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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

UNIVERSITE LIBRE DES GRANDS LACS

« U.L.G.L »

BUKAVU

COURS DE DROIT CIVIL III

LES OBLIGATIONS

Jean Marie BARAMBONA

Docteur en Droit(UA)
Maîtrise en :
Droits de l’homme(UCL)
Droit de l’environnement(U.Limoges)
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CHAPITRE PRELIMINAIRE

INTRODUCTION AU DROIT DES OBLIGATIONS

D’entrée de jeu, le droit des obligations est un droit rattaché au droit privé car il

touche les rapports des particuliers entre eux et non les rapports des citoyens envers

les pouvoirs publics.

On relèvera cependant que les cloisons ne sont pas absolument étanches. Les

pouvoirs publics peuvent par exemple engager leurs responsabilités délictuelles

envers les citoyens sur base du droit commun de la responsabilité civile.

Par ailleurs, les procédés contractuels figurent parmi les modes d’action de

l’administration même si le régime applicable comporte certaines particularités dues

à la nature de l’un des contractants.

Ainsi le droit des obligations se présente comme un fondement juridique, le droit

commun de tous les échanges économiques aussi bien dans la vie des affaires que

dans les rapports entre particuliers non commerçants.

Il suffit pour s’en convaincre de voir la place qu’occupe le contrat dans la vie des

personnes tant physiques que morales. Certains pays comme la Suisse n’hésitent

même pas à concevoir le code des obligations comme un véritable code du droit des

affaires réunissant outre la théorie générale des obligations, le droit des contrats, le

droit des sûretés, le droit commercial, le droit des sociétés, le droit cambiaire (en

rapport avec les effets de commerce).


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Une conception aussi large n‘est certes pas conforme à notre droit positif puisque la

législation congolaise dissocie le droit des obligations et ces autres branches du droit.

Mais il n’en reste pas moins que le droit des obligations au sens qui est le nôtre, se

situe aussi à la base des relations patrimoniales de droit privé tant commerciales que

civiles.

A ne considérer que le siège de la matière, le droit des obligations est la matière

traitée à partir de l’art.1 à l’art.262 du code CCL III à laquelle s’ajoute l’étude du droit

des contrats et de la prescription (de l’art.262 à 660).

Il fait donc partie du droit civil à côté du droit des personnes et de la famille qui

constitue le livre Ier et du droit des biens ou le livre II ème, du droit des sûretés

constitué par des textes éparses, du droit successoral et des libéralités.

En effet, si le droit des personnes et de la famille comporte des volets de nature

principalement extra-patrimoniale (état civil, paternité, la filiation, minorité, mariage,

divorce, etc.…) les autres traitent des rapports de nature patrimoniale.

A cet égard le droit des biens traite des droits sur les choses. Le droit des obligations

traite du régime des droits à l’égard des personnes, en d’autres termes les droits

personnels.

Le droit des contrats se situe dans le prolongement direct du droit des obligations car

précisons-le dès à présent, les contrats constituent l’une des sources principales des

obligations.

La matière des sûretés quant à elle forme une sorte de charnière entre le droit des

biens et le droit des obligations. Par sûreté, il faut entendre des procédés par lesquels

l’exécution des obligations est garantie à l’aide soit des droits réels (gages,
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hypothèques, privilèges) soit d’autres droits de créance (cautionnement par

exemple).

Ainsi, même si notre code des obligations réglemente des obligations civiles

uniquement, contrairement au code ci – haut cité nous devons garder à l’esprit que

les dispositions du droit des obligations constituent le socle du croit civil et intéresse

tout droit de créance créé par n’importe quel rapport juridique. D’où l’importance de

ce cours dans tout enseignement juridique.

Dès lors, le droit des obligations étudie comment le débiteur s’exécute, comment les

recours du créancier sont introduits en cas d’inexécution, quand et comment les

créances se transmettent, quand et comment ils s’éteignent etc.…

L’occasion nous sera offerte d’approfondir tous ces aspects mais avant de nous livrer

à cet intéressant exercice, il importe de préciser d’abord l’évolution du droit des

obligations.

Section I : Evolution du droit des obligations

Si l’on analyse les modifications textuelles portées à l’ensemble des articles portant

sur la matière des obligations, on sera frappé par une très grande stabilité du

système. D’autres disciplines juridiques subissent en moins de temps de fortes

transformations. Cela est certainement dû à la cohérence du système érigé par

l’ensemble des règles se rapportant au droit des obligations.

La pensée juridique française et belge du Code Napoléon dont notre code des

obligations est l’émanation, a pu à cet égard sauvegarder l’essentiel. Cependant, le

droit des obligations n’est pas figé ou immobile.


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L’évolution de ce domaine est remarquable ; elle est principalement doctrinale et

jurisprudentielle. Les interprètes poussés par l’évolution de la société ainsi que celle

des idées de la transformation économique ne manquent pas de clarifier certaines

dispositions imprécises ou obscures et même d’innover.

Ainsi des textes particuliers sont venus réglementer des secteurs spécifiques

répercutant forcément leur caractère sur les principes de base du CCL III. Par

exemple, les contrats d’assurance, la réparation des accidents de roulage, la

protection du Consommateur par l’introduction notamment de la réglementation des

clauses abusives et l’information du consommateur, la réglementation des baux

commerciaux, etc.…

En outre, l’apport de la doctrine est considérable dans cette avancée. Un exemple

frappant est celui de la matière des négociations pré – contractuelles, de l’offre et de

l’acceptation. Cet important secteur de la vie juridique ignoré par le code civil fait à

présent l’objet d’un chapitre substantiel du droit des obligations. Mais l’évolution la

plus spectaculaire concerne probablement la philosophie économique et sociale sur

laquelle s’est appuyé le code Napoléon de 1804 et le décret de 1888 qui en est issu.

