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solidarité

DOSSIERS

santé
et

Les impacts de la T2A sur les modes d’organisation


et de fonctionnement des établissements de santé
Étude qualitative d’un échantillon de huit établissements
Cette étude qualitative réalisée par Essor consultants et le
N° 16 Centre de gestion scientifique de l’école des mines de Paris
pour le Comité d’évaluation de la tarification à l’activité (T2A)
2010 a pour objectif d’examiner les effets qualitatifs de
l’introduction de la tarification à l’activité sur les modes
d’organisation et de fonctionnement des établissements de
santé : prise en charge et parcours du patient, évolution du
système de gestion, organisation interne des services, des
pôles et de l’établissement, gestion des ressources humaines,
stratégie de l’établissement. La démarche s’est fondée sur des
entretiens approfondis menés auprès de huit établissements
et sur trois réunions plénières réunissant l’ensemble des
participants pour échanger sur les diverses expériences. Ce
travail a été complété par l’étude d’un thème propre à chaque
établissement. Au total les travaux se sont déroulés sur 18
mois entre 2008 et 2009.
Cette étude a permis de mettre en lumière un impact fort de
la T2A sur l’innovation instrumentale de gestion, soulignant
une recherche d’efficience accrue, qui ne s’est toutefois pas
accompagné de changements organisationnels de grande
ampleur.

Michel PEPIN et Jean-Claude MOISDON ont rédigé cet article à partir d’une synthèse élaborée par l’ensemble des
intervenants* pour le Comité d’évaluation de la T2A
* CHU : Jean-Claude MOISDON et Michel NAKHLA (CGS École des Mines) ; CH 1 : Michel PEPIN (ESSOR Consultants) ; CH 2 : Michel
PEPIN ; CH 3 : Jean-Claude MOISDON ; PSPH : Jean-Claude MOISDON et Michel NAKHLA ; CLCC : Bernard DOERFLINGER (ESSOR
Consultants) ; Clinique 1 : Dominique TONNEAU (CGS École des Mines) ; Clinique 2 : Jean-Claude MOISDON
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santé n° 16 - 2010 n LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

ans le cadre des travaux pro-

D
reux de la méthode d’investigation, tant dans
grammés par le Comité d’éva- le choix des thèmes analysés que dans le
luation de la tarification à déroulement des travaux a dû être établi.
l’activité il est apparu nécessaire
La logique de la T2A est fondée sur la médica-
d’examiner les effets qualitatifs
de la T2A sur les modes d’organisation et de lisation de l’information sur l’activité (enca-
fonctionnement des établissements de santé. dré). Déjà présente avec le PMSI, celle-ci
trouve un prolongement fondamental dans son
Des travaux conduits à l’étranger montrent que utilisation pour la fixation des ressources, et
ces effets ne sont pas mécaniques et peuvent modifie les enjeux des établissements. En
être freinés par différents facteurs. Il a donc conséquence, la compréhension de l’évolution
semblé important de prendre la mesure de la des comportements des médecins est essen-
réalité des effets d’ordre organisationnel et tielle. Ils sont à l’origine de la constitution de
d’en approfondir les caractéristiques en obser-
l’information, à travers le codage de leur acti-
vant directement la pratique des établisse-
vité, et peuvent influer directement sur les
ments.
durées et coûts de séjour par l’évolution de
L’objectif majeur de cette enquête a donc été leurs pratiques. En outre, ils sont concernés au
d’analyser sur le terrain si l’introduction d’une premier chef par la mise en place des pôles
nouvelle logique d’analyse et de valorisation (dans le secteur public) et les transformations
de l’activité a pu effectivement « inciter les d’organisation associées.
établissements à modifier leur organisation de
production, leurs techniques de management Cette étude analyse donc, en premier lieu, les
et leurs stratégies de développement »1. Cette répercussions de cette « médicalisation du
étude s’est déroulée de décembre 2007 à regard gestionnaire » et du changement des
mars 2009 dans huit établissements. comportements médicaux.

Approche méthodologique Une analyse des effets de la


T2A à partir de dispositifs
concrets
L’étendue du champ d’analyse et les modalités
de recueil d’information ont soulevé des diffi-
cultés d’ordre méthodologique. Un double risque devait être évité dans l’étude :
La T2A n’est que l’une des évolutions qui ont • ne mettre en évidence que des résultats en
affecté récemment les établissements. En effet,
termes de performance (l’évolution des
dans le secteur public en particulier, la mise en
recettes, la baisse des durées moyennes de
œuvre de la nouvelle gouvernance, la création
séjour, …), sans renseigner sur les processus
des pôles et le passage à l’EPRD (État des pré-
qui ont permis d’aboutir à ces résultats,
visions de recettes et dépenses) constituent des
facteurs importants d’évolution des modes de • ne recueillir qu’un ensemble de discours qua-
fonctionnement interne. litatifs généraux des acteurs sur la transforma-
Isoler les effets de la T2A de ceux engendrés tion de leurs comportements et leur souci
par les autres facteurs s’est avéré complexe, accru de « maîtriser les durées de séjour tout
voire impossible. D’un autre côté, il fallait évi- en maintenant la qualité de service », de
ter le risque d’attribuer à la T2A la responsabi- « coopérer davantage dans le cadre du pôle »,
lité de tous les changements constatés. de « fiabiliser le système d’information », etc.
Afin d’éviter ces deux écueils, l’étude a porté L’analyse a donc porté sur des dispositifs
sur un petit nombre d’établissements pour per- concrets : nouveaux outils de gestion et leurs
mettre d’analyser de façon approfondie, sur utilisations réelles, changements d’organisa-
une certaine durée, les mécanismes de change- tion du travail, projets et leurs traces écrites
1. Extrait du cahier des charges ment à l’œuvre et mieux comprendre ainsi le (comptes rendus d’instances, synthèses de
de l’appel d’offres de la DREES
en 2007. rôle précis joué par la T2A. Un cadrage rigou- groupes de travail, ...), etc.
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g ENCADRÉ 1
Les principes de la tarification à l’activité*

Chaque séjour d’un patient fait l’objet d’un résumé de sortie standardisé (RSS) qui en décrit les caractéristiques médicales et
administratives, en agrégeant les résumés d’unité médicale (RUM) produits par les différentes unités où est passé le patient.
Ce RSS est codé et traité selon un algorithme qui prend en compte le diagnostic principal (regroupement par catégorie
majeure de diagnostic CMD), l’existence d’actes opératoires et si besoin d’autres informations (âge, diagnostics associés, …).
Ce traitement permet d’affecter le séjour à un groupe homogène de malade (GHM).
Depuis la version 11 de la classification (2009) qui a introduit un critère de sévérité en 4 niveaux au sein d’un même type de
séjour, on compte près de 2 300 GHM répartis en 28 CMD. La version précédente, en vigueur au moment de cette étude, en
comptait moins de 800.
Pour la tarification, on opère un passage de la notion de GHM à celle de GHS (groupe homogène de séjour), pour tenir compte
des particularités de certains séjours (bornes hautes et basses des durées de séjour, passage en unité spécialisée).
Chaque GHS produit par un établissement fait l’objet d’une tarification forfaitaire fixée annuellement par le Ministère de la
Santé, dans le cadre général de la loi de financement de la Sécurité Sociale. Il existe deux tarifs T2A, selon le mode de tarifi-
cation initial : dotation globale (DG) pour les établissements publics et PSPH, et dans le cadre d’un objectif quantifié national
(OQN) pour les établissements privés.
Des recettes complémentaires s’ajoutent à ce financement des GHS : il s’agit des consultations et actes externes, des recettes
dites de classe 2 (reste à charge pour les patients), de médicaments et dispositifs médicaux facturés en sus, de forfaits cor-
respondant à des activités particulières (notamment les urgences qui bénéficiaient jusqu’en 2008 d’un forfait par passage),
et des MIGAC (missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation).

* Pour toute précision, on pourra se reporter au site de l’ATIH : www.atih.sante.fr

Par ailleurs, comme on le verra, la seconde cours des patients, le but étant d’en optimiser
phase de l’étude a été consacrée, dans chaque l’efficacité et la qualité. Il s’agit en d’autres
établissement, à l’analyse d’un projet de chan- termes d’entrer dans le cœur de l’activité
gement précis, en participant concrètement médicale et soignante pour savoir s’il a été a
aux réflexions en cours des différents acteurs, minima questionné, ou plus largement modifié
dans une logique de recherche-intervention. par la T2A.
L’analyse a été structurée en partant du local Huit établissements ont été suivis pendant une
(le service ou le pôle) pour remonter progressi- période de quinze mois scindée en deux
vement au niveau de l’établissement. La ques- phases.
tion d’une stratégie globale de changement Ces investigations ont été complétées par deux
organisationnel a pu ainsi être explorée à partir dispositifs : une analyse bibliographique préa-
de données issues des pratiques de terrain. lable à l’étude [Moisdon, Nakhla, 2010], et
Au-delà de ces principes généraux, l’élabora- une comparaison des constatations empiriques
tion d’une grille commune d’analyse théma- obtenues sur l’échantillon avec celles d’un
tique, a permis de structurer les états des lieux chantier de la MEAH (Mission d’expertise et
réalisés dans la première phase de l’étude. d’audit hospitalier) portant sur le fonctionne-
ment des pôles, dans le cadre de la réforme de
La grille (tableau 1) formalise cette vision a la gouvernance.
priori de la structure des effets probables de la
T2A. La constitution de l’échantillon s’est faite
exclusivement à partir d’établissements volon-
On voit que cette grille correspond bien aux taires, prêts à s’engager et à consacrer les
principes généraux évoqués plus haut de pro- moyens en temps nécessaires. L’identification
gression de l’analyse du local vers le global. des établissements a été réalisée par la
Soulignons en particulier que le premier DREES, en s’appuyant notamment sur le rôle
thème, l’analyse de la prise en charge et du de relais des Fédérations (FHF, FEHAP et
parcours des patients, vise à analyser si la T2A FHP). Une convention de partenariat entre la
a effectivement induit de nouvelles façons de DREES et chaque établissement a été signée
s’interroger sur les processus de prise en formalisant les engagements réciproques
charge et sur les différentes étapes des par- (tableau 2).
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g TABLEAU 1
Grille d’analyse thématique des effets internes de la T2A

Thèmes Sous-thèmes

Outils d’analyse des parcours et séjours

Dispositifs de coopération entre acteurs


L’analyse de la prise en charge et du parcours des patients
Leviers d’action mobilisés

Nouvelles formes de prise en charge

Organisation du codage

Processus de facturation
L’évolution du système de gestion
Fonction contrôle de gestion

