurisprudence et d'activité de la commission des opérations de bourse », Gaz. Pal., 1984.II. Doct. 419),
qui avaient toutefois observé que le texte légal en visant « les dirigeants » prenait en compte un acte de gestion plurale, et
ne faisait pas obstacle à ce que les dirigeants apportent la preuve de ce qu'ils ne détenaient aucune information particulière.

Elle nous semble cependant contestable, dans la mesure où elle est contraire aux principes du droit pénal contemporain.
C'est qu'en effet, la loi n'a pas pu instituer une présomption de tricherie, car elle vise à la fois les dirigeants de droit et les
dirigeants de fait. On voit mal comment peuvent être impliqués en même temps et sans différenciation « tous les dirigeants
de droit et de fait » d'une personne morale.

En réalité, si la loi (du 3 janv. 1983) a cru nécessaire de préciser que les dirigeants de la personne morale seront pénalement
responsables des infractions commises à l'occasion d'opérations effectuées par une personne morale, c'est en raison de
l'irresponsabilité pénale des personnes morales qui avait cours alors. Plutôt que de laisser les agissements en cause impunis,
la loi a voulu que les dirigeants en répondent même s'ils n'ont recherché aucun profit personnel. Ce faisant, elle a procédé
à la manière de la loi du 27 décembre 1973 sur la publicité trompeuse (art. 44-II, al. 7) ou de celle du 8 juillet 1983 sur la
punition de l'organisation frauduleuse de l'insolvabilité (art. 404-1, al. 2, c. pén.). Il s'agit de désigner une personne
physique pour le cas où le délit aurait été réalisé pour le compte d'une personne morale.

De plus, dans le domaine de la responsabilité pénale du chef d'entreprise, on sait que le dirigeant n'est responsable qu'en
cas de faute personnelle (MERLE et VITU, Traité de droit criminel, 6e éd., I, n° 497 et 498 ; STEFANI-LEVASSEUR
et BOULOC, Droit pénal général, 14e éd., n° 295 et 296). Puisque dans le cas présent, le président n'avait pas participé à
la réalisation des opérations critiquées, aucun acte matériel et aucune faute ne pouvaient être retenus contre lui, et la
décision de relaxe n'aurait pas du être anéantie.

Enfin, il faut rappeler que l'art. 6-2 de la Convention européenne des droits de l'homme en édictant une présomption
d'innocence condamne le principe d'une présomption de culpabilité (v. aff. SALABIAKU, 7 oct. 1988, Rev. sc. crim.,
1989, p. 167). Sans doute, il n'y a pas méconnaissance de l'article 6-2 si l'intéressé dispose de moyens de défense et si le
juge doit établir la volonté de violer la loi (cf. Crim. 6 nov. 1991, Bull. crim., n° 397 ; Crim. 17 déc. 1991, Bull. crim.,
n° 481). Il n'en demeure pas moins que l'on voit mal comment le président d'une société pourra échapper à la «
présomption de responsabilité » que vient d'admettre la Cour de cassation.

Aussi, il sera intéressant de savoir si la Cour d'appel d'Orléans, cour de renvoi, se rangera à l'opinion de la Cour de Paris
ou à celle de la Cour de cassation. La question est d'importance, comme l'est aussi celle de savoir si le délit d'initié est de
nature à permettre l'exercice d'une action civile.

B. - A l'actionnaire qui se plaignait des agissements des dirigeants de la société et de la banque, et qui contestait la décision
de relaxe du président de la banque, la Cour de cassation répond que ne s'étant pas constitué partie civile pour le délit
d'initié, il ne peut pas critiquer la décision de la cour d'appel.

Sur le plan procédural, la réponse est juste. Mais on peut déduire de cette formulation qu'une action civile serait possible
en matière de délit d'initié, alors que le délit paraissait assurer la protection indifférenciée de tous les opérateurs potentiels,
et donc la protection de l'intérêt général. Sans doute quelques auteurs avaient admis une possible action civile (C.
GAVALDA, Rev. sociétés, 1976, p. 607 ; PUECH, Mélanges Bastian, 1974, p. 237). Mais les principes du droit commun,
savoir l'exigence d'un préjudice personnel et d'un préjudice direct, seront de nature à limiter le droit d'action. Car, le fait
que, dans le cas présent, le banquier ait vendu une partie des titres détenus n'est pas en corrélation étroite avec l'acquisition
de titres par la victime trompée par les espoirs de redressement de la société. Aussi bien, il sera intéressant de savoir ce qui
sera ultérieurement décidé par les juges du fond qui ne semblent pas avoir statué sur ce point.

En définitive, l'arrêt présentement rapporté mérite l'attention surtout en matière de délit d'initié, car la solution qu'il
consacre quant à l'action civile de l'opérateur trompé par des informations inexactes devrait être aménagée au regard de la
règle de la réparation intégrale du préjudice puisant sa source dans un délit.

Mots clés :
DROIT PENAL DES SOCIETES * Infraction boursière * Délit d'initié * Responsabilité pénale * Dirigeant de droit

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