En effet, le code Napoléon est le reflet des conceptions de son époque. Et les

différents articles sont d’inspiration essentiellement libérale.

Ces textes renferment certains principes de base d’une économie de marché :

Autonomie de la volonté, convention – loi, consensualisme. Et le législateur d’alors

avait entrevue des relations d’égalité entre les parties. En d’autres termes le droit des

obligations régit les relations des parties comme si les partenaires étaient égaux dans

les échanges économiques c’est-à-dire capables de veiller à la sauvegarde de leurs

intérêts respectifs. Dès lors, la loi se borne en général à proposer des solutions

supplétives laissant aux parties la faculté d’aménager différemment leur volonté.


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Ainsi un adage traduit l’esprit de cette époque : « Ce qui est contractuel est juste » un

tel régime n’est-il pas idéal ? Puisqu’il garantit un maximum de liberté ? Aujourd’hui

le problème ne se pose plus de la même façon. Le climat économique social voire

même politique s’est profondément transformé.

Le contrat n’est plus toujours cette manifestation intangible, égalitaire et

indépendante. Le législateur, le juge lui-même, le pouvoir réglementaire parfois

même les organisations professionnelles n’hésitent pas à intervenir dans la formation

ou dans l’exécution des contrats en vue d’assurer la protection des partenaires les

plus faibles et de maîtriser les contrats d’adhésion par l’interdiction des clauses

abusives dans les modèles de convention habituellement proposées par les

professionnels aux consommateurs.

S’agissant du droit de la responsabilité délictuelle, il était dominé par le principe

moral de la faute. En principe, l’auteur d’une faute est tenu de réparer le dommage

qu’il cause ; mais la victime d’un acte survenu sans faute n’a droit à aucune

réparation. Ces conceptions ont évolué. En effet, le progrès de l’industrialisation a

inspiré d’importants bouleversements dans le droit de la responsabilité. Le droit

social est apparu pour donner aux relations de travail un cadre juridique impératif,

protecteur des salariés. Aussi, le sort tragique des victimes d’accident du travail a

inspiré la mise en place d’un nouveau régime de responsabilité fondée sur le risque

créé et non seulement sur la faute.

En faisant appel au risque, la société moderne tend à écarter l’idée de responsabilité

fondée sur un choix entre le bien et le mal et qui entraîne l’obligation d’indemniser la

victime seulement en cas de mauvais choix.


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L’évolution est plutôt marquée aujourd’hui par le devoir de réparation : celui qui

utilise une chose ou les services d’autrui, du seul fait qu’il en tire profit sera tenu de

réparer les dommages causés.

En d’autres termes, au profit correspond le risque. Et avec cette idée, on arrive à une

véritable socialisation des risques (sécurité sociale, assurance, etc.…).

En outre, les difficultés économiques actuelles appellent l’intervention de l’Etat qui

s’exerce au moyen d’un arsenal juridique de plus en plus élaboré.

Dans le droit des obligations et des contrats, le rôle de l’Etat se traduit par la

multiplication des réglementations impératives à deux niveaux :

Le 1er niveau est celui de la prestation d’intérêts privés collectifs. Ceux de diverses

catégories de personnes défavorisées par leur faiblesse dans leurs rapports avec leurs

contractants (salariés, épargnants, de certains accidents, consommateurs etc.…). Ces

interventions législatives ont une incidence directe sur le jeu normal des règles du

droit des obligations. Par exemple, la réglementation sur l’assurance automobile

obligatoire porte atteinte au principe de la liberté contractuelle.

La réglementation sur les baux commerciaux règle de manière impérative de

nombreux aspects des rapports contractuels comme par exemple : le renouvellement

au bail.

L’interventionnisme de l’Etat se manifeste également à un autre niveau lorsque les

pouvoirs publics cherchent à se donner des moyens d’agir sur le fonctionnement de

l’économie. Cette mise en place d’instrument, de la politique économique affecte

également le droit des obligations dans une série de domaine ; La réglementation

publique des prix, les règles de la concurrence etc.


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En conclusion, on peut dire qu’en dépit de la stabilité séculaire, le droit des

obligations ne restera pas figé. Il sera secoué par l’évolution socio-économique du

monde qu’il régit. Avec persévérance, la doctrine s’efforce de son côté d’affiner les

concepts, de décrire les mécanismes, de systématiser l’ensemble, voire aussi de

provoquer ou d’accélérer les évolutions. Ce travail évidemment ne sera jamais

achevé.

Le droit des obligations sera toujours le reflet du système économique ambiant qui,

lui même est variable.

Section II : Les rapports entre le droit des obligations et le système économique

Les rapports entre le droit des obligations et le système économique sont manifestes

spécialement en ce qui concerne le droit des contrats. En effet, tout système

économique repose sur des principes juridiques ; or plusieurs principes juridiques

fondamentaux qui sous-tendent l’économie de marché relève du droit des

obligations.

A côté du droit à la propriété privée et la liberté d’entreprise, la mise en œuvre d’une

économie décentralisée appelle en effet l’intervention des principes de base du droit

des contrats à savoir : Le principe de l’autonomie de la volonté, le principe de la

convention-loi sans oublier le principe de consensualisme qui favorise la fluidité des

multiples opérations auxquelles donnent lieu le fonctionnement du système.


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$1 Le principe de l’autonomie de la volonté

Ce principe permet aux initiatives des parties de se donner cours en matière

contractuelle ; trouver un partenaire consentant et toutes les opérations sont

permises. Laisser faire, laisser passer, laisser contracter.

