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Abstract
SUMMARY The first part of this study of a Senufo kinship system describes the descent system, the roules of incorporation and
residence, names and behaviour of three subgroups, fodombèlè, sénabèlè and fono : bèlè, who cohabit a restricted geographic
area (Ivory Coast Republic, sub-prefecture of Dikodougou). It reconstitutes for these groups, with a social system in the process
of changing, the " traditional " kinship system, as can be seen in aged generations from the rural milieu. It is done through
statistical and genealogical surveys, and interviews, but favours spontaneous expression, where there has not been a direct
intervention of that poser of questions the researcher often is. Hence the important place given to extracts of songs, biographies
and other recordings done as circumstances permitted. The section dealing with alliances, which will appear later, is
indissociable from it. Real social engineers, these Senufo sub-groups are equipped with a set of rules closely linked in an
integrated system allowing a village type society to produce and reproduce a social fabric of an exceptional cohesion. .
Kientz Albert. Approches de parentés sénufo, première partie.. In: Journal des africanistes, 1979, tome 49, fascicule 1. pp. 9-
70;
doi : https://doi.org/10.3406/jafr.1979.1974
https://www.persee.fr/doc/jafr_0399-0346_1979_num_49_1_1974
Que la vue de l'étranger est courte, c'est ce qu'un coup d'oeil rétrospectif
fait découvrir à chaque nouveau pas dans la recherche. Ces pages ne sont
cependant que partiellement l'œuvre d'un étranger. Elles ont pour coauteurs
Boundiali //Ferkéssédoug
Carte de situation
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baly, Fodonon de Dikodougou; Zoumana Tuo, Kiembara de Téguéré ; Zana Koné, Kiembara de
Kokaha ; Mlle Wana Yéo, Nafara de Lavononkaha. A l'exception de Ouagnimé Soro que nous
mentionnons en raison de l'importance de ses contributions orales, tous les autres nous ont fourni des contributions
écrites traitant de la parenté. D'autres membres de l'équipe, tel Soro Nièmindjomon, étudiant en
médecine travaillant sur la pharmacopée traditionnelle, se sont spécialisés en d'autres domaines.
12 ALBERT KIENTZ
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PLEUBO •siDNHOUAKAHA
SANOONOKAHA
ZONE D'ENQUETE #PEYELONKAHA
suspecte que les réponses obtenues sous le feu roulant de questions auquel la
boulimie du chercheur débutant ou pressé par le temps soumet ceux qu'une
connaissance de la langue du chercheur a promu " informateurs " et
auxquels il ne reste plus qu'à faire preuve du savoir qu'on leur prête. D'où la
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 13
place importante accordée aux extraits de chants, de biographies, de
délibérations de jugements et d'autres transcriptions d'enregistrements effectués au
gré des circonstances.
Les parentés décrites sont celles observables à l'intérieur d'une aire
géographique restreinte (cf. cartes) où cohabitent trois sous-groupes sénufo :
Fodonon, Kouflo et forgerons5. En raison des divergences observées avec
d'autres travaux de recherche, nous avons étendu notre enquête aux fractions
kiembara et nafara6.
U. Ces matriclans sont au nombre de cinq : so'ribèlè (les Soro), yfcbèlè (les Yéo), tubèlè (les Tuo), sílítf
bèlè (les Silué), sèkîJbèlè (les Sékongo). Les désignations de ces matriclans utilisés comme matronymes ont
des correspondants en dioula utilisés par les Sénufo islamisés et/ou acculturés : Soro = Coulibaly ; Yéo =
Ouattara ; Tuo = Diarassouba ou Touré ou Dagnogo ; Sékongo = Camara ou Sanogo ou Traoré ; Silué
= Koné. Le matronyme se dit félege gii, terme signifiant également : espèce, sorte, manière, variété.
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 15
rejeté par l'administration parce que n'étant pas celui du père, ressurgit sous
forme d'anthroponyme. On aura ainsi des individus porteurs de deux
matronymes, le matronyme véritable étant devenu anthroponyme12. D'après les
explications fournies, cette pratique aurait pour but de rappeler à l'enfant
que, même s'il porte aujourd'hui le nom de son père, il appartient à la lignée
de sa mère.
La transmission des charges s'effectue en ligne utérine soit d'aîné en
cadet, soit d'oncle en neveu utérin. Le critère de l'âge associé à celui de la
capacité physique et intellectuelle est déterminant. Ceci vaut pour les
fonctions de maître de terre13, chef de village14, maître d'enclos initiatique15 et
chef de quartier16. Même dans les villages où le pouvoir passe à la mort du
chef d'un matriclan à l'autre, la transmission, bien que décalée dans le
temps, s'effectue selon le même mode17.
Le problème de la transmission des biens ne se pose avec acuité que dans
la mesure où s'est opéré le passage à une économie de marché. La terre,
aujourd'hui encore, est propriété de la communauté villageoise. Le maître de
terre dont les fonctions sont essentiellement religieuses, n'en est que le
gestionnaire et le garant de son intégralité. Elle ne donne lieu qu'à un droit
d'usage. L'habitat traditionnel est détruit rituellement à la mort de
l'occupant19. Le capital dont le défunt a pu avoir la gestion — cauris, argent, têtes
de bétail, pagnes et stocks alimentaires — a été constitué en bonne part en
vue des funérailles au cours desquelles il est consommé en partie ou totalité.
12. C'est le cas, par exemple, de Silué Soro, fils de Wadiminlo Soro et de Nahalèmin Silué résidants à
Toufoundé.
13. ta'ráTolo':nom composé de tara (terre) et folo (possessif).
14. kàfolo: nominal composé de kà (village) et folo (possessif)
15. sizabegaTolo' : nominal composé de sïzaga" (enclos initiatique) et folo (possessif).
16. kàcdldfa'ld : nominal composé de kàco'lo (unité de résidence aux contours variables : cour ou
quartier selon les cas) et folo' (possessif).
17. C'était le cas à Kaprémé où la chefferie était détenue alternativement par les Tuo et le$ Soro.
Cette alternance du pouvoir s'explique par les circonstances particulières de la fondation de Kaprémé.
Séda, un chasseur du matriclan Tuo, s'était aménagé un abri de chasse à l'emplacement de l'actuel
village. Séduit par le site, il décida de s'y installer. La région était giboyeuse et présentait l'avantage
déterminant à ses yeux de ne point comporter de bas-fonds. Séda était exaspéré de voir ses femmes négliger
l'exploitation familiale pour se consacrer de plus en plus à leurs rizières. Le riz de bas-fond est une culture
féminine dont les revenus alimentent le budget individuel des femmes. Les plaines rizicoles étaient
abondantes dans la région de Kadioha ou Séda vivait avec sa famille. Plus tard, son père, Namègnini, du
matriclan Soro, le rejoignit. Son fils lui céda la direction du nouveau campement. A sa mort, il n'y avait
personne d'autre que son fils Séda, du matriclan Tuo, pour lui succéder. Puis c'est un fils de Séda, issu
d'une femme Soro, qui prit la succession. Le pouvoir devait ainsi passer des Soro aux Tuo, et des Tuo aux
Soro, jusqu'à l'accession à la chefferie d'un dénommé Kounou qui devait confisquer définitivement le
pouvoir au bénéfice du matriclan Soro. Le village en est resté profondément divisé.
18. L'acquisition de biens modernes, à valeur marchande élevée, faisant de plus en plus l'objet d'une
appropriation individuelle, pose en termes nouveaux le problème de l'héritage. L'appropriation
individuelle de ces biens est étroitement liée au degré d'acculturation. Des enquêtes que nous avons menées, en
1976, pour l'élaboration du Plan d'Urbanisme Directeur de Korhogo, ont fait apparaître qu'en milieu
sénufo urbanisé la transmission s'effectuait généralement de père en fils.
19. La dévastation rituelle de l'habitat du défunt est accomplie, au cours des funérailles, par le masque
gbo des Fodonon et le masque ко'гоЬПаз que forgerons et Kouflo ont emprunté aux Diéli, artisans du cuir
castes.
16 Al.BLRT K.IKNTZ
II n'est pas exceptionnel que la famille en sorte endettée. Le capital non
détruit, en particulier le stock de pagnes à usage funéraire, reste propriété
collective gérée par le chef de lignage20. Xe subsistent que les menus bien
personnels : pipe, tabatière, outillage, etc. Lorsque s'accomplissent les
derniers rites funéraires, ces biens sont entassés dans la cour du défunt21. Un
choix presque libre et désordonné s'en suit. Les neveux22 sont toutefois
prioritaires. Quelques ignames remises à l'aîné constituent parfois le seul lot qui
échoit aux fils et filles. Sœurs utérines et filles, mais aussi les femmes d'autres
lignages appartenant à la même unité de consommation, se partagent le bien
d'une défunte. Généralement c'est une femme âgée d'un autre lignage que la
morte et appartenant à une autre unité de résidence qui préside au partage
des ustensiles de cuisine et des instruments de travail. Argent et cauris sont
remis au chef de lignage.
Si en raison de la résidence virilocale quasi-systématique pour les
femmes et patrilocale fréquente pour les hommes, l'individu vit le plus
souvent intégré à une unité de production, de consommation et de résidence à
caractère composite placée sous l'autorité d'un membre d'un autre lignage
— cette unité constituant le lieu des solidarités quotidiennes — , il n'en reste
pas moins que l'on appartient d'une manière prioritaire au lignage maternel.
Certaines pratiques rappellent occasionnellement cette appartenance. Ainsi,
lors du décès d'une femme, ses enfants retournent d'office chez leur oncle
utérin ou chez un autre membre du matrilignage. Une délégation du lignage du
père conduite par son oncle utérin ou par un de ses frères vient alors
demander l'autorisation de ramener les enfants chez leur père. De même en cas de
décès du mari. Le temps de réclusion passé, la veuve rassemble tous ses
enfants et rejoint avec eux ses maternels. Il appartient au lignage du mari
défunt de venir solliciter le retour des enfants et éventuellement de la veuve.
Nous reviendrons sur les problèmes posés par le fait que l'on vit le plus
souvent intégré à un groupe qui ne constitue pas le groupe d'appartenance
affirmé.
L'individu appartient à plusieurs ensembles (au sens mathématique)
fondés sur la parenté. Ceux-ci sont soit inclus les uns dans les autres, soit
disjoints. La démarche suivie a été de répertorier dans la langue lei termes
servant à désigner ces ensembles — on en compte une dizaine23 — , puis d'en
faire préciser les acceptions.
Ijes matriclans.
20. Ces pagnes sont rantjés dans un panier, çbôôlô lii. de forme circulaire ou ovale, muni d'un
couvercle, partois aussi dans unt1 caisse. C'est dans ce stock que puise le kojiaala'la pour la participation aux deuils
qui frappent les familles alliées ou associées.
21. (*e partage sVllectue api es que l'on ait iasé la tête aux enfants du défunt et presque simultanément
aux rites de purification du quartier, dits kùoù woo.
22. Il s'agit de ceux auxquels s'applique le terme na'rîb. Voir II. Appellations.
23. Voici les termes répertoriés tùlù^ô gii, nuîçi, пшцЬац!, kpaçi. kojiaótsi. nërîgolo'gi, nasémi, tôsémi.
:
APPROCHES I)K PARKXTES SKXl'FO 17
Termes classificatoires de parenté utilises entre individus
ayant un ou des ascendants de même matriclan (termes utilisés par- X pour désigner Y)
24. Ainsi on dira que les chiens de pelage noir sont de même tùlùgô.
18 ALBERT KIENTZ
matronymes sont également d'un usage courant pour désigner les cinq matri-
clans attestés dans la zone d'enquête26.
