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Mars 1941

1 – La guerre en Méditerranée et dans les Balkans


La Corse ensanglantée
1er mars
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Sous le commandement du Cpt Challe, nous mettons 8 avions en l’air dès 8h30 pour
intercepter un gros raid sur Ajaccio. Albert revendique un Ju 88 et Salva un Bf 109, tandis
que Madon et Durand tirent chacun un Bf 109 mais ne peuvent observer le résultat.
À 11h, nouveau décollage de 6 avions, sous le commandement d’Albert pour intercepter un
second raid. Les Allemands feintent vers la mer et le dispositif n’arrive à se connecter avec les
Boches qu’au-dessus d’Ajaccio. Albert et De Salaberry abattent chacun un He 111, Cabaret
un Bf 109, mais Madon doit évacuer son avion en feu presque au-dessus du terrain. Le port
est durement touché ainsi que la ville. Quelques bombes touchent le terrain, mais
heureusement sans casse car les veinards du II/3 sont partis un peu plus au sud pour toucher
des D-523 [NDE – Il s’agit du terrain de Sartène-I, dont toute citation a été caviardée par la
censure de l’époque.].
Dans l’après-midi, un dispositif de 8 avions décolle pour couvrir des Glenn qui attaquent
Aléria et Solenzara. Grosse Flak au-dessus de l’objectif et deux Glenn sont touchés, leurs
équipages sautent au-dessus de nos lignes.

Opération Merkur
Corse – La bataille de Bastia commence. Le général Arlabosse, qui a reçu l’ordre de résister
jusqu’au bout pour bloquer le maximum d’ennemis, peut compter sur l’équivalent de deux
gros régiments d’infanterie. A l’ouest, le 218e RI, renforcé par les rescapés du 81e GRDI,
appuyés par un groupe de 75 du 65e RAA, tient le col de Teghime tandis que les restes du
VIII/373e DBIA défendent la passe de San Bernardino. Au sud, le 1er RTA, qui a amalgamé
les restes du 9e RTA, renforcés des survivants des VII et IX/373 DBIA et appuyés par deux
groupes de 75 du 65e RAA et par la dernière batterie de 155 GPF du I/104 RAL, tient la route
qui vient de Borgo. Le X/373 DBIA constitue une dernière réserve pour contre-attaquer.
Des troupes allemandes soutenues par des chars tentent de forcer le passage du col de
Teghime avec un fort appui de Stukas, mais elles sont repoussées.
En fin d’après-midi, de violents bombardements aériens détruisent une partie de la ville de
Bastia. Les responsables de l’Axe affirmeront par la suite que les objectifs étaient les hangars
et les dépôts près du port. En fait, le bombardement a été effectué au crépuscule, ce qui
rendait difficile de viser avec précision. Quoi qu’il en soit, la ville est gravement touchée.
Selon le maire, plus d’un millier de civils ont été tués et beaucoup d’autres blessés.
L’événement provoque consternation et colère du côté français et déclenche un puissant écho
aux Etats-Unis lorsque, quelques jours plus tard, des photographies prises par un
correspondant de guerre de Life Magazine sont publiées.
Cet événement dramatique ne doit pas masquer le fait qu’en l’absence du photographe de
Life, deux autres raids guère moins meurtriers frappent ce jour-là Ajaccio. Les chasseurs
français font cependant face de leur mieux et les combats aériens, éprouvants pour les deux
camps, ne sont pas près de s’arrêter.
L’après-midi, des bombardiers français attaquent Solenzara et le nouveau terrain allemand
près d’Aléria.
Une escadre française composée des croiseurs lourds Colbert et Foch et des contre-torpilleurs
Mogador, Kersaint, Tartu, Cassard et Vauquelin quitte Alger en fin de journée pour tenter
d’évacuer des civils de Bastia assiégée.

Sardaigne – L’évacuation du nord-ouest se poursuit. Une contre-attaque des Polonais et des


Marocains vers Borutta dissuade les Italiens de précipiter la poursuite.
Cagliari est la cible de trois raids aériens allemands dans la même journée. La piste de
Monserrato et la zone portuaire, qui avaient été épargnées par l’aviation italienne à cause de
leur proximité des zones habitées, sont cette fois durement touchées : les impacts font de
nombreuses victimes civiles.
Dans la nuit, une escadre franco-britannique composée du croiseur lourd Dupleix, des CL Fiji,
Gloucester, Naiad et Orion, des contre-torpilleurs L’Audacieux, Le Fantasque, Le Terrible et
d’une flottille de destroyers de classe K de la Royal Navy entre en mer Tyrrhénienne par le
sud et bombarde la côte sarde près d’Olbia, où des convois italiens ont débarqué des troupes
et du matériel. Ce bombardement est un succès partiel.

Diplomatie à l’allemande
Berlin – Le Premier ministre bulgare Bogdan Filov signe le Pacte Tripartite. Hitler a promis
au tsar Boris III qu’en échange, son pays récupèrerait bientôt les territoires cédés à la
Yougoslavie et à la Grèce suite au Traité de Neuilly.

2 mars
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Trois gros raids sur Ajaccio aujourd’hui.
Le premier est cueilli à froid par 6 avions menés par Albert au-dessus du golfe de Sagone et
ils perdent 2 He 111 et 2 Bf 109 (oeuvre d’Albert et de Durand). Le second raid est accueilli
dans les formes et avec les honneurs par le Capitaine Challe et 6 avions à peine une heure plus
tard et s’en prend à notre terrain. Le Capitaine descend un Ju 88 et en endommage un autre,
tandis que Salva explose un Bf 109 et le S/Lt Blanck en abat un autre. Mais le terrain est
durement touché.
Le troisième raid nous prend presque par surprise, car on n’a le temps de faire décoller que 4
avions. Heureusement ils visent assez mal et perdent un Ju 88 par la DCA. Nos chasseurs
s’emmêlent avec des Bf 109 qui semblent tous être du nouveau type [NDE – Des Bf 109F] et
ne peuvent observer les résultats de leurs tirs. L’avion de Cabaret est touché, mais réparable.

Opération Merkur
Corse – La Luftwaffe s’acharne, frappant les défenseurs de Bastia et la région d’Ajaccio, où
elle se concentre contre le port et l’aérodrome. En dépit d’une DCA renforcée, le terrain est
gravement touché et une partie des chasseurs qui y sont basés doivent se redéployer à Sartène-
1, encore non repéré par les reconnaissances allemandes.
Des renforts allemands venus de Calvi et Saint-Florent progressent vers le col de Teghime,
préparant sans doute un nouvel assaut pour le lendemain. Le général von Funck, qui
commande la 5e Division d’Infanterie légère, est gravement blessé par un tir de mortier. C’est
le général de brigade Johannes Streich qui reprend le commandement de la division.
D’autres unités tentent une poussée combinée vers Corte en venant de Borgo, au nord-est, par
la route nationale 193, et d’Aléria, à l’est, par la RN 200. Bill Clifton est justement dans le
secteur, ayant quitté la DBLE du colonel Kœnig pour voir ce qui se passe autour de Corte, où
il a entendu dire que des chars de fabrication américaine sont arrivés en renfort.
« Des chars américains contre les Panzers – Parlez-moi de la douceur du climat
méditerranéen ! Au cœur des montagnes du Niolo, sur les pentes est du Monte Cinto, le front
est enseveli sous un voile glacé de neige tourbillonnante. Les Chasseurs Alpins et les hommes
de la Légion Etrangère se sont pourtant accrochés là, entre les arbres et les rochers, paraît-
il. Je descends de la vieille voiture qui m’a amené et s’est arrêtée au bord de la route, devant
le geste impératif d’un soldat. Je m’avance vers le tournant suivant, mais le soldat me
rattrape et me plaque contre un rocher en grognant des insultes dans une langue
incompréhensible. Je parviens à risquer un œil. Rien, ciel sombre, arbres noirs et roc blanchi
par la neige. Pas un chat, quel que soit son uniforme. “Ils arrivent !” souffle pourtant le
soldat. C’est ma foi vrai : des cliquetis de chenille, des ronflements de moteur, puis le bruit
confus d’une troupe en marche. Enfin, au tournant suivant, à guère plus de deux cents yards,
débouche une masse gris-vert, un Panzer III, je crois 1, encadré de silhouettes piétinant
péniblement sur les bas-côtés. Je le fixe, fasciné, lorsque, brutalement, une détonation
m’assourdit et tout le paysage s’illumine d’éclairs brûlants. Juste derrière mon rocher, un
char M2, sûrement arrivé depuis peu de chez nous, vient de se démasquer et d’ouvrir le feu,
tandis que mitrailleuses et fantassins, embusqués le long de la route, l’imitent. En face, le
Panzer s’est arrêté net, la chenille gauche brisée. Mais sa tourelle pivote, j’ai l’impression
qu’elle me vise entre les deux yeux et j’aperçois la lueur du départ du coup. Une main
gigantesque me saisit, me balaye et ma tête porte contre le rocher…
Quand je reprends mes esprits, un drôle de bonhomme me dévisage de haut – forcément : je
suis étalé dans la neige les quatre fers en l’air. “Alors, c’est vous le journaliste américain ?
Vous êtes un garçon chanceux, vous savez ! Ce Panzer, là-bas, il ne tirait pas des boules de
neige !” La moustache encore plus énergique que celle du colonel Kœnig, c’est le colonel 2
Leclerc, l’homme qui a fait jurer à ses hommes, au fond du désert du Sahara, de ne cesser le
combat que lorsque le drapeau français flotterait à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg.
D’un coup de sa canne, fameuse dans toute l’armée, il m’incite à me relever. “Vous avez
manqué le plus intéressant, mais vous pouvez encore voir le résultat !” dit-il en grimaçant un
sourire.
Le char de tout à l’heure brûle encore, ainsi qu’un autre véhicule, plus loin derrière.
Alentour, la neige est semée de corps sans vie en uniforme vert-de-gris, que les soldats
français délestent de leurs armes et de leurs munitions, sous la garde vigilante du M2 de tout
à l’heure. Les Allemands ne passeront pas par ici, pas aujourd’hui en tout cas. »
Un peu plus au sud, une tentative d’infiltration allemande vers l’ouest à partir de Solenzara, à
travers la forêt de Bavella, est bloquée par les hommes de Kœnig.

Sardaigne – Tandis que Cagliari est à nouveau la cible de deux raids aériens, les forces
italiennes reprennent leur avance vers le sud.
Dans le centre de l’île, la 54e DI Napoli 3 contourne les défenses de Nuoro en débordant les
Sénégalais du groupement Mallet (III/5e RTS et deux compagnies sénégalaises de la
Territoriale, plus une compagnie du 7e RTA venue d’Olbia). Cette action, prévue pour être
une simple diversion, va tourner au désastre pour les Français.
« Les Italiens avaient tiré les leçons de leur échec dans les Alpes l’année précédente. Ils
avaient renoncé à faire masse en poussant une division entière sur un front de 1 000 à 1 500
mètres et, s’inspirant des pratiques de l’infanterie d’assaut allemande, ils préféraient infiltrer
et contourner en évitant les noyaux de résistance. Cette méthode leur avait réussi dans la
1
Il y a eu très peu de Pz-III en Corse lors de Merkur et en particulier sur les routes étroites du centre de l’île. Il
s’agissait sans doute d’un Pz-38t.
2
En fait, encore lieutenant-colonel.
3
La 54e DI faisait partie du corps initialement prévu pour débarquer à Cagliari et redirigé vers Olbia après
l’échec de l’attaque aéroportée.
Gallura, même si elle leur avait coûté à chaque fois de lourdes pertes. » (Sulpice Dewez,
op.cit.)
L’assaut italien surprend des Sénégalais frigorifiés. Sulpice Dewez (ex-communiste qui avait
tenu la rubrique des casernes dans l’Humanité avant de quitter le parti pour opposition au
pacte Hitler-Staline) devait se montrer d’une sévérité sans doute excessive : « Une suite de
mauvaises décisions avait regroupé dans la partie la plus haute et la plus enneigée de l’île
deux bataillons sénégalais. Ces pauvres diables, pour beaucoup des Mossis de Haute-Volta et
des Saras du Tchad, ignoraient tout de la montagne 4 qu’ils découvraient en même temps que
le froid et la neige, et on leur demandait de manœuvrer sur les crêtes – de pitonner, disent les
spécialistes – avec de vieilles chaussures racornies récupérées au fond des dépôts italiens.
Ces Africains habitués aux fortes chaleurs subissaient un véritable calvaire. » (Sulpice
Dewez, op. cit.).
Dewez retrouve ici ses réflexes critiques envers le commandement militaire. Le rapport de la
commission parlementaire française, confirmé par les travaux ultérieurs, devait montrer que
les Sénégalais avaient surtout été victimes d’une accumulation d’urgences : la contre-attaque
manquée d’Olbia, puis la grève des mineurs et la pénurie de transports qui avaient immobilisé
dans le sud-ouest les rares réserves disponibles et empêché de les relever à temps – sans parler
de la confusion créée par deux semaines de combat en terre étrangère. Dans ces conditions, le
maintien de ces hommes dans un secteur jugé à tort tranquille (quoique particulièrement
inconfortable pour eux) était difficilement évitable, même s’il a provoqué de nombreuses
polémiques.
Coup du sort supplémentaire : le colonel Mallet est tué dans les premières minutes du combat.
Pris à revers, désorganisés, ses hommes se débandent dans la montagne parsemée de
“maisons de sorcières” qui aggravent encore leur déroute, car les Sardes ont transmis aux
Sénégalais une crainte superstitieuse de ces tombeaux néolithiques.

Méditerranée, au sud-est de la Sardaigne – Dans la matinée, les avions du Xe FliegerKorps


interceptent l’escadre franco-britannique qui se retire vers le sud après le bombardement
d’Olbia, la nuit précédente. L’attaque, menée par de nombreux Stukas et par des chasseurs-
bombardiers (des Bf 109 porteurs d’une bombe de 250 kg), est très précise. Le Dupleix est
touché par deux fois, sa tourelle I mise hors d’usage et sa vitesse réduite à 20 nœuds. Le
Gloucester, frappé par trois bombes de 500 kg et raté de peu par deux autres, est gravement
endommagé. L’Orion reçoit une bombe de 500 kg, deux de 250 kg et, pour couronner le tout,
un Bf 109 touché par la DCA s’écrase sur la passerelle. Les deux croiseurs légers anglais, très
ralentis, sont de nouveau attaqués à plusieurs reprises, mais une couverture fournie par des
chasseurs français à long rayon d’action venus de Bône empêche les bombardiers allemands
de les achever.
Au crépuscule, le Gloucester, qui accuse une gîte de 12°, finit par atteindre le port de Bône. A
la même heure, l’Orion est en vue de la côte algérienne quand il est mortellement frappé par
une torpille du sous-marin italien Ambra (LV Mario Arillo). Il sombre en quelques minutes, la
queue du Bf 109 toujours dressée comme une malédiction au-dessus de sa passerelle…
………
Méditerranée, golfe de Saint-Florent (Corse) – Peu après la tombée de la nuit, les croiseurs
lourds Colbert et Foch bombardent les forces allemandes qui tentent de forcer les défenses du
col de Teghime par la passe de San Bernardino. Pendant ce temps, le Mogador et les
Kersaint, Tartu, Cassard et Vauquelin pénètrent dans la baie de Nonza pour évacuer des civils
venus de Bastia. Ceux qui les attendent sont surtout des femmes et des enfants qui ont marché
4
Le 5e RTS, qui avait relevé le 3e RTS en janvier, avait certes servi au Maroc quelques années plus tôt, mais son
cantonnement de paix à Monastir (Tunisie) ne l’avait pas préparé aux opérations de montagne ; en outre, il avait
reçu beaucoup de nouvelles recrues.
(ou ont été portés) de la ville assaillie jusqu’à la côte ouest par de petits sentiers souvent plus
ou moins enneigés. Plus de 1 600 personnes embarquent à bord des cinq bâtiments qui lèvent
l’ancre bien avant l’aube et filent vers l’ouest à toute vitesse pour être hors de portée des
bombardiers allemands au lever du jour.

L’offensive des sous-marins alliés


Alger – Ayant décidé, après consultation du vice-amiral Walser, d’utiliser des sous-marins de
1 500 tonnes pour des missions spéciales en Corse ou en Sardaigne, mais ne voulant pas
diminuer la présence française en Méditerranée orientale, l’Amirauté ordonne la permutation
des 3e et 11e DSM. La première (Fresnel et Protée) doit quitter Alexandrie pour Alger, tandis
que la seconde (Marsouin et Requin) doit partir de Sousse, où elle a dû se replier à cause des
bombardements aériens de l’Axe, pour se rendre à la grande base d’Egypte.

La campagne des Balkans


Rome/Albanie – L’état-major général italien décide de constituer le Groupe d’Armées
d’Albanie, fort de deux armées (9e et 11e) comptant chacune deux corps d’armée. La 9e
Armée doit rassembler sept divisions : les Piemonte, Arezzo, Parma et Venezia face aux
troupes ennemies arrivant de Macédoine occidentale, les Julia, Tridentina et Bari faisant la
liaison avec la 11e Armée. Celle-ci doit se composer initialement des trois divisions Ferrara,
Siena et Centauro, renforcées par le Groupement rapide du général Rivolta, en attendant
l’arrivée de quatre nouvelles divisions. Trois divisions supplémentaires seront tenues en
réserve dans les Pouilles.
Le problème, c’est que cette réorganisation pêche par optimisme, car la plupart de ces unités
ont déjà été gravement malmenées par les deux premières semaines de combat.

3 mars
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
C’est décidé, nous partons nous aussi pour le sud, où nous retrouvons nos amis du II/3. Nous
sommes cependant assez près d’Ajaccio pour intervenir quand un raid massif est annoncé vers
midi. Le dispositif de 8 avions que nous envoyons opère avec 8 D-523 du II/3. On se connecte
presque immédiatement avec des Italiens et c’est la curée. Albert abat 2 Reggiane Re.2000 et
un Macchi tandis que Durant incendie un Savoia et en endommage un autre et que Salva tire
un autre Macchi et un Fiat G.50, qui s’écrase sur notre ancien terrain [NDE – Il est très peu
probable que trois types de chasseurs aient escorté la formation de SM.79. Comme la
participation de Re.2000 et de Fiat G.50 est confirmée, il faut croire que la présence de
Macchi MC.200 relève de l’erreur d’identification.].
Un second raid, allemand cette fois, est intercepté vers 15h30. Le Capitaine Challe descend
un Ju 88 et un Bf 109, mais se fait tirer ainsi que son ailer par une demi-douzaine de Chleus
et, blessé, doit évacuer son avion. Il est récupéré par nos troupes au nord d’Ajaccio. Le
Lieutenant Salva assume le commandement provisoire du Groupe tandis qu’Albert prend le
commandement de la deuxième escadrille.
Opération Merkur
Corse – La Luftwaffe reprend ses attaques contre Bastia et Ajaccio. Au dessus de cette ville
éclate un violent combat aérien. Alertés par les observateurs embusqués dans les collines de
l’est de l’île, les chasseurs français sont bien placés et abattent au moins 35 avions italiens et
allemands, au prix d’une douzaine des leurs.
Plus au nord, soumis à des attaques incessantes de Stukas et de CR.42AS, les défenseurs du
col de Teghime commencent à se replier vers Bastia. Le général Arlabosse signale que la
défense de la ville est maintenant sans espoir et demande l’autorisation de percer durant la
nuit pour tenter de rejoindre les unités tenant Corte – opération “Xénophon”. Pour éviter une
bataille de rues alors que la plus grande partie de la population civile est encore à Bastia,
Noguès donne son accord à l’opération, mais ordonne que quelques troupes défendent Nonza,
où les sous-marins français de 1 500 t Espoir, Monge et Pégase (5e DSM) doivent venir à la
nuit pour évacuer des civils.
Au crépuscule, 54 LeO-451 attaquent la piste d’Aléria et la région de Solenzara. Les Fiat
CR.42 d’Aléria sont bien incapables d’intercepter les bombardiers qui volent à 20 000 pieds, à
plus de 450 km/h. Le terrain d’Aléria est fortement endommagé.
Un peu plus tard, les trois sous-marins français font surface près de Nonza et embarquent près
de 300 femmes et enfants.
A partir de 22h00, toutes les troupes françaises encore en état de combattre dans la région de
Bastia profitent d’une tempête de neige arrivant du nord pour s’infiltrer dans les lignes
allemandes. Ils passent par des pistes et des sentiers vers Oletta, Murato et la vallée du Golo.
Lorsqu’ils se heurtent à des unités allemandes, tirailleurs et fantassins attaquent au contact,
baïonnette au canon, avec une férocité et un acharnement qui étonnent même les plus endurcis
des parachutistes allemands.
Pendant ce temps, les troupes tenant Ponte-Leccia attaquent vers le nord, repoussant l’ennemi
le long de la RN 193. Des combats extrêmement violents et féroces se déroulent toute la nuit,
par un froid mordant, car la température chute jusqu’à –15°C dans la montagne. Sous la
conduite de Leclerc, les chars français sont à la pointe de l’attaque malgré la nuit, surprenant
les soldats allemands. A l’aube, les pointes françaises atteignent le cours du Golo.