La seule limite à portée générale étant l’interdiction de porter atteinte aux lois

impératives, à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

Ainsi, l’obligation contractuelle repose exclusivement sur la volonté des parties.

Volonté qui est à la fois la source et la mesure des obligations réciproques exprimées.

L’autonomie de la volonté est le prolongement nécessaire du principe de la liberté

d’entreprise qui est commandée par la doctrine du libéralisme économique. Elle

permet à l’entrepreneur de réunir les sources nécessaires pour son établissement et

de conclure toutes les conventions nécessaires à son activité.

$2 Le principe de la Convention – Loi

Ce principe est exprimé à l’art. 33 du ccL III :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne

peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi

autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ». Le principe incarné par cette

disposition apporte le soutien considérable à l’autonomie de la volonté. Cet article

énonce une affirmation particulièrement forte puisqu’il place l’accord des particuliers

au même plan que l’accord émanant de l’autorité publique. C’est donc d’elle-même

que la volonté tient sa force contraignante. Ce principe offre donc la sécurité

juridique, condition essentielle de la marche des affaires. Il fournit aux contractants

dans l’incertitude générale de la vie économique une zone de certitude, une solution

à un problème éventuel concernant le contrat.


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C’est pour cette raison que le respect des obligations réciproques s’impose, à défaut

de quoi l’exécution en nature ou une indemnisation pourra être réclamées du

partenaire défaillant.

$3 Le principe du consensualisme

Le principe du consensualisme joue un rôle essentiel dans l’économie décentralisée

caractérisée par la multiplicité infinie des opérations d’échange.

Ce principe permet aux accords contractuels dans leur majorité de se nouer par la

simple rencontre de consentements sans le secours du moindre formalisme. Les

affaires y gagnent une indispensable rapidité. Un tel régime s’impose dans une

économie qui veut favoriser la circulation des richesses. Les solennités sont réservées

par le code civil à des rares opérations d’une importance particulière comme par

exemple la constitution d’hypothèque où un acte notarié est exigé. On assiste

toutefois à l’heure actuelle, à une renaissance du formalisme solennel, destiné à

protéger certaines catégories de parties contractantes faibles ; il en va spécialement

ainsi en droit de la consommation

En conclusion, ces quelques principes qui incarnent la vie de notre droit des contrats

peuvent aussi faire l’objet d’une lecture qui met en évidence leur lien manifeste avec

le système économique ambiant.

L’autonomie de la volonté ne joue qu’un rôle strictement limité dans un régime

d’économie planifiée où le contrat intervient avant tout comme un moyen pour des

organisations socialistes d’accomplir les tâches découlant du plan.


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Dans un régime d’économie concurrentiel par contre, l’autonomie de la volonté

constitue l’un des principes de base avec son prolongement le principe de la

Convention – Loi et son correspondant sur le plan formel à savoir le principe du

Consensualisme.

L’apparition d’exception à ces principes dépendra d’un système économique dans

lequel on se trouve ; tantôt ce sont des manifestations de recul, de l’économie libéral

en faveur d’un système où se multiplie l’intervention des pouvoirs publics ; tantôt

c’est l’adhésion à ces principes par le désengagement manifeste des pouvoirs publics

dans le secteur économique.

Les principes de base du droit des contrats traduisent ainsi la définition d’un système

économique donné et favorise sa mise en œuvre.

La modification de chaque système économique passe inévitablement par l’altération

ou non de ces principes.

Section III : La notion d’obligation

§1 Définition

Le code civil ne contient pas de définition de l’obligation. L’article 1 er du CCL III offre

toutefois un embryon de définition en confondant au passage le contrat et

l’obligation. Il importe de dissocier soigneusement les deux notions : tout d’abord,

elles se situent sur des plans différents.

Le contrat est la cause ou la source tandis que l’obligation se trouve être l’effet du

contrat. De plus, il existe de nombreuses obligations qui trouvent leur origine ailleurs

que dans une convention comme par exemple les obligations délictuelles et quasi-

contractuelles.
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Au delà de cette confusion entretenue par le code civil, il faut préciser que le terme

obligation a divers sens qu’il faut circonscrire pour éviter tout équivoque. D’une part,

le terme obligation peut désigner dans le langage courant un devoir.

Ex : Obligation de rouler à droite, obligation d’immatriculer une société dans le

registre de commerce, etc.…

Sous cet angle, l’obligation désigne des prescriptions légales ou réglementaires qui

imposent un devoir à une personne, un devoir certes qui peut être sanctionné mais

non une obligation au sens de notre cours, puisqu’il n’y a pas de créancier dans ce

cas.

D’autre part, l’obligation peut désigner un aspect financier en ce sens qu’on la

compare à des actions. En effet, les actions sont des titres qui représentent une

participation à la société alors que les obligations constatent simplement un prêt

consenti à une société moyennant un intérêt. Dans ce cas, les obligations

correspondent ainsi à l’instrumentum faisant preuve d’acte juridique.

Enfin, la 3ème acception du mot obligation tel qu’il sera considéré dans le cadre de ce

cours, est plutôt un lien de droit entre deux ou plusieurs personnes permettant à

l’une (le créancier) d’exiger de l’autre (débiteur) une prestation (de dare, de facere

ou de non facere).

Ce lien de droit confère au créancier un droit de créance, le débiteur étant tenu d’une

dette envers son créancier.

