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De l’évaluation de la qualité
des soins à la performance des soins
Résumé
Introduction L’évaluation de la performance des établisse-
ments de soins a connu un important développement depuis
15 ans aux États-Unis et dans une moindre mesure dans les
autres pays développés.
Etat des connaissances L’objectif de la mesure de la perfor-
mance est d’améliorer la qualité des soins, l’information des
usagers et la qualité de la contractualisation avec les finan-
ceurs. Pourtant cette démarche pose de nombreux problèmes
méthodologiques aussi bien dans le choix des indicateurs de
mesure de la performance que dans le recueil et l’interprétation
des données. La prise en compte des spécificités de chaque
structure (environnement social et géographique, missions de
recherche et d’enseignement) est souvent insuffisante. En terme
de Santé publique, l’impact de la diffusion au public des résul-
tats de ces mesures est peu étudié. À partir des données de la
littérature, cette revue précise les définitions de la performance
hospitalière, décrit les principales expériences, leurs impacts et
leurs limites.
Perspectives Il semble probable que les pouvoirs publics fran-
çais vont, à court terme, demander aux établissements de soins
de s’engager dans cette démarche.
Conclusions Des études complémentaires sont nécessaires
pour clairement identifiés les liens entre performance et qualité
des soins.
Correspondance : C. Chouaïd
Service de Pneumologie, Hôpital Saint-Antoine,
184 rue du faubourg Saint-Antoine, 75012 Paris, France.
christos.chouaid@sat.ap-hop-paris.fr
Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 13S87-13S98 © 2006 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 13S87
Doi : 10.1019/20064045
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attentes des différents groupes d’intérêts que sont les patients d’information médicale opérationnel. Sur le plan méthodolo-
et leurs familles, la population, les responsables de l’hôpital, les gique, l’enjeu de la mesure de la performance hospitalière va
professionnels et les tutelles ; donc être dans le choix des indicateurs, leur mode de recueil
– une fonction d’adaptation : capacité à acquérir des ressour- et d’interprétation.
ces nécessaires, à attirer la clientèle, à mobiliser le support
communautaire, à répondre aux besoins et aux attentes de la
population et à apprendre à innover ;
La situation en France et en Europe
– une fonction de production de services : capacité à utiliser de
manière optimale les ressources disponibles, ce qui englobe les En France, la recherche dans ce domaine ne fait que
notions de productivité, de coordination et de qualité des débuter, avec deux projets innovants financés par les pouvoirs
soins, d’humanité, d’accessibilité, de continuité, de globalité, publics [7].
d’adéquation et de qualité de réalisation des actes. Le projet INPEC-H (indicateurs de performances expé-
Ces trois fonctions nécessitent la mise en place d’une rimentaux pour la comparaison hospitalière) a pour objectif
fonction de maintenance (consensus) autour des valeurs fon- de construire un système d’information partagé entre plu-
damentales (professionnalisme, dévouement). sieurs établissements de santé de caractéristiques voisines. Il
Dans les centres hospitalo-universitaires, la performance s’agit de permettre à ces établissements de se comparer en uti-
s’enrichit de deux fonctions supplémentaires : l’enseignement lisant des indicateurs produits à partir des systèmes d’infor-
et la recherche. mations réglementaires et d’indicateurs plus précis relatifs à
des activités cliniques. Ces indicateurs sont choisis collective-
ment par les équipes volontaires participant au projet.
