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Amnis

Revue de civilisation contemporaine Europes/Amériques

13 | 2014
De l'usage...
Dossier "De l'usage postcolonial de l'archive"

De l’usage postcolonial de
l’archive. Quelques pistes de
réflexion
CRYSTEL PINÇONNAT
https://doi.org/10.4000/amnis.2187

Résumés
Français English Español
En guise d’introduction au dossier « De l’usage postcolonial de l’archive » proposé dans ce
numéro d’Amnis, cet article présente les différentes contributions qui ont été réunies autour de
la question, tout en les insérant dans une réflexion plus générale. À partir d’elles, il s’agit en
effet d’ouvrir quelques pistes pour penser les différentes façons dont sont utilisées les archives
dans une perspective postcoloniale par les artistes contemporains, écrivains au premier chef,
mais aussi cinéastes et plasticiens.

As an introduction to the file « The Postcolonial Uses of the Archive » included in this issue of
Amnis, this paper presents the various articles, which were gathered around the question,
inserting them into a more global reflection. The purpose of the project is to highlight the
various ways, in which archives are used by contemporary artists – writers primarily, but also
filmmakers and visual artists – in a postcolonial perspective.

A modo de introducción a la parte titulada « Acerca del uso poscolonial de los archivos », este
artículo presenta diferentes trabajos sobre el tema, pero que se insertan en una reflexión
mucho más amplia. A partir de estos estudios, se trata efectivamente de proponer algunas
pistas de reflexión que ayuden a comprender cómo utilizan los documentos de archivo, desde
una perspectiva postcolonial, los artistas contemporáneos, los escritores principalmente, pero
también los cineastas y los artistas plástico.

Entrées d’index
Mots-clés: Archives, postcolonial, fiction
Keywords: Archive, Postcolonial, Fiction
Palabras claves: Archivos, poscolonial, ficción

Texte intégral
1 Comme l’a magistralement montré Jacques Derrida dans Mal d’archive, le processus
de consignation de l’archive va de pair avec une logique d’impression, de répression et
de suppression1. Ces trois termes – si on les entend dans une perspective coloniale –
acquièrent une résonance particulière. En forçant quelque peu leur acception, ils en
viennent à synthétiser les trois modes de domination de celui que l’on appelait
l’indigène : purement et simplement supprimé, ou de façon moins radicale réprimé, ou
encore « imprimé » au sens de « marqué », modelé par l’Empire. Dans une logique
viciée, la « mimésis coloniale » fabrique en effet des « sujets coloniaux “réformés” »,
pour lesquels « être anglicisés [ou francisés], c’est emphatiquement ne pas être anglais
[ou français] »2. Quoi qu’il advienne ces agents demeurent, selon l’expression de Homi
Bhabha, « almost the same but not quite », « almost the same but not white »3.
2 Aujourd’hui, pour mettre à nu les processus de sélection et de répression qui ont
opéré, les artistes qui explorent les fonds de la bibliothèque coloniale articulent souvent
le statut de l’archive (son existence, son absence, voire son refoulement) avec celui de
l’indigène, deux données certes différentes, mais dont les traitements présentent une
certaine similitude. Du même coup, loin de se poser en gardiens de l’archive, ils s’en
font les interprètes irrévérencieux. Contre la logique de conservation propre à l’archive
et face au déficit en matière archivistique dont ils souffrent, les artistes travaillent par
découpage, montage, superposition et surimpression, dénaturant l’archive en lui
donnant de nouvelles enveloppes, parmi lesquelles, au premier chef, le récit de fiction,
littéraire ou cinématographique.

