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Février 1941

1 – La guerre en Méditerranée et dans les Balkans


Merkur attaque la Corse… et Poséidon l’Albanie !
1er février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Tandis que nos mécaniciens bichonnent les nouveaux avions, nos joyeux fêtards sont
convoqués par le Patron, suite à un câble d’Alger. Il paraît que la Gendarmerie a dû demander
des renforts … Le commandant Thibaudet se contente d’un petit savon, qu’il passe d’abord
aux commandants des escadrilles, Challe et Cabaret (le bien nommé), avant d’en faire profiter
les hommes. Cette mansuétude nous laisse un peu perplexes. Il y a quelque chose qui couve.

Le Blitz Malte-Tunis
Méditerranée Occidentale – Les bombardements se poursuivent. Le commandement allié se
doute que cette offensive aérienne prépare quelque chose : une attaque amphibie dirigée
contre Malte ? Peut-être, mais comme les écoutes révèlent l’installation dans le nord de
l’Italie et le sud de la France de nombreuses escadrilles de la Luftwaffe, la vraie cible pourrait
bien être ailleurs… Hélas, en attendant, il faut bien accepter le combat sur Malte et Tunis.

2 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Les vols de prise en main des D-520M vont bon train. Salaberry se fait une grosse frayeur
dans un piqué quand sa verrière, mal verrouillée, s’ouvre. Albert et Lefèvre, dans un
simulacre de combat, arrachent les fils du téléphone sur la route côtière. Le Patron se fait
eng… par le commandant de la base et frotte à son tour, avec intérêts, les oreilles des deux
contrevenants.
Loterie le soir au mess pour savoir si on ira à Tunis ou à Malte.

3 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Le groupe a la visite du général d’Harcourt, inspecteur général de la Chasse, qui arrive avec
son Hudson personnel. Il passe plusieurs heures à discuter avec les commandants d’unités.
Tout ce beau monde à l’air bien sérieux quand il ressort de la salle de réunion. Verdict : on
reste en Corse.

Menaces sur Alger


Berlin, ReichsLuftMinisterium – Un serveur à veste blanche apporte du vrai café (arrivé par
la Russie) dans de la vraie porcelaine et pose le tout respectueusement sur la table dressée sur
une petite estrade, devant un public restreint d’officiers d’état-major. Un claquement de
talons, de l’autre côté de la porte principale à double battant, annonce l’entrée des sommités :
Göring, Milch, Udet, Jeschonneck et, se demandant sans doute ce qu’il vient faire au milieu
de ces « politiques », Sperrle. Au fond de la salle, deux lieutenants, irrévérencieux comme
nombre de leurs congénères dans tous les camps, commentent : « Ils se détestent tous et
chacun se croit le seul à avoir l’oreille du Führer, les peaux de banane ne vont pas tarder à
voler… » dit l’un. « Mais ils prétendront que les bananes portaient des cocardes ! » ricane
l’autre.
Hiérarchie oblige, Göring prend la parole en premier : « Le Führer nous demande de ne pas
laisser de répit à l’ennemi réfugié en en Afrique du Nord et d’entamer de puissantes
opérations offensives. »
– Une campagne à grande échelle est déjà en cours ! interrompt Jeschonneck.
– En Tunisie seulement ! En Algérie, les Français se croient à l’abri de nos bombes, il est
temps de les ramener à la réalité et de leur rappeler notre puissance !
– Je croyais que les Italiens s’en étaient chargés, glisse Udet.
– Justement, et c’est inadmissible. Ce sont nos alliés, mais c’est à nous de leur servir
d’exemple !
– Tsss, pas de politique, Monsieur le Maréchal, lâche Milch, perfidement.
Göring l’ignore : « Nous sommes ici pour voir comment faire pour reprendre la place de
l’Allemagne, la première ! Jeschonneck, de quelles forces disposons-nous pour lancer un
Blitz contre l’Algérie ? Précisément ? »
– Précisément ? D’aucune, Herr ReichsMarshall. Nos forces sur le théâtre méditerranéen
sont pleinement engagées contre Malte et la Tunisie, ou se préparent à attaquer la Corse et la
Sardaigne. Nos autres bombardiers sont toujours alignés contre l’Angleterre, pour notre
campagne de bombardements de nuit. N’oubliez pas que la Méditerranée est plus large que la
Manche ! Regardez la carte : Alger est à 700 km du sud de la France, 900 de la Sicile. Il
faudrait partir de Sardaigne. Donc, commençons par mener à bien l’opération Merkur.
– Pas question d’attendre, le Führer veut agir au plus vite ! Sperrle, il va falloir que vous
lâchiez un de vos Kampfgruppen.
Sperrle comprend enfin la raison de sa présence, et cela ne lui dit rien qui vaille ! « Vous
voulez dire, que je lâche un Kampfgruppe dans la Méditerranée, Herr ReichsMarshall ? Car
ses avions vont tous tomber en mer au retour, en panne sèche. Du moins, s’ils sont censés
transporter des bombes à l’aller ! A moins que vous ne désiriez un Kampfgruppe de Heinkel
115 ? Eux au moins, nos amis italiens pourront les remorquer jusqu’à la maison, si ils ont
encore un navire à flot ! »
Göring lâche un soupir exaspéré devant tant de mauvaise volonté : « Milch, qu’est-ce que vos
usines peuvent nous proposer pour ce travail ? »
– La dernière version du Heinkel 111, Herr ReichsMarshall (Udet lève les yeux au ciel en
secouant la tête, Sperrle lâche un Pff ! fort expressif)… Ou la prochaine du Ju 88, mais pas
avant l’été.
– Et le Kondor ? demande Göring par acquit de conscience.
– Tous les exemplaires qui sortent de chez Focke-Wulf vont directement renforcer les Staffeln
de coopération avec la Kriegsmarine… A moins que vous vouliez enlever au Führer ceux de
sa LuftFlotte personnelle. Et, avant que vous ne posiez la question, le Heinkel 177 n’est
toujours pas au point. Il semble que la formule d’un quadrimoteur à deux hélices ultra
polyvalent pose quelques difficultés de mise au point.
– Bien, soupire Göring, je vois qu’il va falloir se contenter d’une unité de Heinkel 111-H.
Jeschonneck reprend la parole : « Créer une unité de bombardement à longue portée équipée
de Heinkel 111 ne va pas se faire comme ça. Il va falloir aménager au moins un terrain aussi
près que possible de la frontière espagnole, le 111-H a besoin d’une piste de 1 500 mètres
minimum pour décoller à pleine charge, et si possible d’une piste en béton ! De plus, il est si
lent que, sans escorte, on ne peut l’employer que de nuit. Or, même avec des bases en
Sardaigne, nous ne pourrons envoyer de Bf 109 sur Alger. Qu’est-ce que les Français ont
comme chasse de nuit et comme DCA sur Alger ? »
La question s’adressait à la salle. Un capitaine se lève : « Pas grand-chose en ce qui concerne
la chasse de nuit, Herr General. Par contre, la DCA est assez nombreuse – mais nettement
moins qu’autour de Londres, bien sûr. »
La réunion se poursuit alors, abordant l’un après l’autre chaque détail avec toute la
méticulosité germanique. On décide même, avec un humour que les lieutenants, dans le fond
de la salle, trouvent aussi léger que le ReichsMarshall, de baptiser l’opération Kameljagd
(chasse au chameau).
A la fin, Göring peut conclure avec pas mal d’autosatisfaction : « Parfait ! Je vais pouvoir
annoncer au Führer le début prochain des opérations. J’ajouterai que, lorsque les nouveaux
Junkers 88 seront disponibles, nous verrons à les employer pour des bombardements de jour
à partir de nos futures bases de Sardaigne. Merci Messieurs ! »
C’est alors qu’Udet, qui n’avait pas repris la parole depuis le début, lâche : « Ah,
Jeschonneck… Si les Français n’ont pas de chasse de nuit, pensez à supprimer les
mitrailleurs et leurs mitrailleuses. Ils ne serviraient à rien et ça fera du poids en moins. Des
morts en moins, aussi, au cas où. »
Les derniers mots jettent un froid, et les participants se dispersent – encore que Sperrle semble
désirer parler à Jeschonnek en particulier.

4 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Dans la matinée, le radar anglais détecte un « hostile » qui vient nous rendre visite à haute
altitude. La patrouille Guillaume-Durand décolle pour l’intercepter, mais le perd dans les
cunimbs au-dessus de la mer.
Dans la soirée, arrivée de 4 nouveaux D-520M, qui sont mis en volant.

Le Blitz Malte-Tunis
Méditerranée centrale – La 4e Escadre de Chasse (sur Hawk-81C), basée à Malte, est réduite
à 23 avions opérationnels, la 5e EC (mêmes montures), basée à Tunis, ne dispose plus que de
37 avions opérationnels et les squadrons basés à Malte n’ont plus que 17 Hurricane en état de
vol. Le commandement français redéploie la 7e EC (deux groupes de D-520 1) d’Oran-La
Sénia à Tunis pour renforcer les défenses. De son côté, Churchill promet d’envoyer des
renforts de chasse à Malte, tandis que Reynaud et Mandel appellent Roosevelt pour faire
accélérer les livraisons de Hawk-81.
Cependant, les défenseurs de Malte et de la Tunisie, bien qu’inférieurs en nombre, se
défendent énergiquement. Les pertes de l’Axe sont d’environ 65 avions allemands et 115
italiens pour 70 chasseurs alliés détruits en combat.
C’est en partie pour cela que les Italiens lancent quelques raids de bombardement de nuit –
sans grande efficacité et sans grands risques. Néanmoins, vers 02h10 dans la nuit du 3 au 4, le
sergent-chef Roger Sauvage, que le succès fuyait depuis le 1er septembre 1940, a enfin obtenu
sa cinquième victoire confirmée, synonyme du titre d’As. Avec son Potez 631, il a accroché et
abattu un Fiat BR.20 au dessus de Tunis. A son grand dépit, il lui faudra encore vingt mois de
patience pour être transféré à la chasse diurne !

L’offensive des sous-marins alliés

1
NDE – Sauf précision contraire, les « D-520 » peuvent être aussi bien des D-520 que, le plus souvent, des D-
520M ou même des D-523.
Oran – Les “630 tonnes” Minerve et Junon, libérés par les Anglais, rejoignent la
Méditerranée. La Minerve (LV Sonneville) a mené trois patrouilles sans résultat dans les eaux
de la Norvège, la Junon en a accompli deux, tout aussi infructueuses. Quelques jours plus
tard, le LV Jaume est remplacé au commandement de la Junon par le CC Jean-Marie
Querville.

Blitz à l’italienne
Oran, QG de la Marine Nationale – Depuis le bombardement italien de janvier, des mesures
ont été prises. Tout d’abord, le CC David a fait installer un deuxième exemplaire de son
installation au sémaphore du cap Falcon. Les fragiles appareils radioélectriques ont été placés
au sous-sol, à côté de la réserve du cambusier, ce qui fera dire aux guetteurs « optiques » de
l’étage supérieur que leurs collègues « électro-magnétiques » se sont encore servis dans la dite
réserve chaque fois qu’ils leur signaleront quelque chose d’encore invisible à l’œil.
L’installation, constamment améliorée, fonctionnera jusqu’en 1945, mais elle n’aura jamais à
détecter d’approche ennemie et ne sera visée que par des attaques de mouettes et de
goélands… Il sera un temps question d’équiper le sémaphore du cap Fégalo d’une installation
analogue, mais quand l’ingénieur chargé d’inspecter les lieux apprendra que le bâtiment
n’était desservi que par une liaison muletière bimensuelle, il y renoncera.
Par ailleurs, la Marine a estimé que Mers-el-Kebir ne réclamait pas de défenses anti-aériennes
supplémentaires, mais l’on a fait déployer autour d’Oran quelques vénérables batteries de 105
« longs contre avions », héritées de l’autre guerre, qui encombraient un arsenal sans qu’on
sache quoi en faire. Evidemment, les munitions manquent mais, ces pétoires visant avant tout
à rassurer les civils, on a décidé que des obus de confection locale suffiraient.
De son côté, l’Armée de l’Air, notant que l’attaque italienne s’est pratiquement terminée de
nuit, s’est mise à réfléchir sérieusement à ce que pourrait bien être une chasse de nuit
moderne. Elle s’est mise pour cela en rapport avec les Britanniques qui disposent depuis
plusieurs mois d’un champ d’expérimentation grandeur nature, grâce aux raids nocturnes de
la Luftwaffe sur l’Angleterre.

5 février
Le Blitz Malte-Tunis
Tunis – Willliam “Bill” Clifton, du New York Times, a réussi à quitter Malte. « Bien sûr, je ne
suis plus dans une petite île, mais sur le continent africain, entre Sahara et Méditerranée.
Néanmoins, en dehors de cette situation, je ne vois pas grand-chose de changé, sinon le fait
que les minarets des mosquées tunisiennes remplacent les clochers des églises maltaises. La
bataille de Tunisie bat son plein, et elle n’est pas loin de valoir la bataille d’Angleterre de
l’automne dernier, au moins pour ce qui est de l’intensité des combats, sinon pour le nombre
des avions engagés.
Les alertes aériennes se succèdent à intervalles rapprochés et des carcasses d’avions
jonchent littéralement le sol ! Les équipes de mécanos de l’Armée de l’Air récupèrent
certaines pièces sur les avions alliés, des spécialistes du renseignement fouillent les avions de
l’Axe, puis les débris sont abandonnés à la population locale, qui s’est vite révélée experte en
récupération et réutilisation… »

6 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Desserrement du groupe qui remplace le II/6 à Calvi-Sainte Catherine, charge à nous de
couvrir le nord-ouest de la Corse. L’échelon roulant, qui nous a précédés, nous accueille dés
l’arrivée. Calvi a bien changé depuis notre premier séjour en décembre. Il y a des alvéoles
bien protégées pour tous les avions, ainsi que des tranchées autour des bâtiments. Le II/3 reste
à Campo-dell’Oro pour recevoir de nouveaux avions. Le sergent Durand met en pylône son
D-520M tout neuf et se fait passer un savon par le capitaine Challe. Heureusement, pas trop
de dommages, mais l’avion est de retour à Ajaccio dans la soirée.

Le Blitz Malte-Tunis
Tunis – Le GC II/6 (20 D-520), basé à Calvi-Sainte Catherine, et le GC I/2 (20 Hawk-75A4),
basé à Cagliari-Elmas, se redéploient aux alentours de Tunis. Le Xe FK et les unités de la
Regia Aeronautica qui bombardent la Tunisie vont encore souffrir, mais cela signifie que la
Corse et la Sardaigne sont dégarnies, donc que le plan allemand fonctionne.

7 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Décollage en alerte pour intercepter un « hostile » en vol de reconnaissance par la patrouille
Madon-Lefèvre. En dépit du guidage radar, l’hostile (un Ju 88) réussit à s’esquiver. Un
second « hostile » est détecté dans l’après-midi (toujours un Ju 88) et se fait régler son compte
par la patrouille Challe-Albert. Le III/3, qui opère de Bastia, loupe deux avions de
reconnaissance, mais en abat un troisième, un Cant Z.1007.
Les servants de la DCA inaugurent des 20 mm Oerlikon pour la défense du terrain.
Ordre est donné de peindre immédiatement le bord d’attaque des ailes en jaune pour éviter les
méprises.

Le Blitz Malte-Tunis
Tunis – Les survivants de la 5e EC, un peu soulagés par l’arrivée des GC II/6 et I/2, reçoivent
aussi en renfort de nouveaux pilotes fraîchement émoulus de l’Ecole de Chasse de Meknès.
Ainsi au GC II/5…
Hugues du Mouzy fit irruption dans le mess peu avant le dîner, alors que la nuit venait depuis
une heure d’imposer une trêve aux combats. Contrairement à son habitude, il était décoiffé et
sa cravate était de travers. J’étais le seul du Groupe à être déjà là ; les autres récupéraient
encore après une nouvelle journée passée à tenter de tuer et de ne pas se faire tuer dans le
cockpit de nos Hawk-81… « Tu as vu ce qu’on nous envoie de Meknès ? » s’exclama Hugues.
Je levai les yeux de La Presse de Tunis. Mon ami était écarlate et je ne compris pas tout de
suite ce qui motivait son émotion. « Hmm ? Ah, oui, les aspirants. J’espère qu’ils feront plus
d’usage que la précédente promo. Les pauvres n’arrivent pas au meilleur moment pour faire
de vieux os, les 109 sont mauvais ces temps-ci. »
– Tu sais très bien de qui je parle ! Le nommé Ramdam !
– Hein ? Ah, oui, Aziz. C’est Ramdane, pas Ramdam.
– Et tu l’appelles Aziz !
– Ben, je t’appelle bien Hugues, non ?
Je commençais à bien m’amuser.
– Attends, mes ancêtres ont arraché Jérusalem aux siens !
– Euh, c’est peu probable, je crois qu’il est kabyle…
– Si tu veux ! C’est pire : mon arrière-grand-père était officier dans les troupes du duc
d’Aumale lors de la prise de la smalah d’Abd-el-Kader !
– Les temps changent… Demain, il te sauvera peut-être la peau, ou le contraire, non ? Et puis,
tu n’es pas content de tous ces régiments de tirailleurs nord-africains, qui remplacent bien
utilement les Métropolitains qui sont dans des stalags en Bochie ?
– Oui, bon, c’est très bien pour les biffins, mais l’aviation, c’est une arme noble, non ? On ne
peut pas mettre un manche à balai entre n’importe quelles mains !
– Même pour balayer la cour ?
Hugues leva les yeux au ciel devant une pareille indifférence aux traditions les plus sacrées
de l’Armée française. J’en profitai pour mettre du sel sur la plaie.
« Dis donc, il y a un autre aspirant qui ne doit pas beaucoup te plaire, pas vrai ?… Le petit
Albert… »
Hugues grogna. « Benamou ? Ouais. Mais, comme l’a écrit Bernanos, Hitler a déshonoré
l’antisémitisme, alors je me tais. »
(Jean-Pierre Leparc, Les gars du “Lafayette”, Paris, 1960)

8 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
C’est parti !
À 5h35, 12 Ju 88 arrivés sous la couverture radar bombardent Sainte-Catherine. À part le
Caudron Luciole qui nous sert d’estafette, pas de dégâts aux avions, qui sont bien protégés
dans des alvéoles. La DCA est tellement surprise qu’elle ne tire que quand les avions ennemis
s’en vont !
À 6h55, décollage d’un dispositif à 12 avions pour intercepter des Stukas. Grâce au radar, les
avions sont bien positionnés, mais ils affrontent un gros dispositif ennemi (environ trente
Ju 87 et plus de vingt Bf 109). Résultats : 4 Ju 87 et 2 Bf 109 descendus, 1 Ju 87 et 2 Bf 109
probables, mais deux pilotes manquent à l’appel (l’un nous rejoindra dans la soirée), tandis
que Madon détruit son D-520M à l’atterrissage par un magnifique cheval de bois – il a une
bonne excuse : ses volets sont bloqués par un impact de 20 mm.
Les Stukas font leur travail à l’habitude et démolissent le D-520M tout neuf de Durand, pour
un des leurs qui se fait allumer par les 20 mm Œrlikon et va percuter la montagne.
À 13h40, décollage sur alerte d’une patrouille double (4 avions). Elle intercepte un raid
ennemi sur le Mont Cinto, mais doit immédiatement se défendre contre une meute de 109.
L’un est descendu par Albert et un autre par Challe, mais nous perdons un avion et son pilote
et Touret pose par miracle un D-520M qui ne tient ensemble que par l’opération du Saint
Esprit. Les pilotes font grise mine : les 109 qui les ont attaqués sont beaucoup plus rapides
que les précédents et ils se sont retrouvés avec la même marge d’infériorité qu’en juin 1940.
Vers 16h, décollage d’un dispositif à 6 avions qui ratisse une zone où des Italiens sont réputés
opérer, mais ne trouve rien.

Opération Merkur – Préludes


Corse et Sardaigne – Les IVe et VIIIe FliegerKorps, appuyés par la Regia Aeronautica,
commencent à attaquer les aérodromes de Corse et de Sardaigne. Le commandant en chef de
l’opération aérienne est le Feld-Maréchal Albert Kesselring.
Entrent ainsi en jeu :
– FliegerKorps IV (général Pflugbeil) : 330 avions (entre Cannes et Gênes).
JG 27 (3 Gruppen) : 86 Bf 109E et F1.
ZG 2 (2 Gruppen) : 56 Bf 110.
KG 77 (2 Gruppen) : 52 Ju 88.
KG 76 (2 Gruppen) : 56 He 111.
Stg 3 (3 Gruppen) : 80 Ju 87.
– FliegerKorps VIII (général Wolfram von Richthofen) : 364 avions (région de Viterbe,
Grossetto et Florence).
JG 77 (3 Gruppen) : 90 Bf 109E et F 2.
II et III/ZG 26 (2 Gruppen) : 55 Bf 110.
KG 2 (3 Gruppen) : 80 Do-17.
LG 1 (2 Gruppen) : 60 Ju 88.
II/KG26 : 25 He 111H.
StG2 (2 Gruppen) : 54 Ju 87.
– Défense aérienne de l’Italie Centrale : I/NG3 et II/NG3 (deux Gruppen de chasse de
nuit) : 60 Do 215 et Bf 110.
Soit 176 Bf 109, 111 Bf 110 et 407 bombardiers (dont 134 en piqué), plus 60 chasseurs de
nuit.
………
Trop souvent négligée par des historiens influencés par les témoignages allemands, la Regia
Aeronautica va assurer à la Luftwaffe un appui important dans cette opération, avec 200
chasseurs Fiat G.50, Macchi MC.200 et Reggiane Re.2000, 120 Fiat CR.42 (utilisés comme
avions d’appui léger) et environ 280 bombardiers, ainsi qu’une centaine de Ro.37 de
reconnaissance, soit près de la moitié des forces aériennes italiennes.
La plupart des appareils non engagés sur la Corse ou la Sardaigne participent au Blitz Malte-
Tunis, qui se prolonge.
………
Alger – A l’Etat-Major français, on a des soupçons, mais que faire ?
A toutes fins utiles, l’Amirauté décide de concentrer à nouveau ses moyens en Méditerranée
Occidentale. L’escadre déployée à Gibraltar et les croiseurs envoyés dans l’Atlantique vont
devoir rentrer à Mers-el-Kébir. Le Suffren et les torpilleurs Basque, Forbin et Fortuné (en
attendant les Mistral et Tornade) vont quitter Alexandrie pour Benghazi.

