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MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE

ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE Union-Discipline-Travail

Institut International Polytechnique


Des Elites d’Abidjan

PSYCHOLOGIE DE
LA PUBLICITE
(LICENCE 2)

Chargé de Cours
Prof. Jan-Clodde Delaunay OULAI
INTRODUCTION
A partir du moment où nous allumons la télévision, la radio, allons au
cinéma, nous connectons sur le « Web », faisons nos courses dans un centre
commercial, ou encore lorsque nous nous promenons simplement dans la rue,
nous sommes envahis par une multitude d’images, de slogans, de musiques
et de publicités relatives à des marques commerciales. On peut alors
s’interroger : Est-ce que ces images, ces slogans, ces messages publicitaires
ont réellement un impact sur notre jugement et à fortiori sur notre
comportement d’achat ?
La publicité vise généralement une mémorisation non spontanée, mais
assistée. C’est-à-dire que le «souvenir inconscient» de la publicité est censé se
réactiver lors d’une situation d’achat, que ce soit dans un rayon de
supermarché ou encore sur une plate-forme de commerce en ligne (Bénilde,
2008).
Dans ce cours, nous allons proposer un aperçu des principaux procédés
psychologiques utilisés en publicité et en comportement du consommateur.
Nous allons montrer comment les marketeurs mobilisent la psychologie pour
affiner des stratégies dans le but d’influencer l’achat de produits.

I. L’ANGOISSE DES INDIVIDUS FACE A LA MORT


En marketing, rares sont les études qui ont abordé ce thème. L’idée de
la mort suscite, naturellement, de l’angoisse chez tous les individus, car «elle
est la conscience d’un néant inconcevable» (Sillamy, 2003). On peut
définir «l’angoisse face à la mort» (AFLM) comme « l’ensemble de réactions
affectives négatives, d’intensité variable, provoqué par des idées conscientes et
non conscientes relatives à la disparition de soi» (Urien, 2003). Les théoriciens
de l’AFLM, insistent particulièrement sur trois mécanismes symboliques qui
permettent de soulager cet état psychique :
La préservation physique de soi : elle se manifeste par un désir de se
préserver au maximum et de se préoccuper constamment de sa santé ;
L’extension de soi : il s’agit de prolonger son « soi » au-delà de la mort
physique ;

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L’augmentation de l’estime de soi : c’est-à-dire en adoptant des
comportements culturels valorisés.

La préservation physique de soi fait globalement référence à une


vigilance accrue à l’égard des aliments qu’on consomme, mais également à
l’utilisation de certains produits qui « prolongent » la vie. Parmi les entreprises
florissantes sur le marché, nous pouvons citer l’industrie pharmaceutique et
alimentaire. Au-delà des «produits anti-âge» du type DHEA, Mélatonine,
Hormones de croissance, etc. Certains aliments de consommation courante
peuvent influer avantageusement sur une ou plusieurs fonctions cibles de
l’organisme humain et font l’objet d’une attention particulière de la part des
marketeurs. En Marketing-Santé, ces aliments sont nommés «aliments
fonctionnels» (ou «nutraceutiques» ou encore «alicaments »). La plupart des
linéaires des grandes surfaces offrent de nos jours une large gamme de
produits de ce genre (i.e. anti-oxydants, oligo-éléments, aliments enrichis en
Oméga-3, au bifidus actif, etc.). La «préservation physique de soi», comme nous
le constatons, est un mécanisme amplement utilisé par les professionnels du
marketing. Le marché des «alicaments» en est l’exemple incontestable, en forte
expansion, l’offre de produits ne cesse de croître d’années en années.
L’extension de soi fait globalement référence à l’intérêt des individus à
prendre soin des générations futures. Cet intérêt pour ses descendants peut
être considéré comme une variable médiatrice et se présente comme une façon
de prolonger les limites de son existence au-delà de la mort. Outre les produits
qualifiés de «fin de vie» (i.e. testament, assurance décès, assurance-vie, achat
de cercueils, etc.), les professionnels commencent à offrir des produits et
services permettant de satisfaire une demande particulière liée au
prolongement de la vie. Par exemple, certaines sociétés américaines comme
«Card From Beyond» ou « Loving Pup Inc » donnent la possibilité à leurs clients
d’envoyer, après leur décès, des cartes à leurs proches, ou encore des courriers
électroniques (cf. Urien, 2003). Il n’est pas rare aujourd’hui de voir des
campagnes publicitaires se positionner sur un plan écologique dans le but de
se forger un «capital sympathie» auprès des « éco-consommateurs». Ces