• La performance de toute structure de soins Le projet COMPAQH (coordination pour la mesure de
est le résultat d’un équilibre entre trois fonctions : la performance et l’amélioration de la qualité hospitalière) a
atteinte des objectifs, adaptation, production de services. pour objectif de sélectionner une vingtaine d’indicateurs dans
• Dans les centres hospitalo-universitaires viennent des domaines considérés, par les tutelles, comme prioritaires
s’y ajouter l’enseignement et la recherche. pour la qualité des soins : lutte contre la douleur, continuité
des prises en charge, lutte contre les troubles nutritionnels, les
infections nosocomiales, satisfaction du patient, respect des
bonnes pratiques cliniques, motivation, responsabilisation et
Comment évaluer
évaluation des compétences des professionnels de soins, acces-
la performance hospitalière ? sibilité des soins. Les résultats de ces projets ne sont pas dispo-
Deux approches complémentaires plutôt qu’opposées nibles pour l’instant. Citons également les projets en cours
sont le plus fréquemment adoptées. La première consiste à comme la labellisation d’équipes dans certains domaines (car-
définir des standards et à vérifier si l’établissement réunit les diologie, cancérologie), la certification des établissements de
conditions par rapport à ce standard (normes légales ou régle- santé et l’évaluation des pratiques individuelles qui, de
mentaires, certification par rapport à des normes de qua- manière indirecte, vont dans les années à venir mesurer des
lité…). Une autre approche est une évaluation par des aspects de la performance des hôpitaux. La Haute Autorité de
indicateurs [6]. C’est cette seconde approche qui est ici sur- Santé n’a pas encore clairement défini sa politique dans ce
tout développée. domaine, mais il est clair qu’elle doit être le maître d’œuvre de
Un indicateur est un élément mesurable qui fournit des l’ensemble de ces projets.
informations sur un phénomène complexe. Il peut s’agir d’un Contrastant avec la modestie de ces démarches et ren-
chiffre isolé mais le plus souvent il s’agit d’un taux ou d’un contrant un succès persistant, on a vu apparaître ces dernières
ratio. Les propriétés d’un indicateur sont multiples. Il doit années, dans la plupart des pays occidentaux, la publication
refléter une dimension de la performance jugée importante. dans des revues grand public des classements des hôpitaux.
Ainsi, pour les indicateurs cliniques, on privilégie ceux qui En France, ce phénomène a débuté en 1998 [8] et s’est
concernent les affections ou interventions fréquentes et/ou depuis régulièrement poursuivi [9, 10]. Les auteurs, journalis-
graves et/ou coûteuses et/ou pour lesquelles il existe des varia- tes et médecins, choisissent pour chaque activité médicale un
tions de pratiques inexpliquées. L’indicateur peut également certain nombre de critères et réalisent, à partir de ces critères,
porter sur un domaine offrant des possibilités d’actions con- un classement des établissements par activité, puis pour
crètes d’amélioration. Un indicateur doit être mesurable par l’ensemble des activités. Ils déterminent ainsi les meilleurs (et
un outil adapté et fiable (précis, exact et reproductible) et les plus mauvais) établissements. Le palmarès publié en 2000
valide (il doit bien mesurer ce qu’il est censé mesurer et bien des 50 meilleures cliniques de France a concerné 800 établisse-
couvrir le champ de la dimension qu’il est censé refléter). Au- ments classés sur les critères détaillés dans le tableau I. Les
delà de ces caractéristiques, un indicateur doit pouvoir être résultats obtenus sont validés par des experts interrogés par
recueilli en routine, le plus souvent dans le cadre d’un système téléphone (médecins, directeurs d’hôpitaux, responsables
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À peu près à la même époque, l’association des hôpitaux tage du cancer colorectal et du col de l’utérus), de prévention
du Maryland mettait en place une évaluation collective par les secondaire (pour le diabète : dépistage des atteintes vasculaires
professionnels de la performance hospitalière : le Maryland Hos- et ophtalmologiques, pour les pathologies cardiovasculaires :
pital Association’s Quality Indicator Project®. Débuté en 1987 sur sevrage tabagique et prévention de la récidive).