Le matriclan n'est plus aujourd'hui qu'un cadre de référence s'estom-
pant dans la conscience de ses membres. Il ne se manifeste jamais comme une
totalité en acte. Comment le ferait-il d'ailleurs ? Chacun de ces matriclans
comporte aujourd'hui plusieurs centaines de milliers de membres dispersés à
travers toute l'aire d'habitat sénufo à cheval sur la Côte d'Ivoire, la Haute-
Volta et le Mali. Leur présence est attestée dans la plupart des sous-groupes
donnant cet aspect de mosaïque ethnique à l'ensemble sénufo. Il n'existe pas
non plus d'organisation socio-politique pouvant prendre au niveau du
matriclan des décisions engageant l'ensemble de ses membres. Le matriclan ne
forme pas une unité exogame : des alliances peuvent être contractées entre
porteurs de même matronyme. On n'observe pas non plus d'interdits
alimentaires ou autres fonctionnant à l'échelon de tout un matriclan27.
Il ne nous paraît cependant pas gratuit de parler de matriclan. Bien que
sous forme atténuée, on observe la conscience indiscutable d'une certain lien
de parenté unissant tous les porteurs de même matronyme. Celle-ci se traduit
par des manifestations occasionnelles de solidarité et le recours à divers
termes de parenté pour désigner ceux dont un des ascendants au moins
appartient au même matriclan.
Voici comment peuvent se traduire concrètement ces solidarités28 : Au terme
d'un long voyage, un Silué arrive dans un village où il ne connaît personne.
Il se renseigne et se fait conduire chez les Silué afin de demeurer chez " ses
oncles "30, chez " les siens "31. Lorsque pour des raisons personnelles, il
préfère s'établir chez des Soro32 de même matriclan que son père, il ne
manquera cependant pas de se présenter aux Silué de ce village. En cas de décès,
c'est aux Silué et non aux Soro qu'incombera l'organisation de ses
funérailles. Les Soro ne constituent que " ses géniteurs "33 alors que les Silué sont
les "siens".
25. Le terme tùlùyi (pluriel de tùlùgô) sert à désigner les rangées de buttes courant
perpendiculairement à la pente et destinées à retenir les eaux de ruissellement. Elles alternent avec les rangées dites
sábaríyi, tracées dans le sens de la pente.
26. Cf. note 11. Des vieilles femmes, Kolo Soro de Poundia et Dohonion Silué de Toufoundé, toutes
deux membres influents de l'association des sadô?ôbèlè qui détiennent les meilleures connaissances des
structures lignagères, nous ont affirmé que le terme nerigi, aujourd'hui confondu avec nerîgbagi, désigne
dans son acception stricte l'ensemble formé par les porteurs de même matronyme : le terme nfrigi
dériverait du verbal nê?e (être nombreux).
27. Peut-être faut-il voir des vestiges de tels interdits, dits yafugo, dans la prohibition faite à bon
nombre de Silué d'abattre et de brûler l'arbre dit surùtngè (Daniella oliveri, Caesalpiniaceae), à des Soro de
consommer du guib harnaché dit kàfa, à des Yéo du patas dit kôtunSœ.
28. Les lignes qui suivent sont extraites de notes rédigées par Sassongo Silué.
29. silibèlè.
30. sysâéebèlè. Cf. IL Appellations.
31. sêbèlè : les gens.
32. so'ribèlè.
33. seéfobèlè : nominal composé de séê — (engendrer) + -fô- (possessif) + bèlè (marque du pluriel,
classe wii).
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 19
On trouvera dans le tableau page 17 le mode de fonctionnement du
recours aux termes classificatoires de parenté entre individus dont la mère
et/ou le père sont de même matriclan34. Il est intéressant de noter le recours
à la bilinéarité. Le fait d'être doublement rattaché par le père et la mère à
un même matriclan introduit une hiérarchie. Ainsi celui dont la mère et le
père sont des Soro — on dira de lui que c'est un " Soro pur "35 — sera
considéré comme un oncle utérin classifïcatoire par celui dont le père uniquement
appartient au même matriclan. Notons que l'usage de ces termes peut encore
être raffiné. S'il s'avère que la mère classifîcatoire est plus âgée que la
génitrice d'Ego, celle-ci peut être considérée comme " grand-mère "36. Si Ego
n'est rattaché au matriclan de référence que par sa mère, il peut utiliser
l'expression " mes oncles "30 pour désigner l'ensemble des personnes des deux
sexes appartenant bilinéairement au même matriclan que sa mère.
Les matriclans sont censés avoir leurs correspondants dans l'univers des
génies37. Dans le culte qu'on leur rend, on s'adresse à certains d'entre eux en
utilisant les mêmes matronymes que ceux que portent les humains.
Ces matriclans, au nombre de cinq38, entretiennent par paires des
relations privilégiées. Celles-ci sont à la fois de dépendance réciproque et "à
plaisanteries "39. Les matriclans entretenant des relations privilégiées sont les
suivants : Yéo et Tuo, Soro et Silué, Soro et Sékongo40. Chaque membre du
couple est en quelque sorte l'obligé de l'autre. Quand un conflit oppose deux
membres d'un même matriclan, on s'adresse à un membre du matriclan avec
lequel existent des liens privilégiés pour arbitrer le différend. Ainsi en cas de
querelle opposant deux Yéo, on aura recours à un Tuo. Son arbitrage sera
accepté sans discussion. Il suffirait qu'un enfant d'une dizaine d'années
intervienne en demandant de mettre fin à la dispute pour que les adversaires se
réconcilient. La seule appartenance au matriclan associé conférerait
l'autorité suffisante. C'est également au matriclan partenaire que l'on aura recours
si un conflit oppose vivants et morts d'un matrilignage. Pour apaiser la colère
vengeresse d'un ancêtre mécontent du comportement de ses descendants, on
chargera volontiers un membre du matriclan associé d'offrir en leur nom les
sacrifices réparateurs. En cas de conflit opposant deux membres de
matriclans différents, l'offenseur pourra lui aussi s'adresser au matriclan associé de
l'offensé pour qu'il présente en son nom des excuses. Il est dans ce cas assuré
du pardon.
34. Pour une meilleure compréhension des termes classificatoires de parenté auxquels peut être suffixe
le possessif -fob, on voudra bien se reporter à la partie II. Appellations.
35. Celui-ci est dit sdripdld.
36. Celle-ci est dite n6à ]££.
37. Ceux-ci sont dits màdèébèlè. La correspondance s'observe tout particulièrement pour les sèkabèlè.
38. On nous a fait état de subdivisions existant à l'intérieur d'un même matriclan. Ainsi les sdriji££bèlè
(Soro rouges). Nous n'avons pu élucider ce point.
39. L'expression bàru'ù kpu5 sert à caractériser ces relations. Cf. partie III. Attitudes.
40. Dans la proche région de Korhogo, les Sékongo entretiendraient des relations à plaisanteries avec
les quatre autres matriclans, et non uniquement avec les Soro.
20 • ALBERT KIENTZ
Les relations à plaisanteries entre matriclans associés se traduisent par
un échange amusé de quolibets qu'il est toujours possible d'engager sans tenir
compte de l'âge et du sexe du partenaire. Pas question de s'en offusquer.
Elles s'expriment tout particulièrement lors des funérailles. Les membres du
matriclan associé à celui du défunt se livrent à toutes sortes de facéties où
l'imagination et l'imprévu tiennent une part de choix. Voici, croquées sur le
vif, les facéties auxquelles se sont adonnés les Silué de Pleuro lors des
cérémonies funéraires d'un chef de quartier du matriclan Soro41 :
décennies, des institutions calquées sur elle, tel le sàdô?ô de nà?a, avec recours aux techniques
divinatoires, initiation et incorporation de ceux qui les pratiquent dans des associations de sadô?ôbèlè (devins),
mais qui nous paraissent remplir des fonctions autres, étroitement correlées aux changements sociaux, et
recourir à des grilles de décodage différentes. Nous disposons d'abondants matériaux non encore analysés,
comportant enregistrements sur bande magnétique, transcription intégrale et traduction de séances de
divination. Notre propos se limite ici à l'institution originelle que les membres de l'équipe désignent
volontiers sous le vocable " sadô?ô des ancêtres". Chaque lignage est placé sous le contrôle d'une
puissance censée émaner de l'objet la matérialisant (sadô?ô), à savoir une poterie qui contiendrait les clitoris
des femmes du lignage, recueillis lors de l'ablation rituelle dite ka"kpéré dîî, et qui est enfouie en un lieu,
volontiers tenu secret, dans la cour du chef de lignage ou en périphérie du village. Le champ d'action de
cette force se limite au matrilignage. Elle exercerait ses effets dévastateurs chaque fois qu'une femme ou
une fille du lignage aurait des rapports sexuels non soumis à son contrôle par le versement d'amendes
requises, même dans le cadre du mariage, aux débuts de la vie conjugale. Maladies et décès sont
volontiers décodés par les sadô?ôbèlè comme conséquences de relations sexuelles prohibées.
54. Ces amendes sont dites yàa'pe'rê ; l'offrande de ces amendes qui s'effectue au lieu où est matérialisée
cette force, est dite sadô?ôp£ri ; celle ou celui qui procède à l'offrande est dit sadô?ôpe'ù. L'étymologie de
ces mots est significative. Ils sont tous composés du verbal pe'e, signifiant balayer, yaape're (prestations
requises pour la neutralisation de la force, litt. : choses pour balayer, purifier) ; sádó?opčri (action de
balayer, de purifier le sadô?ô) sadô?ôpéù (purificateur, litt. : balayeur du sadô?ô). La nature et le
montant des amendes requises varient en fonction des lignages et du statut matrimonial et parental des
partenaires des relations sexuelles. Elles sont minimes (souvent quelques cauris) en début de vie conjugale,
beaucoup plus élevées en cas d'adultère. Ce peuvent être des cauris, noix de cola, mouton, chèvre, poulet,
chien, monnaie CFA, parfois aussi un balai. En cas de violation d'interdit particulièrement grave (le fait,
par exemple, d'avoir des relations sexuelles avec la sœur utérine de son épouse, cf. partie IV. Les
Alliances, Les règles), on renonce à l'offrande, car on la croit incapable de neutraliser les effets néfastes du
sadô?ô, ainsi gravement offensé. Il est strictement interdit à la femme contrevenante, ainsi qu'à ses soeurs
et frères utérins et classificatoires au sein du matrilignage, de consommer la chair des animaux sacrificiels
offerts au sadô?ô.
55. sadô?ôbèlè : membres de l'association à caractère initiatique regroupant celles et ceux pratiquant
ou destinés à pratiquer la divination, essentiellement des femmes.
56. Lorsque, en raison du rang d'âge, cette fonction échoit à une femme, elle déléguera en partie ou
totalité les charges qui en résultent au membre masculin le mieux situé dans la chaîne généalogique, à
condition d'avoir âge et qualités requis. Nos observations recoupent celles de Coulibaly, Sinali, 1978, Le
paysan sénoufo (Abidjan-Dakar, les Nouvelles Editions Africaines), p. 124.
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 23
nengba'folo. Ses fonctions sont multiples. Il préside aux sacrifices offerts au
nom du lignage57, gère le capital commun58, représente le lignage quand
siègent les instances villageoises, arbitre les différends au sein de la famille59,
joue un rôle de premier plan dans l'élaboration de la stratégie des alliances60.
S'il remplit des fonctions prééminentes, rien ne permet cependant d'affirmer
" que le chef de lignage désigne et accuse "61 ceux qui auraient rompu
l'équilibre du lignage par des rapports sexuels non soumis à son contrôle et que les
devins " en fin de compte ne font que confirmer par leur diagnostic la parole
du chef de lignage "62. On trouvera en note la description du processus
divinatoire utilisé et dans lequel n'apparait aucune connivence entre le chef de
lignage et le devin63, mais uniquement une stratégie habile pour provoquer
l'auto-accusation de l'éventuelle fautive64.