Outils de gestion du service ou pôle

Évolution de l’activité et de l’organisation du travail

L’organisation interne des services et pôles Management

Recherche d’efficience

Répartition des effectifs et des ressources

L’organisation interne de l’établissement Organisation d’ensemble

Système de décision

Recrutement

La gestion des ressources humaines Formation permanente

Évaluation et intéressement aux résultats

Partenariats

La stratégie de l’établissement Externalisation d’activités

Restructuration de l’offre

g TABLEAU 2
Caractéristiques de l’échantillon
Statut établissement Lits MCO

CHU 1 235

CH 1 210

CH 2 300

CH 3 510

PSPH 1 700

PSPH 2 Centre de Lutte contre le Cancer (CLCC) 280

Privé lucratif - Clinique 1 205

Privé lucratif – Clinique 2 180


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L’échantillon a été choisi de manière à équili- des GHM. Dans le CH2, les intervenants ont
brer en nombre les établissements des secteurs inclus dans l’analyse l’évolution de la
public et privé. Les établissements sont situés méthode d’élaboration de l’EPRD, ce qui ne
dans six régions différentes. figurait pas initialement dans le thème retenu.
D’autres rencontres inter-établissements fu-
rent organisées afin de présenter et discuter les
Une investigation dans les travaux réalisés et d’en tirer des enseigne-
établissements en deux phases ments transversaux. Les débats ont permis à
La première phase d’état des lieux a consisté chaque établissement de connaître les autres
en une série d’entretiens avec des acteurs de approches, et d’apporter son éclairage particu-
différentes catégories et fonctions (directions, lier. Ces échanges ont mis en perspective les
gestionnaires, DIM, médecins, cadres de ser- démarches de chaque établissement et enrichi
vices, …). Un recueil de différentes sources leur analyse dans une problématique élargie.
écrites relatives à la mise en œuvre de la T2A Une synthèse de l’étude a été présentée au
et à ses premiers effets a été effectué. Enfin, Comité d’évaluation de la T2A, qui a estimé
une première synthèse élaborée à partir de la que les conclusions proposées corroboraient la
grille d’analyse a été proposée à l’établisse- perception de ses membres sur la situation
ment comme base de travail pour aborder la générale des établissements.
seconde phase.
Résultats : des changements ont été observés
Une rencontre inter établissements permit de dans chacun des huit sites de l’étude qui
discuter une première lecture transversale des avaient utilisé la grille de lecture (tableau 3),
états des lieux proposés par les synthèses mais avec des poids très variables selon les
d’établissement et d’examiner les thèmes de thèmes de la grille. Les voies d’évolution les
travail à choisir pour la deuxième phase, dans plus fréquemment utilisées ont ainsi été repé-
le souci de concilier deux objectifs. Tout rées.
d’abord travailler sur un thème mobilisateur
pour l’établissement, de façon à pouvoir L’accent a été mis sur ce qui est observable, et
recueillir le maximum d’informations dans le ressort pour l’essentiel de deux objets : les
cadre d’un projet réel porté par les acteurs outils, c’est-à-dire les diverses formalisations
internes ; ensuite diversifier suffisamment la de l’activité et de la performance permises par
nature des thèmes travaillés dans l’échan- la T2A ; puis les dispositifs, c’est-à-dire les
tillon, de façon à couvrir un éventail suffisam- méthodes et procédures (réunions, documents
ment large de problématiques liées à la T2A. d’information, groupes projet etc.) par les-
quelles les acteurs se coordonnent, négocient,
Deux des établissements (le CH 1 et le CLCC) décident, etc.
décidèrent à ce moment de ne pas poursuivre
l’étude, pour des raisons internes liées entre
autres à l’existence en parallèle d’autres pro-
jets assez lourds, et à la difficulté de dégager L’analyse de la prise en charge
le temps nécessaire. Leurs états des lieux sont et du parcours des patients
néanmoins utilisés dans cette synthèse géné- Les outils et dispositifs permettant d’analyser
rale. et d’organiser la prise en charge des patients,
La deuxième phase consistait à approfondir un à un, ont été peu modifiés par l’arrivée de la
une thématique précise dans chaque établisse- T2A, contrairement à ce que pouvait laisser
ment (tableau 3). Mais dans certains cas, penser le recours au concept de séjour, qui est
l’étude permit aussi de repérer des évolutions au cœur de ce nouveau mode de financement.
importantes sur d’autres sujets, qui pouvaient Les questions d’organisation concrète du par-
alimenter la réflexion. À titre d’exemple, dans cours du patient dans ses différentes étapes, et
plusieurs établissements les intervenants ont celles de la coordination des itinéraires des
pu être témoins des questions que se posaient différents patients ne paraissent pas avoir fait
les acteurs (notamment les DIM) à propos de l’objet, en général, d’approches nouvelles du
l’arrivée de la version 11 de la classification fait de la T2A.
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g TABLEAU 3
Les thèmes de travail en phase 2

Thème Méthode

Développement de l’instrumentation de gestion pour le


CHU Groupe de travail Contrôle de gestion / Pôle
plateau technique : étude du pôle Imagerie
Conception d’un système de pilotage médico-économique Groupe de travail DAF / DIM
CH 2
intégré et modes d’utilisation au niveau d’un Pôle Expérimentation sur le Pôle Chirurgie (non réalisé)
Contractualisation et audit interne : analyse des procé- Étude des Pôles Médecine et Urgences/Réa : entretiens avec les
CH 3
dures et de l’instrumentation des contrats de Pôle acteurs évaluation des objectifs des contrats de Pôle
Recherche de modalités de rémunération des médecins Groupe de travail Finances / RH / Développement
PSPH 1
incitatives à la performance Élaboration et comparaison de scénarios
Reconstitution des effets des changements de règles
Analyse des effets ou des freins organisationnels issus
Clinique 1 Entretiens avec des acteurs (Direction et DIM) sur les effets possi-
de l’instabilité des règles tarifaires
bles de la V11
Estimation des coûts complets des séjours à partir des données de
Effets des calculs de coûts sur l’orientation de l’activité
Clinique 2 la clinique et analyse de leur rentabilité en fonction de leur durée
(exemple du by-pass gastrique)
Discussion des résultats avec la responsable de la gestion

Les outils spécifiques restent assez peu forma- d’un apport essentiel de la T2A, mais que le
lisés et, sur le petit ensemble d’établissements temps leur manque pour entrer dans des ana-
observés, aucun outil n’a été développé autour lyses nécessairement fines et approfondies.
des trajectoires de patients, tenant compte de
Lorsque des réflexions existent sur les prises
l’organisation dans son ensemble, c’est-à-dire
en charge, par exemple autour des DMS, les
de la succession des entités intervenant suc-
dispositifs supports de ces réflexions restent
cessivement ou conjointement dans la prise en
peu formalisés ; il s’agit la plupart du temps de
charge des malades.
réunions ad hoc ou même d’échanges infor-
Cependant, les services ou pôles disposent des mels. À noter toutefois, comme on l’a vu pour
durées moyennes de séjour (DMS) observées, le CLCC, l’intégration fréquente de ces
ce qui leur donne un résumé très synthétique réflexions dans les dispositifs existants, tels
des trajectoires. Ces données s’accompagnent les bureaux de pôle, le conseil exécutif, la
souvent d’analyses relativement fines, soit CME, etc.
pour les GHM principaux, soit pour certaines
De même, un des effets de la T2A, pour la cli-
catégories de séjour (par CMD, par unité fonc-
nique 2, est d’avoir amplifié les points de
tionnelle, par tranche d’âge...) : distributions
contact entre la direction (de la clinique et du
statistiques, comparaisons aux références
groupe) et le corps médical. Les réunions entre
nationales, …
ces deux acteurs étaient relativement rares, les
Des travaux plus spécifiques sur les DMS peu- médecins ayant dans ce type de structure une
vent être lancés, souvent à l’initiative des indépendance encore plus importante que les
DIM, sur des activités problématiques : par médecins des établissements publics (ils
exemple, au CH2, le DIM s’est livré à l’ana- voient essentiellement la clinique comme un
lyse des séjours longs en chirurgie vasculaire ; plateau technique qu’ils louent - par la rede-
de même, au CLCC, la direction a présenté en vance - afin d’exercer leur activité libérale).
CME des cas types de prises en charge en rela- Dans ces réunions qui ont lieu le soir, à un
tion avec les tarifs T2A correspondants (diffé- rythme approximativement mensuel, diffé-
rences par exemple entre biopsie simple et rents sujets sont abordés, dont celui des DMS
biopsie exérèse). et de la prise en charge.
Il est très difficile d’avoir un aperçu sur les Comme les analyses globales de la trajectoire
changements de pratique médicale liés à ces des patients sont embryonnaires, les acteurs se
analyses ciblées, relativement peu fréquentes. concentrent sur des actions qui se confondent
De nombreux acteurs estiment qu’il s’agit là avec un sujet abordé plus loin, en l’occurrence
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l’organisation du travail et des processus de apparaissent affectés par la T2A : la chaîne