9 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Le groupe est en alerte dès avant l’aube. À 7h15, décollage sous le commandement du
capitaine Challe d’un dispositif de 6 avions en protection de Bastia. Il est attaqué par une
quinzaine de 109 et se défend en manœuvrant. Le sergent Albert descend un des 109 tandis
que Challe est tiré par 3 d’entre eux, qui le manquent. « Ils tirent comme des cochons » sera
son seul commentaire.
À peine ces avions sont-ils rentrés que, vers 8h45, décolle un dispositif à 8 avions dirigé par
le commandant Thibaudet pour intercepter un raid de Stukas destiné à Sainte-Catherine. Une
grosse bataille s’ensuit où nos D-520M tirent les Ju 87, mais se font eux-mêmes tirer par des
109 très agressifs. Deux Ju 87 (un pour Lefèvre et un pour Cabaret) et un 109 (pour Durand)
vont au tapis, sans compter un autre Ju 87 et un autre 109 probable. Mais un D-520M ne
rentre pas tandis que le sergent Lefèvre, qui a abattu un des Ju 87, se pose en feu et est extrait
de son avion avec des brûlures, douloureuses, mais pas trop sérieuses. Les Ju 87 font un joli
travail de démolition sur Sainte-Catherine. Quatre mécaniciens et deux administratifs sont
tués et deux autres blessés. Un D-520M en réparation est détruit. Un Stuka est abattu par la
DCA ainsi qu’un Bf 109, qui se pose sur le ventre sur la plage.

2
Les Bf 109F passeront de 45 % du total des Bf 109 au 8 février à 60 % au 31 mai.
Son pilote est légèrement blessé et se fait rudoyer par des soldats de la biffe avant que le
commandant n’aille le chercher et le ramène au terrain. Réconforté, soigné par notre médecin
et après quelques verres de rosé corse dans la chaleur du mess, il accepte de parler et dit
appartenir à la JG II/27, basée à Cannes-Mandelieu. Il nous confirme ce dont nous nous
doutions, soit que la JG I/27 ainsi que l’escadrille d’état-major sont équipées de Bf 109F. Il
est transféré sous bonne escorte vers Ajaccio, puis sans doute au Sahara. Vers midi, un
Simoun vient d’Ajaccio pour emmener Lefèvre.
Dans la soirée, Albert et Madon ramènent les deux derniers D-520M en volant (sans compter
le premier avion de Durand, en réparation à Ajaccio). À la fin de ce deuxième jour de combat,
il nous reste 14 avions.

Bombardements stratégiques
Gênes – Dans la nuit du 8 au 9, une formation mixte des Sqn 37 et 38 bombarde la ville, déjà
attaquée la nuit précédente par des Wellington venus d’Angleterre. Les deux squadrons sont
basés à Sorman (Tripolitaine), mais ils ont fait escale à Villacidro pour ravitailler.
Après le bombardement, ils se reposent en Sardaigne. Grâce à un camouflage soigneux, seuls
trois appareils sont touchés, plus ou moins gravement, par les bombardements de l’Axe dans
la journée du 9.
Mais la répétition des attaques contre Villacidro va causer de nouvelles pertes, tandis que
l’état de la piste va rendre difficiles les opérations des gros bimoteurs. Aussi Anglais et
Français s’accorderont-ils pour renvoyer les précieux Wellington à Sorman (où, le 22 janvier,
le Sqn 148 a déjà été replié de Malte). Le 12, le retrait de Sardaigne des deux squadrons sera
achevé (à l’exception de l’un des avions endommagés, qui ne rejoindra que le 15 février).
Trois appareils ont été perdus.

L’offensive des sous-marins alliés


Bastia, 02h00 heure française (GMT+1) – La perte de la Naïade, le 22 janvier précédent, n’a
pas interrompu l’activité des deux submersibles survivants de la 19e DSM, les Galatée et
Argonaute. Ils ont toutefois changé de port d’attache : l’Argonaute (LV Pelletier) a remplacé
la Naïade à Calvi et la Galatée (CC Alliou) est passée de Bonifacio à Bastia. Cette dernière
est au repos en attendant la prochaine période de lune déclinante pour aller patrouiller sur la
côte ligure. Il n’y a donc à bord qu’une équipe de garde commandée par le troisième officier
du bord, l’EV1 Besaucelle, récemment arrivé du “1500 tonnes” Sfax. Le commandant Alliou,
son second et le reste de l’équipage ont pu mettre sac à terre. Les maigres moyens de la chasse
de nuit française ayant été accaparés par un double raid des Ju 88 du KG 77 visant les
aérodromes de Borgo et Calvi, une douzaine de Fiat BR.20 parviennent sans opposition au-
dessus de Bastia. Sans être très précis, ce raid n’en cause pas moins divers dégâts. Mouillée
dans le nouveau port, la Galatée tire le plus mauvais numéro ! Une bombe ravage son
kiosque, tuant l’EV Besaucelle et les deux matelots servant les mitrailleuses anti-aériennes et
blessant deux autres marins.

Le Blitz Malte-Tunis – La bataille de l’information


Tunis – Bill Clifton a réussi (non sans peine) à obtenir une interview pour le New York Times
avec un représentant de la nouvelle Armée de l’Air française, l’aspirant Aziz Ramdane.
– Vous êtes le premier pilote de chasse arabe de…
– Kabyle, s’il vous plaît.
– Kabyle, OK. Le premier pilote de chasse “indigène d’Algérie” de l’aviation française. C’est
une sorte de révolution. Je doute que l’US Army soit prête à accepter des Noirs dans l’Air
Force [phrase coupée avant publication par la rédaction du New York Times]. Comment y
êtes-vous parvenu ?
– Vous savez que, depuis les décrets de l’an dernier, les engagés volontaires dans l’Armée
française gagnent le droit à la nationalité française pour eux et leurs proches. Mais ce n’est
pas mon cas. Mon père s’était fait naturaliser il y a quinze ans en renonçant à son statut
musulman – pas à sa religion, à son statut administratif : j’étais déjà pleinement Français. En
39, au moment du Pacte entre l’Allemagne et l’URSS, je me suis engagé et j’ai demandé à
être incorporé dans l’Armée de l’Air. Comme mon père avait gagné beaucoup d’argent dans
le commerce, il avait pu donner à ses enfants une très bonne éducation, et j’avais le niveau
nécessaire pour suivre les cours de l’Ecole de l’Air. Je crois pourtant que mon engagement
n’a été accepté que parce qu’on pensait que j’allais échouer aux examens… Mais j’ai réussi.
Et comme tous les autres élèves, j’ai été Déménagé l’an dernier.
– Cependant, l’affectation à la Chasse n’allait pas de soi ?
– Exact. Seulement, je me suis classé deuxième de ma promotion. Et j’ai donc eu le choix…
– Vous pensiez être bien reçu par vos camarades d’escadrille ?
– Je ne me faisais aucune illusion. A l’Ecole de Chasse, à Meknès, cela n’avait déjà pas été
facile. Mais j’ai tenu. J’ai eu la chance d’avoir avec moi un ami d’enfance, Albert Benamou.
– Ah, un… Pied-Noir, c’est ainsi qu’on appelle les colons, n’est-ce-pas ?
– Oui, mais Albert n’est pas un Pied-Noir. C’est un Juif. Ses ancêtres vivaient déjà en Algérie
au XVe siècle, ou peut-être avant. Je ne crois pas qu’on puisse encore parler de colons, non ?
D’ailleurs, bien qu’on leur ait donné la nationalité française en 1870, certains parlent encore
de Juifs indigènes. Quoi qu’il en soit, nous avons réussi ensemble, malgré les préjugés.
– Et vous pensez un jour être vraiment accepté ?
– Oh oui, j’en suis certain !
– Certain ?
– Oui, ce sera chose faite dès que j’aurai abattu cinq Allemands et que je serai un As.
– Je ne veux pas être désagréable, mais…
– Si je me fais tuer avant ? Alors je serai accepté aussi, et peut-être mieux encore, même si
seuls mes successeurs en profiteront.
– Je vois… Et si tout va bien pour vous, vous espérez faire carrière dans l’Armée de l’Air ?
– Si je sors vivant de la guerre, vous voulez dire ? J’espère devenir le premier Chef d’Etat-
Major… de la Force Aérienne Algérienne. Oh, non, je vous en prie, n’écrivez pas cela, je
vous en prie.
De fait, ce dernier échange ne figure pas dans l’article envoyé par Bill Clifton à New York. Il
a été retrouvé après la guerre dans ses notes, chez sa logeuse à Alger.

10 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Le capitaine Challe conduit une patrouille de 6 avions sur le mont Cinto, mais ne peut
empêcher un dur bombardement qui détruit le radar anglais. En consolation, il ramène dans sa
gibecière un 109 (abattu par Durand) et un Stuka qui sera compté « collectif » car tout le
monde l’a tiré…
Vers 13h15, la vigie nous signale une grosse formation ennemie. Décollage en catastrophe de
12 avions conduits par le commandant Thibaudet, qui intercepte une trentaine de Heinkel 111
escortés par autant de Bf 110. Les chapelets de bombes mettent à mal les derniers hangars
encore debout, mais 3 Heinkel et 3 Bf 110 vont au tapis pour une seule perte, qui se parachute
sain et sauf. Alors que nos avions rompent le combat, ils sont attaqués par une bonne
douzaine de 109 qui commettent l’erreur de vouloir manœuvrer. Cabaret en descend un et
Albert un autre, tandis que Madon se fait endommager. Le 109 de Cabaret percute en mer,
mais celui d’Albert a le temps d’évacuer et tombe au beau milieu de la base. Il se rend à
l’adjudant du groupe qui a eu le temps de se saisir d’un Lebel qui traînait par là. Bonne prise,
c’est un des Staffeln-Kapitan du JG 27.
Par contre, il s’avère bien différent de l’autre pilote : arrogant et sûr de lui. Un peu de Sahara
l’amènera à de meilleurs sentiments. On s’en sépare sans regrets vers les 16 heures quand la
Gendarmerie vient le chercher pour l’emmener sur Ajaccio.
Par contre, nous sommes à 13 avions, dont 12 opérationnels, quand Ajaccio nous rend le D-
520M de Durand propre comme un sou neuf (celui qu’il avait mis en pylône…).

Opération Merkur – Préludes


Corse – Le radar britannique d’alerte avancée installé près du Monte Cinto est totalement
détruit par des Ju 87 après trois jours d’attaques répétées.

11 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Rien à signaler, sauf une attaque en rase-mottes de la part de 8 Ju 88 dont la majorité des
bombes n’explose pas, mais qui perdent un des leurs touché par la DCA (chanceuse…) et qui
va s’écraser dans le port, devant la citadelle.
Cependant, le terrain est vraiment trop troué et trop exposé. On part en fin de journée pour
Ajaccio. L’échelon roulant nous suivra dans la nuit.

L’offensive des sous-marins alliés


Bastia – Le commandant Alliou fait prendre le chemin d’Alger à sa Galatée, le sous-marin
endommagé deux jours plus tôt par un bombardement aérien. Il y parviendra, en surface et par
étapes, mais en vain : une fois les dégâts évalués, l’Amirauté décidera de ne pas faire réparer
la Galatée mais de la placer, comme la Sirène, en réserve spéciale, afin d’en user comme
d’une réserve de pièces et matériels divers. La 19e DSM sera dissoute et sa dernière unité,
l’Argonaute, bien que n’étant pas un mouilleur de mines, est agrégée à la 21e DSM.
De son côté, le CC Alliou se verra nommé commandant d’une des nouvelles corvettes, le
Sabre, avec laquelle il ira faire des patrouilles ASM et des escortes de convois dans
l’Atlantique depuis Casablanca ou Dakar.

Penser aux Débarquements


Maracaibo, Vénézuéla – Le pétrolier Tasajera est réquisitionné pour conversion en LST.

12 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Retour à Campo-dell’Oro. On récupère dans la journée l’avion de Madon, enfin réparé, et on
touche 4 nouveaux D-520M en provenance d’Alger. Le groupe se retrouve à 18 avions avec
un moral au beau fixe. Par ailleurs, on retrouve le III/3 en provenance de Bastia. Pour eux
aussi, c’était intenable.
Deux patrouilles dans la journée, dont l’une au-dessus de Sainte-Catherine sous le
commandement du lieutenant Cabaret. Notre ancien terrain a subi deux nouveaux raids et
ressemble vraiment à un morceau de gruyère.

Opération Merkur – Préludes


Méditerranée occidentale – L’énorme supériorité aérienne allemande sur le “front des îles”
commence à produire son effet. En Corse, les aérodromes de Calvi-Sainte-Catherine, Bastia-
Poretta et Ghisonaccia sont neutralisés ; Ajaccio (Campo dell’Oro), son annexe de Propriano
(Tavaria) et Figari restent seuls opérationnels (Solenzara n’est encore qu’en construction). En
Sardaigne, Decimomannu est durement touché, une seule piste reste utilisable.
En revanche, si des raids quotidiens se poursuivent sur Malte, ceux sur Tunis se raréfient, leur
fréquence tombant à un bombardement tous les deux ou trois jours.

13 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Escorte de bombardiers (des LeO-45) qui s’en vont attaquer les aéroports Italiens dans la
région de Grosseto. Le bombardement est assez réussi, mais il y a beaucoup de flak et
beaucoup de chasse. L’escorte est en partie fournie par la 3e Escadre, qui contribue à hauteur
de 34 avions (12 du I/3, 12 du II/3 et 10 du III/3). L’affaire est chaude. Nous ne perdons
qu’un avion et Albert et Challe tirent chacun un Bf 109. Les deux autres groupes ont des
pertes plus lourdes.

Opération Merkur – Une tentative de contre-attaque aérienne


Méditerranée occidentale – Ce jour restera pour l’Armée de l’Air le “13 maudit” : espérant
profiter de la surprise pour limiter la réaction de la Luftwaffe, une centaine de bombardiers
français sont lancés dans une tentative téméraire pour attaquer les terrains de l’Axe dans la
zone Viterbo-Grosseto. Le bombardement est relativement réussi : les pistes et installations
subissent des dommages assez sévères ; mais les bombardiers sont durement châtiés par la
flak et les chasseurs. Sur 45 LeO-451 engagés, 14 sont perdus (dont 9 du fait de la flak) et 17
trop endommagés pour être réparés. Sur 45 DB-7, 15 sont perdus (dont 8 du fait de la flak) et
21 trop endommagés pour être réparés. Douze chasseurs d’escorte (sept Potez-631 et cinq D-
520) sont abattus.
Les défenseurs ne perdent que neuf Bf 109 et deux Bf 110.

14 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Le groupe est en alerte toute la journée, mais rien ne vient.
Vers 13h, on demande « Deux pilotes, bons tireurs » pour escorter un MB-174. Le
Commandant désigne le capitaine Challe et Albert, mais la mission se fait sans casse. Par
contre, au retour ils nous annoncent que la côte italienne est pleine de bateaux.

Opération Merkur – Préludes


Méditerranée occidentale – Les opérations offensives de l’Axe connaissent une courte trêve,
pour réorganisation et ravitaillement. Les avions de reconnaissance du GR II/33 détectent une
concentration de petits bâtiments sur la côte italienne et autour de l’île d’Elbe.

15 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Une patrouille de 6 avions intercepte au-dessus de Calvi un gros raid Boche et descend un
Heinkel 111 et un Bf 110.
Dans l’après-midi, un dispositif mixte (6 avions du I/3 et 6 avions du II/3) interceptent un raid
sur Ajaccio. Dans la bagarre, le commandant Thibaudet et le capitaine Challe descendent
chacun un 109 tandis qu’Albert, qui flingue à tout va, descend un Heinkel et un Bf 110. Nous
perdons un avion, mais son pilote se parachute sans casse. Ce trompe-la-mort est Pierre Salva,
qui s’était déjà fait descendre le 16 juin 1940 – mais, bien qu’il ait dû se poser en territoire
occupé, il avait réussi à rejoindre nos lignes. Autant dire que pour lui, cette fois, c’était
facile !

Opération Merkur – Préludes


Méditerranée Occidentale – Reprise des attaques de la Luftwaffe contre les terrains de
Corse et de Sardaigne. Le Xe Flieger Korps et la Regia Aeronautica attaquent Malte, mais
Tunis est épargné aujourd’hui.

Le chemin des Balkans


Athènes – La visite d’Anthony Eden est couronnée de succès : le gouvernement grec accepte
de s’allier avec la France et le Royaume-Uni ! Les accords signés par Anthony Eden, Roland
de Margerie et le Premier ministre grec, Alexandros Koryzis, prévoient une prochaine
déclaration de guerre à l’Italie et une offensive des troupes grecques en Albanie.
L’entrée en guerre de la Grèce est l’aboutissement de longs mois d’efforts de la part des
diplomaties alliées pour créer un front balkanique et empêcher la Yougoslavie, la Grèce et la
Turquie de céder aux pressions de l’Axe, l’une après l’autre, sans combat. Nul doute
néanmoins que sans les victoires alliées en Libye et dans le Dodécanèse, témoins à la fois de
la faiblesse de l’armée italienne et de la détermination des Alliés, les Grecs n’auraient jamais
osé franchir le pas, même si Koryzis (comme Metaxas l’était avant lui) est persuadé qu’ils ne
feront là que devancer Mussolini… La promesse de la réunion à la Grèce des îles du
Dodécanèse a aussi beaucoup compté. Avant que, dans le cadre du règlement du conflit, un
référendum n’entérine ce changement de nationalité de l’archipel, Grecs et Alliés
s’emploieront à le rendre inévitable par diverses mesures (ouverture du recrutement militaire
grec aux volontaires de Rhodes et des autres îles avec attribution de la nationalité grecque à
ces volontaires et à leurs familles, installation d’une administration civile grecque doublant
l’administration italienne pour prendre en charge ces nouveaux citoyens grecs, floraison
spontanée de drapeaux grecs…).
Sur le plan strictement militaire, des contacts secrets sont intervenus tout au long de l’hiver, à
Athènes ou au Caire, entre gouvernements et entre états-majors, pour préparer l’entrée des
Grecs dans le conflit. Les Alliés et surtout les Britanniques ont promis un soutien
d’envergure. Soucieux de trouver une zone d’engagement direct contre l’Axe et d’employer
utilement les unités d’Australie et de Nouvelle-Zélande qui se morfondent loin de chez elles,
Churchill s’empresse de prendre la direction des opérations en Méditerranée Orientale, tandis
que les Français sont d’abord préoccupés des actions de l’Axe dans le bassin occidental. Des
officiers anglais ont accompli plusieurs missions secrètes en Crète et en Grèce continentale,
pour repérer les terrains d’aviation utilisables, identifier les ressources logistiques locales et,
par différence, les besoins qu’il faudra couvrir de façon indépendante. Dès le début de février,
des unités au sol de la RAF ont commencé à débarquer discrètement en Crète puis sur le
continent en vue du rapide déploiement de squadrons de chasse et de bombardement. Un plan
d’acheminement de forces terrestres du Commonwealth a été étudié et les premières unités
prévues sont mises en alerte le jour même en Egypte en vue de leur rapide départ pour la
Grèce dès le début des hostilités.
Sans attendre celui-ci, dès la signature des accords d’Athènes, la 39e Escadre Mixte française
s’envole pour la Crète et le transfert d’unités de la RAF vers la Grèce continentale commence,
le tout dans le plus grand secret.
Dans le même temps, l’Armée de l’Air fait don à la Force aérienne royale grecque de ses
derniers Bloch 152/155 (six à dix avions selon les sources) et de pièces détachées pour ces
types. La Grèce dispose en effet déjà de neuf MB-151, sur les 25 commandés en décembre
1939. Les MB-152/155 seront affectés à la 24e Mira (Groupe), basée sur le terrain de
Thriasson Eleusinos pour défendre Athènes et le Pirée.

16 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Le groupe est en alerte toute la journée et monte deux sorties, l’une à 6 avions et l’autre à 8
avions contre des raids sur le nord de la Corse. La seconde formation rencontre l’ennemi et
abat 2 Ju 87.
Par contre, il est impossible d’escorter les MB-174 du GR II/33, dont 2 reviennent se poser à
Ajaccio dans un très sale état.