Sardaigne – La défaite française de Nuoro tourne à la débâcle : les Sénégalais, dispersés dans
la neige, sont traqués ou meurent de froid pendant la nuit et les rescapés souffrent presque
tous de gelures. Le II/5e RTS est complètement disloqué et les territoriaux sont capturés
autour de leurs bagages. La compagnie algérienne est réduite à une douzaine d’hommes. Les
Italiens du 75e RI Napoli, poursuivant sur leur lancée, prennent Bolotona sur le cours
supérieur du Tirso.
Le même jour, les Italiens de la 4e DI de montagne Livorno entrent à Sassari.
La victoire de la Barbagia vaudra une promotion méritée au général Renato Coturri, chef de la
54e DI Napoli, et au colonel, depuis général, Francesco Mazzarella, du 75e RI Napoli. Mais
dans l’immédiat, la propagande italienne donnera davantage d’écho à la prise de Sassari qu’à
la victoire de Nuoro, pourtant beaucoup plus décisive. Il est vrai que le général Benvenuto
Gioda, chef de la Livorno, est plus proche des Chemises noires que son collègue de la Napoli.
Cependant, c’est bien à cause de la bataille de Nuoro que les unités françaises doivent évacuer
le nord de l’île. Tout en livrant des combats de retardement, elles se replient vers le Taloro
(un affluent du Tirso) et le cours inférieur du Tirso.
Cagliari est de nouveau frappé par un raid majeur sur le port et la gare, tandis que des DB-7
français bombardent Olbia à deux reprises.

4 mars
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Encore une très dure journée. Dans la nuit, nos troupes ont contre-attaqué les Allemands dans
le nord avec l’aide de chars. Comme cette partie de l’île est sous la brume et la neige pendant
la matinée, nous ne pouvons intervenir. Le raid habituel sur Ajaccio est intercepté vers 9h45
par 8 avions sous le commandement de Cabaret et 3 Allemands vont au tapis, mais de
Salaberry est durement touché et se crashe au retour sur le terrain. Un Goéland sanitaire
l’emmène à Alger dans l’après-midi.
Le soleil revient sur le nord et on en profite pour saturer l’espace aérien par des patrouilles de
4 avions. Albert tire un Stuka et un Hs-126 tandis que Durant abat deux Fiat CR.42 [NDE –
Les sources italiennes indiquent qu’il s’agit de Ro.37.] et Blanck un Fiat G.50. L’activité
aérienne ennemie tend à se réduire, mais nous sommes nous-mêmes au bord de la rupture.
En fin de journée, un Ju 88 survole le terrain et la patrouille envoyée à sa poursuite le
manque.

Opération Merkur
Corse – Jusqu’à midi, le temps est affreux sur tout le nord de l’île, avec des chutes de neige
au-dessus de 300 mètres et un épais brouillard. La Luftwaffe ne peut soutenir les troupes qui
se battent dans le nord et réserve ses efforts à des attaques contre Ajaccio et Bonifacio, où
l’aérodrome est hors d’usage.
Au nord-est de l’île, les troupes allemandes peuvent pénétrer dans le centre de Bastia,
maintenant largement en ruines. Mais de durs combats ont lieu entre Murato et la vallée du
Golo. Les troupes repoussées durant la nuit par les hommes de Leclerc contre-attaquent,
tandis que le commandement allemand jette dans la bataille toutes les forces disponibles dans
la plaine de l’est pour tenter d’avancer sur la RN-200 et la D-41 afin de couper les chasseurs
alpins de Lhuillier de leur base de Corte. Cependant, les Français tiennent les hauteurs
dominantes, prises d’assaut par des coups de main dans la nuit précédente, et les Allemands
sont repoussés à deux reprises après des combats au contact. Au même moment, les premières
troupes françaises descendant de Bastia s’ouvrent de vive force un chemin vers le sud au
milieu des parachutistes allemands ; les pertes sont très lourdes des deux côtés.
14h00 – Le brouillard commence à se dissiper et le temps s’améliore. Les chasseurs D-520
basés à Ajaccio et à Sartène-1 maintiennent des patrouilles permanentes sur la zone Corte –
Borgo – Murato. De multiples combats aériens éclatent, les pilotes français bénéficiant d’un
avantage car ils opèrent à 10 minutes de leurs terrains et que chacun d’eux peut accomplir
jusqu’à trois missions entre 14h00 et 18h30. Au contraire, les pilotes allemands et italiens
venant de la région de Grossetto, voire de Cannes ou de Gênes, encore plus éloignées, ne
peuvent rester que bien moins de temps au-dessus de la zone des combats. Leurs avions de
reconnaissance réussissent cependant à localiser le terrain de Sartène-1.
19h30 – Les premiers soldats venus de Bastia font leur jonction avec les unités de Lhuillier.
Bill Clifton est là : « Ils sont arrivés comme des fantômes de givre. Un par un souvent, parfois
par petits groupes. Tous ont commencé par embrasser leurs sauveteurs, avant de se restaurer
de quelques rations de combat et de retourner tenir leur place au premier rang, dans l’attente
de ceux qui suivaient. Leurs yeux, brûlant de rage et de fatigue, fouillent l’obscurité, mais ils
ne voient arriver que peu, si peu de leurs camarades… »
22h30 – Le patrouilleur auxiliaire Ile-de-Beauté (P9), paquebot rapide dans le civil, et les
croiseurs légers Montcalm et Gloire débarquent à Ajaccio de nouvelles troupes et surtout 13
chars légers M2A4 (dont certains ont voyagé sur la plage arrière des croiseurs) pour renforcer
les défenses.

Sardaigne – Le 75e RI Napoli, renforcé par des unités légères, atteint Macomer. Il n’a pas
assez d’artillerie pour prendre le bourg, juché en hauteur et que les Sénégalais avaient eu du
mal à enlever sept mois plus tôt, mais il coupe la principale voie de retraite des Français. Dans
la soirée, le reste de la 54e DI atteint le lac de barrage Omodeo.
La 1ère DI Superga avance rapidement vers le sud, en direction de Macomer.

L’offensive des sous-marins alliés


Gibraltar – Arrivée du ravitailleur de sous-marins HMS Maidstone. Précédemment affecté
au soutien de la 3e Flottille (laquelle opère de Rosyth), il a été désigné pour être la “nourrice”
de la 8e Flottille qui va être basée au pied du Rocher. Placée sous le commandement du
Captain G.A.W. Voelcker, la 8th Flotilla doit sa reconstitution 5 aux événements sur les fronts
de Méditerranée. Elle doit être constituée de bâtiments britanniques et hollandais. D’une part,
plusieurs unités de la classe U devront, dans un premier temps, remplacer sur les côtes de
France occupée les sous-marins français absorbés par la défense de la Corse et de la
Sardaigne. D’autre part, trois sous-marins néerlandais seront chargés dans un premier temps
de patrouiller dans le Golfe de Gascogne et de couvrir sur une partie de leur trajet des convois
allant de Gibraltar en Grande-Bretagne ou inversement.
Un premier groupe de quatre “classe U” accompagne le Maidstone : les HMS Unique (Lt.
A.F. Collett), Upholder (Lt-Cdr. M.D. Wanklyn), Upright (Lt. E.D. Norman) et Utmost (Lt-
Cdr. R.D. Cayley). La 8e Flottille devra aussi s’occuper du transit des sous-marins de classe T
qui vont rejoindre en Méditerranée orientale la 1ère Flottille, engagée en soutien de la Grèce.

Renfort
Casablanca – Arrivé trois jours plus tôt avec un convoi Texas-Antilles-Casablanca, dont il
était l’un des escorteurs, le croiseur auxiliaire Charles-Plumier (X-11) est désigné pour
renforcer provisoirement les forces de la Marine Nationale en Méditerranée occidentale,
lesquelles doivent à la fois faire face aux combats de Corse et de Sardaigne et assurer la
protection du trafic le long des côtés d’Afrique du Nord.

5 mars
Le GC I/3 en Corse

5
Basée en Extrême-Orient au début de la guerre, la Flottille a été rappelée en mars 1940 en Europe et plus
précisément en Méditerranée, où elle a été absorbée par la 1ère Flottille alors à Malte.
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Notre terrain est attaqué deux fois et c’est pour nous l’occasion de voir les D-523 à la
manœuvre. Nous mettons en l’air deux formations, une de 6 et une de 8 avions, et nous
revendiquons 3 He 111 et 2 Ju 88, le tout sans pertes. Mais le terrain est touché par le second
raid et trois mécanos sont tués par une bombe. Il nous est impossible dans ces conditions
d’intercepter les Stukas qui attaquent nos troupes autour de Corte. Les D-523 du II/3 sont à la
fête et ils revendiquent 7 victoires sans pertes.

Opération Merkur
Corse – Aux premières heures de la matinée, les troupes de Lhuillier commencent à se replier
vers Corte. Les hommes de Leclerc sont à l’arrière-garde, avec seulement quatre chars M2A4
encore en état de combattre. Par chance, Bill Clifton réussit à se trouver une petite place dans
l’auto blindée du colonel : « Malgré sa mine sombre, je décide de tenter une interview.
– Colonel, combien d’hommes pensez-vous avoir pu récupérer ?
– Peut être un sur quatre de ceux qui ont tenté de percer de Bastia, pas plus.
– Alors votre opération est un échec ?
– Non, Monsieur. C’est un succès. Un sur quatre, d’abord, c’est mieux que rien. Ensuite, ceux
que nous n’avons pas récupérés ne se sont pas rendus sans combattre. Les pertes allemandes
ont été très lourdes parmi ceux qui ont tenté de les arrêter, croyez-moi. Et l’ennemi a perdu
encore plus de monde hier, en attaquant nos positions pour empêcher notre opération.
Il marque un temps, puis ajoute, les dents serrées : “Nous les saignons peu à peu, Monsieur.
Leurs pertes sont très supérieures aux nôtres et ce sont des hommes expérimentés,
d’excellents soldats, qui tombent. Ils ne les remplaceront pas comme ça. Un jour ou l’autre,
cela se verra.”
Je n’arrive pas à savoir s’il en est vraiment sûr ou s’il ne peut que l’espérer… »
Au reste, certains des soldats français qui n’ont pu rejoindre à temps les lignes des troupes de
Lhuillier ne se sont pas rendus. Ils ont réussi à franchir les montagnes jusqu’à de petits
hameaux de bergers perdus sur les flancs du Monte Cinto. De là, guidés par des paysans
corses, ils réussiront à descendre jusqu’à Ajaccio. D’autres n’y parviendront pas, mais
resteront cachés avec leurs armes, attendant des jours meilleurs…
Après la prise de Bastia, le commandement allemand décide d’écraser les troupes françaises
dans l’île en menant une offensive sur trois axes : vers Ajaccio par Corte en suivant la RN
200, vers Zonza, Sartène et le golfe de Valinco, au sud d’Ajaccio, et vers le sud et Bonifacio,
en remontant ensuite jusqu’à Porto-Vecchio. Pendant que les Ju 88 et les He 111 attaquent
violemment les terrains d’Ajaccio et de Sartène-1, occupant les D-520, des Stukas frappent
les défenses françaises à l’est de Corte, sur la RN-200 et la D-41. La poussée centrale, vers
Zonza à travers la forêt de Bavella, est stoppée comme quelques jours plus tôt par les hommes
de la DBLE du colonel Kœnig au col de Bavella, où le combat fait rage toute la nuit du 5 au 6
(deuxième bataille du col de Bavella).
Près d’Aléria, des unités du génie italiennes et allemandes réparent et agrandissent la piste de
l’aérodrome pour permettre à des Bf 109 de s’y installer.

Sardaigne – De durs combats, autour de Macomer, Santa Chiara et Santu Lussurgiu,


opposent les Français qui tentent de se frayer un passage vers le sud aux Italiens arrivant du
nord et de l’est. Le général Coturri tente de s’emparer du barrage de Santa Chiara, qui sert en
même temps de pont sur le Tirso, mais sa 54e DI échoue, faute d’appui tactique.
Un violent orage achève de mettre la confusion parmi les unités italiennes. « Nous avions
réussi à percer jusqu’à un campement français, mais nous avons été dispersés par une
contre-attaque de leurs Algériens. J’ai eu le flair et la chance, moi et quelques camarades, de
nous abriter dans les feuillées. Mais nous avons été soulagés, à la nuit tombée, de pouvoir
regagner nos lignes à la nage, ce qui nous a permis à la fois de nous laver et d’échapper à la
capture » racontera un soldat de la division La Spezia.
Fort mécontent, Mussolini exige que la Regia Marina fasse les efforts nécessaires pour assurer
le transport à Olbia « en toute sécurité » d’un régiment de la division blindée Ariete, avec 36
chars moyens M13/40. Mauvais présage : cet ordre arrive à SuperMarina, l’état-major de la
Regia Marina, en même temps que la nouvelle que le croiseur léger Muzio Attendolo, sortant
du détroit de Messine en direction de Naples accompagné du Raimondo Montecuccoli, a été
torpillé. Touché par une torpille du sous-marin français Junon (CC Querville) juste en avant
de la tourelle A, l’Attendolo doit se réfugier à Messine, d’où il sera par la suite transféré sans
incident à Gênes pour y être complètement réparé.

Opération Poséidon
Albanie – Les premières unités italiennes engagées ont perdu énormément d’hommes (tués,
blessés ou prisonniers) depuis le début des combats, tant du fait des conditions climatiques
extrêmes que de la férocité des combats dans des actions défensive souvent héroïques, mais
vouées à l’échec… Ainsi, la 3e Division Alpine Julia a été réduite à moins de 2 000 hommes
après des combats acharnés. Les unités ramenées du nord de l’Albanie (19e DI de montagne
Venezia et 53e DI de montagne Arezzo), transportées vers le front régiment par régiment, voire
bataillon par bataillon, éparpillées et engagées de façon désordonnée, ont subi de très lourdes
pertes et la 53e DIM Arezzo a même été détruite en tant qu’unité constituée. La 131e Division
cuirassée Centauro a dû être retirée du front : cible privilégiée des blindés britanniques, elle a
perdu l’essentiel de ses matériels et son chef, le général Giovanni Magli, a été blessé dès le 26
février (il a cependant refusé de quitter son poste).
Néanmoins, les troupes grecques progressant le long des grands axes routiers et dans les
vallées, après avoir réduit les points de résistance d’arrière-garde, viennent buter sur la
nouvelle ligne de défense italienne vers Chimara, Tepeleni, Klissoura, dans la vallée de la
Devoli et à Pogradec. Les Italiens ont réussi à organiser cette ligne avec les survivants des
unités battues et les premiers renforts arrivés d’Italie (un régiment d’infanterie de la 47e DI
Bari, le régiment d’artillerie Po de la 101e DI motorisée Trieste et deux bataillons de la 2e DI
Alpine Tridentina).
Ayant constaté le raidissement de la défense ennemie, les Grecs organisent une pause dans
leur offensive pour permettre à leur logistique de suivre et aux renforts britanniques d’entrer
en scène : en effet, si à cette date les 2nd et 7th Armoured Brigades (de la 7th Armoured
Division) sont déjà sur le front, le 7th RTR (avec ses Matilda II), le reste de la 7th Armoured
Division et la 5th Indian Brigade (avant-garde de la 4th Indian Division) sont encore en train
de débarquer ou en chemin vers le front. La RAF a désormais déployé de nombreux
squadrons en Grèce et ses bombardiers commencent à frapper des cibles en Italie (des raids de
Wellington touchent notamment Ancône).
………
Rome – Mussolini, à la recherche d’un bouc émissaire, destitue le général Sebastiano
Visconti Prasca, coupable de ne pas avoir arrêté les troupes grecques à la frontière, et sort de
sa récente retraite forcée le général Ubaldo Soddu pour le nommer à la tête des forces
italiennes en Albanie. Soddu est censé bien connaître le théâtre d’opérations pour avoir,
naguère, comme sous-chef d’état-major général, supervisé l’étude de divers plans d’action
contre la Grèce. Il a l’ordre de tenir à tout prix la ligne actuelle, le temps nécessaire pour que
les renforts arrivent : plusieurs divisions italiennes sont en route, et Hitler a annoncé pour la
semaine prochaine l’arrivée de deux divisions blindées allemandes en Italie du Nord, d’où la
Regia Marina pourra les transporter en Albanie.
L’un des premiers actes du nouveau responsable du théâtre albanais est de doter les 9e et 11e
Armées de commandants temporaires : respectivement le général Gabriele Nasci et Visconti
Prasca soi-même.

6 mars
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Nous subissons à nouveau deux raids, que nous controns à chaque fois par une patrouille
double (6 avions) et un autre dispositif similaire du II/3 [NDE – Soit aussi 6 avions. Ces
dispositifs ne sont pas articulés en 2 x 3 mais en 3 x 2 avions. Il faut noter que ce type de
dispositif apparaît plusieurs fois dans le journal de l’unité et correspond à l’état des effectifs
qui rend impossible l’envoi de 8 voire 12 avions. Le dispositif en 3 x 2 avions s’est révélé
presque aussi flexible que celui en 4 x 2 avions.]. Lors du premier raid, Barberis et Boutarel
s’illustrent, abattant pour le premier 2 Heinkel 111 et 1 Bf 109 pour le second, qui partage un
deuxième Bf 109 avec Gérard. Lors du second raid, c’est Albert, encore et toujours, qui fait le
ménage avec 1 Ju 88 et 1 Bf 109 confirmés et un autre 109 probable tandis que Guillaume
descend un Ju 88 et Blanck un 109. Par contre, Fleurquin se fait tirer par deux 109 vicieux et
doit se parachuter. Il se reçoit mal et se casse une jambe. On doit l’évacuer dans la soirée.
Nos bombardiers vont attaquer, sans escorte, le terrain que les Boches construisent sur la
plaine orientale et réussissent à l’endommager, mais ils ne peuvent empêcher ces derniers d’y
positionner des 109 [NDE – Il s’agit du JG II/27.]. C’est ennuyeux, car on a perdu le nouveau
radar anglais.