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préoccupations environnementales prônées à longueur de journée dans les
médias d’informations sont relayées et récupérées par les publicitaires dans
une optique de vente. C’est le cas, aujourd’hui, de la plupart des annonceurs
dans le secteur automobile qui promeuvent prioritairement les
caractéristiques écologiques des voitures (par exemple, Renault a lancé une
signature écologique pour des véhicules écologiques et économiques sous le
nom de « Renault Eco2 ») ou le suggère tout simplement à l’aide d’un slogan
(par exemple, la marque Volvo avec le slogan «la nature est si belle» ou
Volkswagen avec «On rejette suffisamment de CO² comme ça ! »). Ces diverses
stratégies permettent de jouer sur la fibre écologique et de cibler une catégorie
spécifique de clients sur le marché.
Selon Solomon, Greenberg et Pyszczynski (1991), l’AFLM serait
également réductible par une augmentation de « l’estime de soi ». Tomer et
Grafton (2000), ont montré que la dévotion religieuse (la prière, la lecture de
texte religieux, suivre la messe, se confesser, aller à la mosquée, aller au
temple, etc.) constituait une source de compréhension du sens de la mort et
permettait ainsi d’atténuer l’AFLM.
Au-delà des croyances religieuses, l’accumulation de possessions
matérielles prestigieuses et/ou luxueuses (comme l’achat de voitures, bijoux,
biens immobiliers, etc.) permettrait également à l’individu de soulager cette
AFLM. Comme le souligne Mc Mahon (1995), « le modèle linéaire occidental est
orienté vers la réussite. Dans le cadre de ce modèle, la réussite se définit par
l’accumulation de biens matériels ou l’obtention d’un statut élevé ». Suivant ce
modèle, le fait d’acquérir ces produits ostentatoires de luxe, va donner à
l’individu l’impression d’atteindre non seulement un niveau de réussite, mais
aussi « une forme d’immortalité symbolique ». Ces divers achats seraient autant
de symboles tangibles de « statuts », permettant à l’individu de se valoriser et
ainsi d’augmenter l’estime qu’il a de lui-même, réduisant par là même son
AFLM (Urien, 2003). Par ailleurs, les marketeurs peuvent créer artificiellement
des situations d’angoisse dans le but d’accroître les ventes de produits (ou de
services) et favoriser les intentions d’achat (Mandel et Heine, 1999). Par
exemple, il est courant aujourd’hui de voir à la télévision durant (ou juste

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après) des films particulièrement morbides (ou violents), ou lors d’émissions
relatant des événements liés à la mort (i. e. catastrophes, attentats terroristes,
guerres, génocides, etc.), des annonces publicitaires pour des marques de luxe
(voitures prestigieuses, bijoux, etc.) ou encore pour des voyages, avec l’idée
sous-jacente de calme, d’évasion, de liberté, etc.
Outre la réussite sociale affichée par des symboles tangibles de statut,
« l’amélioration de l’estime de soi » peut être atteinte différemment. Par
exemple, certaines personnes adoptent des comportements qui leur
permettent d’augmenter l’estime d’eux-mêmes et ceci au « péril de leur propre
vie » (Urien, 2003). Ces comportements paradoxaux prennent le plus souvent
l’aspect des conduites dangereuses, de prises de risques inconsidérées
(courses de voitures illégales, drogues, placements boursiers risqués, etc.),
voire à participer à des activités sportives extrêmes (Saut en ski, saut en
parachutes, l’escalade, etc.), lesquelles permettent à ces individus d’atténuer
indirectement leur AFLM. L’activité sportive doit ainsi être perçue comme
périlleuse, effrayante et surtout risquée par les consommateurs. Souvent ce
type d’animation est accompagné de titres accrocheurs comme « le grand
frisson », « le grand saut », le « grand Raid », « le grand 8 », etc. Les parcs
d’attractions, pour ne citer que cet exemple, utilisent habilement ces procédés
en faisant l’éloge du danger et/ou de la témérité pour attirer les clients. Ainsi,
plus l’activité paraîtra dangereuse, paradoxalement, plus elle attirera les
amateurs en quête de sensations fortes (ces derniers souhaitant se dépasser
en cherchant à se valoriser soi-même et/ou par le regard des autres).
Cependant, à un degré moindre, la simple prise de décision d’achat peut
également être une source d’angoisse, plus précisément de « dissonance
cognitive » pour l’acheteur.

II. LA DISSONANCE COGNITIVE LIEE A UN ACHAT


C’est un concept proposé par Léon Festinger (1957) pour désigner le
malaise psychique dû au fait que l’on est partagé entre deux ou plusieurs idées
contradictoires. Cette dissonance peut se définir comme : « l’existence
simultanée d’éléments de connaissance qui d’une manière ou d’une autre ne

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s’accordent pas (dissonance), entraîne de la part de l’individu un effort pour les
faire d’une façon ou d’une autre mieux s’accorder (réduction de la dissonance) »
(Festinger et Aronson, 1965).
En règle générale, l’individu a besoin de cohérence logique et d’harmonie
affective, mais il arrive que cette harmonie soit perturbée par des événements
et des situations imprévus. Par exemple, un individu peut hésiter entre deux
produits/marques, finalement acheter l’un des produits/marques et regretter
ensuite cet achat (car il a des doutes, est-ce le meilleur dans la catégorie ?
L’autre est moins cher ? Me valorise-t-il auprès des experts gravitant dans
mon environnement proche ? Etc.) : Il est alors dans une situation dite de
« dissonance cognitive ». Ce dernier va donc tenter de réduire cette dissonance,
ce malaise psychique et cela en recherchant un avis positif qui va conforter sa
prise de décision (cf. Vaidis et Halimi-Falkowicz 2007). Ainsi, il va/peut :
1) soit justifier son comportement (ou sa croyance) en ajoutant des
éléments descriptifs (i. e. rationalisation cognitive) ;
2) soit il va dévaloriser l’attitude qu’il avait initialement à l’égard de ce
comportement (i.e. « trivialisation ») ; et enfin ;
3) il peut/va s’entourer de personnes qui adhèrent à son point de vue,
à son acte (i. e. recherche de support social).