Opération Merkur – Une tentative de contre-attaque navale


Méditerranée occidentale – Peu après minuit, un groupe de combat de surface français
composé des croiseurs légers La Galissonnière et Jean-de-Vienne et des contre-torpilleurs
Volta, Mogador, Le Fantasque, L’Audacieux et Le Terrible entre en mer Tyrrhénienne et
bombarde Porto Ferraio (île d’Elbe), détruisant une partie de la flottille de débarquement qui
s’y trouve concentrée.
Au matin, alors que les sept bâtiments traversent à grande vitesse les Bouches de Bonifacio,
ils sont attaqués par des Stukas mais parviennent à s’échapper sans graves dégâts. Le Volta est
cependant endommagé par deux near-miss et envoyé à Oran pour réparations.
Dans l’après-midi, trois Bloch 174 du GR II/33 tentent d’évaluer les effets de l’attaque
navale, mais sont interceptés par des Bf 109F. Deux sont abattus, le troisième, gravement
endommagé, parvient à rentrer. Son pilote, le commandant Antoine de Saint-Exupéry, est
grièvement blessé. Opéré à la clinique Saint-Georges d’Alger, il est sauvé de justesse.

17 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Des parachutistes allemands se sont posés dans la nuit à Calvi et on nous demande d’aller
voir. Une patrouille décolle à 7h30, emmenée par le capitaine Challe, et confirme la nouvelle.
Il y aurait aussi des planeurs ennemis.
Une autre patrouille décolle à 9h avec 6 avions pour escorter 6 LeO-451 qui vont bombarder
Calvi. Arrivée sur place, elle tombe sur une grosse activité aérienne ennemie et descend 2
Ju 52 et 2 Bf 110, sans pertes. Les bombardiers, que tout le monde (sauf les troupes au sol) a
oubliés, bombardent notre ancien terrain et ajoutent aux destructions.
À 11h, un élément de 4 avions repart pour Calvi, mais tombe sur une nuée de 109, dont il a
bien du mal à se dégager. Albert en tire un, mais ne peut le suivre dans son piqué.
Le reste de la journée, le groupe est en alerte, mais rien ne vient.

Méditerranée Occidentale – Peu après minuit, quatre des six vedettes lance-torpilles
françaises basées à La Maddalena partent patrouiller par paires sur la côte orientale de la
Corse (VTB 32 et 34) et au large de la pointe nord de la Sardaigne (VTB 35 et 36). Les deux
patrouilles se heurtent rapidement à plusieurs MAS des Ière et IIe flottilles, qui opèrent de l’île
d’Elbe et des ports alentour. Inférieures en nombre, les VTB doivent se replier avec de légers
dégâts et quelques blessés.

Opération Merkur
A l’aube, la Corse et la Sardaigne sont envahies par la voie des airs par les troupes de l’Axe.
L’opération Merkur est lancée !

Les forces en présence


L’Axe a décidé d’engager la totalité de ses forces aéroportées, soutenues par des troupes
d’assaut d’élite. L’effectif total dépasse 150 000 hommes.
Le général Kurt Student dirige les opérations en Corse et le général Ugo Cavallero en
Sardaigne. Cavallero est chef d’état-major général des forces italiennes depuis qu’il a
remplacé Badoglio, en novembre 1940, mais « pour libérer le territoire de la Mère Patrie »,
il a décidé de prendre personnellement le commandement de « l’opération Esigenza C2
(Mercurio-Sardegna) » 3. En réalité, le commandement sur le terrain sera assuré par le général
d’armée Pietro Pintor, Cavallero ne quittera pas Rome.
– L’assaut initial est lancé par des troupes aéroportées.
Le FliegerKorps XI du général Kurt Student, Kommandierender General der
Fallschirmtruppe, totalise 24 000 hommes appartenant à la 7e Division Aéroportée (7. Flieger-
Division, Generalleutnant Wilhelm Süssmann), à la 22e Division Aérotransportée
(22.LuftlandInfanterie-Division, Generalleutnant Hans von Sponeck) et à la 5e Division de
Montagne (5.Gebirgs-Division, Generalmajor Julius Ringel) (voir appendice 1).
S’y ajoutent la 1ère Division Parachutiste italienne 4 (général Enrico Frattini) et la 80e DI
(aérotransportée) La Spezia (général Quirino Armellini). La formation de ces deux unités a été
poursuivie à marche forcée depuis six mois. Elles rassemblent 16 000 hommes.
Les unités aéroportées allemandes vont prendre place à bord de 500 Ju 52 et sur des planeurs
(ces appareils forment les Kampfgruppen zbV). Les Italiens ne disposent que de 150 avions à
peine, pour la plupart d’anciens bombardiers (SM.81 Pipistrello) et d’ex-avions civils (Fiat
G.12) plus ou moins adaptés à leur tâche.
– Des troupes transportées par mer vont renforcer les aéroportés.
L’OKW a désigné le XXXXIX. Gebirgs-Armeekorps du Generalfeldmarschal Kübler (30 000
hommes), composé de la 5e Division d’Infanterie légère (5.LeichteDivision [Infanterie],
Generalmajor Karl Allmendinger), de la 4e Division de Montagne (4.Gebirgs-Division,
général des troupes de montagne Karl Eglseer) et d’éléments de la 52e Division d’Infanterie
(52.ID, Generalmajor Max Sümmermann). Des éléments de la 5.Panzerdivision
(Generalmajor Gustav Fehn) ont été prépositionnés sur l’île d’Elbe, d’où ils sont prêts à être
transportés vers la plaine orientale de Corse.
Le Regio Esercito a sélectionné six grandes unités italiennes (82 000 hommes). Le Corpo
[d’Armata] Speciale d’Intervento Rapido (CSIR) 5, commandé par le général de corps
d’armée Vittorio Sogno, compte trois divisions : 1ère DI de Montagne Superga (général Dante
Lorenzelli), 4e DI de Montagne Livorno (général Benvenuto Gioda) et 44e DI Cremona

3
Les Italiens, qui parlent bien sûr de Mercurio et non de Merkur, ont donné à l’attaque de la Sardaigne le nom
d’opération Esigenza C2.
4
Cette division était camouflée sous l’appellation “185e Division de Chasseurs du Piémont” (Cacciatori di
Piemonte). Elle est plus connue sous le nom de Folgore, qui lui sera conféré après l’opération Mercurio.
5
Cette dénomination devait tromper les services de renseignement alliés, lesquels crurent en effet que les unités
du CSIR devaient être transformées pour devenir motorisées, alors qu’elles s’entraînaient à débarquer.
(général Nino Sozzani) 6. Le XVIe C.A. du général Antero Canale compte deux divisions, la
26e D.I. de Montagne Assietta (général Giulio Perugi) et la 54e D.I. Napoli (général Renato
Coturri) 7. S’y ajoutent quatre bataillons de CC.NN. (les XLII° Vicenza, XLIII° Belluno, L°
Treviso et LX° Pola), constituant le Groupement spécial de débarquement de Chemises
Noires commandé par le consul général 8 Santi Quasimodo. De plus, la division blindée Ariete
(général de division Ettore Baldassare) est en alerte, attendant d’aller appuyer la reconquête
de la Sardaigne.
Transporter la force de débarquement naval exige un certain contrôle de la Méditerranée
occidentale. Si la Regia Marina va tenter de prendre une revanche sur les Alliés, les
Allemands ne lui font guère confiance. Ils ont décidé de faire passer des U-boots en
Méditerranée, mais le détroit de Gibraltar est bien gardé par des patrouilles de la Royal Navy
et de la Marine Nationale, et il est clair que le taux de pertes sera élevé et il faudra de toute
façon se passer de leur appui pour Merkur. Une flottille de S-boots a été envoyée en
Méditerranée par les canaux fluviaux, mais en raison de la dimension de ces canaux, seuls
huit bateaux des groupes S6 et S10 ont pu passer au moment où commence Merkur.
Par ailleurs, l’Axe manque de véritables navires de débarquement et de transports en général.
La plupart des troupes devront être transportées sur de petits caboteurs ou à bord de
destroyers et de torpilleurs. Les Allemands vont même utiliser une centaine de péniches
fluviales (françaises pour la plupart, mais aussi belges et hollandaises), transformées en
bateaux de débarquement improvisés 9.
………
Face aux troupes d’élite de l’Axe, la défense de la Corse relève du Détachement d’Armée de
Corse, commandé par le général Montagne. Il comprend la 81e Division d’Infanterie
d’Afrique (général Arlabosse), qui couvre Bastia, sauf son 9e régiment de tirailleurs algériens,
déployé entre Aléria et Solenzara ; le Secteur Défensif de Corse (général Mollard), dont les 10
bataillons défendent les différentes plages propices aux débarquements, surtout dans le sud de
l’île, avec une maigre réserve à Corte ; 3 compagnies autonomes de chars (deux de vieux FT-
17, une de R-35), déployées respectivement à Bastia, Ajaccio et Solenzara ; enfin le I/104e
Régiment d’Artillerie Lourde (12 canons de 155 GPF) à Bastia.
La défense de la Sardaigne relève du Détachement d’Armée de Sardaigne, commandé par le
général Audet (voir appendice 2). Il comprend la 83e Division d’Infanterie d’Afrique (général
Vergez), la 9e Division d’Infanterie Coloniale (général Pellet), deux compagnies de vieux FT-
17 et le II/104e bataillon d’Artillerie Lourde (12 canons de 155 GPF).
Les différents aérodromes sont défendus par une DCA assez importante (pour l’époque).

Le début des opérations

6
L’état-major du Regio Esercito avait un moment envisagé de reconstituer les deux divisions sardes détruites en
septembre 1940 au sein du CSIR. Mais un esprit prudent avait fait remarquer que cela dévoilerait l’objectif du
Corps Spécial. On décida alors de ne reconstituer qu’une division, l’autre (et le défunt XIIIe C.A.) devant l’être
après la reconquête. La 30e Sabauda fut donc remise sur pied avec des soldats sardes servant jusqu’alors dans
diverses unités (et un complément de recrues extérieures à la Sardaigne). Finalement, pour plus de sûreté, la
Sabauda, camouflée sous l’appellation “D.I. de marche Chiablese” (Chablais), fut remplacée par la Cremona.
7
Empruntée au XIIe CA, en Sicile.
8
Grade de la Milice Volontaire pour la Sécurité Nationale (MVSN) correspondant à celui de général de brigade.
9
Ces péniches avaient été transformées en 1940 pour donner quelque réalité à la préparation de l’opération
Seelöwe, le supposé débarquement en Angleterre.
En Corse, les premiers parachutistes et planeurs allemands ciblent Calvi, Bastia et
Solenzara 10. En Sardaigne, des unités aéroportées allemandes et italiennes descendent sur
Olbia, Decimomannu et Cagliari. Cette première vague est un succès partiel.

Corse – Les troupes chargées d’attaquer Calvi commencent mal : la courroie de remorquage
du planeur du général Süssmann, leur chef, se rompt au-dessus d’Elbe et l’appareil s’écrase.
Süssmann est brillamment remplacé par le général Alfred Sturm et l’assaut réussit : les
Fallschirmjägers repoussent les défenseurs (une compagnie du VIII/373e DBIA) et s’emparent
de l’aérodrome. Dans l’après-midi, des Ju 52 peuvent s’y poser, chargés de renforts.
A Bastia-Poretta, en revanche, le parachutage échoue ; les assaillants sont dispersés et
anéantis par le 1er RTA.
A Solenzara enfin, les paras allemands sont repoussés hors du périmètre de l’aérodrome en
construction, mais réussissent à se maintenir dans la plaine malgré une contre-attaque du II/9e
RTA soutenue par neuf vieux chars légers R-35. En effet, les hommes du général Meindl
disposent de canons sans recul et détruisent sept des R-35, complètement surpris par ces
armes.
Le général Montagne sait que ses réserves sont insuffisantes pour garantir l’écrasement des
deux têtes de ponts ennemies : il demande immédiatement des renforts à Alger.
………
Près de Savone, 08h15 – Les croiseurs légers Alberto di Giussano et Alberico da Barbiano
(4e division de croiseurs) 11, accompagnés par les grands contre-torpilleurs Luca Tarigo et
Emanuele Pessagno (16e escadrille) ont été détachés du gros des forces de l’amiral Sansonetti
pour venir charger dans ce port ligure un millier de soldats de la 5e Division de Montagne
allemande avec leur équipement, prévus pour renforcer la tête de pont de Calvi. Cette force
légère est commandée par le chef de la 4e division, l’amiral Marenco di Moriondo, dont la
marque flotte sur le Da Barbiano.
Alors que Savone n’est plus très loin, le Pessagno touche une mine posée des semaines
auparavant par le sous-marin MN Perle (LV Robert Bourgeois 12). Il peut être remorqué dans
le port (réparé, il sera de nouveau disponible fin septembre 1941). La mission se poursuivra
sans lui, chacun des trois autres navires embarquant davantage de passagers.

Opération Esigenza C2 – Sardaigne sud


Entre 02h30 et 04h30 – Les sous-marins Leonardo da Vinci, Brin et Pietro Micca 13
débarquent des commandos italiens, prélevés sur le régiment de fusiliers marins San Marco 14
et sur les légions de Chemises Noires Belluno et Pola, en trois points des côtes sud de l’île : le
golfe de Gonnesa (non loin d’Iglesias), Pula (au sud-ouest de Cagliari) et Quartu Sant’Elena.
Un quatrième commando, formé d’hommes de la légion Vicenza, doit agir dans le nord-
ouest : le sous-marin Finzi (CC Alberto Dominici) le transporte jusqu’à Porto Ferro, baie d’où

10
Les avions de reconnaissance allemands ont constaté qu’un aérodrome était en construction à Solenzara,
auparavant plutôt réputé pour ses marécages malsains. Les Alliés ont en effet décidé d’améliorer les
infrastructures aéronautiques de la Corse pour préparer une offensive aérienne contre l’industrie italienne. Au
moment de l’attaque, l’aérodrome n’est pas terminé, mais bien assez avancé pour être utilisé par des avions pas
trop exigeants.
11
Classe Condottieri, 1er groupe.
12
Passé, depuis cette mission de mouillage de mines, au commandement du 1 100 tonnes Phoque.
13
Commandés respectivement par les CC Ferdinando Calda et Luigi Longanesi Cattani et par le CF Alberto
Ginocchio. Longanesi Cattani et Ginocchio ont dû éviter les champs de mines anti-navires et anti-sous-marins
ex-italiens du golfe de Cagliari et de ses abords, remaniés par les Français.
14
Le bataillon Bafile et un commando détaché du bataillon Grado seront engagés dans les opérations du 17.
il pourra agir vers Porto Torres ou Sassari, voire Alghero. Une fois à terre, les hommes se
dirigent en silence vers leurs objectifs : lignes téléphoniques, ponts, postes militaires.
Cagliari, 05h15 – La force aéroportée italienne arrive par l’intérieur, en survolant le mont
Serpeddi, pour contourner la surveillance côtière 15. Les parachutistes et planeurs se posent à
l’est des terrains d’aviation d’Elmas (à la sortie nord-ouest de la ville) et Decimomannu (à
une douzaine de km d’Elmas au nord-ouest). Ceux d’Elmas, commandés par le général
Frattini en personne, enjambent la voie ferrée et tentent sans succès de percer jusqu’aux
hangars des avions ; l’intervention rapide du 20e RIC (colonel Magnan) les contraint à un
difficile combat de rues dans le bourg d’Elmas, vidé de sa population civile et transformé en
cantonnement français. Les attaquants de Decimomannu, dont fait partie un détachement
allemand commandé par le colonel Ramcke (détaché auprès de la 1ère Division Parachutiste
comme expert en artillerie parachutiste), ont plus de succès, n’ayant en face d’eux que des
territoriaux et le personnel au sol de la base : ils s’emparent d’une des pistes, réparée
sommairement par les Français après le bombardement du 12, et du principal poste de DCA.
Un groupe, largué trop loin d’Elmas, s’infiltre dans les petites rues de Su Planu vers un
objectif secondaire : la caserne du château San Michele.
06h00 – Le jour se lève sur la bataille. Plusieurs vagues de bombardiers italiens frappent le
fort Sant’Elia et les cantonnements français des environs de Cagliari, freinant l’acheminement
des renforts. Quelques avions d’aviotrasportati arrivent à se poser à Decimomannu, mais dans
un terrain boueux d’où il leur est impossible de redécoller, alors que leur programme
prévoyait plusieurs navettes. Les Italiens ont pu détruire au sol les deux seuls Martin 167 dont
l’état n’avait pas permis l’évacuation 16. Des combats acharnés se déroulent autour du bourg
d’Elmas et de San Michele.
06h40 – Une force italienne de 75 appareils attaque la base française de Villacidro. Surpris,
les Hawk-75 du GC III/2 qui décollent sur alerte perdent deux appareils. Les bombardiers
Douglas DB-7 et leur escorte ont décollé vers Cagliari avant l’attaque. A Cagliari même, deux
raids d’une cinquantaine d’appareils attaquent les forts de Sant’Elia et de San Michele avec
un succès mitigé (Bonara, trop proche du centre-ville, est épargnée). Sur l’ensemble des
actions aériennes de ce début de matinée, les Italiens perdent une dizaine d’appareils.
Une partie de l’artillerie des forts (les 75 de Bonara et San Michele) commence à pilonner
Elmas. Les canons de Sant’Elia (un détachement de 155C du 67e RAA et quelques 105
italiens récupérés) ne sont pas en position pour tirer vers l’intérieur, et Audet hésite à les
déplacer tant qu’il peut craindre l’apparition de la flotte italienne.
06h50 – Les DB-7 venus de Villacidro, escortés par des Potez 631 du GC I/13, font leur
apparition dans le ciel de Decimomannu et sont immédiatement accrochés par les chasseurs
italiens, perdant deux avions. Au même moment, le dépôt de carburant explose et souffle un
avion d’observation italien. Les bombardiers français profitent du nuage pour fausser
compagnie à la chasse italienne, cette fois en direction de l’AFN.
07h00 – Des avions italiens lâchent des tracts invitant la population à se soulever contre
l’envahisseur français. Ils ont peu d’effet sur les habitants terrorisés, qui, craignant une
réédition des combats de septembre, commencent déjà à fuir la ville. Mais la panique ajoute à
l’encombrement des routes, et les Français perdent beaucoup de temps du fait des fausses
alertes sur leurs arrières. Les commandos navals débarqués près d’Iglesias, Pula et Quartu
Sant’Elena contribuent, par leurs sabotages et embuscades, à cette dispersion des forces 17.

15
Cette approche sera imitée plus tard par les Japonais à Pearl Harbor.
16
Les autres M-167 étaient déjà partis pour l’Afrique, tandis que les Hawk 75 ont été répartis entre Elmas et
Alghero.
17
Les deux premiers seront récupérés par mer la nuit suivante, le troisième, repoussé vers la montagne, devra se
rendre le 21.
08h20 – Les derniers parachutistes de Su Planu se rendent. Les Français sont très surpris de
les entendre parler italien, alors qu’ils croyaient jusque là avoir affaire à des Allemands 18.
Les rumeurs de parachutistes embusqués et de “cinquième colonne” vont tenir les Français en
haleine pendant toute la journée et causer plusieurs morts et blessés par tirs amis.
09h00 – Faisant suite à plusieurs bulletins martiaux de la radio romaine, un discours du Duce
annonce « l’avance victorieuse » des forces italiennes et le « soulèvement en masse » de
l’intrépide Sardaigne. Il faudra plusieurs heures aux Français pour se convaincre que le
« César de carnaval » s’est livré à une de ses exagérations habituelles.
11h00 – Les parachutistes d’Elmas sont dans une situation critique et ne tiennent plus qu’une
petite poche dans les ruines du bourg.
12h05 – Nouveau bombardement aérien italien, le plus violent de la journée, sur les lignes
françaises autour de Decimomannu et Elmas, tandis que les canons de 75 des forts continuent
à tirer sur les hommes de Frattini, ainsi que deux des 155 de Sant’Elia qui ont finalement été
déplacés. Un parachutage de munitions sur Decimomannu est tenté en même temps, mais la
poche est trop étroite et la DCA française trop active pour permettre une précision
convenable : la plupart des conteneurs se perdent hors des lignes italiennes.
Le II/5e RTS arrive de Carbonia par chemin de fer et complète l’encerclement de
Decimomannu.
15h40 – Le général Pellet, revenu en hâte d’Oristano en hydravion, tente de reprendre
Decimomannu. Des éléments des 20e RIC et 5e RTS, soutenus par des troupes de corps
d’armée, attaquent après une courte préparation d’artillerie ; ils sont repoussés, mais le
général commandant les parachutistes dans ce secteur est gravement touché. Audet, qui n’a
plus de réserves, annule un projet d’attaque sur Elmas.
Vers 16h00, ayant appris que l’attaque d’Olbia avait réussi, le colonel Ramcke, qui a pris le
commandement des troupes de Decimomannu, parvient à joindre le général Frattini, qui tient
encore à Elmas, et lui demande la permission de tenter de s’échapper avec quelques
volontaires si aucun secours n’arrive avant minuit. Frattini lui répond, de façon lapidaire :
« Nous sommes frits. Faites ce qui vous semblera bon » 19.
17h30 – Dernier bombardement aérien. A la nuit tombante, Audet peut faire un premier
bilan : les aérotransportés, encerclés, ne semblent plus en mesure de percer, mais occupent de
solides positions défensives.