Opération Merkur
Corse – La bataille pour Corte a remplacé celle pour Bastia. Les forces allemandes attaquent
au sud de la ville vers Venaco pour couper la route Corte-Ajaccio. Elles sont contenues par
les chasseurs alpins de la 22e DBCA.
En dépit de continuels assauts menés par des Stukas et des Fiat CR.42AS, les hommes de
Kœnig brisent une nouvelle attaque contre le col de Bavella.
Les terrains d’Ajaccio et de Propriano (Sartène-1) sont bombardés et le second radar
britannique mis en place au-dessus d’Ajaccio est détruit en fin de journée. L’Armée de l’Air
réagit en bombardant les installations allemandes dans la région de Solenzara, mais les pertes
sont lourdes, d’autant plus que les chasseurs sont trop occupés à défendre leurs terrains pour
assurer une escorte et que la flak locale a été considérablement renforcée. Quatre LeO-451,
cinq DB-7 et sept Martin 167 sont perdus. Le terrain d’Aléria est à nouveau endommagé,
mais le Gruppe de chasse JG 27 réussit à s’y installer dans l’après-midi.

Sardaigne – Les Français évacuent Macomer. Les dernières unités passent sur la rive sud du
Tirso et consolident la ligne de défense, tandis que les Italiens se regroupent pour tenter une
nouvelle fois de franchir le Tirso. Pendant ce temps, des unités du génie achèvent d’aménager
la piste de Venafiorita, près d’Olbia, où des Caproni Ca.311, des Fiat G.50 et des Macchi
MC.200 pourront se poser en fin d’après-midi. Les Ca.311 vont se révéler assez efficaces
pour harceler l’infanterie, en l’absence de chasse adverse et d’une DCA digne de ce nom,
tandis que les G.50 et les MC.200 vont s’efforcer de protéger le terrain et le port.
« Macomer a été un des moments les plus durs de la campagne. Deux hommes ont été cités à
l’ordre de l’armée, et même si nous ne courions pas après les honneurs militaires, j’avoue
que cela nous a fait chaud au cœur. L’un, le maréchal des logis Gaston Dion, du 67e
Artillerie d’Afrique, avait tenu sa position sous une pluie de mitraille et repoussé les
Spezzins 6 avec les deux tiers des hommes de sa batterie hors de combat. L’autre,
l’ambulancier Dominique Bartolini, était mort sous un mitraillage aérien en s’efforçant de
sortir des blessés de son ambulance en feu : un geste de fraternité d’autant plus mémorable
que ces blessés étaient des prisonniers italiens, donc ennemis. » (Sulpice Dewez, op. cit.)

Mer Tyrrhénienne – Un important convoi chargé d’hommes et de matériels appartenant à la


division Ariete quitte Naples. Il est protégé par une forte escorte que commande le vice-amiral
Sansonetti. Le croiseur lourd Bolzano ayant été retenu au port par une avarie de machine, ce
dernier a choisi de mettre sa marque sur le croiseur léger Bande Nere.
Vers midi, le convoi est détecté par un Bloch MB-174 français. Il est attaqué à deux reprises
dans l’après-midi par des Martin 167, mais les dommages sont limités.
Une forte escadre franco-britannique est alors constituée, sous le commandement du contre-
amiral André Marquis : CA Colbert (amiral) et Foch, CL français La Galissonnière et La
Marseillaise, CL britanniques Fiji, Aurora, Arethusa et Perth (australien), CLAA anglais
Dido et Naiad, contre-torpilleurs L’Audacieux, Le Fantasque et Le Terrible et DD
britanniques Kelly, Kandahar, Kashmir, Kelvin et Kipling. L’escadre quitte rapidement
Bizerte pour pénétrer à la nuit tombée en Mer Tyrrhénienne. Pour lui fournir une couverture
aérienne le lendemain, l’Armée de l’Air a envoyé le GC I/13 de chasse à long rayon d’action
à Cagliari-Elmas. Au même moment, le porte-avions Eagle, escorté par le croiseur Jean-de-
Vienne et six torpilleurs de classe L’Adroit, quitte Alger pour prendre position le matin
suivant à l’ouest du golfe de Valinco. De là, ses chasseurs pourront intervenir au-dessus de la
flotte sans que le porte-avions risque trop d’être lui-même pris pour cible. L’Eagle porte en
effet 16 Grumman G36A français (dont l’EV2 Lagadec, rescapé du Béarn) et 11 Fulmar I
anglais, plus 6 Swordfish utilisés en patrouille anti-sous-marine. Les G36A sont rangés en
permanence sur le pont d’envol.
Par ailleurs, l’Aéronavale déploie provisoirement deux flottilles de Laté-298 dans le port de
Cagliari pour une attaque nocturne.
A la tombée de la nuit, les MB-174 et 175 qui surveillaient le convoi italien cèdent la place à
un Martin 167 Maryland de l’Aéronavale équipé d’un radar britannique (un AI Mk IV
modifié). Peu après, le commandement français lance 21 Laté-298 (18 armés de torpilles et 3
porteurs de fusées éclairantes).
21h00 – Guidés par le Maryland, les hydravions français attaquent le convoi dans l’obscurité,
mais les résultats sont maigres. En fait, un seul transport est touché ; il coulera à l’aube.
« Cependant, cette attaque persuada l’amiral Luigi Sansonetti (sur le Bande Nere), qui
commandait l’ensemble de l’opération, que le pire était à venir. Il ordonna au convoi et à son
escorte rapprochée (commandée par le CV Paolo Melodia, sur le Pigafetta) de mettre cap au
nord. Cette escorte était composée du grand DD Antonio Pigafetta, des DD Folgore et
Fulmine (classe Folgore) et des TB Libra, Lince, Lira, Lupo (8e escadrille) et Pegaso,
Procione, Orione et Orsa (4e escadrille – tous les torpilleurs étant de classe Spica). De son
côté, avec l’escorte principale, il se dirigea vers le sud-ouest puis vers le sud, cap 180, pour
ratisser la mer Tyrrhénienne et tenter d’attirer toute nouvelle menace loin du convoi.
L’escorte principale – CA Trento et Trieste, CL Luigi Cadorna, Giovanni delle Bande Nere et
Raimondo Montecuccoli, dans cet ordre, avec, sur une ligne parallèle à bâbord, les grands
DD Nicoloso da Recco et Giovanni da Verrazzano et les DD Dardo, Freccia, Saetta et Strale
(classe Freccia) était commandée par le contre-amiral Antonino Toscano, sur le Trento, en
tête, secondé par le contre-amiral Guido Porzio Giovanola, sur le Cadorna. » (Jack Bailey,
Un Grand Cimetière Bleu – La bataille aéronavale de Méditerranée, New York, 1955).

6
Les Français, après la chute d’Olbia, ont gardé un certain respect pour la 80e DI La Spezia.
Guerre d’usure anti-sous-marine
Dans l’ouest de l’île de Kasos, 06h00 GMT (08h00 heure italienne) – Envoyé patrouiller
entre la Crète et les îles méridionales du Dodécanèse pour attaquer les convois Egypte-Grèce
et retour, le sous-marin Anfitrite (LV Bruno Ghersina) 7 se trouve bien placé pour intercepter
un convoi Le Pirée-Port Saïd. Malheureusement, un fonctionnement capricieux de ses
hydrophones l’oblige à chasser à vue, donc à rester à l’immersion périscopique et à utiliser
son périscope plus souvent qu’il ne serait sage. Il est repéré par l’un des hydravions français
Bréguet 521, basés à Porto Lago, qui assurent la veille ASM au-dessus du convoi.
Plutôt que de bombarder immédiatement le sous-marin, lui permettant de fuir en cas d’échec,
le chef de bord choisit de guider d’abord vers lui l’un des escorteurs, le destroyer HMS
Greyhound. Quant ce dernier est tout proche, le Bréguet lâche ses charges de profondeur, qui
encadrent et secouent l’Anfitrite. Le Greyhound réussit ensuite à obtenir un bon contact Asdic
et va mener la chasse pendant trois bonnes heures. A la fin, le sous-marin endommagé est
contraint de faire surface et de se saborder. Son commandant et 28 hommes d’équipage sont
faits prisonniers (sept hommes ont été tués par le feu de l’artillerie légère du destroyer
pendant qu’ils évacuaient le bateau).

Renfort
Port-Tewfiq – A peine arrivé à l’entrée sud du Canal de Suez, dans l’escorte d’un convoi
venant de Bombay, le patrouilleur auxiliaire Marigot (P1) apprend qu’il ne va pas retourner
tout de suite dans l’Océan Indien mais va d’abord aller passer quelque temps en Méditerranée.

7 mars
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Cette nuit a vu une importante bataille navale devant la côte nord de la Sardaigne. Au matin,
les Allemands et les Italiens s’en prennent à nos bateaux qui ont été endommagés et cela
allège un peu les raids que nous subissons.
Salva décide d’envoyer la deuxième escadrille en protection de Corte et Albert mène un
dispositif de 6 avions qui rencontre des Stukas, escortés par des Fiat CR.42. Ils en abattent
deux de chaque et Blanck se distingue dans la bagarre.
Une seconde formation de 4 avions conduite par Cabaret va patrouiller au-dessus de Corte et
se heurte à une dizaine de 109 sans résultat de part et d’autre. Au retour, Cabaret tire un Hs-
126, qui est achevé par Barberis.
Nous sommes attaqués par 12 Bf 109 porteurs de bombes de 250 kg qui surviennent en fin
d’après-midi à basse altitude. Heureusement les pilotes visent assez mal et mettent une seule
bombe sur le terrain. Notre DCA en abat 2, dont l’un réussit à s’extraire en parachute tandis
que l’autre percute la montagne corse.
On récupère le survivant, assez choqué. C’est un UnterOffizier assez jeune qui nous dit être
arrivé à la JG 27 vers le 20 février, ce qui fait à peu près 15 jours. Il est persuadé trouver des
mercenaires américains et des « rouges espagnols » et il est finalement assez surpris de ne
trouver que des Français ! Avant d’être emmené par les gendarmes, il a le temps, rosé corse
oblige, de nous causer un peu et il s’avère un petit gars sympathique. Il a fini l’école de chasse
à Vienne fin janvier à peine. Il nous confirme indirectement que les pertes ont été lourdes,
avec de plus beaucoup de pilotes perdus en mer. Il affirme que la JG 27 « à elle seule »
revendique plus de 150 chasseurs français. Si seulement nous les avions !

7
Victorieux dans les mêmes parages le 19 novembre 1940 (envoi par le fond du cargo Saint-Edmond).
“Bataille de Sardaigne-Nord”, “Battle of Olbia Gulf” ou “Battaglia di Capo Comino”
« L’escadre italienne suivait presque un cap de collision avec l’escadre franco-britannique,
qui filait nord-nord-est, au cap 20, suivant les indications du Maryland qui pistait les Italiens
au radar. Rétrospectivement, il semble que l’opérateur radar du Maryland, un peu égaré par
les manœuvres italiennes, ait été incapable de distinguer clairement le convoi et l’escorte
principale avant minuit. A ce moment, l’escadre alliée était déjà en train de se heurter de
plein fouet à l’escadre italienne.
Le Fiji, troisième de la ligne principale, avait un radar de détection en surface assez
moderne, mais celui équipant le Colbert, en tête, était tombé en panne dans l’après-midi.
L’amiral Marquis menait son escadre sans détection à longue distance et quand le Fiji donna
l’alerte (par projecteur à éclats en raison du silence radio), il était presque trop tard. Les
deux escadres filaient chacune environ 20 nœuds et se rapprochaient donc à plus de 60 km/h,
à tribord l’une de l’autre – mais l’avertissement du Fiji donna aux Alliés quelques précieux
instants pour se préparer, tandis que les Italiens étaient surpris. » (Jack Bailey, op.cit.).
23h54 (la bataille commence donc le 6 mars) – Le Colbert ouvre le feu le premier, à moins de
9 000 mètres. Très vite, tous les bâtiments sont engagés tandis que la distance tombe à moins
de 5 000 mètres et la bataille dégénère bientôt en une véritable mêlée, un combat chacun pour
soi dans une obscurité trompeuse. Dans cette situation, les canons de 152 mm (6 pouces) sont
plus efficaces que les 203 (8 pouces), qui tirent moins vite. L’escadre alliée a un certain
avantage, avec 16 x 203, 47 x 152, 33 x 132 ou 138 et 30 x 120 contre 16 x 203, 24 x 152 et
28 x 120.
Le Trento, en tête de la ligne italienne, est rapidement mis hors de combat, sa passerelle
détruite et son capitaine tué, ainsi que le contre-amiral Toscano, jetant la confusion chez les
Italiens. Néanmoins, le Trento parvient à loger deux obus de 203 mm dans les flancs du Foch.
A cette distance, les obus arrivent presque à l’horizontale et les dommages sont légers, les
projectiles ne pénétrant pas à l’intérieur du vaisseau. En revanche, le Foch reçoit une série
d’obus de 152 du Bande Nere, quatrième de la ligne italienne, qui a décidé de viser l’un des
deux plus gros bâtiments ennemis. Sous son tir précis, le Foch doit rompre le combat : il a
trois tourelles hors d’action, de nombreux morts et blessés sur la passerelle (dont le
commandant, le CV Louis Pothuau, grièvement blessé) et il est dirigé du poste de
commandement arrière.
Aidé par son radar de tir, le Fiji, troisième de la ligne alliée, place une série de salves dans le
Trieste, deuxième de la ligne italienne, qui est rapidement incendié. Le Fiji tourne alors son
tir vers le Cadorna, qui suit le Trieste. Déjà touché à plusieurs reprises par le La
Galissonnière, le Cadorna est très vite dévoré par les flammes et transformé en épave.
Pendant ce temps, la Marseillaise, qui suit le La Galissonnière, engage le Bande Nere et le
Montecuccoli, qui ferment la marche côté italien, avec l’aide du HMAS Perth et des HMS
Aurora et Arethusa. Le Bande Nere continue à démontrer l’excellence de son contrôle de tir
en démolissant la tourelle I de la Marseillaise et en provoquant un incendie sur l’arrière du
croiseur français, puis il met hors service le poste de contrôle de tir de l’Aurora, avant d’être
réduit au silence par le tir du Perth. Le Montecuccoli a placé deux obus sur l’Arethusa et en a
reçu trois en échange, mais les dommages infligés sont légers.
Derniers de la ligne des croiseurs alliés, les HMS Dido et Naiad ont un peu de temps pour
réfléchir. Ils choisissent d’abattre franchement à tribord pour tenter d’envelopper la ligne
adverse, entraînant les trois contre-torpilleurs et les cinq destroyers qui suivent, pour une
attaque à la torpille. Cette manœuvre leur fait couper la route des destroyers italiens, dont ils
barrent le T. Le Da Recco est rapidement coulé par les nombreux obus de 5,25 pouces des
croiseurs anti-aériens anglais et le Da Verrazzano est gravement endommagé par les 138 mm
des contre-torpilleurs. Les quatre “Freccia” ripostent par une attaque à la torpille à courte
distance pour aider le Da Verrazzano à se dégager. Les torpilles passent sous le Dido mais
l’une frappe L’Audacieux, foudroyé en plein combat. Le HMS Kelly mène la contre-attaque
des cinq destroyers “K”, qui mettent le Dardo hors de combat au canon avant de tomber sur
un grand croiseur italien en flammes, qu’ils prennent pour le Trento et exécutent d’une salve
de torpilles Mk VIII (c’était en réalité le Trieste, incendié par le Fiji).
Le contre-amiral Marquis, qui a compris qu’il avait devant lui l’escadre de couverture et sait
grâce au radar du Maryland où est le convoi, tente alors de regrouper ses forces pour rattraper
les transports, mais les trois destroyers italiens survivants reviennent à la charge pour lancer
leurs dernières torpilles et aggravent encore la confusion. Le Perth manque tirer sur le Foch,
qu’il a pris un instant pour le Trento. Le Colbert pilonne un croiseur italien au 203 mm,
croyant tirer sur le Trieste, déjà au fond de l’eau – c’est en fait le Cadorna, en flammes, et que
ces obus ne réussissent pas à couler (ce qui témoigne de leur relative inefficacité à courte
distance). Le La Galissonnière engage et endommage le Saetta, mais aussi ce que ses tireurs
décrivent comme « un grand destroyer italien » et qui est malheureusement L’Audacieux. Ce
dernier, ses machines irréparables, était déjà en train d’être sabordé par son équipage. Le
Perth et le La Galissonnière se heurtent à ce qu’ils croient être un nouveau croiseur léger
italien, mais qui n’est autre que le Montecuccoli, tâchant de protéger ses destroyers en retraite
et qui s’abrite derrière un écran de fumée.
La nuit passant, et devant le risque d’une attaque aérienne allemande à l’aube, l’amiral
Marquis décide de rassembler ses navires et de se replier vers les Bouches de Bonifacio. Les
deux contre-torpilleurs survivants, les croiseurs AA et les destroyers anglais escortent les
éclopés, Foch et La Marseillaise. Mais la nuit n’est pas finie pour eux.
Dans les Bouches de Bonifacio, des S-boots allemandes et des MAS italiennes ont tendu une
embuscade. Le Colbert et les six croiseurs légers passent trop loin et trop vite, mais le groupe
rassemblé autour des navires endommagés apparaît comme une proie alléchante. Le Foch,
dont la taille fait la cible principale des vedettes rapides, est touché par une torpille en avant
de la passerelle. L’escorte réagit avec vigueur. Le Dido coule la MAS-534 sous une pluie
d’obus et endommage la 533. Le Terrible se lance à la poursuite des agresseurs en fuite. A
leur stupéfaction horrifiée, le gros contre-torpilleur rattrape les petits bâtiments ! Fonçant à
plus de 37 nœuds dans un énorme panache d’écume, il réussit à éperonner la S.10 allemande,
tout en endommageant au canon les S.9 et S.12.
Pendant que l’escadre franco-britannique tâche de se replier vers le sud-ouest, les marins
italiens se battent pour sauver leurs navires. Le Trento, privé de gouvernail, se traîne jusqu’au
golfe d’Olbia et s’échoue. Après une courageuse tentative pour contrôler les incendies, le
Cadorna coule à 05h30, tout comme le Dardo quelques minutes plus tard. Le Bande Nere,
laissé pour mort après son duel contre le Perth, est pris en remorque par le Montecuccoli.
Cependant, les voies d’eau sont trop importantes et le bâtiment italien le plus efficace de la
nuit chavire et coule à 06h40. Le Da Verrazzano, soutenu par le Strale, rentre péniblement à
Naples. Les machines du Saetta rendent l’âme en pleine mer. En raison du risque d’attaque
sous-marine, le destroyer n’est pas remorqué, mais sabordé après que son équipage soit passé
sur le Freccia. Dans le même temps, un bon nombre de marins italiens naufragés sont
recueillis. Parmi eux, l’amiral Sansonetti, que les officiers de son état-major ont arraché au
naufrage du Bande Nere et qui a passé un long moment dans l’eau froide, à encourager les
autres survivants – cette mésaventure lui permettra sans doute d’échapper au plus gros des
critiques qui suivront à Rome.
Alors que le soleil se lève sur une mer semée de débris, le convoi, moins le cargo coulé par
les hydravions français, reprend sa route vers Olbia sous les ordres du CV Melodia.
………
Méditerranée Occidentale – Dès l’aube, la Luftwaffe et la Regia Aeronautica lancent leurs
bombardiers contre l’escadre alliée en retraite.
« La première vague, formée de Ju 88, fut suivie d’une seconde, constituée de SM.79 chargés
de torpilles (les Stukas qui avaient survécu à trois semaines de combats étaient économisés
pour l’appui au sol en Corse). Les deux vagues étaient escortées de chasseurs allemands et
italiens. Cependant, l’escadre était protégée par une solide couverture aérienne : d’une part,
les chasseurs de l’Eagle, les Grumman G36A français en patrouille haute et les Fulmar de la
FAA à basse altitude, veillant aux avions torpilleurs, d’autre part les chasseurs à long rayon
d’action DB-7A du GC I/13. Cette défense était mieux coordonnée qu’en février, et les
escadrilles de l’Axe, qui opéraient plus loin de leurs bases, commençaient à accuser la
fatigue de six semaines d’opérations intensives. » (Jack Bailey, Un Grand Cimetière Bleu –
La bataille aéronavale de Méditerranée, New York, 1955).
Malgré cette escorte, le nombre des assaillants parle à nouveau. La Marseillaise reçoit deux
bombes, qui achèvent d’écraser ses superstructures (voir appendice 1) ; le navire est alors
pratiquement rasé ! Le Foch est secoué par plusieurs bombes qui le ratent de peu (near-miss),
aggravant les dommages de la torpille qui l’a touché dans la nuit, et l’eau pénètre dans la
partie avant du navire, dont la vitesse tombe à 6 nœuds. Le Fiji est touché sur la plage arrière
par une bombe de 500 kg et secoué par deux near-miss.
« Nous étions au-dessus et nous les avons vu venir – croyez-moi, ça change bien des choses !
Nous avons pu nous laisser tomber sur eux au meilleur moment, piquer entre les chasseurs
d’escorte et fondre sur les Ju.88. J’en ai coincé un dans mon viseur, il s’est mis à piquer mais
je l’ai suivi sans effort (bonne bête, le Martlet !). Bien calé dans ses 6 heures, je l’ai aligné
proprement, et ce n’est que lorsque je l’ai vu bien en flammes – une deuxième croix noire
sous mon cockpit, à côté de la cocarde fasciste de ma première victoire – que je me suis
occupé du 109 qui piquait derrière moi. Bon, je me suis dit : j’ai un 109 aux fesses et, en
dessous, un croiseur anti-aérien anglais qui flingue tout ce qui vole. Pas de problème, je
continue mon piqué et, comme les Anglais tirent très mal, ils me viseront et abattront le Boche
derrière moi. Eh bien, le croiriez-vous ? C’est juste ce qui s’est passé. Le Dido a descendu le
109 qui m’embêtait – mais, une fois rentré sur l’Eagle, entre les balles des mitrailleurs du
Ju 88, celles du 109 et les éclats d’obus du Dido, mon pauvre zinc avait plus l’air d’une
écumoire que d’un avion. Le chef mécano ne s’est pas gêné pour me dire ce qu’il pensait de
la façon dont j’entretenais le matériel confié à mes soins… C’est égal, j’ai toujours pensé que
j’aurais dû être crédité du 109 abattu par le Dido. Le lendemain, tout de même, j’ai appris
que j’étais nommé Enseigne de 1ère classe, ça m’a un peu consolé. » (Y. Lagadec, op.cit.)
Les pertes de la Luftwaffe et de la Regia Aeronautica sont lourdes. En particulier, les
équipages des SM.79, très mal protégés, paient un lourd tribut aux mitrailleuses des Fulmar…
mais aussi au tir des croiseurs anti-aériens de la Royal Navy. Le volume de feu produit par le
Dido et le Naiad impressionne beaucoup les officiers français.
Une troisième vague est cependant lancée vers midi et se concentre sur le groupe du Foch. Le
malheureux croiseur est une nouvelle fois secoué par des bombes qui le frôlent et ses
machines déclarent forfait. Il faudrait le remorquer, mais les chasseurs de l’Eagle fatiguent et
les CLAA ont tiré 85% de leurs munitions – on décide alors de saborder le navire à 14h00,
après avoir transféré l’équipage sur deux escorteurs. « Comme il se doit, son capitaine quitte
le navire le dernier. En fait, le capitaine de frégate André Guyot ne commande le Foch que
depuis quelques heures, depuis qu’il a vu son prédécesseur, le capitaine de vaisseau Louis
Pothuau, dont il était le second, gravement blessé sous ses yeux par un obus du Bande Nere.
L’un de ses marins l’entend murmurer, en regardant “son” croiseur s’enfoncer dans les flots
de la Méditerranée : “Encore un… Elle n’est jamais rassasiée… On l’appelle la Grande
Bleue, tu parles… Un Grand Cimetière Bleu, voilà ce que c’est…” Guyot se doutait bien
qu’avant la fin des hostilités, un grand nombre d’autres bâtiments que le Foch allaient encore
sombrer dans ces eaux, en emportant beaucoup de leurs marins… » (Jack Bailey, op.cit.)
Opération Merkur
Corse – Les combats ne faiblissent pas. Les défenseurs de Corte sont martelés à plusieurs
reprises par les Ju 87 et les CR.42 soutiennent une nouvelle attaque allemande sur Venaco. En
fin de journée, les Français abandonnent Corte pour éviter d’être coupés d’Ajaccio. Une
nouvelle ligne de défense est créée autour de Vizzavona et du col de Verde, sur la RN 194.
Au sud, l’attaque par la RF4 est toujours bloquée au col de Bavella.
Les bombardiers de l’Axe étant occupés à attaquer la flotte ou à faire de l’appui tactique, les
terrains d’Ajaccio et de Sartène-1 sont épargnés, en dehors d’un inefficace raid de chasseurs-
bombardiers peu avant le coucher du soleil.