Toutes nos décisions d’achat sont donc plus ou moins « dissonantes » et


nous nous accommodons de cet état psychologique, amplement aidé il est vrai
par les experts du marketing. L’ensemble des méthodes utilisées dans la vente
participe à des degrés divers à cette réduction de la « dissonance cognitive » :
un rabais, une remise, une promotion donne l’impression de faire une bonne
affaire ; un slogan du type « pourquoi se priver ? » ou « réalisez vos rêves dès
maintenant ! » sur une affiche aide à la « trivialisation » du comportement ; la
garantie « satisfait ou remboursé » ; la possibilité de mensualiser ses achats ou
de bénéficier de cadeaux à l’aide de cartes de fidélité donne une facilité et une
opportunité à l’acheteur, laquelle peut favoriser la « rationalisation cognitive ».
L’univers marketing et l’omniprésence de la publicité offrent aux
acheteurs, de multiples arguments pour réduire la « dissonance cognitive »

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éventuelle après achat. Lorsque celle-ci est suffisamment amoindrie, on peut
dire que l’effet psychologique a convenablement fonctionné.
Les publicitaires et les vendeurs ont donc pour objectif de rassurer les
consommateurs sur la pertinence de leurs choix. Jouer sur la suggestibilité
des consommateurs/acheteurs est un moyen supplémentaire de le faire.

III. LA SUGGESTION ET L’IDENTIFICATION DANS LA PUBLICITE


Il suffit qu’une célébrité/star recommande un (nouveau) produit pour que
les ventes augmentent sensiblement. L’une des raisons? Les consommateurs
subissent la suggestion du prestige de « l’ambassadeur de la marque ». Les
marketeurs le savent et utilisent ce mécanisme dans leurs publicités. En
1999, le couturier J. Paul Gauthier a récupéré l’image de « Che Guevara » pour
vendre des lunettes de soleil (cf. Benilde, 2008). Depuis 2010, la marque
Nespresso utilise l’image de l’acteur G. Clooney pour promouvoir son café. Ou
encore, la marque Caron avec le rugbyman S. Chabal en 2009. Tout le monde
est potentiellement suggestible, mais les enfants, les adolescents, voire les
individus naïfs le sont généralement plus que les autres. L’immaturité
affective, l’émotivité, ou encore la déficience intellectuelle favorisent la
suggestibilité. Par exemple, Engels et al (1999) ont montré que pour les jeunes,
le fait de voir des stars de cinéma consommer de l’alcool dans un film les
encourageait à boire.
Selon Daco (2008), la suggestion est un « fait accepté par autrui sans
raisonnement ni discussion. Ce fait est immédiatement considéré comme une
vérité. Le fait s’adresse à l’inconscient ». La suggestion est donc une idée
introduite dans le cerveau et acceptée par l’individu. Elle vise principalement
à (ré)créer une impulsion non consciente, d’où résultera une (ré)action.
Prenons l’exemple d’une personne qui après avoir visionné un épisode de la
série américaine « Dr. House M. D. » joue (momentanément) à être le héros de
la série : il devient Gregory House ; il parle comme lui ; marche comme lui ; il
se sent intelligent, génial, désinvolte, arrogant, cynique, etc. Cette personne
est suggestionnée et ce personnage fictif a réveillé en lui un sentiment
inconscient : « le sentiment de la force qu’il désire, en opposition de sa

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faiblesse ». Les «ambassadeurs de marque » sont habituellement des
personnages célèbres, car ils véhiculent une image singulière, une
individualité et des « valeurs ». Leur utilisation en publicité fournit ainsi un
cadre de référence et des points de comparaison à travers lesquels l’individu
évalue une attitude ou un comportement et prend une décision (Kamins,
1990).
En utilisant l’image de cet acteur, les publicitaires souhaitent
éventuellement activer ce processus d’identification à la personnalité. Car, ils
pensent et espèrent que les « caractéristiques » du personnage sont
transférables à la marque.
Mais en réalité, ce n’est pas la publicité qui a précisément suggestionné
l’individu, elle n’a fait qu’activer le mécanisme et l’autosuggestion de ce dernier
a fait le reste. La publicité a (éventuellement) généré un désir, lequel a produit
une action et donc en marketing, un comportement d’achat. Dans notre
exemple, lors de l’interprétation de la publicité, l’individu fait d’abord
intervenir la « projection ». Elle est en œuvre dès que l’on regarde une image et
fournit généralement l’effet conatif (c’est-à-dire l’intention comportementale).
L’individu fait ensuite intervenir «l’identification». Cela consiste à donner au
consommateur «l’impression de se reconnaître» dans des situations, des
personnages, voire des comportements (très) avantageux, pour qu’il ait envie
de s’identifier/ressembler à cette représentation imaginaire. Que fait
finalement la publicité ? Elle sonde, elle active, elle pousse l’idée inconsciente,
jusqu’à ce que le sujet passe à l’autosuggestion et donc à « l’identification ». Le
consommateur est «concentré» sur cette publicité, plus que les autres, car ce
personnage représente quelque chose de particulier/spécifique pour lui.
L’achat du produit n’est bien sûr pas automatique, mais sa probabilité d’achat
peut s’accroître, surtout si le consommateur n’a pas d’expérience négative
avec le produit promu. Toutefois, comme le rappelle Daco (2008), « la
suggestion normale a des effets temporaires, parce qu’elle dépend d’un état
temporairement déficient ». Cet « état déficient » est exactement ce que
recherchent et souhaitent activer les marketeurs, car ils savent que c’est une
situation qui ne s’installe pas dans la durée.