Opération Esigenza C2 – Sardaigne nord


Olbia, 05h30 – À l’aube, parachutistes et planeurs se posent dans de meilleures conditions
qu’à Cagliari et neutralisent rapidement les petits postes français. Le commandement français
croit d’abord à une simple diversion, car il a appris en même temps les attaques contre
Cagliari et contre la Corse : si les capacités d’assaut parachutiste des Allemands sont connues
et redoutées, elles ne sont pas extensibles à l’infini et l’on ne s’attend pas à voir les Italiens
mettre en ligne d’importantes forces aéroportées.

18
Les premiers messages échangés par les Français au début de la journée parlent presque tous de
« parachutistes allemands » ou, au mieux, « italiens et allemands ».
19
Le monument commémoratif érigé à Elmas par le gouvernement italien quelques mois plus tard traduira ces
propos dans un style plus imposant : « A la memoria degli ufficiali, sottufficiali e soldati de la divisione
paracadutista Folgore, già Cacciatori di Piemonte, caduti le armi alla mano in un aspro e imparo combattimento
nei giorni 17e 18 di febbraio 1941. Spargendo loro sangue senza risparmiarlo, hanno dato un fulgente esempio
di spirito di sacrifizio e di virtù militare [ecc.]. » A la mémoire des officiers, sous-officiers et soldats de la
division parachutiste Folgore, ci-devant Cacciatori di Piemonte, tombés les armes à la main dans un combat
âpre et inégal durant les journées des 17 et 18 février 1941. Versant généreusement leur sang, ils ont donné un
exemple éclatant d'esprit de sacrifice et de vertu militaire (…). »
En peu de temps, les attaquants, commandés par le général Armellini (80e DI aérotransportée
La Spezia) s’emparent de l’hydrobase de Venafiorita et du petit terrain d’aviation 20. Les seuls
appareils français présents (deux hydravions de reconnaissance CAMS 55 21) sont détruits sur
l’hydrobase. Les parachutistes occupent le bord de mer jusqu’au petit fleuve Padrogiano, qui
leur assure une protection à l’est, et déblaient les barbelés et autres obstacles.
D’autres détachements (dont une unité de sapeurs parachutistes allemands) se posent sur les
routes et voies ferrées qui entourent la ville et commencent à les miner. Ils s’emparent par
surprise du tunnel ferroviaire de Monti, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest.
Dans le même temps, les Chemises Noires de la légion Belluno, débarqués en canots, enlèvent
la batterie du cap Figari. Ils s’emparent des canons intacts, mais, à leur déception, il ne s’agit
que de 120 de marine italiens que les Français ont déplacé de l’archipel de la Maddalena.
Destinés à tirer contre la mer, ces canons ne seront d’aucun secours aux assaillants. Au moins,
cette menace écartée, le port de pêche de Golfo Aranci, au pied du cap Figari, offrira un
mouillage acceptable tant que le port d’Olbia ne sera pas dégagé.
De l’autre côté de la baie, le bataillon Bafile du régiment San Marco débarque sur la plage de
Porto Istana et attaque la batterie du cap Ceraso. Après un violent combat, les artilleurs
français ont juste le temps de neutraliser leurs canons de 155 avant d’être faits prisonniers.
06h10 – C’est au tour de la Regia Marina de jouer le rôle principal dans ce volet d’Esigenza
C2 (voir appendice 3). Veillée à peu de distance par la plupart des navires confiés à l’amiral
Luigi Sansonetti (six croiseurs sur huit et 18 destroyers sur 20) et couverte par des fumigènes,
la flotte de débarquement rassemblée par l’amiral Vladimiro Pini (commandant le
département de Basse-Tyrrhénienne) se déploie dans le golfe et des péniches commencent à
débarquer les premiers renforts à Golfo Aranci. Pendant ce temps, les croiseurs bombardent
les batteries d’artillerie françaises situées hors de la ville et préalablement repérées.
Les bombardements aériens vont se succéder par roulement tout au long de la journée,
empêchant les Français de regrouper leurs forces : cette tactique se révélera plus efficace que
les attaques massives lancées sur Cagliari.
………
Les Français réagissent lentement. La 83e DIA est en partie dispersée dans des petits postes 22.
Le 344e RI, complété par des unités de services à valeur combattante réduite est sa principale
unité sur place. Le général Vergez, qui commande la division, est gravement malade ; il garde
pourtant le commandement alors qu’il est physiquement de moins en moins en état de
l’exercer, ce qui semble avoir entravé les décisions des Français dans ces heures décisives 23.
Plusieurs fois au cours de la journée, ses subordonnés le verront parler au téléphone sans
qu’aucun son audible ne sorte de sa bouche.
06h40 – La ligne téléphonique du PC de Vergez est coupée. Elle sera rétablie et de nouveau
coupée à plusieurs reprises dans la journée. Les Français soupçonneront, sans véritable
preuve, l’action de saboteurs fascistes.
06h45 – Deux Ca.133 lâchent des tracts appelant la ville à se soulever. A Olbia, comme dans
toute l’île, les soldats et gendarmes français vont perdre un temps précieux à arrêter des
suspects et à poursuivre des groupes de saboteurs imaginaires ou réels. Autour de Sassari en

20
Ni les Français, ni, avant eux, la Regia Aeronautica n’utilisaient régulièrement ce terrain.
21
L’absence de vols d’observation français cette nuit-là provoquera de sévères critiques dans et hors du
CADAN.
22
Son secteur va de Sassari et Porto Torres, au nord-ouest, à Arbatax, sur la côte est, avec les postes côtiers des
caps Figari et Ceraso, qui commandent la baie d’Olbia et l’archipel de la Maddalena. En outre, plusieurs pièces
d’artillerie sont en révision à l’atelier de Sassari.
23
La santé de Vergez était gravement atteinte. Il avait secrètement demandé sa mise à la retraite dès janvier,
sans obtenir de réponse. Il quittera le service après son évacuation de Sardaigne et mourra en 1942, à 61 ans.
particulier, le 3e RTA est tenu en alerte pendant une partie de la matinée par les explosions et
les tirs des commandos de la légion Vicenza, retardant son déplacement vers Olbia 24.
07h28 – Une escadrille de Potez 63-11 venue d’Alghero bombarde la tête de pont d’Olbia,
sans grand résultat. Ce sera la seule action aérienne française au-dessus d’Olbia dans la
journée du 17, les trop rares Po-63-11 étant demandés un peu partout, y compris en Corse.
07h30 – Prévenues de ce qui se passe, les six vedettes lance-torpilles françaises sont ressorties
de La Maddalena et ont mis le cap vers Olbia. Elles n’auront pas l’occasion de s’approcher du
convoi de débarquement. Aperçues et ralenties par les MAS placées en flanc-garde près des
îles Soffi et Mortorio, au large du Golfo di Marinella, elles tombent ensuite sur une partie des
contre-torpilleurs de la force d’escorte à distance, soit la 7e division CT et les deux unités
restantes de la 16e (Da Recco, Usodimare). Rapidement, la VTB 33 est coulée par le Dardo.
Ne pouvant percer, les cinq autres VTB rebroussent chemin vers La Maddalena, poursuivies
par l’adversaire. En route, endommagée par les tirs du Da Recco ou de l’Usodimare, la VTB
36 doit se jeter à la côte un peu au sud du Capo Ferro : son équipage complètera sa
destruction en l’incendiant.
La mésaventure des vedettes dissuade l’amiral Donval, commandant de la Marine en Corse et
Sardaigne, de laisser les petits torpilleurs de la 13e division (Baliste, La Poursuivante, La
Bayonnaise), présents à Bonifacio, appareiller pour une sortie hasardeuse. Les faibles forces
navales françaises présentes en Corse et en Sardaigne ne seront engagées que dans le cadre
d’une réaction d’ensemble, dûment planifiée.
07h50 – Au nord-est d’Olbia, les troupes italiennes débarquées à Golfo Aranci, rencontrant
peu d’opposition, marchent vers la ville. Au sud-est, du côté français, le colonel Cortot, avec
des éléments du 7e RTS et des territoriaux, tente de reprendre le cap Ceraso, mais il est arrêté
par les tirs de la flotte italienne.
08h00 – Les torpilleurs Procione, Orione et Pegaso pénètrent dans l’étroit chenal du port lui-
même 25, communiquant par signaux optiques avec la tête de pont de Venafiorita. Ils
exécutent le seul bateau français présent, l’arraisonneur-dragueur Brochet 26, coulé par deux
obus de 100 mm. Les batteries françaises réagissent faiblement : certaines ont été quelque peu
matées par les bombardements, d’autres ont été déplacées pour tirer du côté de Golfo Aranci
et quelques-unes manquent de munitions,
08h30 – Sur le Padrogiano, le 92e RI Basilicata achève de débarquer et renforce les
aéroportés. Appuyés par le tir précis des torpilleurs, qui rend intenables les positions côtières
françaises, les Italiens donnent l’assaut au quartier de la Via Imperia, avec en tête les hommes
du 89e bataillon de Bersaglieri. Le général Quirino Armellini racontera (Diaro di Guerra,
Rome, 1946) qu’il avait choisi ces hommes parce que, outre leur valeur combative, leur
plumet caractéristique qui les fait reconnaître sans hésiter comme Italiens permettait d’espérer
un soutien de la population locale. La panique gagne les Français qui se croient la cible de
tireurs embusqués aux fenêtres 27 ; ils reculent jusqu’à la Fossa (la rivière d’Olbia) et la voie
ferrée, en laissant des dizaines de prisonniers.
10h55 – Un train de renforts du 3e RTA, venu de Sassari, déraille en arrivant au tunnel de
Monti : les parachutistes italiens ont coupé la voie. Les tirailleurs, craignant que le tunnel ait
été miné, contournent le tunnel par la route de Telti et continuent à pied en s’abritant comme
ils peuvent du mitraillage des avions italiens. Ce n’est qu’à 14h00 que l’on songera à leur
envoyer des camions et autobus d’Olbia.
24
Certains des hommes de la Vicenza seront capturés, tandis que d’autres, cachés par un grand propriétaire
d’Osilo, resteront tranquillement sur place jusqu’à l’arrivée des troupes italiennes.
25
Pour ne pas risquer l’embouteillage, le dernier torpilleur de la 4e escadrille, l’Orsa, est resté au large.
26
AD501, ex-chalutier italien Sogliola capturé lors de l’opération Marignan.
27
Ces tireurs semblent avoir été imaginaires. Les morts français dans ce secteur ont été pour la plupart victimes
d’obus de mortier et de mitraillages aériens.
15h15 – L’aviso rapide Diana dépose une batterie de quatre 65 mm du 80e RA avec leurs
caissons, leurs servants et les mototricycles qui les tractent, dans le port de pêche de Golfo
Aranci. Ce renfort, prévu initialement pour Cagliari, sera cependant bien utile aux forces
d’Armellini. En même temps, la 90e légion de Chemises Noires Pisa vient renforcer la tête de
pont du cap Ceraso et dégage la route côtière.
16h10 – Les Chemises Noires du cap Figari font leur jonction avec la tête de pont de
Venafiorita. Rassuré sur ses arrières, Armellini prépare l’attaque du centre-ville.
18h00 – Après une préparation d’artillerie aussi intense que possible menée par les mortiers
des parachutistes et les 65 mm, soutenus par les canons de la flottille de l’amiral Pini, les
Italiens prennent pied dans le centre-ville, où les incendies et la panique des habitants donnent
aux Français autant de soucis que les combats. Le général Vergez, craignant que les troupes
restantes se fassent encercler, ordonne l’évacuation de la ville pendant la nuit.

Baie de Calvi, 23h50 – Le croiseur lourd Dupleix (portant la marque de l’amiral Jacques
Moreau), les croiseurs légers Georges-Leygues et Montcalm et les contre-torpilleurs
Chevalier-Paul, Kersaint, Tartu et Vauquelin 28, bombardent le terrain de Calvi.

Diplomatie à l’allemande
Ankara – Suite à de multiples pressions allemandes et après la signature le 14 février d’un
pacte de non-agression entre la Bulgarie et les puissances de l’Axe, Ankara et Sofia signent
un traité de non-agression. Celui-ci stipule que la Turquie accepte de considérer que de futurs
mouvements de troupes allemands à travers la Bulgarie ne constitueraient pas un acte
d’hostilité. Le ministre des Affaires étrangères turc, M. !ükrü Saraco"lu, indique que « ce
modeste accord préviendra certainement de possibles complications dans les Balkans ». La
propagande allemande, triomphante, s’empresse d’exploiter l’événement, célébrant cette
« victoire de la diplomatie du Reich » qui « lève tous les obstacles dans nos relations avec la
Turquie » et « constitue un salutaire avertissement pour la Grèce ».
Cet accord provoque l’indignation de la Grèce et de la Yougoslavie et un commentaire
défavorable des Etats-Unis. Les protestations de la France et de la Grande-Bretagne – tout
aussi inefficaces – sont particulièrement amères. En effet, la signature de l’accord indique
bien un rapprochement sensible entre Ankara et Berlin, malgré les nombreux efforts
diplomatiques menés par les Alliés depuis 1939 en direction de la Turquie. Néanmoins,
Londres et Alger réaffirment leur confiance dans « les dispositions pacifiques » de la Turquie,
tout en avertissant la Bulgarie que « toute coopération militaire avec l’Allemagne risquerait
de la précipiter dans le conflit ».

Sofia – Dans la foulée de la signature de l’accord turco-bulgare, l’ambassadeur français en


Bulgarie est déclaré persona non grata. Il sera remplacé quelques jours plus tard par Charles
Pomaret, nommé par Laval, ce qui marque un nouvel échec de la diplomatie alliée dans les
Balkans. L’ambassadeur britannique à Sofia, Mr Rendel, est toutefois maintenu à son poste. Il
rapportera bientôt que la Bulgarie a ouvert des discussions informelles avec la Yougoslavie à
propos de leurs différends territoriaux.

18 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3

28
Les trois premiers de la 5e Division, le Vauquelin de la 9e (son équipier, le Cassard, est resté au port à la suite
d’une légère avarie de machines).
Dans la nuit, la Marine détruit 3 croiseurs italiens transportant des troupes et du matériel sur
Calvi. Un des nôtres est touché et une patrouille de 6 avions part pour l’escorter, mais ne le
trouve pas et rentre bredouille. On apprendra dans la soirée qu’un croiseur et un contre-
torpilleur ont été coulés par la Luftwaffe.
À 11h, une autre patrouille de 6 avions sous les ordres du commandant Thibaudet part
escorter des Glenn de Chasse qui font un carton sur les Ju 52 de transport. Elle se heurte à des
Bf 110 et en descend un sûr et un probable sans pertes.

Opération Merkur
Baie de Calvi, 00h25 – L’escadre française quittant la baie aperçoit trois bâtiments italiens
qui arrivent en sens inverse. Ce sont les trois navires du contre-amiral Marenco di Moriondo :
en tête, les croiseurs légers Alberto di Giussano et Alberico da Barbiano, suivis par le grand
destroyer Luca Tarigo. Ils doivent débarquer un millier d’hommes de la 5e Division de
Montagne allemande avec leur équipement.
Le Chevalier-Paul, qui ouvre la voie avec le Kersaint, signale l’ennemi et ne perd pas de
temps : il abat à toute vitesse sur tribord et lance ses torpilles sans ouvrir le feu au canon pour
ne pas donner l’alerte. Le Dupleix et les croiseurs légers, qui suivent en ligne de file,
commencent à arroser les Italiens d’obus de 203 et de 152. Le Di Giussano reçoit au moins
une torpille (sans doute deux) du Chevalier-Paul et plusieurs obus de 203 ; il n’a
pratiquement pas le temps de riposter avant d’être mis hors de combat. Le Da Barbiano, qui
répond au canon, reçoit deux torpilles du Kersaint tandis que les quatre contre-torpilleurs le
criblent d’obus de 138. Pendant que les deux croiseurs sombrent, le CF Pietro De Cristofaro,
commandant du Luca Tarigo, lui aussi en feu, choisit de foncer sur la ligne française et
parvient, avant d’être écrasé d’obus, à placer une torpille dans les flancs du Georges-Leygues.
Si De Cristofaro disparaît avec son bâtiment, l’amiral Marenco est parmi les survivants
italiens et allemands. Il échappera à la capture.
………
La même nuit, un convoi de l’Axe plus chanceux débarque des troupes et du matériel (dont
des chars légers Pz-35t) près de Solenzara. Un autre convoi dépose près d’Olbia des éléments
de la 1ère DI de Montagne Superga et de la 4e DI de Montagne Livorno, qui renforcent la tête
de pont italienne.
………
L’aube trouve le Dupleix, le Montcalm, le Vauquelin et le Kersaint loin au sud-ouest, hors de
portée des avions allemands, mais le Georges-Leygues, escorté par le Chevalier-Paul et le
Tartu, se traîne à 9 nœuds et est repéré par les reconnaissances ennemies. De 08h00 à 10h30,
les trois bâtiments sont attaqués par trois vagues de Ju 87 et Ju 88. Le Georges-Leygues est
touché par cinq bombes de 500 kg, trois autres tombant tout près ; il coule à 09h20. Le
Chevalier-Paul reçoit une bombe de 500 kg et deux de 250 kg ; il sombre vers 10h30. Le
Tartu parvient à repêcher les survivants et à s’enfuir sans mal.
………
Corse – Le général Montagne ordonne de contre-attaquer partout pour détruire ou au moins
réduire les deux poches allemandes. Arlabosse envoie le commandant de son infanterie
divisionnaire, le général de brigade Monsabert, à la tête de renforts, diriger l’offensive contre
Solenzara. Le 9e RTA, regroupé dans la nuit, passe à l’attaque à l’aube, mais ses troupes sont
bombardées de façon répétée par des Stukas venus d’Italie et mitraillées par des Fiat CR.42
italiens utilisés comme avions d’appui rapproché. Dans cette zone, ce sont même les troupes
de l’Axe qui reprennent l’offensive et, soutenues par les chars légers débarqués la nuit
précédente, reprennent pied sur l’aérodrome.
Autour de Calvi, les parachutistes allemands ont réussi à prendre le contrôle du port mais,
manquant des équipements et des renforts qu’amenaient les croiseurs italiens, ils sont
incapables de percer, que ce soit au sud vers Ajaccio ou au nord-est vers l’Ile Rousse, les
bouchons mis en place par le VIII/373e DBIA, renforcé d’heure en heure par des éléments
venus de Corte et Ajaccio.
Dans la journée, les avions de transport italo-allemands qui tentent de ravitailler leurs troupes
sont attaqués par des Maryland français utilisés comme chasseurs à long rayon d’action. Des
avions du 62e GB, partis d’Oran-La Sénia, font escale à Alger puis bombardent les troupes
allemandes dans la plaine corse ; mais au retour, ils sont interceptés par des chasseurs
allemands et perdent cinq des leurs.
………
Alger – L’état-major français a immédiatement décidé l’envoi de renforts en Corse. La 13e
DBLE du colonel Kœnig et la 27e Division d’Infanterie Alpine du général Lhuillier reçoivent
immédiatement leur ordre de mouvement vers les ports d’embarquement.

Sardaigne sud
Decimomannu, 00h30 – Ramcke et une vingtaine de volontaires franchissent les lignes en
profitant de l’obscurité. Ils vont marcher d’une traite jusqu’aux hauteurs du Piano Lasina.
06h30 – Au lever du jour, les Italiens qui tiennent la base demandent à parlementer : ils sont
prêts à se rendre s’ils ont l’accord du général Frattini, qui tient avec ses derniers hommes dans
les ruines d’Elmas.
Elmas, 07h10 – Frattini se rend au PC du général Audet et signe la reddition de toutes les
unités sous ses ordres « dans le secteur de Cagliari et Decimomannu » (ce qui omet
subrepticement le groupe Ramcke).
Cagliari – Le général Audet prépare le déplacement au nord de l’île de toutes les forces non
indispensables. Il croit possible de contre-attaquer avant que les Italiens n’aient renforcé leur
tête de pont. Il commence par transférer à Alghero, avec un crochet par les environs d’Olbia,
les hydravions rescapés des combats d’Elmas : la future contre-attaque aura d’abord besoin de
vols de reconnaissance.
Audet remanie aussi l’organisation de ses forces. Le général Pellet, chef de la 9e DIC, se voit
confier le secteur nord-ouest de l’île et les préparatifs de l’offensive. Vergez, dont l’état s’est
aggravé, est « mis en congé » et remplacé temporairement par son chef d’infanterie
divisionnaire, le colonel Schwartz. Le colonel Le Couteulx est chargé de conduire la réserve
mobile, composée du GRDI et de quelques autres éléments.
Pendant ce temps, les hommes du Génie travaillent à réparer la voie ferrée, en laissant des
coupures très visibles pour faire croire aux aviateurs ennemis que la ligne est toujours hors
service. A la nuit, ils remonteront les rails manquants, pour les démonter à l’aube. Cette ruse
permettra de faire passer plusieurs trains de troupes et de matériel les nuits suivantes 29.
Vers midi, un message d’Alger annonce que des renforts terrestres vont arriver, mais pas
avant quelques jours : la Corse, envahie par l’Allemand, est prioritaire.
Dans la soirée, Cagliari est bombardé à deux reprises.

