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Correction BTS BLANC

Écriture personnelle

Sujet : Selon vous, le voyage conduit-il seulement à la découverte de l’autre ?

« L’homme est homo viator. Nous sommes toujours en train de partir en voyage », proclamait Michel
Serres. Si ce tropisme est constant chez notre espèce, les raisons qui le fondent sont multiples. Le
voyage conduit-il surtout à la découverte de l’autre ? Si nous montrerons qu’il est vrai que le voyage
permet indéniablement de rencontrer autrui, nous affirmerons, dans un second temps, que le voyage
revêt avant tout, à nos yeux, une rencontre avec soi-même. Le voyage est, il est vrai, d’abord un
temps pour rencontrer l’autre : c’est un temps où la rencontre amicale ou passionnelle est sublimée
par le contexte de l’exil. Dans Corinne ou l’Italie de Germaine de Staël (1807), l'histoire d'amour entre
Corinne, une poétesse italienne, et Lord Oswald Nelvil, un noble anglais, se déploie dans le contexte
de l'exil, accentuant la transcendance de la rencontre. Ce thème résonne avec le film L’Auberge
espagnole de Cédric Klapisch (2002), où des étudiants, issus de divers horizons, apprennent à vivre
ensemble dans le cadre du programme d’échange Erasmus. Le voyage permet également de
s’enrichir au contact des autres. C’est un temps où le voyageur s’oublie, se décentre pour s’ouvrir à
des cultures inconnues. Louis Antoine de Bougainville, dans Voyage autour du monde (1771), relate
son exploration scientifique à la découverte de contrées inconnues et de nouveaux peuples. Le film
Carnets de voyage de Walter Salles (2004) expose la découverte de l'Amérique latine par deux jeunes
Argentins à moto, les confrontant à la condition difficile des Indiens. Mais voyager permet avant tout,
selon moi, de se rencontrer soi-même. Le voyage peut être vécu comme une initiation, il devient un
moyen de transformation psychologique entre le départ et l’arrivée. Ainsi, L’Odyssée d'Homère (VIIIe
siècle av. J.-C.) présente Ulysse confronté à des épreuves avant de retrouver sa place chez les siens,
symbolisant le voyage comme une initiation. Sylvain Tesson, dans Dans les forêts de Sibérie (2011),
relate, quant à lui, sa retraite en Sibérie, confrontant à la solitude, au silence et à l’immensité de
l’espace, une expérience propice à la transformation intérieure. Le voyage peut représenter
également une forme de thérapie, il favorise ainsi la fuite physique et la prise de recul psychologique.
Le témoignage de Sylvaine dans l’article de Margherita Nasi exprime la quête de revanche sur la vie à
travers le voyage. De même, l’affiche du film Wild de Jean-Marc Vallée (2014) montre Cheryl Strayed
parcourant 1 700 kilomètres pour guérir de son divorce, illustrant le voyage comme un moyen
thérapeutique. Le voyage est finalement, pour certaines, une façon de s’émanciper. Il dénoue les
aliénations du quotidien et favorise l’épanouissement personnel sur les plans physique et psychique.
Les propos de Lucie Azema dans son entretien, incitant les femmes à voyager pour se décharger des
injonctions sociétales, témoignent de l'émancipation par le voyage. Déjà, il y a un siècle, le récit
Voyage d'une Parisienne à Lhassa témoignait de l'émancipation d'Alexandra David-Neel à travers son
indépendance d'esprit, son aventure solitaire au milieu de l’Himalaya, son exploration spirituelle et
sa volonté de partager ses expériences avec le monde à une époque où les femmes étaient souvent
reléguées à des rôles domestiques… Même si le voyage est d’abord une rencontre avec l’autre, il
constitue pour nous, avant tout, un aller-retour vers soi-même. Dans un monde en proie à
l’uniformisation, c’est même une réalité qui tend à se renforcer. Qu’offrira désormais alors le voyage
s’il n’est que répétition ? Où aller chercher cette altérité qui nous est nécessaire quand les cultures
s’homogénéisent ? Le voyage n’en a donc pas fini de se réinventer.

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