Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Dans les économies qualifiées d'économies de marché, il existe un marché pour n'importe
quel bien ou service. Nous allons voir dans ce premier chapitre à quoi correspond la demande
des consommateurs, puis à quoi correspond l’offre des producteurs, avant de les confronter
l’une à l’autre pour montrer comment s’établissent les équilibres sur de tels marchés.
La demande d’un bien ou d’un service émane des consommateurs. Ces derniers peuvent bien
entendu être des ménages, mais également des entreprises, des administrations publiques, des
associations ou encore n’importe quel autre type d’agent économique. Les consommateurs
peuvent demander un produit dans un but de consommation finale (satisfaire un besoin
individuel ou collectif), de consommation intermédiaire (inclure ce bien dans le processus de
fabrication d’un autre bien) ou encore d’investissement (utiliser ce bien pour produire d’autres
biens). Quoi qu’il en soit, la demande d’un bien ou d’un service répond à des règles que nous
allons maintenant analyser en détail.
Qu'est-ce qu'une fonction de demande sur le marché d'un produit ? Qu'est ce qui explique sa
forme générale ? Comment la représenter ?
De façon générale, la fonction de demande est la relation entre la quantité d’un bien ou
d’un service (d'un produit) demandée par les consommateurs et les différentes variables
économiques qui influencent cette quantité. Pour un individu donné, on peut par conséquent
formaliser la fonction de demande de la façon suivante :
avec qD la quantité demandée d’un produit par un agent (un individu, un ménage, une
entreprise, etc.) et V1, V2, V3, ..., Vn les variables influençant cette quantité. Les variables en
question sont particulièrement nombreuses. Intuitivement, on citera bien entendu le prix du
bien concerné, mais jouent également le revenu du consommateur, les prix d’un certain
nombre d’autres biens ou services pouvant influencer la demande du bien étudié, les goûts et
préférences du consommateur, la mode et les tendances du moment, la publicité, la qualité
reconnue ou supposée du produit, etc. Ainsi, il apparaît rapidement qu’une infinité de
variables peuvent influencer la demande individuelle d’un bien ou d’un service. De plus, ces
variables peuvent être différentes selon l’individu observé. Par exemple, un individu peut être
beaucoup plus exposé à la publicité qu’un autre et y être, de fait, beaucoup plus sensible ;
dans un autre registre, un individu peut être très sensible à l'image de marque des vêtements
qu'il souhaite acheter et porter, alors qu'un autre peut n'y attacher aucune importance .
Pour les besoins de l’analyse microéconomique du marché, nous allons le plus souvent être
amenés à exprimer la fonction de demande sous sa forme dite réduite. La nécessaire
agrégation des demandes émanant des différents agents en une demande globale sur le marché
du bien empêche de considérer simultanément l’ensemble des variables susceptibles
d’influencer celle-ci. En effet, la prise en compte de telles fonctions de demande nuirait
immanquablement à toute tentative de formalisation des comportements de l’ensemble des
consommateurs. Nous allons par conséquent considérer que la demande ne dépend que d’une
seule variable, le prix du produit, ce qui revient à supposer que les autres variables sont
constantes et données. Le choix du prix du produit comme variable explicative fondamentale
de la demande individuelle découle de l’observation la plus élémentaire de la vie économique.
La demande dépend toujours du prix. Avant de faire l’acquisition d’un produit, nous
commençons systématiquement par prendre connaissance du prix de ce dernier. On écrira par
conséquent la forme réduite de la fonction de demande individuelle :
Ainsi simplifiée, la fonction de demande montre comment varie la quantité demandée lorsque
varie le prix du produit. Elle décrit la relation mathématique s'établissant entre la quantité d'un
produit demandée par un agent et son prix.
La demande que nous avons considérée jusqu’ici est la demande individuelle émanant d’un
seul et unique consommateur. Afin d’étudier les équilibres de marché il nous faudra, dans la
suite de cette section, considérer la demande globale sur le marché. Cette demande globale
correspond à la somme ou encore à l’agrégation de l’ensemble des demandes individuelles
exprimées pour le produit étudié. Il s'agit de la relation s'établissant entre la quantité
demandée d'un produit par l'ensemble des consommateurs et le prix de celui-ci.
Si l’on considère par exemple qu’existent sur un marché trois types de consommateurs
exprimant des fonctions individuelles de demande différentes, notées respectivement f1, f2 et
f3. Les quantités demandées par un consommateur de chaque type dépendent alors du prix du
bien (ou du service) et valent alors respectivement q1 = f1 (p), q2 = f2 (p) et q3 = f3 (p). S’il
existe sur le marché n1 consommateurs de type 1, n2 consommateurs de type 2 et n3
consommateurs de type 3, alors la demande globale sur le marché est telle que sur le domaine
qu’ont en commun ces trois fonctions et pour un prix donné :
QD = f (p) = n1•q1 + n2•q2 + n3•q3 = n1•f1 (p) + n2•f2 (p) + n3•f3 (p)
avec QD la quantité demandée par l’ensemble des consommateurs présents sur le marché.
On notera que l'agrégation des demandes individuelles en une demande globale n'est pas
qu'un exercice strictement théorique. Elle est potentiellement très intéressante en pratique
lorsque la demande globale résulte par exemple de la demande de différents groupes
démographiques (classes d'âge, genre, CSP, etc.) ou encore de la demande de consommateurs
localisés à des endroits différents (demande domestique et demande à l'export par exemple).
Deux phénomènes découlent de ce principe d'agrégation des demandes individuelles : (i) la
demande d'un produit s'accroit nécessairement lorsque de nouveaux consommateurs entrent
sur le marché de ce produit (et inversement) et (ii) les variables qui influencent simultanément
la demande de nombreux consommateurs (la conjoncture économique et sociale par exemple
ou encore la publicité) influenceront également la demande globale sur le marché.
La demande à une entreprise est, comme son nom l’indique, celle qui s’adresse pour sa part à
une seule entreprise. Elle ne représente donc qu’une partie de la demande totale sur le marché
lorsqu’il y a plusieurs entreprises présentes sur ce dernier. Dans le cas d’un monopole, c’est à
dire lorsqu’une seule entreprise sert le marché, il y a bien entendu identité entre demande à
l’entreprise et demande sur le marché, mais cela n’est vrai que dans ce cas uniquement.
La “loi de la demande” démontre l’existence d’une liaison inverse entre le prix d’un bien et
les quantités demandées de ce bien. La microéconomie du consommateur permet en effet
d’établir que les fonctions de demande individuelles sont décroissantes : lorsque le prix d'un
produit diminue, toutes choses égales par ailleurs, les quantités demandées augmentent (et
inversement). C’est un résultat qui est bien évidemment largement intuitif. Cette propriété va
donc s’appliquer aussi à la demande totale sur le marché.
Plus précisément, si on prend l'exemple d'une diminution du prix d'un produit, deux effets se
combinent :
Ainsi, QD = f(p) est décroissante, c’est à dire que sa dérivé première f’(p) est nécessairement
négative sur l’ensemble du domaine de définition de toute fonction de demande. Cette “loi de
la demande” est largement admise en microéconomie, mais il est à noter qu'elle souffre
toutefois de quelques exceptions :
L'effet Veblen : il existe certain produits et quelques consommateurs pour lesquels la
loi de la demande ne s’applique pas. Certains produits très spécifiques sont en effet
consommés par des groupes d’individus fortunés et désireux de se distinguer par la
consommation – parfois ostensible – de biens ou de services qui ne sont pas
accessibles aux autres en raison de leurs prix élevés. On parle alors d’effet Veblen ou
plus simplement d'effet de snobisme. Cet effet implique qu’un accroissement du prix
de certains produits entraîne un accroissement des quantités demandées de ces
derniers. Par exemple, dans le domaine des biens de luxe ou du moins ceux qui
permettent une certaine distinction sociale, la baisse de prix de ces produits se traduit
par une baisse de l'intérêt qu'ils présentent aux yeux de leurs acheteurs potentiels. A
l'inverse, la hausse du prix d'un produit peut le rendre davantage désirable et le faire
entrer dans la catégorie des biens dont la possession traduit un rang social élevé. Dans
ce cas, les demandeurs ont tendance à vouloir acquérir des produits dont le prix élevé
fait toute la valeur, en dépit d'une valeur pratique éventuellement faible. On peut citer
à titre d'exemple des produits tels que les services offerts dans certains lieux “select”
(locations, restauration, loisirs), mais également des œuvres d'art, des vêtements de
créateur, des voitures de luxe, etc. Il est cependant évident qu’un tel comportement
n’est en rien dominant.
Les effets d'anticipation : on pourrait également considérer que le prix d’un produit
augmentant, les quantités demandées de ce dernier augmentent parce que les
consommateurs interprètent la hausse de prix comme un signe avant-coureur de
futures hausses supplémentaires de ce dernier. Ils effectuent alors des achats dits de
précaution, en précipitant ces derniers afin d’éviter les futures hausses supposées du
prix (citons ici par exemple les augmentations du prix des carburants ou des prix de
l'immobilier). On peut évoquer dans la même veine les achats spéculatifs, qui
consistent à acquérir un bien non pas parce qu'il permet de satisfaire un besoin, mais
parce qu'on anticipe une augmentation future de son prix. Il y a là un comportement
rationnel d’anticipation de la part du consommateur, mais ce problème ferait dépendre
la quantité demandée sur le marché du prix futur anticipé du bien, c’est à dire d’une
variable différente de celle que nous retenons dans la forme réduite : le prix immédiat,
actuel et constaté du bien. La fonction de demande que nous considérons est une
fonction instantanée, statique (c’est à dire sans prise en compte du temps passé et
futur), et dans ce cadre restreint, il n’y a pas à mettre en doute la liaison négative entre
prix et quantités demandées.
.
2.4. La représentation graphique de la fonction de demande
Si l'on considère par exemple le marché du transport ferroviaire entre deux villes, la demande
de billets est d'autant plus élevée que le prix du billet est faible (loi de la demande = effet de
revenu + effet de substitution) et il existe un prix maximum à partir duquel plus personne
n'achète de billet de train pour ce trajet et un niveau de saturation de la demande qui
détermine finalement la demande potentielle maximale sur ce marché (combien de personnes
consommeraient ce produit s'il était fourni gratuitement).
Comment prendre en considération l'impact sur la demande d'un produit des variables autres
que le prix de ce dernier ?
Dans le graphique ci-dessus, les évolutions d’une variable autre que le prix du produit
entraînent des déplacements de la droite de demande, parallèlement à elle-même, vers la
droite ou la gauche du graphique (passage de D0 à D1 ou à D2). Selon les cas, elles entraînent
donc – pour un prix p* donné – un accroissement de la quantité demandée, par exemple de Q0
à Q1, ou une diminution de celle-ci, par exemple de Q0 à Q2.
Le principe fondant les déplacements de la fonction de demande étant maintenant connu, nous
allons revenir sur les principales variables autres que le prix pour discuter de leurs effets sur
les déplacements de la fonction de demande.