Sardaigne nord
Olbia – Le général Vittorio Sogno et son état-major prennent officiellement possession de
« la première ville italienne libérée de l’envahisseur ». Le retour à l’ordre fasciste commence
à se faire sentir. Treize hommes des “Chemises Grises” antifascistes, qui étaient restés pour
combattre les incendies, sont arrêtés, jugés sommairement pour trahison et fusillés au petit
matin. Le général Armellini n’approuve guère, mais ce n’est plus lui qui décide.

29
Les installations ferroviaires de Decimomannu et Elmas sont complètement détruites, mais des segments de
voie entre Decimomannu et Porto Torres sont utilisables.
Entre parachutages et convois, les Italiens mettent à présent en ligne 8 000 hommes. Sans
laisser de répit aux Français, ces troupes ont élargi la tête de pont sur une dizaine de
kilomètres, avec un “doigt de gant” d’une vingtaine de kilomètres vers Monti.
Les soldats français qui ont évacué Olbia se sont repliés vers le sud-ouest, les plus chanceux
utilisant les rares moyens motorisés. En début de matinée, leurs arrière-gardes sont accrochées
dans la plaine du San Simone par les premières patrouilles motocyclistes italiennes : elles les
repoussent, mais les chasseurs Fiat G.50 en profitent pour repérer leurs positions et les
mitrailler. Certains groupes, à la suite d’ordres mal compris, sont partis vers le nord ou vers le
sud. La retraite de la Gallura est ainsi dès émaillée de nombreuses escarmouches entre petits
détachements, dont l’historique est très difficile à établir.

Alger – Le journaliste Bill Clifton fait des pieds et des mains pour trouver un moyen de
transport pour la Corse. « Je désespérais lorsque, coup de chance ! Dans un bar d’Alger, je
tombe sur un des Espagnols avec lesquels j’avais traversé la Méditerranée et avec qui j’avais
sympathisé. Autour d’un verre offert par le NY Times, il m’explique qu’il fait maintenant
partie d’une Demi-Brigade de la Légion Etrangère et qu’il doit rejoindre d’urgence son
cantonnement ; pas besoin d’être très malin pour deviner où ils vont ! Il me reste quelques
heures pour supplier le chef de cette DBLE, le colonel Pierre Kœnig, de me laisser partir
avec lui et ses hommes. A ma grande (et heureuse) surprise, je n’ai justement pas à supplier !
“Il est temps que les Américains voient les troupes françaises autrement que comme de gentils
moutons allant courageusement à l’abattoir !” me lance-t-il, la moustache agressive. »

19 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
À nouveau, le groupe est sous alerte avec le reste de l’escadre.
Cette fois-ci un gros raid est annoncé par les vigies et le groupe met en l’air 14 avions en deux
dispositifs de 6 et de 8 avions, tandis que le II/3 fait décoller 10 avions et le III/3 huit avions.
L’ennemi a engagé au moins 40 Ju 88, protégés par une cinquantaine de 109 et une trentaine
de 110. Un combat extrêmement dur s’engage. Le capitaine Challe, à la tête de l’élément de 6
avions, abat un Ju 88 et un 109, mais se fait tirer par d’autres 109 et doit évacuer son avion
au-dessus du golfe de Sagone. Il en est quitte pour un bain et il est ramené à terre par une
barque de pêche. Albert se distingue encore et abat un Ju 88 et 2 Bf 109, mais Durand est
aussi abattu (heureusement sans grand mal). Nous perdons un troisième pilote, dans la
formation à 8 avions, où Salva se distingue ainsi que Madon (2 Bf 109 et un 110 en
coopération).
Malheureusement, les bombardiers touchent durement la ville ainsi que l’aérodrome.

Opération Merkur
Corse – Dans la nuit, un nouveau convoi italo-allemand débarque des équipements près de
Solenzara. Parachutistes et troupes de montagne contrôlent maintenant fermement
l’aérodrome. En revanche, leur tentative de progresser vers le nord, sur la route d’Aléria, est
repoussée.
En fin de matinée, des Maryland effectuent un raid surprise sur le terrain de Solenzara et
détruisent 27 avions de transport. Les pertes en transports sont si élevées depuis le début de
Merkur que Hitler ordonne d’aller chercher de vieux bombardiers (Ju 86 et anciens modèles
d’He 111) dans les écoles de pilotage en Autriche et de les déployer à Grosseto/Viterbe pour
remplacer les Ju 52 détruits.
14h30 – Message du général Noguès, commandant en chef du théâtre Méditerranée
Occidentale, au général Montagne, commandant la défense de la Corse : « Offensive générale
nécessaire pour détruire la poche allemande de Solenzara avant qu’elle ne devienne trop
importante. »
15h00 – Du général Montagne au général Noguès : « Manquons d’artillerie et d’appui aérien
– Bombardement naval puissant requis pour lancer offensive avec chances de réussite. »
16h00 – Du général Noguès au général Montagne : « Action navale puissante décidée pour
nuit du 20 au 21. Préparez offensive générale à terre pour le 21. »
Par ailleurs, ayant appris que les Allemands avaient pu débarquer des chars légers en Corse,
De Gaulle, ministre de la Guerre, ordonne en personne dans la nuit l’envoi d’une unité
blindée ad hoc en renfort ; après étude des unités disponibles, c’est la 2e Division Cuirassée
qui fournira ces forces.

Sardaigne – L’avant-garde motorisée de la division Superga, venue d’Olbia, atteint la gare de


Berchidda où le colonel Le Couteulx a eu le temps d’improviser une ligne de défense en la
garnissant d’un lot de mines récupérées lors de Marignan dans les dépôts italiens 30 ! Les
Italiens battent en retraite en perdant plusieurs mototricycles 31.
L’histoire de ce lot de mines est d’ailleurs très romanesque, selon le récit du député Sulpice
Dewez, à l’époque sous-officier en Sardaigne : « J’ai déjà parlé d’Alghero, ce petit port sarde
où l’on parlait un dialecte catalan depuis le Moyen Age et qui servait de rendez-vous à nos
volontaires espagnols. L’un d’eux, anarchiste et grand amateur d’explosifs, s’était constitué
en toute indépendance une réserve personnelle. Avant de quitter l’île avec la 13e DBLE, il
avait montré sa cachette à sa bonne amie sarde en lui recommandant d’en faire bon usage :
un cadeau de fiançailles original, on en conviendra ! Lors du débarquement des troupes de
l’Axe en février, la jeune fille jugea bon de révéler l’emplacement aux Français, puisque son
fiancé combattait dans leur camp. Cela permit d’installer un champ de mines qui contribua à
arrêter la première vague d’attaque italienne contre Berchidda. » (Sulpice Dewez,
Sardaigne, l’île oubliée, 1953)
………
Le colonel Mallet, avec quelques troupes encore disponibles (le IIIe bataillon de son 5e RTS et
deux compagnies de territoriaux sénégalais) est à Nuoro, au centre de l’île. Sur la foi de
fausses informations (habilement distillées par les services italiens), il a été envoyé pour
désarmer les carabiniers italiens et mater une insurrection, qui se révèle imaginaire. Ce point
vérifié, il reçoit une nouvelle mission : descendre vers la côte est pour récupérer quelques
unités françaises dispersées et faire diversion au sud du dispositif ennemi.

Le Blitz Malte-Tunis
Alger – Venu d’Angleterre, le porte-avions Ark Royal transfère 48 Hurricane à Alger, où des
pilotes de la RAF les prennent en charge pour les conduire à Malte.

La campagne des Balkans – Opération Poséidon


Athènes – La Grèce, réagissant à une longue période de propos et d’actes hostiles de la part
du gouvernement et des troupes de Mussolini, déclare la guerre à l’Italie ! Le gouvernement
du roi Georges II, dirigé par Alexandros Koryzis, convaincu qu’il ne fait que devancer une

30
Le corps français de Sardaigne manquait gravement de mines, aussi bien antichars qu’antipersonnel, tous les
engins disponibles ayant été employés sur les plages de Cagliari, Olbia et La Maddalena. Ce sera une des erreurs
relevées ultérieurement par la commission d’enquête parlementaire.
31
Le mototricycle Benelli 500 M36 pouvait transporter un canon-mitrailleur Breda de 20/65 ou une autre pièce
légère avec ses deux servants. La Regia Marina manquant de navires adéquats pour transporter chevaux et
mules, les unités de débarquement avaient reçu une dotation de ces engins.
inévitable agression italienne, concrétise ainsi l’alliance conclue quelques jours plus tôt
secrètement avec les Alliés.
Le jour même, l’armée grecque déclenche l’opération Poséidon – le dieu qui ébranle la terre.
Les forces de la 1ère Armée grecque pénètrent en Albanie. Des forces terrestres du
Commonwealth sont attendues à Athènes et la RAF déploie ouvertement en Grèce des
squadrons de chasse et de bombardement.
………
Rome – Ces événements bouleversent complètement le commandement italien et Mussolini.
Les unités italiennes attaquées (voir appendice 4) sont prises au dépourvu, matériellement
(tous les problèmes d’équipement des troupes italiennes sont loin d’avoir été résolus) mais
aussi psychologiquement : l’idée était qu’un jour ou l’autre, ces forces attaqueraient la Grèce,
et non l’inverse !
Sans avertir Hitler (dont il craint sans doute la colère), le Duce ordonne à la Regia
Aeronautica de redéployer une partie de ses forces vers la région d’Ancône pour soutenir
l’armée engagée en Albanie.
………
Berlin – Finalement informé, Hitler est furieux, mais bien obligé de laisser son allié distraire
une partie des moyens aériens dévolus à l’opération Merkur vers ce nouveau front. « J’espère
au moins qu’il se montrera efficace, pour changer ! gronde-t-il. Mais il faut tout prévoir. Je
suis sûr qu’avec leur fourberie habituelle, les Anglais veulent passer par la Grèce, et peut-
être par la Yougoslavie, pour attaquer les puits de pétrole roumains ! Il faut les en empêcher
à tout prix, j’ai besoin de ce pétrole pour les plus grands de mes projets ! » Sur son ordre,
l’OKW commence à étudier les possibilités d’action militaire dans les Balkans pour barrer la
route de la Roumanie aux Alliés. La diplomatie doit quant à elle requérir énergiquement
l’aide des alliés mineurs de l’Axe.
………
Londres – Churchill demande au gouvernement français d’envoyer des troupes renforcer le
déploiement britannique en Grèce : devant la menace sur la Corse, les Français ont en effet
gelé leurs plans initiaux et semblent assez réticents à disperser leurs maigres forces. Le
Premier Britannique promet en échange toute l’aide de la Royal Navy pour défendre la Corse.
En pratique, le porte-avions HMS Eagle, basé à Gibraltar, va se joindre au Béarn pour former
une force de couverture aérienne, sous commandement français au lieu de rejoindre la
Méditerranée Orientale, comme l’avait envisagé l’Amirauté britannique après le retrait forcé
de l’Illustrious. Son groupe aérien comprendra 15 Fulmar I et 6 Swordfish.

20 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
20 février – On accueille au petit matin les collègues de la 5e escadre, qui ravitaille à Ajaccio
avant de reprendre l’air pour escorter un raid massif de LeO sur la plaine orientale. Nous
avons le plaisir de retrouver de vieux amis et redoutables chasseurs dont le Capitaine Accart,
les Lt. Marin la Meslée, Vinçotte et Plubeau. Nous fournissons l’escorte haute avec 8 avions.
C’est l’occasion de se comparer au Hawk-81 et on les laisse littéralement sur place à partir de
4 000 m au grand désespoir de notre ami Accart !
Le bombardement rencontre des Bf 110 et c’est la curée. Cinq sont abattus sans pertes tandis
que Plubeau et Perina pour le I/5 en tirent chacun un. Les Hawk-81 font aussi du mitraillage
au sol. Beau travail que tout cela. On sent les Allemands à bout de potentiel.
Le lieutenant Salva remplace temporairement le capitaine Challe.
Opération Merkur
Ajaccio – Peu après minuit, des croiseurs et des torpilleurs français débarquent la moitié de la
27e D.I.Alp du général Lhuillier et la 13e DBLE du colonel Kœnig. Ces troupes doivent
prendre position entre Corte et le col de Bavella avant d’attaquer la plaine de Solenzara, à
l’est ; Montagne a mobilisé tous ses moyens de transport automobiles (et tous ceux qu’il a pu
réquisitionner) pour accélérer leur mouvement. Bill Clifton s’est mêlé aux hommes de la
DBLE : « Mon accent américain ne surprend personne. Nos hôtes corses ont un accent
étrange, qui me semble proche de l’accent italien (mais il ne faut pas le leur dire, sous peine
de graves ennuis !). La plupart des hommes de la DBLE parlent un mélange de français et
d’espagnol, et on perçoit fort bien dans la voix de leur chef qu’il est originaire d’Alsace (mais
il n’a pas l’accent allemand, bien sûr que non !). Même ma tenue “de campagne” ne détonne
pas, étant donné que les uniformes de cette armée en reconstruction sont rarement très
orthodoxes. Non, si je dépare, c’est qu’à mille détails, ces combattants voient tout de suite
que je ne fais pas partie de leur race, une race de fauves blessés, mais d’autant plus
dangereux. »
………
Corse et Sardaigne, 03h00 – Deux convois italiens débarquent des troupes à Calvi et à
Olbia.
Mer Tyrrhénienne, 06h30 – L’aviation française repère le convoi d’Olbia, qui se retire vers
l’Italie. Il est bientôt bombardé par des Martin Maryland. Attaquant avec témérité à hauteur
de mât, les bimoteurs coulent deux petits transports et le contre-torpilleur Ugolino Vivaldi ; la
DCA du convoi abat quatre Maryland.
………
Corse et Sardaigne, 08h00 – Pour couvrir l’approche de l’escadre de bombardement naval,
l’Armée de l’Air monte une importante opération contre les troupes de l’Axe à partir d’Alger
et de Tunis. La première vague est composée de 36 LeO-451 (sur la Corse) et 36 DB-7A (sur
la Sardaigne), escortés par des Hawk-75A4 et des Hawk-81 qui ravitaillent à Cagliari-
Monserrato et à Ajaccio-Campo dell’Oro. Ces attaques se déroulent sans opposition ou
presque. La Regia Aeronautica a en effet déployé 12 Macchi MC.200 sur le terrain de
Solenzara, contrôlé depuis peu par les Allemands, mais les 12 avions sont détruits, 3 en
combat aérien et les 9 autres au sol.
Corse, midi – Les Français lancent une seconde vague de bombardement sur la Corse, avec
45 Martin 167. Cette fois, la Luftwaffe tente d’utiliser des Bf 110 comme chasseurs de
défense de zone, mais cet essai tourne au désastre, les Hawk-81 ayant ravitaillé sur place
avant de redécoller pour accompagner les Martin 167. Dix bimoteurs allemands sont abattus
contre seulement deux bombardiers et un chasseur français. Durant cette bataille, le sous-
lieutenant Aziz Ramdane remporte sa première victoire.
Solenzara, 16h00 – Les troupes du général de Monsabert, renforcées par les canons de 155
GPF du 104e RAL arrivés de Bastia, sont reparties dès l’aube à l’attaque de l’aérodrome. Le
général Student envoie par radio à l’état-major de l’Axe un véritable appel à l’aide : « Pertes
lourdes – Possibilité de tenir la tête de pont de Solenzara douteuse, sauf renforts importants
d’ici 48 heures. »

Sardaigne – Le général Audet, ayant éliminé la tête de pont ennemie à Cagliari, rassemble
toutes les forces disponibles à Cagliari, Carbonia, Sassari et Porto Torres en vue d’une contre-
attaque sur Olbia. Mais les transports manquent et cette marche forcée (100 km de Porto
Torres, 220 de Cagliari, seules certaines sections du chemin de fer étant utilisables), sous les
attaques de l’aviation ennemie et par une météo nettement moins clémente qu’en septembre,
va épuiser les hommes, d’autant que beaucoup ont participé aux combats du sud.
Les chasseurs français venus d’AFN et ravitaillant à Cagliari-Monserrato (terrain de secours
utilisable, alors qu’Elmas et Decimomannu demandent plusieurs jours de réparations)
s’efforcent d’empêcher le harcèlement des troupes françaises par l’aviation de l’Axe. Ils n’y
parviennent pas, mais détruisent néanmoins 17 avions ennemis au-dessus de la Sardaigne.

Berlin, 18h00 – Pour remplacer les unités italiennes déplacées à Ancône, Hitler décide
d’engager le Ve FliegerKorps (général Robert von Greim). Cependant, il envoie dans un
premier temps cette grande unité au sud, pour relancer l’offensive contre Malte et Tunis et
empêcher l’Armée de l’Air de se concentrer au-dessus de la Corse, avant de l’engager dans
Merkur proprement dit.

Bouches de Bonifacio, 20h00 – Filant 28 nœuds, la Force de Raid de l’amiral Duplat,


composée des cuirassés rapides Dunkerque et Strasbourg, des CA Dupleix et Foch, des CL La
Galissonnière et La Marseillaise et des contre-torpilleurs Mogador (6e Division) et
L’Indomptable, Le Malin et Le Triomphant (8e Division) s’apprête à contourner le cap Corse
et à passer entre Corse et île d’Elbe pour aller bombarder Solenzara et la tête de pont
allemande. Les vieux porte-avions Béarn et Eagle, escortés par sept torpilleurs (La Palme, Le
Mars, Tempête, Fougueux, Frondeur, Boulonnais, Brestois), approchent des côtes sud-ouest
de la Corse pour fournir à l’escadre de bombardement une couverture aérienne dès le lever du
jour.

Entre Tunisie et Corse – Depuis début janvier, le lieutenant Mendès-France, navigateur-


photographe, fait équipage avec le lieutenant Bernard Citroën, fils d’André Citroën et
polytechnicien comme son père, pilote et chef de bord, le sergent-chef Albert Ramirez, pied-
noir d’Oran engagé dans l’Armée de l’Air au lendemain de Munich, radio mécanicien, et le
caporal Alcide Hendoncq, un ch’ti d’Hénin-Liétard, mitrailleur arrière au canon de 20 mm.
D’une famille de mineurs, jeune militant de la CGT, Hendoncq ne s’est pas caché d’avoir
appartenu au Parti Communiste jusqu’au Pacte germano-soviétique. Ramirez, lui, a regretté
jusqu’à Munich de ne pas avoir rejoint un régiment de nationalistes en Espagne en 1936.
Leurs différences d’accent et de vocabulaire leur rendent les conversations difficiles. Pourtant,
aussi intarissable l’un que l’autre, ils ne cessent de parler politique – sauf à bord.
L’ordre de bataille du GR I/33, basé à Tunis, a attribué au lieutenant Citroën un Amiot 354,
avec la dérive unique qui le différencie du 351 et fait un peu grimacer le mitrailleur. Citroën
l’a aussitôt baptisé “Eau de Javel”, par fidélité à sa famille et à la marque “du quai de Javel”
et, explique-t-il, « parce que l’eau de Javel nettoie tout, même le nazisme ! »
………
Aérodrome de Tunis - El Aouina, 18h00 – “Eau de Javel” n’est pas encore rentré de sa
mission : une reconnaissance à haute altitude au dessus de la poche de Solenzara réclamée par
l’état-major. On l’attendait pour 17h30.
18h21 – L’Amiot 354 survole El Aouina en battant des ailes, ce qui indique une panne totale
de radio. Il tire au passage deux fusées orange, puis une bleue, pour annoncer à la tour de
contrôle deux blessés et des difficultés de pilotage. On distingue à l’œil nu des trous dans les
ailes et le fuselage. Bernard Citroën a réduit ses moteurs autant qu’il l’a pu, mais, à l’oreille,
on perçoit que les hélices sont bloquées au grand pas. Deux fusées vertes lui répondent : il
peut atterrir en priorité. Les deux camions des pompiers de la base sortent du hangar dans le
hurlement de leur sirène, suivis de la grosse sanitaire Renault et de la Simca 5 du médecin. Le
commandant d’El Aouina, le colonel Muhr, a sauté dans la 402 Peugeot dont son chauffeur
lui ouvrait la portière.
Le lieutenant Citroën pose son avion volets rentrés, à moins de deux mètres du seuil de piste.
Il coupe aussitôt ses moteurs, mais le 354 continue sur sa lancée. Il n’a plus de freins. Son
pilote donne un peu de pied à gauche pour amener l’avion vers l’herbe du terrain, détrempé
par les pluies d’hiver, avec l’espoir qu’il s’enlisera et s’arrêtera sans se mettre en pylône.
Espérance en partie déçue : l’avion ne pique pas du nez, mais il fauche son train et se vautre
dans la boue. On se précipite.
Les précieuses caméras sont intactes et emportées dans la minute à la remorque labo pour
développement des photos. Mais Albert Ramirez est évanoui dans sa tenue de vol
ensanglantée et Alcide Hendoncq, blanc de douleur derrière son canon, a une fracture ouverte
du bras droit.
– On en a pris plein la figure, raconte Bernard Citroën. À notre arrivée sur la poche, on a
constaté qu’il y avait trop de nuages pour photographier à haute altitude, alors on est
descendu. C’est là qu’on s’est fait allumer par la flak, du 37 je pense. On a reçu un tas
d’éclats dans tous les sens. C’est là que le sergent a été atteint. Mendès lui a fait un garrot, et
il a continué son boulot comme il a pu, sans se plaindre, jusqu’à ce qu’il perde connaissance,
alors qu’on était presque rentrés. Après, je croyais en être sorti, mais on a été pris en chasse
par deux 110 hargneux. Hendoncq a fini par décourager le premier et l’a bien abîmé, quand
il s’est enfui, il avait un moteur en feu ! L’autre s’est accroché. Il visait juste. C’est lui qui a
amoché Hendoncq et un de ses obus a détruit mon tableau de bord. Soudain, plus de compas,
plus d’horizon artificiel, et pas plus de badin que de vario ! La radio en carafe, bien sûr.
Heureusement, le Boche a renoncé, il devait être à court d’essence, mais on était mal en
point. On a dû régler les moteurs au son ! Les manettes des gaz fonctionnaient, mais je ne
pouvais plus régler le pas des hélices. Je ne parle même pas de mon hydraulique.
– Comment être-vous rentrés?
– En serrant les fesses, mon colonel ! Et en priant pour que les moulins ne nous lâchent pas.
A l’atterrissage, sans volets et sans freins, je me suis fait du souci et puis je me suis dit que
nos anciens n’en avaient pas non plus, et ça s’est bien passé, je ne sais pas trop comment !…
Je ne sais pas non plus comment Mendès a fait pour trouver les bons caps de retour. Il a un
sixième sens !
– Voyez-vous, lieutenant, plaisante le colonel, les meilleurs avocats sont réputés pour ne
jamais s’égarer dans la procédure. Ce doit être pareil pour la navigation aérienne !
Bernard Citroën sourit une fraction de seconde. Il reprend vite son air soucieux : « Je ne
m’inquiète pas trop pour Hendoncq. Les mineurs, c’est solide et un bras cassé vaut mieux que
la silicose ! Ramirez, lui… »
– Une chance sur deux, glisse sombrement le médecin qui vient de donner les premiers soins
aux blessés. Au mieux.
Le lendemain, par décision du commandement en chef de l’Armée de l’Air, la croix de guerre
est attribuée aux quatre membres de l’équipage du pauvre “Eau de Javel”. De plus, le
lieutenant Citroën est nommé chevalier de la Légion d’Honneur. La citation de Pierre
Mendès-France à cette occasion salue un « officier au courage et au sang-froid exemplaires,
toujours volontaire pour les missions les plus difficiles. »
« Je crois que j’ai payé ma place » écrira un peu plus tard Mendès-France au capitaine de
Saint-Exupéry, hospitalisé à Alger depuis le 16 février.