A L’obligation comme lien de droit

Ce lien de droit présente un caractère obligatoire. Il place le débiteur dans la

nécessité légale de s’exécuter. Ainsi si le débiteur manque à son obligation, le


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créancier a le droit de faire condamner ce débiteur à l’exécution en nature et en cas

de désobéissance à cet ordre de justice, le droit de recourir au droit d’exécution

forcée comme les saisies-exécutions par exemple. En outre, le créancier bénéficie de

diverses actions (action oblique, action paulienne, action en déclaration de

simulation) afin de conserver la consistance du patrimoine du débiteur sur lequel les

créanciers jouissent par ailleurs d’un droit de gage général.

De son côté, le créancier de l’obligation est lui aussi tenu d’un certain nombre de

devoirs que l’on pourrait qualifier de secondaires.

Il est tenu d’un devoir de modération qui lui interdit de faire un usage abusif de son

droit. Il doit s’il est victime d’une inexécution fautive prendre de façon légale les

mesures raisonnables en vue de modérer son préjudice.

Il doit mettre son débiteur en mesure de s’exécuter, il doit aussi donner au débiteur

quitus une fois la prestation accomplie.

Tous ces devoirs peuvent être rattachés au principe général de bonne foi qui domine

tout le droit privé. Ainsi le lien de droit de l’obligation civile tel qu’il vient être

évoqué, nous permet de faire une distinction de cette obligation civile de toute une

série d’obligations :

1° Les obligations non juridiques

L’obligation au sens technique qui est le nôtre est différent des obligations religieuses

(aller à la messe les dimanches), des obligations morales (dettes de reconnaissance

envers x ), des obligations sociales (participation à un mariage ou levée de deuil, etc.

…).

Ces obligations se situent sur des plans différents. Elles se situent sur des plans des

relations sociales plutôt que sur le plan des relations juridiques. Elles ont leurs
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propres sanctions notamment l’enfer, la mise en quarantaine, le repentir, le remords,

la réprobation sociale, etc.…). Mais les plans se superposent quelquefois. En effet de

nombreuses obligations juridiques correspondent à des obligations morales. Ainsi

l’obligation de respecter la parole donnée (principe de la convention-loi) est traduite

sur le plan juridique par l’art.33 du CCL III. De même l’obligation de réparer le

dommage causé fautivement est traduite sur le plan juridique par l’art.258 CCL III.

2° Les obligations naturelles

A l’opposé de l’obligation civile qui comporte une sanction légale, l’obligation

naturelle se trouve dépourvue de sanction. Le créancier ne peut pas contraindre le

débiteur à s’exécuter. L’exécution ne constituant qu’une sorte de devoir d’âme, de

conscience. Ex : les aliments entre frères, pension payée à une concubine, entretien

d’un enfant naturel non reconnu, paiement des dettes prescrites, etc.…

Mais en cas d’exécution volontaire et en connaissance de cause, il y a paiement d’une

dette et le débiteur ne peut réclamer le remboursement de sa prestation alors que

normalement ce qui a été indûment payé peut être répété (action en répétition,

restitution).

3° Les incombances

La doctrine récente met en évidence la notion d’incombance consacrée depuis

longtemps dans les systèmes juridiques allemand et suisse. Il s’agit apparemment

d’obligations mais qui ne confèrent aucune action ou exécution à leurs créanciers.

Toutefois, le débiteur s’expose à une situation juridique défavorable (une déchéance

en général) s’il ne se conforme pas à cette obligation. Ainsi en matière d’assurance,

l’assuré a l’obligation de déclarer le sinistre à l’assureur dans un certain délai.


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On constate cependant que l’assureur ne dispose d’aucune action pour le faire

condamner mais l’assuré qui manque à cette obligation risque de voir déduite de

l’indemnité, le préjudice éventuel résultant du retard de la déclaration. En droit

général des obligations, le créancier a l’obligation de minimiser le dommage en cas

de défaillance de son débiteur. Toutefois le débiteur ne peut certainement pas l’y

contraindre mais si le créancier manque à ce devoir, le débiteur pourra réclamer

l’indemnisation du préjudice qu’il aurait pu éviter.

Comme les obligations naturelles, elles ne donnent pas ouverture à une action en

exécution mais la différence majeure est que l’inexécution des incombances entraîne

des sanctions juridiques.

Dans une échelle décroissante quant au caractère contraignant, l’incombance se situe

entre l’obligation civile et l’obligation naturelle.

B Le lien de droit confère au créancier un droit de créance

Dans le droit privé on distingue sommairement des droits patrimoniaux et des droits

extra patrimoniaux. Les seconds sont si liés à la personne qu’ils ne sauraient faire

l’objet d’un négoce (ils ne sont pas appréciables en argent).

Les 1ers par contre forment le contenu du patrimoine. Ils sont évaluables en argent,

cessibles entre vifs et transmissibles.

Ce sont les droits réels, les droits de créance (appelés aussi doits d’obligation ou

droits personnels) et les droits intellectuels.

Le droit réel est un droit sur une chose permettant au propriétaire de jouir sur elle

des prérogatives plus ou moins étendues. C’est un lien direct entre une personne et la
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chose (« Jus in re ») et donc l’exercice peut se faire sans l’intermédiaire d’une autre

personne. Aucun débiteur ne fait face au titulaire d’un droit réel mais ce droit est

opposable à tous en ce sens que tout le monde doit en respecter l’existence. C’est un

droit opposable à tous « Erga omnes ».

Quant au droit de créance qui nous intéresse pour le moment, c’est un lien juridique

à l’égard d’une personne déterminée et de qui le créancier peut exiger une prestation

ou une abstention alors qu’il ne peut en principe rien exiger de la part des tiers.