De manière générale, si le revenu des consommateurs s’accroît, on s’attend à ce que la droite
de demande se déplace vers la droite du graphique ci-dessous. En effet, si le revenu des
consommateurs s’élève, alors on passera de la droite de demande initiale D0 à une droite de
demande telle que la droite D1, pour laquelle la quantité demandée s’accroît à prix constant,
passant de Q0 à Q1. Les consommateurs, voyant leur pouvoir d’achat s’améliorer, accroissent
leur demande du bien concerné, même en l’absence de toute évolution favorable du prix de ce
dernier. A l’inverse bien entendu, une baisse du revenu des consommateurs provoque un
déplacement vers la gauche de la demande, de D0 à une droite parallèle telle que la droite D2.
On assiste dans ce cas à une diminution des quantités demandées à prix constant. Il est donc
tout à fait possible d’observer – à travers l’influence de la variable revenu – les effets de la
conjoncture économique sur la demande d’un bien. C’est en effet bien souvent cette dernière
qui est à l’origine des évolutions globales, à la hausse ou à la baisse, des revenus de
l’ensemble des consommateurs d’un bien ou d’un service. Ce type d'évolution d'ordre global
peut aussi provenir d'une évolution générale des revenus liée par exemple à une variation à la
hausse ou à la baisse du salaire minimum, des taux d'imposition ou encore des montants des
transferts sociaux.
Notons toutefois que les effets détaillés plus haut peuvent être entièrement inversés dans le cas très
particulier d’un ensemble de biens qualifiés de bien inférieurs. Ces biens voient en effet leur
demande diminuer lorsque les revenus des consommateurs s’accroissent et leur demande s’accroître
lorsque les revenus diminuent. Un exemple pertinent de ce type de biens réside dans les produits
dits « premier prix » des grandes surfaces. Alors qu’une conjoncture favorable incite à substituer à la
demande de ces produits une demande de produits considérés comme étant de meilleure qualité,
une conjoncture défavorable entraîne un accroissement de la demande de ceux-ci. Les biens
inférieurs restent toutefois suffisamment rares pour que la règle de déplacement de la demande en
fonction des variations de revenus initialement évoquée puisse être généralisée.
demande d’un bien ou d’un service est également susceptible de réagir aux variations de prix
d’un autre bien ou service. Les effets de la variation du prix d’un produit sur la fonction de
demande d’un autre produit diffèrent selon les relations qu’entretiennent entre eux les
produits concernés. Il importe donc de considérer différemment les choses selon que ceux-ci
sont substituables, complémentaires ou indépendants.
On dit de deux biens ou services qu’ils sont substituables si la consommation de l’un peut
remplacer celle de l’autre aux yeux des consommateurs. En d’autres termes, deux produits
sont considérés comme étant substituables s’ils sont susceptibles de satisfaire sensiblement les
mêmes besoins des consommateurs. L'utilisation de l'avion ou du train sur un même trajet
sont donc des produits substituables, au même titre qu’une VOD (vidéo à la demande) et un
ticket de cinéma ou que les pêches et les nectarines. En revanche, deux biens ou services sont
qualifiés de complémentaires si la consommation de l’un va de pair avec la consommation de
l’autre, c'est-à-dire si la consommation de l’un s’accompagne nécessairement de la
consommation de l’autre. L’automobile et l’essence, l’imprimante et ses cartouches ou encore
le smartphone et ses applications sont donc des biens complémentaires. Enfin, deux biens sont
considérés comme étant indépendants dès lors qu’ils ne sont ni substituables, ni
complémentaires.
Lorsque l’on s’intéresse à la demande d’un produit donné ; si l’autre produit dont le prix varie
est un produit substituable au précédent, alors une augmentation du prix de ce produit devrait
entraîner une augmentation de la quantité demandée du produit que l’on étudie. A contrario,
une baisse du prix d’un produit substituable entraînera, toutes choses égales par ailleurs, une
baisse de la demande du produit étudié. Par exemple, si l’on s’intéresse à la demande de
tickets de cinéma, initialement représentée par la droite D 0, alors une baisse du prix des VOD
entraînera un déplacement de la fonction de demande de D0 à D2. La quantité demandée de
tickets de cinéma diminue alors à prix constant (de Q0 à Q2 pour un prix p*), car les
consommateurs ont tendance à substituer à cette dernière une demande de VOD qui, tout en
satisfaisant sensiblement le même besoin, sont devenus relativement moins chères que le
cinéma. On observerait évidemment l’effet inverse à la suite d’un accroissement du prix des
VOD.
Si l’autre produit dont le prix varie est un produit complémentaire du précédent, alors une
augmentation du prix de ce produit devrait entraîner une diminution de la quantité demandée
du produit que l’on étudie. A l’inverse, la baisse du prix d’un produit complémentaire
entraînera, toutes choses égales par ailleurs, une hausse de la demande du produit étudié. Par
exemple, si l’on s’intéresse à la demande de cartouches d’imprimante, initialement
représentée par la droite D0, alors une baisse du prix des imprimantes entraînera un
déplacement de la fonction de demande de D0 à D1. La quantité demandée de cartouches
d’imprimante augmente alors à prix constant (de Q0 à Q1 pour un prix p*). La demande
d’imprimantes augmentant, du fait de la baisse de leur prix et de la loi de la demande, celle
des cartouches s’accroît également dans la mesure où la « consommation » d’imprimantes
s’accompagne nécessairement de la consommation de cartouches.
Enfin, on notera que les variations de prix d’un bien indépendant du bien étudié n’ont
évidemment aucun impact significatif sur la fonction de demande de ce dernier.
A titre de complément, il peut être utile de signaler que le cas de complémentarité peut se
produire de façon indirecte même si les biens sont a priori indépendants. En effet, si le prix
d’un bien augmente, le pouvoir d’achat général du consommateur diminue, ce qui réduit alors
sa consommation de tous les autres biens. L’importance de cet effet dépend bien sûr du poids
dans le budget du consommateur du bien dont le prix augmente. Ainsi, cet impact indirect
devrait être imperceptible si c’est par exemple le prix de l’or qui augmente, mais beaucoup
plus sensible si c’est le montant des loyers ou le prix de l'énergie qui s’accroît.
D’un point de vue plus qualitatif, des variables telles que la structure par âge ou par type
d’habitat (urbain, rural) de la population peuvent également jouer un rôle important sur la
demande de certains produits. Les habitudes de consommation peuvent en effet varier selon
les groupes de population identifiés par ces variables. Par exemple, dans un pays dans lequel
la population à tendance à vieillir et à s’urbaniser, il apparaît que la demande d’aliments pour
bébés ou d’outils de jardinage aura tendance à s’amenuiser, alors même que la demande de
produits de santé et de transports en commun aura tendance à s’accroître.
Il s’agit ici d’étudier les effets sur la demande d’un ensemble de variables relativement
hétéroclites mais qui n'en sont pas moins importantes quant à leurs impacts sur la demande
des produits. Les goûts et préférences des consommateurs relèvent l’influence de toutes les
autres variables sur la demande. A court terme, ces goûts et préférences peuvent se modifier
pour un certain nombre de raisons et entraîner, toujours à prix constant, des variations à la
hausse ou à la baisse de la demande d’un bien ou d’un service.
On retrouvera ici tous les effets positifs ou négatifs que peuvent avoir sur la demande d’un
produit la publicité, les effets de mode, la saisonnalité, la météo, le « moral » des
consommateurs, les phénomènes d’anticipation ou de retardement des achats, les taux
d’intérêts des crédits à la consommation, ou toute autre circonstance particulière susceptible
d’influencer la demande.
Section 2 : La fonction d'offre sur le marché
1. Définition et forme de la fonction d’offre
Nous pouvons mener pour la fonction d’offre d’un bien ou d’un service sur le marché une
analyse relativement similaire à celle que nous avons mené pour l’étude de la fonction de
demande. La fonction d’offre individuelle est la relation entre la quantité offerte par un
vendeur d’un bien ou d’un service et les variables qui influencent cette quantité. Soit, avec
qO la quantité d’un produit offerte sur le marché par un vendeur et V1 à Vn les différentes
variables susceptibles d’influencer cette offre :
Pour les besoins de l’analyse microéconomique du marché, nous allons être le plus souvent
amenés à exprimer la fonction d’offre sous sa forme réduite. Nous considérerons ainsi que
l’offre ne dépend que d’une seule variable, le prix du produit, ce qui revient à supposer que
les autres variables sont constantes et données. Le choix du prix du produit comme variable
explicative fondamentale de l’offre d’une entreprise, découle du fait que celle-ci choisit son
offre de telle sorte qu’elle maximise le profit. Or, le profit étant la différence entre les recettes
et les coûts, l’offre dépend du prix de vente (qui détermine les recettes) et des coûts de
production. On écrira par conséquent la forme réduite de la fonction d’offre individuelle de la
façon suivante :
L’offre jusqu’ici considérée est celle émanant d’une unique entreprise. Pour étudier les
équilibres de marché, nous utiliserons dorénavant l’offre globale sur ce dernier. Celle-ci est la
somme de l’ensemble des offres individuelles exprimées pour le produit étudié. S’il existe sur
un marché m types d’entreprises exprimant des fonctions d’offre individuelles différentes,
notées respectivement g1, g2, …, gm, alors l’offre globale sur ce marché est telle que sur le
domaine qu’ont en commun ces différentes fonctions et pour un prix donné :
avec ni le nombre d’entreprises de type i présentes sur le marché et Q O la quantité offerte par
l’ensemble des entreprises présentes sur le marché. On notera que l’offre sur le marché et
l’offre individuelle sont confondues dans le cas particulier du monopole, dans lequel une
seule entreprise assure l’intégralité de l’offre d’un produit sur un marché.
Toutes choses égales par ailleurs, on peut considérer que lorsque le prix de marché
s’élève, la production devient plus profitable et qu’il est rationnel d’augmenter l’offre. Ainsi,
QO = g(p) est croissante, c’est à dire que sa dérivé première g’(p) est nécessairement positive
sur l’ensemble du domaine de définition de toute fonction d’offre. La pente positive de la
fonction d'offre découle principalement du fait qu'un prix plus élevé accroît le nombre
d'entreprises susceptibles de produire et de vendre le bien ou le service de façon profitable.
Un prix plus élevé attire de nouvelles entreprises sur le marché, des entreprises qui n'étaient
initialement pas en mesure de faire des profits à des prix plus faibles. D'autre part, un
accroissement du prix du produit permet aussi aux entreprises déjà présentes de produire plus,
par exemple en embauchant plus de travailleurs ou en investissant pour accroitre leur capital.
La dérivé première de cette fonction (5/3) est bien positive et elle permet par exemple de
mesurer que pour un prix de 16, l’offre globale s’établirait à 10. Cette fonction permet bien
entendu également de mesurer le prix pour lequel une quantité donnée sera offerte sur le
marché. Par exemple, la quantité offerte sur le marché s'établira à 20 si le prix est fixé à 22.
Par convention, on représente toujours les fonctions d’offre dans le même repère que
les fonctions de demande, c'est-à-dire en portant en abscisses les quantités offertes et en
ordonnées les prix pratiqués. On représente donc concrètement la fonction d’offre inversée,
qui donne le prix pratiqué en fonction de la quantité offerte. Dans notre exemple, on
représente ainsi la fonction :
On retrouve l’équation d’une droite croissante dans le repère considéré. Ci-dessous, la
représentation graphique de cette dernière montre que l’offre serait nulle pour tout prix inférieur ou
égal à 10. Le point d’intersection entre l’axe des ordonnées et la fonction d’offre sur le marché fait
systématiquement apparaître le prix minimum en dessous duquel aucune offre n’émane des
producteurs du produit considéré. À un prix de 10 ou moins, aucune entreprise (même celle
bénéficiant par exemple des coûts les plus faibles et /ou des meilleures techniques de production)
n'est susceptible d'offrir le bien de façon profitable.