La campagne des Balkans


Mer Ionienne – Le cargo grec Athinai est capturé par les torpilleurs (anciens CT déclassés)
Angelo Bassini et Enrico Cosenz. Il sera rebaptisé Palermo par la Regia Marina, qui l'utilisera
comme transport de munitions.

Renforts
Canal du Suez – Le porte-avions HMS Formidable rejoint l'escadre anglaise de Méditerranée
Orientale. Il est arrivé par l’Océan Indien en longeant les côtes d’Afrique, mais ses appareils
n’ont pas été engagés dans les combats contre l’AOI, Mogadiscio puis Massaoua étant déjà
tombées avant son passage.

21 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Furieuse bataille, que nous suivons à la radio, au-dessus de la plaine orientale et en mer. Les
bombardiers en piqué navals font un vrai carton. Mais la Marine a encore trinqué. D’après ce
que l’on comprend, le Béarn est salement touché, voire pire.
Le capitaine Challe a rejoint le groupe après un passage de 24 heures à l’hôpital pour examens
et de fort méchante humeur ! Durand, lui, s’est foulé une cheville et sera indisponible pour
une semaine. Les I/5 et II/5 repartent en fin de journée pour Tunis.
Deux patrouilles de 4 et 6 avions vont faire de la couverture a priori au-dessus de Corte et du
Fango.
On récupère les Helldiver du Béarn, ce qui nous confirme que le bateau a été durement
touché.

Opération Merkur
03h30 – L’escadre française atteint sa position de tir. Le bombardement est impressionnant.
Les soldats allemands des troupes aéroportées et de montagne qui encaissent le tir de seize
330 mm, seize 203 mm et dix-huit 152 mm parleront longtemps de la nuit du “Grand
Matraquage”. Le commandant de l’escadre a ordonné de ralentir pour une meilleure précision
et décide d’effectuer une seconde passe, d’encore plus près, pour permettre aux 130 mm de
l’artillerie secondaire des cuirassés de participer à la fête. Le tonnerre de l’artillerie de marine
parvient jusqu’aux montagnes qui dominent Solenzara, où Bill Clifton partage la veillée
d’armes des Français : « A 3 heures et demie, nous sommes réveillés par les échos d’un
bombardement naval. “Se parece que los Boches sé font alloumer sérieux !” me lance, hilare,
dans son franco-espagnol personnel, le sergent chargé de ma “sécurité”, un solide gaillard
qui fait une bonne tête de plus que moi. Personne ici ne tient rigueur à la Flotte de ce réveil
au milieu de la nuit ! »
A ce moment, les contre-torpilleurs couvrant les cuirassés au large interceptent le convoi qui,
depuis le 17, transporte chaque nuit des troupes et de l’équipement de Porto Ferraio à
Solenzara. Cette nuit-là, le convoi est constitué de 34 petits bateaux, caboteurs et anciennes
péniches fluviales. Les deux croiseurs légers et les quatre contre-torpilleurs l’attaquent
aussitôt. Les six torpilleurs de classe Spica qui escortent le convoi se portent à leur rencontre
et livrent un combat courageux mais sans espoir. Les Aldebaran, Altair, Canopo et Vega sont
coulés au canon avant même d’arriver à portée de tir de torpille. Le Pleiadi, en flammes, doit
s’échouer. Seul le Pallade s’en sort. Cependant, le sacrifice des escorteurs distrait les Français
assez longtemps pour permettre à la plus grande partie du convoi de se réfugier près des côtes
de l’île d’Elbe ; seuls deux caboteurs et cinq péniches sont coulés. Le commandant de
l’escadre française préfère ne pas courir après les autres transports – ce que l’on peut
comprendre : il a rempli sa mission principale et doit tenter de mettre ses navires à l’abri de la
Luftwaffe. De son côté, le commandant du convoi décide de reprendre à l’aube la route de
Solenzara avec les 27 transports survivants, rassemblés par le Pallade (dont c’était le jour de
chance !).
Au lever du jour, l’escadre française se retire à toute vitesse vers les Bouches de Bonifacio.
Cependant, le commandement allemand, évidemment averti durant la nuit par les appels de
détresse émis par le dernier poste à longue portée utilisable au QG de Student (sévèrement
secoué par plusieurs obus de 330 tombés tout près), lance une attaque aérienne massive contre
les navires français. Les deux premières vagues, dirigées contre les cuirassés, sont repoussées
par les Grumman G36A du Béarn et les Fulmar I de l’Eagle, guidés par le radar de ce dernier,
mais les reconnaissances allemandes ont repéré les porte-avions. L’EV2 Yvon Lagadec a
échangé son Buffalo pour un Wildcat : « Nous les avons vus arriver comme une nuée d’orage.
Comment pouvions-nous arrêter tout ça ? Nous avons pourtant essayé, en fonçant sur les
bombardiers, des Ju 88 et des Stukas, à travers les 109 d’escorte. Et pendant près de deux
heures, nous avons réussi ! »
Pendant ce temps, sous le commandement de Monsabert, les troupes françaises attaquent
Solenzara à partir du nord (9e RTA) et de l’ouest (13e DBLE de Koenig et chasseurs alpins de
la 24e DBCA, tous débarqués à Ajaccio et passant par le col de Bavella). Bill Clifton : « Les
Français attaquent avec rage. Ebranlées par le bombardement de la nuit, les troupes d’élite
allemandes reculent. »
10h00 – La Luftwaffe monte une opération de renfort d’urgence, rameutant tous les Ju 52
disponibles, ainsi que les Ju 86 et les vieux He 111 qui viennent d’arriver. Mais cette
opération, qui se fait sans escorte, ne passe pas inaperçue des troupes françaises et Monsabert
réclame un soutien aérien pour l’empêcher. Alors que le combat aérien fait rage au-dessus de
la flotte, le Béarn lance tout ce qui lui reste : ses petits bombardiers Curtiss SBC-4, armés de
bombes explosives. Ceux-ci arrivent au-dessus du terrain de Solenzara au beau milieu de
l’opération de ravitaillement. Leurs pilotes surnommeront “le Carton de Solenzara” les vingt
minutes qui suivent. Après avoir lancé leurs bombes, les petits biplans multiplient les passes
de mitraillage, détruisant en tout plus de quarante des précieux transports et endommageant
une vingtaine d’autres.
Mais il reste des ressources aux IVe et VIIIe FliegerKorps, qui peuvent encore rassembler 55
Ju 88 et 65 Ju 87 escortés par plus de 50 Bf 109F. Les Ju 88 et la plupart des chasseurs se
concentrent sur la flotte, pendant que les Stukas se jettent sur les troupes françaises (que les
derniers chasseurs basés à Ajaccio, éprouvés par les durs combats des jours précédents, ne
peuvent guère protéger). Bill Clifton : « Je suis en train d’observer Monsabert donner ses
ordres, tout près des premières lignes, quand les avions à croix noire nous repèrent. Il y a
longtemps que le hurlement des Stukas bombardant en piqué ne fait plus fuir les soldats
français, mais ils manquent toujours cruellement d’armes anti-aériennes. Les bombes
frappent tout près, je vois un olivier décapité s’abattre entre moi et le groupe du général,
l’onde de choc m’assourdit et mon sergent espagnol paraît me tomber dans les bras. Comme
il est bien plus lourd que moi, je m’écroule sous son poids. Quand je reprends mes esprits, je
comprends qu’il est mort, un énorme éclat planté dans le dos. Je me relève péniblement,
couvert de sang et trop choqué pour avoir peur. Le général de Monsabert a eu moins de
chance que moi, il est blessé ; il est toujours conscient, mais trop atteint pour empêcher ses
subordonnés de le faire évacuer. » Dans la confusion qui suit, une bonne partie de l’élan de la
contre-offensive se dissipe.
Pendant ce temps, les chasseurs défendant la flotte plient sous le nombre. Yvon Lagadec :
« Ils nous sont tombés dessus à une centaine. A ce moment, Wildcat et Fulmar, on devait être
une douzaine en l’air. Tout de suite, ça a été chacun pour soi. Du coin de l’œil, je vois un
Fulmar avec un 109 aux trousses – je ne peux rien pour l’aider, j’en ai deux sur le dos. Je
m’en débarrasse en virant sec (ce dont le pauvre Fulmar est incapable) et en plongeant
brutalement (bien plus vite que ce qu’aurait pu faire mon petit Buffalo). En relevant le nez, je
vois un gros truc vert et bimoteur qui pique lui aussi, presque parallèlement à moi : un Ju 88
en plein bombardement ! Il me suffit d’un petit coup de manche pour l’aligner – pendant les
deux premières attaques, j’avais raté tout ce que j’avais voulu, mais cette fois, la peur et la
fureur me viennent en aide, et je vois l’habitacle se désintégrer à ma première rafale ; il
bascule et finit son piqué dans la Méditerranée. Ma deuxième victoire ! Mais en redressant, je
découvre le désastre. La flotte a salement dégusté, et surtout le pauvre Béarn. »
Le Strasbourg a reçu une bombe de 500 kg sur le château avant et deux de 125 kg au milieu,
qui provoquent un incendie maîtrisé au bout de dix minutes. Le Dunkerque a pris trois
bombes de 500 kg (une sur l’avant, une au milieu, et la dernière sur l’arrière, détruisant le
hangar de l’hydravion et sa catapulte). Le Béarn a été touché par cinq bombes, dont au moins
deux de 500 kg. L’Eagle a échappé au pire, il a seulement été secoué par trois bombes qui
l’ont raté de peu.
En moins d’une demi-heure, les dommages causés aux deux cuirassés sont sous contrôle,
mais le vieux Béarn est loin d’avoir la peau aussi dure. Le petit porte-avions est bientôt en
flammes et il coule une heure plus tard. Les six G36A survivants (dont celui de l’EV2
Lagadec) et les pilotes évacués du Béarn sont récupérés par l’Eagle. Les SBC-4 sont allés se
poser à Ajaccio ; ils rentreront de là en Afrique du Nord, où leurs pilotes auront quelques
semaines plus tard le plaisir de toucher de nouvelles montures, des Dauntless. « Pour les
marins alliés, cette affaire était un rappel brutal et coûteux (quoique salutaire pour l’avenir)
du danger inhérent aux opérations sous un ciel contrôlé par l’ennemi. » (Jack Bailey, Un
Grand Cimetière Bleu – La bataille aéronavale de Méditerranée, New York, 1955).
13h00 – L’escadre française, léchant ses plaies, traverse les Bouches de Bonifacio vers
l’ouest.
A la même heure, le convoi italien de la nuit atteint les plages près de Solenzara. Il débarque
3 500 hommes, deux batteries d’obusiers de 150 mm et surtout 19 chars (11 Pz-38t et 8 Pz-
35t). C’est plus qu’assez pour arrêter la contre-offensive française et permettre aux forces
allemandes de reprendre l’après-midi, avec l’aide d’un nouveau raid massif de Stukas, une
partie du terrain concédé dans la matinée. Selon de nombreux historiens militaires,
l’obstination ce jour-là du commandant du convoi a sans doute sauvé la tête de pont.

Sardaigne (secteur d’Olbia) – Malgré leur fatigue, les troupes françaises tentent de rejeter à
la mer les parachutistes et les troupes de montagne italiennes et allemandes. L’ennemi a
beaucoup moins de soutien aérien que les jours précédents, son aviation se concentrant contre
la flotte alliée. Cependant, l’artillerie et les automitrailleuses italiennes surgissant intactes du
tunnel de Monti sont une désagréable surprise pour les attaquants. Finalement, la contre-
attaque du général Audet, trop hâtive et manquant d’appui aérien, échoue. Les Français se
replient avec de lourdes pertes vers Berchidda. La bataille de la Gallura, comme l’appelleront
les Italiens, tourne décidément à l’avantage de ces derniers.
« Le général Audet espérait réussir en Sardaigne la manœuvre qu’on l’avait empêché de
réaliser en Norvège centrale l’année précédente : payer d’audace et détruire la tête de pont
ennemie avant qu’elle ne soit consolidée. Mais au lieu d’un corps de montagne bien entraîné
et bien coordonné comme en Norvège, il lançait dans la bataille des unités mal équipées,
souvent novices, les unes évacuées d’Olbia, les autres amenées en hâte de Sassari et de
Cagliari et où les hasards de la marche avaient dispersé hommes et matériels. » (Sulpice
Dewez, op.cit.)

Le Blitz Malte-Tunis
Bizerte – L’aviso ancien Dédaigneuse est coulé dans le port par un bombardement aérien. Il
sera relevé mais jugé irréparable.

La campagne des Balkans – Opération Poséidon


Albanie – Au troisième jour de l’opération Poséidon, l’offensive en Albanie se déroule de
façon encourageante pour l’armée grecque. Le général Papagos a réussi à obtenir la surprise
stratégique, en attaquant un ennemi non préparé : malgré les alertes en provenance des
diplomates italiens en Grèce, la mobilisation de l’armée grecque n’a pas provoqué de
renforcements des forces italiennes en Albanie. Le commandement italien n’imaginait pas que
les Grecs puissent avoir des velléités combatives, et encore moins offensives, ni que
quiconque pourrait lancer des opérations militaires en hiver dans une zone montagneuse…
Cette impréparation a été mise à profit par la Force aérienne royale grecque,
!""#$%&% '()%"%&% *#+,-,+% (voir appendice 5), qui a lancé dès les premières heures tous
ses bombardiers (une trentaine de Battle, Blenheim et Potez 63-11) à l’assaut des aéroports
italiens, pendant que ses quelques avions d’appui au sol harcèlent les postes de
commandement des zones de front.
La 1ère Armée grecque, déployée à la frontière albanaise, concentre presque 90 % des moyens
militaires du pays. Elle dispose de 16 divisions, dont 6 en pointe dans l’offensive. Face à elle,
les forces italiennes en Albanie comptent 8 divisions. Les 23e DI Ferrara, 51e DI Siena et 3e
DI Alpine Julia sont dans les monts du Pinde et les 29e DI Piemonte et 49e DI Parma sont en
Macédoine albanaise. Surprises, les 19e DI Venezia et 53e DI Arezzo sont plus au nord, à la
frontière yougoslave. La 131e DB Centauro est stationnée à Tepeleni et un “corps rapide”
(une petite brigade mécanisée) est déployé autour d’Elbasan. Les Grecs disposent donc d’un
rapport de forces favorable de l’ordre de 2 à 3 contre 1, et plutôt 4 contre 1 sur leurs axes
d’attaque 32. Plus important encore, le matériel de l’armée grecque (tant l’armement
individuel que l’artillerie), sans être très en pointe, est de meilleure qualité que celui de son
adversaire ; ses principales lacunes (blindés, armement anti-char), sont secondaires eu égard
au terrain. Enfin, les troupes grecques sont bien mieux habillées et équipées pour combattre
sur ce terrain en hiver. Le froid qui règne dans ces montagnes (jusqu’à -20 à -25° sur les
sommets) a conduit les forces italiennes à se regrouper dans les vallées : les bataillons grecs,
eux, manœuvrent sur les hauteurs, s’emparent des crêtes et des sommets, et y déploient leur
artillerie, ancienne mais nombreuse et bien menée, pour pilonner l’adversaire.
Au nord, dans la région des lacs Prespa, la 15e division grecque a ainsi attaqué par l’isthme de
Pixos et enfoncé les premières lignes italiennes. Au centre, dans les monts du Pinde, les 9e et
10e divisions grecques se sont emparé des hauteurs et tiennent désormais sous leurs feux la
route stratégique Erseke-Koritsa. Au sud, débouchant de Kakavia, les 8e et 11e divisions
grecques se sont ouvert les routes de Gyrokaster (Argyrocastro) et de Santi Quaranta. Partout,
les premières lignes italiennes sont enfoncées…
………
Rome – Pendant 48 heures, peu d’informations précises sont arrivées quant à la situation sur
le front albanais, mais désormais les mauvaises nouvelles se succèdent et, au QG du Regio
Esercito, l’inquiétude le dispute à l’affolement. Les réserves prévues (47e DI Bari, éléments
de la 101e Division motorisée Trieste et 2e Division Alpine Tridentina) sont immédiatement
envoyées vers les ports et aéroports en vue d’un transfert en Albanie. Toutes les unités alpines
et de montagne sont mises en alerte : celles qui sont disponibles se préparent à être
transférées, les autres activent leur remise sur pied. La marine et l’aviation, alertées elles
aussi, se préparent à effectuer de nombreuses opérations de transport.

22 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
La météo se gâte et le temps est quasiment involable. Albert fait une tentative vers 10 heures
du matin et doit être guidé par radio quasiment jusqu’à l’atterrissage. Il se fait une peur bleue.
Confirmation de la perte du Béarn.

32
Les divisions d’infanterie grecque sont à 3 régiments, contre 2 régiments (et parfois une légion de chemises
noires) pour les DI italiennes.
Opération Merkur
Un système de basses pressions s’installe au-dessus du golfe de Gênes et de la côte toscane.
Le temps se détériore nettement : fortes chutes de neige sur les collines et les montagnes au-
dessus de 300 mètres.

Corse – La météo réduit l’activité aérienne de l’Axe, entraînant une accalmie des combats. En
fin d’après-midi, de nouvelles troupes (l’autre moitié de la division alpine engagée à
Solenzara) et un groupe d’artillerie comptant 18 canons de 75 mm AA (mod. 17/34)
débarquent à Ajaccio… ainsi que de nouveaux journalistes américains, dont le déjà célèbre
photographe Robert Capa. Montagne espère disposer désormais d’assez de réserves pour
pouvoir reprendre aussi l’offensive contre l’autre tête de pont ennemie, à Calvi.

Sardaigne – Les avant-postes italiens ont la surprise de voir surgir du brouillard matinal,
exténués mais glorieux, le colonel Ramcke et ses hommes : 5 Allemands et 17 Italiens au
total. Ils ont traversé toute l’île du sud au nord en échappant aux patrouilles françaises et en se
nourrissant de mouton cru. L’exploit sera dûment célébré par la propagande du Reich.
Côté français, le mauvais temps et l’échec de la contre-attaque ont durement affecté le moral
des hommes. « Mon poste de soins avait des blessés d’une demi-douzaine d’unités différentes,
et comme les Italiens nous coupaient du gros de l’armée, il a fallu prendre le chemin des
écoliers jusqu’à Tempio, en faisant le coup de feu contre des patrouilles. Pour tout arranger,
les paysans de la Gallura, au lieu d’habiter des gros villages comme tout Méditerranéen et
même tout Sarde qui se respecte, vivaient dispersé en fermes isolées, au point que nous avions
de la peine, chaque soir, à trouver un gîte suffisant pour notre groupe et le brave
Autochir 33. »
En Sardaigne centrale, le corps du colonel Mallet retourne se mettre en défense à Nuoro après
avoir récupéré quelques éléments dispersés au sud d’Olbia. Les Sénégalais, épuisés par les
marches et contremarches dans le froid et qui n’ont quasiment pas vu l’ennemi, sont
particulièrement déprimés.
………
Bien que les Français tiennent encore solidement le sud de l’île, les récents événements n’ont
pas été sans nuire à la productivité des diverses installations minières, notamment de la mine
de charbon de Serbariu : mineurs et autres ouvriers travaillent désormais au ralenti et la
rumeur d’une prochaine grève générale se répand. Entendant étouffer le mouvement dans
l’œuf, les autorités françaises font un exemple. Exploitant le fait que la plupart de ces
hommes avaient été mobilisés sur place par Mussolini et étaient donc des soldats, elles
transforment en un tournemain les meneurs repérés et les flemmards les plus manifestes en
prisonniers de guerre – une bonne cinquantaine au total. Ce contingent sera transporté vers
l’Afrique du Nord par les premiers bateaux à quitter, cales pleines, les mouillages de
l’Iglesiente : le charbonnier Capitaine Le Diabat et le cargo Boudjmel 34, couverts par quatre
petits escorteurs 35.