Autour de l’image. Mélange,


subversion et brouillage des codes
3 C’est toutefois plastiquement que Brenda L. Croft, artiste australienne d’origine
aborigène, traduit ce travail de découpage, superposition et surimpression mené sur
l’archive. À travers ses œuvres, l’artiste interroge la « rhétorique nostalgique »4 qui
caractérise les anciennes photographies d’indigènes. Elle les numérise pour y mettre en
valeur ce qu’elle nomme les « versions corrompues d’histoires assainies (passées au
blanc) » (« corrupted versions of sanitised [white washed] stories »5). Dans la plupart
des cas, les photographies sont intensément recolorisées6, comme son œuvre intitulée
Irrisistable/Irresistible, qui prend pour objet un ancien cliché de femme aborigène. En
procédant par superposition de plans, de couleurs, de jeux d’ombres et d’inscriptions,
par insertion d’encarts aussi, Brenda Croft brouille l’image originale, mêlant éléments
du passé et techniques de recomposition graphique contemporaines. Elle produit ainsi
ce que Ghassan Hage nomme une « mémoire polluante » (« polluting memory »7) qui
met à mal l’aborigénisme colonial.
4 Dans Vénus noire (2010), le réalisateur Abdellatif Kechiche opère différemment. Il
adopte les conventions du film d’époque pour narrer, à travers un regard froid, glaçant,
les cinq dernières années de la vie de Saartjie Baartman. Cette enveloppe fictionnelle
retravaille divers éléments – faut-il parler d’archive ? – parmi lesquels le moulage du
corps de Sara, « grévinisation » mortifère que le public parisien put contempler
jusqu’en 1974, date où il fut retiré (avec les autres restes de la jeune femme) de la
galerie d’anthropologie physique du Musée de l’Homme. Le parti pris d’A. Kechiche
tend à naturaliser divers documents d’époque. Objet qui focalise les regards, celle que
l’on appelait « la Vénus hottentote » est le produit d’un point de vue colonial qui
l’animalise et lui refuse le statut de sujet. Dans le générique de fin cependant, le
réalisateur rompt avec les conventions qu’il a adoptées tout au long du film. Il donne à
voir des extraits des obsèques de Saartjie Baartman, célébrées le 9 août 2002 – après la
restitution de son corps par la France à l’Afrique du Sud –, obsèques célébrées en
présence du Président Thabo Mbeki, d’officiels et de représentants de la communauté
khoi à laquelle elle appartenait. Dans l’ère post-apartheid, cet événement (organisé le
jour de la journée des femmes en Afrique du Sud) fit de Sara un symbole national,
contribuant à donner au site où elle fut inhumée et d’où elle aurait été originaire le
statut de lieu de mémoire8. Avec la double perspective du film d’époque, d’une part, et
du générique de fin contemporain, d’autre part, A. Kechiche – en scindant deux temps
chronologiquement éloignés – couvre toute la destinée historique de Sara Baartman.
Pour ce faire, il joue sur deux modalités narratives distinctes dans le traitement de
l’archive : la modélisation biographique par le biais de la fiction filmique correspond au
temps de l’exhibition et de l’exploitation de l’Africaine ; les insertions brutes d’extraits
d’informations dans le générique montrent, quant à elles, son accès post mortem au
statut de sujet.
5 La forme du documentaire suscite d’autres procédés. Dans Ici on noie les Algériens
(2010), Yasmina Adi croise tout au long de son film les récits de témoins du 17 octobre
1961 avec divers documents d’archive. Édouard Mills-Affif et Julien Gaertner opèrent
encore différemment dans Nouvelle vague. Quand le cinéma prend des couleurs
(2012). Ils choisissent en effet d’alterner extraits de films, archives de la télévision et
témoignages de réalisateurs et de comédiens (depuis la génération qui, durant les
années 80, s’est vue confinée dans le rôle de « l’Arabe de service » jusqu’à la révélation,
deux décennies plus tard, de l’actrice Sabrina Ouazani, découverte dans L’Esquive d’A.
Kechiche). Nourrie de la thèse de Julien Gaertner intitulée « “L’image de l’Arabe” dans
le cinéma français de 1970 à nos jours », se dessine dans cette recomposition une page
de l’histoire culturelle de la France qui, dans son montage, traverse les clichés accolés à
l’Algérien, cet immigré longtemps ignoré par le cinéma national. Ironie de cette page
d’histoire, à défaut de véritables images d’archives, c’est très souvent Mektoub d’Ali
Ghanem (1969), « le premier long métrage de fiction à dénoncer de plein fouet les
conditions de vie des immigrés maghrébins en France »9 dont des extraits sont repris
ici et là en guise d’images d’archive. La réception de Mektoub à sa sortie (quelques
semaines avant Élise ou la vraie vie, adaptation cinématographique du roman de Claire
Etcherelli) explique l’usage qui en est fait aujourd’hui. On a reproché au film ses
« faiblesses narratives », ses « insuffisances techniques »10qui faisaient de lui une
fiction peu « cinématographique au sens spectaculaire du terme »11. La critique parue
en 1970 dans Le Figaro semble annoncer l’usage détourné qui sera fait du film : » plus
proche du reportage ou du documentaire télévisé que des œuvres du néo-réalisme », la
fiction souffre de « la spontanéité et du naturel des protagonistes, dont aucun n’est un
acteur professionnel […] ce qui renforce la véracité du document tourné, la caméra au
poing, ou presque, avec des moyens modestes »12. Aujourd’hui, l’ironie historique veut
que les faiblesses d’un film comme Mektoub le promette à une nouvelle destinée : il
vient combler le déficit archivistique qui caractérise le sujet.
6 Brouillage entre archive et fiction, voire création d’un document d’archive par le biais
de la fiction (phénomène analysé par Mónica Quijano dans « Postcolonialité et archive :
le cas du roman de l’après-guerre et l’héritage du conflit armé au Guatemala »), toutes
les combinaisons semblent possibles. Si Assia Djebar produit, pour sa part, « des
archives vivantes13 en filmant les femmes d’une Algérie méconnue », le Libanais Rabee
Jaber travaille, quant à lui, à partir d’archives numériques. D’autres encore opèrent par
collage ou montage, soulignant le procédé par l’usage de pointillés (comme Maalouf
dans Origines14) ou livrant, comme Wajdi Mouawad dans « Je t’embrasse pour finir »15,
un ensemble de fragments dispersés comme ceux d’un puzzle – stratégies analysées
dans leur variété par Ines Horchani dans « D’Alger à Damas, des auteurs en mal
d’archives ? ». Toutefois, au-delà, ces exemples posent d’emblée les principales
questions qui nous intéresseront dans ce dossier d’Amnis : est-ce du fait de son déficit
en matière archivistique que la période coloniale se prête plus spécifiquement au travail
de réélaboration de l’archive ? Cette réinvention artistique met-elle systématiquement à
mal l’autorité de l’archive ou assiste-t-on, au contraire, à une recapitalisation détournée
de son autorité ?

