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Section 2:

Concurrence monopolistique et
commerce international
Introduction

 Le modèle de concurrence monopolistique repose sur deux hypothèses


fondamentales :
‒ les rendements d'échelle internes et
‒ la préférence des consommateurs pour la variété.
 Ces deux hypothèses impliquent que chaque entreprise ait la possibilité de se
spécialiser dans une variété d'un produit et puisse ainsi bénéficier d'un
monopole lié à l'exploitation de ses rendements croissants. Mais, en même
temps, cette variété est en concurrence avec un grand nombre d'autres variétés, d'où
l'appellation de «concurrence monopolistique» qui remonte à Chamberlin (1933).
 Dans ce modèle, l'équilibre de libre-échange est caractérisé par du commerce intra-
branche. Mais, contrairement à ce qui se passe dans le cas de l'oligopole et du
monopole purs, l'ouverture à l'échange est nécessairement bénéfique. Elle
provient de l'augmentation du nombre de variétés à la disposition des
consommateurs; cela découle tout naturellement de l’hypothèse de préférence des
consommateurs pour la variété.
 Le modèle suivant, qui est de Krugman (1979, 1981) se fonde sur une notion
«horizontale» de la diversité, c'est-à-dire qu'il considère que les différentes
variétés d'un bien ont une qualité identique. Mais les modèles de concurrence
monopolistique se fondant sur une notion « verticale » de la diversité, dans
lesquels les variétés d'un bien se différencient par leur degré de qualité (Lancaster;
1980) aboutissent aux mêmes conclusions.
 Ces modèles permettent de montrer que, contrairement à ce qui se passe dans le
cas de l’oligopole et du monopole purs, l’ouverture au commerce est
nécessairement bénéfique. En effet, les gains de l’échange proviennent de
l’augmentation du nombre de variétés de chaque produit mis à la disposition
des consommateurs qui trouvent intérêt [hypothèse de préférence pour la
variété oblige] à avoir accès à la plus large gamme possible de produits pour
s’approcher le plus possible du produit pour eux ``idéal´´.
I- La notion de différenciation des biens

 La différenciation est un moyen pour les entreprises de relâcher et de mieux


répondre aux préférences hétérogènes des consommateurs (Disposition à
payer différentes pour la même qualité, pour certaines caractéristiques du
bien). On dit que des produits sont différenciés s'ils sont à la fois
semblables et différents. La différenciation est l'ensemble des procédés
par lesquels une entreprise va obtenir que son produit soit différent de ceux
fabriqués par les entreprises concurrentes.
 Deux formes de différenciation existent :
‒ La différenciation horizontale
‒ La différenciation verticale
A. Différenciation horizontale
 Deux biens en concurrence sur un même marché sont différenciés
horizontalement lorsqu’à prix identiques, les consommateurs ont des
préférences différentes sur ces deux biens. Il y a une absence d’unanimité
sur le classement des produits selon les préférences des consommateurs.
 Dans ce cas, trois stratégies de différenciation existent :
‒ Différences en termes de localisation : les consommateurs peuvent
accepter de payer plus cher un bien ou un service disponible à proximité;
d'une part, parce que les déplacements ont un coût, mais aussi d’autre
part, parce que le commerce ou les services de proximité sont porteurs de
liens sociaux.
‒ Différences en termes de caractéristiques objectives : les
consommateurs peuvent être sensibles à l'apparence d'un produit (c'est
particulièrement vrai pour les vêtements, les chaussures, …), mais aussi à
sa présentation (l'emballage fait vendre parfois autant que le produit), ou
encore à des caractéristiques géographiques ou de compositions
chimiques tel que la présence ou l'absence d'OGM.
‒ Différences en termes de caractéristiques subjectives :
si les consommateurs ont du mal à évaluer la qualité d'un
produit, ils sont souvent influencés par la réputation de
l'entreprise qui le produit. Les produits « de marque »
sont ainsi souvent jugés de meilleure qualité que des
produits génériques. A cela, il faut ajouter que la recherche
d'informations sur la qualité des produits est coûteuse, ce
qui incite le consommateur à s'en remettre à la réputation
des produits ou à ses habitudes.
B. Différenciation verticale