soins. Les mises en œuvre concernent essen- d’activités qui aboutit à la facturation, en pas-
tiellement le mécanisme de sortie du malade. sant par le codage, l’organisation du contrôle
Dans un pôle du CHU et un autre du CH3, on de gestion lui-même, et les outils de gestion
essaye de faire sortir les patients le plus pos- des entités de production des soins, pôles ou
sible en matinée. Dans ce dernier pôle et éga- services.
lement au CLCC, des contacts sont établis
Manifestement, le codage des séjours et des
avec les structures aval (notamment par des
actes représente un point important, abordé par
IDE référentes) pour mieux organiser la prise
tous les établissements participants à cette
en charge post-aiguë. De même, toujours au
étude. Les principes d’organisation du codage
CLCC, fait-on intervenir les assistantes
(centralisation ou décentralisation) ont peu
sociales très tôt dans la prise en charge.
changé dans l’ensemble, les établissements
Les observations précédentes ne signifient pas publics conservant un codage décentralisé
qu’il n’y ait aucune évolution de la prise en (avec quelques nuances), le CLCC passant
charge des malades. On voit au contraire se d’un codage centralisé à un codage décentra-
poursuivre les efforts en matière d’alternative lisé, les cliniques privées (ex OQN) gardant un
à l’hospitalisation complète : le CH2 a trans- codage centralisé, mais dont l’organisation a
féré une partie importante de son activité oph- pu changer dans certains cas.
talmologique en ambulatoire et a créé un
Le codage a ainsi été externalisé par la cli-
hôpital de semaine en chirurgie ; le pôle méde-
nique 1. Dans la clinique 2, les codeurs, se
cine du CH3 a mis sur pied un hôpital de
situant avant la T2A au niveau du groupe
semaine ; le CLCC a augmenté de 90 % son
auquel l’établissement appartient, ont été
activité d’hospitalisation à domicile (HAD)
décentralisés dans les différentes cliniques
entre 2003 et 2007. Mais il est très difficile
pour améliorer la qualité du codage et per-
d’imputer à la T2A de telles évolutions déjà en
mettre une meilleure coordination avec le pro-
cours avant 2004, même si par exemple au
cessus de facturation. Mais ce qui apparaît le
CH2 le transfert d’activité s’est accompagné
plus significatif sur ce thème est la mise en
d’une étude médico-économique faisant inter-
place quasi-générale de procédures visant à
venir les recettes T2A.
l’exhaustivité des RUM dans des délais courts
La complexité du dispositif tarifaire, avec ses et avec une bonne qualité. Ces procédures ne
chapitres spéciaux consacrés à ce type d’acti- sont pas toujours très formalisées : il peut
vité, la complexité également des changements s’agir de simples messages sur Intranet four-
organisationnels connexes, font que, comme nissant à chacun sa position vis-à-vis de l’ex-
les animateurs des chantiers MEAH l’ont noté haustivité ; on a aussi affaire à de nombreuses
pour la chirurgie ambulatoire, les projets en la et vibrantes exhortations, éventuellement du
matière sont beaucoup plus « personnalité- président de CME en Conseil exécutif.
dépendants » que suscités par l’incitatif écono- L’objectif essentiel est de convaincre le corps
mique. Ils reposent sur l’intime conviction de médical de l’absolue nécessité, pour l’établis-
certains acteurs que ce type de prise en charge sement, de coder vite et bien. D’autres disposi-
est mise en œuvre dans l’intérêt du malade et tifs paraissent davantage contraignants : ainsi
de la collectivité. D’ailleurs, beaucoup d’ac- pour la clinique 2 les médecins ne reçoivent
teurs, dans les établissements ayant développé les honoraires liés à leurs actes que s’ils ont
ces alternatives à l’hospitalisation, restent per- transmis les informations utiles au codage
plexes devant le peu d’effet apparent que ces (libellés diagnostics et actes).
évolutions ont sur les recettes.
Au total, sur les huit établissements contri-
buant à l’étude, ces campagnes de sensibilisa-
tion ont porté leurs fruits, car tous sont très
L’évolution du système proches de l’exhaustivité à 100 %2. 2. Lors des derniers contacts des
de gestion Une grande majorité des établissements a tra-
intervenants avec les
établissements, certains
Trois sujets concernant les professionnels ges- vaillé sur le processus de facturation : sept interlocuteurs ont signalé que le taux
d’exhaustivité avait diminué avec
tionnaires au sein d’un établissement de santé d’entre eux ont revu le processus administratif l’arrivée de la V11.
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qui va de l’entrée du malade jusqu’à sa sortie absence de qualité peut se traduire par des
(le huitième a le projet de le faire). Lorsque pertes sèches de trésorerie en cas de rejets de
cette étude a commencé, la perspective d’une l’Assurance maladie), et par des réorganisa-
facturation au fil de l’eau était très présente, tions relativement ambitieuses. C’est ici que
alors que depuis elle a été repoussée dans le les évolutions organisationnelles des établisse-
temps. ments analysés sont les plus approfondies.
La difficulté liée à ce processus est de syn-
chroniser deux sous-processus auparavant
relativement disjoints : celui concernant le L’évolution de la fonction
dossier médical d’un côté, et celui concernant Contrôle de gestion
le dossier administratif de l’autre.
D’une façon générale, la fonction Contrôle de
Les processus ont été ainsi réformés et le pilo- gestion s’est renforcée, mais surtout dans les
tage de la chaîne de facturation a été resserré : établissements anciennement en dotation glo-
par exemple, au CH1 et au CH3, ont été élabo- bale (ex-DG). Le CHU a recruté des contrô-
rés des outils de suivi de l’exhaustivité et des leurs et assistants de gestion de pôle, les
délais de facturation ; au CH3 a été mise en premiers venant renforcer le pôle « finances et
place une cellule de gestion de l’information, contractualisation », les seconds venant épau-
destinée à traiter les problèmes liés à la factu- ler dans les pôles le responsable administratif.
ration, notamment les rejets des CPAM ; la cli- Le CH1 a créé une cellule d’analyse médico-
nique 1 a créé un service de gestion des économique (DIM, responsable patientèle,
dossiers médicaux, destiné à contrôler la qua- contrôle de gestion). Les CH2 et CH3 ont
lité des informations transmises pour le ouvert un poste de contrôleur de gestion. Le
codage ; à la clinique 2, on assiste à une orga- CLCC et le PSPH ont mis sur pied des mis-
nisation du même type, avec par ailleurs la sions de développement interne et externe. Ce
création d’un cadre chargé de superviser l’en- mouvement est plus discret pour les cliniques,
semble de la chaîne. Dans ces deux cliniques pour des raisons qui seront développées par la
et aussi dans le PSPH et le CLCC, la dématé- suite.
rialisation du dossier patient a été accélérée.
C’est surtout l’animation autour du contrôle de
L’efficacité de la chaîne de facturation peut gestion qui a changé de statut et de rythme. Au
conduire à une réorganisation totale de la fonc- CHU, par exemple, les résultats économiques
tion accueil et admissions : ainsi au CHU, un des pôles sont publiés sur l’intranet et tous les
pôle intitulé « pôle clientèle » cumule les fonc- pôles peuvent y avoir accès. Les questions et
tions d’accueil, de gestion du dossier du demandes d’explication parvenant au pôle
patient et de facturation. Le personnel est com- finances ne manquent pas. Au CH2, une note
posé de « chargés de clientèle », chacun de conjoncture mensuelle synthétise les princi-
d’entre eux devant suivre un groupe de pales évolutions économiques de l’établisse-
patients d’un bout à l’autre de la chaîne. Le ment, et est exposée devant le conseil exécutif.
CH1 a adopté une organisation analogue, choi- Au CH3, le contrôleur de gestion présente
sissant la dénomination « service patientèle », annuellement les résultats économiques des
les gestionnaires de dossiers se partageant ces pôles dans les bureaux de pôle respectifs. De
derniers sur la base de grands secteurs (SAU, même, le CLCC organise des réunions budgé-
gynéco-obstétrique, reste du MCO). Le CH2 a taires régulières dans les départements, avec
déconcentré le bureau des admissions au une participation étendue du personnel médi-
niveau des pôles. Concernant le CLCC, le cal, celle du DIM, du contrôle de gestion.
bureau des entrées appartient à la direction
Il est très difficile de mesurer l’ampleur de ces
financière, comme le contrôle de gestion et la
mouvements, cependant le phénomène d’ac-
gestion des comptes.
culturation à la dimension économique s’est
Les organisations qui se mettent en place sont nettement accéléré avec la T2A. Certes, il
assez variées et se ressemblent toutes par un existe encore des professionnels réfractaires
souci commun : la coordination des circuits (ce qui ne signifie pas d’ailleurs qu’ils le
d’information, l’équilibre rapidité/qualité (une soient à l’économique en général, mais seule-
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ment à la traduction particulière de l’écono- le CREA (le déficit constaté est-il dû aux
mique par la T2A), mais nombre de médecins dépenses de personnel médical ? paramédi-
estiment maintenant utile et intéressant de par- cal ? aux prescriptions ? etc.)
ticiper à cette animation autour de la gestion.
Comme beaucoup d’autres établissements,
Ils expriment souvent de la curiosité, et parfois
ceux qui ont participé à cette étude se sont
de l’agacement vis-à-vis de confrères qu’ils
majoritairement lancés dans le développement
jugent peu productifs ou inconsidérément
de ces outils. Ainsi le CHU, comme on l’a
dépensiers, ce qui n’est évidemment pas
signalé plus haut, a-t-il élaboré les CREA pour
neutre pour la régulation d’ensemble de l’éta-
les pôles, et les a publiés sur l’intranet. Le
blissement. Par ailleurs, les principes de la
thème plus particulier qu’il a choisi pour la
T2A, rapprochant le financement d’un paie-
seconde phase de l’étude est l’élaboration de
ment à l’acte, comme dans le secteur libéral,
comptes de résultats pour le plateau technique
leur paraissent simples et adaptés à leur pro-
(un service d’imagerie ou un laboratoire ne
fession, ce qui ne veut pas dire qu’ils s’appro-
peut se voir calculer des recettes, contraire-
prient tous les outils correspondants, comme
ment aux pôles cliniques, sauf pour leur acti-
on va le voir.
vité externe) ; il s’est inspiré pour ce faire de la
Après le travail sur la chaîne de facturation, le doctrine dite CREO (compte de résultats par
développement des outils de gestion visant au objectifs)3, où l’activité est valorisée avec un
pilotage des entités en charge de l’activité de tarif choisi par consensus, qu’il s’agisse d’un
base (pôles, services, départements, services prix de cession interne entre les services cli-
médico-techniques, etc.) constitue certaine- niques et le plateau technique ou encore le
ment le point commun de nombreux établisse- tarif CCAM de ville (problématique de l’ex-
ments. La T2A, de par sa constitution, permet ternalisation).
une innovation instrumentale importante à
Le CH3 lui aussi a beaucoup développé ces
partir de la comptabilité analytique et plus pré-
outils, sans aller jusqu’à la transparence totale
cisément des CREA (compte de résultat analy-
des résultats, comme le CHU (accent mis plu-
tique) et TCCM (tableau coûts case mix).
tôt sur les relations bilatérales entre direction
Le premier outil (CREA) n’est ni plus ni et pôles, notamment dans le cadre de la
moins qu’une déclinaison en interne des contractualisation). Le PSPH diffuse large-
comptes de résultats pour les établissements ment des comptes de résultats par service.
(sans être pour autant un EPRD) : pour un pôle Pour les ex-DG, là où la comptabilité analy-
par exemple, on calcule ses recettes (avec un tique n’existe pas encore, ou se trouve en un
certain nombre de conventions pour les état embryonnaire, la mise en place de ces pro-
séjours multi-pôles) et ses dépenses directes et duits est prévue à court terme.
indirectes (pour ces dernières, elles provien-
Cette innovation gestionnaire peut conduire à
nent à la fois du plateau technique, ventilées à
des projets relativement ambitieux, comme
partir d’unités d’œuvre associées aux actes,
par exemple au CH2, où la phase II de cette
ICR ou B, et de la logistique, ventilées soit for-
étude a consisté à élaborer un schéma intégré
faitairement soit également par des unités
de pilotage des pôles, en déclinant plusieurs
d’œuvre). On peut ainsi dégager un résultat
niveaux de pilotage (stratégique, analyse, 3. Développée par le groupe de
économique pour ce pôle, ce qui était impos- travail de l’EHESP qui a élaboré
expertise), avec une spécification de la nature
sible dans le cadre d’un budget global. pour le compte de la MEAH un
des outils cohérente avec chacun de ces manuel sur la comptabilité
analytique.
Le second instrument, le TCCM, permet de niveaux (par exemple l’attractivité au niveau
4. À propos des outils il est
positionner les dépenses d’une entité par rap- stratégique, l’activité au niveau analyse, des intéressant de noter que le CH2
n’a pas préconisé, comme beaucoup
port à une entité fictive qui aurait la même études ad hoc au niveau expertise4), et des le font, la mise en place de CREA
structure d’activité (case-mix) et qui serait modalités de livraison et d’examen (notam- et TCCM pour les pôles. Du point
de vue économique, deux
munie des coûts unitaires provenant de ment la périodicité) de ces mêmes données, indicateurs ont finalement été
toujours en fonction des niveaux considérés. proposés au niveau « analyse » :
l’ENCC (étude nationale de coûts à méthodo- le ratio dépenses directes du pôle
logie commune). Le CREA permet de statuer La réflexion du groupe de travail (groupe sur recettes T2A et le ratio recettes
T2A réalisées sur recettes T2A
sur le caractère bénéficiaire ou déficitaire d’analyse prospective) a consisté à concevoir prévues. Comme on le voit, de
d’une entité interne, le TCCM d’entrer dans l’architecture générale du système mais, sur la multiples sous-produits peuvent
être générés par le nouveau modèle
l’exploration des causes du résultat trouvé par durée de cette étude, n’a pu aller jusqu’au test de financement.
solidarité
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santé
n° 16 - 2010 n LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

prévu sur un pôle chirurgical, ce qui renvoie Le fait que le résultat d’un CREA n’est valable
aux difficultés de ce type de démarche quand que dans une plage de variabilité liée au carac-
on veut vraiment les concrétiser. À noter éga- tère conventionnel des règles de la comptabi-
lement une autre innovation du CH2 : l’élabo- lité analytique et à l’instabilité du mode de
ration de l’EPRD à partir des analyses financement, choque manifestement l’esprit
prévisionnelles des pôles, démarche qui s’est scientifique des professionnels, tel qu’il a été
amorcée en 2009. constitué lors de leurs longues études.
L’apprentissage devrait mettre l’accent autant
De même, la pratique de la simulation médico-
sur les modes d’usage d’outils de fiabilité rela-
économique effectuée, en général par le
tive que sur les aspects techniques de ces
contrôle de gestion, pour toute nouvelle acti-
outils.
vité envisagée, a tendance à se généraliser
(CHU, CH3, PSPH, CLCC). La clinique 1 a Mais plus fondamentalement encore, c’est la
également choisi ce thème pour la seconde potentialité de ces outils à instruire les acteurs
phase de l’étude (sur une activité existante), en sur les voies de progrès éventuels qui est en
élaborant, avec l’aide des chercheurs, un cause. La constatation du résultat négatif d’un
modèle permettant de calculer les marges sur CREA ne fournit pas d’indication sur les
l’activité de by-pass gastrique. causes de ce déficit. Le TCCM n’est qu’un
signal, permettant tout juste de repérer les
grandes classes de dépenses contribuant au
résultat. En fait CREA et TCCM sont fondés
Des outils difficiles à s’approprier sur une nomenclature de produits, qui certes a
Là où les outils de la comptabilité analytique considérablement enrichi l’instrumentation
se développent, les outils plus classiques ne existante, mais est encore très fruste par rap-
disparaissent pas pour autant. Nombre de jour- port à la multitude des trajectoires de malades
nées, d’admissions, taux d’occupation, durées en cause, si bien que le passage de ces instru-
de séjour, indicateurs de qualité (comme les ments à l’analyse des processus concrets de
délais d’envoi des comptes rendus d’hospitali- soins n’est en rien évident, et de toute façon
sation), effectifs, dépenses de consommables nécessite des explorations supplémentaires, de
etc. forment l’ossature de tableaux de bord toute autre nature.
dont on scrute les résultats dans les réunions
de bureau de pôle, davantage en tout cas que
l’on ne se saisit des résultats du CREA. D’une Le secteur privé lucratif moins
façon générale l’appropriation de ces nou- volontariste
veaux outils par les professionnels apparaît
difficile et lente ; même si les opérations élé- Dans l’échantillon de cette étude, le privé
mentaires de la comptabilité analytique sont lucratif est très en retrait par rapport aux éta-
simples dans leur esprit (il s’agit pour l’essen- blissements ex-DG sur la mise en place des
tiel de règles de trois), leur nombre est impor- outils de comptabilité analytique associés à la
tant, de nombreuses chausses trappes existent, T2A. Les raisons invoquées sont identiques
les raisonnements peuvent être subtils (par aux précédentes : imprécision, instabilité, fai-
blesse du diagnostic associé. Au total, ce qui
exemple pour le CREA d’un service d’accueil
est majoritairement utilisé au niveau du pilo-
des urgences) et les professionnels ne sont en
tage est constitué par des indicateurs très clas-
rien formés initialement à de tels exercices.
siques, dont le principal est du reste le nombre
Par ailleurs, le système de règles de la T2A d’entrées. Pour ces établissements, dans une
évolue continûment et il est difficile de discu- visée très pragmatique, la finesse des données
ter d’estimations qui risquent d’être boulever- issues de la T2A est trompeuse et il vaut mieux
sées d’un exercice à l’autre. Par exemple la se fonder, pour orienter l’action, sur un objec-
réflexion de la clinique 1 engagée en phase II tif général d’augmentation de l’activité.
de l’étude a été « mise en veilleuse » dans l’at- (« réflexe » qui n’est pas propre au privé, ni
tente de la version V11 du PMSI, qui risquait d’ailleurs au cas français, mais qui semble
de bouleverser des résultats relativement sen- accompagner partout l’instauration d’une tari-
sibles aux paramètres du financement. fication à l’activité). Ce fait est d’autant plus
solidarité
LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
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n n° 16 - 2010 11