Le matrilignage constitue un lieu privilégié d'entraide et de solidarité.
Celle-ci s'exerce en direction de tous ses membres, y compris les éléments
isolés au sein d'autres lignages. La femme mariée peut toujours compter sur
Associations de lignages.
Groupes de consanguinité.
Le terme tosémi67 sert à désigner l'ensemble formé par fils et filles d'un,
même homme. Il englobe germains et agnats et regroupe de ce fait des
individus n'appartenant pas nécessairement au même lignage.
Son correspondant linguistique, nosémi68, désigne un sous-ensemble du
matrilignage. Son acception est quelque peu différente car il regroupe tous
devin quitte la petite case où se déroule la séance divinatoire. En son absence, le consultant dissimule deux
objets (souvent des cauris) sous la natte du devin. Il attribue une valeur de culpabilité à l'un et une valeur
d'innoncence à l'autre. A son retour, le devin désigne l'un des deux objets. En fonction de son choix, la
femme dont l'identité a été déterminée à l'aide des autres techniques, est déclarée innocente ou coupable.
Le recours à trois techniques divinatoires enchaînées limite sensiblement les probabilités de culpabilité de
l'individu désigné. S'agissant de techniques à réponses binaires présentant un caractère largement
aléatoire (exception faite de la technique de la divination manuelle où la part du hasard nous paraît moindre),
il est possible, après analyse des procédés, de faire une estimation des probabilités de trouver une coupable
au sein d'une population de n femmes pour un matrilignage donné.
65. nêrîgo'lo'gi : nominal composé de nerî- (cf. note 26) et -go'lo'gi (chemin, route) signifiant " lignages
faisant route ensemble ".
66. Ces lignages minimaux qui coopèrent pour constituer un nërîgo'lo'gi, correspondant
approximativement à ce qu'il est convenu de désigner sous le vocable "lignage mineur".
67. tdsémî : nominal composé de td- (père) et -se (engendrer) et -mi (marque grammaticale).
6ft nasémi : nominal composé de nô- (mère) + -se- (engendrer) + -mi (marque grammaticale).
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 25
ceux dont on peut dire qu'ils sont " de même sein "by : sœurs et frères utérins,
mais aussi cousins parallèles matrilatéraux.
Ces groupes de consanguinité dépourvus de structure d'autorité n'ont
pas de fonctionnement autonome. Lorsque des enfants se réclament d'un
même groupe de consanguinité, on les rabroue en leur reprochant de vouloir
s'isoler de l'ensemble familial.
Résidence.
69. wô î jlf yîrêle na (nous sommes de même sein). Cette expression ne sert pas à désigner, comme on
serait porté à le croire, des frères et sœurs de lait. C'est là un bel exemple des pièges que comporte
l'enquête ethnographique. On ne peut pas tenir rigueur à Roussel d'y être tombé : " La consanguinité, elle,
n'empêchait le mariage que si le degré de parenté était proche. Par contre le fait d'avoir été nourri par
une même femme interdisait, même en dehors de tout lien de parenté, l'union de deux jeunes gens ".
Rotssbl., Louis, 1965, Région de Korhogo, Étude de développement socio-économique, rapport sociologique (Paris,
SEDES). fasc. n" 2, p. 41.
70. KibNT/., Albert, 1976, Optimalisation de la communication et agencement de l'espace. Le modèle
senufo, Cahier d'Études africaines, 63-64, XVI (3-4), pp. 541-552.
71. Celle-ci est dite kpá?á noá (mère de la maisonnée).
72. C'est une tâche spécifique des enfants.
73. Le neveu est chargé de faire du feu, à la tombée de la nuit, devant la case de son oncle, entre les
bancs en rondins où se réunissent les hommes de la cour. Cette expression est devenue synonyme de la
résidence avunculocale.
26 ALBERT KIENTZ
père, mais peut passer outre en cas d'opposition. Généralement c'est l'aîné
que l'oncle réclame. Cette pratique aurait été inexistante chez les Fodonon
tant qu'ils formaient un groupe endogame. Elle est de règle chez les Kouflo
et forgerons ainsi que chez les Fodonon alliés à ces deux sous-groupes.
Pour estimer sa fréquence, nous avons procédé à une enquête par
sondage portant sur 50 unités de production et consommation réparties dans
trois localités74. La taille moyenne observée pour l'unité est de 13,5
personnes. Sa composition est approximativement la suivante : le chef
d'exploitation, 2 cadets du chef d'unité75, 3 épouses se répartissant entre le chef
d'unité, ses cadets, fils et neveux, 5 fils et filles, 2 neveux utérins, 0,5 autres
parents et assimilés. En raison de la représentativité contestable de
l'échantil on — absence de véritable plan de sondage, faible taux de sondage (675
personnes enquêtées) — ces chiffres ne prétendent que fixer un ordre de
grandeur. En décomptant les individus de sexe féminin et les moins de six
ans, on obtient un rapport tendant à l'équivalence entre résidence patrilocale
et avunculocale.
On nous a fait état d'une régression de la résidence avunculocale. Bien
que nous n'avons pas entrepris de l'évaluer, elle paraît probable. S'il est
attesté, ce recul n'est pas à imputer à une quelconque obsession
psychanalytique de la patrilinéarité, mais à un phénomène démographique bien repéra-
ble. Depuis une décennie ou deux, on observe un net avancement de l'âge du
premier mariage pour les hommes alors que celui toujours relativement
précoce pour les femmes se heurte à un seuil biologique76. Cet avancement
s'inscrit dans une stratégie pour maintenir la force de travail des jeunes au
village. Le frère ne se mariant plus longtemps après sa cadette, il en résulte
un alignement de l'âge des fils sur celui des neveux. N'étant plus productif
bien avant le fils, le neveu ne présente plus le même intérêt. Encore faut-il
qu'il y ait consensus pour renoncer aux droits que la société confère sur la
descendance de la sœur ou du moins déstructuration avancée du système
traditionnel.
II. Appellations.
74. L'enquête a eu lieu en juillet 1976 dans les villages de Poundia, Dikodougou et Nangakaha. Nous
la tenons à la disposition de chercheurs pour vérifications sur le terrain.
75. Il s'agit le plus souvent de frères utérins.
76. Cf. Rorsshl., Louis, 1965, Région de Korhogo, Étude de développement socio-économique, rapport
démographique (Paris, SEDES), fasc. n° I, pp. 43-56.
77. Un formulaire d'enquête établi par Claude Pairault, à l'intention des étudiants de l'Institut d'eth-
nosociologie de l'Université d'Abidjan, a servi de base à ce travail. Un généalogie complète a été établie
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNl'FO 27
s'étale sur six générations. L'empan de la mémoire des générations ne va
guère au-delà. Les termes de parenté ont été classés selon l'usage en termes
de désignation ou de préférence et en termes d'adresse78. Les tracés I et I bis
pour Ego masculin, 2 et 2 bis pour Ego féminin donnent une description du
système des appellations.
Termes de désignation™.
pour Ego féminin et masculin pour chaque sous-groupe ethnique concerné, à savoir celles de Wagnimè
Soro (Fodonon de Poundia), Mandia Tuo (femme fodonon de Toufoundé), Dohoba Coulibaly (Fodonon
de Dikodougou), Tangatènè Soro (Kouflo de Toufoundé), Tionwéli Tuo (femme kouflo de Toufoundé),
Nahalèmè Silué (femme forgeron de Toufoundé), Falna Silué (forgeron de Pleuro, résidant à
Dikodougou). A l'exception de Dohoba Coulibaly et de Tangatènè Soro, tous sont mariés et ont des enfants.
78. Le terme d'adresse est celui qu'utilise Ego en s'adressant à X, et inversement celui qu'utilise X en
interpellant Ego. Le terme de désignation ou de référence est celui qui est utilisé par Ego vis-à-vis de X, et
par X vis-à-vis de Ego pour désigner la relation parentale qui les unit.
79. Pour les transcriptions, nous avons utilisé le système graphique suivant :
antérieures i, e i, e
postérieures u, о u, э
neutres a a
sourdes P f t s с к kp ?
sonores b V d z j g gb
semi-nasales mb nd
nasales m n Л n
continues 1 У w
vibrantes r
28 ALBERT KIENTZ
sont pas exclusifs d'autres appellations opérant une classification sur des
critères différents.
noo (mère) : terme utilisé pour la mère, la coépouse du père, les sœurs du
père et de la mère à l'exception de la sœur utérine cadette de la mère pour
laquelle on utilise un terme dérivatif, les épouses des frères du père et la
cousine croisée patrilatérale.
noo 1Ë£ (grand-mère ; litt. mère vieille) : terme dérivatif utilisé pour les
grand-mères, arrière-grand-mères et leurs sœurs tant en ligne paternelle que
maternelle, ainsi que les sœurs des grand-pères et arrière-grand-pères
paternels et maternels.
noo pilé (petite mère) : terme dérivatif utilisé uniquement pour les sœurs
utérines de la mère moins âgées qu'elle.
too (père) : terme utilisé pour le père, les frères du père, les époux des
sœurs classificatoires de la mère et du père ainsi que pour le cousin croisé
patrilatéral.
too'
lëe (grand-père ; litt. père vieux) : terme dérivatif utilisé pour les
grand-pères, arrière-grand-pères et leurs frères tant en ligne paternelle que
maternelle ainsi que pour les frères de la grand-mère paternelle.
too pilé (petit père) : terme dérivatif Utilisé uniquement pour les frères
utérins du père moins âgés que lui.
wôlô too (notre père) : terme dérivatif utilisé pour le père du conjoint,
wôlô noo (notre mère) : terme dérivatif utilisé pour la mère du conjoint.
syeêleeô"
(le vieux) : terme utilisé pour désigner les frères utérins de la
mère et grand-mère maternelle ainsi que pour leur cousin parallèle matrila-
téral.
* On observe d'un village et d'un sous-groupe à l'autre des variantes dialectales qui affectent
essentiellement la nasalisation des voyelles. Pour les termes de parenté, par souci de nous abriter derrière plus
compétents que nous, nous avons utilisé les transcriptions figurant in Mission baptisté, 1967, Dictionary
Tyebara- English, English-Tyebara (Korhogo), 513 p. multigraph. Nous nous sommes contentés de substituer
aux graphies ty et dy les palatales с et j. Notre propos n'étant pas d'ordre linguistique, nous acceptons
volontiers les modifications de graphie qu'une étude phonologique plus approfondie pourrait, exiger.
Les voyelles sont affectées d'une hauteur musicale pertinente. Sur trois registres, on distingue 7
tonèmes : 3 tonèmes ponctuels, haut ( ' ), moyen ( " ) et bas ( ' ), et 4 tonèmes mélodiques analysés en
mores (descendant-haut, toujours réalisé haut-moyen, et descendant bas, réalisé bas-haut ou moyen haut,
et montant-bas, toujours réalisé bas-moyen). On observe également deux tonèmes à mélodie complexe.
Le seul terme pour lequel on observe une différence marquée est celui réservé aux descendants : jà
pour les Kouflo, forgerons et Kiembara, lîà pour les Fodonon. Ce terme est surtout employé par Ego
masculin. Ego féminin recourant plus volontiers à pyà. Sous toutes réserves, voici l'explication fournie par
Wagnimè Soro pour rendre compte du recours à des termes de désignation différents en fonction du sexe
de celui qui les emploie. Ces termes, dit-il, renvoient aux différences sexuelles du géniteur et de la
génitrice. Le terme jà, utilisé par Ego masculin, dériverait de jaga, un des termes servant à désigner le pénis.