 Deux biens en concurrence sur un même marché sont différenciés verticalement


lorsqu’à prix identique l’un des biens est préféré à l’autre de façon unanime.
 Cette notion de la différentiation repose sur une perception unanime que les
consommateurs ont des différents produits.
 Dans ce cas, il y aura coexistence de n biens verticalement différenciés sur un même
marché si pour le classement , alors
 Dans ce cas, deux stratégies de différenciation existent:
 Différenciation objective/réelle. Elle peut se faire par la qualité des composants (fiabilité,
durée de vie), finition, conseils, SAV. Exemple secteur automobile, restauration, textile, ….
 Différenciation subjective/artificielle. Elle consiste à persuader les consommateurs que le
produit est de qualité. Elle peut se faire par :
o la publicité,
o le marketing,
o le packaging
II- Le modèle de base de la concurrence monopolistique

Une économie est entièrement décrite lorsque l’on


connaît sa demande, son offre et les caractéristiques
de son marché car permettent de déterminer les
caractéristiques de son équilibre.
A. La demande

 Soit une économie composée d'un nombre L de consommateurs qui forment en même temps la population
active. Chaque consommateur a la même fonction d'utilité :
 (5.1)

 Où ci est la consommation du bien i et n le nombre de variétés. Dans cette configuration, n n'est pas un
paramètre, mais une variable, dont la valeur d'équilibre dépend des paramètres du modèle.
 L'utilité marginale de la consommation de chaque bien est supposée positive et décroissante :
 et (5.2)

 En posant l’hypothèse de simplification suivante :


 (5.3)
 Où est un paramètre positif, Il est alors possible de montrer que l'élasticité prix directe (e) du
bien i, tend vers ) quand n tend vers l'infini. Ainsi, plus il y a de produits, plus l'élasticité de la
demande tend à être une constante.
B. L'offre

 L'économie est composée de n entreprises identiques ayant chacune le monopole de la


production d'un bien différencié. Par conséquent, n représente à la fois le nombre de
produits et le nombre d'entreprises. La fonction de production est donnée par l'expression
linéaire suivante :

 (5.4)

 Où sont des paramètres positifs. xi représente la production du bien i et li la quantité de travail


utilisée pour produire. xi est égal à ci.L, c'est-à-dire à la demande du bien i par le consommateur
représentatif, multipliée par le nombre de consommateurs. La fonction de coût total (mesuré en travail)
s'obtient en exprimant li en fonction de xi :
 (5.5)
 Où , le coût marginal est constant.
 On montre alors que pour maximiser son profit, l'entreprise doit choisir le prix tel que :

 (5.6)
III- L'équilibre de concurrence monopolistique en économie
fermée

 On distingue habituellement l'équilibre à court terme, quand l'entreprise


bénéficie d'une rente parce que le nombre de ses concurrentes est inférieur
à l'optimum, de l'équilibre à long terme, quand le nombre d'entreprises du
secteur est tel que la rente de chacune est nulle. Nous allons d'abord
étudier l'équilibre à long terme. Puis nous l'illustrerons graphiquement avec
un exemple numérique. Nous reviendrons ensuite sur l'équilibre à court
terme à l'aide d'un exemple numérique, afin de préciser le processus de
transition du court terme au long terme.
A- L'équilibre à long terme

 Dans les conditions citées ci-dessus, et supposant comme Krugman (1981), à la


suite de Dixit et Stiglitz (1977), que l'entreprise représentative ne tient pas compte
de l'effet de n sur e, c’est-à-dire que
 . Cela permet de montrer que le nombre d'entreprises est une
fonction croissante de la quantité de travail disponible d’une part.
 D'autre part, le nombre d'entreprises est une fonction décroissante de , le
coût fixe de production. Enfin, le nombre d'entreprises augmente lorsque
tend vers 0.
 La demande du bien par le consommateur représentatif peut donc s'écrire :
 (5.7)
 La demande totale pour chaque variété C est alors :