Si j’ai prêté de l’argent à quelqu’un, cette personne est mon débiteur et je peux lui

réclamer le remboursement du prêt mais l’opération ne m’a conféré aucun droit à

l’égard d’autres personnes.

Ainsi le droit réel est absolu, le droit de créance est par contre relatif. Seuls sont

intéressés le créancier et débiteur. Il est constitutif d’un rapport purement personnel

limité aux relations créancier – débiteur. Ce faisant, n’existant que contre une

personne déterminée et portant sur tout son patrimoine et non sur tel ou tel élément

de ses biens, le droit de créance est par là fragile d’autant plus qu’il n’est pas nanti de

droit de suite et de droit de préférence.

La valeur et l’efficacité en sont subordonnées à la solvabilité du débiteur. Néanmoins

droit réel et droit de créance peuvent se combiner ; c’est notamment lorsque le droit

réel sert de garantie à l’exécution d’une obligation (gage, hypothèque).

Aussi il existe des obligations qui incombent spécifiquement aux titulaires de droits

réels : Les obligations de l’usufruitier envers le nu-propriétaire. Ces questions seront

approfondies à l’occasion de l’étude du droit des biens et du droit des sûretés. On

insistera ici sur deux autres aspects des rapports entre droit réel et droit de créance.
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En 1er lieu, si le droit de créance crée un lien personnel entre le créancier et le

débiteur, il constitue néanmoins une valeur dans le patrimoine du créancier puisqu’il

lui permettra d’obtenir dans l’avenir le bénéfice d’une prestation.

La pleine titularité d’un droit de créance correspond en fait à l’exercice d’un droit de

propriété sur ce droit de créance. Le droit de créance est d’ailleurs susceptible d’être

complètement transmis à un tiers comme un bien corporel ferait l’objet d’un transfert

de propriété. Parallèlement, la propriété d’un droit de créance peut faire l’objet aussi

de démembrement : Une créance peut être cédée en usufruit (une créance à l’égard

d’un emprunteur par exemple, l’usufruitier percevant dès lors les intérêts) ou promis

en gage de remboursement d’une autre créance (la banque qui offre des facilités de

crédit à son client qui présente comme gage la domiciliation de ses créances).

Ainsi donc en tant que valeur dans le patrimoine du créancier, le droit de créance

constitue lui- même l’objet de droits réels.

Un autre aspect important des rapports entre droits réels et droits de créance réside

dans le fait que les mécanismes du droit des obligations peuvent servir de véhicule

au transfert des droits réels. En effet, la propriété s’acquiert souvent par le canal des

obligations principalement par le contrat. C’est l’objet des contrats de vente,

d’échange et de donation etc.… mais il y a d’autres modes d’acquisition des droits

réels par exemple l’accession.

§2 Les sources des Obligations

Plusieurs situations se présentent ici. Nous constatons en effet qu’une obligation

peut être créée par le concours de la volonté à la fois du créancier et du débiteur.

Nous sommes alors en présence de ce que l’on appelle les obligations contractuelles
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créées par un acte juridique qui est le contrat. Il peut arriver également qu’une seule

volonté crée des obligations, c’est le cas de l’acte unilatéral.

Dans d’autres cas, un fait volontaire ou involontaire du débiteur crée des effets mais

les sont déterminés par la loi. Nous sommes alors en présence de ce qu’on appelle les

obligations extra contractuelles créées par un fait juridique.

Les auteurs ont longuement discuté sur les catégories des sources des obligations

mais l’opposition fondamentale reste entre les actes juridiques et les faits juridiques.

Ainsi, bien qu’il soit difficile de trouver un plan à la fois simple et cohérent de ce

cours qui soit à l’abri des critiques, nous avons opté à le développer suivant ses

grandes sources à savoir les obligations issues de l’acte juridique et les obligations

qui naissent d’un fait juridique.

Les premières meubleront la première partie tandis que les secondes seront traitées

dans la 2ème partie, la difficulté étant de ventiler savamment entre des règles

communes à toutes les obligations. C’est pourquoi toutes les autres règles qui offrent

une homogénéité plus grande en ce sens qu’elles sont indépendantes de la source qui

a donné naissance à l’obligation considérée seront analysées dans la troisième partie.


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PREMIERE PARTIE

L’ACTE JURIDIQUE COMME SOURCE D’OBLIGATIONS

CHAP I LE CONTRAT

Le contrat est un acte de la vie juridique le plus courant. Il se manifeste presque

partout dans les rapports économiques. Il est quasi omniprésent davantage dans son

existence que dans son contentieux car les rapports contractuels qui se terminent

devant le prétoire sont de loin insignifiant par rapport à ceux qui se tissent tous les

jours.

Dans la vie quotidienne, pour manger, pour se vêtir, pour se loger, se mouvoir

moyennant transport, dans les rapports avec les banquiers, les assurances, on conclut

des contrats. Dans la vie de l’entreprise depuis l’achat des matières premières de

production, la recherche des moyens de financement, l’engagement du personnel,

l’écoulement de la production, la création de l’entreprise elle même, tout cela se fait

via le contrat. Au demeurant, examiner même les dispositions lui consacrées par le

législateur, on découvre l’importance accordée aux obligations conventionnelles sans

compter la réglementation des contrats particuliers. Il s’agit donc d’une partie

importante du droit des obligations et nous lui consacrerons des développements

conséquents.

Il sera question ainsi d’examiner plusieurs points. Tout d’abord quels peuvent être

ces contractants et ces contrats dont on fera allusion tout au long de ce


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développement. Ensuite n’existe-t-il pas avant que les relations contractuelles soient

établies une sorte de période précontractuelle ?