Méditerranée Centrale – Mettant à profit le mauvais temps qui réduit l’activité aérienne de
l’Axe, le porte-avions Illustrious, endommagé en janvier, quitte Tripoli et retraverse le détroit
de Sicile sous une très forte escorte de l’Armée de l’Air. Il va recevoir quelques réparations à

33
Georges Elgozy, « Grogne mais marche », 1985. Autochir (« Ambulance chirurgicale automobile ») est le
surnom du mulet qui portait le matériel médical de l’unité où Elgozy servait comme médecin auxiliaire.
34
Tous deux gérés par l’Union Industrielle et Maritime (U.I.M.) : respectivement 3 107 GRT et 1 504 GRT,
même vitesse de service de 10,5 nœuds.
35
Patrouilleurs auxiliaires Ville d’Ajaccio (P4) et Victoria (P13, chalutier désormais équipé d’un ASDIC),
chalutiers ASM La Toulonnaise (P138) et La Sétoise (P139).
Oran avant de se rendre à Gibraltar, où il arrivera le 26. Là, il passera en cale sèche pour le
mettre en état de traverser l’Atlantique et de se rendre dans un chantier naval américain (d’où
il reviendra, une fois remis en état, avec des Martlet à la place de ses Fulmar !).

Grande stratégie
Casablanca – Winston Churchill vient rencontrer Reynaud, Mandel et De Gaulle. Il promet à
nouveau le soutien de la Royal Navy aux forces françaises combattant en Mer Tyrrhénienne,
mais réclame du renfort pour les forces grecques. Celles-ci repoussent peu à peu les troupes
italiennes d’Albanie vers la plaine côtière, mais il faut s’attendre à une réaction ennemie. Le
Premier Britannique souligne qu’une nouvelle victoire sur les Italiens serait d’un immense
intérêt pour les Alliés : la perte de l’Albanie après celle de l’Afrique Orientale, de la Libye et
du Dodécanèse pourrait signifier la chute de Mussolini et la sortie de l’Italie de la guerre. Et
une fois éliminée l’armée italienne d’Albanie, l’organisation d’un front balkanique capable
d’immobiliser de nombreuses unités allemandes serait grandement facilitée…
Reynaud et Mandel se rendent à ces arguments. Ils acceptent que la France renforce le
contingent allié en Grèce, sous commandement britannique, en y envoyant un corps d’armée
comprenant une ou deux divisions d’infanterie et une division blindée. L’armée française
conserverait encore en Afrique du Nord quelques réserves opérationnelles (deux divisions de
montagne et deux ou trois DBLE, auxquelles pourra s’ajouter la 86e DIA à son retour
d’Ethiopie), en plus des nombreuses unités en voie de reconstitution. En cas de tentative de
débarquement de l’Axe en Tunisie ou d’attaque espagnole au Maroc (deux éventualités qui
semblent peu probables, mais qu’il ne faut pas négliger), les Français pourraient jouer des
lignes intérieures pour concentrer leurs forces contre l’assaillant.
La Grande-Bretagne et le Commonwealth doivent également déployer en Grèce des forces
significatives, comprenant quatre divisions d’infanterie, la 7e Armoured Division et le 7e
Royal Tank Regiment.
En tout, jusqu’à 120 000 hommes pourront être déployés pour soutenir l’armée grecque et, si
besoin, l’armée yougoslave. « Cette opération ne peut que nous faire penser à l’offensive
menée à partir de Salonique sous le commandement du maréchal Franchet d’Espèrey durant
l’Autre Guerre ! » remarque Mandel avec enthousiasme. De Gaulle insiste cependant sur la
faiblesse du soutien aérien (seuls sept squadrons de la RAF et la 39e Escadre Mixte française
pourront être déployés), mais ce point est négligé devant la conviction de Churchill et de
Mandel.
La question grecque provisoirement réglée, les Français informent Churchill qu’ils défendront
la Corse à tout prix. Si la situation devient sans espoir dans le nord et l’est, les forces
françaises se replieront au sud et à l’ouest, en tenant le col de Bavella, Bonifacio et Ajaccio.
La Sardaigne aussi doit être défendue. Deux raisons expliquent que les Français s’accrochent
aux deux îles. D’une part, il y va du moral de l’armée : il ne faut pas avoir l’air de se sauver,
“comme en mai 40”. D’autre part, la situation tactique (notamment le terrain difficile),
favorable à la défense, permet de faire payer chèrement chaque mètre de terrain aux
Allemands tout en limitant les pertes françaises. Déjà, l’arme d’élite des parachutistes a été
sévèrement atteinte, qu’il s’agisse des hommes ou des avions. « Vous avez bien raison de
tenir, s’exclame Churchill. D’ailleurs, j’espère bien que les opérations en Grèce vont forcer
l’Italie et même l’Allemagne à alléger leur pression sur la Méditerranée Occidentale. »

23 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Le temps s’améliore un peu et le Commandant mène 12 avions en escorte de Glenn qui vont
matraquer les Boches dans la plaine orientale. Ils font un carton sur deux Fiat CR.42.
Dans l’après-midi, 6 avions sont requis pour escorter le Goéland sanitaire qui évacue le
général de Monsabert. Ils l’accompagnent jusqu’au niveau de Cagliari et s’en reviennent vers
Ajaccio.
En fin d’après midi quatre pilotes s’en vont à Alger dans le Hudson qui fait la liaison pour
chercher des avions de rechange.

Opération Merkur
Corse – Sous le couvert du mauvais temps qui rend inutilisables les terrains de Toscane, les
CL La Galissonnière et La Marseillaise et les contre-torpilleurs Mogador (6e Division) et
L’Indomptable, Le Malin et Le Triomphant (8e Division) quittent Alger avec des renforts pour
Bastia, où ils arrivent au crépuscule. La Luftwaffe ne peut effectuer sur la Corse que des
attaques sporadiques à partir du terrain de Cannes-Mandelieu. L’Armée de l’Air, dont les
terrains en Afrique du Nord ne sont pas affectés, lance des raids de DB-7 et de Martin 167 sur
les Allemands en Corse et sur les Italiens en Sardaigne.
Le général de Monsabert est évacué par avion d’Ajaccio. Le général Arlabosse prend
directement le commandement de l’offensive sur Solenzara. Pour mieux coordonner toutes
ces opérations, le général Montagne déplace son QG de Bastia vers Corte. Pendant ce temps,
un nouveau radar d’alerte avancée est installé dans les montagnes au-dessus d’Ajaccio.

Sardaigne – Les troupes italiennes avancent, occupant la partie nord de l’île. La 54e DI
Napoli se déploie autour de Siniscola.
Côté français, un convoi arrive à Cagliari, amenant en renfort le 2e RTM (colonel Buot de
l’Epine) et le 3e GRDI polonais (colonel Swiecicki), ainsi qu’un complément bien venu en
carburant. Le 1er Groupe autonome d’artillerie polonaise aurait dû venir dans le même convoi,
mais une panne de moteur d’un paquebot a obligé à reporter cet envoi, qui sera finalement
annulé devant la dégradation de la situation. Les Français applaudissent à l’arrivée de leurs
alliés, et même les civils sardes en font autant : ils ont gardé un bon souvenir de ces soldats
vaillants, élégants, bons catholiques… et qui chantent nettement mieux que les Français.
« Maroussia » est encore le chant à la mode dans l’île. Les hommes sont assez éprouvés par le
mal de mer, et les chevaux plus encore : il faudra quelques jours pour que les 700 hommes du
GRDI atteignent le front avec leurs 250 chevaux, 4 chenillettes Citroën-Kégresse (les
Polonais n’ont pas encore touché les M3 américaines) et 100 motos, sans oublier un parc
d’artillerie hétéroclite 36 et des camionnettes.
Les Marocains, arrivés plus tard dans la nuit, passent relativement inaperçus. Ils partent
aussitôt en camion pour Villasor, où ils attendront le premier train.

Naples, 02h30 – Un raid de bombardiers français obtient enfin un succès notable en


incendiant et coulant le paquebot Liguria (15 354 GRT). Mais ce succès n’aura aucun effet
sur les batailles de Corse ou de Sardaigne, il n’était pas envisagé d’employer un aussi gros
navire pour ravitailler les troupes débarquées !

La campagne des Balkans


Alger – Informés de la décision du gouvernement d’envoyer des troupes en Grèce, le général
Héring et les services du GQG se hâtent d’identifier et d’alerter les troupes qui vont être
engagées sur ce nouveau théâtre d’opérations. Dès 1940, une réserve, le Groupement Mobile
des Forces du Levant, commandé par le général Dentz, avait été assemblée en Syrie et au

36
Deux obusiers de 75, deux mortiers de 65, deux antichars de 47 et quatre pièces de DCA de 25.
Liban pour être engagée, si l’opportunité s’en présentait, dans les Balkans, comme le
prévoyaient tous les plans alliés : c’est donc de ce côté que se tournent naturellement leurs
regards.
Mais les événements de 1940 ont dispersé les grandes unités qui composaient le GMFL (86e
DIA en Ethiopie, 192e DIA et Brigade Polonaise dans le Dodécanèse) : seuls demeurent au
Liban la 191e DIA et diverses unités de service et autres éléments organiques (dont néanmoins
deux régiments d’artillerie lourde). Toutes ces unités sont immédiatement mises en alerte,
tandis qu’en Afrique Orientale, le général Legentilhomme est prévenu qu’il doit renvoyer dès
que possible la 86e DIA en Méditerranée. La 1ère Division Cuirassée du général Welvert,
basée près d’Oran, est elle aussi alertée. Le GQG doit encore identifier d’autres unités de
service et de soutien pour compléter l’ensemble.

24 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Le groupe est en alerte dès le début de la journée. À 9h20, six avions décollent pour escorter
des Glenn qui vont attaquer les Boches à Belgodère. Il se fait que les Italiens ont eu aussi la
même idée. Résultat de la rencontre : 1 Fiat G.50 abattu et un autre probable, deux biplans de
reconnaissance abattus, et le tout sans perte ! Par contre, les Glenn souffrent à cause de la
flak. L’un est perdu et deux autres doivent se poser en catastrophe à Ajaccio.
Le groupe récidive sur Île Rousse, cette fois en escorte de Potez 63/11 du GR I/52.
Malheureusement ils rencontrent des 109 en maraude. Nous perdons un de nos camarades
pour un 109 sûr, que tire Durand, et un autre probable par Salva. Un des Potez est abattu, mais
dans nos lignes.
Retour de nos joyeux excursionnistes avec 4 D-520M tout neufs qui sont les bienvenus. Ils
ont vu, de leurs yeux, des D-523, mais qui, hélas, trois fois hélas, semblent destinés au II/3.

Opération Merkur
L’amélioration de la météo permet une reprise des attaques de la Luftwaffe et de la Regia
Aeronautica contre les terrains de Corse et de Sardaigne.
Des bombardiers français attaquent Naples, d’où partent la plupart des convois vers la Corse
et la Sardaigne.

Corse – La petite escadre française qui a débarqué des troupes à Bastia se retire aux
premières heures de la journée, non sans bombarder avant l’aube le terrain de Calvi-Sainte-
Catherine.
Les forces allemandes, grâce aux renforts des jours précédents, prennent résolument
l’offensive et lancent une attaque concentrique vers Bastia. D’une part, des troupes venant de
Calvi tentent de progresser vers l’est, sur la route côtière et à l’intérieur des terres ; de violents
combats éclatent à l’Ile-Rousse et à Belgodère, tenus respectivement par le 81e GRDI et le
V/373e DBIA. D’autre part, des troupes venant de Solenzara repoussent le 9e RTA, avancent
vers le nord et atteignent Aléria, qui est enlevée au crépuscule.

Sardaigne – Profitant du fait que l’archipel de La Maddalena n’est pas la première


préoccupation de la chasse française, une escadrille d’hydravions Cant Z.506B du 86e BM,
redéployé de Brindisi à Naples 37, bombarde les fortins tenus par les Français dans les trois

37
Les Italiens sont entrés en guerre avec deux régiments (Stormi) de Bombardement Maritime (BM) équipés de
Cant Z.506B. Le 31e était basé en Sardaigne, où il a été anéanti. Le 35e, basé à Brindisi, aurait dû être rééquipé
îles de l’archipel. La réaction de la DCA est faible ; cependant, un hydravion est touché et
doit se poser en mer, où il sera secouru. Du côté français, les fortifications, un peu réparées
depuis septembre, encaissent les bombes sans grand dommage ; une chèvre tuée par un éclat
vient améliorer l’ordinaire des tirailleurs tunisiens de Caprera. C’est la première et avant-
dernière intervention des Cant Z.506B en Sardaigne : la situation sur le front albanais va les
faire rappeler à Brindisi dès le 27 février.
Les Italiens commencent des travaux sur la piste aérienne près d’Olbia pour la rendre capable
d’accueillir des avions de combat légers. L’hydrobase est déjà en service, mais le raid de la
Maddalena a confirmé, si besoin était, le faible rendement du Cant Z.506B comme
bombardier. Il servira essentiellement pour la reconnaissance.
La nuit suivante, une escadre franco-anglaise avec le CA Dupleix, les contre-torpilleurs
Vauquelin et Cassard, les CL Fiji, Gloucester et Orion et les DD Kandahar, Kashmir, Kelly,
Kelvin et Kipling, ratisse le sud de la Mer Tyrrhénienne, sans parvenir à intercepter un convoi
italien qui renforce et ravitaille les forces italiennes autour d’Olbia. Avec ce dernier convoi,
les Italiens ont à présent débarqué le gros de leur infanterie, soit l’équivalent de cinq
divisions. Certes, elles ont subi des pertes notables mais, même s’il leur faut encore organiser
et déployer tout leur monde, la balance commence à pencher nettement en leur faveur.

Le Blitz Malte-Tunis
Méditerranée centrale – Dans la journée, le Ve FliegerKorps commence à opérer contre
Malte et Tunis à partir de bases en Sicile et près de Reggio de Calabre.
Cette formation compte 280 avions (110 chasseurs et 170 bombardiers) :
JG 3 (4 Gruppen) : 110 Bf 109 E et F.
KG 51 (2 Gruppen) : 55 Ju 88.
KG 54 (2 Gruppen) : 55 Ju 88.
KG 55 (2 Gruppen) : 60 He 111.

25 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Patrouille a priori par 6 avions dans le secteur de Corte. Ils sont dirigés par le radar (qui
fonctionne à nouveau) sur des intrus et interceptent des Stukas, malheureusement escortés par
des 109. Résultat, un Ju 87 partagé entre 3 pilotes et un 109 probable, mais Albert se pose
avec un aileron arraché par une rafale de 20 mm.

Opération Merkur
Corse – Le 9e RTA, qui combat sans discontinuer devant Solenzara depuis une semaine, est
attaqué par des chars et par les Stukas du IVe FliegerKorps. Il perd pied et doit se replier.
Arlabosse réussit à reconstituer une ligne de défense avec le 1er RTA, mais plus au nord, à
Prunete-Cervione, 33 km au sud de l’aérodrome de Bastia-Poretta. Plus à l’ouest, une
tentative de coup de main menée par des troupes venues d’Aléria pour enlever Corte, la
capitale historique de la Corse, est brisée par les chasseurs alpins de la 22e DBCA qui
couvrent la ville.
Face à la menace que font peser la perte d’Aléria et la progression allemande vers le nord,
Montagne réorganise son dispositif.

en bombardiers terrestres Cant Z.1007bis au 15 octobre 1940, les Z.506B devant être reversés à des escadrilles
de Reconnaissance Maritime (RM). Les retards accumulés et l’octroi du nouveau bombardier à d’autres
formations ont fait que seul l’un des deux Groupes du Stormo, le 95e, est passé sur Cant Z.1007bis. Le 86e
Groupe a gardé ses hydravions et a été affecté à l’opération Esigenza C2.
Le général Lhuillier commande la défense de Ponte-Leccia, verrou indispensable pour
maintenir le contact entre le nord et le centre de l’île. Il dispose du V/373e DBIA au col de
Muratano, d’un bataillon de légionnaires et de la 24e DBCA (retirés de Solenzara) pour
couvrir les routes venant de Borgo et Cervione. Deux bataillons de la 22e DBCA défendent
Corte en bloquant la route venant d’Aléria.
Le colonel d’Ornano et le VI/373 DBIA vont défendre Ghisoni. Kœnig, à la tête d’un
assemblage hétéroclite (un bataillon de légionnaires de la 13e DBLE, un bataillon de
chasseurs alpins de la 22e DBCA et une partie du II/363 DBIA venu de Sartène), bloque la
forêt et le col de Bavella. Le colonel Denis réorganise le Groupement Sud pour continuer à
interdire un nouveau débarquement à Porto-Vecchio ou Bonifacio, mais aussi pour bloquer la
route Solenzara-Porto-Vecchio (avec le I/363 DBIA).

Capraia, 02h30 (heure de Rome, GMT+2) – En marge de l’opération allemande contre la


Corse, les Italiens, aiguillonnés par Mussolini, ont tenu à reprendre sans trop attendre, et par
leurs propres moyens, la petite île de Capraia, que les Français occupent depuis le 2
septembre 1940. L’affaire a été confiée au vice-amiral Aimone di Savoia-Aosta, planificateur
du coup de main réussi du 29 septembre. Les unités modernes étant réservées à l’opération
Merkur, l’amiral a choisi les vieux torpilleurs de la 16e escadrille (Monzambano, Curtatone,
Castelfidardo, Calatafimi), qu’accompagnent les MAS de la 13e escadrille (MAS-533, 534,
539). Chacun des torpilleurs a embarqué à Gênes une demi-compagnie de Chemises Noires de
l’unique bataillon (XXXVIe Genova) de la 36e légion CC.NN. d’assaut Cristoforo Colombo,
sauf le Calatafimi, qui a pris à son bord la moitié de la compagnie de mitrailleurs (la 36e) de la
légion.
Contrairement au 29 septembre, il n’est pas question de viser directement le port de Capraia.
Même si les petits bateaux qui y stationnaient se sont retirées dès que l’aviation française n’a
plus été en mesure de protéger l’île 38, ses batteries de défense ont été achevées, il est protégé
par des mines en plus grand nombre 39 et c’est dans ses environs que stationne le gros de la
garnison française, portée à deux compagnies de la 373e DBIA (sans compter 82 marins
chargés des batteries et de l’observatoire du Monte Arpagna). Protégés par l’obscurité d’une
nuit sans lune, les quatre torpilleurs déposent leurs passagers sur la côte ouest et repartent
aussitôt pour Gênes chercher des renforts. Guidées par quelques habitants de Capraia qui se
trouvaient hors de l’île (la plupart sous les drapeaux) lors de la conquête française, les
Chemises Noires progressent assez rapidement vers le Monte Arpagna, prenant aisément le
meilleur sur les petits postes de surveillance et les premières patrouilles rencontrées.
Néanmoins, l’alerte est donnée et le Monte Arpagna est sur ses gardes quand les premiers
Italiens tentent de s’en approcher. La nuit se conclut sur un échec partiel : les Chemises
Noires n’ont pu prendre pied sur le Mont, mais les fantassins français dépêchés en renfort
n’ont pu les repousser bien loin, les mitrailleuses italiennes couvrant efficacement leur
infanterie.
13h00 (GMT+2) – Accompagnés cette fois de la 14e escadrille MAS (MAS-530, 531, 532),
les quatre torpilleurs sont de retour avec le reste du bataillon Genova et de la compagnie de
mitrailleurs. Leurs passagers débarqués, les quatre torpilleurs profitent de leur maîtrise des
eaux entourant Capraia pour appuyer au canon une offensive italienne qui parvient à
repousser les hommes de la 373e DBIA vers le port et à encercler le Monte Arpagna sans
encore le faire tomber. Eux-mêmes se retirent pour la nuit à Porto Ferraio (île d’Elbe).

38
Plusieurs petites unités ont stationné, plus ou moins longuement, à Capraia. Les dernières en date étaient le
yacht Ariel et le garde-pêche Rédacteur Alexandre (AD344), remplaçant du Socoa coulé le 29 septembre 1940.
39
Le croiseur auxiliaire Finistère (X35) a procédé, en décembre 1940, à la pose d’un champ de mines venant
s’ajouter à ceux mouillés dès septembre puis en octobre par le sous-marin Diamant.
Le Blitz Malte-Tunis
Méditerranée centrale – Les Ve et Xe FliegerKorps de la Luftwaffe mènent des raids aériens
massifs contre Malte, où sont maintenant basés environ 50 Hurricane de la RAF et 50 Hawk-
81 de l’Armée de l’Air.
Entre autres dégâts, le petit dragueur HMS Fermoy, coulé le 31 août 1940, relevé depuis et en
réparations, est détruit.
Cette pression constante a son prix en avions abattus, mais elle empêche l’envoi à Ajaccio du
GC II/6, maintenant rééquipé en Hawk-81.