 (5.8)
 Ce qui implique que la recette marginale puisse se formuler comme suit :

 (5.9)

 Dans ces conditions, l'équilibre à long terme (figure suivante) permet de


déterminer le nombre d’entreprises et les quantités d’équilibre. Mais,
en particulier, on voit que l'égalité entre le prix et le coût marginal au
point E implique une production égale à 1. Pour écouler cette
production, l'entreprise doit pratiquer un prix égal à 2, ce qui couvre juste
le coût moyen de production. La rente de l'entreprise est nulle.
Figure 5.1 : L'équilibre de concurrence monopolistique à long terme
B- L'équilibre à court terme

 Supposons maintenant que le nombre d'entreprises ne soit pas


déterminé de façon endogène, mais inférieur à un nombre donné (disons
50). L'égalité entre le prix et le coût marginal au point E implique une
production égale à 2. Pour écouler cette production, l'entreprise doit
pratiquer un prix égal à 2, ce qui permet de dégager un profit par unité de
0,5, puisque le coût moyen de production est égal à 1,5. La rente de
l'entreprise est donc égale à 1 (surface hachurée).
Figure 5.2 : L'équilibre de concurrence monopolistique à court terme
IV-L’équilibre de la concurrence monopolistique en
économie ouverte

 Pour analyser l'équilibre de libre-échange, il faut alors introduire un second


pays, identique au pays domestique. Comme les deux pays sont strictement
identiques, les équilibres autarciques le seront également.
A. Effets du libre-échange sur le prix, la quantité et le
nombre de variétés disponibles
 L'équilibre de libre-échange a les mêmes caractéristiques que celui d'une économie
intégrée dont les paramètres seraient identiques à ceux de h et de f, mais dont les
ressources seraient égales à la somme de celles de deux pays identiques.
 À l'équilibre de ce modèle de concurrence monopolistique, le prix et la quantité d'équilibre
de chaque produit sont indépendants du niveau des ressources disponibles. De ce fait, ils
ne sont pas modifiés par le doublement de L.
 En revanche, le nombre de produits disponibles en libre-échange est deux fois plus élevé
qu'en autarcie, ce dont bénéficient les consommateurs de l'union économique formée par
les deux pays.
 Par conséquent, le libre-échange accroît la diversité des produits. Chaque entreprise
continue à produire autant qu'avant, mais le marché qu'elle alimente est composé de 2 fois
plus de consommateurs et, d'autre part, elle a 2 fois plus de concurrents. Mais ce résultat
suppose que la localisation des entreprises n'est pas affecté par la création d'un marché
unique, c'est-à-dire qu'il y a toujours n entreprises en h et n* entreprises en f.
B. Effets du libre-échange sur le bien-être

 Chaque consommateur dispose d'une plus grande diversité de biens, mais


comme le nombre de consommateurs a doublé, que chaque consommateur
consomme autant que les autres et dans les mêmes proportions, que la quantité
totale de chaque variété n'a pas changé, il s'ensuit que la quantité de chaque
variété consommée par un consommateur donné a baissé.
 Par conséquent, l'effet du libre-échange est bénéfique pour les consommateurs
car l'élargissement de la gamme des produits exerce un effet bénéfique plus
important que l'effet négatif dû à la réduction de la consommation de chacun des
biens.
 Comme le libre-échange n'exerce aucun effet sur les producteurs (même quantité
produite, même prix et profit nul à long terme), l'effet net du libre-échange est
positif puisqu'il se ramène à l'effet sur les consommateurs. Naturellement, le
raisonnement est identique pour le pays f, qui gagne donc aussi au libre échange.
C. Calcul du volume des échanges