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Outre la suggestion provoquée par la seule publicité, les
consommateurs peuvent être encouragés à se comporter différemment en
fonction de l’environnement et de la situation d’achat. Par exemple, en
marketing, la foule a un effet psychologique sur les attitudes des individus.
Selon Freud (1921), « la foule ressemble à un état hypnotique par la nature des
instincts qui en assurent la cohésion et par la substitution de l’objet à l’idéal du
moi ; mais, dans la foule, s’ajoute à tous ces traits, l’identification de chaque
individu avec tous les autres, identification qui, primitivement, a peut-être été
rendue possible, grâce à la même attitude à l’égard de l’objet ». La foule permet
également à un individu de se rassurer, car en général, ce dernier a une
réflexion assez simple : « s’il y a du monde c’est que c’est intéressant et que
c’est bon ». Mais surtout, le fait d’être dans une foule peut nous amener à
adopter des comportements particuliers, car elle risque d’entraîner chez les
individus une perte de leur identité personnelle, de leur individualité, par un
affaiblissement de la conscience de «soi» : c’est ce qu’on nomme la
« désindividuation » (Festinger, Pepitone et Newcomb, 1952). Dans cette
situation, le consommateur est moins discipliné et contrôle moins ses actions.
Lesquelles sont fortement affectées par les sollicitations immanentes de la
situation et surtout de ce que font les autres autour de soi. Tout se passe un
peu comme si les gens « négligeaient » leurs propres valeurs et perdaient le
contrôle d’eux-mêmes (Prentice-Dunn et Rogers, 1989). Le fait de se sentir
anonyme est la condition qui favorise le plus cet état de « désindividuation ».
Cependant, comme le rappelle Dion (2000), la foule est « perçue comme un
élément indomptable et capricieux. En effet, la foule attire et repousse à la fois ».
Aussi, un espace commercial qui attire énormément de personnes est perçu
comme un lieu dynamique, à la mode, animé, vivant voire bon marché. Mais
la foule, peut aussi gêner, angoisser, stresser et même faire fuir, car en
fonction de l’affluence, l’effet psychologique positif peut s’inverser et engendrer
un effet similaire à la claustrophobie, défavorable à l’attractivité du point de
vente. Ainsi lorsqu’il y a beaucoup de monde dans un magasin, les
clients/acheteurs sont davantage stimulés que dans un magasin vide, « ils ont
l’impression de ne pas pouvoir se déplacer facilement et d’être confinés et

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entassés. Ils sont moins à l’aise et moins satisfaits ; leur insatisfaction est
d’autant plus forte que les clients poursuivent un objectif particulier, qu’ils sont
pressés et que leur achat est risqué. Aux heures de pointes, les clients sont
moins contents, plus pressés et plus énervés ; ils ont moins confiance en eux,
sont moins sûrs de leurs achats et évaluent négativement le magasin » (Dion,
2000).
Cependant, la foule n’a pas besoin d’être physiquement présente, elle
peut tout simplement exister dans l’esprit des individus, il suffit de créer une
sorte de « mimétisme collectif ». Pour relancer l’envie individuel, rien de mieux
que d’éveiller le désir mimétique. D’où ces innombrables slogans clamant que
tous les êtres normaux font comme cela, que tout le monde rêve de cette
consommation, que nous sommes dans l’ère de tel ou tel produit (i.e. iPhone,
iPad, Playstation, etc), qu’il faut donc mimer telle ou telle tendance (regarder
telle série TV, s’inscrire sur tel site Internet comme « Facebook », « Twitter », «
Msn », etc). Bien souvent, chez l’individu, le «conformisme social» est le moyen
de conserver/préserver une sécurité : certaines personnes suivent la mode,
non par plaisir, mais uniquement pour ne pas se faire remarquer, pour se
« fondre dans la masse » voire pour s’intégrer dans un groupe. Le conformisme
aurait ainsi tendance à nous rendre aveugle. C’est ce qu’on appelle le
« mimétisme normatif » ou en marketing, « l’effet d’entraînement » (cf. Desmet et
Zollinger, 1997). Ce mimétisme a été démontré par Asch en 1951 dans une
expérience, qui prouve le pouvoir du conformisme sur les décisions d’un
individu au sein d’un groupe. En 1970, Costanzo, a prouvé que la pression de
conformité était maximale surtout chez les adolescents. Pas étonnant alors,
de voir que certaines modes éphémères concernent en général, une classe
d’âge plutôt jeune. Des études ultérieures (cf. Wilder, 1977), ont prouvé que
la pression de conformité a tendance à augmenter avec l’importance du
groupe.
Toujours sur le thème du conformisme, les hommes du marketing
savent également utiliser une « pression de conformité » existante dans la
société, pour la diriger efficacement vers l’achat d’un produit spécifique.