frappant à la clinique 2 qui appartient à un aux besoins du territoire, avec aussi la pers-
groupe avec une longue pratique de la compta- pective d’une augmentation corrélative d’acti-
bilité analytique, et qui du reste participe à vité5. En revanche la réorganisation interne de
l’ENCC. Signalons malgré tout que cette fru- la pédiatrie au PSPH peut être étroitement
galité en matière d’indicateurs n’empêche pas associée à la T2A, dans la mesure où le CREA
des études de coût approfondies, telles que élaboré pour ce sous-ensemble a montré un
celle que la clinique 1 a entreprise sur le cas du déficit extrêmement important, que tout le
by pass gastrique, mais il s’agit d’opérations monde a anticipé mais qui a soutenu l’argu-
ciblées, ad hoc, et non de mises en place d’un mentation de la direction pour engager une
système de pilotage général. réforme profonde. D’un autre côté, cette opé-
ration s’est davantage apparentée à une sorte
Il est possible également que cette même fru-
de plan social local, se traduisant par la sup-
galité soit à relier à des situations économiques
pression de plusieurs UF et le redéploiement
satisfaisantes ; une dégradation de ces der- d’une cinquantaine de postes paramédicaux.
nières serait sans doute susceptible de Comme dans les autres actions, il n’y a pas eu
conduire ces établissements à développer véritablement réorganisation du travail des
davantage ces outils. Enfin la taille de l’éta- opérateurs de soins, mais adaptation des struc-
blissement joue certainement un rôle ; il n’est tures aux processus existants.
pas étonnant que ce soit le CHU qui manifeste
le plus d’appétence pour l’instrumentation C’est sur l’organisation de travail que les évo-
médico-économique. lutions observées au cours de l’étude sont clai-
rement les plus modestes, c’est-à-dire les
modes de planification de l’activité, des effec-
tifs, des horaires, les coordinations entre
L’organisation du travail
acteurs, en d’autres termes la gestion des flux
dans les services et les pôles de patients et des informations, des processus,
de l’ordonnancement des tâches. Au CH2 la
plage de fonctionnement de l’IRM (GIE
Après avoir suivi les évolutions en matière de public-privé) a été augmentée afin de diminuer
prise en charge des patients (peu marquées) et les délais de rendez-vous dans un objectif de
celles en matière d’outillage de gestion (mar- productivité. Au CHU et au CH3, dans les
quées, mais accompagnées d’une appropria- pôles dirigés par des responsables très investis
tion difficile), qu’en est-il maintenant du cœur dans leur nouveau rôle (notamment les cadres
même de la production, c’est-à-dire de la de santé), on assiste à des efforts de mutualisa-
façon dont les processus de soins se réorgani- tion du personnel dans la gestion quotidienne ;
sent dans le contexte de la T2A ? quelques actions, déjà évoquées, visent à faire
Plusieurs sujets, très liés entre eux, restent à sortir les patients le matin (CH3), manifeste-
aborder : l’évolution de la structuration de ment en retrait par rapport aux objectifs, ou
l’activité et des processus de travail, le mana- encore à nouer des relations avec l’aval
gement des unités, la recherche d’efficience. (CLCC).

Ce point a déjà été traité sous l’angle du déve- Mais au total, peu de changements notables
loppement des alternatives à l’hospitalisation, ont été constatés à ce niveau de l’organisation
et de la création d’unités dédiées. D’autres fine des processus de soins, alors que, pour de
évolutions sur l’architecture des services ou nombreux observateurs, c’est là que se situent
des pôles ont été constatées : par exemple, le les gains potentiellement les plus importants
CH2 a réorganisé sa chirurgie en regroupant en matière d’efficience et de qualité.
ses blocs de chirurgie générale et de gynécolo- Ces actions sont possibles (ce qui ne veut pas
gie. Au CH3, le pôle médecine a créé un ser- dire qu’elles sont faciles à mettre en œuvre),
vice de gériatrie aiguë. Il est difficile comme le montre le chantier pilote de la
d’imputer à la T2A ces réorganisations, qui se MEAH sur la gestion des pôles, qui a impliqué
situent soit dans une perspective générale de huit établissements (2 CHU, 5 CH, 1 privé 5. Signalons cependant que le
rationalisation liée à une pression économique lucratif) entre avril 2007 et décembre 2008. développement de la filière
gériatrique au CH3 a été validé par
croissante, soit dans le souci d’une réponse Les animateurs de la MEAH avaient convié une simulation économique.
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santé n° 16 - 2010 n LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

les établissements à privilégier cet aspect opé- semaines, le bureau de pôle tous les mois, et
rationnel de leur activité (la gestion des pro- un vrai travail de concertation se construit
cessus de soins) par rapport au développement dans ces réunions autour du contrat passé avec
des outils médico-économiques, qui consti- la direction et du tableau de bord correspon-
tuait en majorité leur projet initial. Les docu- dant. Il est intéressant de noter que les objec-
ments issus de ce chantier6, font apparaître que tifs assignés au pôle concernent aussi bien les
les opérations lancées par ces huit établisse- aspects de qualité des soins que d’activité ou
ments mettent l’accent sur cette caractéristique d’efficience et que ceux qui sont les mieux
très concrète d’organisation des processus respectés sont les premiers, ce qui fait dire au
(tableau 4). cadre de santé qu’en effet ce n’est pas le mode
de financement qui crée le changement. La
Peu de ces actions se retrouvent dans l’échan-
fixation des indicateurs d’objectifs lui semble
tillon des établissements qui ont participé à
à ce titre très utile, comme au responsable
cette étude ; mais il est important de souligner
médical, pour stimuler et canaliser les efforts.
que cette coloration forte de l’opérationnel, de
Au CHU, où le fonctionnement des pôles est
la gestion des flux et des processus, était
très hétérogène, certains d’entre eux sont prêts
demandée par la MEAH, alors que quasiment
à s’investir dans l’organisation ; par rapport
tous les établissements avaient initialement le
au CH précédent, ils ont l’avantage de pouvoir
réflexe de développer des outils issus de la
bénéficier du support offert par des assistants
comptabilité analytique. Mais les voies de administratifs, la fonction de coordination
l’efficience passent également par un travail dévolue au responsable administratif ayant été
d’une toute autre nature, se situant à une autre dissociée de celle de support. Cet apport sup-
échelle. Le fait que spontanément les établis- plémentaire de potentiel d’analyse de données
sements ne s’attellent que marginalement à ce et de réflexion est envisagé également au
travail, mais que, stimulés par un acteur CH2.
externe, ils le fassent, est tout à fait significatif
du manque d’une fonction au niveau de la ges- Les évolutions à ce niveau sont lentes et pré-
tion du système de production complexe que cautionneuses ; elles peuvent avoir des formes
constitue l’établissement de santé. plus diffuses, comme celles, déjà citées, des
cliniques privées, consistant à organiser des
réunions plus fréquentes entre direction et
médecins. Il est clair qu’on a là des infléchis-
De nouvelles modalités
sements qui, s’ils ne se traduisent pas specta-
de management des pôles culairement dans les faits, sont susceptibles de
et services transformer les représentations des uns et des
autres et plus tard, de créer une réelle dyna-
mique de transformation.
Dans le public, il est très difficile de distinguer
En mettant en avant les nouveaux dispositifs
sur ce thème les effets de la T2A de ceux de la
organisationnels objectivables, force est de
nouvelle gouvernance. En outre, il est clair
constater que la démultiplication des réunions
que le fonctionnement des pôles, par exemple,
et plus généralement de ce que l’on appelle le
est très « acteur-dépendant » et paraît étroite-
dialogue de gestion n’a eu que des retombées
ment conditionné par le plus ou moins grand
modestes. Il y a là une interrogation : com-
volontarisme des responsables, médecins,
ment mettre en rapport d’un côté une augmen-
cadres, ou administratifs. Par ailleurs, on se
tation de la charge de travail collective, liée au
trouve ici à la limite de notre méthode, devant
nouveau mode de financement et plus généra-
prendre pour acquis les descriptions que nos
lement aux réformes récentes (démultiplica-
interlocuteurs font eux-mêmes de leur activité.
tion de réunions, concertations, négociations,
La nouvelle gouvernance, davantage sans d’analyses et calculs, de rédactions de notes et
doute que la T2A, a entraîné des infléchisse- de rapports, etc.), et de l’autre, des résultats
6. Notamment Pilotage opérationnel ments intéressants dans le pilotage des unités observables assez incertains ? D’autant que
des pôles. L’étape d’après…, de soins. Au CH3, par exemple, et au pôle l’essentiel des résultats réside peut-être juste-
janvier 2009, à consulter
sur le site de la MEAH. médecine, le trio de pôle se réunit toutes les ment dans le non observable, dans une lente
solidarité
LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
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n n° 16 - 2010 13

