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Janvier 1941

4 – La bataille de l’Atlantique (et autres mers lointaines)


La croisière de l’Admiral Scheer
2 janvier
Sous dix drapeaux
Iles Kerguelen – Dans la matinée, le corsaire allemand Atlantis quitte son mouillage de la
baie de la Gazelle, après avoir modifié son camouflage. Le SKL ayant affecté son ancienne
zone d’opération au Kormoran, le capitaine Rogge décide de faire route vers le nord de
l’Océan Indien. Il emmène la vingtaine de prisonniers français, dont certains ont fait la
campagne de France et sont particulièrement dépités d’avoir été capturés par les Boches à
l’autre bout du monde !
De son côté, Rogge est conscient que les réparations effectuées sur la coque sont
insuffisantes, après l’échouage dont a été victime son navire en arrivant aux Kerguelen.
Toutefois, le capitaine ne veut pas rester davantage sur place, car les Français ont
certainement dépêché un navire de Madagascar ou la Réunion. Par ailleurs, il reste toujours
quelques rescapés de la garnison terrés dans les collines, même s’ils ne représentent guère une
menace.
De fait, un navire français se dirige bien vers l’archipel. Après la perte de liaison radio avec la
petite garnison des Kerguelen, l’état-major de la Marine à La Réunion s’est décidé à envoyer
le chalutier armé Aspirant Brun, chargé du ravitaillement des îles australes françaises. Dans
l’après-midi du 2, l’équipage de l’Aspirant Brun aperçoit un cargo battant pavillon norvégien
au large des Kerguelen. La proximité des flottilles de pêche à la baleine pourrait expliquer la
présence d’un navire dans un endroit aussi inhabituel, mais le capitaine ordonne néanmoins
l’inspection du navire suspect, après avoir prévenu La Réunion par radio.
Rogge laisse le patrouilleur français approcher, puis ordonne le brouillage radio, dévoile son
pavillon allemand et ouvre le feu. Le combat est inégal, les trois canons de 100 mm du
Français ne peuvent rien contre les six pièces de 150 mm du corsaire et sa vitesse ne lui
permet pas de s’enfuir. L’ancien chalutier, incendié, est achevé par une torpille, les rescapés
sont récupérés et rejoignent leurs compatriotes dans les cales de l’Atlantis. Le navire allemand
n’a que peu souffert des tirs français, mais la réparation effectuée sur sa coque donne des
signes de faiblesse. Rogge sait qu’il va devoir limiter sa vitesse, alors qu’il doit justement
s’éloigner au plus vite du secteur.
A La Réunion, le contre-amiral Jean-Louis Négadelle, commandant pour l’Océan Indien,
comprend en apprenant que l’Aspirant Brun ne donne plus de nouvelles qu’il y a un corsaire
allemand dans la région. Il ordonne aux avisos coloniaux D’Entrecasteaux et Dumont-
d’Urville de traquer le coupable et prévient son homologue britannique, qui dépêche le
croiseur léger HMNZS Leander du nord de l’Océan Indien et le croiseur lourd HMS
Cumberland de l’Atlantique Sud.

4 janvier
Phosphate
Pacifique Sud-Ouest – Le croiseur auxiliaire HMAS Manoora arrive au large de l’île de
Banaba, 185 miles à l’est de Nauru. Bien que n’ayant pas été affectée par les attaques des
corsaires allemands du mois précédent, sa production de phosphate (environ la moitié de celle
de sa voisine) justifie amplement que le Commonwealth consacre quelques moyens pour la
défendre. Dans les mois qui suivront, des navires australiens et néo-zélandais maintiendront
une surveillance continue, tandis qu’une compagnie de marins et deux canons de campagne
seront débarqués sur chacune des deux îles.

6 janvier
Sous dix drapeaux
Atlantique Sud – Un nouveau rendez-vous entre corsaires et ravitailleurs allemands réunit
l’Admiral Scheer, le Thor, l’Eurofeld, et les pétroliers Nordmark et Storstad (celui-ci capturé
par le Pinguin).
………
Lamotrek (Micronésie, Pacifique) – Le corsaire allemand Orion et le pétrolier Ole-Jacob
appareillent pour l’île japonaise de Maug (Mariannes), où l’Orion poursuivra sa remise en état
dans un endroit jugé plus sûr par le SKL. En effet, les prisonniers débarqués fin décembre à
Emirau, dans les Iles Bismarck, ont fourni à la marine australienne des renseignements sur les
activités du navire corsaire. Le ravitailleur Ermland, en partance pour la France et auquel les
deux autres ont confiés leurs cent cinquante derniers prisonniers, lève l’ancre le premier.
L’équipage de l’Orion modifiera l’apparence du navire une fois l’Ermland hors de vue.