Enfin, il conviendra d’envisager la période qui suit la formation du contrat sous

l’angle de ses effets et les sanctions envisagées en cas d’inexécution des obligations.

Section I Définition et classification des contrats

§1 Définition

On peut déjà se poser des questions sur la terminologie contrat – convention. D’après

l’art1 du CCLIII, le contrat serait une espèce particulière des conventions, celles qui

auraient pour effet d’engendrer des obligations. A contrario ne serait donc pas

contrat une convention relative à l’extinction des obligations préexistantes.

A supposer que le code ait voulu distinguer les deux termes contrat et convention, ce

qui n’est pas évident puisque la pratique n’a pas suivi, le contrat et la convention

sont pris l’un pour l’autre comme par ailleurs certains termes comme accord, entente,

etc.….

Mais la plus importante remarque qu’inspire l’art.1 est la confusion qui peut surgir

entre le contrat et l’obligation car les deux concepts sont traités en même temps. Si

l’obligation consiste à donner, faire ou ne pas faire quelque chose, le contrat quant à

lui a pour objet un domaine assez étendu puisque son objet est de créer, modifier,

transmettre ou même éteindre des obligations. Cette confusion entre contrat et

obligation se prolonge dans le 1 er titre du CCL III où parfois les mots contrat et

obligation sont employés indifféremment l’un pour l’autre. Il faut donc éviter cette

confusion entre le contrat et l’obligation car le contrat est plus large et ne se limite

pas seulement à l’obligation de donner, faire ou ne pas faire. Ainsi la définition


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suivante est largement admise puisqu’elle renferme plusieurs aspects des

obligations : Le contrat est un accord de volonté en vue de créer, modifier,

transmettre ou éteindre des obligations.

A Le contrat comme accord de volonté

Le contrat est un acte volontaire et comme l’intention est de créer des effets

juridiques, le contrat appartient à la catégorie des actes juridiques. Mais tout acte

juridique n’est pas un contrat.

Il existe des actes unilatéraux comme le testament, la reconnaissance d’un enfant qui

ne sont pas des contrats même si ils constituent une source des obligations. Pour qu’il

y ait contrat, il faut une rencontre de deux volontés au moins ; une manifestation

unilatérale de volonté ne suffit pas. Il faut être au moins deux pour contracter. C’est

là la caractéristique essentielle du contrat. Le contrat est ainsi un acte bilatéral ou

multilatéral. Néanmoins si le contrat est bilatéral à sa formation, ce caractère n’est

plus indispensable sur le plan des effets.

Le contrat peut n’engendrer d’obligation qu’à charge de l’une des parties. Par

exemple : le contrat de donation. Il faut par ailleurs exclure de l’arène juridique, le

prétendu contrat avec soi-même. En apparence, le contrat semble avoir été conclu à

l’intervention d’une seule personne contractant avec elle-même. Cependant cette

personne a agi en deux qualités : un tuteur ne peut pas acheter les biens de son

pupille. Avec cet exemple on se rend compte de ce qui se passerait si la solution

contraire n’était pas adoptée. Le tuteur se présenterait à l’acte avec une double

casquette. D’une part il représenterait son pupille qui jouerait le rôle par son

intermédiaire de vendeur et d’autre part il interviendrait de son propre compte en

tant qu’acheteur. On pourrait alors craindre que ce tuteur ne passe pas son intérêt
22

avant celui de l’enfant dont il est chargé de défendre le patrimoine. C’est pourquoi ce

genre de convention est rigoureusement réglementé quand il n’est pas prohibé.

B Le contrat comme acte juridique

L’accord de volontés s’est noué en vue de créer, transmettre ou éteindre des

obligations, bref pour produire des effets juridiques. Mais tous les accords de

volontés auxquels donnent lieu les rapports sociaux ne sont pas de contrats.

On s’entend régulièrement sur toute sorte de choses avec les parents, les amis, les

tiers sans vouloir la moindre intention de produire des effets juridiques. Un ami

t’invite à dîner chez lui, dans ce cas par exemple les partenaires n’envisagent pas de

situer leur accord sur le plan contractuel. Votre ami ne songerait à t’assigner en

responsabilité si tu refuses de répondre à son invitation. Les sanctions sont ailleurs

sur le plan moral ou social. Précisons cependant que les frontières entre les accords

contractuels et les accords en dehors du contrat sont parfois imprécises. L’intention

de créer des effets juridiques est souvent implicite voire même très problématique

dans le chef des parties souvent non juristes suscitant des difficultés

d’interprétations.

Un problème connexe mais distinct est celui de savoir si des parties à un accord

normalement contractuel peuvent délibérément convenir de se situer en dehors du

droit.

La pratique n’est pas exceptionnelle dans la vie des affaires. Des entreprises

qualifient leurs accords de « gentlemen agrément » renonçant par exemple à toute

possibilité de recours d’ordre juridique en cas d’inexécution.


23

L’on veut en effet éviter de donner au litige éventuel une publicité jugée indésirable

et l’on préfère recourir à la seule contrainte de l’honneur en cas de manquement. La

partie défaillante perdra pour l’avenir le bénéfice de ses relations d’affaire avec son

ex-partenaire et éventuellement avec les autres entreprises du même réseau. Ces

sanctions peuvent être beaucoup plus graves qu’une condamnation à des dommages

et intérêts.

§2. Classification des contrats

Les contrats que les particuliers passent entre eux sont très nombreux. Il est

nécessaire d’établir donc une classification afin de déterminer les intérêts juridiques

qui s’y attachent.