 On montre également que la valeur des importations de h est égale à L/2, il


s'ensuit qu'à l'équilibre les exportations sont aussi égales à L/2. Par le
même raisonnement, on montre que h exporte L/2 (et que f importe L/2).
D. Indétermination du sens des échanges

 De même que pour le modèle de concurrence oligopolistique, nous ne


pouvons pas savoir, à priori, quelles variétés sont exportées et/ou
importées par h et/ou par f. Nous savons seulement que les n variétés
produites et exportées par h sont différentes des n* variétés produites et
exportées par f. L'impossibilité de prévoir la localisation des
spécialisations et donc le sens des échanges se vérifie donc aussi
dans ce modèle.
E. Mise en évidence du commerce intra branche

 Comme dans le modèle de concurrence oligopolistique, l'équilibre de libre


échange en concurrence monopolistique est caractérisé par du commerce
intra branche En effet, il n'y a qu'un seul produit, composé de variétés
différentes. Le commerce intra branche est donc ici un commerce de
variétés, parfois appelé commerce de produits similaires. Il est facile de
voir que dans ce modèle le coefficient de Grubel-Lloyd est égal à 1, ce qui
signifie que le commerce intra branche est total.
Conclusion générale :
Que retenir des théories de la spécialisation internationale ?

 Dans les modèles traditionnels du commerce international (modèle de Ricardo et


d'Heckcher-Ohlin), l'ouverture à l'échange engendre une spécialisation de chaque
pays en fonction de son avantage comparatif Dans le modèle de Ricardo, cette
spécialisation est en général complète (l'Angleterre ne produit que du drap et le
Portugal ne produit que du vin).
 Dans le modèle d'Heckscher-Ohlin, cette spécialisation est en général incomplète
(chaque pays continue à produire tous les biens, mais il n'exporte que ceux pour
lesquels il possède un avantage comparatif). Dans les deux modèles, la
spécialisation améliore l'allocation des ressources au niveau mondial, sans
qu'il soit nécessaire de redéployer les facteurs de production entre les pays. On
démontre alors qu'il s'ensuit une augmentation du bien-être des pays qui
participent à l'échange (voir les chapitres 1 et 2).
 Dès le départ, cette vision optimiste de l'échange a été critiquée et
soumise à des restrictions importantes. Toutefois, si les restrictions étaient
bien connues et pouvaient être introduites dans le cadre formel des
modèles de base, ce n'était pas le cas des critiques radicales des
nouveaux modèles. Or, jusqu'aux années 1980, il n'existait pas de modèle
alternatif susceptible de recueillir ces critiques dans un cadre cohérent.
 D'une façon plus générale, ces critiques sont parfois regroupées sous
l'appellation de mercantilistes ou «néo-mercantilistes» si l'on souhaite
distinguer les critiques contemporaines des critiques historiques. Dans la
vision mercantiliste, le libre-échange est au mieux un jeu à somme nulle: ce
qu'un pays gagne, l'autre le perd.
 L'échange peut même être un jeu à somme négative, c'est-à-dire se
traduire par une perte pour les deux pays. Dans ces conditions, l'échange
international est source de conflits entre les pays. En effet, pour éviter que
le commerce international ne devienne pour eux un facteur
d'appauvrissement, les pays se lancent dans une politique commerciale
active qui se ramène le plus souvent à du protectionnisme.
 Les modèles de concurrence imparfaite appliqués au commerce
international peuvent être considérés comme donnant un
fondement théorique à la conception mercantiliste de l'échange. En
effet, l'équilibre de libre-échange du modèle de Brander et
Krugman peut être associé à un niveau de bien-être inférieur à
celui qui correspond à l'autarcie.
 Toutefois, une telle interprétation des résultats des modèles de
concurrence imparfaite serait une erreur dans la mesure où leur
appréciation porte sur l’explication d’une partie des flux
commerciaux et non sur la totalité des flux commerciaux existant
dans le monde.

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