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IV. LE COMPLEXE DES HOMMES ET LE MARKETING SANTE
« Si je perdais du poids, je serais sûrement plus séduisant(e), je serais en
meilleure forme, j’aurais plus confiance en moi ! ». Beaucoup de femmes (et
d’hommes) se reconnaîtront dans ces propos et partagent cette obsession de
la minceur. Obsession favorisée et véhiculée par les médias (en faisant l’éloge
du corps mince, sportif, beau, parfait, etc.). Pour vendre un produit
« diététique », les mots les plus réducteurs de l’angoisse face au poids sont
généralement « minceur », « ligne » et surtout « santé ». Quand on regarde
attentivement les slogans publicitaires, on ne parle jamais
« d’amaigrissement », car la « maigreur » traduit une connotation pathologique,
on lui préfère les mots « amincissement » et « minceur », plus en accord avec les
attentes de la société (pour les produits minceurs, les publicitaires jouent sur
les tensions internes ou le mal-être du consommateur, avec des
argumentaires du type : « Je peux me faire plaisir tout en maigrissant » ; « Je
peux avoir des résultats rapides et sans efforts ». Les marketeurs ciblent le
complexe lié au physique des clients (i. e. le surpoids) lequel est généré par un
sentiment d’infériorité et donc de souffrance pour la personne complexée. Ce
sentiment d’infériorité est donc le critère sur lequel va se baser le message
publicitaire. Cette « souffrance » est liée aux émotions négatives ressenties par
la personne, mais aussi et surtout, par l’impact du complexe sur les relations
avec les autres. Le « sentiment d’infériorité » se pose généralement en
empêcheur de trouver sa place parmi les autres, en empêcheur « d’être aimé »
et créé ainsi un complexe par rapport aux autres personnes perçues alors
comme « normales ». Cette caractéristique déplaisante chez le sujet doit donc
être compensée ou tout simplement annihilée. L’activation d’un complexe
« correspond à un abaissement du niveau mental. La personnalité tombe d’un
état conscient actif dans un état passif ou elle est en proie à une possession »
(Pellemans, 1998). Le Marketing-Santé profite de cet état d’insuffisance et
accroche les clients souffrant de ce complexe en leur proposant un produit
conforme à leurs attentes et désirs. Mais pour accentuer la vente, l’accroche
doit être percutante et persuasive. Par exemple, la formulation qui fait grand

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bruit dans le milieu des « produits minceurs », car captive directement
l’attention est incontestablement : les brûleurs de graisse.

V. LE SEXE, LA PUBLICITE ET LES DESIRS INCONSCIENTS


Selon Freud, la sexualité influe sur l’ensemble de nos pensées et de nos
actions. Il existe plusieurs façons de l’évoquer en marketing et dans la
publicité, par exemple : 1) sous la forme d’un produit (barre chocolatée ou une
glace en cornet/symbole phallique) ; 2) sous la forme d’un packaging (par
exemple, bouteille d’eau avec bouchon gourde/sensation de la tétée) ; 3) par
le biais de personnages sexuellement attirants (ou simplement par des
attributs morphologiques humains). Certains slogans de marques peuvent
être plus ou moins associés à l’érotisme sans même que nous en ayons
conscience comme « brûler d’amour » de la marque Aubade, « rugir de plaisir »
de la marque Lion ; un « café nommé désir » de Carte Noire ou encore « De
l’amour à croquer » de la marque BN.
On peut dire que les publicitaires ont tendance à renforcer dans leurs
annonces cette relation entre «pulsion sexuelle» et «pulsion d’achat». Il n’est pas
rare de voir aujourd’hui sur certaines affiches publicitaires une femme « sexy »
posée à côté d’une belle automobile ; un homme « viril et costaud » promouvoir
un parfum, ou encore un animal associé à une marque de sport, etc.
Comme le soulignent Endres et Hug (2004), l’utilisation de « sex appeal
dans les images de publicité parait innocente. Or celles-ci sont souvent remplies
d’associations complexes liant la sexualité, les genres et les biens de
consommation ». Les marketeurs recherchent des voies singulières et originales
pour dissimuler les pulsions que les consommateurs pourront satisfaire et
cela d’autant plus volontier qu’elles seront déguisées (i. e. « principe de
complication »). L’utilisation du sexe dans la publicité est très répandue dans
la société, elle est utilisée surtout pour attirer et capter l’attention du
consommateur/acheteur. Les publicités sexuelles font bien évidement appel
aux pulsions et fantasmes sexuels et rentrent ainsi dans la catégorie des
publicités suggestives. La notion de « fantasme », de scénario imaginaire
d’accomplissement d’un désir inconscient est un terreau fertile pour les

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publicitaires. Endres et Hug (2004) avec la publicité de la marque Contrex
nous en donne un exemple. On peut y voir la silhouette transparente d’un
corps féminin de dos, des omoplates au haut du fessier. On retrouve sur ce
corps les « spirales » caractéristiques de la bouteille, laquelle est montrée sur
la droite. Deux images ont été mélangées, celle de la femme et celle de la
bouteille d’eau minérale. Les reflets et les couleurs font penser que le corps
est formé de plastique et d’eau. On ne distingue ainsi plus le corps de l’objet,
le corps est dénaturé afin de faire converger la silhouette avec l’effet
amincissant de la marque d’eau. Le publicitaire cherche donc « à montrer l’effet
du produit sur le corps plus que d’ajouter simplement de la nudité à l’image
pour attirer le regard » (Endres et Hug, 2004).
Ces allusions sexuelles ne doivent cependant pas offenser la moralité, car
elle deviendrait une violation du « principe de complication » (Pellemans, 1998).
Dans la pensée freudienne, l’être humain est une sorte de « pervers
polymorphe » et serait par essence voyeur et sadique. Il nous suffit de voir, le
nombre de « télé-réalités » créées depuis une dizaine d’années par les chaînes
de TV, les magazines dits « peoples » disponibles en kiosques ou encore la
multitude de livres autobiographiques de célébrités ou encore de stars
déchues. Ainsi, ces « peoples » qui aiment raconter leur vie, leurs problèmes
sentimentaux, leurs rapports amoureux et sexuels, leurs difficultés, leurs
histoires loufoques ; pratiquent l’introspection tout en permettant aux lecteurs
d’entrer au plus profond de leur intimité. Ils permettent à ces derniers de
« vivre » quelque part leurs expériences comme une sorte de thérapie collective
et d’assouvir leur penchant « voyeur ». Le sensationnel plaît, ce marché de
l’offre (i. e. exhibitionnisme) et de la demande (i. e. voyeurisme) est
particulièrement dynamique dans notre société. C’est un cercle vicieux, car si
l’exhibitionniste existe, c’est bien parce que des voyeurs regardent. Cependant,
on peut se demander, où commence l’exhibitionnisme ? À partir du moment
où j’achète une belle voiture, une belle montre, de belles chaussures, un beau
costume, une marque de luxe…n’ai-je pas envie que l’on me voit avec? C’est
bel et bien, pour « s’afficher » qu’on achète une marque prestigieuse ou à la
mode. Au final, nous sommes tous plus ou moins habitués à cet univers