Stratégies littéraires. Dédoublement,


édulcoration, vampirisation et usage
de faux
7 Dans la fiction, il est assez rare que le travail mené sur l’archive par l’écrivain soit
commenté au sein du récit ; le plus souvent, cet élément est rejeté dans un paratexte qui
vient rétrospectivement éclairer les recherches effectuées. Dans Señores bajo los
árboles. Brevesíma relación de la destrucción de los Indios (1994) du Guatémaltèque
Mario Roberto Morales par exemple, ce n’est – comme le mentionne Mónica Quijano
dans son analyse du roman – que dans un prologue livré dans la deuxième édition du
texte que l’auteur en explicite l’origine : des photocopies, transcriptions de témoignages
de paysans mayas anonymes. In a Antique Land d’Amitav Ghosh perturbe toutefois ce
fonctionnement. Texte au statut ambigu qualifié par la critique de « récit de voyage »,
de « travelogue » ou d’« essai », sa construction est des plus complexes. Comme le
montre Claudine Le Blanc dans la contribution qu’elle consacre ici à ce texte, In an
Antique Land (1992) constitue en effet le double de l’article qu’A. Ghosh a publié la
même année en tant qu’anthropologue dans la septième livraison des Subaltern
Studies, « The Slave of MS. H.6 »16. Il « en reprend la matière historiographique »,
faisant du texte « l’autre littéraire d’une recherche historique accueillie parmi les
travaux les plus neufs de son temps ». Pourtant (je cite là encore Claudine Le Blanc)
« ni l’article, ni le récit ne se mentionnent l’un l’autre : ce n’est pas un rapport de
succession, mais d’exclusion qui ordonne les deux textes, en débouchant sur l’abandon
par Ghosh de l’histoire au profit de la littérature. » Dédoublement et déguisement
comme dans le cas présent ou expulsion du commentaire dans les marges du récit, de
telles pratiques rendent le parti pris adopté par Tierno Monénembo dans Le Roi de
Kahel, roman paru en 2008, d’autant plus étonnant. Dans ce texte, T. Monénembo
s’intéresse à une figure marginale de la conquête coloniale, peu connue en France mais
célèbre en Guinée, Aimé Victor Olivier de Sanderval. Ayant obtenu l’autorisation de
consulter les archives familiales par les héritiers de l’explorateur et en ayant largement
nourri son récit, le romancier choisit – comme le montre l’analyse des citations menée
par Florence Paravy dans son article – d’édulcorer le contenu de ses sources. T.
Monénembo estompe systématiquement le racisme du personnage historique. Alors
que ce dernier, dans De l’Atlantique au Niger par le Foutah-Djallon : carnet de voyage
publié en 1882, écrivait par exemple à propos des Africains : « ils ont l’inertie
indifférente de la bête qui va où on la pousse et s’arrête dès qu’on cesse d’agir sur
elle »17, le portrait qu’en brosse T. Monénembo contribue à forger (je cite F. Paravy)
« un personnage romanesque qui emporte globalement la sympathie du
lecteur »18. Rien d’une telle édulcoration chez J. M. Coetzee et Caryl Phillips qui
produisent respectivement avec « The Narrative of Jacobus Coetzee » (« Le récit de
Jakobus Coetzee ») et Cambridge des « pastiches imaginaires » qui mêlent « à
l’authentique “d’époque” […] la copie d’ancien »19. Le prix Nobel sud-africain présente
« The Narrative of Jacobus Coetzee » (texte analysé dans ce dossier par Odile Gannier)
comme la traduction qu’il aurait faite du néerlandais vers l’anglais d’un document
d’archive datant de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Le récit se présente comme une
longue nouvelle censée donner à lire au lecteur contemporain une retranscription de la
déposition orale d’un Boer ayant mené une expédition au pays des Grands Namaquas
en 1760, colon qui – comme le souligne l’onomastique – serait l’ancêtre de J. M.
Coetzee. L’effet produit sur le lecteur est ici immédiat : le récit de Jakobus Coetzee le
révulse dès les premières pages. La lecture le propulse dans un univers sanglant. Sans
presque de préambule, le lecteur est contraint de subir la typologie que le chasseur
d’hommes dresse de ses différentes proies : « ces créatures [les Bochimans] circulent
beaucoup, ils sont comme des chiens, ils peuvent courir tout le jour sans fatigue […]. La
seule manière de tuer le Bochiman est de le surprendre dans un espace découvert où on
peut le rattraper à cheval »20. J. M. Coetzee n’a nullement préparé le lecteur à lire un tel
texte ; il tire profit, sans préavis, brutalement, de la violence de l’archive. Dans la
« Préface du traducteur » qu’il signe de son nom, il se contente en effet de retracer en
une page l’histoire des différentes éditions dudit récit, sans avertir son lecteur de sa
barbarie. La stratégie adoptée par C. Phillips dans Cambridge peut sembler plus
subtile. Le romancier y reproduit comme « par ventriloquie » (« ventriloquizes »21 )
certaines des formes littéraires coloniales les plus caractéristiques : il emprunte tant à
la tradition du récit de voyage qu’à celle du récit de vie d’esclave. Chez lui cependant,
contrairement à ce qui se produit chez Coetzee, les emprunts sont rendus invisibles : on
ne prétend pas nous faire lire un document d’époque, le lecteur est d’emblée plongé
dans une fiction composée de deux éléments – le journal de voyage d’Emily Cartwright,
Britannique partie à la fin du XVIIIe siècle pour une île des Caraïbes, journal suivi du