7 hôpitaux de l’état de Maryland, il concerne aujourd’hui plus Le projet Healthcare Cost and Utilization Project Quality
de 700 établissements hospitaliers. L’objectif est de promouvoir Indicators, mis en place en 1994, a pour objectif de permettre
l’amélioration continue de la qualité par l’analyse d’un certain aux organisations de se comparer et d’être à même de com-
nombre de procédures hospitalières [24]. Il consiste en un prendre d’éventuelles variations. Les indicateurs portent sur
recueil trimestriel de 21 indicateurs (tableau II), ajustés sur le les complications de certaines procédures chirurgicales, les
case mix (groupe homogène de malade) permettant à chaque pratiques médicales spécifiques, l’accès aux soins des popula-
hôpital de se comparer par rapport à la moyenne. tions fragilisées, l’accès aux soins ambulatoires. Les indicateurs
De même, depuis 1992, l’État de Pennsylvanie publie sont sélectionnés à partir des données de la littérature, testés et
un guide (Consumer guide to coronary artery bypass graft sur- validés dans le cadre d’une démarche impliquant les profes-
gery) qui liste annuellement les taux de mortalité, ajustés sur sionnels de soins. Il s’agit surtout d’indicateurs de mesure de
les comorbidités, des hôpitaux et des chirurgiens réalisant des la performance clinique, beaucoup moins souvent d’indica-
pontages coronariens [25]. teurs de satisfaction du patient ou d’efficience des soins. Les
Les hôpitaux de la Fédération des Veterans Health Care données, extraites des documents médicaux et administratifs
System ont également mis en place depuis le début des années d’hospitalisation [26], portent sur la prise en charge de
1990 un système de recueil en routine de données [26] portant l’infarctus du myocarde, de l’insuffisance ventriculaire gauche
sur des actions de prévention primaire (mammographie de et de la pneumonie aiguë communautaire. Les premiers résul-
dépistage, vaccination antigrippale, anti-pneumocoque, dépis- tats montrent de grandes différences entre établissements avec
de meilleurs résultats pour les grands établissements, les hôpi-
taux à but non lucratif et les hôpitaux universitaires [21].
Tableau II.
Liste des indicateurs du projet Maryland Hospital Association’s Le Health Plan Employer Data and Information Set
Quality Indicator Project®. (HEDIS) est un autre projet national, mis en place en 1994
par les entreprises américaines, principaux financeurs du sys-
En hospitalisation : taux tème de soins. Il s’agit de fournir des informations aux ache-
– d’infections acquises au cours de l’hospitalisation teurs collectifs de soins et aux usagers permettant de comparer
– d’infections des plaies opératoires les performances des plans de santé dans différents domaines :
– de mortalité : globale, néonatale, périopératoire accès aux soins, efficacité, satisfaction des usagers, qualité de
– de césariennes l’information, capacité à s’adapter à l’innovation, coûts…
– de réadmissions
Un des programmes le plus ambitieux est développé par
le Solucient Leadership Institute [27]. L’objectif est de permettre
- d’admissions non prévues après une procédure ambulatoire
aux hôpitaux de se comparer (benchmarking) aussi bien sur le
– de retours non prévus en unités de soins intensifs
plan des résultats cliniques que de la gouvernance. La partici-
– de reprises non prévues au bloc opératoire
pation, sur la base du volontariat, a concerné en 1998, plus de
En ambulatoire : taux 2000 hôpitaux (40 % des admissions annuelles en court
– de retour non prévus au service d’urgence 72 h après la sortie séjour). Les hôpitaux sont regroupés en 5 catégories, en fonc-
– de patients restant plus de 6 heures dans tion de leur taille et de leur caractère universitaire. Les compa-
les services d’urgences
raisons se font pour chaque activité dans une même catégorie ;
– de discordances aux urgences entre diagnostic initial et final
les résultats sont ensuite agrégés pour obtenir un rang dans la
– de patients quittant le service d’urgences avant la fin catégorie. Un interclassement permet d’obtenir un rang de
de la prise en charge
classement général. Les critères de performances retenus sont
– d’annulation de procédures de chirurgie ambulatoire le jour
de la programmation résumés dans le tableau III. Ce classement tient compte de la
En pédiatrie : taux
productivité de l’institution (revenu net rapporté par les soins
divisé par le total des avoirs de l’hôpital). Cet indicateur tra-
– de mortalité
duit la capacité qu’a l’institution pour créer du capital et inves-
– de mortalité périopératoire
tir dans la rénovation des structures, l’innovation
– de reprises non prévues au bloc opératoire
technologique et le développement de nouveaux services aux
– de retours non prévus en unités de soins intensifs, patients. Dans le groupe des hôpitaux généraux, les
48 heures après le sortie
100 premiers pour ce critère ont une productivité de + 51 %
– d’admissions non prévues après une prise
en charge ambulatoire par rapport à la moyenne ; les différences sont beaucoup