Les variations de la taille d’une industrie peuvent être dues à des effets de long terme ou de
court terme. A long terme, certaines activités se développent et voient le nombre d’entreprises
présentes sur le marché augmenter. C’est le cas, par exemple, du marché des services
environnementaux sur lequel le nombre d’entreprises présentes s’accroît régulièrement depuis
une vingtaine d’année. A l’inverse, le nombre d’entreprises artisanales de plomberie ou de
maçonnerie baisse tendanciellement dans un pays comme la France, entraînant un
déplacement vers la gauche de la courbe d’offre. A plus court terme, la taille d’une industrie
peut varier pour des raisons de saisonnalité (le marché des galettes des rois, par exemple) ou
de mode (certains produits vestimentaires). Dans ce cas, les variations de la courbe d’offre ne
sont plus tendancielles, mais ponctuelles.
On remarquera enfin qu'un déplacement de la courbe d'offre vers la gauche, par exemple de
O0 à O2, dû à la baisse du nombre d'entreprises dans un secteur donné, peut aussi se traduire
par l'offre d'une quantité identique (ici Q2), mais à un prix plus élevé !
Les progrès des technologies de fabrication, c'est-à-dire les progrès techniques incorporés par
le biais d’investissements de productivité, permettent à une entreprise d’offrir davantage de
produit à un même prix. Ils peuvent aussi permettre de produire une même quantité, mais à un
coût et donc à un prix moindre. Ils peuvent par conséquent entraîner eux aussi un déplacement
vers la droite de la courbe d’offre (passage de O0 à O1).
La notion de technologie doit ici être entendue au sens large, en cela qu’elle peut aussi bien
concerner l’efficacité des machines que tout autre savoir-faire relatif aux méthodes de
production. Les progrès de la technologie concernent donc tout autant une entreprise telle
qu’EDF lorsqu’elle diminue les déperditions d’énergie électrique lors de son acheminement
vers les consommateurs, qu’une quelconque entreprise lorsqu’elle accroît son offre, toutes
choses égales par ailleurs, en se lançant dans la vente par internet.
On notera qu'il est peu probable que des évolutions technologiques négatives, des "reculs"
technologiques, puissent déplacer la fonction d'offre vers la gauche, si ce n'est en cas de choc
massif sur l'appareil productif ou de choix volontariste de la part du secteur concerné.
Si le prix d’un ou de plusieurs des facteurs de production d’une entreprise augmente, cela va
avoir un effet sur l’offre. Cette fois, on peut penser qu’en réaction à cette augmentation du
coût des facteurs l’entreprise offrira des quantités moindres de produits pour le même prix (ou
les mêmes quantités, mais alors à un prix plus élevé) et par conséquent que la courbe d’offre
se déplacera vers la gauche (passage de O0 à O2). On observera à l’inverse un déplacement de
O0 à O1 à la suite de toute baisse des prix des facteurs de production.
Ainsi par exemple, un accroissement des cours du pétrole et donc du kérosène a une influence
négative, entre autre, sur l’offre de transports aériens. A l’inverse, la tendance lourde à la baisse des
coûts du facteur travail, liée entre autre aux phénomènes de délocalisation de la production,
entraîne un déplacement vers la droite de l’offre des nombreuses entreprises concernées, quelle que
soit leur activité.
2.4. Les variations de prix des biens connexes
Les stratégies de diversification des entreprises font qu’elles produisent souvent plusieurs
biens connexes substituables les uns aux autres dans leur production totale. Dans ce cas, une
augmentation du prix de l’un de ces biens peut entraîner une baisse de la production et donc
de l’offre des autres biens. Le produit dont le prix augmente peut en effet devenir plus
“intéressant” à fabriquer que les autres, toutes choses égales par ailleurs. Il y a alors
substitution dans l’offre. On peut retenir ici l’exemple d’un restaurant pratiquant également la
vente à emporter. Une évolution favorable des prix de cette dernière activité peut entraîner
une baisse de l’offre de restauration traditionnelle, toutes choses égales par ailleurs.
Dans d’autres cas, il peut également exister au sein d’une entreprise une complémentarité
entre certains biens connexes, lorsque ceux-ci sont liés dans le même processus de production.
Dans ce cas, l’augmentation du prix de l’un de ces biens entraînera également un
accroissement de la production du produit qui lui est lié, toutes choses égales par ailleurs. A
titre d’exemple, un accroissement du prix de la viande de bœuf entraînera probablement une
augmentation de l’offre de cuir, car la viande et le cuir sont évidemment des produits
techniquement liés.
Les interventions publiques à l’adresse des producteurs d’un bien ou d’un service peuvent
également provoquer des déplacements de la fonction d’offre, par le biais d’une modification
– à la hausse ou à la baisse – des coûts de production du produit concerné.
Ainsi, par leurs diverses subventions et aides, les autorités gouvernementales ou européennes
peuvent faire déplacer la fonction d’offre vers la droite, c’est à dire faire augmenter la
quantité produite pour un prix donné, du fait de la baisse induite des coûts de production. A
l’inverse bien entendu, elles peuvent faire déplacer la fonction d’offre vers la gauche en
imposant des contraintes, des réglementations ou des taxes aux entreprises, ce qui aura un
effet négatif sur l’offre, du fait de l’accroissement induit des coûts de production.
L'approche standard de la représentation des marchés en économie, qui est celle des
économistes dits "néoclassiques", appuie l'essentiel de ses raisonnements sur une
représentation graphique de ce qu’est un marché. Il s’agit d’une représentation stylisée et
abstraite qui simplifie le réel afin d'en réduire la complexité pour se concentrer sur les
éléments essentiels permettant de faire apparaître les mécanismes simples et basiques de
fonctionnement du marché. Concrètement, la représentation standard du marché d'un produit
quelconque synthétise les comportements de l'ensemble des demandeurs (consommateurs)
grâce à une droite de demande globale du produit et elle synthétise les comportements de
l'ensemble des offreurs (producteurs) grâce à une droite d'offre globale du produit. Ces deux
droites représentées simultanément sur un même graphique symbolisant la rencontre des
offreurs et des demandeurs relient des quantités offertes ou demandées à différents niveaux de
prix. Par convention, les quantités sont représentées en abscisses et les prix le sont en
ordonnées.
Nous voyons immédiatement qu'un point particulier se dégage : le point d'intersection entre les
droites d'offre et de demande. Ce point constitue dans l'approche standard la « meilleure situation
possible » pour le marché : c’est le point où l’offre est égale à la demande et pour lequel le maximum
d'échanges se réalisent. En effet, si le prix du produit s'établit à une autre valeur que celle
correspondant à l'intersection des deux fonctions (au-dessus ou en dessous du prix considéré), on
obtient les deux situations suivantes :
Si le prix p1 est supérieur à p*, le prix correspondant à l'intersection des fonctions d'offre et
de demande, alors la quantité demandée est égale à QD1 (faible demande car prix élevé) et la
quantité offerte est égale à QO1 (quantité offerte élevée car prix élevé) . On constate ainsi que
les quantités offertes du produit sont supérieures aux quantités demandées. En termes
d’échanges réalisés, cela veut dire que la demande va contraindre l’offre : c’est ce qu'on
appelle le « côté court » du marché qui s’impose. On ne peut en effet pas obliger les
consommateurs à acheter plus du produit qu'ils ne le souhaitent à ce prix élevé. Les échanges
réalisés correspondront donc à ce prix à une quantité QD1 qui est, comme on le voit sur le
graphique, une quantité inférieure à celle qui s'échangerait au prix d'équilibre p*.
Si le prix p2 est inférieur à p*, alors la quantité demandée est égale à QD2 (forte demande car
le prix est faible) et la quantité offerte est égale à QO2 (quantité offerte faible car le prix est
faible). On constate alors que les quantités demandées du produit sont supérieures aux
quantités offertes. En termes d’échanges réalisés, cela veut dire cette fois que l'offre va
contraindre la demande. On se situe de nouveau du « côté court » du marché puisqu'on ne
peut pas obliger les offreurs à vendre plus du produit qu'ils ne le souhaitent à un prix si faible.
Les échanges réalisés correspondront donc à ce prix à une quantité QO2 qui est, comme on le
voit sur le graphique, une quantité inférieure à celle qui s'échangerait au prix d'équilibre p*.
Ainsi, si le prix s'établit à une valeur différente de celle correspondant à l'intersection des
fonctions d'offre et de demande, les quantités échangées seront systématiquement inférieures
à celles qui seraient échangées au prix d'équilibre. Le prix d'équilibre du marché d'un produit
est donc celui qui permet de maximiser le volume des échanges et donc de satisfaire
simultanément le plus grand nombre d'offreurs et de demandeurs. On considère dans
l'approche standard qu'il est pour cette raison souhaitable d'atteindre systématiquement cet
équilibre.
2. L’existence d’un équilibre de marché
Les économies qualifiées d’économies de marché mettent en avant le rôle fondamental qu’y
jouent les échanges librement consentis entre agents économiques. Ces échanges s’effectuent
à un prix donné, que l’on considère tributaire de l’offre et de la demande, mais qui détermine
également ces dernières.
Le marché d’un bien ou d’un service peut être considéré comme le lieu, souvent abstrait,
où se rencontrent une demande (émanant des consommateurs) et une offre (émanant des
producteurs), pour aboutir à des échanges (achats et ventes) caractérisés par des prix de
marché. Il existe autant de marchés que de produits et chacun d’entre eux donne lieu à
l’émergence d’un prix. L’équilibre de la demande et de l’offre détermine simultanément un
prix, dit prix d’équilibre, et une quantité, également d’équilibre, échangée sur le marché.
L’équilibre est réalisé sur le marché d’un produit si la quantité offerte par les producteurs est
égale à la quantité demandée par les consommateurs. En d’autres termes, un marché est en
équilibre si les quantités échangées le sont à un prix qui convient à la fois aux demandeurs
et aux offreurs. Cette condition détermine simultanément le prix d’équilibre du marché, ainsi
que la quantité d’équilibre échangée entre producteurs et consommateurs.
Le couple (Q* ; p*), qui réalise l’équilibre sur le marché d’un produit appartient par
conséquent à la fois à la fonction de demande et à la fonction d’offre. Trouver le point
d’équilibre d’un marché revient dès lors à égaliser l’offre et la demande sur ce dernier. Par
exemple, avec les fonctions de demande et d'offre suivantes :
Le prix d'équilibre du marché est donc égal à 40 et la quantité de produit échangée est donc
égale à :
Comme on le voit ci-dessus, on peut bien entendu retrouver la quantité échangée à l'équilibre
en utilisant soit la fonction de demande, soit la fonction d'offre, puisque au prix d'équilibre
elles génèrent des quantités qui sont par définition égales. Le point d'équilibre du marché se
trouve en effet à l'intersection des fonctions de demande et d'offre comme on le voit sur le
graphique ci-dessous :
Graphiquement, le point d’équilibre E, de coordonnées (Q* ; p*) se trouve bien entendu à
l’intersection des droites d’offre et de demande du produit. On notera qu’il est évidemment
possible de retrouver l’équilibre du marché en égalisant les fonctions inverses d’offre et de
demande, qui sont les fonctions représentées sur la graphique. On a alors les fonctions de
demande et d'offre inverses qui s'écrivent :
Et par conséquent :
A l’équilibre, dans notre exemple, il se vendra donc 50 unités du produit étudié et ce à un prix
de 40 par unité. Les quantités échangées, ainsi que le prix, conviennent en ce point aux deux
parties : offreurs et demandeurs, c’est à dire producteurs et consommateurs.