Sardaigne – Le convoi qui transporte le 32e régiment de la division Ariete arrive dans le golfe
d’Olbia au milieu de l’après-midi. Devant l’urgence de la situation, le commandement
français local lance un raid de 17 hydravions torpilleurs Laté-298 escorté par 12 Dewoitine
520 des GC II et III/7. Les chasseurs italiens basés depuis peu près d’Olbia réagissent en
force. Les D-520, très supérieurs à leurs adversaires, arrêtent la plupart des Macchi MC.200 et
des Fiat G.50, mais quelques-uns parviennent à passer ; trois Laté-298 sont détruits et quatre
très gravement endommagés. Trois D-520 sont également perdus, contre 7 MC.200 et 8 G.50.
Attaquant de jour des cibles immobiles, les Laté-298 ont plus de succès que dans l’obscurité
contre des navires en mouvement : ils coulent le torpilleur Procione et surtout trois cargos,
pour un total de quatre transports sur onze. Les sept navires survivants réussissent à débarquer
3 500 hommes, 23 chars moyens M-13/40 et quelques canons de campagne. Le 32e régiment
de l’Ariete a perdu plus du tiers de son effectif, mais ce qui reste est encore trop pour des
troupes françaises épuisées et dépourvues de toute arme antichar.
………
Au soir du 7 mars, quelle que soit la valeur des défenseurs de la Corse et de la Sardaigne, il
devient évident que les deux îles sont perdues. Les parachutistes allemands, les deux aviations
de l’Axe et la Regia Marina ont consenti de lourds sacrifices, mais ceux-ci se révèlent payants
– du moins à court terme. Face à cette issue à présent inévitable, les généraux commandant la
défense des deux îles reçoivent l’ordre de lutter pied à pied, jusqu’au bout, pour infliger le
maximum de pertes à l’adversaire, mais en même temps de commencer sans attendre
l’évacuation des blessés et autres personnels non indispensables.

La campagne des Balkans


Tirana – Destitué du commandement des troupes italiennes en Albanie deux jours plus tôt,
Visconti Prasca est remplacé au commandement de la 11e Armée par Carlo Geloso, qui prend
ainsi sa revanche sur son éviction du mois de juin 1940. La disgrâce du vaincu ne s’arrête pas
là : le 26 mars, il sera mis en congé absolu.
Quelques jours plus tard, Nasci va céder la place, à la tête de la 9e Armée, au général
Alessandro Pirzio Biroli, mais dans des conditions bien différentes : Nasci, qui n’a pas
démérité, retrouvera le commandement de son XXVIe Corps.

8 mars
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Trois raids dans la journée contre notre terrain. Le lieutenant Cabaret conduit une formation
de 6 avions qui intercepte le premier et va abattre 3 He 111 et un 109, mais perd Barberis qui
se parachute au-dessus du golfe et est récupéré par un torpilleur de la Marine Nationale. Nous
laissons le II/3 s’occuper du second raid, mais le bombardement est nettement plus précis que
d’habitude. Si les alvéoles dans lesquelles sont les avions sont intactes, le terrain est durement
touché et un des D-523 du II/3 capote à l’atterrissage, blessant son pilote.
Le troisième raid est intercepté par 5 avions de la 2e escadrille et Albert se distingue à son
habitude en descendant deux SM.79 et un Fiat G.50 qu’il expédie ad patres devant le mess.
Le patron lui offre la tournée de patrimonio. Durant flingue un Re.2000, mais Blanck se fait
tirer par un autre Reggiane et doit se poser sur le ventre.

Opération Merkur
Corse – Les unités allemandes réorientent leur offensive le long de la route côtière est. Après
une journée de durs combats, le I/363 DBI doit céder : la ville de Porto-Vecchio tombe dans
la nuit, pendant que de nouvelles troupes de montagne accompagnées d’artillerie sont
débarquées autour de Solenzara. Auparavant, les raids de la Luftwaffe ont frappé la région de
Propriano et l’aérodrome d’Ajaccio Campo dell’Oro, qui est gravement endommagé.
Fort des ordres reçus la veille et de l’expérience sans pareille acquise huit mois plus tôt dans
les Alpes, le général Montagne organise la défense par une succession de bouchons, le long
des axes de progression prévisibles de l’ennemi, en profitant savamment des avantages du
terrain et en conservant des avant-gardes très mobiles pour harceler l’ennemi. Il ramène par
ailleurs les malades et les personnels superflus vers les ports (Ajaccio, Propriano) et organise
leur évacuation.
………
Alger – Un communiqué de l’état-major de l’armée confirme officiellement la nouvelle
pressentie depuis plusieurs jours : « Le général de division Paul Hippolyte Arlabosse,
commandant la 81e Division d’Infanterie d’Afrique, a trouvé la mort à la tête de ses troupes
au cours de la bataille de Corse. Refusant la défaite et la captivité, le général Arlabosse est
tombé pour la France, les armes à la main, dans la percée pour rompre le siège de Bastia et
rejoindre les troupes françaises continuant les combats dans le centre de l’île. Agé de 54 ans,
grand officier de la Légion d’honneur, cité au combat à douze reprises, le général Arlabosse
s’est d’abord signalé à maintes reprises au cours de la Grande Guerre 1914-1918. Au cours
de la campagne de France de 1940, à la tête de la 11e division d’infanterie, qui n’a jamais
aussi bien porté son nom « la Division de Fer » que sous ses ordres, il s’est illustré en juin
dans les combats sur l’Aisne pour défendre Paris, puis dans les combats en retraite entre
Seine et Vienne, où il a ramené en bon ordre l’essentiel de sa division. Refusant de se
considérer comme vaincu, continuant à infliger des pertes à l’ennemi dans les combats de
juillet, ne reculant que sur ordre, le général Arlabosse réussit l’exploit d’amener ses hommes
en bon ordre jusqu’aux ports de Méditerranée et de les évacuer vers l’Afrique. Promu
général de division et nommé en septembre 1940 à la tête de la 81e Division d’Infanterie
d’Afrique, il a transmis à sa nouvelle unité sa détermination et son expérience de la guerre
moderne, à la tête de laquelle il a une nouvelle fois démontré dans les combats en Corse les
plus belles qualités d’officier, avant de succomber sous le nombre. »

Sardaigne – Les troupes italiennes se redéploient sur le Tirso avant une nouvelle offensive.
Le Génie français tente de faire sauter le barrage de Santa Chiara, après avoir fait évacuer
toute la population civile en aval, pour rendre le franchissement plus difficile. Mais le
barrage, un des plus grands d’Europe, résiste à une charge de 200 kg. L’inondation est
inférieure aux prévisions.
Des bombardiers français attaquent Olbia et le petit terrain de Venafiorita.
Dans la nuit, l’évacuation du Détachement d’Armée de Sardaigne commence : les petits
paquebots Sampiero Corso, Ile-de-Beauté et Rouen embarquent à Cagliari blessés et soldats
des unités de support et des services désormais inutiles, soit près de 3 000 hommes en tout.
C’est leur premier voyage d’une série d’allers-retours entre le nord de la Tunisie et Cagliari
où ils reviendront toutes les deux nuits.

Naples, 07h30 – Arrivée sans encombre des deux dernières unités de la 7e division de
croiseurs légers, Duca d’Aosta (sur lequel flotte le pavillon de l’amiral Casardi) et Eugenio di
Savoia, venant du secteur Adriatique.

9 mars
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Pour une fois, pas de raid sur le terrain. Nous en profitons pour nous réorganiser et nous
fusionnons les deux escadrilles du Groupe.
Dans l’après-midi, une patrouille de 4 avions va survoler la forêt de Bavella et surprend deux
Ro.37 qui se font tirer par tout le monde et sont comptés « collectifs ».
Nous rendons la monnaie de leur pièce aux Allemands par un raid de DB-7 qui va casser une
quinzaine de Bf 109 tout neufs à Aléria. Un des Douglas, endommagé, tente de se poser chez
nous, mais décroche en approche et percute. Pas de survivants.

Opération Merkur
Corse – A l’aube, des DB-7 venant d’Algérie attaquent le terrain d’Aléria. Ils détruisent ou
endommagent gravement 12 Bf 109F du JG-27.
Les Allemands tentent à nouveau de rompre les défenses françaises à Vizzavona et au col de
Verde, avec l’aide d’un puissant appui aérien. Au centre, ils tentent d’encercler les défenseurs
du col de Bavella en poussant à travers la forêt de l’Ospedale vers Zonza. Ils sont arrêtés
après une féroce bataille de chars légers, luttant à courte distance dans les bois.
Au sud, les Allemands progressent de Porto-Vecchio vers Bonifacio.

Sardaigne – Les Italiens préparent leur offensive pour traverser le Tirso. Pendant la nuit, le
Génie aménage des passages sur le sol détrempé, tandis que les chars de l’Ariete se déploient
autour de Solarussa. « La nuit était claire et froide, les Cigognes [surnom du bombardier Fiat
BR.20 Cicogna] lâchaient leurs bombes loin derrière nous, tandis que le vent du nord nous
amenait un méchant bruit de grondement et de cliquetis que nous n’avions pas entendu depuis
l’été : les blindés ennemis. » (Sulpice Dewez, op. cit.)
L’évacuation de Sardaigne se poursuit. Une dizaine de patrouilleurs auxiliaires viennent
enlever les personnels inutiles de la marine et de l’aviation françaises dans l’île, ainsi que les
troupes non combattantes ; comme les plus gros paquebots, ces navires entament une série
d’allers-retours qui ne s’interrompra qu’à la chute de l’île.

10 mars
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Après de nouveaux raids sur Ajaccio, les avions restants évacuent Campo dell’Oro et vont
s’installer à quelques kilomètres de chez nous, sur une plage du golfe.
Nous maintenons une formation de 4 avions au-dessus du col de Bavella. Durand, qui mène le
second dispositif, en profite pour tirer un Fiat CR.42. Cabaret, qui conduit le troisième
dispositif, surprend une formation de Ju 87 et en abat 2 ; peu après, un de ses ailiers s’amuse à
assaisonner quelques véhicules légers qui se croient déjà chez eux sur les routes de Corse.
Opération Merkur
Corse – Vizzavona est emporté par les troupes allemandes après de furieux combats. Les
forces françaises se replient vers Bocognano, mais les Allemands qui les poursuivent sont
arrêtés par d’autres troupes, reposées, qui ont eu deux jours pour préparer leur défense.
Les Allemands reprennent leur offensive contre le col de Bavella, à la fois par la RF-4 et la
forêt de l’Ospedale. C’est le début de la troisième bataille du col de Bavella, dont la valeur
stratégique tient au fait qu’il commande la route menant vers Sartène et le golfe de Valinco.
Le terrain de Campo dell’Oro est abandonné par l’Armée de l’Air après deux raids massifs de
la Luftwaffe. Un second terrain de fortune est construit près de Propriano, sur la plage de
Campo Moro, et baptisé Sartène-2. La fortune, justement, sourit aux Français : lors de sa
première sortie de Sartène-2, un pilote de D-520 à l’œil particulièrement aigu prenant ses
repères au sol aperçoit et mitraille une voiture camouflée tout près de ce qui tient lieu de front.
Dans l’auto se trouve le général Max Sümmermann, chef de la 52e DI, dont les premiers
éléments ont débarqué quelques jours plus tôt ; il est tué.
Durant la nuit, les contre-torpilleurs Le Fantasque, Le Terrible et Mogador passent les
Bouches de Bonifacio pour poser des mines devant Porto Vecchio. Ils se retirent à grande
vitesse avant l’aube.

Sardaigne – Attaquant dès l’aube, les chars de l’Ariete parviennent, en l’absence d’armes
antichars chez les Français, à établir une tête de pont sur la rive sud du Tirso.
Le colonel Schwartz organise la retraite de tous les éléments non indispensables.
Cagliari est attaqué quatre fois par la Luftwaffe et le terrain de Cagliari-Elmas est mis hors
service, mais ces raids (diurnes) n’empêchent pas les évacuations maritimes (nocturnes) de se
poursuivre.

Gibraltar – Le sous-marin néerlandais O-23 (CC 8 G.B.M. van Erkel) vient renforcer la 8e
Flottille. Il va être suivi quatre jours plus tard par le O-21 (CC J.F. van Dulm) puis, le 2 avril,
par le O-24 (CC O. de Booy).

11 mars
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Il semble que notre terrain soit oublié par l’ennemi ou que ce dernier concentre ses forces
ailleurs. Nous faisons dans la journée une quinzaine de missions de chasse libre au-dessus du
col de Bavella que tiennent toujours les légionnaires. On se heurte à des Italiens furtifs et à
des 109 assez agressifs. Deux de ces derniers vont au tapis, mais chez nous de Salaberry
rentre à pied.

Opération Merkur
Corse – Les défenseurs du col de Verde reculent pour éviter l’encerclement, reportant la ligne
de défense au bouchon suivant, établi vers Zicavo. Une nouvelle bataille de chars dans la forêt
de l’Ospedale permet encore une fois aux blindés français de stopper les Pz-38(t) allemands,
mais au prix de sept M2A4. Au sud, les troupes allemandes, subissant de lourdes pertes
d’embuscade en bouchon, progressent péniblement mais inexorablement vers Bonifacio.
Au crépuscule, un premier groupe de navires rapides, parmi lesquels les patrouilleurs
auxiliaires et paquebots Côte d’Argent, Rouen et Ville d’Ajaccio, aborde les quais dévastés

8
Le grade néerlandais est luitenant ter zee 1e klasse.
d’Ajaccio pour charger en hâte blessés et militaires non combattants, avant de repartir en
pleine nuit pour gagner le large avant l’aube et se mettre à l’abri des bombardiers allemands.
Désormais, pendant trois nuits, comme en août en Métropole, les navires vont se relayer et les
mêmes scènes vont se reproduire à Ajaccio, jusqu’au moment où la situation sera tellement
désespérée que seuls les navires de guerre se risqueront à un dernier effort.
Un convoi italo-allemand se dirigeant vers Porto-Vecchio tombe dans le champ de mines
mouillé la nuit précédente. Le torpilleur Orsa et le croiseur auxiliaire Ramb-III 9 sont perdus,
ainsi qu’un caboteur et la MAS-532.