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du« paraître », du « m’as-tu vu ? », car acheter une marque renommée, permet
de retirer du plaisir à travers le regard des autres.

VI. LE NARCISSISME ET LA PUBLICITE


S’acheter une marque de prestige, donc chère, peut être le symptôme
d’une névrose chez certains consommateurs. Cette action peut être anormale
parce que ces névrosés y recherchent une supériorité, c’est-à-dire une sécurité
contre leur infériorité intérieure. Ils ne conçoivent pas l’idée d’être l’égal de
quelqu’un. Par conséquent, si un névrosé se sent « inférieur », il fera tout pour
étonner, pour être admiré, il n’hésitera pas à acheter une marque ou un
service coûteux, car il a soif de prestige et de reconnaissance (Daco, 2008).
Certaines personnes choisissent d’acheter une « grosse » voiture, car elles ne
désirent pas être comme tout le monde et encore moins infériorisés. Par
conséquent, elles s’identifient à leur machine et « la puissance de leurs voitures
devient leur puissance à eux ». L’achat du produit coûteux et prestigieux va
donc leur permettre d’atteindre un état désiré.
Les publicitaires et les marketeurs jouent ainsi sur leur narcissisme, en
leur permettant de compenser leur infériorité par un sentiment de supériorité
offert par l’image prestigieuse et illustre de la marque. Grâce à cette image de
marque, l’individu aura l’impression d’augmenter sa « propre valeur ». Comme
le souligne Villeneuve-Anaudin (2005), dans « les publicités à dominante
narcissique, le consommateur est le centre de tout. Il se trouve généralement
seul et il lui est attribué une importance unique voire exclusive. Si autrui est
mentionné, c’est à titre accessoire pour accentuer la sphère où le narcissique
s’enferme pour mieux s’admirer ».

VII. ACHAT IMPULSIF ET ACHAT COMPULSIF


En psychologie, « l’impulsion » est une tendance à l’action irréfléchie et
mal contrôlée par la volonté. En marketing, on parle « d’achat impulsif »,
comme d’un achat non planifié par l’acheteur. L’achat est motivé par le désir
de répondre à l’impulsion d’achat. L’achat suit immédiatement l’impulsion et
le consommateur ne souhaite pas ou est incapable de mettre en œuvre une

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évaluation du bien-fondé de l’acte. Ce type d’acquisition est souvent
déclenché, par une publicité sur le lieu de vente ou le désir pressant de réaliser
de (très) bonnes affaires (par le biais d’annonces de promotions, de soldes,
d’arrivages limités, de rotations rapides des collections, etc.) ou encore grâce
à un packaging original et/ou rare. Les variables situationnelles comme la
pression du temps et de la foule peuvent réduire le « contrôle personnel » de
l’acheteur. Celui-ci dispose alors de moins de volonté pour résister à une
éventuelle impulsion d’achat. Le type d’achat impulsif le plus fréquemment
observé est l’achat de confiseries à la caisse d’une grande surface, ou encore
d’un dessert sous vitrine près de la caisse d’un fast-food, de boissons glacées
à l’entrée des stades, des distributeurs de cafés dans les métros, etc. La
dernière tentation à l’impulsivité est souvent la bonne.
En psychologie, « l’impulsion » se distingue de la « compulsion » en ce sens
que cette dernière s’impose au sujet après une lutte anxieuse, alors que la
première est immédiatement acceptée par l’individu. L’achat compulsif ou
encore appelée « fièvre acheteuse » est un comportement épisodique survenant
chez un individu qui ne peut se contrôler dans l’achat utile ou inutile d’objets,
le plus souvent en plusieurs exemplaires. Au niveau psychologique, la
surconsommation viendrait d’un déséquilibre entre le rationnel et l’émotif ;
l’achat est souvent sans grand lien avec le besoin réel ou l’utilité du produit
convoité. Un comportement que certains psychologues rapprochent à la
boulimie, où l’individu chercherait inconsciemment à combler un vide affectif.
Au niveau psychologique, la « tension qui sous-tend la compulsion entraîne une
perte du contrôle et les achats sont renouvelés pour tenter de maintenir un
niveau suffisant de soulagement » (Fernández et al, 2004). L’être compulsif
recherche ainsi une émotion positive pour « compenser » une émotion négative,
résultat d’une frustration qu’il ne sait pas canaliser. L’acheteur compulsif doit
se débattre face aux pressions de notre société de consommation : la publicité
est omniprésente et les possibilités d’achat et techniques de ventes de plus en
plus efficaces. Par exemple, les professionnels de la vente
favorisent/encouragent cet état compulsif, en facilitant l’usage du crédit (i. e.
crédit consommation, micro-crédits, paiement différé ou mensualisé, etc.) ;

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l’achat de produits en pack (i. e. quantité élevée) ; prix différenciés en fonction
du nombre d’articles achetés ; services de paiement par carte bancaire et
règlements en ligne sur Internet, ces derniers sont souvent efficaces car le
paiement est dématérialisé et donc moins culpabilisateur.
Nous allons maintenant présenter un autre concept de la psychologie
en vigueur dans nos habitudes d’achat : c’est le renforcement psychologique.
Ce procédé est très utilisé et explique, en partie, la fidélité du consommateur.