récit qu’un esclave fait de sa vie à la veille de son exécution. Dans Cambridge, seuls les
commentateurs avertis repèrent la principale source : une bonne partie du journal
d’Emily Cartwright reprend Journal of a Lady of Quality de Janet Schaw, célibataire
issue d’une famille écossaise fortunée qui, à l’âge de trente ans, avait entrepris le voyage
vers Antigua et Saint Kitts autour de 1775. Son journal s’inscrit dans la tradition de ce
que l’on a pu nommer « l’idylle impériale » (« the romance of Empire »22), une
tradition qui célèbre la luxuriance des colonies, leur beauté et l’abondance de leurs
richesses : la scène coloniale fait spectacle, incitant à « naturaliser » d’autant ses
personnages, en particulier les corps noirs. C. Phillips s’inspire non seulement pour le
personnage d’Emily de Janet Schaw, mais il plagie également plusieurs passages de son
journal. Il reprend deux scènes en particulier : le spectacle offert par un cortège
d’esclaves aux corps marqués de coups de fouet et la frayeur suscitée par une « petite
troupe de singes » (« parcel of monkeys »23) qui se révèlent être des « enfants noir, nus
comme Dieu les avaient faits »24. Tant la fausse archive chez Coetzee (cf. Odile Gannier,
« Faux et usage de faux : la forme de l’archive dans “The Narrative of Jacobus Coetzee”,
de J. M. Coetzee ») que les traces invisibilisées de l’archive chez Phillips produisent un
même effet, elles ébranlent l’horizon d’attente du lecteur, de façons toutefois
différentes. Coetzee rompt le pacte de bienséance qui voudrait qu’un romancier
contemporain ne se fasse pas le passeur odieux – ni même le traducteur méticuleux
(« j’ai observé l’orthographe Krönlein pour la transcription des mots nama »25, précise-
t-il) – d’un texte détestable. Phillips met, quant à lui, son lecteur en porte-à-faux. Emily
(tout comme Janet Schaw d’ailleurs), malgré son observation de la scène coloniale et de
ses atrocités, approuve l’institution de l’esclavage. En elle se défait le lien que le lecteur
contemporain a tendance à établir entre positions féministes et convictions anti-
esclavagistes26. Au début du roman, tout semblait en effet préparer Emily, isolée,
déclassée, à développer une certaine empathie avec la population noire, elle que peu de
choses paraissaient distinguer d’une esclave. Vieille fille offerte à un veuf de vingt ans
son aîné pour accompagner sa fin de vie (l’anglais est explicite : « offered […] as a mode
of transportation through life »27), elle constitue une monnaie d’échange pour son père
qui éponge, grâce à ce marché, ses dettes de jeux. Néanmoins, malgré le poids d’une
société patriarcale qui décide pour elle et la dépossède de sa destinée, loin de se défaire
sous les tropiques « des paniers, des corsets et des baleines »28 qui l’entravaient en
métropole, Emily se rigidifie encore : son journal a pour elle « vertu orthopédique ». Il
est le lieu où se redresse, en elle, le sujet blanc britannique. Elle y assoit son autorité et
une auctorialité – un statut d’auteur de sa vie et de son récit – qu’elle n’a jamais eues
par ailleurs.
8 Ces quelques exemples montrent qu’autour de l’archive se nouent des relations
complexes qui mettent en jeu différentes formes d’autorités : autorité de l’auteur certes,
voire parfois abus d’autorité comme chez Coetzee, le traducteur, prétendant assurer la
transmission d’un texte dont il paraît pourtant difficile de se revendiquer l’héritier, et
autorité de l’archive aussi bien sûr – même spectrale – comme chez Brenda Croft, C.
Phillips ou encore Horacio Castellanos Moya. Chez ce dernier, comme le montre
l’analyse d’Insensatez (Déraison, 2004) menée par Mónica Quijano dans le présent
dossier, le roman – en remettant en circulation les fragments de témoignages qu’ils
absorbent – vampirise leur puissance. Malgré le cynisme du narrateur, les phrases qu’il
relève parce qu’elles le fascinent pour leur qualité littéraire viennent peu à peu le hanter
et le poussent à la folie. Faudrait-il dès lors, du fait de leur impact sur leur lecteur,
considérer les archives et leur fréquentation comme dangereuses ? Comme l’indique le
titre pour lequel a opté H. Castellanos Moya : Insensatez (Déraison), les fictions jouent
souvent sur le caractère inquiétant de la matière première qu’est l’archive et sa
puissance de contamination. Tantôt elles la livrent brute, comme pour vampiriser sa
violence, tantôt, au contraire, elle est empaquetée, mise à distance, comme pour
neutraliser sa charge négative. Dans Crossing the River (La Traversée du fleuve) par
exemple, C. Phillips rompt avec la stratégie d’invisibilisation de l’emprunt. Il commente
sous forme de « Remerciements » le travail qu’il a mené sur les archives : « J’ai utilisé
de nombreuses sources pour préparer ce roman, mais je tiens à exprimer ma
reconnaissance particulière à l’égard du Journal of a Slave Trader de John Newton,
écrit au XVIIIe siècle, qui m’a fourni une base incomparable de recherches pour la
troisième partie »29. John Newton est le seul à être nommément cité. La mention de
cette source semble intercaler une paroi protectrice entre le discours de la fiction
pleinement endossé par l’auteur et celui, mis à distance parce qu’en rupture avec la
pensée humaniste, du marchand d’esclaves.