Dans les art.1 – 7 du CCL III, le législateur a essayé d’établir une classification. Mais

au fond, ce sont des classifications les plus connues d’autant plus qu’il y en a d’autres

qui sont rendus nécessaires par le développement de nouvelles formes de contrats et

qui sont ignorés par le code civil de 1804.

Nous essayons de donner ces classifications même s’il est difficile d’établir des

critères de différenciation étant donné qu’ils sont très variés. C’est pour cette raison

qu’il sera question de choisir certains d’entre eux.

A Classification des contrats d’après leur mode de formation

1° Les contrats consensuels

Les contrats consensuels sont ceux qui se forment par le seul accord de volonté sans

la moindre formalité. Ces contrats n’exigent aucune autre condition pour être conclu.

Ex : le contrat de vente. Au fond tous les contrats sont consensuels, ce qui est
24

parfaitement logique car on ne peut pas conclure un contrat si on ne veut pas ou si

on ne consent pas.

Ce type de contrat a des avantages et des inconvénients. S’agissant des avantages, la

conclusion d’un contrat consensuel est simple ; puisque le seul accord des volontés

suffit pour faire naître le contrat, la formation de ce contrat devient donc très rapide,

ce qui est un facteur important pour les affaires. Concernant les inconvénients, la

preuve acquiert une importance effacée car le formalisme ne vient plus au secours

des parties. La réglementation de la preuve devient donc une nécessité et dans la

pratique, il est prudent de se ménager une preuve pré constituée pour prévenir les

malentendus.

2° Les contrats solennels ou formels

Ce sont ceux qui exigent pour être valables non seulement l’accord des volontés mais

également l’accomplissement de certaines formalités. En d’autres termes, le

consentement seul ne suffit pas. Encore faut-il obéir à un certain formalisme. Le

contrat de mariage exige non seulement l’accord des futurs époux mais aussi

l’accomplissement de certaines formalités notamment la publicité des bans, la

célébration par l’officier de l’état civil etc.….

De même, le contrat d’hypothèque exige l’enregistrement par le conservateur des

titres fonciers. En réalité, plusieurs buts sont recherchés dans l’exigence de la

solennité. Les parties elles-mêmes sont protégées étant entendu que le contrat serait

nul si les formalités n’étaient pas accomplies. Ensuite la preuve est certaine et le

contrat devient opposable à l’autre partie et aux tiers. Ex : le dépôt de l’acte

constitutif de société. Ainsi la légalité de l’opération est assurée et c’est ce dernier

élément qui est essentiel à la qualification de ce contrat car la solennité affecte


25

l’existence même du contrat et le contrat n’est solennel que si son existence dépend

de l’accomplissement des formalités légales.

Notons cependant que la solennité se fait de plusieurs plus rare dans les rapports

patrimoniaux et la plupart des cas, la formalité requise ne concerne pas l’existence du

contrat mais son opposabilité aux tiers.

Par ex : l’hypothèque que mon débiteur m’accorderait sur son immeuble par simple

échange de consentement serait nulle parce que l’inscription de l’hypothèque est la

condition essentielle de son existence.

Par contre, la vente d’un immeuble est parfaite par le seul échange de volontés ou de

consentements. Toutefois, la rédaction d’un acte notarié et sa transcription sur le

registre des titres fonciers sont indispensables pour rendre la vente opposable aux

tiers. Il faut donc être attentif dans la détermination des contrats solennels.

3° Les contrats réels

Ce sont des contrats qui, pour leur formation exigent outre l’accord de volontés, la

remise d’une chose (la traditio). La mise en possession de la chose est l’essence même

du contrat.

Ex : le contrat de dépôt. Il n’y a pas de dépôt si la chose n’a pas été déposée chez le

dépositoire. Il en est de même pour le contrat de prêt, le contrat de gage.

Quel intérêt pratique de cette classification ?

L’intérêt pratique de distinguer ces contrats consensuels des contrats solennels est

évident. L’exigence ou non des formalités a son impact sur le mode de formation de

ces contrats. En outre la promesse de contrat est valable dans les contrats consensuels
26

mais non dans les contrats solennels. La promesse de vente est valable mais la

promesse de mariage ne l’est pas tant que les formalités ne sont pas remplies.

Aussi dans les contrats consensuels, les parties peuvent se faire représenter par des

mandataires. Par contre dans les contrats solennels la représentation est parfois

interdite. Cas de mariage par exemple.

Si cette représentation n’est pas interdite, elle est soumise à des conditions très

rigoureuses. C’est ainsi que le mandataire doit être porteur d’une procuration

authentique.

Les parties peuvent faire d’un contrat consensuel, un contrat solennel mais l’inverse

n’est pas possible.

B Classification des contrats d’après leur dénomination

1° Les contrats nommés

Ce sont des contrats qui sont consacrés par le code civil c’est-à-dire ceux qui sont

réglementés par ce code. Ex contrat de vente, le dépôt, bail etc.…

2° Les contrats innomés

Ce sont des contrats qui ne sont pas prévus par le code civil. Ex : le contrat

d’hôtellerie. Actuellement la différenciation entre contrat nommé et contrat innomé

n’offre pas beaucoup d’intérêt. Elle avait plutôt la signification en droit romain car

seuls les contrats prévus par le code civil pouvaient produire des effets juridiques. Ce

qui fait que les contrats innomés n’avaient pas la valeur juridique et par conséquent
27

non connus et non sanctionnés par le code civil. Par ailleurs, cette différenciation ne

présente pas d’intérêt actuellement dans la mesure où l’art.7 en fait allusion.