VIII. LE RENFORCEMENT PSYCHOLOGIQUE ET LE COMPORTEMENT DE


CONSOMMATION
Selon Sillamy (2003), c’est une « action produite par un agent renforçateur
tel que de la nourriture, ou une approbation et entraînant la consolidation d’un
certain comportement ». Le procédé du renforcement peut être rapproché à un
comportement simple, celui de « l’animal de cirque » à qui on donne une
gratification à chaque fois qu’il exécute convenablement ce que lui a appris
son maître. Un renforcement négatif augmente la probabilité d’écarter un
comportement alors qu’un renforcement positif accroît les chances de
réapparition du comportement provoqué par le stimulus (Pellemans, 1998).
Tout apprentissage a besoin d’être renforcé pour durer, le renforcement a lieu
lorsque le sujet reçoit donc une « récompense ». Dans le domaine marketing et
de la vente, l’utilisation des cartes de fidélité ou l’obtention de réductions après
plusieurs achats, sont des « renforçateurs » du comportement d’achat et sont
en réalité la « carotte » qui nous poussent à acheter. Le processus est le
suivant : plus on achète, plus on a de points de fidélité, plus notre
comportement est dirigé à faire et à refaire le même comportement d’achat,
dans le but d’obtenir une « récompense » (i. e. des cadeaux, réductions,
exemplaires gratuits, etc.). Un comportement d’achat « renforcé » pour un
distributeur est la garantie d’achats réguliers et fréquents, la fidélité pour le
point de vente est ici créée artificiellement.
Bien sûr, cette fidélité est également liée et favorisée par le prix du
produit. En marketing, nul besoin de développements pour constater que le
prix est généralement l’attribut décisif et privilégié dans le choix des

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consommateurs. Ce dernier comporte néanmoins, une dimension
psychologique aussi importante que la dimension économique.

IX. LE PRIX ET SES EFFETS PSYCHOLOGIQUES


Lorsqu’un individu envisage un achat, il se réfère à un prix qui est
stocké dans sa mémoire et dépend de ses achats antérieurs et de la
connaissance qu’il a du produit ou de la marque. Ce prix est appelé « prix
psychologique » : c’est le prix qui fixe le meilleur arbitrage « qualité-prix » dans
l’esprit. Le niveau du prix doit être perçu comme acceptable pour que l’achat
puisse être envisagé; ni trop élevé car le consommateur jugerait inadmissible
de payer aussi cher le produit ; ni trop faible, car il risquerait de contester la
qualité même du produit (i. e. effet de snobisme).
Toutefois, il est inutile de préciser que la plupart des consommateurs se
sentent rassurés par un prix élevé, ils partent du principe, souvent faux, que
tout ce qui est cher est automatiquement de bonne/meilleure qualité. Ainsi,
plus le prix est élevé, sans être excessif, plus le consommateur aura tendance
à acheter le produit, à condition que les autres individus sachent que le
produit est (très) cher (c’est ce que l’on nomme l’effet Veblen).
Mais l’étude du niveau des prix ne se restreint pas seulement à cet effet
d’arbitrage « qualité-prix ». D’autres effets psychologiques existent dans le
domaine des techniques de vente, comme le « prix rompu ». C’est un prix fixé
stratégiquement au-dessous d’une unité monétaire afin de créer un effet
psychologique favorable pour le produit (par exemple, 4900 frs au lieu de 5000
frs). L’intérêt du « prix rompu » est d’accentuer artificiellement le prix à la baisse
en renforçant l’attention du consommateur et en lui suggérant un
« prix promotionnel » (Vernette, 2008). Il est important de souligner qu’en
général les prix ronds (2000 frs, 5000 frs, ou 10000 frs) sont des seuils
psychologiques qu’apprécient fortement les consommateurs. Dès qu’un prix
franchit à la hausse un seuil, celui-ci est automatiquement perçu
négativement (par exemple 5500 frs) et fait chuter la demande, alors qu’un
franchissement à la baisse, même minime augmente l’attirance du produit
(par exemple 4900 frs).

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Un autre effet psychologique existe dans le domaine de la vente avec les
prix dits « barrés ». Ce procédé consiste à afficher une étiquette portant un prix
barré, correspondant au prix normal du produit (ou de la marque), à côté du
prix en promotion. Le distributeur/vendeur peut ainsi être tenté de proposer
un prix barré qui serait artificiellement gonflé pour accroître la perception de
la réduction consentie. Vernette (2008) souligne que cette astuce se révèle
payante dans certains pays, uniquement si le prix barré reste acceptable pour
le consommateur.
Pour clore ce bref aperçu relatif aux effets psychologiques du prix, nous
allons présenter une technique de vente à la mode ces dernières années. Cela
consiste à afficher le prix d’achat global d’un produit (ou d’un service) en
dépense quotidienne, c’est ce que l’on appelle « un effet de cadrage ». C’est-à-
dire que l’acheteur aura l’impression de faire une meilleure affaire si le prix
global est présenté sous la forme d’une dépense journalière, par exemple
acheter « un ordinateur portable pour 1€ par jour ». Cette technique est souvent
utilisée dans la téléphonie mobile, l’achat de produits informatiques,
l’abonnement à une salle de sport, à un cinéma ou encore à une vidéothèque.
Enfin, nous avons vu qu’un produit cher est souvent perçu comme un produit
de grande valeur. Toutefois, dans son comportement stéréotypé, instinctif, le
consommateur a tendance à suivre un autre processus cognitif qui est le
suivant: un produit rare = une perte potentielle = produit de grande valeur.