Archives, construction nationale et


béances de l’histoire
9 C’est encore la question de l’autorité qui resurgit dans des cas de stratégies littéraires
beaucoup moins élaborées. En l’absence d’une histoire nationale édifiée et « préservée
quelque part dans les bibliothèques, sous forme de volumes semi-divins »30 – soit une
histoire qui fait autorité comme le souligne ironiquement l’expression « volumes semi-
divins » – le travail d’archives s’impose, comme le constate V. S. Naipaul dans The
Enigma of Arrival (L’Énigme de l’arrivée). « Je choisis d’écrire sur Port of Spain, ma
ville d’origine, parce que je pensais que cela me serait facile et aussi parce que je croyais
qu’il n’y aurait pas trop de matière […]. Je pensais que ce livre serait l’affaire de
quelques mois […]. Puis je m’aperçus qu’il n’existait pas vraiment d’ouvrage de
référence »31. En s’intéressant à l’histoire de son île, V. S. Naipaul découvre que,
contrairement à ce qu’il croyait, la vérité historique concernant Trinidad n’est
consignée dans aucun ouvrage, il lui faut se « reporter aux documents eux-mêmes. Cela
me parut d’abord très irritant ; puis les documents commencèrent à me captiver »32.
10 De telles béances historiques permettent de rapprocher le travail d’un historiographe
comme Anton de Kom de l’invention des identités nationales telles qu’elles ont été
élaborées en Europe au cours des XVIIIe et XIXe siècles, souvent à partir de sources,
elles aussi, réinventées. Comme l’étudie Kim Andringa dans son article, Anton de Kom
(1898-1945) est un auteur noir surinamien qui, dès 1920, nourrit le projet d’écrire une
histoire du Surinam, pour éveiller la conscience de soi de son peuple et lui donner ses
propres héros nationaux. Le livre, intitulé Wij slaven van Suriname (« Nous, esclaves
du Surinam ») paraît en 1934. À travers son ouvrage, De Kom reprend des écrits
historiques, textes d’archives et documents officiels, œuvres d’Européens pour les
transformer par un renversement de perspective et les rendre à son peuple, produisant
ainsi la première histoire du Surinam écrite du point de vue des colonisés. Avant
l’indépendance obtenue en 1975, De Kom dote donc le Surinam d’une partie du capital
matériel et symbolique que nécessite une nation pour attester de son existence et
obtenir sa reconnaissance politique : « une histoire établissant la continuité avec les
grands ancêtres et une série de héros parangons des vertus nationales »33, soit deux
éléments identitaires fondamentaux. Wij slaven van Suriname donne de fait à De Kom
la stature d’une grande figure nationale, comme en témoigne son effigie sur certains
billets émis par la banque nationale du Surinam.
11 Par-delà le travail historiographique propre aux constructions nationales pré- et
post-indépendantistes, dans un certain nombre de textes contemporains, la passion de
l’archive conduit à explorer les souterrains de l’histoire nationale pour faire entendre
ses silences. En France, Meurtres pour mémoire de Didier Daeninckx, publié en 1984,
constitue l’un des exemples les plus retentissants de ce type de démarche et ce sur un
double plan. Dans la plus pure tradition policière, le roman s’ouvre sur un meurtre
commis au début des années 80. Cependant, le récit d’investigation a ceci d’original
qu’il emboîte ici deux enquêtes : celle menée par l’inspecteur Cadin pour élucider le
meurtre de Bernard Thiraud, affaire qui le conduit à tenter de comprendre ce que
recherchait la victime au moment de son assassinat. Cette piste mène l’inspecteur aux
archives de la Préfecture de Toulouse. Il y retrouve non seulement le carton où Bernard
Thiraud avait inscrit l’objet de sa requête, mais aussi une fiche datée du 13 octobre 1961
où figure le nom du père de la victime : Roger Thiraud, tué dans la nuit du 17 octobre
1961. L’enquêteur en déduit que le père et le fils ont vraisemblablement été tués pour
avoir consulté les mêmes documents d’archive, soit l’« ensemble de la cote DE ». La
fiche où figure la requête du père est reproduite dans le texte. Il s’agit certes d’un faux,
mais ce prétendu morceau de réel qui vient rompre le fil du récit donne corps à la libido
sciendi qui a animé tous les acteurs du texte : l’inspecteur, les victimes Thiraud père et
fils, ainsi que l’auteur du roman, Daeninckx. Par le biais de cette fausse archive, sont
reliées deux pages sombres de l’histoire française : la manifestation du 17 octobre 1961
et la déportation d’enfants juifs supervisée par de zélés fonctionnaires français. Le
roman cependant ne s’attache guère à la période de l’Occupation connue des lecteurs, il
s’ouvre dès les premières pages sur le massacre des Algériens dans la nuit du 17
octobre. Le premier meurtre, celui de Thiraud père, a été perpétré durant cette nuit
sanglante, événement-écran qui, dans l’intrigue, permet de liquider un homme parmi
tant d’autres sans plus attirer l’attention. Cette scène-écran acquiert toutefois ici un
statut paradoxal : si, dans la perspective policière, elle sert de « couverture » au
meurtre, sur le plan historique, en 1984, elle révèle au lecteur un événement demeuré
refoulé dans la mémoire française. Livrée in medias res dans la perspective de plusieurs
personnages, la scène occupe le premier plan du roman et acquiert le « caractère
d’intensité isolée et incompréhensible »34 du souvenir-écran. Ici cependant, loin
d’« obture[r] le champ de la conscience »35 du lecteur, elle y explose dans sa violence
inouïe, violence décuplée par le refoulement et le silence qui ont longtemps frappé
l’événement. On comprend mieux dès lors le rôle fondamental qu’a joué Meurtres pour
mémoire dans l’inscription du 17 octobre 1961 dans la mémoire collective française, et
ce bien avant le procès Papon qui a eu lieu en 1997. Si, comme le notent certains
historiens, « la tuerie du 8 février 1962 au métro Charonne [a] curieusement éclips[é] le
massacre du 17 octobre 1961 »36, Daeninckx redonne à l’événement sa juste mesure. Ce
renversement explique le succès de Meurtres pour mémoire, les prix remportés par le
roman, et l’importante couverture médiatique dont il a bénéficié et qui a largement
dépassé le cadre des publications consacrées au roman policier. En France, Daeninckx a
ainsi été l’un des premiers à pratiquer ce que l’on a pu appeler le « thriller de la
mémoire historique », une forme de roman noir dont l’enjeu réside « dans
l’exhumation de la “trace” et de la mémoire comme armes du combat idéologique dans
une société “qui n’arrête pas de tout effacer” »37. En cela l’enquête menée par
l’inspecteur ne fait que redoubler, sur un autre plan, celle menée par l’écrivain qui
déclare dans un entretien :

J’avais l’idée de raconter la manifestation du 17 octobre 1961 […]. Il y avait des


lieux qui n’existaient plus comme le bidonville de Nanterre. J’ai réussi à trouver
à Beaubourg un montage diapos sur le bidonville ; un sociologue avait restitué
le plan des rues et racontait l’histoire de leur construction. […] Ce souci
d’ausculter le réel, ce n’est pas faire un travail sociologique […]. Ce que je fais
c’est prendre à toutes les sciences sociales une partie de leurs méthodes pour
m’en bricoler une. […] Ce n’est pas de la reconstitution historique, du roman en
costume, mais une volonté de redonner une vérité à des choses fictionnelles.38