– de patients ayant passé plus de 6 heures aux services moins importantes pour les hôpitaux universitaires. Le classe-
des urgences ment général [28] montre que les 100 meilleurs établissements
ont une DMS inférieur de 70 % à la moyenne, 13,9 % de
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pas organisé la prise en charge en ambulatoire ; des séjours le questionnaire de sortie est largement diffusé, ces question-
anormalement long peuvent être liés au défaut de lits d’aval et naires sont souvent propres à chaque structure, jamais validés
non pas au service lui-même. Cette interprétation doit égale- ni standardisés. L’exploitation est rarement effective et il y a
ment tenir compte du pourcentage de réadmissions précoces, rarement de suivi. Pourtant plusieurs études [37] ont montré
de certaines caractéristiques des patients (âge, état physiologi- que l’utilisation non validée d’outils pour mesurer la satisfac-
que…). De même la précarité, certaines comorbidités peu- tion surestime bien souvent celle-ci et aboutit à des conclu-
vent expliquer un allongement de la DMS. De manière plus sions erronées et non fiables. Au-delà de la validité des outils,
caricaturale, en ce qui concerne le classement des services de l’utilisation d’un indicateur de satisfaction pour les comparai-
pneumologie, l’hypothèse que la performance de ces services sons interhospitalières nécessite d’ajuster les résultats à l’état
est liée à la présence sur place d’un centre anti-tabac, de la de santé des patients.
chirurgie thoracique ou d’un centre de référence pour la En terme de faisabilité, la mesure en routine d’indica-
mucoviscidose n’a bien sûr jamais été démontrée. Le volume teurs de performance nécessite des moyens importants et une
d’actes réalisés semble quant à lui fortement corrélé à la per- méthodologie rigoureuse (choix de la population concernée,
formance [34]. Dans cette récente revue de la littérature [34] rigueur dans le recueil). Dans le cas contraire les résultats
les auteurs ont analysé 272 études donc 135 (concernant obtenus sont souvent incomplets et d’interprétation difficile.
27 procédures et affections) avaient une bonne méthodologie. Ainsi, Walter et coll. [38] ont repris les résultats d’un audit
Dans la plupart des cas, il existait une association significative externe réalisé dans leur établissement sur le dépistage du
entre volume d’actes ou de patients pris en charge par un éta- cancer colorectal. Cet audit retrouvait que seuls 58 % des
blissement ou un médecin et la performance, que les résultats 229 patients audités avaient eu, comme préconisé, un test de
soient ajustés ou non aux comorbidités. Mais cette liaison dépistage par Hémocult, significativement moins que la
dépend énormément de la procédure ou de la maladie moyenne nationale. Les auteurs, en refaisant une analyse
évaluée ; importante pour la chirurgie du cancer du pancréas approfondie des dossiers, ont relevé de nombreuses erreurs.
ou de l’œsophage, elle est beaucoup plus marginale pour la La population évaluée n’était pas pertinente (pour pouvoir
chirurgie coronarienne. De plus dans la plupart des cas, il est relever en même temps d’autres indicateurs de performance,
difficile d’établir des valeurs seuils de volume car la démarche les auditeurs avaient inclus un grand nombre de patients hos-
doit tenir compte de l’organisation globale du système de pitalisés), dans 15 % des cas le test avait été réalisé mais non
santé et de la démographie médicale. Enfin, les données sont retrouvé par les auditeurs (probablement en raison d’une
quasi inexistantes sur les conséquences des volumes trop analyse trop rapide des dossiers), dans près de 40 % le test
importants d’activités : or il est probable qu’une activité trop avait été fait à visée diagnostique et non de dépistage ; enfin,
importante soit également source de dysfonctionnements. les auditeurs avaient considéré comme des échecs du dépis-
Ainsi, une étude réalisée en 2000, dans l’État de New York tage des patients qui avaient refusé l’examen ainsi que ceux
sur la chirurgie cardiaque montre que près de la moitié des donc l’état de santé rendant inutile ou dangereux la pratique
centres à forte activité (plus de 500 procédures par an) et près de ce dépistage. De même, alors que depuis 2 ans des nom-
d’un tiers des chirurgiens à forte activité (plus de 150 actes breux états aux États-Unis se sont dotés d’une législation ren-
par an) ont des taux de mortalité, ajustés aux comorbidités, dant obligatoire la publication des taux d’infections
supérieurs à la moyenne [35, 36]. nosocomiales (infections postopératoires, sur cathéter vei-
La satisfaction des usagers est un élément important de neux, urinaires, pneumonies nosocomiales), l’identification
la performance, plusieurs études montrant une meilleure en routine de ces infections soulève de nombreux problèmes
observance aux prises en charge prescrites lorsque les patients de définition, de recueil et d’interprétation soulignés dans
sont satisfaits. Mais, la satisfaction englobe un vaste domaine, une étude récente [39].