g TABLEAU 4
Actions des huit établissements du chantier MEAH sur les pôles
définir et mettre en oeuvre le processus cible pour la prise en charge des patients externes
contact depuis l'extérieur : organiser le bureau central des rendez-vous pour faciliter l'accueil téléphonique
Consultations planifier les consultations par spécialité selon l'activité réellement constatée
externes
faciliter la prise de rendez-vous par les agents du BCRV : procédure unique pour toutes les spécialités
suivre : taux de décroché, nombre de consultations, taux d'occupation, ponctualité...
définir et mettre en œuvre le processus cible pour les admissions programmées
pré admissions : donner de la visibilité sur l'activité
programmation : lisser la charge, maximiser le remplissage, tenir compte des étapes blocantes
Programmation admission dans un lit : au meilleur moment de la journée, dans le bon lit
des admissions
anticipation de la sortie : évaluation et signalement à l'assistante sociale
à l'hôpital de jour : horaire des admissions, liens avec la pharmacie…
suivre : % de DPS (et fiabilité), % pré admissions, lissage, horaires DMS et TO, CM24 de 0 nuit réalisées en HC…
définir et mettre en œuvre le processus cible pour la programmation
étude de l'activité
Programmation
au bloc réallocation des plages opératoires
opératoire test sur une activité volontaire
suivi : TROS, TVO, Temps de débordement, événements indésirables, Taux de programmation
définir et mettre en œuvre le processus cible pour les sorties
anticipation : préadmission,programmation,services sociaux, dates prévisionnelles de sorties
préparation : mise à jour des DPS, préparation des documents de sortie
réalisation de la sortie : horaire de sortie, documents de sortie et réfection des lits
autres : modalités de codage de l'activité, de production des CRH, de retour du dossier patient
définir et mettre en œuvre le sous processus cible organistation d'une sortie complexe
CRH modèle
modalités de production (incrémentale tout au long du séjour, transmission aux secrétaires…)
organistation des secrétaires
Organisation arbitrages fondamentaux (patients sortants VS CRH en retard, délais VS complétude…)
des sorties
procédures exceptionnelles (congés, changement d'internes…)
définir et mettre en œuvre le sous processus « production du CRH »
cartographie et annuaire des partenaires d'aval
homogénéisation des formulaires de demande
anticipation : obtention de l'aval avant admission si possible, renseignement DPS
déclenchement rapide de recours au SS
définir et mettre en œuvre le sous processus cible codage de l'activité
suivre : horaires des sorties, délai d'intervention assistantes sociales, séjours > DMS, journées consommées par des séjour
DMS+10 jours, délai CRH qualité codage (suivi des diagnostics associés), nb de dossiers dans des lieux de stockage intermédiaires
définir et mettre en œuvre le processus de réalisation des plannings des personnels
adapter les ressources à l'activité (DPS, lissage de l'activité)
planning faire jouer la solidarité intra pôle et limiter le recours à l'intérim
des personnels
développer la polyvalence
non médicaux
mettre en place une rotation permettant de faire passer tout le personnel en HDS
suivre : mensualités de remplacement, dépenses d'intérim, écart prévu-réalisé
définir et mettre en œuvre le processus de réalisation des plannings des personnels
identifier les différentes activités des différents praticiens
planning quantifier le temps médical disponible, clarifier les règles de gestion
des personnels
produire une maquette d'organisation
médicaux
définir les modalités de planification et de suivi du temps médical
suivre : écart prévu-réalisé
formaliser et mettre en œuvre le circuit du dossier du patient
identifier les informations nécessaires à la programmation des séjours
circuit identifier l'ensemble des lieux de stockage parallèles
du dossier
formaliser le circuit du dossier du patient et faire évoluer les fiches de tâches
suivre : signalements de dossiers recherches, persistances des lieux de stockage alternatif…
améliorer et partager les processus support de la recherche
projets de documenter les processus clé (fund raising, recherche documentaire, expertises juridiques, linguistique, statistique…)
recherche identifier les indicateurs permettant de piloter l'activité recherche
proposer des projets de recherche communs aux différents services de pôle
solidarité
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n° 16 - 2010 n LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

maturation des esprits et dans des glissements, chirurgie et du pôle mère-enfant au CH2. Cet
imperceptibles à court terme, des représenta- aspect se recoupe avec le thème de la stratégie
tions et des comportements. abordé à la fin de cette étude.
La recherche d’efficience n’est pas une préoc- La T2A en elle-même a peu perturbé l’organi-
cupation récente ; elle est souvent liée à l’exis- sation d’ensemble, qui a évolué d’abord sous
tence d’un plan de retour à l’équilibre (CH1) l’effet de la nouvelle gouvernance : mise en
ou plus généralement d’une situation écono- œuvre des pôles au CHU, aux trois CH (bien
mique fragile. Les dispositifs de concertation qu’à des dates différentes). Au CLCC, l’orga-
dans les pôles ne sont pas sans faciliter les nisation en départements se substitue à celle
efforts correspondants, qu’il s’agisse de l’har- des pôles dans le public et elle a précédé la
monisation des achats entre les services, de la T2A. Néanmoins, les pôles peuvent se déve-
mutualisation d’automates, d’externalisation lopper selon des configurations différentes,
d’activité, de la réaffectation des lits etc. marquant l’inscription plus ou moins grande
du souci de performance dans l’organisation ;
Comme pour les actions portant sur les pro- par exemple la création d’un pôle « manage-
cessus de travail, qu’elles recoupent d’ailleurs ment général – stratégie – finances – qualité »
en certains points, les avancées en la matière au CH1.
sont lentes et peu spectaculaires.
D’une façon générale cette étude a permis de
Des évolutions significatives peuvent-elles constater le renforcement du rôle de la direc-
être constatées au niveau de l’équilibre géné- tion financière, du contrôle de gestion (attesté
ral des ressources, ou entre les différentes par les recrutements déjà évoqués), et aussi du
composantes de l’organisation, telles qu’on DIM, avec des débats sur le rattachement de
peut les décrire par exemple à travers le celui-ci (administration ou logistique médi-
schéma de Mintzberg sur la structure générale cale ?)
d’une organisation, et plus largement au
Au total donc, une déformation – légère – est
niveau des processus de décision (schéma) ?
observée au profit de la technostructure, pour
Quelques opérations lourdes, produisant une reprendre la typologie de Mintzberg.
rupture dans la structure des effectifs, se justi-
fient par les simulations d’impacts déjà évo-
quées précédemment : par exemple la Le système de décision :
restructuration de la pédiatrie au PSPH, la le dialogue de gestion
répartition des lits entre réanimation et soins
intensifs au CH3, le rachat d’une clinique au
renforcé
PSPH, le calibrage de la reconstruction de la
Sur ce point on peut souligner, dans les établis-
sements ex-DG, un développement des échanges
à tonalité médico-économique, souvent au sein
du conseil exécutif ; un décloisonnement res-
g SCHÉMA DE MINTZBERG
senti de façon mutuelle ; l’émergence d’un lan-
gage commun, d’un équilibrage des pouvoirs (et
Sommet non, ce qui est souvent avancé pour les effets de
stratégique la T2A, d’un basculement du pouvoir au profit
du management).
Ce renforcement du dialogue de gestion se
Techno-
structure
Logistique trouve amplifié par les avancées des logiques
Ligne de contractualisation, plus spécifiquement
hiérarchique
dans les établissements publics, se dirigeant
vers des dispositifs relativement raffinés, par
opérationnels exemple au CH3 (contrat sur des objectifs éco-
nomiques – liés aux résultats du CREA – d’ac-
tivité et de qualité, avec élaboration d’une
solidarité
LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
santé
n n° 16 - 2010 15

trentaine d’indicateurs cibles ; intéressement


conditionné par un résultat positif au niveau La gestion des ressources
établissement) ou encore au CHU. Cette humaines
contractualisation est en projet dans les autres
CH. Elle s’accompagne d’une délégation limi-
tée (formation, intérim, petit matériel, ...), et Le recrutement récent de nouveaux emplois
les mécanismes d’intéressement ont manifes- administratifs est à noter : contrôleur de ges-
tement du mal à fonctionner, à cause de la tion (CH2, CH3), assistants de gestion dans les
situation financière défavorable des établisse- pôles (CHU), statisticiens, chargés de déve-
loppement (PSPH). Dans le cadre de la nou-
ments. Des réflexions ont lieu dans ces der-
velle gouvernance, le recrutement devient un
niers, pour simplifier les objectifs et les
processus davantage partagé entre les pôles et
indicateurs associés au contrat, et aussi pour
la DRH.
fonder des mécanismes d’intéressement moins
virtuel que ceux existant (il s’agit notamment Dans certains sites, commence à s’appliquer le
du sujet choisi par le CH3 pour la seconde principe de simulation économique aux recru-
phase de l’étude). Cependant l’instabilité des tements du personnel médical (prévision d’ac-
règles de financement ne facilite pas l’élabora- tivité, estimation des recettes). Au CHU, il est
tion de contrats et de formules d’intéressement estimé, compte tenu des coûts induits, qu’un
largement fondés sur les résultats écono- nouveau médecin devrait générer des recettes
miques des pôles et des services. six à sept fois supérieures à son coût salarial.
Au PSPH la procédure est analogue, consi-
La faiblesse des retombées de ces nouveaux gnée dans une fiche « criticité ». Au CLCC,
dispositifs et leur fragilité même ne sont pas compte tenu des surcoûts salariaux par rapport
sans avoir de conséquences sur l’engagement au public, la conclusion conduit à un besoin de
des acteurs. Des responsables professionnels productivité médicale supplémentaire de 30 %
(médecins et cadres de santé), fortement pour une même activité.
impliqués dans la gestion, expriment une
Ailleurs (les CH, les cliniques) les raisonne-
déception et un découragement croissants ; ments sont moins formalisés et font intervenir
certains vont jusqu’à estimer qu’ils se sont de façon plus qualitative l’attractivité, la
« fait avoir », qu’ils sont les « dindons de la démographie médicale, la concurrence, …
farce », comparant leur situation à celle de
leurs confrères ou même à d’autres établisse- Dans les établissements publics, la formation
ments qui ont suivi la « ligne de plus grande fait en général partie de la délégation aux
pente » d’une organisation professionnelle pôles. Elle peut concerner des sujets très
divers, parfois connectés au nouveau mode de
historiquement peu préoccupée de perfor-
financement. Ce dernier apparaît également
mances économiques et gestionnaires.
d’une part dans quelques formations légères
Toutes ces questions concernent peu les struc- des professionnels au PMSI et à la T2A
tures privées lucratives, où les relations sont (CLCC), dans les formations des techniciens
plutôt du type clients-fournisseurs, et n’ont d’information médicale (TIM) dans les cli-
guère été changées par la T2A, avec malgré niques privées 1 et 2, et aussi dans la fonction
tout, comme on l’a vu, des points de contact et d’apprentissage qu’exerce auprès des profes-
de concertation plus nombreux autour des pro- sionnels le personnel spécialisé dans la gestion
blèmes de la circulation de l’information, et (contrôleurs, assistants de gestion etc.).
éventuellement des perspectives davantage L’intéressement aux résultats, lorsqu’il existe,
« négociatrices » à l’avenir. Il s’agit par exem- se situe au niveau collectif : aussi bien dans le
ple des équipements payés actuellement « en CHU que dans deux CH (CH2 et CH3), un
sus » de la T2A, qui pourraient être réintégrés accord d’intéressement par pôle est présent ou
dans les tarifs, avec en conséquence des choix prévu dans les contrats. Cet intéressement, se
possibles du côté des finances éventuellement traduisant pour l’essentiel par des équipements
discordants par rapport aux préférences des supplémentaires, est inopérant jusqu’ici, com-
médecins. me on l’a signalé plus haut. Le principal ensei-
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n° 16 - 2010 n LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