On peut voir sur les graphiques ci-dessous que, la demande étant strictement décroissante et
l’offre strictement croissante, il y aura nécessairement une solution d’équilibre, si tant est que
le prix minimum des producteurs est strictement inférieur au prix maximum des
consommateurs. Cette solution sera d’autre part unique si les fonctions d’offre et de demande
sont monotones.
Dernier élément très important concernant cet équilibre de marché, il distingue concrètement
au sein des acteurs du marché (offreurs et demandeurs du produit) ceux qui vont participer à
l'échange de ceux qui sont exclus de cet échange.
On voit sur le graphique ci-dessus, reprenant l'exemple précédent, que tous les demandeurs
qui étaient prêts à acquérir le produit, mais à un prix inférieur à 40, ne participent pas à
l'échange ; ils participent au marché en exprimant une demande potentielle pour le produit,
mais ils ne participent pas à l'échange du produit dans les conditions actuelles du marché.
Tous les demandeurs qui par contre participent à l'échange étaient prêts à payer 40 ou
plus, selon les consommateurs, pour obtenir une unité du produit considéré. De manière
parfaitement analogue, on voit que tous les offreurs qui étaient prêts à proposer le produit,
mais à un prix supérieur à 40, ne participent pas à l'échange ; ils participent au marché en
exprimant une offre potentielle pour le produit, mais ils ne participent pas à l'échange dans les
conditions actuelles du marché. Tous les offreurs qui par contre participent à l'échange
étaient prêts à vendre une unité du produit à 40 ou moins, selon les producteurs.
Si l’équilibre du marché d'un produit existe, peut-on pour autant affirmer qu’il sera atteint
spontanément ? D’autre part, s’il est atteint, cet équilibre est il stable, c’est à dire se rétablit-il
automatiquement s’il a été troublé pour une quelconque raison ? Ces deux questions
essentielles fondent l’analyse de la stabilité de l’équilibre de marché.
Puisque les équilibres de marché existent et que des échanges s’effectuent bel et bien entre
producteurs et consommateurs à des prix donnés, les microéconomistes admettent parfois tout
simplement qu’il existe un processus permettant d’atteindre l’équilibre de marché et de s’y
tenir. Ce processus est assimilable à un processus de tâtonnement sur les marchés, mené par
un hypothétique “commissaire-priseur”, qui permettrait de trouver la situation d’équilibre
avant d’échanger. On considère dans ce cas qu’il n’existe pas de transactions réalisées à un
prix différent du prix d’équilibre. Cette approche repose toutefois sur l’hypothèse que tous les
acteurs sur le marché disposent d’une information parfaite sur les fonctions d’offre et de
demande en présence... ce qui n'est évidemment pas le cas.
Une autre façon d’envisager les choses, plus réaliste et basée sur des hypothèses moins fortes,
repose sur l’idée que des échanges peuvent avoir lieu hors du point d’équilibre, mais que
celui-ci sera finalement retrouvé et maintenu à long terme. Il est alors possible d’envisager
différents types d’ajustement sur le marché qui pourront être convergents ou divergents.
Le premier type d’ajustement est qualifié d’ajustement par les quantités. Un prix quelconque
est fixé pour le produit et on observe alors quelles sont les quantités offertes et demandées à
ce prix. En fonction du résultat, les ajustements se font par la fonction d’offre, c'est-à-dire par
l’entremise des producteurs qui ajustent le prix à la demande constatée.
Le second type d’ajustement envisageable sur le marché d’un produit est qualifié
d’ajustement par les prix. Cette fois, c’est une quantité quelconque du produit qui est
proposée sur le marché et on observe alors quel est le prix auquel les demandeurs sont près à
acquérir une telle quantité. En fonction du résultat, les ajustements se font par la fonction
d’offre, c'est-à-dire par l’entremise des producteurs qui ajustent leur offre au prix constaté.
A l’équilibre de marché, il existe donc un prix unique pour toutes les unités échangées et pour
tous les participants à l'échange. Tout consommateur faisant l’acquisition du produit le fait au
prix d’équilibre et tous les producteurs vendent leur produit à ce même prix. Pourtant, une
simple observation de la fonction de demande permet de constater qu’à l’exception de la
dernière, toutes les unités achetées sur le marché le sont à un prix inférieur à celui que les
demandeurs concernés étaient disposés à payer. De la même façon, toutes les unités vendues,
à l’exception de la dernière, le sont par les offreurs à un prix supérieur à celui auquel ils
étaient près à offrir le produit. Il apparaît donc que tous les agents participant au marché tirent
avantage de l’existence sur ce dernier d’un prix unique, le prix d’équilibre.
2. Le surplus du consommateur
Sur le graphique ci-dessus, les demandeurs dépensent p*·Q*, dépense représentée par la
surface du rectangle OPEQ. Or, supposons que les producteurs aient la possibilité de
discriminer entre les consommateurs, de sorte qu’ils puissent leur faire effectivement payer le
prix qu’ils sont réellement disposés à verser pour acquérir les quantités concernées. Dans ce
cas, par exemple, la quantité QX serait acquise au prix pX, pour une dépense totale égale à
pX·QX. La quantité comprise entre QX et QY serait payée pY et la dépense totale pour QY serait
pX·QX + pY·(QY-QX). Enfin, la quantité comprise entre QY et Q* serait payée au prix
d’équilibre p* et la dépense totale cumulée des demandeurs s’établirait alors à p X·QX +
pY·(QY-QX) + p*·(Q*-QY). Cet exemple illustre clairement le fait que dans cette éventualité,
les consommateurs auraient du payer plus qu’ils ne le font réellement pour acquérir la
quantité Q*. Dans leur ensemble, les consommateurs auraient dû dépenser p*·Q* plus la
surface hachurée sur le graphique. Si l’on pousse le raisonnement à l’éventualité d’une
discrimination parfaitement continue entre les consommateurs, alors chaque consommateur
verserait le prix qu’il est personnellement disposé à verser pour acquérir le bien. Dans ce cas,
la dépense totale de ces derniers pour acquérir une quantité Q* du bien s’élèverait à la surface
OAEQ. L’existence d’un marché sur lequel toutes les transactions s’effectuent au prix unique
d’équilibre p* leur permet de ne dépenser pour cette quantité que p*·Q*, ce qui correspond à
la surface OPEQ. De fait, les consommateurs retirent de l’existence de ce marché un avantage
qui peut être mesuré par la surface du triangle PAE : il s’agit du surplus du consommateur.
Ce surplus est aisément mesurable si l’on connaît les fonctions d’offre et de demande, car on
connaît alors les valeurs de p* et de Q*, ainsi que celle de p A qui correspond au prix
maximum que sont prêts à verser les demandeurs. Le surplus du consommateur vaut alors :
SC = 0,5·(pMAX – p*)·Q*
Il est important de bien comprendre que la valeur du surplus du consommateur représente une
économie potentielle que ces derniers réalisent par rapport à la situation dans laquelle une
discrimination entre les consommateurs serait possible. Il ne s’agit donc en quelque sorte que
d’un « gain psychologique ». Les consommateurs dépensent moins que ce qu’ils auraient eu
à dépenser en l’absence d’un marché à prix unique ; en aucun cas le surplus du consommateur
ne représente une somme versée à ces derniers.
3. Le surplus du producteur
SP = 0,5·(p* – pMIN)·Q*
avec pMIN (correspondant à pB sur le graphique) le prix minimum consenti par les producteurs.
On notera que le surplus du producteur, contrairement à celui du consommateur, constitue bel
et bien un revenu supplémentaire perçu par les offreurs du fait de l’existence d’un marché
générant l’existence d’un prix unique p*.
4. Le surplus social
Sur le marché d'un produit quelconque, le surplus social (parfois appelé surplus collectif)
correspond à l'avantage que perçoivent l'ensemble des participants à l'échange (offreurs
et demandeurs participant à l'échange) du fait de l'existence d'un marché sur lequel tout
ces échanges se font à un prix unique : le prix d'équilibre. Il s'agit donc tout simplement de
la somme des surplus du producteur et du consommateur.
Sur le graphique ci-dessus, le coût de transaction par unité correspond à la différence entre le
prix payé par les demandeurs (pD) et celui reçu par les offreurs (pO). C’est le montant de la
rémunération perçue par le(s) intermédiaire(s) présent(s) sur ce marché. On constate alors que
le prix d’équilibre p* ne correspond plus à rien de concret dans la mesure où aucun des
participants au marché ne verse ou ne reçoit ce prix. De plus, l’existence de coûts de
transaction provoque une diminution des quantités échangées de Q* à Q 1. De manière
générale, les volumes échangés sur un marché sont d’autant plus faibles que le nombre
d’intermédiaires et/ou le montant de leur rémunération s’élèvent.
Pour toute la suite du cours, nous considérerons par souci de simplification qu'il n'existe
pas d'intermédiaires entre offreurs et demandeurs (ou encore que les coûts de transaction
sont nuls), de sorte qu'en l'absence de régulation du marché, les échanges s'effectuent au
point d'équilibre.
2. La régulation du prix d’échange : prix plancher et prix plafond
Une autre situation possible sur le marché d'un produit est celle d’une intervention de l’État
visant à fixer le prix d’un bien ou d’un service particulier. Ce type d’intervention peut avoir
deux objectifs différents. Si le prix d’équilibre est considéré trop faible, par exemple parce
qu’il ne permet pas aux offreurs d’un produit de vivre correctement de leur activité, alors
l’État peut décider de fixer un prix plancher, supérieur au prix d’équilibre du marché. Au
contraire, si le prix d’équilibre est considéré trop élevé, par exemple parce qu’il ne permet pas
aux demandeurs d’un produit d’accéder de manière satisfaisante à la consommation de ce
dernier, alors l’État peut décider de fixer un prix plafond, inférieur au prix d’équilibre du
marché. Les effets de ces deux interventions sont représentés sur les graphiques ci-dessous :
Si l’État fixe un prix plancher supérieur au prix de marché, afin de garantir un revenu plus
juste aux producteurs, alors la quantité demandée (QD) est inférieure à la quantité offerte (QO).
Apparaît alors un problème de surplus, dans la mesure où toute une partie de l’offre ne trouve
pas preneur. A titre d’exemple, on peut citer les prix planchers fixés pour de nombreux
produits agricoles au sein de l’Union européenne. Ayant pour but de garantir un revenu
minimum aux producteurs européens sur un marché mondial générant des prix considérés
insuffisants, ils entraînent l’apparition de surplus permanents, notamment céréaliers ou
fruitiers. Symétriquement, si l’État fixe un prix plafond inférieur au prix de marché, visant à
garantir l’accès du plus grand nombre à un produit donné, alors les quantités demandées (Q D)
sont supérieures aux quantités offertes (QO). Dans ce cas apparaissent des problèmes de
pénurie du produit concerné. L’exemple des habitations à loyer modéré (HLM) est tout à fait
parlant. Le prix plafond fixé pour ce type d’habitations, qui vise à favoriser l'accès du plus
grand nombre au logement, est à l’origine d’une pénurie récurrente de logements, à l’origine
des "files d’attente" bien connues pour ces derniers.
