Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
2. Célébrer la mère, c’est-à-dire célébrer son initiatrice, voire son double, ou encore la
version idéalisée de soi-même.
> Prêtresse mystique qui sait lire le monde, qui vit en osmose avec la nature, dont
elle sait décrypter toutes les manifestations. Colette construit une image idéalisée
de sa mère, la transformant en figure mythique : c’est ainsi qu’elle la célèbre, tout en
dévoilant la conception intime qu’elle se fait de son propre modèle (“j’imitais sa
manière. Je l’imite encore”). La Sido idéale est en fait une projection de Colette
elle-même. Célébrer la mère, c’est également célébrer celle qui lui a appris à «
célébrer le monde » !
Equivalence mère = enfance : « "Sido" et mon enfance. L'une et l'autre, l'une par l'autre
furent heureuses au centre de l'imaginaire étoile à huit branches, dont chacune
portait le nom d'un des points cardinaux et collatéraux. » (Sido)
« Ecoute sur Moutiers », « Chut !... Regarde » > ces deux injonctions sont fondatrices
dans la formation de Colette proposée par Sido et imprègne ensuite toute l’écriture
de Colette, si sensible, sensuelle, reposant sur une curiosité et un sens de
l’observation aigu, toujours aux aguets.
« Maquillages » : rapporte un échange avec sa fille, qui lui rappelle une conversation
avec Sido > filiation, transmission… “C'est à cause d'elle, par tendresse invétérée, que
dès le matin, et du fond du lit je demande : « D'où vient le vent ? »” Sido
3. « Célébrer le monde » chez Colette, c’est célébrer ce qui est extérieur au soi, mais
toujours à partir de soi !
> Ecriture sensuelle qui implique que tout description est faite de la narratrice, qui
entretient un rapport charnel avec ce qui l’entoure. Le prisme du moi, le point de vue
interne est le point de départ de tous les textes. Célébrer le monde, c’est, chez
Colette, partir à la recherche des sensations qui l’ont marquée, hantée, construire et
définie. Autrement dit : célébrer le monde, pour Colette, c’est définir les contours de
son propre corps.
« Je veux dire, dire tout ce que je sais, tout ce que je pense, tout ce que je devine, tout
ce qui m’enchante, me blesse et m’étonne »
II. De manière plus cachée et indirecte, célébrer les lieux et les êtres aimés, c’est
aussi partir à la recherche de soi-même, recréer l’atmosphère dans laquelle elle a
grandi, explorer les héritages et influences dont elle a bénéficié…
1. Célébrer les lieux et la nature c’est célébrer un paradis originel, un âge d’or
fondateur où s’est construite son identité.
> son jardin, Saint-Sauveur en Puisaye, sa Bourgogne : locus amoenus, paradis
originel inséparable de ce qu’est Colette.
« j’appartiens à un pays que j’ai quitté » ou comme dirait Saint Exupéry : « on est de
son enfance comme on est d’un pays » Équivalence entre le lieu et l’identité
« arracher encore de mon pays toutes mes racines qui saignent » : analogie de
Colette avec une plante, solidement enracinée dans son pays d’enfance
2. Célébrer les êtres aimés, frères, père, amis, c’est encore, en creux, dessiner son
propre portrait
> Le père, dont elle a tâché de reconstruire le portrait à travers les récits et
témoignages reçus : il s’agissait de comprendre a posteriori un homme et de chanter
ensuite leur parenté d’esprit > pudeur commune. + héritage de la vocation littéraire («
héritage immatériel », dit Colette), amour inconditionnel partagé pour la mère.
« La figure de mon père reste indécise, intermittente. […] Mais ailleurs, il erre et flotte,
troué, barré de nuages, visible par fragments. Il faut du temps à l’absent pour prendre
sa vraie forme en nous. » = quête du père (« Le Capitaine », Sido) > recours à une
voyante pour partir en quête de ce père dont elle cherche à saisir ce qu’il lui a légué.
> les frères, ces « sauvages » avec lesquels elle partage le goût de la musique,
l’amour de la nature. Anecdote du bruit de la grille avec Léo, dont Colette et son frère
sont capables de chanter la tonalité exacte, trente ans plus tard… Décrire ses frères,
c’est encore se décrire soi-même. Elle aussi est une « sauvage », une « sylphe »
> Valentine, l’amie qu’elle aime d’une amitié teintée de pitié, est un contre-modèle,
elle est l’anti-soi. En décrivant Valentine, Colette décrit ce qu’elle n’est pas, et
multiplie les comparaisons (p 223)
III. Mais cette quête d’identité ne donne pas le fin mot de l’œuvre de Colette :
peut-être serait-il plus juste de dire que la célébration du monde chez l’écrivaine
cache une quête de liberté. Autrement dit, plutôt que « quête d’identité », affirmation
de soi…