gnement de la seconde phase de l’étude pour le résultat économique peut entériner des rentes
CH3, qui portait, rappelons-le, sur la contrac- de situation. Enfin, l’une comme l’autre de ces
tualisation, a été justement de remettre en solutions se révèlent très sensibles aux change-
cause l’assujettissement de l’intéressement des ments de règles du financement, et l’arrivée de
pôles au résultat global de l’établissement. Le la V11 n’a pas été sans conduire la direction de
CH3 s’oriente vers une formule où une réserve l’établissement à un attentisme prudent. Le
comptable serait créée et où l’intéressement projet n’a pas été abandonné pour autant, mais
principal d’un pôle (corrigé ensuite par des on perçoit sur cet exemple le nécessaire étale-
indicateurs d’objectifs propres au pôle) ferait ment dans le temps de ce type d’évolution.
intervenir à la fois le résultat comptable de ce
Au CLLC préexistait à la T2A un intéresse-
pôle et sa variation d’une année sur l’autre.
ment individuel des médecins, plus simple a
Un intéressement global (au niveau de l’éta- priori (prime annuelle pouvant prendre trois
blissement) préexistant à la T2A au CLCC n’a valeurs), fondé sur des critères composites
pas été lui non plus concrétisé, l’établissement (activité, qualité, management) et dépendant
étant déficitaire (ce qui fait dire aux salariés : d’une évaluation individuelle assise sur un
« la T2A a saboté l’accord d’intéressement »). entretien (contrairement au projet du PSPH).
Dans une autre logique, le PSPH a envisagé de
mettre sur pied un intéressement individuel
pour son personnel médical (thème de la Des réflexions stratégiques
seconde phase de l’étude). La mise au point de orientées sur l’évolution
la formule d’intéressement s’est révélée assez de l’offre
complexe et lorsque cette étude a pris fin, l’in-
L’interaction de longue durée avec un petit
téressement n’était pas encore passé dans les
groupe de représentants des établissements a
faits. Compte tenu des systèmes d’information
permis de constater un certain nombre de
en place, l’intéressement ne peut pas être tota-
réflexions stratégiques intéressantes à deux
lement individuel ; la mesure d’une perfor-
titres. Tout d’abord elles ne sont pas sans
mance ne peut être établie qu’au niveau des
rejoindre les résultats de l’analyse bibliogra-
services. Le calcul de l’intéressement s’ap-
phique initiale, où des expériences étrangères,
plique donc d’abord à une équipe, pour être
notamment nord-américaines, relèvent que le
redistribué ensuite aux médecins, selon un
paiement prospectif au séjour s’est traduit par
schéma à définir. Comment peut-on définir
de profondes réorganisations au niveau du
l’intéressement ? Dans la mesure où l’établis-
tissu des organisations elles-mêmes : fusions,
sement désire mettre sur pied une formule
absorptions, partenariats, externalisations etc.
connectée à la T2A, le plus souvent automa-
Ensuite, parce que ces mouvements semblent
tique, deux variables apparaissent susceptibles
répondre, d’une certaine façon, aux difficultés
de jouer pour un service donné : les recettes,
de réorganisation interne, étudiées précédem-
en d’autres termes l’activité, et le résultat éco-
ment. Ils correspondent à une « sortie par le
nomique tel qu’il est calculé par le CREA.
haut » consistant, devant les obstacles de tous
Mais ces approches ont révélé des difficultés :
ordres à la diminution significative des coûts
en dehors du fait qu’elles peuvent conduire à
et les limites de l’augmentation des recettes, à
des sommes jugées incompatibles avec la
« rebattre les cartes » par une réorientation
situation financière de l’établissement,
stratégique du périmètre d’activités, qui vise à
d’autres composantes de l’activité sont à inté-
se retrouver sur une bonne trajectoire. Les
grer, comme les consultations ou encore les
orientations politiques actuelles (loi HPST)
activités d’enseignement et recherche, cela
vont par ailleurs dans ce sens en encourageant
dans des schémas de calcul de plus en plus
la territorialisation.
complexes, quitte à devenir illisibles pour les
intéressés. Par ailleurs, l’intéressement fondé La recherche d’alliances et partenaires est une
sur l’activité se heurte très vite à des « effets des modalités rencontrées : le CH1, positionné
cliquets » (on rémunère une augmentation, comme hôpital référent, a un projet de groupe-
mais non une stabilisation, qui peut représen- ment de coopération sanitaire (GCS) avec
ter un effort plus grand), celui fondé sur le deux CH plus petits sur le territoire (améliora-
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LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
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n n° 16 - 2010 17

tion de la filière gériatrique) et noue des rela- ment indépendantes de la T2A. Dans le même
tions avec un établissement psychiatrique. Le ordre d’esprit, les cliniques observées dans cet
CH2 a monté un GIE public-privé pour l’IRM, échantillon ne se fondent guère sur la T2A
ce qu’a également fait le CHU pour ses IRM et pour définir leur portefeuille d’activités. Un
Pet-Scan. Le CH2 vise aussi la complémenta- directeur de la clinique 2 précise : « Ce n’est
rité avec une clinique chirurgicale, et a déjà pas la T2A qui fait l’activité ». La fixation du
repris l’activité d’obstétrique d’une clinique portefeuille d’activités est une affaire d’oppor-
privée. C’est la même optique (de sauvetage tunité, dépendant d’une analyse des besoins et
de la chirurgie) qu’a adoptée le CH3, en négo- des complémentarités sur le territoire. Dans
ciant (non sans difficulté, une partie du person- ces conditions, on peut parfaitement fermer les
nel médical y étant fermement opposée) une yeux, au moins dans un premier temps, sur la
association avec une clinique privée de son rentabilité, au sens de la T2A, des activités que
territoire (redistribution des activités de chi- l’on choisit de développer. Ceci relativiserait
rurgie et de cardiologie, partage des urgences). le discours connu sur la sélection des patients,
Le PSPH a prévu de reprendre une maternité et à ceci près que le maintien du paiement à
travaille actuellement à un rapprochement l’acte des médecins introduit bien de son côté,
avec un CHU, afin d’atteindre une taille cri- et très explicitement d’ailleurs, une telle sélec-
tique sur le plateau technique. Rappelons à ce tion.
titre la création, dans cet établissement, d’em-
plois consacrés au développement. Dans les établissements publics, la structura-
tion en pôles peut conduire les responsables
Par contre, l’externalisation d’activités n’a pas médicaux à définir une stratégie médicale
présenté d’évolutions particulières liées à la propre, en coopération avec les chefs de ser-
T2A. Les externalisations constituent un mou- vice qu’ils coordonnent. Ainsi dans le pôle
vement d’ensemble datant de plusieurs décen- Médecine du CH3, où une filière gériatrique
nies dans le secteur public (le secteur privé aiguë a été créée, avec à la clef redéploiement
fonctionne déjà ainsi). Cette tendance, a tou-
de lits et recrutement d’un médecin. Le res-
ché essentiellement la logistique (blanchisse-
ponsable médical du pôle estime qu’il s’agit là
rie, restauration, entretien). Toutefois des
d’une fonction essentielle d’un pôle car ce sont
réflexions se développent dans les établisse-
les professionnels eux-mêmes qui sont en
ments ex-DG, à partir des outils issus de la
capacité, plus que la hiérarchie, de savoir quels
T2A, sur la potentialité d’externalisation d’ac-
sont les besoins du territoire de santé, grâce au
tivités médico-techniques (par exemple au
réseau constitué avec leurs confrères, hospita-
CHU, lors de la phase II de l’étude sur le
liers ou libéraux, avec lesquels ils ont des rela-
tableau de bord médico-économique de l’ima-
tions continues. Là encore, c’est sans doute
gerie, et à propos de certaines activités par-
tielles, telles la scintigraphie), mais les davantage la nouvelle gouvernance qui joue,
approches, là encore sont très prudentes, et plutôt que le mode de financement, mais les
restent pour l’instant au niveau de modélisa- établissements publics se sont lancés, davan-
tions chiffrées. tage que les privés dans l’élaboration et la dif-
fusion des outils médico-économiques issus de
La restructuration ou les évolutions de l’offre la T2A. Dans ces conditions, le développe-
des soins des établissements (en équipements ment de la filière gériatrique au CH3 s’est
et compétences humaines) ne sont pas de accompagné d’une simulation économique
l’ordre de la « stratégie au sommet », évoquée effectuée par le contrôle de gestion, condui-
ci-dessus. Elles recomposent le paysage hospi- sant à la constatation d’une opération équili-
talier notamment par le développement de brée. On a ainsi la création d’un « filtre »
coopérations inter-établissements sous des nouveau qui reste sans doute « à larges mail-
formes juridiques diverses, mais constituent les » sans savoir pour autant si un résultat éco-
des évolutions internes plus modestes, visant à nomique défavorable aurait changé le cours
modifier souvent à la marge, le panel d’activi- des choses. D’ailleurs, dans le même établisse-
tés offert à la population. ment, les simulations budgétaires effectuées
Dans cette rubrique le développement de l’am- sur le secteur réanimation et soins intensifs,
bulatoire semble relever de forces relative- montrant le caractère coûteux de l’utilisation
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n° 16 - 2010 n LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

des lits de soins intensifs comme post-réani- taires, fiches de préparation de l’EPRD, etc.
mation, n’ont en rien changé le comportement Le lien avec la nouvelle gouvernance est clair,
du chef de service, qui du coup est entré en puisque le pôle devient en général une unité de
conflit avec son responsable de pôle. référence pour circonscrire le périmètre de
définition des outils. Cependant, lorsque l’on
Les faits observables liés sont donc encore
se penche sur le contenu de ces outils, on
marginaux (pour exemple, les calculs du CHU
remarque de nombreuses variantes dans la
en justification du recrutement d’un médecin,
façon de définir les indicateurs, leur nombre et
ne constituent pas un couperet, mais ne sont
leur niveau de détail, ou dans le degré d’acces-
pas sans effets sur les représentations), mais ils
sibilité des informations (réservées aux utilisa-
sont sans doute à surveiller à l’avenir. Il y
teurs concernés ou plus largement accessibles
aurait là un bruit à basse fréquence de la T2A,
dans l’établissement).
qui jouerait comme une « pression savante »
sur les choix d’activité des médecins, et défor- Cette variété des nouveaux outils de gestion
merait peut-être à terme l’offre dans des tient à la coexistence de deux finalités donnant
amplitudes supérieures à celle des grandes lieu à des approches diversifiées selon la taille
décisions stratégiques, par la succession de des établissements, les outils déjà en place, le
mouvements semblant tous mineurs. volontarisme manifesté par les acteurs, etc. Il
s’agit d’une part de mieux connaître l’activité
médicale (GHS, répartition des séjours par
durées, profils des patients, origines des
Conclusions générales
entrées, …) ; d’autre part, de caractériser son
Cette analyse est issue en priorité de la mise en efficience (notion souvent difficile à définir et
perspective des actions des intervenants dans dépendante de nombreux facteurs) pour
les établissements ayant participé à cette impulser une optimisation des organisations.
étude. Elle a en outre tiré profit des échanges
On remarque également une tendance à déve-
entre établissements lors des trois réunions de
lopper des logiques de responsabilisation
mise en commun à la DREES, où les partici-
appuyées sur ces outils de connaissance de
pants ont fait part de leurs analyses générales
l’activité et de l’efficience : soit formellement
en tant que professionnels de santé. Elle a
à travers des contrats annuels de pôle, qui défi-
aussi permis de recueillir des réflexions d’in-
nissent de manière concertée des objectifs de
tervenants en milieu sanitaire, sur diverses
progression, des moyens associés, et les moda-
problématiques d’organisation et de gestion,
lités de reconnaissance de l’atteinte de ces
dans le cadre de missions et études pour la
objectifs ; soit de façon plus informelle, à tra-
MEAH, telles que celle sur le pilotage des
vers l’utilisation faite de ces informations dans
pôles, ou concernant la gestion et l’organisa-
les relations entre acteurs, à différents
tion du temps médical et soignant.
moments du management (discussions budgé-
De la gestion à l’organisation : des effets taires, négociation d’investissements, choix de
contrastés développement d’activités, …).
La première tendance nette, surtout dans les
Cependant, la mise en œuvre de ces outils ne
établissements ex-DG, réside dans le dévelop-
va pas de soi, et leur appropriation par les
pement d’innovations instrumentales de ges-
acteurs est une œuvre de longue haleine. Ce
tion, qui visent à outiller des analyses dites
constat s’explique si l’on considère que ces
« médico-économiques ». Ces innovations
outils doivent établir un compromis entre deux
sont jugées aujourd’hui indispensables avec la
finalités partiellement contradictoires. Il s’agit
T2A, et concernent en particulier les services
d’un côté, de représenter des activités d’une
ou pôles, à qui il est demandé de développer de
très grande variabilité, et d’éclairer la notion
nouvelles approches de leur activité.
d’efficience, ce qui pousse à des dispositifs
Les exemples sont nombreux (bien au-delà des relativement complexes, pour que les informa-
établissements de l’échantillon) : tableaux de tions conservent un pouvoir descriptif suffi-
bord, indicateurs, outils d’analyse de l’activité, sant et évitent des raccourcis trop réducteurs ;
CREA (comptes de résultat analytique), d’un autre côté de trouver, pour les acteurs
TCCM (tableau coûts case-mix), fiches budgé- directement concernés, un sens opérationnel à
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LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
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n n° 16 - 2010 19