8 janvier
Sous dix drapeaux
Sud de l’Océan Indien – Rogge a dû se résoudre à conduire son Atlantis vers le nord-ouest.
L’état de la coque ne lui permet pas de surmonter les conditions difficiles régnant à proximité
de l’Antarctique. Ne pouvant guère poursuivre son activité de corsaire dans ces conditions, le
capitaine allemand décide de rejoindre l’Argentine pour y faire interner son navire, car il sait
que la Royal Navy et la Marine Nationale le traquent – mais la chance n’est pas au rendez-
vous…
Dans la matinée, à mi-chemin entre l’Afrique du Sud et l’Antarctique, l’Atlantis est repéré par
l’hydravion GL-832 du Dumont-d’Urville. L’aviso lui-même est encore loin, mais le croiseur
Cumberland est tout proche. Alerté, il apparaît vers midi dans les jumelles des vigies
allemandes, et approche rapidement. Rogge doit se résoudre à saborder son navire. Son
équipage et ses prisonniers, dont de nombreux Français, sont récupérés par les marins du
Cumberland, très satisfaits d’avoir mis fin à la carrière d’un corsaire particulièrement efficace
après avoir poursuivi sans succès l’Admiral Scheer, le Thor et le Pinguin.

Sur les sept mers


Manche – Le torpilleur allemand Wolf saute sur une mine au large de Dunkerque et coule.
………
Massaouah – La pression alliée se faisant plus forte sur l’Erythrée, le moderne cargo à
moteurs (motonave) Himalaya (6 240 GRT, 13 nœuds) est le premier navire de commerce à
mettre en œuvre les instructions récemment reçues de Supermarina. Il prend la mer ce jour et
choisit la difficulté : il ne met pas le cap sur le Japon, mais sur la France occupée.

10 janvier
Sous dix drapeaux
Maug (nord des Îles Mariannes, Pacifique) – Le corsaire Orion et le pétrolier Ole-Jacob
jettent l’ancre dans le lagon formé par le cratère de l’île volcanique de Maug. Les travaux
d’entretien de l’Orion doivent durer un mois. Dans une atmosphère étouffante et infestée
d’insectes, ces travaux vont se révéler particulièrement pénibles.
12 janvier
La croisière de l’Admiral Scheer
Atlantique Sud, au sud-est de l’île de Sainte-Hélène – Après trois jours de recherches
infructueuses, le cuirassé de poche Admiral Scheer, toujours à la recherche de navires
marchands alliés à couler, renonce à retrouver le convoi signalé par le Hipper fin décembre.
Et pour cause : le “Winston Special 5” ne se dirigeait pas vers l’Afrique du Sud, il est passé
en Méditerranée. Il s’agit de véhicules que Churchill envoie en renfort dans le nord de
l’Afrique, où ils devront être prêts pour une future opération en Grèce et dans les Balkans. Le
Premier ministre a pris cette initiative avant même de s’en ouvrir aux Français – c’est pour lui
une vieille obsession. Cependant, à la suite de la conférence de la Saint-Sylvestre à
Casablanca, il semble que ce projet pourrait bien se concrétiser dans les prochains mois.

13 janvier
Sous dix drapeaux
Atlantique sud – En vingt-quatre heures, le corsaire allemand Pinguin arraisonne trois
navires-usines et 11 baleiniers norvégiens dans les eaux de l’Antarctique, près de la Georgie
du Sud. Se doutant bien que l’ampleur de ses déprédations va rameuter les navires alliés, le
corsaire file à pleine vitesse vers le nord-ouest pendant plusieurs jours, dépassant l’île Bouvet
et parvenant à mi-chemin des îles Sandwich. Il émet alors un long message codé à destination
de l’Allemagne, sachant fort bien qu’il sera intercepté par les stations radios alliées de la
région qui pourront le localiser, puis il rebrousse chemin. Ce calcul fonctionne parfaitement :
comme le révèle l’interception de plusieurs messages, des navires de guerre alliés ont pris la
mer à partir des îles Falkland et de la base navale de Simonstown en Afrique du Sud,
certainement pour intercepter le corsaire dans l’Atlantique.