3. La régulation des quantités : le contingentement des volumes d’échange
Sur certains marchés, les quantités offertes de produit peuvent être, pour différentes raisons,
limitées à un maximum impossible à dépasser. C'est parfois le cas pour des raisons très
matérielles, par exemple lorsque la quantité maximale susceptible d'être offerte pour un
spectacle (concert, évènement sportif, etc.) est limitée à la jauge maximale de l'enceinte
accueillant l'évènement. Cela peut également être le cas lorsqu'une autorité régule le marché
en imposant une politique de quota visant à limiter l'offre d'un produit donné (on peut ici
penser par exemple aux quotas de pêches qui limitent les prises d'une espèce donnée à une
quantité maximale annuelle donnée).
Sur ce type de marchés, la fonction d'offre prend une forme particulière ; on parle alors
d'offre "coudée" et l'équilibre de marché est alors susceptible de s'établir comme sur le
graphique ci-dessous :
Dans le cas d'un contingentement de l'offre, celle-ci prend la forme de la fonction O' du
graphique ci-dessus (offre "coudée"), à cause par exemple d'un quota imposant de ne pas
offrir sur le marché de quantités supérieure à QMAX. On voit qu'au lieu de s'établir au point E,
l'équilibre de marché va alors s'établir au point E' pour lequel les quantités échangées sont
plus faibles et le prix plus élevé qu'à l'équilibre "naturel" du marché. L'exemple d'un quota de
pêches est ici parlant : la limitation des quantités de ressources prélevées entraîne un prix plus
élevé du poisson considéré et le fait qu'un nombre plus important de consommateurs ne
participe pas à l'échange ; c'est le prix à payer pour protéger la ressource et tenter de garantir
sa pérennité.
Notre objectif est ici d’évaluer l’impact de la mise en œuvre d’une taxe frappant le prix de
vente d’un produit sur les fonctions d'offre et de demande, sur les équilibres de marché et sur
les surplus du consommateur, du producteur et social. Cette question est particulièrement
importante, dans la mesure où l’immense majorité des marchés est concernée par ce type de
taxe, dont font partie par exemple toutes les taxes sur la consommation telles que la taxe sur la
valeur ajoutée (TVA).
On notera que toute l'analyse menée ici dans le sens de l'introduction d'une taxe sur un
marché peut l'être de manière parfaitement analogue dans le cas d'une subvention venant a
contrario diminuer le prix d'un produit sur un marché.
4.1. L'impact d'une taxe sur les fonctions d'offre et de demande et sur l'équilibre de
marché
Soit le marché d’un produit – initialement sans taxe – sur lequel les fonctions d’offre et de
demande sont des fonctions affines. On a alors une fonction de demande et une fonction
d’offre de formes respectives p = - a QD + b pour la demande et p = c QO + d pour l’offre,
avec a, b, c et d des valeurs strictement positives, p le prix du produit et Q D et QO les quantités
respectivement demandées et offertes. Les droites initiales de demande et d’offre sont
représentées en traits pleins sur le graphique ci-dessous. L’équilibre de ce marché se fait au
point E, de coordonnées (Q*, p*), pour lequel QD = QO. Avant la mise en œuvre de la taxe, le
surplus du consommateur correspond donc à la surface AEB et celui du producteur à la
surface CBE.
Considérons dorénavant que l’État prélève une taxe progressive, de type TVA, dont le
principe est de prélever un certain pourcentage du prix de vente du produit. Cette taxe est
alors payée par le consommateur – qui paye le prix « taxe comprise », noté pTTC
– au producteur, puis elle est reversée par ce dernier à l’État. Le producteur ne conserve alors
que le prix « hors taxe » du produit, noté pHT. Soit t le taux de taxation du produit afférant à la
nouvelle taxe. On a pTTC = (1 + t) pHT.
pTTC = - a QD + b. Il est alors possible d’exprimer cette demande en fonction du prix « hors
taxe ». Elle devient :
La fonction de demande exprimée au prix « hors taxe » coupe alors nécessairement l’axe des
abscisses (pour un prix égal à zéro) au même endroit que la fonction exprimée au prix « taxe
comprise ». D’autre part, elle coupe l’axe des ordonnées « en dessous » de cette dernière,
puisque sa pente est plus faible, en l’occurrence (–a / (1+t)) contre (–a) initialement. Elle est
représentée en pointillés sur le graphique ci-dessus.
La fonction d’offre initiale, quant à elle, traduit le comportement des offreurs en fonction du
prix qu’ils perçoivent de la vente du produit. Ainsi, puisque les producteurs reçoivent
dorénavant le prix « hors taxe », elle peut s’écrire : pHT = c QO + d. Il est alors possible
d’exprimer cette offre en fonction du prix « taxe comprise ». Elle devient :
La fonction d’offre exprimée au prix « taxe comprise » coupe alors nécessairement l’axe des
ordonnées (pour une quantité égale à zéro) au dessus de la fonction exprimée au prix « hors
taxe », puisque l’ordonnée à l’origine passe de d à d·(1+t). D’autre part, elle a une pente plus
forte que cette dernière, puisqu’elle s’établit à c·(1+t) contre c initialement. La fonction
d’offre exprimée au prix « taxe comprise » est également représentée en pointillés sur le
graphique ci-dessus.
L’instauration de la taxe sur ce marché est ainsi à l’origine de l’apparition d’un « double
équilibre ». En effet, deux prix distincts apparaissent nécessairement sur ce marché : le prix
« taxe comprise » et le prix « hors taxe ». Le point E’, de coordonnées (Q*’, p*TTC), est
l’équilibre “taxe comprise” et le point E”, de coordonnées (Q*’, p* HT), est l’équilibre “hors
taxe”. Pour ces deux points, les quantités vendues sont évidemment identiques, mais elles le
sont à des prix différents. Le point E’ constitue l’équilibre des consommateurs une fois la taxe
instaurée, alors que le point E” constitue celui des producteurs dans la même situation.
La comparaison des deux surfaces DE’GB et BGE”F indique qui des consommateurs ou des
producteurs supporte la plus grosse part de la taxe. Dans cet exemple, ce sont les
consommateurs qui supportent la plus grosse part du poids de la taxe, même si les producteurs
y contribuent également de manière importante. En effet, les consommateurs payent le produit
plus cher qu’initialement (pTTC > p*), mais les producteurs retirent également moins d’argent
de la vente qu’initialement (pHT < p*). On notera que la proportion de la taxe pesant sur les
uns ou les autres des acteurs du marché ne dépend que des pentes des fonctions d’offre et de
demande.
L’État prélève donc sur le marché une somme correspondant à la surface DE’E”F, qui
correspond à une partie du surplus initial enlevée aux consommateurs et aux producteurs. De
fait, on constate alors que la somme correspondant aux surfaces E’EG et E”EG, soit la surface
E’EE”, est une perte de surplus pour les consommateurs et les producteurs qui ne se retrouve
pas dans le “surplus de l’État” généré par la taxe. Cette somme est qualifiée de poids mort de
la taxe. Initialement, le surplus total généré par le marché correspondait à la somme des
surplus du consommateur et du producteur, soit la surface AEC. La « redistribution » des
surplus provoquée par l’instauration de la taxe permet au « nouvel entrant », l’État, de retirer
à son tour un avantage du marché. Toutefois, cette redistribution des surplus fait que le
marché ne génère plus qu’un surplus social (total) – somme des nouveaux surplus des
consommateurs et des producteurs et du montant de taxes prélevé par l’État – correspondant à
la surface AE’E’’C. Le poids mort de la taxe pourrait donc être identifié à une perte sociale
qui ne profite à personne. Il est la résultante immédiate de la contraction du marché liée à la
baisse des quantités échangées à l’équilibre de Q* à Q*’.
De ce strict point de vue, certains considèrent alors que l’intrusion de l’État sur un marché est
nécessairement nuisible, puisqu’elle fait diminuer le montant total de surplus dégagé par le
marché. Il est pourtant tout à fait indispensable de lire cette réalité théorique de manière un
peu plus pertinente. En effet, il est facile d’imaginer que les montants prélevés par l’État
puissent être utilisés par ce dernier à des usages socialement plus bénéfiques que ce qui aurait
été leur utilisation par les consommateurs et les producteurs en l’absence de prélèvement...
Sont-ce les consommateurs qui financent individuellement la construction des hôpitaux ?
Sont-ce les producteurs qui financent individuellement par leurs surplus les salaires des
pompiers ? Dans cette optique, le poids mort de la taxe doit alors être appréhendé comme
étant le coût pour la société de la mise en commun de ressources visant à des dépenses
collectives en direction de l’ensemble des acteurs de celle-ci. La question n’est plus alors de
rejeter systématiquement l’intervention de l’État sur un marché, mais de poser le
problème en terme d’analyse coûts-avantages de l’intervention de l’État. Si le poids mort
de la taxe (c'est à dire dans une certaine mesure son "coût de mise en œuvre") est très élevé
par rapport au montant de taxe collecté par l’État, alors il n'est pas rationnel de taxer un
marché et mieux vaut le laisser "libre" de toute taxe.
Les notions d’élasticité ont pour objectif de rapporter les variations relatives
simultanées de deux grandeurs liées par une relation de causalité réciproque. De fait,
elles permettent de mesurer l’effet d’une variation donnée de l’une de ces grandeurs sur
l’évolution de l’autre. Elles sont extrêmement importantes en économie dans la mesure où
elles permettent de mesurer, de chiffrer, l'impact de la variation d'un phénomène économique
sur celle d'un autre phénomène. Les mesures d’élasticité vont, de manière plus prosaïque,
nous permettre de mesurer la sensibilité d'une variable économique aux variations d'une
autre.
Du point de vue de la demande, elles vont nous permettre de mesurer l’impact des
différentes variables explicatives de la demande sur celle-ci. En l’occurrence, nous nous
intéresserons aux effets d’une variation du prix du bien, du prix d’un autre bien et du revenu
des consommateurs sur la demande. On notera toutefois que rien n’empêche de mesurer par
l’entremise du même outil l’effet de n’importe quelle autre variable – une publicité nouvelle
ou le climat par exemple – sur la demande d’un bien.
nécessairement négatif (les quantités diminuent lorsque les prix augmentent et inversement).
Par conséquent l’élasticité-prix directe est toujours de signe négatif. Le résultat obtenu par le
calcul s’interprète en disant que si les prix augmentent de 1%, alors la quantité demandée
diminue de |ep| %. Bien entendu, si les prix diminuent de 1%, alors la quantité demandée
augmente de |ep| %. Pour les mesures effectives de l'élasticité-prix directe, deux cas se
présentent alors, selon que la fonction de demande du produit considéré est connue ou pas.