difficile à définir. Plusieurs modèles théoriques ont été con- Un dernier obstacle qui doit être souligné est le risque,
ceptualisés. La théorie des attentes est l’un des mieux validé. lorsqu’on sélectionne une batterie d’indicateurs, que les
La satisfaction est définie comme l’écart entre les attentes des pathologies qui ne sont pas dans la liste soient l’objet de
patients et le vécu de leur prise en charge dans trois moins d’intérêt et que la qualité des soins diminue dans ces
domaines : attente d’une réponse technique et médicale, prise autres domaines.
en charge psychologique et sociale, confort matériel. Ces trois
axes seraient prépondérants, au-delà de différences culturelles,
sociales, économiques, de l’histoire personnelle et de l’état de • L’interprétation des critères de performance
santé du patient. Mais on sait aussi que les aspects économi- est délicate car de nombreux facteurs interviennent
ques, l’efficacité ressentie en terme de continuité des soins, sur un critère donné.
d’accessibilité et de disponibilité des équipements jouent un • La satisfaction, écart entre les attentes des patients
rôle important. En France, plusieurs outils sont disponibles et le vécu de leur prise en charge, est un point important.
pour mesurer la satisfaction du patient hospitalisé avec, • Le questionnaire de sortie est souvent propre
depuis l’ordonnance du 24 avril 1996, une obligation de pro- à chaque structure (jamais validé ni standardisé).
céder à une évaluation régulière. Mais on note que, même si son exploitation est rarement effective et le suivi est rare.
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De l’évaluation de la qualité des soins à la performance des soins
• Les indicateurs de performance nécessitent tion. Le niveau d’éducation est un autre obstacle important,
des moyens importants et une méthodologie rigoureuse. en particulier aux États-Unis, où près d’un tiers de la popula-
• Avec les indicateurs, on ne peut exclure tion adulte ne peut de toute façon appréhender et interpréter
une plus mauvaise prise en charge ces données. La quantité d’informations fournie est un autre
des affections hors liste. obstacle [52]. Le choix devient difficile au delà de
5 indicateurs, avec une autosélection sur des critères pas tou-
jours pertinents [47]. Par ailleurs, un certain nombre de per-
sonnes attribuent les mauvais résultats obtenus par leur prise
À qui sert la mesure de la performance ? en charge soit à la qualité de leur médecin soit à leur propre
Théoriquement, la mesure de performances des systèmes comportement et n’évaluent pas ou mal l’importance de
des soins peut intéresser les usagers, les financeurs, les profes- l’organisation des soins sur les résultats de ces soins. Il semble
sionnels et les établissements de soins [40-44]. également exister une confiance modérée du public dans la
En ce qui concerne les usagers, plusieurs études mon- qualité des données publiées. Enfin un certain nombre de
trent qu’il existe une demande importante mais que personnes n’ont pas le choix de l’hôpital. Il est donc néces-
l’impact de ces données sur les comportements est minime saire de développer des recherches dans ce domaine, pour
[45, 46]. Ainsi, chez des salariés devant choisir une couver- mieux identifier les besoins des usagers et la nature des infor-
ture médicale (dans le cadre d’un système de soins intégré mations qu’ils souhaitent obtenir concernant le fonctionne-
ou managed care), une étude a comparé le comportement de ment des hôpitaux.