14 janvier
La croisière de l’Admiral Scheer
Atlantique Sud, au sud-ouest de Luanda (Angola portugais) – Remontant vers le nord,
l’Admiral Scheer longe la côte angolaise de plus en plus prés.
12h30 – Le radar signale plusieurs échos au nord-ouest. Kranke ordonne de faire route dessus
pour vérifier. Serait-ce le convoi signalé par le Hipper ?
12h54 – Le radar signale de nombreux échos pratiquement immobiles droit devant. Est-ce
enfin ce maudit convoi, en attente, ou des pêcheurs angolais ? La brume de chaleur qui stagne
sur 5 à 10 mètres au ras de la surface ne permet pas une identification optique précise.
13h07 – Un écho radar se détache du groupe et prend une route radiale vers le Scheer. Sa
vitesse augmente rapidement et dépasse les trente nœuds.
« Direction de tir parée à l’acquisition de l’objectif ! » Kranke est persuadé qu’il s’agit d’un
destroyer anglais de l’escorte du fameux convoi, qui lui fait la même manœuvre désespérée
que le Jervis Bay. La veille optique identifie enfin un destroyer de Sa Gracieuse Majesté de
classe D ou E. L’artillerie rallie le site et attend l’ordre de tir du commandant. Sachant qu’il
n’en fera qu’une bouchée, Kranke laisse approcher sa cible pour en finir d’un coup.
Juste au moment où l’ordre de tir est confirmé, le destroyer abat en grand sur son tribord,
laissant apparaître son pavillon à la corne du mât : vert et rouge ! Un Portugais ! Kranke a
juste le temps d’appuyer sur le bouton “coup de poing” d’interdiction de tir avant de
provoquer un grave incident diplomatique. Après échange par signaux optiques de plates
excuses pour leurs attitudes respectives un peu (beaucoup) trop offensives, les deux
commandants se congratulent et les navires s’éloignent rapidement l’un de l’autre.
Le PS Douro, destroyer portugais construit à Lisbonne en 1935 sur plans Yarrow, est une
réplique à peu près exacte des torpilleurs type D britanniques. Il vient d’être déployé à Luanda
par le Premier Ministre Salazar, avec pour mission d’affirmer la souveraineté portugaise sur
une zone de pêche traditionnelle qui semble devenir le théâtre de trop nombreux
affrontements entre belligérants.

18 janvier
Sous dix drapeaux
Atlantique Central, à la latitude de Gibraltar – Le corsaire allemand Kormoran (capitaine
Detmers) arraisonne le pétrolier British Union, qui navigue à lège en direction d’Aruba dans
les Caraïbes. Le navire est sabordé à l’aide de charges de démolition et achevé à la torpille. Le
corsaire quitte les lieux précipitamment, échappant ainsi de peu au croiseur auxiliaire HMS
Arawa, qui a reçu le message de détresse du pétrolier et a même aperçu de loin les projecteurs
et les départs de tirs du Kormoran.
Le capitaine Detmers reçoit l’ordre de rejoindre le ravitailleur Nordmark pour lui transférer
les torpilles et fournitures destinées aux U-boots, qu’il n’a put livrer à temps, avant de prendre
la direction de l’Océan Indien.

19 janvier
Sous dix drapeaux
Brest – Le forceur de blocs et ravitailleur Alstertor arrive de Cuxhaven, escorté par les
torpilleurs Greif et Seeadler. Il partira quelques jours plus tard pour l’Océan Indien avec,
entre autres, des hydravions Arado Ar 196 en caisse.

20 janvier
La croisière de l’Admiral Scheer
Atlantique Sud, 30°46S. 07°23E. – Deux marchands isolés, le Barneveld (5 597 t) et le
Stanpark (5 103 t) sont coulés par l’Admiral Scheer. Sur cette route montant d’Afrique du
Sud, de l’AOF et du Congo, le système des convois n’est pas encore bien respecté.

22 janvier
Des Italiens dans l’Atlantique
La Rochelle – Précédant les Dandolo et Comandante Cappellini (qui arriveront les 23 et 24),
le Malaspina entre dans le port de La Rochelle à 20h00 heure italienne (18h00 GMT). Il y est
accueilli par le contre-amiral Angelo Parona, ci-devant n°2 de Maricosom et premier
commandant de la base sous-marine italienne de Bordeaux (Betasom) encore en pleins
travaux.
Le Malaspina et le Dandolo ayant coulé chacun un cargo allié au cours de leur croisière, les
premiers bateaux du XIe Groupe de sous-marins de la Regia Marina vont fêter dans leur base
provisoire (ils ne s’installeront à Bordeaux que fin février) leurs premiers succès atlantiques.
Mais ce sera sans le Glauco, qui ne donnera plus de nouvelles. Il semble qu’il ait été victime
de l’accroissement de la densité des patrouilles alliées dans le détroit de Gibraltar à partir de
début décembre. L’une de ces patrouilles a en effet attaqué une cible immergée repérée par le
sonar vers 01h00 le 31 décembre et a signalé avoir recueilli des débris non identifiables.
Un cadeau pour la Royal Navy
Atlantique Sud – Repéré par un hydravion de patrouille venu de Casablanca, le Laté 521
Lieutenant de Vaisseau Paris, le ravitailleur allemand Nordmark est intercepté par la Gloire,
l’un des croiseurs français déployés dans l’Atlantique Sud à la suite de la bataille des îles du
Cap Vert. Le ravitailleur refuse de se rendre. Canonné, il stoppe et tente de se saborder, mais
une équipe de marins français le prend littéralement à l’abordage. Il sera (difficilement)
remorqué jusqu’à Dakar. Découvrant alors son rôle dans les opérations de l’Admiral Scheer,
la Marine Nationale va décider d’en faire “cadeau” à la Royal Navy. Le Nordmark est un
excellent navire, un vapeur moderne (1930, 7 750 GRT, 14,5 nœuds), bien équipé pour le
ravitaillement à la mer. La Royal Navy le remettra en service un an plus tard, rebaptisé HMS
Captain Fegen VC.