Le terme pyà renvoie au clitoris, celui-ci pouvant dénommer tapyà, nominal composé de tá- (organes
sexuels féminins) -pyà (noyau) et signifiant " noyau du sexe ". On emploiera le même lexeme pya pour
désigner le noyau d'un fruit, la graine à l'intérieur d'une coque. Mentionnons que les sous-groupes
enquêtes pratiquent l'ablation rituelle du clitoris. Il y a peut-être là une piste de recherche, mais l'expérience
nous a enseigné à nous méfier de ces etymologies incertaines qui n'autorisent aucune extrapolation, et se
sont avérées bien souvent être de fausses pistes. L' Ailleurs de l'ethnologue tout comme l'Autrefois de
l'historien, à l'instar des taches du Rorschach, sont un lieu privilégié pour une projection des fantasmes de
celui qui les interprète. Les analyses en matière de " sexe accidenté " dans la littérature orale sénufo nous
'fourniront peut-être un jour l'occasion d'étayer ces propos.
Il est d'usage fréquent de suffîxer aux termes de désignation nsfó, tod, nárfó, korá, cSnóó, le possessif -
folo sous ses diverses formes grammaticales. Les termes sont transcrits à l'indéfini singulier, sauf lorsqu'ils
sont précédés d'un pronom personnel.
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 29
Système des appellations — Ego masculin
A = Д =r O
tee Ml ne» lie ta \a
• = Д д д <Э
«о'э Iff П9» I» :ii\li tii Mi nái líi
• = д О = A • = Д А = О
nii Hi elî táifiM bií «yftUVï e»5
=д Д А О=Д Д • =Д ▲ О =Д Д
I
A A
ÎtT»
nano (neveu, nièce) : terme utilisé par Ego masculin pour désigner les
enfants de la sœur utérine, de la cousine parallèle matrilatérale et les enfants
de la fille de la sœur utérine. Ce terme ne fait pas de différenciation de sexe.
yë?efôlî) ou ko'ra (aîné) : ces deux termes rigoureusement synonymes sont
utilisés pour désigner frères et sœurs utérins, agnats et cousins parallèles
matrilatéraux et patrilatéraux plus âgés que Ego. Ce terme ne fait pas de
différenciation de sexe.
cônôô (puîné, cadet) : terme servant à désigner frères et sœurs utérins,
agnats et cousins parallèles matrilatéraux et patrilatéraux moins âgés que
Ego. Ce terme ne fait pas de différenciation de sexe.
30 ALBERT KIENTZ
Tracé l
Д = О Д = О
tóó lit пэ» lïï top 'té мээ lit*
Г I I 1
Д о о — Д О Д
boo l«« пээ lia пээ let bóó \l£ >áá lít too lii
toV
O = Д
I
Д — О has
O» / = Д O = Д
a: too »Ylï
Кэто
O= Д Д = O ДгО
os= д Д = O О: О =Д, О д =
c55
о boo ^2^
I I
Д О Д
c55 too c55 пээ с 55 s
СО- О- ,«ЭГО
' s
Г I
Д = о д
€60 c5ô
= • Д O
too *»ó \£i tóó \ii
д , д , о
пэ'о lié nosí to'o'lei too lc< лэз Uč
• =ДО = А *,= Д А О
eàô • —
láá tó 6 сээ Sylgn'o ne» tie ayftl
Кэгэ
Иогэ Kofi и»гэ сээ
A = д A = О
= Д • =Д о =д д = ejn
Д 4 = О
Seíhyjš pyl pyi сбпЬэ сээ
EGO
=Д =Д А =Д А О
pyi ру4 pyi pyi
РУ» РУ« РУ*
qu'un lien de parenté éloigné sont désignés comme seény8n680° tant du côté
maternel que paternel.
D'autres appellations opèrent un classement différent ventilant les
individus dans des catégories fondées sur d'autres critères. Ainsi le terme
que 80.
nous
seenyfné
utilisons: nominal
indifféremment
composényduouverbal
ji pour
see-la(engendrer)
graphie de la-nyČné
palatale
ou nasale.
-jiÊné (compagnon),
On trouve ce du
même
fait
ье-т| JГ,™
kajupňié (complice
1е[а1а*гпе
d'un (compagnon
voleur). Au des
pluriel
travaux
: seéjlzbèlè
de culture),
ou sëëhyébèlè
kddbfniji&ié (compagnon de route),
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 33
Tracé 2
д - о д - o
tó» líi m'Í li» Uč ní» Iff
I
Д O д О Д
fco'é l«* too lié nó6\i£ too líí
ne» too
o Д
д o O = Д o Д
too пэз too П9Э oo
КэГЭ Кэгэ
о —д Д =O o Д=О
ч
Д О- Д Д =О О=Д О = Д =O
сЗпэа с55 tóó
Д : individu di nu mi>culin
o : individu dt ••«• féminin
I
= О Д
паз too
L I' паэ
^ N lyte^eo
__ I / /
о = д
О = д = о О = Д
NS
EGO
О Д
pyà
82. seëfôbèlè : pluriel de séefáló wii, nominal composé de see- (engendrer) et -f5ló (possessif).
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 35
Termes d'adresse.
83. Les relations avec ceux que Ego désigne comme " petit père " et " petite mère " sont
particulièrement affectueuses. Le " petit père " sera un compagnon de jeu privilégié de l'enfant en bas âge. Une scène
prise sur le vif pour illustrer la nature de ces relations : l'enfant fait cadeau à son " petit père " d'une
vieille tabatière remplie de terre, celui-ci fait mine de croire à un cadeau de grande valeur et le range
dans sa case avec ses biens personnels, le temps du jeu.
84. Ce même lexeme se trouvera dans les termes suivants: bàpa'la (bouc, litt. bà et pdlá: mouton
mâle), gopálá (coq, litt. gô et paid: volaille mâle), etc.
36 ALBERT KIENTZ
CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME DES APPELLATIONS.
Les termes de parenté sont utilisés tant en ligne paternelle que
maternelle. La parentèle de Ego englobe aussi bien maternels que paternels.
Un système classificatoire.
Si la symétrie est totale pour les ascendants en ligne directe, celle-ci est
rompue pour les collatéraux : le frère de la mère, celui de la mère de la mère,
leur cousin parallèle matrilatéral ne constituent pas des pères classificatoires
comme le sont le frère du père, celui du père du père et leur cousin parallèle
patrilatéral. Ils constituent les " oncles " (syliêlebèlè) de Ego. Nous sommes
en présence d'une terminologie à assimilation et bifurcation : un même terme
désigne le père et le frère du père, un autre le frère de la mère.
La même asymétrie s'observe pour les cousins croisés matrilatéraux et
patrilatéraux de Ego. Cette asymétrie est liée à la filiation à dominante
utérine qui prévaut dans le système étudié. Rappelons le traitement particulier
réservé à la sœur utérine cadette de la mère et au frère utérin caëet du père.
Le système des appellations fait une distinction entre sexes pour les
ascendants. On trouve un terme pour l'ascendant masculin (too) et un autre
pour l'ascendant féminin (пээ) et leurs ascendants.
Pour les descendants, les termes de désignation ne font pas de différence
entre sexes. Le terme pyà (enfant) est utilisé pour désigner indifféremment le
fils ou la fille. Le terme jà met l'accent sur la filiation, mais n'opère pas de
différenciation entre sexes. Alors que le terme pyà est surtout utilisé par Ego
féminin, jà est plutôt employé par Ego masculin.
Pour les collatéraux le seul critère de différenciation retenu est celui de
l'âge. Il existe un terme spécifique pour désigner le germain plus âgé que Ego
et ses assimilés (korá ou yê?efôlô) et un autre pour désigner le germain moins
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 37
âgé que Ego et ses assimilés (coháo). Il est significatif que le terme кого,
emprunté probablement au dioula, ne soit pas suivi d'un suffixe précisant le
sexe comme c'est le cas systématiquement dans cette langue. y£?êfolo, terme
authentiquement sénufo, est tombé quelque peu en désuétude, en raison de
sa longueur sans doute. Son etymologie met bien en évidence que le seul
critère de différenciation retenu est celui du rang de naissance. Il s'agit d'un
mot composé de y £?e- (devant) -folo (possessif) signifiant " celui qui est
devant ".
Cousins et cousines parallèles et autres frères et sœurs classifîcatoires sont
désignés dans les mêmes termes en fonction de leur âge .
Le fait que ce soit l'âge et non le sexe qui serve de critère de
différenciation trouve des correspondances au niveau de l'organisation de la langue. Le
sénufo est une langue à genres multiples asexuels. Ces genres répartissent les
lexemes en cinq catégories dont un des critères de classement est la taille : la
classe kii est celle des êtres de grande taille, la classe Hi est celle des êtres de
petite taille. - . . _ _
On trouve également des correspondances au niveau de l'organisation
sociale. Le critère décisif pour l'accès aux responsabilités n'est pas
nécessairement l'appartenance au sexe masculin. Ce peut être une antériorité. Ainsi,
pour avoir été la première à s'être réinstallée dans un village détruit par les
troupes de Samory, une femme détient la chefferie à Lobélékaha, village en
périphérie de la zone de l'enquête. C'est l'âge, et non le sexe, qui détermine
l'entrée dans la société initiatique siégeant au bois sacré. Bien qu'après la
ménopause, les femmes y ont accès au même titre que les hommes, du moins
dans les fractions kouflo et forgeron.
85. syëëlééS : nominal composé de sysÊ- (dérivé, par harmonisation vocalique, de syôa : humain) et -lée
(vieux, mûr), signifiant littéralement " personne vieille ". Parlant de l'oncle, on dira volontiers wdlfë wii
(notre vieux).
38 ALBERT KIENTZ
nombreuses vérifications. Nos observations s'écartant de celles de J. Jamin
pour qui " à l'exception des cousins croisés matrilatéraux, tous les autres
cousins sont appelés frère ou sœur (même dans le cas du mariage " préférentiel "
- diafotio - avec la cousine croisée patrilatérale) ", nous avons étendu
l'enquête aux Kiembara dont traite Jamin86.
Le traitement fait des cousins et cousines croisés matrilatéraux est
l'inverse de celui des cousins croisés patrilatéraux. Les premiers sont assimilés à
la génération suivante, les seconds à la génération précédente. Nous sommes
en présence d'une terminologie de type Crow 87: les cousins croisés des deux
côtés sont désignés par des termes distincts, ces termes renvoyant à des
parents appartenant à une génération adjacente, de telle sorte que le fils de
la sœur du père est un père classifîcatoire et le fils du frère de la mère un fils
classificatoire. Ego masculin et Ego féminin désignent leur cousin croisé
matrilatéral ainsi que leur cousine croisée matrilatérale à l'aide des termes
mii pyà ou jà (mon enfant, fils ou fille). Cousine et cousin croisés
matrilatéraux sont des enfants classificatoires. Ego masculin et Ego féminin désignent
leur cousine croisée patrilatérale en utilisant le terme mii пээ (ma mère). Il
peut utiliser le terme na'à (maman) pour s'adresser à elle, mais cet usage est
peu fréquent. Notons que c'est avec la cousine croisée patrilatérale qu'il y a
mariage préférentiel. Nous développerons ce point dans la partie traitant des
alliances. Fils et mère classificatoire s'épousent. Le cousin croisé patrilatéral
est un père classificatoire. Il est désigné par Ego féminin et masculin comme
mii too (mon père). Le terme d'adresse abà (papa) peut être utilisé, mais cet
emploi est peu fréquent.
Le tracé 3 illustre le traitement que fait le système des appellations des
cousins croisés. On notera que les descendants de la cousine croisée
patrilatérale sont également considérés comme des pères et mères classificatoires et
ceux de la cousine croisée matrilatérale comme des enfants classificatoires de
Ego.