12 Comme l’écrit Ines Horchani dans « D’Alger à Damas, des auteurs en mal
d’archives ? », Didier Daeninckx rassemble « pour ce roman […] une documentation
très riche, souvent extraite d’archives réelles (journaux39, fichiers40) mais dont il ne fait
pas un usage scientifique. Peu de notes de bas de pages, pas de bibliographie, comme si
cette documentation n’avait pas de valeur sûre, comme s’il fallait s’en méfier. » Dans
Meurtres pour mémoire, l’exposition (exposition de l’intrigue et exposition de la scène
parisienne le soir du 17 octobre) – qui va de pair avec le choix de la fiction – interdit
d’adopter une démarche historienne41. Le romancier bénéficie en cela d’un double
privilège par rapport aux chercheurs dont il utilise les travaux : « il touche plus de
lecteurs, et il les touche plus profondément, parce qu’il raconte l’histoire non de
l’extérieur, non avec une vue cavalière, mais à hauteur d’homme »42. Dans
« Postcolonialité et archive : le cas du roman de l’après-guerre et l’héritage du conflit
armé au Guatemala », sur une tout autre scène historique, Mónica Quijano montre
également l’impact que la fiction donne à l’archive en organisant sa circulation. Le
lecteur, dernier maillon d’une chaîne qui emboîte diverses formes de libido sciendi, est
ainsi construit en récepteur d’une rare sensibilité.
13 Aujourd’hui, en France et dans le monde occidental, par-delà la série noire, un autre
genre très en vogue noue enquête et passion de l’archive : le récit de filiation, soit selon
la définition qu’en donne Carine Trevisan, un texte qui prend « la forme d’une quête ou
d’une enquête sur l’ascendance et s’interroge sur les liens de filiation, le processus et
l’objet de la transmission, enfin sur l’identité du narrateur comme héritier
problématique »43. Pour illustrer cette forme, je m’appuierai sur deux textes forts
différents : Moze (2003) de Zahia Rahmani et Un sujet français d’Ali Magoudi (2011).
Dans Un sujet français, A. Magoudi a tendance à s’emparer de la formule, désormais
popularisée par le succès mondial de The Lost. A Search for Six of Six Million (Les
Disparus) de l’Américain Daniel Mendelsohn, paru en 2006. A. Magoudi narre par le
menu les heures qu’il a passées dans les archives pour reconstituer la trajectoire de son
père et comprendre comment Abdelkader Magoudi a pu rencontrer sa mère, une
Polonaise, à Varsovie en 1942. Pas à pas, l’auteur rend compte de l’enquête qui lui
permet de reconstituer l’étrange destinée paternelle. Le lecteur suit chacune des étapes
de ce – parfois fastidieux – travail d’investigation qui mène A. Magoudi de fonds
d’archives en fonds d’archives, certains documents et échanges de courriers étant
intégralement restitués dans le texte. Moze de Zahia Rahmani, publié en 2003, soit bien
avant la vogue des récits d’enquête qui se sont multipliés en particulier parmi les
descendants des victimes de la Shoah, relève plutôt de ce que j’appellerais le récit de
deuil. Ce texte ne vise pas à restaurer l’image de ce personnage que certains
sociologues, comme Ahmed Boubeker, ont pu nommer le « zoufri », ce travailleur
immigré qui a laissé ses enfants (je reprends ses termes) « sans héritage, sans message,
sans histoire, sans lieu »44. Sa visée est autre. À travers le récit, justice est réclamée au
nom de Moze, le père de la narratrice, un supplétif de l’armée française :
Il a rejoint ses compagnons d’armes le 11 novembre 1991. À 8h30, on l’a vu qui
saluait le monument aux victimes de la Grande Guerre. À 9h15, deux chasseurs
le trouvaient noyé flottant dans l’étang communal. Ses lunettes et son chapeau
étaient près de lui.45

14 Là où J. Altounian parle de « texte-linceul »46, enveloppe scripturaire qui permet


d’inscrire les restes du mort, de les mettre en terre en le mettant en mots, je serais
tentée de qualifier Moze de « texte-stèle ». Construit en cinq parties, presque cinq actes
(« La Mort », « La Sépulture », « La Justice », « La femme de Moze », « Moze parle »),
ce récit livre les pièces d’un procès qui ne s’est jamais tenu, afin de demander justice
pour un père et ses compagnons d’armes :

[…] 20 000 morts ? 30 000, 90 000, 100 000, 130 000 harkis fusillés ! Ou
lynchés ou brûlés ? 150 000, 180 000 soldatmorts [sic] ignorés ? 200 000, 250
000, 300 000, 400 000 matricules ! […] 1 000 000, 2 000 000, 5 000 000,
plus, plus encore ! Tous les contrats ont eu un matricule et ces documents sont
archivés. On sait leurs noms. Qu’on nous les dise les noms des disparus ! Qu’on
nous les donne les noms ! Donnez-les !47

15 Pour asseoir la plainte d’un homme qui, toute sa vie durant, n’aura été « qu’un
réclamant » (« Il voulait un statut d’ancien combattant, une pension militaire, des
papiers spéciaux, un droit d’inventaire pour ce qu’il avait sacrifié, ses terres, ses arbres,
ses biens, ses bêtes et surtout un droit au repos pour oublier »48), Z. Rahmani reproduit
dans son texte deux documents officiels concernant Moze : une attestation de service
dans les formations supplétives, d’une part, et l’acte de reconnaissance par le Ministère
des Anciens Combattants et Victimes de Guerre de son arrestation par les autorités
algériennes et de son internement dans différents camps entre 1962 et 1967, d’autre
part. Z. Rahmani produit là des faux, faux qui une fois encore viennent combler les
béances de l’histoire. Comme elle l’écrit : « l’enjeu est de faire comprendre que la
falsification des documents peut parfois relever d’une volonté de rendre justice, quand
l’archive “réelle”, celle qui aurait pu être constituée pour sauver l’homme que l’on
sauvera avec des faux documents, cette archive réelle était dans le contexte historique
impossible à faire »49. « Fausse » archive donc qui, « devenue archive, s’exerce des deux
côtés de la Méditerranée à des fins de faire dire aux archives une postérité qui aura été
elle-même construite de toute pièce »50.