Si la fonction de demande est représentée par une droite (fonction affine), comme dans
l'exemple ci-dessous, on obtient :
Dans ce tableau, on remarquera d’une part que les valeurs mesurées par l’élasticité-arc sont
systématiquement affectées au milieu des intervalles, indiquant par là même leur validité pour
l’intégralité des points de l’intervalle. D’autre part, on constatera que les valeurs mesurées
pour l’élasticité-arc sont évidemment encadrées par les valeurs mesurées pour l’élasticité sur
les points constitutifs de l’intervalle considéré. Enfin, on notera que bien entendu, l’élasticité-
prix mesurée de cette manière reste d’autant plus forte en valeur absolue que le prix du bien
est élevé.
1.3. Interprétation et utilisation de l’élasticité-prix directe de la demande
D’un point de vue plus pratique, la notion d’élasticité-prix directe de la demande permet
d’anticiper les effets sur la dépense totale des consommateurs, et donc sur la recette totale des
producteurs, des évolutions possibles du prix du bien ou du service considéré.
Sur le graphique ci-dessus, nous pouvons observer les effets de la baisse du prix d’un bien
donné sur la dépense totale des consommateurs (et donc sur la recette totale des producteurs).
Si le prix du bien diminue de pA à pB, on constate que la demande s’élève de QA à QB. La
dépense totale des consommateurs – qui correspond au prix payé par unité demandée
multiplié par le nombre d’unités demandées –varie alors de pA•QA à pB•QB, valeurs
respectivement représentées sur le graphique par les surfaces 0p AAQA et 0pBBQB. On
remarque aisément que ce que perd le producteur en baissant son prix, symbolisé par la
surface EP, est inférieur à ce qu’il gagne du fait de l’accroissement de la quantité demandée,
symbolisé par la surface EQ. On dira ici que ce qu’il gagne par effet-quantité est supérieur à
ce qu’il perd par effet-prix, suite à la baisse de ce dernier. Dans ce cas, la baisse du prix
augmente par conséquent la dépense totale des consommateurs et donc la recette totale des
producteurs du bien considéré.
Ainsi, il apparaît qu’une même diminution – en valeur absolue – du prix d’un bien puisse
entraîner, selon le niveau initial de ce dernier, des effets opposés sur la dépense des
consommateurs. Ce phénomène s’explique par la notion d’élasticité-prix directe de la
demande. Comme nous l’avons précédemment établi, la demande est relativement élastique
pour des niveaux de prix élevés. Ainsi, toute baisse de prix entraînera un accroissement plus
que proportionnel de la demande. Du point de vue du producteur, « chaque pourcent concédé
sur le prix du bien permet de gagner plus de un pourcent sur les quantités demandées » ; toute
baisse du prix permet donc un accroissement de la recette totale. C’est ce qui se passe entre
les points A et B du graphique. A contrario, la demande est inélastique lorsque les prix sont
peu élevés. De fait, entre C et D sur le graphique, « chaque pourcent concédé sur le prix du
bien ne permet de gagner que moins de un pourcent sur les quantités demandées » ; toute
baisse de prix dans cette zone de la fonction de demande entraînera une diminution de la
recette totale des producteurs. Toute l’analyse précédente peut évidemment être renversée si
l’on considère une augmentation des prix, de pD à pC ou de pB à pA.
On ajoutera enfin qu'il existe donc un point de la fonction de demande (un prix donné) pour
lequel on mesure |ep| = 1. Il découle de ce que nous avons vu précédemment que ce prix, pour
lequel l'élasticité-prix directe de la demande est dite unitaire, est celui qui permet aux
producteurs de maximiser leur recette totale. Notons toutefois que cet objectif de
maximisation de la recette totale n'est pas celui qui est la plupart du temps poursuivi par les
producteurs qui cherchent plutôt à maximiser leurs profits. Ces deux objectifs n'ont d'un point
de vue théorique aucune raison d'être conciliables.
A titre d’exemple, considérons le tableau suivant qui indique les quantités demandées de
VOD (vidéos à la demande) pour deux niveaux de prix différents d’un ticket de cinéma et
d'un forfait internet annuel.
Nous pouvons sur la base de ces données calculer l’élasticité-prix croisée de la demande de
VOD par rapport aux prix du cinéma et du forfait Internet :
epc (cinéma) = (60 / 2) • (14 / 260) ≈ 1,62
Ainsi, une variation de 1 % du prix du ticket de cinéma entraîne une variation de même sens
de 1,62 % de la demande de VOD et une variation de 1 % du prix des forfaits Internet
entraîne une variation de sens inverse de 1,15 % de la demande de VOD.
C’est plus le signe de l’élasticité-prix croisée que sa valeur qui importe et qui permet les
commentaires les plus intéressants :
- Si epc ≈ 0, les deux biens X et Y sont indépendants : une variation de py n’a aucun effet
significatif sur la demande de X.
- Si 0 <epc ≤ 1, les biens X et Y sont substituables : une variation de py entraîne une variation
moins que proportionnelle et dans le même sens de la demande de X.
- Si epc > 1, les biens X et Y peuvent même être qualifiés de substituts étroits : une variation
de py entraîne une variation plus que proportionnelle et dans le même sens de la demande de
X. Par exemple, selon le calcul effectué plus haut, il apparaît que la VOD et le ticket de
cinéma sont d’étroits substituts. Si le prix du cinéma augmente d’un point de pourcentage, la
demande de VOD s’accroît de 1,62 %. Parce que ces deux biens satisfont des besoins proches,
les consommateurs ont tendance à remplacer la consommation de l’un par celle de l’autre,
suite à un renchérissement du premier. Il se passerait évidemment l'inverse en cas de baisse du
prix du ticket de cinéma.
- Si -1 ≤ epc < 0 les biens X et Y sont complémentaires : une variation de py entraîne une
variation moins que proportionnelle et en sens inverse de la demande de X.
- Si epc < - 1, les biens X et Y peuvent même être qualifiés de compléments étroits : une
variation de py entraîne une variation plus que proportionnelle et en sens inverse de la
demande de X. Par exemple, selon le calcul effectué plus haut, il apparaît que les VOD et les
forfaits Internet sont des compléments étroits. Si le prix des forfaits Internet diminue d’un
pourcent, alors la demande de VOD s’accroît de 1,15 %. La demande de l’un de ces deux
biens s’accompagne de celle de l’autre, car l’un ne s’utilise pas sans l’autre.
A titre d’exemple, considérons le tableau suivant qui indique les quantités demandées de
places de spectacle, d’eau potable et de produits « premier prix » de supermarché, en fonction
du revenu moyen des ménages :
Nous pouvons sur la base de ces données calculer l’élasticité-revenu de la demande de ces
trois produits :
Ainsi, une variation de 1 % du revenu moyen des ménages entraîne une variation de même
sens de 1,50 % de la demande de places de spectacle, une variation de même sens de 0,05 %
de la demande d’eau potable et une variation de sens inverse de 0,75 % de la demande de
produits « premier prix ».
L’interprétation des résultats de l’élasticité-revenu se fait selon la grille de lecture suivante :
- Si er < 0, le bien considéré est un bien dit inférieur. La demande de ce dernier diminue
lorsque le revenu des consommateurs augmente, et inversement. Dans l’exemple ci-dessus,
les produits « premier prix » peuvent être qualifiés de biens inférieurs. Lorsque les revenus
augmentent, les consommateurs substituent à ces produits des produits plus onéreux, supposés
de meilleure qualité.
- Si 0 < er ≤ 1, le bien considéré est un bien dit normal, ou encore ordinaire ou de première
nécessité. Il s’agit alors d’un bien de consommation courante, dont la demande varie certes
dans le même sens que le revenu, mais moins vite que ce dernier. Dans les exemples ci-
dessus, on constate que la variation du revenu n’entraîne qu’une faible variation de la
consommation d’eau potable. Ce bien est un bien normal au même titre que la plupart des
biens se rapportant à l’alimentation, au logement, ou encore à l’habillement des individus.
Pour ces biens, un doublement du revenu entraînerait un accroissement de la demande, mais
probablement pas un doublement de cette dernière…
- Si epc > 1, le bien considéré est qualifié de bien supérieur, ou encore de bien de confort ou
de luxe. On a alors à faire à un bien dont la demande varie plus vite que le revenu. La
demande de ces biens s’accroît fortement suite à des augmentations de revenus et diminue
fortement en cas de baisse des revenus. Dans les exemples ci-dessus, les places de spectacle
apparaissent comme des biens supérieurs, dont la consommation est particulièrement sensible
aux évolutions du revenu. Le groupe des biens supérieurs rassemble, dans une certaine
mesure, tous les biens non inférieurs qui ne sont pas directement liés au logement, à
l’habillement, au transport ou à l’alimentation de base des individus.
On notera pour terminer sur les élasticités de la demande qu'il est évidemment possible de
mesurer la sensibilité de la demande d'un produit aux évolutions de n'importe quelle variable
influençant celle-ci : la publicité, la conjoncture, le taux de chômage, la démographie des
acheteurs, le climat, le rôle des médias, etc.
Nous insisterons ici sur l’élasticité-prix directe de l’offre. L’élasticité-prix directe de l’offre
d’un produit mesure la sensibilité de l’offre de ce produit aux variations de son prix. Pour
ce faire, elle rapporte la variation relative de la quantité offerte de ce produit à la variation
relative du prix de ce même produit, qui lui a donné naissance. On mesure par conséquent :
avec cette fois Q la quantité offerte du produit considéré. Il est possible, comme avec la
fonction de demande, de mesurer cette élasticité sur un point de la fonction d’offre ou sur un
arc de celle-ci, selon que l’on dispose ou pas de l’expression formelle de la fonction d’offre
du produit.
L’élasticité-prix directe de l’offre est considérée comme étant toujours positive, dans la
mesure où les changements affectant les prix et les quantités offertes sont de même sens.
L’offre est qualifiée d’élastique ou de très sensible au prix lorsque les offreurs réagissent
fortement et rapidement à un changement de prix. La valeur de e p est alors supérieure à
l’unité. Elle est au contraire qualifiée d’inélastique ou de peu sensible au prix lorsque ep est
inférieure à l’unité. Deux cas extrêmes encadrent les situations que nous venons d’évoquer.
Le premier est celui d’une élasticité-prix directe de l’offre égale à zéro. Dans ce cas, l’offre du
produit considéré est totalement inélastique et donc totalement insensible aux variations de
prix. L’offre est alors constante quel que soit le prix du produit et elle est représentée par une
droite verticale. L’exemple type est ici celui du marché de la location à usage d’habitation. A
court terme et dans une ville donnée, la quantité d’habitations proposées à la location ne varie
pas, quel que soit le prix des loyers. A plus long terme cependant, de nouvelles constructions
peuvent être envisagées et le nombre d’habitations pourra alors dépendre du prix des loyers.
Le second cas extrême est celui d’une offre parfaitement élastique (on a alors une e p tendant
vers l'infini). Toute l’offre s’effectue dans ce cas à un prix bien précis et elle devient nulle
pour tout autre prix. On peut ici donner l’exemple des produits dont le prix est strictement
réglementé, tel que le timbre-poste, dont toute l’offre s’effectue à un prix donné.
Dans le cas de la concurrence parfaite que nous allons étudier dans ce chapitre, les propres
ventes de l'entreprise ne constituent qu’une très petite part de l’offre totale sur le marché, si
bien que c’est le marché dans son ensemble qui impose le prix de vente du produit.