86. JAMIN, Jean, 1973, La Nébuleuse du Koulo-Tyolo, Rapport d'enquête en pays se'noufo (Abidjan, Centre
O.R.S.T.O.M. de Petit Bassam), p. 30.
87. Nous n'entendons pas cautionner pour autant cette classification dont le bien-fondé a été contesté
par R. Needham.
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 39
Tracé 3
Cousins croisés
О Д О Д
РУа pyà nóó tóó
matrilatérale sont désignés à l'aide d'un terme spécifique narîo que nous
traduirons par neveu et nièce. Ce terme qualifie indifféremment le fils ou la fille
de la sœur utérine et de la cousine parallèle matrilatérale. Nous avons là un
cas supplémentaire où le système des appellations ne fait pas de
différenciation entre sexes. Le terme narfo s'applique également aux enfants de la nièce
utérine. Ego masculin s'adresse au пагГэ en l'appelant par son nom et
n'utilise en aucun cas les termes d'adresse âbà et naa réservés aux fils et filles clas-
sifîcatoires.
Ego féminin considère les enfants de la sœur utérine et de la cousine
parallèle matrilatérale comme des enfants classifîcatoires et les désignent à
l'aide des termes pyà et jà.
Comme nous venons de le voir, Ego féminin a pour " maris " les
membres des deux sexes du lignage et matriclan de son mari. Cette désignation
n'est toutefois pas utilisée pour la mère du mari que l'on préfère appeler wôlô
noo (notre mère). Ego désigne les ascendants du conjoint en faisant précéder
le terme de parenté (noo, too) du pronom wôlô (notre). Soulignons que ces
usages n'ont rien de systématique et il est toujours possible de recourir aux
termes descriptifs.
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 41
Ego masculin désigne les proches du conjoint à l'aide de termes
descriptifs, mais préfère généralement parler d'eux en employant le terme fëèrëfolo
qu'on ne peut considérer comme un terme de parenté au sens strict. fëérÈfolo
est un nominal composé de fèèrè- (honte, gêne) et -folo (possessif). Le mot
fèèrè n'a pas d'équivalent en français. On le traduit généralement par "
honte ", faute de mieux. Il sert à désigner un sentiment qui s'exprime par une
gêne, un malaise, une tendance à l'évitement. Mais cette gêne a des racines
différentes. Si la honte se définit comme un sentiment pénible venant d'une
faute commise ou de la crainte d'un déshonneur, fèèrè pourrait se définir
comme un sentiment de gêne résultant de liens affectifs intenses ou d'une
dette de reconnaissance, fëërèfolo est d'ailleurs l'un des termes utilisés par les
filles dans le cadre de l'amitié prénuptiale pour désigner l'amoureux et ses
proches. La jeune fille rougissante, aux yeux baissés, des premiers émois
amoureux de nos grand-mères devait éprouver un sentiment voisin. Dans la
culture sénufo l'expression des sentiments s'entoure d'une grande discrétion.
Pudeur mais non insensibilité. Jamais on ne verra une fille et son amoureux
se témoigner en public des marques de tendresse. Ils affecteront plutôt de
s'ignorer. En présence de son amoureux ou de la mère de celui-ci, lors des
travaux collectifs, la jeune fille refusera de s'alimenter. Elle passera la journée
sans manger car son " maître de honte " est là. Sa présence tient lieu de
nourriture. Voici ce que chantent les jeunes filles dans leurs rondes au clair
de lune :
Le terme fèèrèfola, s'il peut être utilisé par l'épouse pour ses parents par
alliance, est surtout l'apanage du mari. Il connote la gratitude et le respect
déférent que celui-ci doit à ceux qui lui ont donné une épouse. Les termes
na?afolo et rjonofolo désignent ceux avec lesquels le processus d'alliance est
engagé88.
88. na?afo'lo : personne avec laquelle on traite avant, durant et après le mariage ; rjďnafolo : bénéficiaire
des prestations en travail ; nominal composé de qSn§- (prestation en travail fournie pour un mariage) et -
folo (possessif).
42 ALBERT KIENTZ
termes d'adresse réservés aux ascendants et descendants, abà et naa, sont
employés volontiers pour s'adresser à ceux qu'une génération sépare. Il en va
de même pour les terme d'aîné et de cadet permettant de se situer à Tinté-
rieur d'une même génération. L'usage souvent stratégique de ces termes
varie en fonction des relations que l'on désire établir. Le passage à la
modernité n'élimine pas ces usages, peut-être les renforce-t-il. Pour s'attirer les
bonnes grâces du guichetier qui délivre des timbres-poste, on l'appellera
" grand-frère ".
L'application de ces termes à des individus avec lesquels n'existe aucun
lien de filiation, de consanguinité ou d'alliance pose le problème soulevé par
Martin Southwold : s'agit-il de termes de parenté ? Southwold souligne qu'il
ne suffit pas de faire intervenir l'ingénieux principe d'extension, mais qu'il
faut en fournir la preuve89. Que ces termes ne s'appliquent que par extension
à d'autres individus est aisé à établir. Il suffit de poser les questions banales
qui suivent les salutations d'usage "comment va ta mère" ? ton oncle? ton
cadet ?... " pour se rendre compte qu'ils s'appliquent en priorité et sans
équivoque aux individus avec lesquels le lien de parenté se trouve réalisé au sens
le plus strict.
///. Attitudes.
L'analyse des attitudes nous paraît un lieu privilégié pour une projection
de l'ethnocentrisme du chercheur. Affecter, comme cela a été fait pour un
sous-groupe sénufo voisin, chaque relation d'un signe positif ou négatif tient
des jeux du hasard, surtout qu'on ne trouve pas ou peu de justifications90.
Ainsi s'appuyant sur le seul fait que la relation père-fils n'est pas " à
plaisanteries ", celle-ci est lue comme distante et affectée du signe négatif.
Les relations à plaisanteries sont systématiquement affectées du signe positif,
en suivant une chaîne d'associations bien occidentale : plaisanteries -
familiarités - familiarité - proximité. Les relations " à évitement " dont il n'est pas
fait état seront cataloguées comme négatives : évitement - éloignement -
distance. Appliquant cette grille d'interprétation, les rapports de la jeune fille
sénufo avec son amoureux caractérisés dans le cadre de l'amitié prénuptiale
89. Soi'THWOLl), Martin, Les significations de la parenté, pp. 136-137, in: Needham, Rodney, 1977,
La parenté en question. Onze contributions à la théorie anthropologique (Paris, Seuil).
90. JAMIN, Jean, 1973, La .Yébuleuse du Koulo-Tyolo, Rapport d'enquête en pays sénoujo (Abidjan, Centre
O.R.S.T.O.M. de Petit Bassam) pp. 27-29.
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 43
par un comportement d'évitement — les amoureux modifieront
éventuellement leur itinéraire pour ne pas avoir à se rencontrer en public — , ces
rapports seront classés comme négatifs. Puisqu'il n'y a pas en ce domaine à tenir
compte des variations psychologiques et individuelles, nous voulons bien
considérer comme positives les exhibitions d'affection du couple occidental
qui, toutes passions éteintes, ne se donne plus qu'en présence de tiers la
comédie de l'amour. Mais il nous paraît aberrant de classer comme négatifs
les comportements d'évitement dans une culture où la gêne liée à l'émoi est
précisément la marque d'une relation à forte charge affective. Pour
paraphraser : où il n'y a pas de gêne, il n'y a pas d'amour.
Les relations à plaisanteries ne sont pas dépourvues d'ambiguïté. Ces
familiarités ne masquent-elles pas des tensions que le pouvoir cathartique de
l'agression-plaisanterie institutionnalisée permet de désamorcer ? Il nous
paraît symptomatique qu'elles soient instituées entre personnes étant le plus
souvent dans une relation hiérarchisée ou du moins de dépendance
réciproque.
Les " attitudes " sont sujettes à des erreurs d'interprétation issues du
présupposé selon lequel les comportements auraient des significations
universelles. Ces erreurs peuvent être redressées si le chercheur consent à faire
l'apprentissage du code propre à chaque culture.
Avant d'aborder les " attitudes ", nous avons à formuler une critique
plus radicale que celle des simples erreurs de décodage. Elle a trait à la
pratique consistant à affecter les relations d'un signe positif ou négatif que
" l'atome de parenté " de Lévi-Strauss a rendue célèbre91. Nous n'essayerons
pas d'infirmer ou de valider à l'aide de l'exemple sénufo le système quadran-
gulaire de relations entre frère et sœur, mari et femme, père et fils, oncle
maternel et neveu, exprimables par deux relations positives et deux relations
négatives. La plupart des critiques ont consisté à vouloir démontrer
l'inexactitude de la formule de Lévi-Strauss à partir d'exemples de sociétés où elle ne
se réalise pas. Le contenu des polémiques qu'elle a suscitées est significatif.
Elles ont porté le plus souvent sur la valence des relations et chacun de puiser
dans la littérature ethnographique les éléments pouvant conforter sa position.
A partir de l'exemple sénufo, nous ne chercherons pas à montrer que les
relations que la formule postule comme devant être de signe contraire sont de
même signe, ou encore que celles qui devraient être de même signe sont de
signe contraire, ou encore qu'elles sont bien conformes à la loi de l'atome de
parenté, mais simplement qu'il est sans grande signification de résumer ces
relations par des signes plus et moins. La pratique du terrain a
progressivement révélé que ce procédé est inutilisable dès qu'on cherche à faire preuve
d'un minimum de rigueur. Il serait étonnant que cette constatation ne
s'applique qu'à la société sénufo. La critique du procédé remet en cause la
validité des soi-disant systèmes d'attitudes qu'il aurait permis de dégager. Voici
brièvement les raisons pour lesquelles nous le considérons comme
inopérationnel :
91. LÉVI-STRAUSS, 1958, Anthropologie structurale (Paris, Pion), pp. 37-62. LÉVI-STRAUSS, 1973,
Anthropologie structurale deux (Paris, Pion), pp. 103-135.
44 ALBERT KIENTZ
1. La relation unissant deux individus est à double sens et la valence de
la relation peut changer en fonction du sens. On en trouvera une illustration
dans les pages qui suivent à propos de la relation mari-femme bien différente
de la relation femme-mari. Laquelle va-t-on privilégier pour caractériser la
relation et pour quelles raisons ? Si tant est qu'on puisse caractériser un
ensemble de relations à l'aide de deux signes, ce n'est pas quatre relations
qu'il s'agit de décrire mais huit, chacune étant doublée de sa réciproque.
2. La relation peut se modifier au cours de l'existence. Ces altérations
peuvent changer la valence. Comme nous le verrons à propos de la relation
frère-sœur, celle-ci d'affectueuse peut devenir franchement tendue en
particulier lorsque le frère utilise les droits que la société lui confère sur la
descendance de sa sœur. Quelles périodes de l'existence faut-il retenir pour
caractériser la relation ?
3. Une même relation peut se réaliser sur divers modes qui affectent
directement les attitudes. Ainsi, dans la société étudiée, on observe trois types
de mariage bien distincts. Selon que le conjoint est une " femme du bienfait "
ou une " femme de la maisonnée "92, l'attitude du mari est bien différente.
Quel type d'épouse choisir pour caractériser la relation ?