Conclusion
16 Pour clore cette introduction du dossier « De l’usage postcolonial de l’archive », je
reviendrai sur la célèbre expression de G. Spivak citée à l’envi : « The subaltern cannot
speak »51 (« le subalterne ne peut pas parler »). Face à des populations muettes, mises
au silence, ne possédant pas les moyens de leur propre expression, l’historien décrypte
des récits de vie en travaillant sur des archives, des fragments d’existences qui
ressassent souvent inlassablement, dans leur infinie variation, la même histoire : celle
d’hommes et de femmes qui tentent de survivre, de vivre malgré tout. Les productions
que j’ai rapidement présentées ici procèdent différemment. L’artiste fait oeuvre à partir
d’une histoire dont il se sent investi. Aussi violente soit-elle (songeons à Coetzee livrant
le récit de Jakobus, mais aussi à Rodrigo Rey Rosa dans El material humano [2009]), il
endosse ce fardeau pour le partager et se défaire peut-être de ce legs négatif qui le
hante. Mais que dire d’Ishi, le dernier des Yahis, figure analysée par Carine Trevisan ?
Nul encore n’a réécrit, dans une perspective postcoloniale, l’histoire de cet « homme
archive » qui passa les cinq dernières années de sa vie dans un musée à San Francisco.
Aujourd’hui, la parole n’est pas à ses descendants – il n’en a pas – mais aux héritiers de
Kroeber, l’homme qui l’enferma dans un musée, et aux anthropologues spécialistes des
Amérindiens de Californie. Parmi eux, Herbert Luthin et Leanne Hinton soulèvent une
question fort simple, qui peut sembler secondaire : pourquoi les histoires narrées par
Ishi sont-elles, de façon si manifeste, tellement différentes de celles des autres locuteurs
yahis répertoriées ? Généralement, dans le corpus connu de cette littérature orale
amérindienne, l’accent est mis sur l’intrigue, la trame principale du récit. Les histoires
d’Ishi, en revanche, fonctionnent autrement : elles s’attachent au décor de la scène et
aux détails de la vie quotidienne. Comment expliquer une telle différence ? Ishi livrait-il
ainsi aux spécialistes la matière dont ils étaient friands ? En couverture de livre,
certaines illustrations ont beau représenter Ishi tel un papillon épinglé sur une toile, il
offre contrairement à l’archive la résistance et l’énigme du vivant52.