leur utilisation, ce qui pousse plutôt à des dis- enjeux analogues en matière d’optimisation et
positifs « robustes ». de sécurisation des recettes. Les nouveaux
indicateurs permettent notamment d’assurer la
La nouveauté de ces démarches dans la culture
vigilance sur la qualité et la fiabilité du proces-
médicale a induit des tâtonnements. Après une
sus de codage et de facturation.
première phase de découverte de ces outils où
certains établissements ont été assez loin dans Dans un certain nombre de cas, ces évolutions
leur développement, se distingue maintenant gestionnaires se sont prolongées dans de véri-
une tendance à revenir à une certaine simpli- tables réorganisations, avec de nouvelles
cité des instruments mis à disposition des ser- répartitions du travail, des évolutions de com-
vices et pôles, en distinguant un premier pétences, des réaménagements de locaux, des
niveau d’utilisateurs de terrain (médecins, soi- adaptations du management opérationnel, …
gnants) pour lesquels l’objectif est de donner Dans les cas les plus aboutis, il peut y avoir
des points de repères opérationnels, et un création de nouvelles entités organisation-
second niveau d’utilisateurs gestionnaires, soit nelles structurées par le processus de prise en
au niveau central (DAF, DIM), soit en fonction charge administrative du patient (services
dédiée dans les pôles, dont la mission néces- patientèle, bureaux d’admissions décentrali-
site la mise en œuvre d’analyses plus fines et sés).
complexes en termes d’activité et d’efficience.
Mais ce passage de l’innovation gestionnaire à
La mise en œuvre de ces innovations gestion- l’innovation organisationnelle est beaucoup
naires donne ainsi autant de place aux proces- plus rare au niveau des processus de prise en
sus d’utilisation et à l’articulation de différents charge des patients par les médecins et les soi-
niveaux d’approche de l’analyse médico-éco- gnants.
nomique, qu’à la conception « technique »
Quelques expérimentations localisées concer-
elle-même.
nent notamment des évolutions des modes de
Par exemple, certains établissements renon- prise en charge : par exemple, une nouvelle
cent aujourd’hui à une diffusion large des répartition des lits entre hospitalisation com-
CREA ou des TCCM dans les pôles et ser- plète, hospitalisation de semaine ou hospitali-
vices, considérant que l’usage de ces outils est sation de jour (notamment en chirurgie).
trop complexe, et peut de plus, alimenter dans Cependant, cette reconfiguration de la capacité
certains cas des phénomènes indésirables de en lits, permettant d’améliorer l’attractivité de
concurrence entre pôles ou entre médecins. l’offre sur un certain nombre de pathologies, et
Pour autant, ces outils conservent leur utilité d’optimiser le case-mix en termes de recettes,
pour les gestionnaires centraux ou pour le ne s’accompagne pas nécessairement d’une
DIM, lesquels doivent par contre imaginer réorganisation profonde de l’organisation du
d’autres modalités de dialogue gestionnaire travail. Elle ne semble pas, en outre, être liée
sous des formes innovantes (cellule d’analyse directement à la T2A, dont le rôle incitatif sur
médico-économique, processus d’élaboration ce type d’activité a besoin d’être clarifié.
de l’EPRD).
On note également, parfois, des démarches
Des impacts organisationnels différenciés intéressantes pour mieux organiser les proces-
Si l’on centre maintenant l’attention sur les sus de sorties, en jouant sur l’anticipation et
évolutions en matière de réorganisation des aussi sur une meilleure gestion des relations
activités ou des services, le constat est plus avec les structures d’aval.
modeste, en particulier en ce qui concerne les Ces innovations dépendent souvent du volon-
organisations des services de soins. tarisme de quelques acteurs clefs en position
Les innovations gestionnaires évoquées plus d’impulser des démarches : selon les cas, ce
haut portent aussi sur les activités qui consti- peut être le contrôleur de gestion, le DIM, le
tuent la chaîne de traitement administratif du président de la CME, un responsable de pôle
patient. Sur ce plan, contrairement aux outils particulièrement investi dans la conduite d’un
orientés vers les services, le constat est partagé projet de changement, … Des événements
entre les établissements publics et privés. Les ponctuels tels qu’une reconstruction de lo-
deux catégories se trouvent en effet face à des caux, un investissement dans un équipement
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santé n° 16 - 2010 n LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

lourd au plateau technique, ou bien encore une professionnelles différentes, sur des trajec-
évolution importante de l’activité (par toires de patients d’une grande variabilité et
exemple la fermeture d’une activité privée sur également incertaines, malgré les efforts de
le territoire) peuvent également constituer des protocolisation. Cette coordination est donc
opportunités de remise en cause d’organisa- techniquement complexe, et nécessite toujours
tions existantes. des compromis rendus délicats par les deux
facteurs précédents (conflits de logiques,
Cependant, n’apparaît pas une tendance forte
enjeux de pouvoir, zones de flou sur le pouvoir
de réorganisation des processus de travail dans
d’arbitrage, …).
les services et les pôles, qui soit directement
liée à la T2A. De plus, les dynamiques de À cette complexité consubstantielle à tout sys-
changement observées se révèlent souvent tème de soin vient s’ajouter une complexité
assez longues à mettre en œuvre (en s’étalant directement issue des mécanismes de la T2A.
parfois sur plusieurs années) et assez labo- Si le principe fondateur de la T2A est simple
rieuses, en termes de mise au point des nou- dans son énoncé, et aisément compris de la plu-
velles modalités d’organisation, des outils de part des acteurs concernés dans les établisse-
gestion associés, d’implication progressive des ments, force est de constater que les choses
acteurs, de temps d’apprentissage, … Les deviennent rapidement beaucoup plus com-
améliorations de performance sont de ce fait plexes lorsque l’on entre dans les rouages du dis-
lentes à se manifester, et peu visibles à court positif et des outils de gestion qui en sont issus.
terme. De nombreuses études et observations
soulignent les gains potentiels importants liés Tout d’abord, les caractéristiques techniques
à ce thème de l’organisation du travail, mais la de la T2A ne favorisent pas une lecture aisée
réalité du terrain montre que ces gains sont dif- de l’activité et de ses évolutions, du fait, entre
ficiles à concrétiser. autres : du grand nombre de GHS (démultiplié
aujourd’hui avec la V11) ; de l’existence de
Trois facteurs de difficultés plusieurs sources complémentaires de recettes
Les caractéristiques générales de l’activité (MIGAC, ATU, …), du manque de points de
hospitalière, et en partie les mécanismes repères sur la hiérarchie relative des tarifs au
propres à la T2A et à sa démarche d’implanta- sein d’une même spécialité ; des notions de
tion au cours des années récentes, peuvent bornes haute et basse des durées de séjour
expliquer ces difficultés. comme facteur correctif, …
Indépendamment de la T2A, la conduite du En outre, au-delà de cette représentation com-
changement organisationnel dans un établisse- plexe de l’activité médicale, les outils mis au
ment de soins se révèle hautement complexe, point dans le but d’aider les acteurs de terrain à
pour un ensemble de raisons conjuguées. développer des analyses médico-économiques
de leur activité, se révèlent également diffi-
Tout d’abord, si l’on reprend la typologie des
ciles à maîtriser sans un socle de connais-
organisations proposée par Mintzberg7, l’hôpi-
sances gestionnaires qui est loin d’être partagé
tal constitue un prototype d’une organisation
par tous. Par exemple, les CREA (comptes de
professionnelle très qualifiée, dans laquelle les
résultat analytique) renvoient à des notions de
mécanismes de régulation s’opèrent davantage
comptabilité précises (unités fonctionnelles,
par la standardisation des qualifications, plutôt
unités d’œuvre, affectation des charges
que par une standardisation des processus.
directes et indirectes, clés de répartition) tan-
Ensuite, l’hôpital est un lieu où coexistent diffé- dis que les TCCM (tableaux coûts case-mix)
rentes logiques d’acteurs (médecins, soignants, correspondent à une démarche intellectuelle
gestionnaires, …), dont le décloisonnement est particulière (se comparer à un service fictif
toujours difficile. dont la structure d’activité serait analogue).
Enfin, d’un strict point de vue organisationnel, Aussi, malgré les efforts de pédagogie et de
la qualité et l’efficacité des processus de prise conviction souvent déployés par les DIM ou
7. « Le management – voyage au en charge des patients nécessitent la coordina- les contrôleurs de gestion, l’appropriation
centre des organisations»», H.
MINTZBERG, Éditions
tion, dans le temps et dans l’espace, d’une plu- généralisée de ces outils reste un objectif mal-
d’organisation. ralité d’intervenants de nombreuses catégories aisé à concrétiser au-delà d’un noyau relative-
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LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
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n n° 16 - 2010 21

ment restreint de médecins et de cadres qui, du obtenus par des actions volontaristes soient
fait de formations antérieures ou de leur moti- « récupérés » au profit des seuls enjeux finan-
vation pour découvrir ces nouvelles appro- ciers d’équilibre général du système de santé
ches, deviennent des utilisateurs avertis (voire (notamment sous forme de baisse de tarifs), et
dans certains cas des experts) de ces différents ne puissent donc être orientés au bénéfice des
outils. acteurs du terrain. Le même mécanisme s’ob-
La plupart des autres acteurs, même de bonne serve d’ailleurs dans le cadre des démarches
volonté, se sentent démunis face à l’utilisation de contractualisation, lorsque la situation défi-
de ces outils et surtout, comment faire des citaire de l’établissement empêche un pôle
liens avec des pistes concrètes sur le pilotage actif de bénéficier des résultats de son investis-
des pôles ou services, sur l’amélioration de sement sur des actions d’amélioration. La
leurs modes de fonctionnement ou de leurs question de la reconnaissance des efforts réali-
méthodes de travail. Les effets potentiels de ce sés localement se pose donc de façon sensible.
type d’actions en termes de recettes ou de ren- Enfin, même si ce phénomène ne s’est rencon-
tabilité au sens des CREA sont très difficiles à tré qu’à la fin de cette étude, l’arrivée de la
modéliser et donc à anticiper, du fait de l’opa- V11 ne paraît pas faciliter actuellement le
cité des mécanismes d’articulation entre l’acti- développement des projets de fond sur l’orga-
vité médicale et les indicateurs de nisation des processus de soins. En effet, cette
performance. nouvelle version a introduit des changements
Pour nombre de médecins, l’association des importants dans les règles de classement des
deux termes « médico » et « économique » séjours, notamment avec l’introduction des
reste donc largement de l’ordre du théorique ou quatre niveaux de sévérité et avec l’adaptation
de l’incantation. S’ils voient bien comment les de l’algorithme de définition du GHS. De ce
préoccupations économiques sont à l’origine de fait, selon les établissements, cette évolution a
ces changements, ils ont beaucoup plus de mal à remis à l’ordre du jour une problématique
percevoir le lien avec leur activité médicale et à d’optimisation et de fiabilité du codage (amé-
discerner leur « intérêt à agir ». lioration des comptes rendus d’hospitalisation)
qui était considérée comme maîtrisée dans
Cette complexité s’est trouvée de plus exacer-
l’ensemble. Elle recentre à nouveau le dia-
bée, au cours des années récentes, par l’insta-
logue entre gestionnaires et médecins sur les
bilité permanente des règles de la T2A :
versions successives de la classification des seuls enjeux financiers, au détriment probable-
GHM, changement des tarifs, circulaire dite ment des efforts sur l’organisation. Pour
des « actes frontières », traitement de certains autant, malgré les craintes initiales issues des
forfaits, etc. premières simulations, il ne semble pas, sauf
exception, que la V11 modifie radicalement
Le premier effet de cette instabilité est de l’équation financière des établissements.
rendre encore plus difficile la définition de
stratégies d’action pertinentes et efficaces. En
supposant qu’un établissement ait pu, à un ins-
Les difficultés d’une
tant donné, définir une stratégie d’évolution de
son activité et mettre en chantier les change- adaptation « rationnelle »
ments d’organisation adaptés à cet objectif, il des acteurs du soin à la T2A
ne lui est nullement garanti que cette stratégie
reste efficace dans la durée, si des modifica-
tions substantielles de tarifs ou de règles d’af- Les considérations précédentes conduisent
fectation des séjours aux GHS surviennent. finalement à questionner l’hypothèse fonda-
trice de cette étude, à savoir la possibilité
En d’autres termes, cette instabilité des règles
d’une adaptation « rationnelle » des acteurs
conforte les tendances déjà présentes à la pru-
(même s’il s’agit d’une rationalité limitée, au
dence et à un certain attentisme, en instillant
sens de Herbert Simon).
des doutes sur la possibilité d’être « gagnant »
avec la T2A. La crainte souvent exprimée est Cette hypothèse revient à considérer que les
que, d’une façon ou d’une autre, les gains modifications structurelles du système de
solidarité
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santé n° 16 - 2010 n LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