26 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Deux patrouilles a priori sur le col de Mutarano, où se déroulent de durs combats. À la
seconde, le dispositif conduit par Albert tombe sur une douzaine de 109 bien conduits. Il
faudra toute la science du pilotage de nos pilotes pour que nous n’y laissions pas des plumes.
Albert et Madon tirent chacun un 109, mais ne peuvent observer le résultat de leur tir. Prévot
nous ramène encore une fois un avion qui est une véritable écumoire et qui sera bon pour la
réforme.
Arrivée du GC I/10 (polonais) équipé de Hawk-81 à Ajaccio, pour couvrir un débarquement
de matériel. Les Polonais ont hâte d’en découdre. Dommage qu’ils doivent repartir dès le
lendemain pour Oran.

Opération Merkur
Corse – Les Allemands tentent de percer le long de la côte est, par Prunete-Cervione. Au
même moment, les troupes venues de Calvi poussent vers l’est par Belgodère, le col de San
Colombano et le col de Mutarano. Elles sont bloquées dans ce dernier col après plusieurs
heures de combat furieux dans les montagnes enneigées. Néanmoins, ce mouvement aggrave
le risque d’un encerclement de Bastia.

Capraia, 04h30 (GMT+2) – Un fort coup de main nocturne fait tomber l’observatoire du
Monte Arpagna, où les Chemises Noires font dix prisonniers valides (trois des dix-neuf
marins qui en assuraient le service et sept des trente-cinq fantassins qui les avaient rejoints).
17h45 (GMT+2) – Après une journée de combats acharnés, les hommes de la 36e Légion ont
réussi à repousser les restes des deux compagnies d’infanterie alpine sur le village de Capraia
et le vieux fort San Giorgio, avec l’aide des torpilleurs de la 16e escadrille, revenus sur zone
dès le lever du soleil. Découverte et attaquée à revers, la batterie de la Punta di Portovecchio
(2 x 76 mm) se rend après que son équipage a saboté les pièces.

Le Blitz Malte-Tunis
Méditerranée centrale – Immobilisé en cale sèche depuis le 2 septembre 1940, après
l’affaire de Pantelleria (opération Ravenne), le destroyer HMS Gallant est définitivement mis
hors service par deux bombes allemandes. Les nouveaux dégâts reçus le font déclarer
« damaged beyond repairs ».

La campagne des Balkans – Opération Poséidon


Albanie – La situation des Italiens se détériore très vite, d’autant que les premiers squadrons
de la RAF déployés en Grèce, opérationnels depuis le 21 février, conquièrent rapidement la
supériorité aérienne, avec l’aide enthousiaste de l’aviation grecque.
Sur le front, les forces italiennes ont été obligées d’organiser une retraite générale et en
profondeur, pour tenter de réorganiser un nouveau front 40 ou 50 km à l’intérieur des
frontières de l’Albanie. Les villes stratégiques de Koritsa, Gyrokaster et le petit port de Santi
Quaranta sont tombées le 24 ou le 25 février : l’annonce de ces victoires a déclenché des
scènes de liesse à Athènes ! Les troupes grecques poursuivent leur offensive, faisant sauter
l’un après l’autre les différents bouchons défensifs que les Italiens organisent en avant de leur
nouvelle position d’arrêt…
………
Grèce – Les premières unités britanniques logistiques et de service ont débarqué dès le 24, et
ce sont à présent les unités de combat qui arrivent, avec la 2nd Armoured Brigade de la 7th
Armoured Division.
Les Français, de leur côté, ont un léger retard. Le général Thierry, arrivé la veille à Athènes à
la tête d’une délégation des 3e et 4e Bureaux du GMFL afin de préparer matériellement
l’arrivée des troupes françaises en Grèce, rend son premier verdict : la Grèce est un pays
pauvre et peu développé, ses rares ressources civiles ont été utilisées par l’armée grecque lors
de sa mobilisation ; l’armée française, comme l’armée anglaise avant elle, ne peut compter sur
aucun soutien logistique local et doit apporter avec elle tous les matériels et véhicules
nécessaires.
Le transfert des unités de service du GMFL du Levant vers la Grèce commence
immédiatement ; cependant, en raison des événements en Corse, en Sardaigne et à Malte,
l’acheminement de troupes françaises à partir de l’AFN est pour l’instant interrompu.

27 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
La situation se détériore dans le nord, près de Bastia.
Nous couvrons de 12 avions une formation de 9 Glenn qui s’en va attaquer l’aérodrome de
fortune que les Italiens ont construits près d’Aléria. Mauvaise visibilité et beaucoup de flak.
Les résultats du bombardement sont incertains.
La capitaine Challe mène 4 avions au-dessus du col de Mutarano et, en l’absence
d’opposition, seringue les Boches, mais sans résultats visibles.

Opération Merkur
Mer Tyrrhénienne
Devant Olbia, 03h35 – L’escadre franco-anglaise de l’amiral Moreau, menée par le Dupleix,
continuant à ratisser la Mer Tyrrhénienne, surprend, grâce aux radars des vaisseaux
britanniques, des navires italiens qui déchargent près d’Olbia, en Sardaigne, des troupes et des
équipements. Quand l’escorte italienne aperçoit les attaquants, les premiers obus pleuvent
déjà : quatre cargos sont coulés et un cinquième doit être échoué. Les escorteurs eux-mêmes,
totalement surpris, sont pris à partie : une véritable charge des destroyers britanniques détruit
au canon et à la torpille le croiseur léger Armando Diaz et le grand destroyer Alvise da Mosto.
Le destroyer Baleno, gravement endommagé au canon par les Vauquelin et Cassard en tentant
de déployer un rideau de fumée, doit lui aussi être échoué. Les navires alliés, pratiquement
indemnes, prennent rapidement la direction des Bouches de Bonifacio pour se mettre hors de
portée de l’aviation italienne.
Aérodrome de Littoria, 06h30 – Six SM.79 de la 280a Squadriglia, armés chacun d’une
torpille de 450 mm, décollent au lever du soleil en direction de l’ouest. La Regia Marina, sitôt
connu le désastre du convoi devant Olbia, a réclamé avec insistance une intervention aérienne
pour châtier l’escadre alliée, et l’Aeronautica a désigné la plus récente de ses escadrilles
d’avions torpilleurs, commandée par le capitaine Amedeo Mojoli.
Bouches de Bonifacio, 07h00 – Les avions italiens sont repérés par des observateurs français
postés de part et d’autre du détroit. Averti, le commandement de l’Armée de l’Air à Ajaccio
dirige de ce côté la patrouille de trois D-520M qui assure la protection matinale de Campo
dell’Oro. À cet instant, le groupe du Dupleix est à hauteur de Porto Torres.
Au large de l'île d’Asinara, 07h20 – Les SM.79 repèrent l’escadre alliée au moment où elle
vient au sud-ouest pour se diriger vers Alger, et les aviateurs italiens plongent vers les flots
pour se mettre en position de torpillage, tandis que la DCA des navires se déchaîne. C’est à ce
moment que surgissent du nord-est les chasseurs du GC I/3. Déroutés par l’arrivée de ces
importuns, les SM.79 larguent leurs torpilles de très loin, laissant aux navires tout le temps de
les éviter, et s’enfuient vers l’est – l’un d’eux a un moteur en feu, il devra amerrir au large
d’Olbia. Les D-520M ne les poursuivent pas, car leur faible autonomie a été largement
entamée et d’autres missions les attendent au-dessus de la Corse. Les navires alliés continuent
leur route vers Alger, qu’ils atteindront peu avant minuit.
Rome, 08h30 – Les mauvaises nouvelles de la nuit conduisent l’amiral Riccardi à donner
satisfaction aux demandes de renfort faites depuis plusieurs jours par ses subordonnés Iachino
et Sansonetti. Il accepte le transfert de Tarente à Naples de la 7e division de croiseurs légers (à
la tête de laquelle le vice-amiral Ferdinando Casardi a justement succédé à Sansonetti). Mais,
comme la situation en Basse-Adriatique et Mer Ionienne ne laisse pas de l’inquiéter, il
ordonne que ce mouvement se fasse sous quelques jours et en deux temps : d’abord le groupe
Attendolo et Montecuccoli puis, si rien ne bouge à l’est, le groupe Duca d’Aosta et Eugenio di
Savoia.

Corse – Les forces allemandes percent à Prunete-Cervione et atteignent l’aérodrome de


Bastia-Poretta, qui tombe en fin de journée après de très violents combats. Les Stukas des StG
2 et StG 3 bombardent avec acharnement les positions défensives des Français autour du
terrain et à Borgo. De plus, le génie allemand est parvenu à établir au nord d’Aléria une petite
piste à partir de laquelle les Fiat CR.42 AS des 162e et 163e Squadriglie commencent à opérer
comme avions d’appui rapproché. Dans la soirée, neuf Martin 167 bombardent cette piste,
mais seuls trois Fiat sont endommagés.
Au centre de l’île, le combat pour le col de Mutarano est féroce. Des unités allemandes venant
de Calvi essayent de prendre à revers les défenses françaises en passant plus au nord, par la
route qui traverse le Désert des Agriates. Elles sont arrêtées à 5 km de la petite ville de Saint-
Florent.
Sous la protection des avions du GC I/10, désormais basé à Ajaccio, des bâtiments français
débarquent une compagnie blindée indépendante (13 chars légers américains M2A4),
précurseur de la brigade commandée par le Lt-colonel de Hautecloque (que ses hommes et la
presse continuent d’appeler Leclerc). Ces chars sont immédiatement envoyés à Corte.
Dans le sud de l’île, près de Propriano, le génie français établit une piste de fortune qui reçoit
le nom de Sartène-1 (ou S1).

Sardaigne – Malgré l’écrasement du convoi la nuit précédente, les troupes italiennes


s’efforcent de progresser vers l’ouest avec le soutien des Stukas du IVe FliegerKorps et des
chasseurs-bombardiers italiens. L’avant-garde polonaise entre pour la première fois en action
à Ozieri.
Ceux qui ne connaissent pas encore les cavaliers polonais sont surpris de les entendre
s’appeler des « Uhlans », un nom d’origine turque, mais que les Français auraient tendance à
associer à de mauvais souvenirs d’invasion prussienne. Heureusement, leur chant, le
« Somosierra », évoque une victoire commune des Français et des Polonais sous Napoléon 40.

Capraia – Le soleil à peine levé, la flottille italienne est revenue devant Capraia. Les
Monzambano et Calatafimi s’en prennent au fort San Giorgio, tandis que les Curtatone et
Castelfidardo se tiennent prêts à appuyer les Chemises Noires en prenant garde d’ajuster leurs
tirs avec soin, car des civils italiens sont pris au milieu des combats. Ainsi soutenues, les
Chemises Noires s’emparent peu à peu d’une partie du village.
12h40 (GMT+2) –Le commandant de la garnison française se résout à cesser de résister. Les
marins prennent le temps de saboter les pièces des deux batteries restantes : elles n’auront
guère eu l’occasion de tirer sur l’ennemi, sauf celle de 100 mm qui a pu envoyer quelques
salves sur le Monzambano, venu un instant – un peu imprudemment – dans son champ de tir.

Rome, 13h50 (GMT+2) – Rapidement informé par Supermarina de la reprise de Capraia,


Mussolini se réjouit un court instant, pour demander aussitôt à l’amiral Arturo Riccardi : « A
quand le tour de Lampedusa ? ». Question qui ne manque pas d’embarrasser le chef d’état-
major de la Regia Marina. Depuis septembre 1940, un plan de reconquête des Pélages a bien
été étudié, les matériels et les hommes nécessaires évalués. Mais c’est une chose de remettre
la main sur une île située dans une zone d’où l’ennemi est en train d’être chassé ; une autre de
reprendre Lampedusa et les autres Pélages qui sont – et resteront ! – prises en tenailles entre
Malte et les bases ennemies de Tunisie… et de Tripolitaine. En outre, la récente entrée en
guerre de la Grèce est venue compliquer les choses en forçant la Regia Marina à consacrer
une partie de ses forces à l’Adriatique et à la Mer Ionienne.
Riccardi répond donc au Duce que l’opération est au point mais qu’elle ne saurait être
exécutée avant que la situation stratégique ne soit éclaircie et que la Regia Aeronautica ne soit
en mesure de l’appuyer. Or, comme le chef d’état-major de cette dernière, le général
Francesco Pricolo, le confirmera un peu plus tard à Mussolini, tous ses moyens sont soit déjà
engagés dans Merkur, soit vont devoir l’être sur le front albanais. Le Duce doit donc se
contenter de la promesse que les Pélages seront reconquises « aussitôt que possible ».

El Adem – A la suite de la conférence de Casablanca, le 22 février, les Britanniques ont


obtenu l’accord des Français pour engager en soutien de la Grèce leurs quatre squadrons de
Wellington présents en Méditerranée. Quittant Sorman (en Tripolitaine), les Sqn 37, 38 et 70
ont rejoint le 25 février le Sqn 148 sur la principale base aérienne de Cyrénaïque, El Adem.
Ce jour, le Sqn 70 part pour l’aérodrome de Menidi, en Attique, où il va être intégré à la
Royal Air Force (in Greece), confiée à l’Air Vice-Marshal J.H. D’Albiac. Les trois squadrons
restés à El Adem seront utilisés pour des bombardements sur les bases arrière italiennes dans
la péninsule et en Albanie. Jusqu’au mois d’août 1941, il ne sera plus question de
bombardements stratégiques partant du sud : seul le Bomber Command continuera à harceler,
en partant d’Angleterre, les villes du nord de l’Italie.

Bouches de Bonifacio, 23h30 – Une flottille de cinq petits torpilleurs français de classe
Melpomène (12e Division : Bombarde, L’Iphigénie, La Pomone ; 14e Division : La Flore, La
Melpomène) s’engage entre Corse et Sardaigne pour attaquer les bateaux italiens qui
continuent d’apporter renforts et ravitaillement à Olbia.

40
Somosierra : bataille de la guerre d’Espagne (1808) où se sont illustrés les chevau-légers du Grand-Duché de
Varsovie.
28 février
Le GC I/3 en Corse
Extraits du journal de marche du Groupe de Chasse I/3
Le Boche utilise un aérodrome de fortune près d’Aléria pour se ravitailler, ce qui lui permet
d’étendre sa présence au-dessus de ses troupes. Deux Potez 63-11 du GR I/52 en font
l’expérience.
En matinée, un dispositif de 8 avions escorte une formation mixte (3 Glenn et 3 Potez) qui va
bombarder les troupes allemandes dans la région du col de Mutarano. Les 109 sont là, mais,
bien couverts par l’élément d’altitude du dispositif, ils se font prendre en sandwich. Entre la
poire et le fromage, le capitaine Challe, qui est de mauvaise humeur depuis son bain forcé, en
descend un tandis que notre Marcel Albert national en détruit un second, puis va tirer un
Hs 126 qui a le malheur de passer par là. Le tout sans pertes.
En début d’après-midi, décollage immédiat de 6 avions, plus 8 du GC II/3 et dix du I/10
(finalement, les Polonais sont restés !) pour intercepter un raid majeur sur Ajaccio. Grosse
bagarre dans laquelle nous perdons le commandant Thibaudet qui doit se parachuter, blessé,
plus un autre pilote et deux avions sérieusement endommagés, mais réparables. En échange,
le groupe s’offre collectivement un He 111 sûr, un 109 sûr et deux 109 probables. Par contre,
le bombardement nous casse un avion au sol.
On récupère Durand, qui peste contre sa cheville, mais qui se considère comme guéri.

Opération Merkur
Bouches de Bonifacio, 00h15 – La flottille de torpilleurs français tombe dans une embuscade
tendue par des vedettes rapides italiennes (MAS) et allemandes (S-boots). La Pomone et La
Flore sont foudroyées par plusieurs torpilles. L’Iphigénie, l’étrave brisée, doit être sabordée,
tandis que les vedettes disparaissent dans la nuit à toute vitesse.

Corse – Le temps continuant de s’améliorer, la Luftwaffe établit une présence permanente au-
dessus du nord de l’île, pendant que les petits chasseurs italiens d’Aléria effectuent des
missions d’appui rapproché “à la demande”.
Les troupes allemandes prennent d’assaut Saint-Florent, pendant que les Français se retirent
de la périphérie de Borgo et de l’aérodrome de Bastia-Poretta, pour établir une dernière ligne
de défense au col de Teghime et au sud de Bastia. Les unités qui défendaient le col de
Mutarano se replient vers Corte, ce qui isole davantage les défenseurs de Bastia. De Gaulle
demande cependant que la ville soit défendue le plus longtemps possible, afin d’empêcher les
Allemands de disposer tout de suite d’un port dans l’île (celui de Calvi est petit et n’est pas
équipé pour décharger de l’équipement lourd).
Au nord de Corte a lieu la première rencontre entre des chars français et allemands depuis le
début de la bataille de Corse. Six blindés allemands, des Pz-38t et 35t ex-tchèques, sont
détruits, contre deux M2A4 français.
Des bombardiers légers Potez 63-11, escortés par des Hawk-75A4 (lesquels vont être
remplacés par des D-520), bombardent la zone de débarquement improvisée autour de
l’aérodrome en construction de Solenzara.

Sardaigne – Menacée d’encerclement, les troupes françaises commencent à décrocher de la


ligne de Berchidda et à préparer l’évacuation du nord-ouest, soit par les petits ports de Porto
Torres et Alghero, soit par le chemin de fer. Quelques tronçons de ce dernier restent
utilisables, les trains ne roulant que de nuit pour échapper aux attaques aériennes.
Une ligne de défense est prévue sur le fleuve Tirso, qui coupe en deux la plaine de l’ouest de
l’île, et autour de Nuoro, capitale provinciale incommodément située au cœur des montagnes
de la Barbagia.
Italie – Une partie du Ve FliegerKorps est redéployée de Sicile dans la région de Grossetto
pour compenser les pertes subies par le VIIIe FliegerKorps. Ce mouvement réduit
notablement le rythme des opérations contre Malte et Tunis.

Presse italienne – Dans les journaux comme à la radio, la reconquête de Capraia éclipse les
combats d’Albanie et même ceux de Sardaigne. Le communiqué de l’état-major général, que
publient et commentent les journaux, célèbre l’action combinée de la Regia Marina et des
Chemises Noires. Pour ces dernières, il est précisé à mots couverts que l’affaire n’a pas été
une promenade de santé. De fait, si la garnison française a été mise hors de combat ou faite
prisonnière (119 tués et blessés, 277 prisonniers), les attaquants ont eu 18 morts et 49 blessés.
Mais, pour les fascistes les plus enthousiastes, c’est le juste prix de la Gloire !

La campagne des Balkans


Athènes – Une première réunion interalliée d’état-major rassemble les généraux Papagos,
Wilson et Dentz. Toutes les forces alliées en Grèce sont placées (au moins en théorie) sous les
ordres du général Alexandre Papagos, chef d’état-major et commandant en chef de l’armée
grecque. La British Expeditionary Force in Greece (BEFIG) est commandée par le
Lieutenant-General Sir H. Maitland Wilson, et c’est Pierre Dentz, général de corps d’armée et
chef du Groupement Mobile des Forces du Levant, qui commande les forces françaises venant
du Liban au secours des Grecs.
Le plan d’opération retenu vise avant tout à vaincre au plus vite les troupes italiennes et à
conquérir l’Albanie. Cet objectif a été confié à la 1ère Armée grecque, forte de près de 400 000
hommes. Elle est progressivement renforcée par les éléments britanniques débarqués : très
vite, les premières brigades blindées de la 7th Armoured Division, puis les deux divisions
d’infanterie du XIIIe Corps.
Pour parer à toute éventualité pendant cette offensive, le reste des forces grecques couvre l’est
du pays (en Thrace, devant la frontière bulgare, avec le faible corps du général Bakopoulos) et
le nord (en Macédoine Centrale, devant la frontière yougoslave, avec le corps de du général
Kotoulas). Ces unités sont progressivement renforcées au fur et à mesure que se poursuit la
mobilisation générale de l’armée grecque, mais il faudra plusieurs semaines avant que ces
forces soient en nombre suffisant, et tant leur équipement que leur entraînement resteront
médiocres pendant de longs mois.
Le plan allié prévoit donc qu’au fur et à mesure de leur arrivée, les autres forces britanniques
et les forces françaises viennent se déployer dans les montagnes de Macédoine, pour couvrir
le nord du pays. Cette armée franco-britannique, formée à partir de la British Expeditionary
Force in Greece et du Groupement Mobile des Forces du Levant, est placée sous le
commandement du général Wilson. Elle doit couvrir la frontière yougoslave en assurant la
jonction avec la 1ère Armée grecque à sa gauche, et s’appuyer sur des positions défensives à
préparer le long du fleuve Aliakmon. Face à l’attitude indécise de la Yougoslavie, et tant que
leurs forces ne sont pas suffisamment déployées, les Français et les Britanniques refusent en
effet de s’avancer vers Salonique, où ils pourraient être facilement tournés par une attaque
allemande passant par la Macédoine yougoslave.

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