Notes
1 Derrida, Jacques, Mal d’archive, Paris, Galilée, [1995] 2008, p. 49.
2 Bhabha, Homi, The Location of Culture, Londres/ New York, Routledge, 1994, p. 87 ; pour la
traduction française de Bouillot, Françoise : Les Lieux de la culture, Paris, Payot, 2007, p. 151.
3 Ibid., p. 89 ; je rectifie la traduction de F. Bouillot (ibid., p. 153) pour conserver l’effet de
rime : « presque le même, mais pas totalement », « presque le même, mais pas blanc ».
4 Croft, Brenda L., « Exhibition Description », http://www.stillsgallery.com.au, site consulté le
13 févr. 2009.
5 Ibid.
6 Cf. Les quelques œuvres de l’artiste présentées en ligne par la Stills Gallery,
http://www.stillsgallery.com.au/artists/croft/, site consulté le 17 juill. 2014.
7 Cf. Hage, Ghassan, » Polluting Memories : Migration and Colonial Responsibility in
Australia », « Race » Panic and the Memory of Migration, Traces : A Multilingual Series of
Cultural Theory and Translation, sous la direction de : Morris, Meaghan et Bary de, Brett,
Hong Kong, Hong Kong U.P., pp. 323-362.
8 Cf. Burrows, Fiona, « Sara Baartman : Exhibition, Representation and the Future »,
http://historicalstudiesuct.files.wordpress.com/2012/04/3-fiona-burrows.pdf, site consulté le
22 septembre 2012.
9 Hennebelle, Guy, « Cinéma de l’émigration », CinemAction, n° 8, été 1979.
10 Libération, 11 mars 1977, cité par Gaertner, Julien, dans « Vitalité artistique et poids
économique des Français d’origine maghrébine dans le paysage cinématographique français »,
Images et représentations de Maghrébins dans le cinéma en France, Migrance 77, Paris,
Éditions Mémoire-Génériques, 1er sem. 2011, pp. 65-73, p. 67.
11 Gaertner, Julien, « Vitalité artistique et poids économique des Français d’origine
maghrébine dans le paysage cinématographique français », ibid.
12 Le Figaro, 2 oct. 1970, cité par Gaertner, Julien, ibid.
13 Cf. Djebar, Assia, « La nouba des femmes du Mont Chenoua » (1978) et « La zerda ou les
chants de l’oubli » (1982).
14 Cf. Maalouf, Amin, Origines, Paris, Grasset, 2004, p. 20 et p. 481.
15 Cf. Mouawad, Wajdi, « Je t’embrasse pour finir », in Pour une littérature-monde, sous la
direction de : Le Bris, Michel et Rouaud, Jean, Paris, Gallimard, 2007, p. 187.
16 Partha Chatterjee, Gyanendra Pandey (dir.), Subaltern Studies VII. Writings on South
Asian History and Society, New Delhi, Oxford University Press, 1992, pp. 159-220.
17 Sanderval, Aimé Olivier, Vicomte de, De l’Atlantique au Niger par le Foutah-Djallon :
carnet de voyage, Paris, P. Ducrocq, 1882, p. 89.
18 Paravy, Florence, « D’un Empire à l’autre : l’imaginaire Roi de Kahel », Les Empires de
l’Atlantique XIXe-XXIe siècles, sous la direction de : Clavaron, Yves et Moura, Jean-Marc,
Bécherel, Les Perséides, 2012, pp. 239-252, p. 246.
19 Genette, Gérard, Palimpsestes, Paris, Seuil, « Points/Essais », p. 177.
20 Coetzee, John Maxwell, Terres de crépuscule, traduction française de Catherine Lauga du
Plessis, Paris, Seuil, « Points », 1987, p. 87 ; pour le texte original : « the creatures get around
a lot, they are like dogs, they can run all day without tiring […]. The only sure way to kill a
Bushman is to catch him in the open where your horse can run down. » (Dusklands [1974],
New York, Penguin Books, 1982, p. 58).
21 Kuurola, Mirja, « Caryl Phillips’s Cambridge : Discourses in the Past and Readers in the
Present », Nordic Journal of English Studies, vol. 6, n° 2, 2007, pp. 129-145, p. 131.
22 Expression utilisée en titre du second chapitre de l’ouvrage de Brown, Laura, Ends of
Empire : Women and Ideology in Early Eighteenth-Century Literature, Ithaca, Cornell U. P.,
1993.
23 Phillips, Caryl, Cambridge (1991), Londres, Picador, 1992, p. 23 ; pour la traduction
française de Charras, Pierre, Cambridge, Paris, Mercure de France, p. 37. C. Phillips reprend à
l’identique l’expression « parcel of monkeys » de J. Schaw (Journal of a Lady of Quality :
Being the Narrative of a Journey from Scotland to the West Indies, North Carolina, and
Portugal, in the Years 1774 to 1776, Bedford [Massachusetts], Applewood Books, 1921, p. 78).
24 Phillips, Caryl, Cambridge, p. 37 ; pour le texte original : « negro children, naked as they
were born » (op. cit., p. 24).
25 Coetzee, John Maxwell, Terres de crépuscule, op. cit., p. 83 ; pour le texte original : « to
reduce Nama words to the standard Krönlein orthography » (Dusklands, op. cit., p. 55).
26 Cf. Bohls, Elizabeth, « The Aesthetics of Colonialism : Janet Schaw in the West Indies, 1774-
1775 », Eighteenth Century Studies, vol. 27, n° 3, 1994, pp. 363-390.
27 Phillips, Caryl, Cambridge, op. cit., p. 3 ; pour la traduction : « [offerte] comme moyen de
transport pour se rendre au bout de la vie » (op. cit., p. 12).
28 Ibid. ; pour le texte original : « backboards, corsets and stays » (ibid., p. 4).
29 Phillips, Caryl, La Traversée du fleuve, traduction de Furlan, Pierre, Paris, L’Olivier, 1993,
p. 8 ; pour le texte original : « I have employed many sources in the preparation of this novel,
but would like to express my particular obligation to John Newton’s eighteenth-century
Journal of a Slave Trader, which furnished me with invaluable research material for Part
III. » (« Acknowledgements », Crossing the River, New York, Vintage Books, 1993, non
paginé).
30 Naipaul, V. S., L’Énigme de l’arrivée, traduction française de Suzanne Mayoux, Paris, C.
Bourgois, 1991, p. 200 ; texte original : « preserved somewhere in libraries, in semi-divine
volumes » (The Enigma of Arrival [1987], Londres, Picador, 2002, p. 169).
31 Ibid., pp. 199-200 ; texte original : « I chose my own city, Port of Spain, to write about,
because I thought it would be easy for me and also because I thought there was little to write
about […]. I thought of the project as a labour of a few months […]. Then I discovered that the
source books didn’t really exist. » (Ibid., pp. 168-169).
32 Ibid. ; texte original : « to go to the documents themselves. Such an irritation ; but then the
documents began to draw me in » (ibid., p. 169).
33 Thiesse, Anne-Marie, La création des identités nationales, Paris, Seuil, « Points/Histoire »,
1999, p. 14.
34 Rosolata, Guy, « Souvenir-écran », Communications, n° 23, 1975, pp. 79-87, p. 79.
35 Ibid.
36 Viet, Vincent, Histoire des Français venus d’ailleurs de 1850 à nos jours, Paris, Perrin,
« tempus », inédit, 2004, p. 191.
37 Corcuff, Philippe, Frommer, Franck, Oberti, Marco et Osganian, Patricia, « Le polar entre
critique sociale et désenchantement », Mouvements, vol. 3, n° 15-16, 2001, pp. 5-7, p. 7.
38 Collovald, Annie, « Entretien avec Didier Daeninckx : une modernité contre la modernité de
pacotilles », ibid., pp. 9-15, p. 12.
39 Cf. Daeninckx, Didier, Meurtres pour mémoire, Paris, Gallimard, « Folio », (1984) 2001,
p. 38.
40 Ibid., p. 179.
41 Cf. Kihm, Christophe, « Ce que l’art fait à l’archive », Critique, vol. 8, n° 759-760, 2010,
pp. 707-718.
42 Manotti, Dominique, « Roman noir », Le Mouvement Social, vol. 2, n° 219-220, 2007,
pp. 107-109.
43 Trevisan, Carine, L’Intime, l’histoire, l’écriture, Document de synthèse, Mémoire
d’Habilitation à Diriger des Recherches, juill. 2006, communication personnelle, p. 64.
44 Boubeker, Ahmed, Les mondes de l’ethnicité. La communauté d’expérience des héritiers de
l’immigration maghrébine, Paris, Balland, « Voix et regards, 2003, p. 43.
45 Rahmani, Zahia, Moze, Paris, Sabine Wespieser Éditeur, 2003, p. 20.
46 Cf. Altounian, Janine, L’Intraduisible. Deuil, mémoire, transmission, Paris, Dunod, 2005,
pp. 44-48.
47 Rahmani, Zahia, Moze, op. cit., p. 91.
48 Ibid., p. 53.
49 Rahmani, Zahia, Proposition d’intervention, communication personnelle.
50 Ibid.
51 Cf. Chakravorty Spivak, Gayatri, « Can the Subaltern Speak ? », Marxism and the
Interpretation of Culture, sous la direction de: Nelson, Cary et Grossberg, Lawrence,
Houndmills, Macmillan Education, 1988, pp. 271-313, p. 308.
52 Cf. Field, Les W., « Review Article : Who Is this Really about Anyway ? Ishi, Kroeber, and
the Intertwining of California Indian and Anthropological Histories », Journal of
Anthropological Research, University of New Mexico, vol. 61, n° 1, 2005, pp. 81-93, p. 90.

Pour citer cet article


Référence électronique
Crystel Pinçonnat, « De l’usage postcolonial de l’archive. Quelques pistes de
réflexion », Amnis [En ligne], 13 | 2014, mis en ligne le 27 septembre 2014, consulté le 17 juin
2020. URL : http://journals.openedition.org/amnis/2187 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/amnis.2187

Auteur
Crystel Pinçonnat
Aix-Marseille Université, France, crystel.pinconnat@univ-amu.fr

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