4. Répondant à Luc de Heusch lui reprochant d'affubler d'un signe
positif ou négatif des rapports souvent teintés d'ambivalence, Lévi-Strauss
écrit : " Les contenus assignables à telles ou telles attitudes comptent moins
que les rapports d'opposition qu'on discerne entre paires d'attitudes
accouplées. Ce que ces attitudes sont en elles-mêmes, les contenus affectifs qu'elles
recouvrent, n'offrent, du point de vue particulier où la discussion nous place,
aucune signification intrinsèque. A la limite, nous n'aurions même pas besoin
de savoir ce que sont ces contenus : il suffirait qu'entre eux un rapport
d'opposition soit directement décelable ; rapport que les signes 4- et — suffisent à
connoter93 ". Soit. Mais qu'est-ce qui permet de déterminer qu'il y a rapport
d'opposition ? Va-t-on opposer, comme cela a été fait, les relations libres et
familières à celles marquées par l'hostilité ou la réserve alors que dans
certaines cultures la réserve est précisément la marque d'une relation
affectueuse ? La seule opposition qui nous paraît justifiable est celle opposant un
trait donné à son absence. En s' imposant une telle discipline, il ne faut guère
espérer obtenir un système quadrangulaire exprimable par deux relations
positives et deux relations négatives.
Ce qui nous paraît par contre faisable c'est de caractériser chaque
relation par un ensemble de traits dont il est possible d'estimer l'importance
relative. Des échelles ordinales en 5 ou 7 graduations telles qu'elles sont
couramment utilisées en psychologie sociale peuvent s'avérer utiles pour
mesurer l'intensité d'un trait et ses variations. L'analyse des variations
d'intensité d'un trait en fonction d'autres variables nous paraît d'un grand
intérêt. Ainsi, ce qui ne surprendra personne, on observe une corrélation nette
Relations à plaisanteries.
94. " maisonnée ", traduction de kpa~?a. Voir en partie I : Matrilignage et maisonnée.
95. Les expressions utilisées varient en fonction des partenaires des relations à plaisanteries. Les
propositions ci-dessous illustrent ces variations. Le découpage grammatical utilise les signes conventionnels
préconisés par la SELAF.
Entre matriclans : silibèlè î bàru'ù криэ ní so"ribèlè ní
Les Silué / indicateur verbal de l'immédiat inaccompli )/ plaisanterie /) frapper / avec ) les Soro ) j"
avec //
Les Silué " plaisantent " (bàru'ù kpiïa) les Soro.
Entre sous-groupes ethniques : fôd&nbèlè f bàru'ù криэ ní cëbabèlè ni
Les Fodonon / indicateur verbal de l'immédiat inaccompli )/ plaisanterie /) frapper / avec ) les Kiem-
bara )/ f avec //
Entre initiés aînés et cadets: niydbèlè î côlobèlè rjuu
Les nîyrfbèlè / indicateur verbal de l'immédiat inaccompli )/ les côlobèlè /) chansonner //
Les cadets chansonnent leur aînés (en cours d'initiation).
Entre hommes et femmes : cébèlè Г naabèlè terî cékpáau ní
Les femmes / indicateur verbal de l'immédiat inaccompli )/ hommes /) insulter / cèkpa ) dans //
46 ALBERT KIENTZ
Les sous-groupes sénufo, partenaires des relations à plaisanteries, sont les
suivants pour la zone d'enquête : Fodonon et Kouflo, Fodonon et Nafara,
Fodonon et Kiembara. Il nous paraît significatif que, là où ces sous-groupes
coexistent, leurs rapports soient hiérarchisés. Les Fodonon, premiers
occupants de la zone, détiennent héréditairement la cheiTerie, sauf dans la région
de Korhogo où ils ont été supplantés par les Kiembara. C'est d'ailleurs entre
Fodonon et Kiembara que les relations à plaisanteries sont les plus marquées.
Entre eux le duel verbal s'engage presque instantanément et ils le poussent
aux extrêmes limites (insultes sexuelles concernant la mère). Les forgerons
ont pour partenaires d'autres artisans : diéli, artisans du cuir ; kpEGbèlè,
fondeurs pratiquant la technique de la cire perdue et potières ; dioula, tisserands
et commerçants.
Les relations à plaisanteries s'étendent aux ethnies voisines. Elles sont
particulièrement marquées pour les Koyara96. Retour d'Afrique pour
quelques semaines, une oreille distraite sur les media que tend parfois un réflexe
d'ethnologue, une soirée dans un café-théâtre où des histoires belges relayent
deux Suisses au-dessus de tout soupçon, et de nous demander si les Français
n'entretiennent pas des relations de même type avec leurs voisins suisses et
belges que ceux qu'ont les Sénufo avec les ethnies voisines. Les plaisanteries
ne rendent-elles pas plus acceptables des différences que la proximité —
voisinage renforcé par la communauté linguistique — rend provocantes ?
Dans le cadre de l'initiation kouflo et forgeron, niyogi constitue l'une des
étapes préparant à l'entrée dans le bois sacré. Elle s'étale sur quelques
semaines. Les cadets épient pendant ce temps les faits et gestes de leurs aînés
97. Les aînés en cours d'initiation sont dits côlo'bèlè, les cadets qui les chansonnent niyabèlè.
98. Le terme " aîné " désigne ici les côlo'bèlè, le terme " cadet " les plabèlè. L'entrée au bois sacré est
précédée de diverses étapes initiatiques dont le passage entraîne un changement dans la dénomination des
cadets.
99. Cet enclos est dit kàkpàgbôgi. Au centre d'une enceinte de branches et feuillages de hauteur
d'homme, on observe un tertre dans lequel sont fichées des fourches sur lesquelles sont posés des tambours
à une membrane en forme de longs fûts.
100. Il s'agit d'extraits de chants recueillis à Kaprémé lors des cérémonies syono qui s'y sont déroulées
en avril 1978.
48 ALBERT KIENTZ
Un autre aîné, choisi pour sa vivacité d'esprit, interrompt le chant par
des commentaires parlés101 :
— yiràôôô yirà ! Gringalet, c'est tout ce que tu trouves à faire ? Pendant que le vieux
Kolo était aux champs, c'est ainsi que tu as essayé de séduire sa femme. Crois-tu
donc être le seul à avoir un pénis ? yiràôôô yirà !
Les relations entre aînés et cadets sociaux immédiats sont hiérarchisées
et marquées dès le plus jeune âge par une rivalité qui ne s'estompera que le
cycle initiatique achevé. On notera la symétrie différée de ces relations de
satire : les cadets ont l'initiative, les aînés un droit de réponse102.
En certaines occasions les femmes harcèlent les hommes, dépassant le
stade verbal. C'est le cas à Toufoundé le jour où les femmes procèdent au
nettoyage annuel de la source. Un homme s'approche-t-il de trop près de ce
haut lieu féminin, on lui fera avaler quelques gorgées de boue. Le nettoyage
achevé, les femmes vieilles et jeunes regagnent le village en courant, portant
chacune une calebasse pleine de vase. Et c'est la ruée sur les hommes qu'elles
éclaboussent à pleines giclées. Ils se laissent faire.
Lors des funérailles d'une femme fodonon, la nuit résonne des chants du
cékpà dans lesquels l'association des femmes de même nom malmène
rudement par verbe et mime les hommes dans leurs attributs virils. Ceux-ci, lors
des funérailles d'un homme, prendront leur revanche dans les chants de
kàca. Il y a, comme précédemment, symétrie différée. Nous traiterons plus
loin des relations à plaisanteries asymétriques entre épouses et maris.
Nous avons déjà- évoqué les relations à plaisanteries entre matriclans.
Soulignons que celles-ci s'observent entre matriclans étant dans une relation
de dépendance réciproque103.
Au sein du matrilignage les relations à plaisanteries s'observent
essentiellement entre grand-mère maternelle et petits-enfants, entre oncle et neveu ou
nièce. Dans des notes décrivant les partenaires et la nature de ces jeux, Sas-
songo Silué enchaîne immédiatement comme s'il existait un lien : " On
appartient corps et âme à sa grand-mère maternelle et à son oncle utérin. Si
l'un d'eux fait partie d'une association de sorciers, mangeurs d'âmes, il doit
se soumettre à la règle sévère qui veut que chacun, à tour de rôle, fournisse
une proie prélevée dans son lignage. Certains essayent d'offrir des victimes
qui ne font pas partie de leur parenté, mais la communauté des sorciers
s'enferme dans un refus catégorique. La sorcière se saisira de son petit-fils ou de
sa petite fille, le sorcier de son neveu ou de sa nièce. S'il n'arrive pas à se
défaire de l'amour des siens, il s'offrira lui-même ".
Cela signifie-t-il que les relations à plaisanteries soient à classer comme
rapports négatifs ? Nous voulons simplement attirer l'attention sur le
caractère simpliste du procédé introduisant un manichéisme mathématique selon
lequel les relations seraient positives ou négatives. Qui devient complice des
gamins facétieux, des fillettes espiègles taquinant leurs grands-parents, ne
101. Cet aîné est désigné à l'aide du terme kàkpéné wi.
102. Les cérémonies du niyági précèdent celles du sy5no dans le calendrier initiatique.
103. Voir en partie I : Les matriclans.
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 49
peut rester insensible au caractère profondément affectueux que revêtent ces
jeux. Pour qui partage la vie quotidienne d'un village sénufo, des scènes
comme celle-ci sont familières. Assise sous l'auvent de sa case, la grand-mère
file. Une main tient la quenouille de coton tout en tortillant la fibre, l'autre
fait tourner une toupie fixée au bout ďiine baguette où s'enroule le fil. Silué,
son petit-fils de cinq ans, passe devant elle d'un pas décidé, l'interpelle en
déformant son nom104, puis vocifère les quelques bribes de français glanées à
mon contact. Un sourcil blanc se fronce, l'autre œil se lève interrogateur. Le
gamin, satisfait de son effet, jubile et se moque de sa grand-mère qui, toute
vieille qu'elle est, en connaît moins que lui. La grand-mère amusée branle du
chef et entre dans le jeu :
— Gringalet à grosse tête !
— Vieille tortue aux yeux de margouillat !
— Je vais te frapper, vaurien !
— Rattrape-moi, si tu peux, avec tes jambes cagneuses...
108. vùgura vugura: idéophone évoquant le bruit d'un chiffon que l'on secoue ou qu'on laisse tomber à
terre.
109. KlENTZ, Albert, 1978, Contes Sénoufo I, Dieu et les génies (Paris, SELAF), 300 p. . Cf. Récit étiologi-
que 5, L'enfant de Dieu.
110. Jamin, Jean, 1977, Les lois du silence (Paris, Maspéro), p. 86, note 32.
111. Vendeix, M. J., 1934, Nouvel essai de monographie du pays sénoufo, Bulletin du Comité d'études
historiques et scientifiques de l'A.O.F., XVII, n° 4, 578-652.
52 ALBERT KIENTZ
nies, inspirait. Le temps n'est pas si loin où les Commandants de Cercle de
Korhogo recevaient des télégrammes qu'on peut retrouver aux Archives
nationales d'Abidjan : " Envoyer encore 500 même ethnie. Ont donné
satisfaction ". Faut-il n'avoir jamais entendu évoquer ce " temps de la force " par
ceux, nombreux à Toufoundé et .ailleurs, arrachés à leurs familles pour
traîner, à la force de leurs bras et souk la contrainte du fouet, des grumes en zone
forestière ou ouvrir des pistes. Bien sûr tout cela est évacué par la bonne
conscience du chercheur — mais ceux qui l'ont vécu peuvent-ils oublier ? —
et c'est la société sénufo qui est terroriste.
Dans les pages qui suivent, nous allons essayer de caractériser les
relations entre parents par filiation, consanguinité et alliance. Nous procéderons
par paires en associant les inévitables données de ce couple bien suspect
ethnologue-informateur, les observations sur le vif, les indications fournies
par l'anthroponymie et les témoignages spontanés des intéressés eux-mêmes.
Ce sont ces derniers que nous privilégierons en puisant dans le vaste corpus
constitué au gré des circonstances112. Les chants, en raison de la liberté
d'expression qui les caractérise, se sont avérés particulièrement intéressants. Tout
en donnant des indications sur les polarisations, nous nous refusons à répartir
les relations en deux catégories.
Relations mère-enfant.