L’entreprise est alors dite “preneuse de prix” ("price-taker" en anglais). Il ne lui reste plus
alors qu’à choisir la quantité de produit qu’elle souhaite apporter sur le marché. Elle le fera en
se fondant sur un objectif unique et identique pour toutes les entreprises du marché :
maximiser son profit.
C’est donc par la considération du profit, différence entre les recettes et les coûts de
l’entreprise, que nous débuterons ce chapitre.
Les fonctions de recette d'une entreprise se déclinent en fonctions de recette totale, moyenne
et marginale.
La recette totale de l'entreprise s’identifie avec le chiffre d’affaires de celle-ci. Elle désigne
la rentrée d’argent attendue de la vente du produit considéré. Si p est le prix de vente du
produit et Q la quantité vendue de celui-ci, alors la recette totale (ou le chiffre d’affaire)
s’écrit : RT = p Q
Nous nous situons ici dans un cadre où l’entreprise ne vend qu’un seul type de produit et à un
seul prix, mais la notion de recette totale pourrait être étendue sans peine à des cas où
l’entreprise vendrait n types de produit ayant chacun un prix différent. On aurait alors :
RT = p1Q1 + p2Q2 + ... + pnQn. Nous exclurons toute fois ce cas complexe de notre analyse
et resterons donc avec RT = p Q.
Nous soulignerons ceci en écrivant RT = RT (Q). Le fait que la recette totale dépende de Q est
évident puisque RT (Q) = p Q mais on voit bien qu'elle dépend aussi du prix de vente.
Pourquoi alors ne pas écrire RT(p,Q) = p Q ? Tout simplement parce que l’on doit considérer
que le prix de vente est lui-même lié aux quantités par l’intermédiaire de la fonction de
RT (Q) = p (Q) Q.
Compte tenu de la fonction de demande à l’entreprise, la recette totale peut s’exprimer comme
une simple fonction des quantités vendues. On peut donc représenter la courbe de recette
totale ainsi :
Il est tout à fait intuitif de penser que la recette totale d'une entreprise est nulle si les quantité
vendues le sont également et que cette recette totale augmente lorsque les quantités vendues
s'accroissent, ce qui explique la forme croissante et monotone de la fonction de recette totale.
Néanmoins, on constate sur cette courbe que l'augmentation de la recette totale liée à
l'accroissement des quantités vendues est d'autant plus faible que les quantités vendues
augmentent. Ceci est une conséquence directe de la loi de la demande qui fait que pour vendre
de plus en plus il faut vendre à un prix de plus en plus faible... Ainsi, chaque unité
supplémentaire vendue l'est à un prix inférieur à la précédente, ce qui explique la forme
logarithmique de la fonction de recette totale.
La recette moyenne (notée RM(Q)) mesure, pour une quantité donnée, la recette par unité
vendue. Il s'agit donc tout simplement du prix de vente du produit ! En effet :
RM(Q)=RT(Q)Q=p(Q)⋅QQ=p(Q)
De fait, la fonction de recette moyenne n’est autre que la demande à l’entreprise, puisqu'elle
relie directement la quantité vendue (donc demandée) au prix de vente du produit.
Quant à elle, la recette marginale (notée Rm(Q)) mesure, à partir d'une quantité donnée, la
variation de recette totale liée à la vente d'une unité supplémentaire du produit.
Rm(Q)=ΔRT(Q)ΔQ
Rm(Q)=limΔQ→0ΔRT(Q)ΔQ=RT′(Q)
Pour une quantité donnée, la recette marginale est donc la dérivée première par rapport à Q de
la fonction de recette totale. Cette recette marginale est donc nulle lorsque la recette totale
atteint son maximum.
Le profit de l'entreprise est constitué de la différence entre la recette totale et le coût total,
c'est à dire la différence entre ce que l'entreprise gagne en vendant une quantité donnée de son
produit et le coût de production de cette quantité. Il est symbolisé par la lettre grecque Π. On
a Π = RT - CT. Le profit dépend par conséquent des quantités vendues puisque la recette
totale ainsi que le coût total en dépendent également :
Si on juxtapose sur un même graphique à la fois la recette totale et le coût total en fonction
des quantités, on peut faire apparaître les zones de pertes et de profits pour l’entreprise :
Les fonctions de coût et de recette totales prennent leurs formes usuelles respectives sur le
graphique ci-dessus. L'existence de coûts fixes pour l'entreprise impose que les coûts sont
toujours strictement positifs, y compris lorsque la quantité produite est nulle, et le coût total
évolue de façon exponentielle du fait de la loi des rendements marginaux décroissants, qui
impose l'existence de coûts marginaux croissants. Quant à la recette totale, elle démarre de
l'origine des axes et prend une forme logarithmique due à la loi de la demande.
Ainsi, pour n'importe quelle entreprise dans le cas général, il existe d'abord une zone, située
entre 0 et QA sur notre graphique, pour laquelle l’entreprise fait nécessairement des pertes (les
profits sont alors négatifs), dans la mesure où le montant de ses coûts de production est alors
supérieur à celui de ses recettes. Lorsque les quantités vendues augmentent au-delà d'une
certaine quantité, correspondant à QA sur notre graphique, le profit devient positif, dans la
mesure où la recette totale dépasse alors le coût total, et cela demeure jusqu'à ce que les
quantités vendues atteignent un autre point, correspondant sur la graphique à QB, au-delà
duquel l’entreprise fera de nouveau des pertes, puisque les recettes redeviennent alors
inférieures aux coûts.
On appelle “point mort” la quantité QA, c’est à dire la quantité à partir de laquelle
l’entreprise commence à réaliser des profits (attention de ne pas confondre ce "point mort"
avec le “poids mort” pouvant s'établir sur un marché). On notera que le "point mort" peut
correspondre à une quantité égale à 0 dans le cas particulier d'une entreprise qui ne
supporterait aucun coût fixe.
Pour une quantité donnée, le profit moyen mesure le profit par unité vendue et le profit
marginal est, à partir de cette quantité, la variation de profit qui serait liée à la vente d’une
unité supplémentaire. On a :
Le profit moyen correspond ainsi à la différence entre le prix de vente du produit (qui dépend
de la quantité vendue du fait de la contrainte de la demande) et le coût de production d’une
unité du produit. C’est le profit par unité vendue.
Le profit marginal se mesure ainsi, pour une quantité donnée, comme la différence entre la
recette marginale et le coût marginal.
Le profit microéconomique ne peut pas être assimilé au profit comptable. C’est avant tout un
profit d’exploitation qui exclut les produits financiers ainsi que les produits exceptionnels.
C’est surtout un profit qui repose sur une définition exhaustive des coûts. Les coûts
comprennent ainsi toutes les dépenses liées à la rémunération des facteurs, y compris la
rémunération versée aux apporteurs de capitaux (intérêts et dividendes). De ce fait, une
situation de profit nul, telle qu’on en verra parfois apparaître en microéconomie, ne signifie
pas que l’entrepreneur ou les actionnaires ne reçoivent rien mais qu’ils reçoivent simplement
une rémunération “normale”. Une situation de profit positif est une situation où l’entreprise
dégage une capacité nette d’autofinancement après rémunération normale de tous les facteurs
et après remplacement du capital usé. C’est, si l’on veut, une sorte de “surprofit” qui peut
être distribué aux actionnaires ou peut servir à accroître les capacités productives disponibles.
3. La maximisation du profit
L’objectif premier de l’entreprise, quelle que soit sa situation de marché, est de choisir la
quantité produite (et vendue) lui permettant de maximiser son profit, au sens
microéconomique du terme.
On voit sur le graphique ci-dessus que pour la quantité Q*, la différence entre la recette totale
et le coût total est la plus grande possible. La valeur P (Q*) = RT (Q*) - CT (Q*) est la valeur
maximale de ce profit. On peut remarquer que le niveau des coûts fixes n’influence pas Q*
puisque la fonction de coût total se translate verticalement et que l’écart positif (RT - CT)
reste maximum en Q*, quel que soit le montant des coûts fixes.
L’entreprise souhaitant maximiser son profit choisira de produire une quantité Q* telle que
pour celle-ci la recette marginale soit égale au coût marginal. C’est la règle de
maximisation du profit. Plus prosaïquement, la quantité choisie est telle que ce
« qu’apporte » la dernière unité produite est égal à ce « qu’elle coûte ». Pour confirmer que ce
profit est bien un maximum (il n’est pour l’instant qu’un extremum), il est nécessaire que :
Cela implique que le coût marginal doit croître plus vite que la recette marginale. La recette
marginale étant en général décroissante (forme logarithmique de la fonction de recette totale
due à la loi de la demande), la condition de maximum est à coup sûr réalisée si le coût
marginal est croissant (Cm’(Q) > 0), c’est à dire si on est dans une zone de rendements
marginaux décroissants... On retrouve encore une fois l’importance considérable de la loi des
rendements marginaux décroissants pour la théorie microéconomique.
La règle de maximisation du profit que nous venons d’établir est générale à toutes les
situations de marché (concurrence parfaite, monopole et toutes les situations
intermédiaires...).
Section 2 : Conditions et conséquences de la concurrence
pure et parfaite
1. Les cinq conditions définissant un marché de concurrence pure et parfaite
Atomicité
Il existe un grand nombre d’acheteurs et de vendeurs sur le marché, de telle sorte qu’aucun
d’eux n’a, à lui seul, un poids suffisant pour influencer significativement le prix ou la quantité
d’équilibre sur le marché global. Les agents présents sur un marché de concurrence pure et
parfaite se trouvent en situation dite de « price-taker » ; le prix de marché s’établit
globalement sur le marché, sans qu’ils ne puissent agir sur ce dernier. Les entreprises ne
choisissent donc que les quantités qu’elles souhaitent produire et vendre sur le marché et les
consommateurs ne choisissent que la quantité de produit qu’ils souhaitent y acquérir.
Fluidité
N’importe quel acheteur ou vendeur peut entrer ou sortir du marché à sa guise. Sur le marché,
il y a libre entrée et libre sortie. Cela signifie qu’il n’y a pas d’obstacle de nature
institutionnelle (réglementaire), technique ou économique qui empêche de nouvelles
entreprises de s’implanter ou qui impose une sortie du marché coûteuse. Les consommateurs
sont de leur côté libres d’exprimer une demande sur un tel marché ou de cesser de le faire.
Homogénéité du produit
Toutes les unités du produit offert sur un marché sont parfaitement identiques, quelles que
soient les entreprises du marché l’ayant proposé. Par conséquent, le seul élément qui joue sur
la décision d’achat est le prix du produit et non pas des spécificités ou caractéristiques qui lui
seraient propres et le différencieraient des autres produits.
Travail et capital sont parfaitement mobiles d’une entreprise à l’autre, ce qui implique que les
entreprises sont placées dans des situations identiques en ce qui concerne leurs achats de
facteurs. De manière concrète, cela signifie que toutes les entreprises bénéficient des mêmes
coûts en ce qui concerne les facteurs de production.
Transparence du marché
L’information des acheteurs et des vendeurs est complète, disponible immédiatement et sans
coût. Tous les acteurs du marché connaissent exactement les offres et les demandes qui
s’expriment par ailleurs sur le marché.