Sardaigne – Les lignes françaises sont rompues. La retraite vers Cagliari commence. Les
bombardiers français harcèlent les troupes italiennes pour couvrir ce mouvement, perdant
trois avions sous les attaques des chasseurs italiens. Mais ils font une victime de marque : le
général Pietro Pintor, qui assurait le commandement des troupes de l’Axe en Sardaigne sur le
terrain et était arrivé une dizaine de jours plus tôt par avion. Le commandant en chef nominal,
Ugo Cavallero, est resté à Rome – nul ne lui fera d’ombre au moment de recueillir tous les
lauriers de la victoire, à présent certaine. Feu Pintor se contentera d’une Médaille d’Or à la
valeur militaire, à titre posthume…
Les évacuations nocturnes s’accélèrent à Cagliari : il ne s’agit plus simplement d’évacuer les
troupes non combattantes, mais la totalité des troupes françaises de l’île, désormais considérée
comme perdue.
« Dans mon entrepont, un sergent marocain n’arrêtait pas de répéter “La bataille et évacué et
encore la bataille et évacué et encore la bataille et évacué et combien de fois ?” A ce que
m’ont dit ses camarades, c’était un des rares rescapés du 2e RTM d’origine, un robuste
gaillard qu’ils avaient vu monter à l’assaut avec le FM à bras francs. Il avait combattu à
Gembloux, été évacué à Dunkerque, encore combattu en Normandie, de nouveau évacué par
Bordeaux, et maintenant la Sardaigne ! Je n’ai pas osé lui dire que vu l’état de son épaule, il
avait peu de chances d’être renvoyé au combat et évacué à nouveau. » (G. Elgozy, op.cit.)
………
Le coup de force du 22 février a permis aux Français de faire tourner à leur profit deux
semaines de plus les mines de charbon et de minerais métalliques de l’Iglesiente. Mais la
percée italienne provoque l’abandon immédiat des secondes, sises à l’est d’Arbus et de
Gonnosfanadiga, non sans effectuer des sabotages que les mineurs ne peuvent tous contrer. Le
tapis qui transportait les minerais jusqu’au terminal de Magazzini saute ainsi en deux endroits.
Le dernier cargo à avoir fait le voyage depuis l’Algérie, le Janine 10, appareille avec
seulement 800 tonnes de minerai de plomb dans ses cales, mais en évacuant les cadres
français et quelques Sardes compromis avec l’occupant. Ses escorteurs 11 et lui parviendront à
Alger après avoir échappé au sous-marin Argo (LV Alberto Crepas).

L’offensive des sous-marins alliés


Au large de Port-Vendres – Le sous-marin HMS Unique (Lt. A.F. Collett) remporte le
premier succès méditerranéen des classe U en attaquant un petit convoi italo-allemand allant
de Valence (Espagne) à Marseille. Il torpille et coule le cargo mixte italien Fenicia (2 854
GRT).

12 mars

9
Le Ramb-III est un ex-bananier, Ramb signifie Regia Azienda Monopolio Banane.
10
De l’U.I.M. : 1 925 GRT, 11,5 nœuds.
11
Aviso ancien Dubourdieu et patrouilleur auxiliaire Cap Corse (P5).
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Ajaccio est évacué et la Sardaigne aussi. Peut-être arriverons-nous à conserver une poche
autour du golfe de Valinco.
Salva et Cabaret conduisent une grosse formation (8 avions) au-dessus de Bonifacio et se
heurtent à une formation mixte de BR.20 et de Reggiane, ils détruisent 3 des premiers et 2 des
seconds.

Opération Merkur
Corse – Les troupes allemandes brisent les défenses de Bocognano. Les forces françaises
doivent se replier sur Sarrola Carcopino. Ajaccio est maintenant directement menacé. Le
commandement français ordonne l’évacuation de la ville et envoie les troupes disponibles
vers le golfe de Valinco, dans l’espoir de tenir une poche autour de Sartène et Propriano.

Sardaigne – Des inondations provoquées entre Villacidro et Sanluri ralentissent l’avance de


l’Ariete. Quelques unités se sacrifient pour tenir cette dernière ligne, “pépères” de la
Territoriale et tirailleurs marocains au coude à coude, pendant que le GRDI polonais, suivant
la route de Terralba à Villacidro, harcèle le flanc des Italiens sous la conduite énergique du
colonel Swiecicki. Le colonel Buot de l’Epine, chef du 2e RTM, est gravement blessé lorsque
le souffle d’un obus italien retourne son side-car.
L’évacuation de Cagliari se poursuit pendant la nuit. Les paquebots Île-de-Beauté et Rouen,
escortés par les croiseurs Montcalm et Gloire, arrivent en fin de journée dans le port. Ils
repartent à minuit avec environ 5 000 hommes, épuisés pour la plupart. Parmi eux, le général
Audet, qui, sur ordre, évacue en laissant le commandement des dernières troupes
combattantes au général Pellet.
Pendant ce temps, le LCI(l) Glengyle, envoyé par l’Amirauté britannique, arrive à Bizerte
pour contribuer à l’évacuation.
………
Dans l’Iglesiente, c’est au tour des mines de charbon d’être abandonnées. Mais les choses se
passent moins bien que la veille. Alors qu’il se préparait à lever l’ancre avec ses cales à moitié
pleines, le charbonnier Chef mécanicien Armand Blanc 12 est bombardé dans le Golfe de
Gonnesa par des bombardiers légers Caproni Ca.311 13 qu’escortent des Fiat G.50. Tandis que
ses escorteurs, le vieil aviso Tapageuse et le patrouilleur auxiliaire Victoria (P13), déjà
manœuvrants, parviennent à éviter les bombes, ne recevant que quelques éclats, le cargo, la
coque crevée par deux bombes de petit calibre et quelques coups proches, coule à son poste
d’amarrage. L’équipage et les responsables miniers français évacués (il n’y a que deux tués)
sont récupérés par l’escorte.
Tout comme celles de la veille, les destructions opérées interdiront aux Italiens de tirer
pleinement parti des mines avant le mois d’octobre 1941.

Opération Poséidon
Albanie – Après une courte pause destinée à reposer les troupes grecques et à acheminer les
renforts britanniques, les Alliés repartent à l’assaut sur tous leurs axes de pénétration, le long
des vallées. Chez les Italiens, des renforts sont aussi arrivés, mais les éléments de la 47e DI
Bari ont été jetés en ligne en désordre, sans leurs unités de support et de soutien – et le sort du
régiment d’artillerie Po est à peine meilleur.

12
De l’U.I.M. lui aussi : 2 864 GRT, 9 nœuds.
13
Appartenant à une escadrille d’observation, mais utilisés aussi pour de l’appui au sol ou du bombardement.
Après une solide préparation d’artillerie, les evzones se ruent sur les positions italiennes. A
Tepeleni et Klissoura, ils sont soutenus par les chars britanniques et les fantassins indiens.
Après de terribles combats, souvent au corps à corps, dans des conditions climatiques
éprouvantes (neige et froid intense), plusieurs percées sont obtenues, en particulier à Chimara,
sur la côte, ou à Klissoura. Elles sont immédiatement exploitées par les cavaliers grecs et les
blindés britanniques.

L’offensive des sous-marins alliés


Gibraltar – Arrivée d’un premier sous-marin de classe T destiné à la Méditerranée orientale,
le HMS Triton (Lt. G.C. Watkins). Il aurait dû être précédé par le Triad (Lt-Cdr. G.S. Salt)
mais celui-ci ne donnera plus de nouvelles et sera présumé perdu dans le Golfe de Gascogne,
pour raison inconnue, aux alentours du 9 mars 14. En revanche, les HMS Tetrarch (Lt-Cdr.
R.M.T. Peacock) et Triumph (Lt-Cdr. W.J.W. Woods) vont arriver à leur tour sans encombres
les 15 et 17 mars.
C’est le HMS Taku (Lt. J.F.B. Brown) qui va être désigné pour remplacer le Triad.

13 mars
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Bonifacio est perdue et Ajaccio sur le point de tomber. Les légionnaires évacuent Bavella.
Nous couvrons l’évacuation d’Ajaccio par les torpilleurs de la Marine Nationale, qui ne
cessent de faire des allers-retours entre Ajaccio et Propriano.

Opération Merkur
Corse – Bonifacio tombe aux mains des Allemands, qui sont par ailleurs tout près d’Ajaccio.
Le colonel Kœnig décide de retirer ses hommes du col de Bavella vers Levie pour éviter
d’être tourné par sa gauche, car les défenseurs de Zicavo se replient vers Petreto, et il ne reste
plus qu’un dernier bouchon organisé à Aullène. Des torpilleurs français effectuent des
navettes entre Ajaccio et Propriano pour hâter l’évacuation de la ville menacée. Dans la nuit,
c’est au tour des transports Cyrnos, Sidi Okba et Sampiero Corso de venir charger à Ajaccio
leur lot d’évacués.

Sardaigne – Les forces françaises sont réduites à défendre un petit périmètre autour de
Cagliari. Les derniers avions opérant encore de Cagliari-Monserrato dernière piste utilisable,
sont évacués. Ceux hors d’état de vol sont détruits.
Dans la nuit, le Glengyle, six paquebots et une dizaine de chalutiers, couverts par les croiseurs
légers Jean-de-Vienne et La Galissonnière et quatre contre-torpilleurs de classe Vauquelin,
entrent dans le port de Cagliari et enlèvent environ 9 000 personnes, dont 350 civils italiens
qui se sont compromis avec les Français.

Opération Poséidon
Albanie – Sur le terrain, la situation des forces italiennes paraît désormais désespérée : les
Alliés ont percé à Chimara, Tepeleni et Klissoura et foncent vers la plaine côtière en direction
de Vlöre. Après les durs combats en montagne, où les fantassins grecs ont démontré leurs
splendides qualités de manœuvre et de courage, ce sont les unités mécanisées et motorisées du
BEFIG qui s’illustrent dans cette exploitation. Partout les troupes italiennes semblent plutôt

14
Les recherches faites après la guerre ont permis d’attribuer sa perte à une méprise d’un avion du Coastal
Command, sorti de sa zone d’action à l’insu de son équipage en raison d’une erreur de navigation.
en déroute qu’en retraite, et il ne semble plus y avoir d’unités organisées capables de bloquer
les Alliés. Les dernières troupes italiennes qui ont conservé une certaine cohérence tentent de
reculer vers Elbasan, de peur de voir leur retraite coupée si les Alliés parviennent avant eux
dans la plaine côtière.
………
Londres et Alger – Au même moment, des rapports de renseignement font état de
déploiements allemands en Bulgarie et d’une importante activité diplomatique allemande en
Hongrie, Roumanie et Bulgarie – activité qui présage évidemment des actions armées.
Churchill, qui a déjà envoyé 40 000 hommes environ en Grèce (la 7th Armoured et la 4th
Indian Division sont désormais complètement déployées en Albanie), demande aux Français
de les soutenir en accélérant l’envoi des deux ou trois divisions (dont une blindée) prévues en
février et en les renforçant avec une ou deux autres divisions d’infanterie. Le gouvernement
français avait accepté le principe d’un tel mouvement, mais avait suspendu son application
devant l’évolution de la situation en Corse et en Sardaigne : seules les unités du GMFL en
provenance du Liban sont en cours de déploiement en Grèce. Avec réticence, De Gaulle
ordonne de relancer immédiatement le transfert prévu de la 1ère D.C. à partir d’Oran et de
trouver de nouveaux renforts.
La division cuirassée française (1ère DC, ou 1ère D.Cuir.) est cependant considérée par le
commandement britannique comme une sorte de brigade renforcée, avec ses 9 000 hommes et
190 chars, comparés aux 14 000 hommes et 340 chars d’une Armoured Division régulière
britannique. Elle sera précédée par une unité légère mécanisée, le 6e GRCA (constitué sur la
base de la 6e DLC du général Clouet des Perruches, l’un des héros de l’opération Scipion).
Quant à l’infanterie, la première unité déployée en Grèce est la 191e DIA, venue du Liban et
déjà en partie à pied d’œuvre : c’est une grande unité organisée sur le type montagne, et elle
s’entraînait depuis 1940 en vue justement d’une intervention dans les Balkans ! Le GQG
identifie une unité capable de fournir un appui immédiat – la 14e DBLE, qui reçoit l’ordre
d’embarquer pour Athènes – et deux autres qui pourront venir renforcer, si nécessaire, le
corps expéditionnaire français en Grèce d’ici quelques mois : d’abord la 4e Division de
Montagne Marocaine (4e DMM), formée à partir de groupements de goums marocains, qui est
mise en alerte ; ensuite la 86e DIA, en cours de désengagement en Ethiopie.

14 mars
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Nos troupes se replient sur Sartène. C’est nettement la fin.
Nous faisons une quinzaine de missions d’escorte et de patrouille et lors de la dernière Albert
trouve le moyen d’expédier dans un monde meilleur deux 109 surpris en maraude qui se font
surprendre et refroidir sans avoir le temps de faire « ouf ». Le II/3 se heurte à des Reggiane
au-dessus de Sainte-Lucie de Tallano et en abat 4 sans pertes.
Dans la soirée, nous recevons l’ordre de nous préparer à évacuer. L’échelon roulant prendra le
bateau après avoir détruit deux avions qui sont hélas irréparables. La DCA restera jusqu’au
bout pour couvrir notre départ et ses Œrlikons ont encore l’honneur d’abattre un Bf 109. On
enrage de quitter la Corse où tant des nôtres sont tombés. On reviendra !
………………………
Notes de l’éditeur
A) Victoires revendiquées (confirmées / probables)
1) Période du 01/02/1941 au 28/02/1941 :
7 et 8/2 : 8/3 – 9/2 : 4/2 – 10/2 : 7/3 – 13/2 : 0/2 – 15/2 : 5/3 – 17/2 : 2/2 – 18/2 : 1/1 – 19/2 :
5/3 – 20/2 : 3/2 – 23/2 : 2/0 – 24/2 : 3/2 – 25/2 : 1/1 – 28/2 : 1/2
Total : 42/25
Ce total sera requalifié en 36/16 après analyse des revendications.
2) Période du 01/03/1941 au 14/03/1941 :
Total : 37/2
Ce total sera requalifié en 31/20.
………
Le score du GC I/3 pour les six semaines de la bataille de Corse se monte donc officiellement
à 67 victoires confirmées et 36 « probables » après vérification à Alger, soit un total de 103.
Ce chiffre, qui ne correspond pas aux descriptions consignées jour après jours dans le
Journal de Marche, nécessite quelques explications.
Le Journal de Marche inclut les revendications des pilotes, or ces dernières sont entachées
d’exagération et ce pour d’excellentes raisons. Plusieurs pilotes ont pu tirer sur le même
avion, la moindre fumée est souvent prise pour un signe « indiscutable » que l’avion est
touché, voire abattu, quand elle peut avoir de nombreux autres motifs (y compris le tir de ses
propres armes…) ; enfin un avion qui décroche brutalement est généralement considéré
comme abattu, alors qu’il peut fort bien s’être récupéré avant de percuter. Ces erreurs sont
normales dans les conditions du combat et elles ont entraîné, dès la fin de 1940, la présence
d’un officier spécialement formé à l’interrogation des équipages de retour de mission. Telle
est l’origine du premier couple de chiffres.
Soucieuse d’obtenir le décompte le plus exact possible, l’Armée de l’Air avait par ailleurs
formé des équipes d’enquête qui vérifiaient, autant que faire se pouvait, les résultats des
officiers interrogateurs. Ces équipes étaient chargées de retrouver les avions ennemis qui
avaient percuté dans nos lignes, et ainsi de corroborer les revendications de nos équipages.
Elles analysaient aussi les films des ciné-mitrailleuses. Ce sont les résultats des recherches de
ces équipes qui figurent dans le deuxième couple de chiffres.
Cependant, ces chiffres ne correspondent pas aux pertes de l’ennemi. Dans ces dernières, il
faut encore inclure :
1. Les avions endommagés et perdus lors de leur retour ou qui se sont écrasés à
l’atterrissage.
2. Les avions qui sont rentrés, mais qui ont été déclarés irréparables après les
dommages subis en combats.
3. Les pertes par accident.
Dans la bataille de Corse, les deux premiers de ces facteurs de pertes ont été relativement
élevés, même s’il est impossible d’attribuer avec précision ces pertes à un Groupe de Chasse
en particulier. On peut simplement estimer que les avions considérés comme « probables »
ont presque certainement été perdus lors du vol retour, ainsi qu’une partie des 77 avions
revendiqués par le GC I/3 comme « endommagés ». Les pertes par accident ont aussi été
élevées, et ont représenté environ 40% des pertes opérationnelles dans les formations
ennemies. Enfin, un certain nombre d’appareils ont été perdus, tant du côté allemand
qu’italien, sur panne d’essence suite à une consommation d’essence excessive, pour cause de
combat, au-dessus de la Corse. De telles pertes se sont d’ailleurs reproduites en août 1941
au-dessus de la Crète et des îles grecques. Ces pertes ne peuvent être attribuées à un des
groupes de chasse français, même si elles sont directement le résultat de leur action.
Il convient donc de bien comprendre que si les revendications individuelles des pilotes
pouvaient être exagérées, les revendications globales de la chasse française dans la bataille
de Corse ont eu tendance à être sous-estimées.
Compte tenu de ces éléments, le score requalifié du I/3 dans des combats dont l’intensité fut
extrême apparaît comme relativement fiable.
Il faut ici souligner que les scores revendiqués par les formations allemandes, qui étaient à
l’évidence très exagérés, l’étaient eux aussi de bonne foi, ce d’autant plus que les pilotes
allemands se battaient au-dessus des lignes ennemies, sans possibilité de vérification.

B) Pertes (avions / pilotes)


Au 16/2 : 6/4
Au 19/2 : 9/4
Au 24/2 : 10/4
Au 26/2 : 10/5
Au 28/2 : 12/6
………
Le GC I/3 a eu 4 tués et 7 blessés dans la période couverte par le journal et c’est de loin le
groupe ayant obtenu les meilleurs résultats de la bataille de Corse, même si certaines de ses
revendications n’ont pu être vérifiées. Le groupe a perdu ses deux commandants (Thibaudet
et Challe), blessés au combat. Presque tous les pilotes ont été abattus une fois, certain deux.
Parmi les rares « indemnes », il faut citer le lieutenant Marcel Albert (dont le palmarès s’est
enrichi de 15,75 victoires) et le sous-lieutenant Blanck (11,5 victoires). D’autres pilotes ont
accumulé un palmarès respectable, comme Durand (11,25) ou Cabaret (9,75). Même compte
tenu des rectifications sur les revendications, le score du I/3 reste spectaculaire.

C) Les résultats du GC I/3 peuvent paraître surprenants, mais ils s’expliquent par différents
facteurs :
1. Les conditions tactiques ont favorisé le groupe, qui a pu bénéficier d’une couverture
radar et qui a affronté un ennemi aux capacités limitées par la distance.
2. L’extrême professionnalisme des pilotes du I/3 a permis d’obtenir des résultats au-
dessus de la moyenne et d’éviter que les pertes ne soient plus lourdes. Dans plusieurs
cas, des dispositifs attaqués par des formations ennemies très supérieures en nombre
ont réussi à éviter les pertes.
3. Le fait que nos forces aient été constamment en état d’infériorité numérique dans les
airs a été paradoxalement un avantage. Les formations importantes doivent prendre
garde à éviter des tirs fratricides tandis que les avions français pouvaient considérer,
surtout dans les derniers jours, que tout avion rencontré était ennemi.
4. Un avantage tactique provient de ce que les D-520 modifiés sont indiscernables (à
vue) des D-523. Les pilotes ennemis devaient donc tenir compte de ce fait et
considérer comme un D-523 tous les D-520 rencontrés. D’ailleurs la JG 27
revendique 53 D-523 abattus, soit très au-delà de ce que nous alignions en Corse…
5. Enfin, les avions de la Regia Aeronautica, complètement surclassés, ont constitué des
proies relativement faciles.