113. Celle-ci est dite màle'ù (vieille maman) ou kàcélééo (vieille femme du village) ou zaga màléù (vieille
maman du bois sacré) ou encore màle'ù précédé du toponyme du village formant ainsi un syntagme com-
plétif.
54 ALBERT KIENTZ
donnent libre cours à leurs ressentiments. Voici deux complaintes
significatives à cet égard recueillies lors de rondes114 au clair de la lune.
Dans la première, une jeune femme de Toufoundé, reprend en
l'adaptant une complainte que chantaient déjà les générations précédentes. Elle
s'en prend violemment aux membres du conseil de famille qui ont décidé de
la donner en mariage à un homme dont elle ne voulait point. Elle y voit une
punition injuste. On notera la place toute particulière que tient la mère dans
ses ressentiments.
Vous, gens de mon lignage,
Que vous ai-je donc fait ?
Je n'en veux à personne
Si ce n'est à toi, ma mère !
Je n'en veux à personne
Si ce n'est à toi, mon oncle !
Je n'en veux à personne
Si ce n'est à toi, mon aîné !
Je n'en veux à personne
Si ce n'est à vous, gens de mon lignage !
C'est vous qui avez pris ma tête
Et l'avez jetée sur un tas d'ordures !
C'est vous qui avez pris ma tête
Et l'avez jetée dans le feu !
C'est vous qui avez pris ma tête
Et l'avez plongée dans une jarre pleine de piment !
Ma mère, si ma tête est perdue
Mon malheur retombera sur toi !
La jarre pleine de piment, le feu, le tas d'ordures sont autant de
métaphores pour désigner la famille du mari dans laquelle il lui faut résider
maintenant.
Dans la deuxième complainte, on retrouvera à quelques nuances près la
même attitude envers la mère.
Si vous me voyez toute triste et découragée
C'est la faute à ma mère.
Ma mère est allée trouver mon oncle et lui a dit :
Tu as une nièce qui ne comprend rien à rien.
Le temps est venu de la marier
Et elle ne veut rien entendre.
Mon oncle est allé trouver mon père et lui a dit :
Tu as une fille qui est en âge maintenant
Laisse-nous la marier !
Et mon père a répondu :
II est vrai que j'ai une fille à marier
Mais laissez-la encore grandir un peu !
114. Ces rondes sont dite dá?sfri. La première complainte est de Tyélourgo Soro, jeune femme kouflo de
Toufoundé. Elle a été recueillie en mars 1972. La seconde est de Soyo Soro, jeune femme forgeron de
Dikodougou. Elle a été recueillie à Dikodougou en janvier 1973.
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 55
C'est alors que mon oncle a dit à mon père :
Mais te crois-tu donc assis dans la case d'un chef?
Et papa a cédé :
S'il en est ainsi, vous n'avez qu'à la marier !
Et il m'a dit :
Mon enfant, je n'ai pas assez de cheveux blancs
Pour pouvoir prendre ton parti.
Celui qui ne sait dire ni oui ni non est un homme sans caractère.
Ils lui ont dit : Laisse-nous marier ta fille !
Et il les a laissé faire.
Si vous me voyez toute triste et découragée
C'est la faute à ma mère.
Dans cette complainte on trouve le film des événements qui ont précédé
le mariage. C'est la mère qui prend l'initiative en décidant que le moment
est venu de marier sa fille. Elle va trouver son frère, l'oncle de la fille, et c'est
lui qui se charge des démarches et formalités. Rien d'étonnant à ce que la
fille décharge toute son amertume sur sa mère. C'est l'oncle qui va trouver le
père pour l'informer que l'on va marier sa fille. La femme n'informe pas
directement son mari du projet matrimonial qu'elle a pour leur fille. L'oncle
demande l'autorisation au père, mais son avis n'est pas déterminant. Le père
suggère que ce mariage pourrait encore attendre un peu. Il sollicite un sursis
pour que sa fille puisse goûter pleinement sa jeunesse avec son amoureux.
L'oncle se charge de lui rappeler qu'on le consulte par courtoisie mais qu'il
n'a aucune autorité en ce domaine. C'est le sens de la phrase : " Te crois-tu
donc assis dans la maison d'un chef? " Et le père cède, sachant bien qu'il n'a
guère de pouvoir sur ses enfants. Il a tenté une démarche en faveur de sa fille
et s'excuse auprès d'elle de son échec : "Je n'ai pas encore assez de cheveux
blancs pour prendre ton parti ". Et celle-ci constate, amère, que son père
n'est qu'un fantoche. Il a beau prendre son parti, il s'avère impuissant.
L'adolescente vit sur le mode tragique la fin de ses amours :
Plutôt mourir que de vivre séparée de toi, mon ami ! Plutôt mourir.
Quant la Mort me verra arriver chez elle,
Surprise devant mon jeune âge, elle me demandera :
Que viens-tu donc faire chez moi dans la fleur de l'âge?
Et je lui répondrai :
J'aimais un beau jeune homme et c'est avec lui que je voulais rester.
Mais ma famille s'y est opposée.
J'ai préféré mourir plutôt que de vivre séparée de lui.
Mort, c'est pour cela que tu me vois chez toi dans la fleur de l'âge115.
115. Complainte chantée par la même Soyo Soro, recueillie à Dikodougou en janvier 1973.
56 ALBERT KIENTZ
douce, à-l'ombre-de-ma-mère. On trouvera en notes les principaux d'entre
eux116.
Les rapports mère-fils ne sont pas perturbés lors du mariage de celui-ci.
En raison de la résidence virilocale pour la mère, souvent patrilocale pour le
fils, il est fréquent qu'ils continuent à faire partie de la même unité
économique. Assurer des funérailles mémorables à sa mère est vécu comme de la plus
haute importance.
Il se peut que pour des raisons graves une mère maudisse sa fille ou son
fils. La scène a de quoi frapper les esprits. Elle enlève son cache-sexe et, nue,
le passe sur le visage de celui ou celle qui entend proférer ces paroles de
malédiction117 : " Mieux eut valu que j'avorte ! Plutôt mourir que de mettre
au monde un enfant comme toi ". La malédiction de la mère est censée
provoquer malheurs sur malheurs jusqu'à entraîner une dissolution de la
personnalité118.
Relations père-enfant.
Dans la complainte citée, le père fait piètre figure. Ses enfants
n'appartiennent pas à son lignage. Les décisions importantes les concernant se
prennent éventuellement contre son gré. On le consulte par courtoisie, mais cela
ne va guère au-delà. Il convient cependant de noter que, lorsqu'un homme a
plusieurs filles, l'initiative pour le choix du conjoint de sa fille aînée lui
revient. Il propose un nom, soumis ensuite à délibération. Comme nous le
verrons dans la partie traitant des alliances, la position la plus avantageuse
consiste à avoir l'initiative pour la benjamine, ceci en raison des nombreux
services attendus des éventuels alliés.
N'ayant sur sa descendance que les pouvoirs que l'on décide de lui
accorder et n'exerçant guère de fonction d'autorité, une relation affectueuse
se noue avec lui. Il nous paraît significatif qu'un des termes d'affection
qu'utilise la jeune fille sénufo pour son amoureux soit to'walo (petit père au teint
noir). Même remarque pour un couple particulièrement uni. L'épouse peut
utiliser pour son mari le terme âbà réservé au père, ceci en raison de sa
connotation affectueuse marquée. Cet usage ne s'observe pas en public.
Dès qu'il est en âge de marcher, l'enfant quitte le dos de sa mère pour
les genoux de son père. Celui-ci témoigne une attention affectueuse à ses
enfants : il les mouche, les essuie, les relève et les console lorsqu'ils sont
tombés, prélève un morceau de sa part de viande pour le leur donner. Lorsque
•les masques frappeurs déferlent sur le village avec la violence soudaine d'un
vent d'avant-pluie, les enfants qu'ils poursuivent en faisant claquer les fouets
116. nďTojio (mère-est-bonne), niMtèhè (mère-est-douce), nôhifêrè (mère-m'a vêtue), nijiunê (à-1
l'ombre-de-ma-mère), nôïuojiô (mère-a-bon-cœur), nâma" (auprès-de-ma-mère), nômÈ?e>fti(renommèe-de-
ma-mère). Ces noms d'éloge sont des anthroponymes féminins.
117. Elle peut aussi se contenter d'agiter le cache-sexe au-dessus de la tête de celui ou de celle qu'elle
maudit. Notons à propos de cache-sexe qu'il est interdit de porter ou même de toucher le cache-sexe de
son père ou de sa mère. La formulation de la malédiction peut varier.
118. La malédiction de la mère est censée transformer le maudit en nu'faá?agá ou en jigirà jígíra,
expressions servant à désigner un individu sans personnalité, privé de considération et frisant la folie.
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 57
se précipitent tout naturellement chez leur père pour y chercher refuge et
protection. Si les petites filles sont rapidement prises en charge par le groupe
de femmes de la cour, c'est au père qu'il incombe d'initier son fils à ses futurs
tâches d'homme. Il lui fait forger une houe adaptée à sa taille et dans le
champ familial lui confie un lopin où il peut faire son apprentissage.
Lorsque l'enfant va résider chez son oncle, les liens avec le père se font
plus lâches sans se rompre toutefois. Même chez les Nafara où l'évacuation
du père est poussée loin — il fait partie d'une autre unité de résidence et de
production que sa femme et ses enfants, il est désigné à l'aide d'un terme qui
en dit long : niboo wii (l'étranger) — , l'oncle invite de temps à autre le jeune
homme à se rendre chez son père soit pour une simple visite, soit pour l'aider
dans les gros travaux.
Si le fils continue à résider et travailler chez son père, des liens
privilégiés s'établissent. Le père sera souvent celui à qui il doit son épouse. Comme
nous le verrons à propos des alliances, dans le cadre du mariage " femme du
fils"119, le père prend une des filles de sa sœur sur laquelle il a autorité en
tant qu'oncle utérin pour la donner en mariage à son fils. De nombreux
anthroponymes donnés généralement aux enfants issus d'une union de ce
type expriment la gratitude du fils à l'égard de son père : père-m'a-porté-sur-
l'épaule, père-a-fait-de-moi-un-homme, père-est-doux. On trouvera, en note,
22 exemples d'anthroponymes de ce type. La liste n'est pas exhaustive120. Il
nous paraît difficile de considérer, à la suite de J. Jamin, la relation fils-père
comme négative et d'en conclure que nous sommes en présence d'un modèle
apparenté à celui des • Tcherkesses patrilinéaires121.
124. Irma, lftitfé, lEmi7ë, Ifnikpéîélé, lřníko'?á, lôupS?o, léhifèrè, МпЭД lêjumi, lřnílugo.
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 61
de frère utérin. Pour les frères utérins le critère de l'âge est déterminant mais
non décisif. J'ai pu observer des cas où un cadet, parce que plus capable,
assumait les fonctions d'autorité.
Relations époux-épouse.
La femme sénufo est donnée en mariage le plus souvent contre son gré.
Il n'y a rien d'étonnant à ce que les relations entre conjoints soient
relativement distantes. La distance est d'ailleurs perçue comme garante de la solidité
de l'union. Bien que rarement, il arrive que la stratégie des alliances entre
lignages coïncide avec les inclinations de la jeune fille et qu'on décide de la
marier à son amoureux. Dans ce cas on charge un intermédiaire de la
prévenir de l'union projetée. Celui-ci lui demande par la même occasion de cesser
de fréquenter son amoureux jusqu'au mariage qui n'interviendra souvent
que l'année suivante. Ceci pour que les futurs conjoints redeviennent en
quelque sorte étrangers l'un à l'autre. " Connaître trop bien le cœur de
l'autre, m'a-t-on expliqué, ne peut que déboucher sur des disputes à venir ".