On dit parfois que les deux premières conditions (atomicité et fluidité) assurent une
concurrence pure de tout élément de monopole (en effet, ces deux conditions ne sont pas
satisfaites en cas de monopole). Les trois dernières conditions décrivent une concurrence
parfaite.
et
RT (Q) = RM (Q) Q = p* Q
d’où
La recette liée à la production et à la vente d’une unité supplémentaire à partir d’un point
donné (la recette marginale) est toujours le prix imposé par le marché c’est à dire la recette
moyenne. En définitive, en situation de concurrence pure et parfaite, on a systématiquement :
RM(Q) = Rm(Q) = p*
La règle de maximisation du profit nous indique que le profit sera maximum pour une
quantité Q* telle que : Rm(Q*) = Cm(Q*) ; en concurrence pure et parfaite, cette condition
devient :
p* = Cm (Q*)
car quelle que soit la quantité retenue, la recette marginale sera égale au prix d’équilibre du
marché p*. Cela signifie que pour maximiser son profit, l’entreprise en situation de
concurrence pure et parfaite devra vendre une quantité Q* telle que son coût marginal
soit égal au prix imposé à toutes les entreprises par le marché. Voici comment s’établit
graphiquement une telle situation :
Sur le graphique ci-dessus on représente, pour une entreprise quelconque présente sur le
marché d’un produit donné, ses fonctions de recette moyenne et marginale « contraintes » par
le prix d’équilibre déterminé globalement sur le marché, ainsi que ses fonctions de coût
moyen et de coût marginal qui expriment ses possibilités productives liées à sa fonction de
production selon les quantités produites. Pour maximiser son profit, une telle entreprise en
concurrence pure et parfaite devra donc choisir de produire une quantité Q*, correspondant au
point E du graphique pour lequel s’applique la règle de maximisation du profit :
Cm(Q*) = p*. On mesure alors à partir du graphique :
Pour un prix p* déterminé par le marché, toute autre quantité produite que Q* génèrerait un
profit plus faible que P (Q*). Remarquons que la différence p* - CM (Q*) qui correspond au
segment [EB] sur le graphique constitue le profit moyen (ou profit unitaire) qui est le profit
généré par la vente d’une unité de produit. On peut par conséquent aussi mesurer P (Q*) par :
Pour une entreprise quelconque évoluant sur un marché de concurrence pure et parfaite, deux
niveaux de prix très spécifiques constituent une information essentielle qu’elle doit
nécessairement connaître : le prix-seuil de rentabilité et le prix-seuil de fermeture.
2.1. Le prix - seuil de rentabilité
Sur le graphique ci-dessus, on voit que si le prix de marché s’établit par exemple à p*, alors
l’entreprise applique la règle de maximisation du profit (Cm(Q) = prix de marché) et choisit
au point E de produire Q*. Elle obtient alors un profit positif maximum étant donné le prix
fixé sur le marché. Si ce prix de marché vient à baisser au point d’atteindre la valeur p SR (le
prix-seuil de rentabilité), alors la règle de maximisation incite l’entreprise à produire au point
R une quantité QSR. A ce prix, on voit bien sur le graphique que ce profit « maximum » est
alors nul, puisqu’en produisant QSR l’entreprise a un coût de production d’une unité égal au
prix de vente de celle-ci (CM(QSR) = pSR). Ce prix de marché pour lequel le profit est nul
s’établit comme on le voit au minimum du coût moyen et correspond donc incidemment au
point d’intersection entre les fonctions de coût moyen et de coût marginal
(CM(QSR) = Cm(QSR) = pSR) puisque ce point d’intersection se situe obligatoirement au
minimum du coût moyen.
On notera que pour n’importe quel prix de marché supérieur au prix-seuil de rentabilité les
profits de l’entreprise seront positifs et que pour n’importe quel prix de marché inférieur au
prix-seuil de rentabilité les profits de l’entreprise seront négatifs. Au prix-seuil de rentabilité,
le profit de l’entreprise sera nul. On notera également qu’il est possible que toutes les
entreprises présentes sur un même marché n’aient pas le même seuil de rentabilité si elles
n’utilisent pas toutes la même technologie. Dans un tel cas, une entreprise est plus
performante qu’une autre si sa technologie lui permet d’avoir une courbe de coût moyen plus
basse (pour une même quantité produite, son coût est moindre). Dans ce cas, l’entreprise la
plus performante a un seuil de rentabilité moins élevé que les autres ; elle peut demeurer
profitable alors que les autres font déjà des pertes en cas de baisse du prix d’équilibre du
marché. Si l’on considère a contrario que toutes les entreprises usent de la même technologie
et sont donc identiques en tous points, ce qui est une simplification fréquente liée à
l’hypothèse de mobilité des facteurs de production, alors elles atteignent toutes en même
temps leur seuil de rentabilité lorsque le prix diminue.
Il importe enfin de ne pas confondre les notions de seuil de rentabilité et de « point mort ».
Alors que le « point mort » est, pour un prix de marché donné, la quantité à partir de laquelle
l’entreprise commence à avoir un profit positif, le seuil de rentabilité est le prix de marché à
partir duquel l’entreprise commence à faire des profits.
En courte période, l’entreprise peut avoir intérêt à produire même si son profit est
négatif, c’est-à-dire si le prix de marché descend en dessous du prix-seuil de rentabilité. En
effet, si elle ne produit rien au cours d’une période, elle perd de toute manière ses coûts fixes
(par exemple ses loyers, ses primes d’assurance, ses frais d’amortissement du capital, etc.) qui
ne dépendent pas de la quantité produite et sont dus même si rien n’est produit par
l’entreprise. Dès lors que la perte qu’elle subit est inférieure à ces coûts fixes, c’est à dire si
les ventes de l’entreprise couvrent au moins ses coûts variables, l’entreprise a intérêt à rester
ouverte (à produire), car elle perdra ses coûts fixes si elle décide de ne pas le faire.
Dans le graphique ci-dessus, on voit que si le prix déterminé par le marché est inférieur au
seuil de rentabilité, mais reste supérieur au coût variable moyen, l’entreprise restera ouverte.
En effet, elle couvre encore ses coûts variables moyens dans une telle situation et elle subira
donc des pertes inférieures à celles qu’elle subirait en fermant ses portes (pertes alors égales
au montant des coûts fixes). Cependant, si le prix de marché descend en dessous du minimum
du coût variable moyen, alors l’entreprise devra fermer ses portes. Elle subirait en effet à un
tel prix des pertes encore plus grandes que celle de ses coûts fixes si elle continuait à produire.
L’arrêt de la production permet alors de limiter les pertes au montant des coûts fixes.
On notera évidemment que le fait de continuer à produire « à perte minimale » lorsque le prix
de marché se situe entre le prix-seuil de rentabilité et le prix-seuil de fermeture n’est viable
pour l’entreprise qu’à court terme. Si le prix de marché s’établit durablement en dessous du
prix-seuil de rentabilité, l’entreprise n’aura d’autre choix que de cesser son activité.
On peut résumer les méthodes de mesure et l’information apportée à l’entreprise par les seuils
de rentabilité et de fermeture grâce à la figure ci-dessous :
Section 3 : L'entreprise en concurrence pure et parfaite en
courte période
3. Fonctions d’offre et équilibre du marché
La fonction d’offre globale sur le marché est la somme de toutes les offres individuelles des
différentes entreprises. Dans le cas où l’on suppose que toutes les entreprises sont strictement
semblables (elles utilisent toutes la même technologie), il est possible d’écrire directement la
fonction d’offre globale sur le marché.
p = f(Q) = Cm(Q)
S’il existe n entreprises identiques sur le marché considéré, alors la quantité globale offerte
sur le marché (notée QM) vaudra :
Dès lors que nous nous plaçons en longue période, nous devons en principe considérer que
chaque entreprise peut modifier ses technologies et ses équipements, si bien qu’il faut
considérer les courbes de coût marginal et de coût moyen de longue période qui, nous le
savons, sont les “courbes-enveloppes” des courbes de courte période. Les propriétés et formes
de ces courbes de longue période ne sont toutefois pas différentes de celles des courbes de
court-terme.
Cette entrée de nouvelles entreprises qui provoque une baisse des prix recouvre en fait une
situation complexe. Les entreprises non efficientes disparaissent ou adoptent la technologie la
plus efficiente alors que les nouvelles ne peuvent entrer sur le marché que sur la base des
technologies efficientes. Quoiqu’il en soit, se pose une question essentielle : quand ce
processus d’entrée sur le marché de nouvelles entreprises se stabilise-t-il ?
2. L’équilibre de longue période : l’annulation du profit
L’équilibre de longue période qui s’établira sur un marché en concurrence pure et parfaite
peut être décrit par le graphique ci-dessous :
Concrètement, en longue période, des entreprises vont entrer sur le marché tant qu’elles
auront l’opportunité de réaliser des surprofits sur celui-ci. La fonction d’offre globale va donc
se déplacer « vers la droite » (de O1 vers OLT sur le graphique) durant tout ce processus et les
prix baisseront incidemment jusqu’à que l’on atteigne le prix-seuil de rentabilité des
entreprises présentes sur le marché, correspondant au minimum du coût moyen de long terme
de celles-ci. Dans cette situation, chaque entreprise présente produira Q LT et la quantité
globale échangée sur le marché, au prix d’équilibre p* = p SR, sera QMLT.
Il est important de comprendre que la taille du marché (le nombre d’entreprises présentes
sur celui-ci) restera alors constante, dans la mesure où il n’y aura plus d’intérêt à entrer sur
ce dernier. Au contraire, à partir de ce point, l’entrée d’une entreprise supplémentaire
provoquerait une baisse du prix en dessous du seuil de rentabilité et donc l’apparition de
pertes pour l’ensemble des entreprises du marché. Dans une telle situation, les moins
« solides » d’entre elles, les moins à même de supporter ces pertes dans le temps, quitteront le
marché. Ceci provoquera un déplacement « vers la gauche » de l’offre globale et un retour à
la situation d’équilibre au prix-seuil de rentabilité. De la même façon, la sortie d’une
entreprise du marché (pour cause de faillite par exemple), à partir de la situation d’équilibre
de long terme, entrainera un déplacement « vers la gauche » de l’offre globale. Le prix
s’élèvera alors au-dessus du prix-seuil de rentabilité, ce qui fera réapparaître des surprofits
que de nouvelles entreprises ne manqueront pas de venir revendiquer, ramenant alors
l’équilibre vers sa position de long terme au prix-seuil de rentabilité.
Ainsi, en longue période et en concurrence pure et parfaite, le profit est toujours nul et
le prix d’équilibre égal au prix-seuil de rentabilité. Rappelons cependant qu’un profit nul
constitue une situation tout à fait acceptable pour les entreprises présentes sur le marché à
long terme ; il n’implique pas que la rémunération du capital ne soit pas assurée.
Une seule question demeure : combien d’entreprises seront présentes sur un tel marché
« stabilisé » de long terme ? On le mesure à partir de deux éléments simultanément liés au
fait que le prix d’équilibre de long terme soit nécessairement le prix-seuil de rentabilité :
(i) on mesure la quantité échangée au total sur la marché (QMLT) à partir de la fonction de
demande au prix-seuil de rentabilité ;
(ii) on mesure la quantité produite à long terme par chaque entreprise présente sur le marché
(QLT) à partir des fonctions de coût de celles-ci (minimum du coût moyen de longue période
ou point d’intersection entre le coût moyen et le coût marginal de longue période) ;