Opération Merkur
Corse – Ajaccio est évacuée : les Français ont renoncé à un combat de rues qui aurait détruit
la cité et n’aurait pas changé le sort de l’île. Entrant en vainqueur dans la capitale corse, le
général Ringel, de la 5.Gebirgs-Division, fait défiler ses troupes place des Palmiers, près de la
maison natale de Napoléon, épargnée par les bombes. La plupart des habitants ont renoncé à
fuir, mais ils sont cloîtrés chez eux et les bottes des Chasseurs de montagne font résonner le
pavé de rues totalement désertes. « Grâce à notre Führer, nous réalisons aujourd’hui la
revanche du Grand Reich sur Lodi, Marengo, Wagram et Austerlitz » dit Ringel à ses
officiers 15.
Les troupes françaises tentent de ralentir l’avance allemande vers Sartène. A Santa Lucia di
Tallano, les dernières unités organisées venant de Bavella et d’Ajaccio parviennent à bloquer
les troupes ennemies lors d’une violente bataille. Cependant, les unités allemandes qui se sont
emparé de Bonifacio la veille commencent à remonter vers le nord et le golfe de Valinco.
Devant cette menace d’encerclement, Noguès ordonne l’évacuation générale.
Au début de la nuit, les CL Montcalm et Gloire et les contre-torpilleurs L’Indomptable, Le
Malin et Le Triomphant, escortant l’Île-de-Beauté et le Glengyle, viennent relayer les
transports qui œuvraient déjà depuis plusieurs nuits et commencent à évacuer les troupes de
Propriano, en plus des derniers blessés et autres non-combattants, auxquels se mêlent des
civils qu’on n’ose pas refouler. Au même moment, une autre escadre, menée par le croiseur
lourds Colbert, avec les croiseurs légers La Galissonnière, Jean de Vienne et Fiji et les
contre-torpilleurs Kersaint et Tartu, effectue un bombardement naval contre la route côtière
entre Bonifacio et le golfe de Valinco. Quoique les forces allemandes, qui se souviennent de
la correction infligée par le Dunkerque et le Strasbourg près de Solenzara, considèrent que ce
bombardement n’est que moyennement efficace, il n’en provoque pas moins de sérieux
dommages à la route et détruit trois Pz-III, retardant pour un moment toute nouvelle avance
vers le nord.

Sardaigne – Les troupes italiennes entrent à Cagliari – qui les accueillerait sans doute avec
plus d’enthousiasme si les raids aériens allemands n’avaient pas tué autant d’habitants.
Les survivants des troupes françaises (près de 3 000 hommes à Cagliari, plus 1 700 dispersés
autour de Villacidro ou en détachements isolés) sont pour la plupart faits prisonniers, mais un
certain nombre de soldats réussissent à gagner l’Afrique du Nord à bord de petits bateaux de
pêche. Au moins 700 hommes échappent ainsi à la captivité 16.
Le Regio Esercito a délivré en tout 3 100 militaires italiens prisonniers et 750 internés civils.
Mais à l’inverse, le retour de l’autorité fasciste s’accompagne de nombreuses dénonciations et
règlements de comptes 17.

La campagne des Balkans


Valona (Albanie) – Malgré la menace qui commence à peser sur le port de Valona
(aujourd’hui Vlorë), son activité ne se dément pas.
A la tombée de la nuit arrive le navire-hôpital Po (7 367 GRT, 18 nœuds). Parmi les
infirmières de la Croix-Rouge (les Crocerossine) qui servent à son bord se trouve Edda
Ciano, fille de Mussolini et épouse de Galeazzo Ciano. Comme il est trop tard pour
commencer à charger des blessés, le navire mouille à l’entrée de la baie, entre l’île de Saseno
(Sazan) et le rivage nord. Feux réglementaires allumés, soutiendront les Italiens. Tous feux
éteints, répliqueront les Britanniques. Toujours est-il que, vers 23h00 (heure italienne), six
Swordfish du 815 Sqn de l’Illustrious, mis à terre après les dommages subis par celui-ci fin
janvier et basés à Paramythia, lancent un raid contre Valona. Ils ne mettent qu’une seule
torpille au but, mais c’est sur le Po et cela suffit à l’envoyer par le fond. Il y a 23 morts, dont
trois Crocerossine, mais Edda Ciano en réchappe. La propagande italienne ne manquera pas

15
On remarquera qu’il ne cite que des défaites de l’Autriche. Julius Ringel, comme la plupart de ses hommes,
était autrichien. Voir J. Ringel, « Hurra die Gams ! » Graz, 1994.
16
Entre le 17 février et le 7 mars, avant les dernières évacuations, 900 militaires français malades ou blessés
avaient été évacués vers l’AFN, ainsi que 2 900 prisonniers de guerre italiens, notamment les aéroportés
d’Elmas-Decimomannu, et 414 « divers ».
17
Voir le récit de la répression en Sardaigne par Emilio Lussu, « Caccia alle Streghe », 1953, in « Il cinghiale
del diavolo e altri scritti Sulla Sardegna », 1976.
de stigmatiser un acte barbare ! Edda Ciano y gagne la Médaille d’argent à la Valeur militaire,
ses trois collègues disparues la Médaille d’or à titre posthume…

15 mars
Opération Merkur
Corse – La Luftwaffe concentre ses attaques sur la zone Petreto - Sartène - Propriano. Les
terrains de Sartène-1 et Sartène-2 sont évacués. Dépourvus de couverture de chasse, les
torpilleurs Bombarde et Baliste sont coulés par des Ju 88 dans le golfe de Valinco.
Sur terre, le combat fait rage à Petreto et à Santa Lucia di Tallano, dernières lignes de défense
de Sartène.
Pour tenter de soulager la pression qui s’exerce sur les unités au sol, l’Armée de l’Air lance
plusieurs raids dans la journée. Des LeO-451 bombardent à haute altitude des objectifs autour
de Solenzara et Aléria, pendant que des Douglas DB-7 et des Martin 167 attaquent à basse
altitude les troupes allemandes. Le Gruppe de Bf 109 basé près d’Aléria réagit avec violence.
Si les LeO-451 volant haut démontrent qu’ils sont des cibles difficiles à atteindre (mais leur
bombardement n’est pas vraiment précis), les DB-7 et les Maryland sont durement éprouvés
par la combinaison des chasseurs et de la flak.
Craignant probablement un nouveau bombardement naval nocturne, l’état-major allemand
réclame une protection de la flotte italienne. Supermarina (le haut commandement naval
italien) accepte avec réticence d’envoyer quelques croiseurs empêcher un nouveau
bombardement et interdire l’évacuation de troupes du golfe de Valinco. L’escadre, menée par
le CA Bolzano, dont l’avarie a été réparée et sur lequel l’amiral Casardi 18 a mis sa marque,
comprend en plus du croiseur lourd les CL Emmanuele Filiberto Duca d’Aosta et Eugenio di
Savoia, et les DD Antonio da Noli, Antoniotto Usodimare, Fulmine et Lampo. Cette force
quitte Naples en début d’après-midi et met le cap à grande vitesse vers les Bouches de
Bonifacio, qu’elle doit atteindre vers minuit. La Luftwaffe promet de soutenir l’opération le
jour suivant.
Pendant ce temps, à l’insu des avions de reconnaissance allemands, une escadre franco-
britannique s’est glissée en fin de journée dans le golfe de Valinco pour une nouvelle
évacuation. Pendant que celle-ci est assurée par les contre-torpilleurs Le Triomphant,
L’Indomptable, Mogador, Cassard et Vauquelin, une division de la Royal Navy composée
des CLAA Dido et Naiad et des DD Kandahar, Kashmir, Kelly, Kelvin et Kipling, couvre
l’opération en patrouillant au sud du golfe.

Sardaigne – Dans la nuit, sur la plage de Fontanamare, près d’Iglesias, quatre des petits
torpilleurs de 600 tonnes dont dispose encore la 2e flottille du CV Urvoy de Portzamparc (les
Branlebas, La Cordelière, La Melpomène et La Poursuivante) viennent récupérer les 500
rescapés du GRDI polonais, qui ont marché d’une trotte de Villacidro, et les quelques
Français et Marocains qui se sont joints à leur équipée. Les Polonais disent adieu à leurs
chevaux (dont les paysans du lieu feront bon usage) et à leur ultime chenillette criblée de
balles (que les paysans en question laisseront généreusement au Regio Esercito).

Rome – Au lendemain de la fin victorieuse des opérations en Sardaigne, Mussolini remet la


question des Pélages sur la table d’un conseil de guerre interarmes. Une nouvelle fois soutenu
par Pricolo, l’amiral Riccardi plaide pour la patience. La Regia Marina a subi de très lourdes
pertes au cours de Merkur : il faut lui laisser le temps de souffler – d’autant plus que les

18
Casardi remplace Sansonetti, qui n’a pas récupéré de sa récente mésaventure.
combats ne sont pas finis autour de la Corse – et le loisir de se redéployer – la priorité en ce
domaine irait d’ailleurs à l’Adriatique et à la Mer Ionienne.

Gênes-La Spezia – Le commandant de la Ia MAS, le capitaine de frégate Vittorio Moccagatta


(qui a succédé au malchanceux Mario Giorgini après sa capture), a chaque jour plus de mal à
concilier les activités habituelles de la douzaine de vedettes lance-torpilles de sa flottille qui
ont survécu aux premiers mois de guerre avec le développement des différentes armes
secrètes de la Regia Marina. Ce 15 mars, Supermarina résout le problème en créant une
dixième flottille MAS, la Decima (Flottiglia) MAS (Xa Mas), à laquelle ne sont rattachés que
les armes secrètes et leurs moyens d’approche.
Le CF Moccagatta reçoit le commandement de la nouvelle flottille, divisée en une section de
surface et une section sous-marine.
La section de surface, commandée par le capitaine de corvette Giorgio Giobbe, basée à La
Spezia, regroupe les barchini et les autres canots et petites vedettes au fur et à mesure de leur
production (MTS, puis MTSM, SMA et MTR 19). Elle peut compter ponctuellement ou
durablement sur différents navires, utilisés comme moyens de transport en fonction des
missions : dès 1941, les contre-torpilleurs Crispi et Sella, l’aviso rapide Diana, plusieurs
MAS (fin mai 1941, les MAS-451 et 452 seront définitivement attribuées à la Xa) ; en 1942,
les chalutiers Cefalo et Sogliola 20 ainsi que le voilier à moteur Costanza, qui opèreront avec
un équipage civil pour mieux tromper l’ennemi.
La section sous-marine, sous la direction du capitaine de corvette Junio Valerio Borghese,
regroupe les plongeurs de combat (avec leur école de Livourne), les SLC 21 (et leur école de
Bocca del Serchio) et leurs sous-marins de transport. Au 15 mars, ces derniers sont les Scirè
(commandé par Borghese lui-même) et Gondar (LV Francesco Brunetti), que devait rejoindre
l’Ambra (LV Mario Arillo) au mois de juillet suivant.
La nouvelle flottille est appuyée par la haute hiérarchie de la Marine et du Parti Fasciste ; elle
dispose de crédits importants, de l’aide des constructeurs (Pirelli et CABI pour les SLC) et du
soutien de scientifiques (pour la biologie et la physiologie des plongeurs) ; elle a accès à un
large vivier de volontaires soumis à une sélection impitoyable et à un entraînement rigoureux.
Son moral est au plus haut.

16 mars
Opération Merkur
Propriano, 01h10 – Comme l’évacuation s’achève, le radar du Dido détecte de grands
bâtiments venant du détroit. L’alerte donnée, les bâtiments français mettent fin à l’opération
pour quitter le golfe aussi vite que possible, emportant cependant au moins 2 000 soldats et
quelques civils… dont le chanceux journaliste du NY Times, Bill Clifton.
« Indomptable ! – Cette fois, c’est fini. Les Allemands ont voulu la Corse, ils y ont mis le
prix, un prix peut-être plus élevé qu’ils ne l’auraient souhaité, mais ils l’ont. Malgré
l’obscurité, de longues colonnes de soldats français s’allongent sur les plages de Propriano,
attendant avec la patience des vieilles troupes leur embarquement. Je me suis glissé parmi
eux. Leur moral paraît relativement bon, il y en a qui promettent de revenir… Mon moral, en

19
MTS : Motoscafo da Turismo Silurante (bateau à moteurs de tourisme lance-torpilles) ; MTSM : MTS
Modificato (MTS modifié) ; MTSMA (ou SMA) : MTS Modificato Allargato (MTS modifié agrandi) ; MTR :
Motoscafo da Turismo Ridotto (bateau à moteurs de tourisme réduit). Les MTR sont des moyens explosifs…
20
Pris par les Français lors de l’opération Marignan et utilisé par eux comme arraisonneur-dragueur sous le nom
de Brochet, l’auxiliaire Sogliola avait été retrouvé coulé dans le port d’Olbia. Jugé réparable, il sera relevé et
remis en service.
21
SLC : Siluro a Lenta Corsa (torpille à course lente), surnommé familièrement maiale (cochon).
revanche, est bien bas. Je me suis foulé une cheville en courant me planquer lors d’un tir de
barrage allemand et je boîte lamentablement. Compatissant, un caporal légionnaire me
soutient. Son français est teinté d’un fort accent que je n’identifie pas. Je me présente et
l’interroge sur ses origines (avec prudence, car certains légionnaires sont très chatouilleux
sur ce sujet). Il me renseigne aimablement : « Je suis Allemand de naissance, Herr Clifton. Je
m’appelle Klaus Müller. Je suis réfugié politique en France depuis 1936, et je me suis engagé
dans la Légion à la déclaration de guerre. J’espère juste que mon frère Uwe ne sera jamais en
face de moi… En tout cas, il ne doit pas être ici, ce n’est pas le genre à s’engager dans les
troupes d’élite… » [Les noms cités ont été bien évidemment supprimés lors de la rédaction
définitive de l’article.]
Cette étonnante rencontre m’a un peu distrait de mon inquiétude – je n’ai aucune garantie
que l’on m’acceptera sur l’un des navires de guerre dont nous devinons les ombres
salvatrices : ils sont venus ici pour récupérer des combattants… Et de fait, quand vient mon
tour, le lieutenant qui trie et répartit les évacués ne veut pas de moi, carte officielle de
correspondant de guerre ou pas ! Je ne vais tout de même pas finir la guerre sur cette plage,
je suis sûr que la note d’hôtel paraîtra trop élevée à la comptabilité du NY Times ! [Ces
derniers mots ont été mystérieusement caviardés à New York avant la parution de l’article.]
– Mais c’est notre journaliste américain ! Alors, vous aussi, vous trouvez que ce n’est pas la
bonne saison pour visiter la Corse ?
Ma chance ne m’a pas abandonné ! C’est le colonel Kœnig lui-même, avec qui je suis arrivé
dans l’île. Je lui explique la situation. Le lieutenant parle des ordres qu’il a reçus.
– Ecoutez, mon vieux, vous avez trois raisons de laisser embarquer Watson (je ne le corrige
pas !). D’abord, c’est un journaliste américain et sympathique. Ensuite, c’est un blessé à
évacuer. Enfin, c’est mon invité.
La troisième raison paraît suffisante, et j’embarque sur L’Indomptable (The Untamable) – un
nom qui irait parfaitement à Kœnig.
– Nous reviendrons, vous savez. Un jour ou l’autre. J’espère que vous en serez !
En attendant, j’ai encore eu de la chance, d’autant plus que, un court moment après notre
embarquement, l’opération est interrompue et les navires lèvent l’ancre un peu plus tôt que
prévu. « On nous a signalé des casse-pieds ! » répond simplement l’officier de L’Indomptable
que j’interroge.
Une demi-heure après environ, alors que la côte a disparu dans la nuit, une violente
canonnade éclate au sud-est, puis d’énormes explosions font rougeoyer l’horizon. « Oh, me
dit-on, ce n’est rien. Ce sont les Anglais qui s’amusent avec les Italiens, pendant qu’on se tape
tout le boulot ennuyeux… » Dommage, j’aurais bien aimé voir une bataille navale de près. »
………
Golfe de Propriano – Les Britanniques décident d’effectuer une attaque à la torpille avant
d’engager au canon ce qu’ils estiment (avec un peu d’exagération) être trois croiseurs lourds,
deux légers et trois grands destroyers. Guidés par radar, les navires de la Royal Navy
commencent à gagner une position avantageuse sans être détectés. Cependant, à 01h54, le
commandant du DD Da Noli envoie un message d’alerte à son amiral, qui ordonne
d’actionner les projecteurs de recherche. Les Anglais réagissent immédiatement, ouvrant le
feu de toutes leurs pièces tout en lançant une salve de torpilles massive.
Le Bolzano est rapidement touché par plus d’une douzaine d’obus de 5,25 pouces, qui
ravagent sa passerelle et provoquent un incendie au milieu du navire. Le Duca d’Aosta est
touché sur sa catapulte et le Di Savoia sur le château avant. Les destroyers italiens réagissent
avant les croiseurs, le Da Noli plaçant trois obus de 120 mm sur le Kandahar pendant que
l’Usodimare et le Fulmine touchent le Kipling. Les Britanniques commencent à décrocher
derrière un écran de fumée pendant que les torpilles atteignent leurs cibles… Le Bolzano est
touché deux fois, comme le Duca d’Aosta. L’autre croiseur léger, l’Eugenio Di Savoia, évite
toutes les torpilles, mais le grand destroyer Da Noli est touché par trois torpilles et coule
instantanément, en même temps que le Lampo, dont les grenades anti-sous-marines explosent
après qu’une torpille ait frappé le navire près de la poupe.
La coque torturée du Bolzano ne résiste qu’un court moment. A 02h40, le vaisseau chavire et
coule (aussi relativement chanceux que son prédécesseur, l’amiral Casardi fera partie des
survivants). Le Duca d’Aosta survit un peu plus longtemps, pendant que son commandant
s’efforce de l’échouer. Mais à 03h55, il n’a plus aucune force motrice. Il est évacué et coule à
04h30. Les trois bâtiments italiens survivants, encore sous le choc, repassent les Bouches de
Bonifacio pendant que l’escadre britannique rejoint les navires français et que l’ensemble file
vers Bône (Annaba). Cependant, les cinq destroyers de la Royal Navy restent en arrière, car
les machines du Kipling ont été endommagées et le navire est incapable de donner plus de 20
nœuds. Erreur compréhensible (à l’époque), mais catastrophique.
A l’aube, le commandement de la Luftwaffe, furieux, lance un effort majeur pour trouver et
détruire les navires alliés. Les avions de reconnaissance allemands et italiens qui tentent de
dépister l’escadre principale sont rapidement envoyés au fond de la Méditerranée par les
chasseurs de l’Eagle, mais le porte-avions ne peut étendre son ombrelle protectrice jusqu’aux
cinq DD de classe “K” qui traînent derrière. Découverts, les cinq navires sont attaqués de
façon répétée par des Ju 88 et des Ju 87 de 08h50 à 11h30. Les deux premières attaques
échouent, car les petits bâtiments zigzaguent énergiquement. Pourtant, à 10h15, le Kandahar
est secoué par une bombe de 500 kg qui tombe près de sa poupe, ébranle gravement ses
machines et fait tomber sa vitesse à 12 nœuds. Un autre raid, composé de Stukas et de Bf 109
armés de bombes, touche directement le Kandahar déjà endommagé, mais aussi le Kelvin, et
les deux bâtiments sont stoppés. Un dernier raid, de Ju 88 cette fois, coule les deux bateaux et
blesse mortellement le Kelly, qui doit être sabordé. Le Kashmir et le Kipling réussissent
pourtant, avant de se réfugier hors de portée des bombardiers, à sauver un grand nombre de
marins.
………
Corse – La concentration des forces de la Luftwaffe sur les cibles navales permet aux troupes
françaises combattant autour de Petreto et de Santa Lucia di Tallano de rétablir un moment
leurs lignes. Cependant, soutenus par quelques escadrilles ne participant pas à la lutte anti-
navires (des Fiat CR.42AS surtout), les Allemands reprennent leur avance vers Sartène dans
l’après-midi.
Du général Montagne, commandant la défense de la Corse, au général Noguès, commandant
en chef (message radio codé) – « Il est devenu impossible de prolonger longtemps une
résistance organisée en Corse. »
Du général Noguès au général Montagne – « Organisez la nuit prochaine l’évacuation du
plus grand nombre possible de troupes en état de combattre. Ordre formel d’évacuer
personnellement. »

Sardaigne (archipel de La Maddalena) – Des Fiat CR.42 harcèlent La Maddalena, dont la


petite garnison tient toujours. Cette opération n’a guère d’autre objectif que d’obliger les
Français à démasquer leurs pièces de DCA.