Cette connaissance donnerait une emprise excessive. Sagesse ? La distance
des relations au sein du couple choque le touriste et les bonne âmes se font
éducatrices. Couples qui ne s'étreignent ni se déchirent.
Mari et femmes mènent des existences relativement indépendantes. Ils
habitent des cases séparées. A chacun son toit. C'est la femme qui, la nuit,
rejoindra son mari. Ses enfants en bas âge partagent sa case. L'unité de
consommation déborde généralement la famille nucléaire. Aux hommes de
fournir le solide (igname, riz pluvial, maïs, viande), aux femmes le liquide
(ingrédients pour la sauce, eau). Ils ont des budgets séparés et lorsque la
femme prépare de la bière de mil ou de maïs, le mari, après une dégustation
gratuite, devra payer sa consommation comme les autres. Le mariage signifie
l'accession à une relative indépendance économique et c'est aux " maris " de
lui fournir les moyens de cette indépendance par l'attribution d'une rizière et
de parcelles pour la culture de l'arachide, de pois sucrés, de légumineuses,
ainsi que par constitution d'un fonds de commerce. Celle-ci s'intègre dans les
cérémonies du mariage. La jeune mariée, après avoir été lavée, vend à des
tarifs exhorbitants de l'eau chaude, de la farine de riz, du beurre de karité
aux membres du lignage du mari. L'argent obtenu lui permet de commencer
un commerce de bière de mil qui lui procurera des revenus réguliers.
La femme témoigne à son mari un respect qui n'a rien de servile. Cette
attitude déférente est davantage déterminée par la différence d'âge que de
sexe. L'écart moyen entre l'âge de l'époux et celui de l'épouse varie selon les
groupes d'âge de l'épouse entre 10 et 15 ans, le mari étant bien entendu plus
âgé125.
Les rapports épouse-époux sont souvent assez difficiles jusqu'à la
première naissance. Lorsque l'enfant paraît, le mari passe au second plan et la
125. ROUSSEL, Louis, 1965, Région de Korhogo, Étude de développement socio-économique, rapport démographique
(Paris, S.E.D.E.S.), fasc. n° 1, p. 52.
62 ALBERT KIENTZ
femme oublie les sentiments de répulsion que celui-ci pouvait lui inspirer aux
débuts de leur vie conjugale. Voici deux complaintes déjeunes épousées
permettant de se faire une image des sentiments que leur inspire parfois leur
mari126 :
126. La première complainte a été chantée par Nergényon Soro à Dikodougou en janvier 1973 ; la
deuxième par Korona Silué à Toufoundé en décembre.
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 63
127. Le chant de kariyà, association des chasseurs, dont nous donnons ici un extrait a été recueilli à
Toufoundé en janvier 1973.
128. Il s'agit du chant du kàfokuo wii, Dièndaha Silué, recueilli à Toufoundé en 1971. Nous disposons
d'un corpus particulièrement fourni de chants de fin d'initiation dont la plupart ont fait l'objet d'une
transcription.
64 ALBERT KIENTZ
Notre Vieille Mère nous convoquait au bois sacré
Parce qu'elle voulait jouer avec ses enfants,
Toi, ma femme, sous le soleil brûlant,
Tu retournais seule notre champ avec ma grande houe.
Vous qui me voyez aujourd'hui sur l'autre rive du fleuve,
Exprimez-lui ma gratitude !
Que Dieu lui donne la santé, à elle et à ses enfants !
Elle n'a pas sa pareille.
La queue de bœuf que vous voyez dans ma main,
C'est à elle que je la dois.
Épouse de ma souffrance d'homme, reçois mes remerciements !
Celles-ci sont très différentes selon que l'on appartient aux " donneurs "
ou aux " preneurs " de femmes. La différence des attitudes est bien typée lors
d'une cérémonie appelée kàkana lii, " manger le bâton ", qui a lieu chez les
Kouflo et forgerons dans les années qui suivent le mariage. Elle est également
attestée chez les Kiembara. Une délégation du lignage donneur se rend chez
le lignage receveur. Elle est composée d'un adolescent accompagné d'une
fillette et d'un garçonnet.
Je me souviens, écrit un des membres de l'équipe130, d'une délégation que j'ai ainsi
conduite à Nerkéné, village où est mariée une de mes lointaines sœurs. Un mercredi
soir, pendant les vacances de Pâques, notre vieux me convoqua :
— J'ai pensé à toi pour " manger le bâton " de ta sœur Tiéhoua à Nerkéné. Vous,
les élèves, vous oubliez moins vite ce qu'on vous dit que les autres. Je vais prévenir
ton père. Reviens demain matin pour que je te donne les instructions.
En me voyant arriver le lendemain, l'oncle me dit, ironique :
— Voici la personnalité importante ! Assieds-toi !
Puis, après m'avoir expliqué l'objet de ma mission, il énuméra tous les menus
griefs qu'il avait à faire à ses alliés : manque de prévenance, paroles indélicates,
services non rendus. Je notais tout sur une page de cahier avec les noms des intéressés et
consignais face à chaque manquement le montant de l'amende que je devais exiger.
Avec mes petits compagnons, je me rendis dans le village où est mariée notre
sœur. Dès notre arrivée, on nous remit un coq rouge et on nous conduisit dans la
cour de l'oncle du mari. On me fit asseoir au milieu des vieux qui me jaugèrent d'un
œil malicieux. J'étais trop jeune, pensaient-ils, pour me souvenir de tout. Ce que ces
vieillards ignoraient, c'est que j'avais tout mis par écrit. Après les salutations d'usage,
on me conduisit dans ma case. Tout était propre et rangé. On venait de la repasser à
l'enduit. Je remarquais toutefois une amulette suspendue au-dessus de la porte. Mon
oncle m'avait recommandé de prendre prétexte de la moindre négligence dans
l'accueil pour me fâcher et m'en aller. Dans ce cas, ils perdraient leur femme. Un enfant
se mit à pleurer, on l'emmena vite au loin de peur que ses cris ne m'indisposent. Un
repas copieux nous fut servi : un poulet entier chacun ! Avant de déposer les plats, les
femmes s'accroupissaient cérémonieusement devant nous. Après le repas, le mari
accompagné de deux amis vint nous saluer. Avant de se retirer, il nous fit remettre
quelques pièces de monnaie.
Le lendemain, après un petit déjeuner particulièrement copieux, je m'allongeais
dans un fauteuil en bambou devant ma case. Je pouvais observer à loisir, paupières
mi-closes, les femmes affairées à piler, les hommes en conciliabule. J'aperçus au
milieu d'eux une grande cage circulaire bourrée de poules et de coqs se débattant
dans un enchevêtrement d'ailes. Ils allaient tous être égorgés et plumés dans la
matinée. Vers midi, l'homme qui avait servi d'entremetteur pour le mariage vint me
prévenir que tout était prêt. Je fis appeler mes deux petits compagnons. Le garçpnnet et
131. ce~sà?a'ri: mot composé de ce- (femme) et -sa Tari (action d'honorer, éloge), pouvant se traduire
approximativement par " glorification des femmes ".
132. A titre d'illustration, voici un extrait de chant appartenant au corpus du Dr. Rémi Fruchard dont
les travaux se caractérisent par un sérieux ethnographique laissant augurer une œuvre de grand intérêt. Il
a été composé par Chidénin Silué, à l'occasion de la mort de l'oncle utérin de son mari, à Tiégana.
Étais-tu un magouillât pour coller ton oreille contre les murs ?
Vagabond infatigable, as-tu enfin trouvé le repos ?
Vous, mes amis, je vous informe que votre oncle s'est enfin lassé d'errer sans cesse à travers le village,
à l'affût des derniers potins qu'il venait ensuite vous rapporter.
APPROCHES DE PARENTÉS SÉNUFO 69
scène leurs maris dans des mimes où l'on verra le chasseur fanfaron fuir à
toutes jambes devant un animal blessé, le mari titubant d'alcool incapable de
retrouver son chemin et d'autres scènes cocasses tirées de la vie de leurs
époux. Elles éviteront cependant toujte allusion blessante à la vie privée. La
partie instrumentale est composé d'un tambour d'eau, d'un tambour en
forme de mortier et d'un résonateur en fer. Les coépouses classificatoires
regroupent toutes les femmes mariées à des individus de même matriclan que
l'époux de la défunte.
Le mari, comme nous l'avons vu à propos du terme fèèrèfolo134 qu'il
utilise pour désigner les membres du lignage de son épouse, a envers eux une
importante dette de reconnaissance. Il leur doit respect déférent et aide
matérielle, en particulier lors des funérailles d'un parent ou d'une parente de
son épouse. La mise à contribution la plus importante s'observe lors du décès
de la belle-mère. Cette situation est exploitée pour faciliter le règlement des
conflits. Lors des jugements, on choisit volontiers son avocat parmi les
donneurs de femme de l'adversaire. Étant son obligé, il accueillera avec respect
et déférence les paroles de l'avocat et le débat se déroulera sur un ton
dépassionné favorable à la conciliation.
133. Dans la zone de l'enquête, la danse báb' est pratiquée par les femmes kouflo et forgerons.
134. Voir partie II, Appellations, Les alliés.
70 ALBERT KIENTZ
jumeaux est resté assis dans le ventre de sa mère et a envoyé le cadet en éclai-
reur. La relation sœur aînée-sœur ou frère cadet est particulièrement
affectueuse. Elle présente de nombreux points communs avec la relation mère-
enfant, la sœur aînée jouant le rôle de mère substitutive.
Parmi les nombreux interdits que l'on inculque aux enfants, il en est un
qui bannit tous jeux et plaisanteries à caractère sexuel entre germains et
frères et sœurs classificatoires. A l'intérieur de la classe d'âge règne par contre
une grande liberté. A moins de se faire obsessionnels, les jeux à caractère
sexuel auxquels se livrent les enfants en bas-âge ne font l'objet d'aucune
réprobation sociale.
Aînés et cadets, ceux que Ego féminin désignent comme " marieurs "135
(cèporôhao), font partie du conseil de famille qui statue sur le mariage des
sœurs. Les complaintes des jeunes mariées que nous avons citées sont
significatives quant aux ressentiments que cette dépendance peut inspirer, ils
assistent en silence aux délibérations s'ils n'ont pas l'âge pour intervenir, mais
leur présence est requise.
La force du lien qui unit les frères utérins, ceux qui sont dits " de même
sein ", est probablement l'une des raisons qui interdit à deux frères de faire
partie d'une même promotion d'initiation. Il est admis que deux frères fas-
ssent leur initiation en même temps, mais à la condition expresse que ce soit
dans des enclos distincts. La présence simultanée de deux frères est perçue
comme une menace pour l'équilibre interne de la promotion. Ce souci
d'équilibre se retrouve à d'autres niveaux : deux frères ne pourront avoir
comme bonne amie deux filles d'une même cour. Ce même souci caractérise
les alliances.
SUMMARY
The first part of this study of a Senufo kinship system describes the descent
system, the roules of incorporation and residence, names and behaviour of three
subgroups, fodombèlè, sénabèlè and fono : bèlè, who cohabit a restricted geographic area
(Ivory Coast Republic, sub-prefecture of Dikodougou). It reconstitutes for these
groups, with a social system in the process of changing, the " traditional " kinship
system, as can be seen in aged generations from the rural milieu. It is done through
statistical and genealogical surveys, and interviews, but favours spontaneous
expression, where there has not been a direct intervention of that poser of questions the
researcher often is. Hence the important place given to extracts of songs, biographies
and other recordings done as circumstances permitted. The section dealing with
alliances, which will appear later, is indissociable from it. Real social engineers, these
Senufo sub-groups are equipped with a set of rules closely linked in an integrated
system allowing a village type society to produce and reproduce a social fabric of an
exceptional cohesion. .