X. LA REACTANCE PSYCHOLOGIQUE
Selon Brehm (1966), c’est l’état psychologique (motivationnel) d’un
individu qui vient de voir sa liberté de choix restreinte. Dans cette théorie,
chaque fois que notre liberté se trouve limitée (ou menacée), nous y attachons
soudainement plus d’importance et estimons davantage les produits qui y sont
liés. C’est pour cela que lorsqu’un objet quelconque se raréfie (ou que quelque
chose nous empêche de l’acquérir), nous réagissons contre cette force opposée
en désirant (et en recherchant) davantage cet objet. Ce qui est rare a de la
valeur et influence non seulement l’intention d’achat mais également les
quantités d’achat (Lessne et Notarantonio, 1988). Pour Cialdini (1985), l’effet

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psychologique de la rareté suit un mécanisme où « les opportunités
apparaissent plus valables quand elles sont moins disponibles (et vice et
versa) ». En marketing, la « réactance psychologique » est adoptée sous la forme
du « marketing de la rareté ». Comme le souligne Desmet (2002), « imposer des
restrictions à la promotion constitue une information que l’individu va
éventuellement utiliser pour déterminer la valeur de l’offre promotionnelle ». En
réalité, cette restriction génère un « effet de manque » lequel est ressenti par le
consommateur et le pousse à réagir. Les techniques habituellement utilisées
par les professionnels sont :
1) « L’effet d’aubaine » : cela consiste à vendre en quantité limitée des
produits à des prix très attractifs. Dans cette situation, la « rareté » génère un
sentiment de « pression temporelle » où le consommateur doit se hâter
d’acheter afin de ne pas manquer l’opportunité rare. Ce sont les grandes
opérations promotionnelles lancées habituellement dans les grandes surfaces,
du type : « demain, il n’y en aura peut-être plus » ; « mois historique chez
Carrefour » ou « 1 produit 1 jour à moitié prix », « tout à 1 euro », etc.
2) La « rareté temporelle » : elle consiste à organiser volontairement la
pénurie de l’offre afin de « doper » les ventes. Les consommateurs veulent alors
être les premiers à posséder le produit rare. Un exemple connu est celui du
lancement de la Playstation 5 ou de l’Iphone 11. La restriction des quantités
est annoncée de façon évènementielle et cela, parfois des mois à l’avance. Le
jour du lancement en question, les files d’attentes formées avant même
l’ouverture des magasins transcrivent le phénomène.
3) Les « séries limitées » : qui comme son nom l’indique sont des produits
fabriqués en quantité restreinte. Cette limitation augmente ainsi
psychologiquement la valeur du produit pour l’acheteur. Il peut s’agir d’un
produit courant au prix habituel sur lequel on a modifié un élément du design
pour dynamiser l’offre ou pour créer un effet « collection » (par exemple la
bouteille d’Evian pour Noël ; la « Clio Campus » pour Renault ; la « 207 SW série
64 » de Peugeot, etc.). Une stratégie plus préférentielle consiste à fabriquer un
produit rare, plus cher et d’une meilleure qualité. Les consommateurs visés
ont ainsi l’impression d’échapper au marketing de masse (par exemple, pour

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signer son 125e anniversaire, la marque de montre Breitling a choisi d’éditer
une série limitée du modèle qui fut le premier chronographe-bracelet à voyager
dans l’espace. Seuls 1000 exemplaires de cette Breitling Cosmonaute ont été
fabriqués, tous dotés pour l’occasion d’une version inédite de l’intrigant
cadran à affichage 24 heures associé à la célèbre marque de voiture Bentley).
Dans ces trois approches, la rareté est orchestrée, mise en scène de
façon événementielle et agit comme un réducteur de la liberté de choix, que le
consommateur va tenter de remédier par tous les moyens à sa disposition. Les
vendeurs/professionnels l’incite à reconstituer cette « liberté perdue » en lui
donnant l’opportunité et l’exclusivité d’acheter le produit « rare ».

CONCLUSION
En conclusion, ce cours donne un aperçu de certains procédés
empruntés à la psychologie générale pour façonner des stratégies
publicitaires. Comme le disait Pierre Janet (1859-1947), « la psychologie, par
sa définition même, touche absolument à tout. Elle est universelle. Il y a des
faits psychologiques partout », la décision d’achat n’est par conséquent jamais
simple à décoder et peut concerner des facteurs psychologiques plus ou moins
profonds chez l’individu. Les quelques exemples développés ci-dessus ont
permis de constater l’importance de la psychologie dans l’univers marketing
et sa probable influence sur le comportement des consommateurs. Les
marketeurs se doivent donc de comprendre le comportement du
consommateur, de cerner les processus psychologiques en action chez ce
dernier dans une situation d’achat dans l’optique de s’adapter au mieux, car
l’acte d’achat effectif est à ce « prix » seul.

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