règles de financement doivent inciter les avoir une appétence pour la définition de stra-
acteurs à rechercher une optimisation ration- tégies et l’analyse des recettes et des dépenses
nelle de leurs organisations et modes de fonc- … Or, il est raisonnable de penser que les
tionnement, afin de tirer le meilleur parti du réelles marges de manœuvre ainsi que la légi-
nouveau cadre qui leur est imposé. timité du pôle se situent au niveau de l’amélio-
Ce raisonnement s’est révélé adéquat à la ration de ses opérations. »
sphère des dispositifs gestionnaires, soit direc-
tement liés à la chaîne de facturation (qui
conditionne immédiatement les flux de Des effets positifs notables
recettes), soit destinés à construire de nou- sur les coopérations entre
velles représentations des activités des ser- acteurs
vices et de leur efficience. Par contre, lorsque
l’on se porte du côté de l’organisation des acti-
vités de production des soins (la prise en Cette modestie des effets observables de la
charge des patients et l’organisation de leurs T2A sur l’évolution d’une partie importante (et
séjours), le constat est plutôt celui d’une inca- même essentielle) de l’organisation, doit être
pacité des acteurs à définir des stratégies de contrebalancée par des effets plus significatifs
changement. En particulier, les nouveaux sur la nature des coopérations entre les diffé-
outils de gestion des pôles et services rents acteurs.
« embrayent » difficilement sur les organisa-
tions, dans le sens où ils sont rarement des fac- Tout d’abord, il semble que la T2A ait ancré
teurs déclenchant de projets de changement. dans la majorité des esprits l’idée qu’une
approche médico-économique de l’activité
La T2A a en quelque sorte enfermé les acteurs médicale devenait incontournable.
dans un paradoxe dont il leur est difficile de
sortir pour plusieurs raisons. Elle apparaît Le lien établi par la T2A entre les paramètres
comme un mécanisme simple dans son prin- financiers de l’établissement et une représen-
cipe, aisé à comprendre, qui tend de ce fait à tation formalisée de l’activité médicale, via les
focaliser l’attention sur l’optimisation des GHS, contribue à ce résultat. De ce point de
recettes, dans des contextes souvent tendus sur vue, le processus de codage en lui-même, lors-
le plan financier. Toutefois, lorsqu’il s’agit de qu’il a été décentralisé, a constitué un vecteur
concrétiser cette orientation, les acteurs se de changement, malgré les fréquentes difficul-
trouvent face à une difficulté importante de tés rencontrées pour aboutir à une bonne fiabi-
construire un lien « contrôlable » entre leur lité.
organisation et l’efficacité économique, et la La diffusion d’outils tels que les tableaux de
recherche des leviers d’action opérationnels bord de services et de pôles a également parti-
est extrêmement complexe. cipé de cette évolution (par exemple avec des
Faut-il, finalement, relier directement, au informations systématiques sur les GHS les
niveau du terrain, la recherche d’une améliora- plus présents dans l’activité, ou sur le poids
tion des organisations à la mesure d’une effi- moyen du cas traité). Certes, ces informations
cacité économique et financière dans le champ sont la plupart du temps déjà produites et
défini par la T2A et ses outils associés ? Sur ce accessibles dans le cadre du PMSI, mais leur
plan, nos conclusions rejoignent celles de structuration plus systématique et leur utilisa-
l’étude pilotée par la MEAH sur les pôles8, qui tion plus fréquente à l’occasion de temps de
met l’accent sur l’importance de travailler en travail en commun entre les gestionnaires et
priorité sur ce qu’elle appelle la « gestion des les médecins et cadres de santé, leur ont
opérations » (gestion des lits, processus d’en- conféré un poids et une légitimité plus forts.
trées-sorties, programmation d’activités, …). Notamment, leur association avec des infor-
Citons un extrait de ce rapport : « Le parti-pris mations d’ordre économique (à un niveau de
de ce chantier était que cette dernière dimen- base, par la connaissance des recettes corres-
8. « Pilotage opérationnel des pôles : sion, la gestion des opérations, était moins pondantes à l’activité, et à un niveau plus
l’étape d’après », MEAH, rapport de explorée et pas toujours maîtrisée par les res- détaillé par des informations sur l’efficience,
phase 1, janvier 2008 et rapport
final, janvier 2009. ponsables des pôles, qui semblaient plutôt par les CREA ou TCCM) a probablement
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LES IMPACTS DE LA T2A SUR LES MODES D’ORGANISATION ET DE FONCTIONNEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
santé
n n° 16 - 2010 23

réduit les décalages d’approche entre les vent produire, à un horizon pas trop lointain,
acteurs. suffisamment de fruits pour atteindre une sorte
de « masse critique » qui engendrerait une
De nombreux témoignages concordent pour
accélération de la dynamique de transforma-
affirmer une évolution positive dans les modes
tion des organisations.
de coopération entre acteurs gestionnaires et
acteurs du soin. Une seconde hypothèse, pessimiste, serait que
la difficulté à surmonter la complexité et à
Dans le secteur public, la conjonction de la nou-
obtenir des résultats visibles mobilisateurs,
velle gouvernance et de la T2A se manifeste
associée au maintien d’une instabilité des
concrètement par la mise en œuvre fréquente
règles, ne décourage les acteurs pionniers.
des « trios de pôle » où la dimension gestion-
Seules subsisteraient alors les innovations
naire est associée au management du pôle (par
d’ordre gestionnaire.
la présence d’un directeur délégué, ou d’un
apport d’expertise par le contrôle de gestion). Les principaux facteurs qui seraient de nature
à soutenir la concrétisation de la première
Ce décloisonnement s’observe également dans
hypothèse sont les suivants :
la façon dont les DAF et les DIM organisent
leurs relations, le DIM pouvant jouer un rôle • progresser dans une stabilisation des règles
important de passerelle avec le corps médical pour créer un environnement plus sécurisant
selon la façon dont il est positionné dans l’or- et plus favorable à l’anticipation pour les
ganisation et selon son parcours antérieur. Des acteurs des établissements. Il semble que le
cellules d’analyse médico-économique ou de régulateur s’en préoccupe actuellement, une
groupes transversaux « ad hoc » existent éga- réflexion étant engagée avec les fédérations
lement afin d’organiser le croisement des ana- sur une planification, liée au calendrier légis-
lyses. latif, des processus d’évolution du dispositif.
• renforcer dans les établissements les compé-
tences organisationnelles orientées sur les
Quelles perspectives ? activités médicales. Il est incontestable que la
T2A constitue un incitatif opérant pour ins-
crire de façon durable le « souci de gestion »
Le paysage qui se dessine à l’issue de cette dans le fonctionnement hospitalier et pour
étude offre un mélange contrasté entre le progressivement instaurer de nouvelles
constat d’une grande énergie déployée par les formes de communication entre les acteurs.
acteurs pour concevoir et implanter de nou- Par contre, cette étude a montré combien le
veaux outils de gestion et de nouvelles modali- passage à l’action sur les organisations de
tés de travail coopératif, et le sentiment d’être production des soins restait difficile, dans la
face à de puissantes « forces de rappel » qui mesure où les seuls dispositifs gestionnaires,
freinent considérablement leur capacité à aller même qualifiés de médico-économiques, ne
au bout de la dynamique enclenchée, par une suffisent pas à guider de façon sûre les pro-
réelle transformation des organisations de pro- fessionnels de terrain pour concevoir d’autres
cessus de soins. modes d’organisation. En d’autres termes,
l’enjeu est de compléter la T2A sur la dimen-
En conséquence, plus que de grandes ten-
sion organisationnelle.
dances de changement, se dégagent des « effets
de capillarité », d’ampleur très variable selon • renforcer les démarches de valorisation et de
les lieux et les acteurs, très diffus dans les orga- diffusion des innovations organisationnelles
nisations, et marqués par des rythmes tempo- (qui émergent malgré les difficultés, mais
rels lents. restent très dépendantes de contextes locaux
favorables et du volontarisme de certains
Peut-on faire un pronostic sur les évolutions à
acteurs), dans l’esprit de ce qui a été fait par
venir ? Deux hypothèses s’offrent.
la MEAH et de ce qui est maintenant à la
Une première hypothèse, optimiste, consiste à charge de l’ANAP : expérimentations, sémi-
dire que les germes de changement, qui appa- naires, groupes de réflexion, évaluations de
raissent ici sous de nombreuses formes, peu- projets, outils méthodologiques, … g
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Liste des sigles utilisés


ANAP Agence Nationale d’Appui à la Performance GHM Groupe homogène de malades
des établissements de santé et médico-sociaux GHS Groupe Homogène de Séjours
ATIH Agence technique de l’information GIE Groupement d’intérêt économique
sur l’hospitalisation
HAD Hospitalisation à domicile
ATU Forfait « Accueil et traitement des urgences »
HPST Loi « Hôpitaux – Patients – Santé – Territoires »
CCAM Classification commune des actes médicaux
IDE Infirmière diplômée d’État
CH Centre hospitalier
IRM Imagerie à résonance magnétique
CHU Centre hospitalier universitaire
MCO Médecine Chirurgie Obstétrique
CLCC Centre de lutte contre le cancer
MEAH Mission d’expertise et d’audit hospitalier
CMD Catégorie majeure de diagnostic
MIGAC Missions d’intérêt général et d’aide
CME Commission médicale d’établissement à la contractualisation
CPAM Caisse primaire d’assurance maladie OQN Objectif quantifié national
CREA Compte de résultat analytique PMSI Programme de médicalisation
DMS Durée moyenne de séjour du système d’information
DREES Direction de la recherche, des études PSPH Établissement participant au service public
et de la statistique hospitalier
DAF Direction administrative et financière RH Ressources humaines
DG Dotation globale RSS Résumé de sortie standardisé
DIM Direction ou département de l’information médicale RUM Résumé d’unité médicale
DRH Direction des ressources humaines SAU Service d’accueil des urgences
EHESP École des hautes études en santé publique T2A Tarification à l’activité
ENCC Étude nationale de coût à méthodologie commune TCCM Tableau coût case-mix
EPRD Etat prévisionnel des recettes et des dépenses TIM Technicien de l’information médicale
GCS Groupement de coopération sanitaire V11 Version n° 11 de la classification des GHM

Pour en savoir plus

Moisdon J.-C., Nakhla M., 2010, Recherche opérationnelle, méthodes d’optimisation en gestion, Transvalor, Presse des mines,
juin.
Tercerie O., Vallet G., Zeggar H., 2010, Bilan de l'organisation en pôles d'activité et des délégations de gestion mises en place
dans les établissements de santé, Inspection générale des affaires sociales, Documentation Française, février.
Commission des affaires sociales, 2010, Conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de finance-
ment de la sécurité sociale sur L'évolution de l'activité des établissements de santé, Assemblée nationale, N° 2556, mai.
http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i2556.pdf
Gheorghiu M.D., Guillemot D., Moatty F. (Centre d’études de l’emploi), à paraître, Ressources humaines et tarification à l’acti-
vité (T2A) : entretiens avec des membres des directions des hôpitaux, DREES, Document de travail.

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