28 janvier
La croisière de l’Admiral Scheer
Atlantique Sud, Point Andalusien, 15°S. 18°W. (au nord de l’île Tristan da Cunha) –
Nouveau rendez-vous naval allemand. Sur l’Admiral Scheer, Kranke voit arriver le corsaire
Thor et le pétrolier Eurofeld, lequel remplace le Nordmark. Il apprend avec inquiétude que ce
dernier a probablement été intercepté et détruit par un navire allié.

29 janvier
Le voyage des Vilaines Sœurs
Mer du Nord – Les croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau – que les Anglais
surnomment les Ugly Sisters, les Vilaines Sœurs1 – appareillent en toute discrétion et passent
les détroits du Kattegat puis du Skagerrak, en prenant soin de rester sous la protection de
l’aviation basée à terre. Ils se retrouvent au port norvégien de Bergen, d’où ils doivent partir
le 3 février pour l’Atlantique.

Sous dix drapeaux


Atlantique Sud – Le corsaire allemand Kormoran intercepte l’Africa Star, un cargo réfrigéré
en provenance d’Argentine, transportant de la viande et du beurre. Arraisonné de façon
musclée, le navire est finalement sabordé, mais les Allemands ont saisi des tables de codes
qui vont leur permettre de traduire une partie des signaux employés par les Britanniques.

30 janvier
Des Italiens dans l’Atlantique
Rome – Compte tenu des résultats positifs du premier transfert (malgré le silence prolongé du
Glauco, qui laisse craindre sa perte), Maricosom décide d’envoyer un second groupe de sous-
marins opérer dans l’Atlantique. Les unités retenues devront partir de La Spezia ou de Naples
entre le 13 et le 16 février prochains de façon à se présenter en Mer d’Alboran après le
déclenchement de l’opération Merkur/Mercurio, dont on peut espérer qu’elle détournera
quelque peu du détroit de Gibraltar l’attention des Franco-Britanniques. Cette seconde vague
se composera de cinq submersibles. D’une part, trois bateaux basés à La Spezia : un classe
Marconi, le Michele Bianchi (CC Adalberto Giovannini) ; un classe Marcello, le Veniero (CC
Manlio Petroni), en remplacement d’un second Marconi, le Maggiore Baracca,

1
N’oublions pas qu’en anglais, un bateau est féminin…
malencontreusement endommagé le 22 janvier par « une canonnière française » ; enfin
l’Otaria (CC Giuseppe Vocaturo), jumeau du Glauco. D’autre part, deux classe Marconi
basés à Naples : les Guglielmo Marconi (CC Giulio Chialamberto) et Luigi Torelli (CF Primo
Longobardo).

31 janvier
Le voyage des Vilaines Sœurs
Bergen – Le vice-amiral Gunther Lütjens en personne embarque à bord du Gneisenau pour
exercer la fonction de Flottenchef – ce qui, compte tenu de sa réputation, laisse un goût amer
aux deux commandants, le Kapitan zur see Otto Fein du Gneisenau et son collègue Kurt
Hoffmann du Scharnhorst. Lütjens est en effet considéré comme un chef froid et distant. De
plus, des rumeurs qui courent les états-majors lui attribuent des origines juives et prétendent
qu’il n’a jamais honoré le Führer d’un salut nazi en bonne et due forme, lui préférant le salut
militaire à la mode de l’Empire. Fein et Hoffmann, qui espéraient tous deux être nommés chef
de division pour cette opération, ainsi que leurs officiers, voient donc (non sans raisons) dans
l’arrivée de Lütjens un obstacle supplémentaire pour leur carrière.

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