Golfe de Pero (Corse) – Les Français ont demandé le concours des classes U pour épauler
leurs 600 tonnes. Il s’agit de tenter la récupération de petits groupes d’hommes de toutes les
armes qui ont pu se mettre hors de portée des Allemands dans des zones côtières difficiles
d’accès. Leurs deux congénères étant en patrouille dans le Golfe du Lion, ce sont les HMS
Upholder et Upright qui ont été désignés pour ce type de mission (pour laquelle ils partent
sans leurs torpilles de réserve). Vers 01hh00 GMT (soit 02h00, heure française), le premier
nommé parvient à récupérer non loin de Cargèse un groupe de onze hommes (deux sous-
officiers et neuf soldats). En revanche, l’Upright attendra en vain la nuit suivante dans le
golfe de Pevani, au nord-ouest d’Ajaccio, qu’un signal lumineux transmette en morse le code
unique fixé in extremis, les lettres ESC.

17 mars
Opération Merkur
Au cœur de la nuit, les croiseurs La Galissonnière et Jean-de-Vienne et les contre-torpilleurs
Le Fantasque, Le Terrible et Le Malin 22, escortant l’Île-de-Beauté et le Glengyle, touchent
Propriano pour une dernière évacuation. L’Eagle, sous escorte française, s’installe à l’ouest
de la Sardaigne pour couvrir le convoi le lendemain jusqu’à ce qu’il soit hors de portée des
bombardiers de la Luftwaffe. Emportant plus de 5 500 hommes, le convoi quitte le golfe de
Valinco à 04h00 pour Alger. Avant de commencer à embarquer soldats et civils, les La
Galissonnière et Jean-de-Vienne laissent un dernier souvenir aux Allemands approchant de
Sartène sous la forme d’un bombardement de 40 minutes avec leurs 18 canons de 152 mm.
Dans la matinée, les bombardiers allemands se lancent à l’attaque du convoi d’évacuation,
mais sont interceptés par les G36A français et les Fulmar anglais de l’Eagle, avec des pertes
sérieuses. Un second raid est mené par des Bf 109F armés de bombes de 250 kg. Plus rapides,
ces chasseurs-bombardiers ont plus de succès. Le Jean-de-Vienne est raté de peu à deux
reprises et devra être réparé à Alger. Le Malin, touché à hauteur de la passerelle, est
gravement endommagé. Une partie de son équipage et les réfugiés embarqués dans la nuit
sont transférés sur le Glengyle et le contre-torpilleur est pris en remorque par Le Terrible.
Malheureusement, comme une troisième attaque est annoncée, Le Terrible coupe le câble de
remorque pour pouvoir manœuvrer. L’attaque, conduite par des SM.79 Sparviero sans
escorte, est aisément repoussée et plusieurs avions italiens abattus. Mais à ce moment, une
alerte sous-marine empêche Le Terrible de reprendre le remorquage. Sous la menace de
nouveaux raids aériens, l’amiral Bourragué (qui commande l’opération sur le La
Galissonnière) décide de ne pas refaire l’erreur des destroyers de classe “K” la veille et de
saborder Le Malin…
………
Corse – Sartène est prise dans l’après-midi par les troupes allemandes. Ensuite, toute
résistance organisée cesse dans l’île. Pourtant, un bon nombre d’hommes, des légionnaires
notamment, qui n’ont pu être évacués la nuit précédente, décident de prendre le maquis avec
l’aide et le soutien de la population locale. C’est la naissance du mouvement de Résistance
armée en Corse. D’autres soldats se rassemblent dans la baie de Propriano et, grâce à un
émetteur radio, parviennent à contacter les sous-marins Fresnel et Protée, qui pénètrent la
nuit suivante dans le golfe et réussissent à emmener 208 hommes. Finalement, à peine 3 000
soldats français sont faits prisonniers.
La bataille de Corse est finie.
« L’analyse des résultats de l’opération “Merkur” [voir appendice 2] montre que les deux
camps ont subi de lourdes pertes, principalement dans les deux dernières semaines de février.
Les pertes alliées sont principalement liées à la perte du contrôle de l’espace aérien autour
de la Corse et de la Sardaigne, une fois mis hors de combat les terrains français du nord de la
Corse. Cependant, de nuit, la puissance combinée de la Marine Nationale et de la Royal Navy
assurait encore un important soutien aux forces terrestres.

22
Le Malin, victime d’un ennui de machines, n’avait pu se joindre à ses camarades de la 8e Division pour
l’opération de la veille. L’avarie réparée, il avait été décidé de l’adjoindre aux deux survivants de la 10e
Division.
Il faut observer que, si les pertes de la Regia Marina ont été très lourdes du premier au
dernier jour de l’opération, la marine italienne a pourtant remporté une victoire stratégique,
en assurant un flux quasi constant de renforts en troupes et en matériel aux têtes de pont en
Corse comme en Sardaigne. Elle a donc joué un rôle important dans la victoire de l’Axe, mais
à un tel prix qu’il s’agissait d’une victoire à la Pyrrhus…
De leur côté, les marines alliées ont perdu le contrôle de la mer Tyrrhénienne dès que la
puissance aérienne de l’Axe a été massée dans le golfe de Gênes et sur la côte toscane. La
perte du Béarn a montré que la défense aérienne d’une flotte ne comptant qu’un nombre
réduit de porte-avions, donc de chasseurs, pouvait trop facilement être débordée à proximité
des terrains ennemis. Dès lors, très tôt dans la bataille, tant la Marine Nationale que la Royal
Navy furent réduites à des opérations nocturnes d’interdiction en mer Tyrrhénienne. Le
succès même de certaines de ces opérations ne peut cacher le fait que les marines alliées
opéraient à haut risque, car tout bâtiment endommagé était probablement perdu dans la
journée du lendemain s’il était incapable de se replier à relativement grande vitesse.
La puissance aérienne de l’Axe étendit progressivement son emprise et, dans les tout derniers
jours de “Merkur”, même les approches occidentales de la Corse et de la Sardaigne étaient
clairement peu sûres pour les navires alliés. Cependant, l’efficacité de la couverture aérienne
assurée par les porte-avions s’est améliorée avec l’expérience et le manque de chasseurs à
long rayon d’action performants dans le camp de l’Axe a entraîné de lourdes pertes dans les
formations de bombardiers.
Les bombardements navals effectués par la Marine Nationale et la Royal Navy ont été
moyennement efficaces. Les meilleurs résultats ont été obtenus par les cuirassés rapides
Dunkerque et Strasbourg dans la nuit du 20 au 21 février, mais ils ont largement été
compensés par la vigoureuse réaction de la Luftwaffe le lendemain pour soutenir les
parachutistes isolés et surtout par le sacrifice des unités italiennes chargées de la protection
du grand convoi de renfort se dirigeant vers Solenzara et par l’obstination du commandant de
ce convoi, reprenant sa route dès le lendemain matin. Si l’escadre française avait accordé la
priorité à la destruction du convoi, on peut se demander si la contre-offensive française vers
Solenzara, même freinée par les attaques aériennes dans l’après-midi du 21, n’aurait pu
reprendre durant la nuit et rejeter à la mer les parachutistes allemands, qui avaient perdu
l’essentiel de leur équipement dans le bombardement. Bien sûr, il est fort probable que
davantage de bâtiments auraient été coulés dans la journée par la Luftwaffe… » (Jack Bailey,
op.cit.).

Sardaigne (archipel de La Maddalena) – Sept cents Italiens environ, recrutés parmi les
fusiliers marins du bataillon Bafile et les Chemises Noires de la Le légion Treviso, débarquent
à l’aube sur Caprera et San Stefano, les îles secondaires de l’archipel de la Maddalena.
Ils progressent lentement, à cause des mines, appuyés par de l’artillerie basée à Palau et par
les mitraillages d’une escadrille de Fiat CR.42 puis par les bombes de deux douzaines Fiat
BR.20. Les canons de DCA ne se réveillent qu’à l’arrivée des lourds Cicognas, et les Italiens
dépités s’aperçoivent qu’ils ont changé de place depuis la veille : les dédales de béton de la
Maddalena offrent tellement d’emplacements que les Français peuvent déplacer leurs pièces
pratiquement chaque nuit. Deux bombardiers sont abattus et un endommagé.
De plus, les champs de mines sont plus étendus que prévu et les fantassins ne peuvent que
tirailler à distance en attendant que les démineurs aient fini leur travail.
Vers 09h30, l’assaut est donné, après un nouveau bombardement des BR.20.
Les attaquants s’aperçoivent alors que les forts de San Stefano sont vides : seuls les tirs
d’artillerie de l’île principale de la Maddalena, plus quelques pétards et quelques vieux fusils
actionnés par des dispositifs à retardement, donnaient l’illusion d’une défense.
En revanche, Caprera est solidement défendue, et les Italiens doivent renoncer après plusieurs
tentatives. Dans l’après-midi, le 7e RA Curtatone transporte sur l’île Caprera deux canons
Skoda de 100 mm et arrose méthodiquement les forts. Les Italiens les prennent d’assaut l’un
après l’autre, à la grenade. A 17h30, la petite garnison franco-tunisienne capitule : les
survivants, quelques dizaines, sont presque tous blessés.

La campagne des Balkans


Bizerte – Les premiers éléments du 6e GRCA embarquent sur les transports qui doivent les
conduire au Pirée. Au même moment, les légionnaires de la 14e DBLE font route vers Oran,
leur port d’embarquement, première étape vers les Balkans.

18 mars
Merkur… et après ?
Alger, Londres – Des conférences d’état-major commencent à faire le point sur le bilan de la
bataille de Corse. Celle-ci a été très coûteuse pour les Alliés, pour lesquels la perte de la
Corse est une sévère défaite, d’autant plus que la Sardaigne est perdue elle aussi, ce qui
provoquera l’indignation des parlementaires français (voir appendice 3).
L’Armée de Terre a perdu dans les deux îles l’équivalent de quatre divisions (même si deux
pourront finalement être reconstituées), sans parler des unités du Secteur défensif de Corse.
L’Armée de l’Air a perdu plus de 400 avions (chasseurs et bombardiers). Les marines alliées
ont perdu de nombreux navires (un porte-avions, trois croiseurs, douze destroyers et
torpilleurs coulés ; un porte-avions, deux cuirassés rapides, quatre croiseurs et deux destroyers
endommagés). La majeure partie de ces pertes ont été infligées aux Français, même si les
Britanniques ont pris leur part du fardeau sur mer.
Cependant, ni à Alger, ni à Londres on ne montre de découragement. « Au point où nous en
sommes, on ne va pas flancher, commente avec humour le général Kœnig à Bill Clifton. De
toute façon, le pire, c’était l’an dernier ! »

Berchtesgaden, QG d’Hitler – Keitel et Jeschonnek, chef d’état-major de la Luftwaffe,


présentent les conséquences de l’opération “Merkur”. Les deux généraux exposent que la
Corse a été conquise et la Sardaigne reprise, certes, mais à un prix très élevé.
Keitel évalue les pertes subies par les troupes aéroportées et les unités des armées de terre de
l’Axe engagées dans “Merkur” à 56 000 hommes tués, blessés graves ou disparus sur 150 000
hommes déployés. Les pertes ont été particulièrement élevées pour le IXe FliegerKorps, qui a
perdu plus de 9 000 hommes sur un total de 22 000. L’arme aéroportée allemande aura besoin
d’au moins un an avant d’être à nouveau opérationnelle.
Les pertes sont aussi très sensibles dans les autres unités : la 5e Gebirgs-Division et la 5e
Leichte-Infanterie-Division sont renvoyées en Allemagne pour y être reconstituées, la 4e
Gebirgs restant quelque temps en Corse pour chasser les soldats français réfugiés dans le
maquis.
Quant aux Italiens, s’ils reconstitueront plus ou moins les divisions engagées, y compris la 1ère
Parachutiste, désormais désignée Folgore et dont la propagande chante les louanges, ils ont
définitivement abandonné l’ambition de disposer d’une force aéroportée.
La Luftwaffe a perdu près de 800 avions de combat, abattus ou irréparables (sur 1 250
engagés initialement, chiffre porté ensuite à 1 500 par l’envoi de renforts), et la Regia
Aeronautica un peu moins de 500. La plupart des combats ayant eu lieu au-dessus d’un
territoire (ou d’une mer) ennemi(e), ces chiffres impliquent de lourdes pertes en aviateurs. Les
Kampfgruppen zbV, principales unités de transport de la Luftwaffe, ont perdu 198 appareils.
De plus, la plupart des avions allemands ont désespérément besoin d’entretien dans les
dépôts, le rythme des opérations, donc le taux d’usure, ayant été très élevé. Trois des quatre
FliegerKorps ont été renvoyés en Allemagne et en Autriche, où ils doivent être reconstitués
avant leur départ pour la Pologne, la Hongrie et la Roumanie. Seul le Xe FliegerKorps reste en
Italie.

Rome, siège de Supermarina – Les Italiens aussi font leurs comptes, et leurs marins
s’attardent évidement sur le sort de la Regia Marina. Celle-ci a subi des pertes considérables.
Sans compter deux MAS et un croiseur auxiliaire, 23 navires de surface ont été coulés : 8
croiseurs (2 lourds et 6 légers), 8 contre-torpilleurs, 7 torpilleurs. D’autres ont été
endommagés : 1 croiseur lourd, 1 croiseur léger et 3 contre-torpilleurs (plus une MAS).
En face, le profit est fort maigre. Reconquête de la Sardaigne et conquête de la Corse n’ont
guère rapporté que la récupération du chalutier Sogliola (à renflouer) et la capture de quelques
bateaux français réparables : une petite canonnière retrouvée à Ajaccio, deux remorqueurs à
Ajaccio et Cagliari, enfin un cargo charbonnier récupéré échoué sur une plage du Golfo di
Gonnesa 23…
Les pertes subies par la marine italienne lui interdisent pour longtemps de jouer un rôle
stratégique majeur en Méditerranée.

La campagne des Balkans


Berchtesgaden, QG d’Hitler (suite) – La présentation du bilan de Merkur débouche sur celle
des opérations en préparation dans les Balkans. « Mon Führer, prie Keitel, soutenu par
Jeschonnek, vous avez décidé de commencer début avril l’offensive dans les Balkans. Il serait
préférable de reporter cette action jusqu’à mi-mai au moins, ou même à début juin, et si
possible de repousser à 1942 l’attaque de l’URSS, notamment afin de permettre à la
Luftwaffe de reconstituer ses forces. »
Hitler explose de rage : « L’opération “Marita” ne sera pas reportée, c’est hors de question !
De son succès rapide dépend le lancement en temps utile du règlement définitif de la question
soviétique, qui ne saurait être reporté à l’an prochain ! » D’ailleurs, seule une offensive
rapide contre la Yougoslavie et la Grèce paraît pouvoir sauver les forces italiennes en
Albanie. Or, l’anéantissement de celles-ci serait des plus nuisibles au prestige de Mussolini,
que l’opération Merkur, non sans mal, vient à peine de redresser !
Jeschonnek admet finalement que la Luftwaffe pourrait être opérationnelle à partir du 1er mai
pour soutenir l’offensive dans les Balkans si un certain nombre de pilotes et d’équipages
entraînés étaient prélevés dans les écoles pour compenser les pertes. « Néanmoins, signale-t-
il, je dois souligner le fait qu’une telle tactique revient à sacrifier le développement normal de
la Luftwaffe à une priorité à court terme. »
Décision est prise d’accentuer la pression sur le gouvernement yougoslave pour le contraindre
à accorder un droit de passage aux troupes germano-italiennes vers la Grèce pour l’opération
Marita. Les puissances de l’Axe déclareront la guerre à la Yougoslavie si ce droit est refusé.
Dans ce cas, l’attaque de la Yougoslavie, baptisée opération “25” (ainsi dénommée car elle
répond à la Directive 25 du Führer, Führerweisung 25), sera déclenchée le 1er mai, avec des
offensives à partir de l’Italie, de l’Autriche, de la Roumanie et de la Hongrie. Les renforts
allemands en route vers l’Albanie doivent permettre aux Italiens de stabiliser ce front
jusqu’au déclenchement de “25”.

23
Soit, dans l’ordre : l’arraisonneur-dragueur Ville de Tipasa (AD270), endommagé lors de son combat avec le
sous-marin Maggiore Baracca, coulé par un bombardement aérien alors que ses réparations étaient inachevées
[réparé, il sera employé à partir de janvier 1942 comme patrouilleur auxiliaire sous le numéro FR011] ; les petits
remorqueurs Dardennes (63 t) et Gapeau (190 t) [ils deviendront les FR021 et FR022] ; le charbonnier Chef
mécanicien Armand Blanc, qui sera utilisé comme transport sous le nom de Lercara.
Par ailleurs, il faudra d’ici là convaincre les Hongrois d’accepter de participer à “25”, et si
besoin les y contraindre !
…………
Athènes – Au moment où Hitler prévoit de déchaîner ses troupes contre la Yougoslavie,
Anthony Eden et Léon Blum débarquent dans la capitale grecque, où ils vont rencontrer le
gouvernement Koryzis avant de poursuivre leur voyage jusqu’à Belgrade. Ils espèrent obtenir
que le gouvernement yougoslave refuse tout droit de passage aux forces allemandes et
italiennes en direction de la Grèce, alors que la défaite italienne en Albanie se confirme. La
Grande-Bretagne et la France promettront à la Yougoslavie de la soutenir militairement si elle
était attaquée par l’Allemagne.

19 mars
Opération Merkur/Mercurio (final)
Sardaigne (archipel de la Maddalena) – Les Italiens débarquent au nord de l’île de la
Maddalena. La garnison française les empêche d’atteindre le sommet de l’île, mais ses
munitions s’épuisent vite. Le capitaine Robert Détroyat envoie à Alger un message simple :
« Pouvons tenir deux jours. Ensuite, évacuation ou capitulation ».
Dès la nuit suivante, deux sous-marins français de 1 500 tonnes, les Espoir et Henri Poincaré
(partis le 17), évacuent la plupart des défenseurs de la Maddalena. Un troisième sous-marin,
le Pégase, victime d’une panne de moteur, a dû faire demi-tour, ce qui empêche l’évacuation
complète.

Renforts
Casablanca – Le ravitailleur d’hydravions Commandant-Teste livre 70 Hawk-81A2 et 14
DB-73 qu’il est allé chercher aux Etats-Unis.

20 mars
Opération Merkur/Mercurio (épilogue)
Sardaigne (archipel de la Maddalena) – Les Italiens passent la journée à transporter leurs
pièces et préparer des positions d’attaque. Pendant la nuit, les 25 derniers Tunisiens de la
Maddalena font sauter tout l’armement intransportable et renflouent une barque de pêche
qu’ils avaient coulée préventivement après le premier bombardement. Mettant à profit un
inhabituel vent d’est, ils gagnent le large. Un patrouilleur les repêchera le 23, non loin des
côtes algériennes. Le sergent Hamza Mecharek, d’une famille de pêcheurs de Zarzis, aura les
honneurs du communiqué pour avoir organisé cette véritable évasion.

22 mars
Opération Poséidon
Albanie – Des troupes grecques et britanniques, soutenues par les Matilda du 7th RTR,
entrent dans le port de Vlöre. La poursuite de la progression à travers la plaine albanaise vers
le nord est essentiellement l’affaire des unités les plus mobiles de l’armée grecque et des
unités britanniques (toutes motorisées), mais cette progression est tellement rapide que les
lents Matilda ne suivent pas ! Profitant de son succès et pour alléger la tâche de la logistique,
car ses lignes de ravitaillement s’allongent, l’armée grecque commence à retirer quelques
unités qui peuvent aller renforcer la défense de la Thrace et de la frontière bulgare.
La retraite des Italiens à partir de Santa Quaranta, fusillés depuis la montagne par les avant-
gardes de la 8e Division épirote et parfois même canonnés de la mer par un raid de destroyers
grecs ou anglais, a été un vrai désastre. Les unités italiennes se préparent à évacuer Berat et le
général Soddu parle même d’abandonner Tirana, pourtant encore éloignée d’au moins 80 km
du front, pour constituer un dernier réduit dans l’extrême nord ! Afin de répondre aux appels
au secours de Mussolini, Hitler accepte que le Xe FliegerKorps soit redéployé à Bari et Foggia
pour soutenir ce qui reste de troupes italiennes en Albanie.