deux groupes, l’un ayant à sa disposition des tableaux de En ce qui concerne les professionnels de santé, différen-
bord de performances (graphiques rapportant des critères de tes études montrent que les médecins sont intéressés par ces
qualité des soins, d’accessibilité et de qualité du service classements mais sont sceptiques sur les modalités d’obten-
client) et l’autre sans élément d’information sur la perfor- tion des données. Une étude réalisée auprès des cardiologues
mance des différentes propositions. Aucune différence n’a de l’État de New York, après le classement des hôpitaux ayant
été mise en évidence en termes de choix ou de propension à une activité de chirurgie coronarienne, montre que la plupart
payer des primes plus élevées pour une couverture de sont intéressés par ce rapport, mais seuls 22 % discutent de
meilleure qualité [47]. ces données avec leurs patients ; 38 % considèrent que ce rap-
Une autre étude récente, réalisée sur 474 patients opérés port a pu modifier leurs pratiques d’utilisation des différents
pour un pontage dans quatre hôpitaux de Pennsylvanie (deux services [53]. Dans le Maryland, une étude réalisé en 1995,
avec un taux de mortalité inférieur à la moyenne, un avec un sur la moitié des cardiologues et des chirurgiens cardiaques de
taux supérieur), montrent que seuls 56 % des patients con- l’État montre que tous les chirurgiens cardiaques et 82 % des
cardiologues connaissent les résultats du Consumer Guide to
naissaient le guide de classement des hôpitaux et des chirur-
Coronary Artery Bypass Graft Surgery. Mais moins de 10 %
giens pour cette activité (Consumer Guide to Coronary Artery
déclaraient en discuter avec plus de 10 % de leurs patients
Bypass Graft Surgery). Parmi ceux qui le connaissaient, la plu-
devant subir un pontage coronarien. Il était par ailleurs repro-
part ne se rappelaient plus ou n’avaient pas consulté le classe-
ché à ce guide l’absence d’indicateurs de qualité autres que la
ment de leur hôpital. Lorsqu’on leur rappelait les résultats du
mortalité, un ajustement sur le risque inadéquat et l’absence
classement, la moitié déclaraient que de toute manière cela
de reproductibilité des résultats [49].
n’aurait probablement pas influencé leur choix. Pourtant, la
L’impact de ces classements semble plus important pour
majorité se déclare franchement intéressée par la publication
les hôpitaux. Une étude montre que prés de la moitié des
de ces classements [48] mais n’est pas prête à payer pour obte-
hôpitaux ayant des performances en dessous de la moyenne
nir le rapport [49]. D’autres études [50] ont montré que les
met en place des actions correctrices (en termes d’organisa-
usagers continuent à se rendre dans des hôpitaux mal classés tion, de marketing et de pratiques cliniques). Ce sont aussi les
(ils sont plus influencés par des articles sur des morts anecdo- hôpitaux les moins bien classés qui font les critiques les plus
tiques ou inattendues). importantes sur les modalités d’obtention des données de per-
Les raisons d’un si faible impact restent mal comprises. formance [54].
Différentes hypothèses sont avancées. L’information disponi-
ble est trop complexe, mal comprise et ne répond donc pas
aux attentes réelles des usagers [51] qui continuent d’accor- • La mesure de la performance pourrait a priori
der plus d’importance à leurs sources d’information habituel- intéresser tous les acteurs de la chaîne de santé
les (relations familiales, amicales ou professionnelles, relation (usagers y compris).
de travail…) qu’aux classements objectifs. Une grande partie • Il existe une forte demande chez les usagers.
de la population adulte ne comprend pas les documents mais peu d’impact sur les comportements.
fournis, même si le niveau de compréhension varie avec • Les médecins sont intéressés par ces classements mais
l’expérience : un recours fréquent aux soins (dans le cadre sont sceptiques sur les modalités d’obtention des données.
d’une maladie chronique par exemple) améliore cette percep- • L’impact semble plus marqué sur les hôpitaux.
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