La flotte grecque en action


Adriatique – L’entrée en guerre de la Grèce contre l’Italie a valu aux Alliés l’appoint de la
flotte grecque et notamment de ses sous-marins. La marine royale grecque dispose de six
sous-marins, tous construits en France entre 1925 et 1930 : deux du type Katsonis, les plus
anciens, les Katsonis et Papanikolis (entrés en service en juin 1928 et décembre 1927), et
quatre du type Proteus, un peu plus récents, les Proteus, Nereus, Triton et Glavkos (entrés en
service en août 1929, mars 1930 [N. et Tr.] et décembre 1930). Les Katsonis sont des “600
tonnes” (équipage : 39 hommes ; armement : 1 canon de 100 mm, 2 mitrailleuses ; 6 tubes
lance-torpilles de 533 mm, 4 AV, 2 AR ; vitesse : 14 nœuds en surface, 9,5 en plongée). Les
Proteus ont un déplacement supérieur (750 tonnes en surface ; équipage : 41 hommes ; même
artillerie mais 8 tubes de 533, 6 AV, 2 AR ; vitesses identiques).
Les cinq bateaux disponibles (le Glavkos étant immobilisé pour grandes réparations jusqu’à la
fin avril) ont entrepris aussitôt que possible des sorties offensives en Adriatique. Malgré
l’accroissement du trafic entre l’Italie et l’Albanie, dû à l’envoi accéléré de renforts,
munitions et autres fournitures, le succès s’est fait attendre. Ce jour, enfin, le Triton (CC D.
Zepos) parvient à couler avec sa cargaison, à 30 nautiques à l’est du Cap Galo, près de
Brindisi, le cargo Carnia (5 154 GRT) qui allait de ce port à Durazzo (aujourd’hui Dürres). Il
ouvre ainsi pour les sous-mariniers grecs une décade riche en émotions contrastées.

Guerre d’usure anti-sous-marine


A l’est des îles Kerkennah, vers 22h00 GMT – Alors qu’il menait depuis quelques jours une
patrouille fructueuse (deux caboteurs coulés) dans les eaux tunisiennes, le sous-marin Pier
Capponi (CC Romeo Romei) est chargé par Maricosom d’assister (ou de couler, suivant la
tournure des événements) un cargo quelque peu spécial, cadeau de l’Italie à la Turquie et en
avarie de machine dans le Golfe de Gabès, non loin de son terrain de chasse. Alors qu’il
rejoint le cargo que survient un petit convoi français venant de Gabès. Surpris en surface, le
Pier Capponi engage le combat. Après avoir endommagé d’une torpille le bananier Belain
d’Esnambuc, utilisé comme transport de troupes rapide, le sous-marin est détruit par le
remorqueur armé MN Goliath, qui l’éperonne puis l’achève de deux grenades ASM. Les
Français ne recueillent qu’un seul survivant sur les 49 officiers et membres d’équipage.

23 mars
Opération Poséidon
Albanie - Le réseau routier albanais a été refait à neuf l’automne précédent, ironie du sort, en
vue d’une attaque contre la Grèce ! Cependant, dira le général Wilson, « il semble que les
chantiers aient souffert d’un certain nombre de négligences et de malversations », entraînant
des défauts rendus plus sensibles par un hiver fort rude et par le passage inaccoutumé
d’engins lourds. Il faut que les engineers de Sa Majesté réalisent des tours de force techniques
pour remettre en état la route et lancer des ponts sur la Vjosa, puis le Semani, gonflés par la
fonte des neiges. Les lourds chars Matilda peuvent reprendre leur marche vers le nord, avec
quelques jours de retard sur les engins plus légers.
24 mars
La campagne des Balkans – Le Skandenberg Korps
Albanie – Des éléments de la 5.Leichte-Division 24 et de la 15.Panzer-Division, réunies sous
le nom de Skandenberg Korps et commandées par le général Erwin Rommel, commencent à
décharger leur matériel à Durrës (Durrazo). Rommel a été chargé de stabiliser la poche
défensive italienne sur la plaine côtière d’Albanie.
Le nom de son corps d’armée vient du surnom du prince albanais Georges Castriota,
victorieux des Turcs au XVe siècle : Skander Beg, soit (en toute modestie) Roi Alexandre (le
Grand) ! Les Allemands ont germanisé l’expression… Le nom d’Albania Korps avait été
proposé, mais écarté comme trop réducteur, vu la petite taille de l’Albanie.
………
Rome – Au même moment, les désastres militaires italiens en Albanie font deux nouvelles
victimes : Ubaldo Soddu, commandant en chef en Albanie, et Rodolfo Graziani, chef d’état-
major du Regio Esercito, sont destitués. Soddu, pourtant nommé moins de trois semaines
auparavant, paie le pessimisme dont il ne s’est jamais départi depuis son arrivée en Albanie.
Plus grave, lors de la chute de Vlöre, il a même paniqué pendant plusieurs heures, perdant
complètement le contrôle de son état-major ! Quant à Graziani, il paie (tardivement) le
désastre de Libye au prétexte d’une efficacité jugée douteuse dans la gestion de la crise
albanaise… Le général Mario Roatta lui succède.
Soddu, lui, est remplacé par le général Ugo Cavallero, encore couvert des lauriers décernés
par le Duce à l’homme qui a reconquis la Sardaigne. Cavallero, bien qu’il soit chef d’état
major général des forces italiennes, décide d’assumer directement le commandement du
Groupe d’Armées Est (c’est ainsi qu’ont été baptisées les forces de l’Axe en Albanie), comme
il l’avait fait pour la Sardaigne. Il base immédiatement son QG à Durrës (Durazzo).
………
Foggia – Le Duce reçoit les autorités civiles et militaires d’Albanie, qui se présentent très
déprimées. Le Premier ministre albanais, Shefqet Vërlaci, est découragé par les
bombardements anglais, par l'effondrement des troupes italiennes et par l’afflux des réfugiés
fuyant l’avance grecque. Il offre la démission de son gouvernement, que Mussolini refuse.

L’offensive des sous-marins alliés


Adriatique – C’est au tour du sous marin grec Papanicolis (CC M. Iatridis) de remporter un
succès. Il intercepte au nord-ouest de l’île de Saseno (aujourd’hui Sazan) un convoi allant de
Durazzo à Brindisi. Le paquebot mixte Firenze (3 952 GRT), qui avait échappé, le 9
novembre 1940, aux torpilles du MN Narval, a cette fois moins de chance : une des
“anguilles” de la paire lancée contre lui par le Papanicolis fait mouche et l’envoie par le fond.
Seule et maigre consolation pour les Italiens : rentrant d’Albanie, il n’avait à bord que
quelques passagers et aucune cargaison.

25 mars
L’offensive des sous-marins alliés
Adriatique – Les sous-marins français et britanniques n’ont pas cessé de briquer les eaux de
l’Adriatique. Aux petites heures, le mouilleur de mines HMS Rorqual (Lt-Cdr R. H.
Dewhurst) pose un champ de 50 mines au large du port de Durazzo, sur lequel sauteront, trois
jours plus tard, les cargos Verde (1 432 GRT) et Sabaudia (1 871 GRT).

24
Division Légère mécanisée, formée à partir d’éléments d’une division blindée. A ne pas confondre avec la
5.Leichte InfanterieDivision, Division Légère d’Infanterie.
Benghazi –Après les Triton et Tetrarch, arrivés respectivement les 21 et 23 mars, le sous-
marin de classe T HMS Triumph, parti six jours plus tôt de Gibraltar, rejoint à son tour la base
avancée de la 1ère Flottille britannique, où le ravitailleur HMS Medway s’est déplacé
d’Alexandrie.

28 mars
L’offensive des sous-marins alliés
Au large du phare de Faraman (Camargue) – C’est au tour du sous-marin HMS Utmost
(Lt-Cdr. R.D. Cayley) de connaître le succès : malgré la présence d’une escorte, il parvient à
envoyer par le fond le cargo allemand Heraklea (1 927 GRT) qui allait de Barcelone à
Marseille.

29 mars
La campagne des Balkans
Albanie – Les forces italiennes, durement bousculées, se sont repliées sur la rive nord du
fleuve Shkumbin, où se mêlent les unités rescapées de ce premier mois de combat, éparses et
épuisées, et des divisions fraîches arrivées d’Italie (2e Division Alpine Tridentina, ce qui reste
de la 47e DI Bari et une partie de la 48e DI Taro), qui se déploient dans le plus grand
désordre. Ces troupes forment une ligne de défense entre Peqin et Elbasan. Des fuyards, se
mêlant au flot des civils, affluent dans Tirana et Durrës. A l’est, des éléments hétéroclites
tentent d’arrêter les Gréco-Britanniques dans le défilé de Librajd ; repoussés après une
résistance désespérée, ils sont encerclés dans Librajd. A l’ouest, le corps blindé britannique
progresse lentement et méthodiquement, en refaisant la route sur le terrain boueux.
La Division de Cavalerie grecque aurait dû appuyer l’avance des chars en direction de Durrës,
mais un ordre, dont l’origine exacte est discutée, l’a détournée vers Cërriku et Elbasan,
laissant un vide entre les avant-gardes alliées 25. Ce vide n’échappe pas aux observateurs de
Rommel...
Pour la première fois, la Luftwaffe et la Regia Aeronautica lancent des raids massifs contre
les terrains occupés par la RAF en Albanie et dans le nord de la Grèce. Les Stukas du Xe
FliegerKorps bombardent les positions britanniques au centre de l’Albanie.
………
Oran – Les premiers éléments de la 1ère DC embarquent sur les transports qui doivent les
conduire au Pirée.

L’offensive des sous-marins alliés


Adriatique – Le sous-marin RHS Proteus (CC M. Hadjiconstantis), qui vient de relever le
Triton, intercepte un nouveau convoi Durazzo-Brindisi, à 40 nautiques dans l’est de ce dernier
port. Son commandant ne lésine pas et lance par ses tubes avant une gerbe de quatre torpilles,
dont deux viennent frapper et couler le paquebot Sardegna (11 452 GRT). Malheureusement,
l’allègement provoqué par le départ des torpilles est mal compensé et la proue du Proteus
vient brièvement crever la surface. L’un des escorteurs, le torpilleur Antares (LV Senese) 26,

25
Les cavaliers grecs auraient reçu l’ordre, soit du général en chef Papagos, soit directement du Premier ministre
Koryzis, de marcher sur Tirana plutôt que sur Durrës afin d’y instaurer une autorité provisoire pro-grecque qui
aurait accepté la cession à la Grèce de ce que les Grecs nomment l’Epire du Nord (Komninos Pyromaglou : Le
Cheval de Troie. La crise nationale et politique pendant l’occupation, Athènes, 1958).
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Unité de la classe Spica. Appartenant à la 12e escadrille (2e Flottille de torpilleurs), l’Antares aurait dû
participer à l’opération Merkur, mais des ennuis de machines l’ont cloué à Messine. Ceux-ci réparés, il a été
envoyé renforcer l’escorte des convois Italie-Albanie.
se dirige alors sur lui. Sa première salve de grenades sous-marines endommage le
submersible, qui doit émerger. Très manœuvrant, l’Antares revient sans tarder vers sa proie et
l’éperonne : le Proteus disparaît corps et biens.
Après avoir récupéré les survivants du paquebot (les pertes humaines sont relativement
légères, le Sardegna ne transportant que son équipage et quelques passagers, là encore parce
qu’il s’agit d’un trajet retour), le torpilleur rejoint Brindisi. Il sera indisponible plusieurs
semaines, le temps de réparer sa proue endommagée.

30 mars
L’offensive des sous-marins alliés
Adriatique – Une fois ses mines mouillées, le HMS Rorqual a fait route vers le nord-ouest,
jusqu’à la hauteur du Monténégro. Il repère et attaque un petit convoi Venise (Marghera)-
Durazzo, composé du seul pétrolier Laura Corrado (3 645 GRT) qu’escortent les torpilleurs
Palestro et Ernesto Giovannini. Son attaque est victorieuse : le pétrolier est coulé pendant que
commandant Dewhurst soustrait son bateau à la réaction des escorteurs.
Non loin de là, dans le sud-est du port monténégrin d’Antivari (Bar), le sous-marin RHS
Katsonis (CF Ath. Spanidis) dépêche au canon le petit cargo Nuraghe (633 GRT), qui
assurait, sans escorte, une liaison commerciale Albanie-Yougoslavie.

31 mars
La campagne des Balkans
Grèce – Le corps expéditionnaire français compte désormais plus de 30 000 hommes.
Constitué en partie à partir du Groupement Mobile des Forces du Levant du général Dentz, il
a été rebaptisé “Armée d’Orient” pour d’évidentes raisons de propagande, en référence au
glorieux précédent de la Grande Guerre. Le général d’armée Henri Giraud, chef prestigieux,
en a pris la tête, avec le général Pierre Dentz pour adjoint.
En à peine un mois, les services et les unités de soutien ont mis sur pied une base principale
au Pirée, où sont déchargés les principaux navires transportant les troupes et surtout le
matériel lourd, et ils ont commencé à installer une base avancée à Larissa, avec les
indispensables hôpitaux de campagne, ateliers de réparations, et autres dépôts de carburants et
de munitions. Pour ne pas être dépendre complètement de la voie ferrée Athènes-Larissa, à
voie unique et déjà saturée, puisqu’elle supporte tout le ravitaillement des armées alliées
engagées en Albanie, l’armée française a organisé une liaison maritime avec de petits
caboteurs entre Athènes et Volos.
Les unités de combat qui se regroupent au nord de Larissa, le long de la ligne Aliakmon,
comprennent :
– la 191e DIA du général Sarrade (avec trois régiments d’infanterie, les 24e RMIC, 12e et 16e
RTT ; un régiment d’artillerie, le 41e RAC à trois groupes de 75 tractés ; et le 191e GRDI) ;
– le 6e GRCA du général Clouet des Perruches (avec notamment quatre escadrons
d’automitrailleuses, un escadron de dragons portés et un bataillon antichar) ;
– le 149e RAL (à deux groupes de canons de 155 L18) ;
– la 14e DBLE ;
– les premiers éléments de la 1ère DC.
Le reste de la 1ère DC ainsi que la totalité de la 4e DMM sont en cours d’embarquement ou de
transport et doivent rejoindre l’Armée d’Orient dans les semaines qui suivent.
Les unités opérationnelles de l’Armée d’Orient doivent gagner courant avril leur zone
d’opérations, au nord du dispositif allié : selon la situation à ce moment, il s’agira de se
reporter vers Salonique pour bloquer en Thrace une avancée allemande via la Bulgarie, ou de
remonter la vallée de la Varda vers Skoplje pour tendre la main à l’armée yougoslave, ou
enfin de garnir les défenses de la zone du Mont Olympe.

L’offensive des sous-marins alliés


Adriatique – Alors que la Grèce n’est entrée en guerre que depuis un mois et demi, la
coordination entre les trois marines alliées n’est pas encore parfaite. Chacun ignorant la
présence de l’autre, le Rorqual et le Katsonis se retrouvent ensemble au large du port albanais
de San Giovanni di Medua. C’est le sous-marin britannique qui repère le premier son
congénère, venu en surface. Dans le jour déclinant, le commandant Dewhurst, persuadé
d’avoir affaire à un sous-marin italien, passe à l’attaque sans hésiter. Par chance (et grâce à
une excellente vigie, qui repère les sillages de la première paire), le Katsonis parvient à éviter,
en manœuvrant serré, les quatre torpilles que lui décoche en deux fois le Rorqual.
Le commandant Spanidis ne doute pas d’avoir été attaqué par un submersible italien ; ce n’est
que bien plus tard que la fâcheuse vérité sera connue…

Réorganisation italienne en Sardaigne et en Corse


Rome – Importante réunion dans les locaux de l’état-major du Regio Esercito. Les principaux
participants sont le nouveau chef de cet état-major, le général Mario Roatta, et son successeur
au poste de sous-chef, le général Francesco Rossi, ainsi que le sous-chef d’état-major général,
le général Alfredo Guzzoni (puisque le chef d’état-major général, Ugo Cavallero, est allé
assumer en personne le commandement des troupes engagées en Albanie). Autour de la table
siègent aussi les responsables Opérations et Logistique de chaque structure. L’objet de la
réunion est double : d’abord, évaluer, en nombre et en type, les forces nécessaires pour
assurer solidement le contrôle de la Sardaigne libérée et de la Corse conquise et programmer
les retours, secs ou compensés, de certaines unités en Italie ; ensuite, mettre sur pied un
calendrier des mouvements induits par ces premières décisions.
L’accord se fait sans trop de débats pour prélever la future garnison de la Corse sur les
troupes qui ont participé à la reconquête de la Sardaigne : les unités choisies n’auront à
traverser que les Bouches de Bonifacio ! L’occupation de l’Ile de Beauté sera confiée à la 4e
Division d’Infanterie de Montagne (DIM) Livorno, la 44e Division d’Infanterie (DI) Cremona
et les quatre bataillons de Chemises Noires de débarquement du général Quasimodo. Des
unités côtières viendront par la suite compléter le dispositif. L’ensemble constituera le VIIe
Corps d’Armée (CA), confié au commandant du Corpo [d’Armata] Speciale d’Intervento
Rapido (CSIR) – qui va être dissous, le général de corps d’armée Vittorio Sogno.
La garnison de la Sardaigne ne comprendra pas le reste des forces affectées à Esigenza C2. En
effet, la 26e DIM Assietta est attendue dans les Balkans : retirée au XVIe CA, elle doit
rejoindre dès que possible le VIe CA du général Lorenzo Dalmasso, intégré dans la 2e Armée
qui surveille la frontière entre Italie et Yougoslavie. En outre, il est prévu de rapatrier dans la
péninsule d’une part ce qu’il reste des divisions parachutiste Folgore et aérotransportée La
Spezia, d’autre part, les éléments de la division cuirassée Ariete. Resteront pour garder la
grande île la 1ère DIM Superga et la 54e DI Napoli, que doit rejoindre la 30e DI Sabauda
remise sur pied sur le continent. La 31e DI Calabria et des unités côtières seront reconstituées
sur place dès que possible, en utilisant comme noyaux les prisonniers de septembre 1940
retrouvés en Corse et libérés. Une fois la Calabria opérationnelle, la Napoli quittera la
Sardaigne pour retrouver la Sicile. L’ensemble de la garnison sarde sera intégrée dans le XIIIe
CA reconstitué, à la tête duquel est nommé le général de corps d’armée Antonio Basso. Le
XVIe CA du général Antero Canale disparaît dans ces transformations : Canale, à qui on
reproche d’avoir fait montre de trop de prudence (au contraire de ses subordonnés), est recasé
à la tête du 3e Corps territorial de défense (QG à Milan).
Au final, le Regio Esercito devra donc obtenir de la Regia Marina le transfert quasi immédiat,
en avril, de deux divisions et d’une petite brigade de Sardaigne en Corse et celui de la division
Assietta de Sardaigne sur le continent. Ces besoins s’ajoutent à ceux du retrait de Corse de
presque toutes les troupes allemandes. Dans un second temps (si possible dès la fin avril), il
s’agira de retirer de Sardaigne les éléments des Folgore, La Spezia et Ariete et d’y amener la
Sabauda. Enfin, dans quelques mois, il restera à transférer la Napoli de Sardaigne en Sicile.

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