Ainsi, qu’ils soient nommés ou non les contrats seront régis par les règles du droit

civil. Le juge qui sera saisi d’un cas litigieux sur un contrat innommé pourra

procéder par analogie en se référant au cas d’un contrat nommé. Par ex : un litige sur

le contrat d’entretien de cabines téléphoniques est une sorte de louage d’ouvrage.

La tâche peut être délicate si on est en présence d’un contrat mixte, intermédiaire

entre deux contrats de louage et du contrat de dépôt.

Il peut aussi arriver que le contrat ne se rapporte à aucun contrat connu. Il s’agira

d’un contrat sui generis et le juge appliquera la règle la mieux adaptée.

C Classification des contrats d’après leurs effets

1° Les contrats synallagmatiques

Le contrat est synallagmatique lorsque les deux parties s’obligent réciproquement

l’une envers l’autre. Il y a donc des obligations de deux côtés. Ces obligations sont

interdépendantes. On dit qu’elles sont corrélatives. Les contrats synallagmatiques

sont appelés aussi des contrats bilatéraux. En pratique ces contrats qui comportent

des obligations interdépendantes sont les plus nombreux et les plus fréquents.

Contrat de vente, de travail, de louage etc.…

Dans les contrats synallagmatiques, les parties sont créancières et débitrices les unes

des autres.
28

2° Les contrats unilatéraux

Le contrat unilatéral n’engendre l’obligation juridique que dans le camp de l’une des

deux parties contractantes. Le contrat unilatéral s’oppose nettement au contrat

synallagmatique dans la mesure où le 1 er ne fait au moment de sa formation naître

des obligations qu’à charge d’une seule partie ex : le contrat de donation, le contrat

de mandat gratuit. En bref, il n’y a pas de réciprocité et on remarque que dans la

pratique, cette catégorie est moins fournie que dans le cas des contrats

synallagmatiques.

Quel est l’intérêt de cette distinction ?

L’intérêt de la distinction n’est pas moindre. L’interdépendance des obligations dans

les contrats synallagmatiques entraîne l’application des règles particulières

principalement en cas d’inexécution de l’une des obligations. Il s’agit en fait de

déterminer les répercussions de l’inexécution de cette obligation sur l’obligation

corrélative ; problème par hypothèse inconnue dans les contrats unilatéraux.

En effet, si l’une des parties n’exécute pas son obligation, l’autre n’est pas obligée

d’exécuter la sienne. Le vendeur refusant de livrer la chose, l’acheteur n’est pas tenu

de payer le prix. C’est l’exception d’inexécution consacrée par l’art.82 du CCL III

(exceptio non adimpleti contractus).

Il y a une deuxième possibilité: l’acheteur peut demander en justice que ce contrat

soit résolu ; c’est la résolution judiciaire dont fait mention l’art.82 ccL III.

L’exception d’inexécution est inconcevable dans un contrat unilatéral. En outre, les

contrats synallagmatiques connaissent un régime spécial en matière de preuve à

savoir la formalité dite « du double ». En effet, si dans un contrat synallagmatique,


29

les parties font constater leurs engagements par écrit, ces écrits doivent être établis en

autant d’originaux qu’il y a des parties qui ont un intérêt distinct art.207 CCL III.

Cette réglementation énoncée par l’art. 207 n’est applicable qu’aux contrats

synallagmatiques. Précisons en passant qu’un contrat qui par sa nature est unilatéral

peut devenir synallagmatique par la volonté des parties.

Ainsi le contrat de dépôt non rémunéré est en principe unilatéral puisque la seule

obligation est celle du dépositaire de restituer la chose.

Mais si le dépositaire doit consentir certains frais pour la conservation de la chose, on

remarque que l’obligation du déposant vient à naître d’un fait éventuel et postérieur

à la conclusion du contrat.

Certains auteurs considèrent que de tels contrats c’est-à-dire les contrats qui obligent

l’une des parties ultérieurement sont des contrats synallagmatiques imparfaits.

D’autres auteurs rejettent par contre cette expression qu’ils jugent trompeuse et

défendent que ces contrats restent soumis au régime des contrats unilatéraux dans la

mesure où la contrepartie de l’obligation n’est qu’un fait éventuel et postérieur à la

conclusion d’un contrat.

3° Les contrats de bienfaisance et les contrats à titre onéreux

Un contrat de bienfaisance est celui dans lequel, l’une des parties procure à l’autre un

avantage purement gratuit. Il suppose donc un enrichissement du donataire sans

contre partie de sa part. Ex : un contrat de donation.

Un contrat à titre onéreux est un contrat qui assujettit chacune des parties à faire

quelque chose. En d’autres termes chacune des parties poursuit la réalisation d’un

avantage.
30

Ex : Un contrat de vente, contrat de bail etc.…

La distinction ne se confond pas avec la précédente c’est-à-dire entre contrats

synallagmatiques et unilatéraux. Elle se situe sur un plan économique (avantage

réciproque ou non) et subjectif (présence d’une intention libérale) alors que la

distinction entre les contrats synallagmatiques et unilatéraux se réfèrent aux critères

juridiques et objectifs de la présence ou absence d’obligations réciproques.

Les domaines ne coïncident pas non plus. En principe, tous les contrats

synallagmatiques sont également des contrats à titre onéreux : la réciprocité

d’obligations implique la réciprocité d’avantages.

Mais tous les contrats unilatéraux ne sont pas conclus à titre gratuit. Le contrat de

donation ou de prêt gratuit nous montre que l’absence de l’obligation dans le chef

d’une partie s’allie à l’existence d’une intention libérale dans le chef de l’une ou

l’autre des parties. Il s’agit d’un contrat unilatéral à titre gratuit mais ce n’est pas le

cas du prêt à intérêt : Ce contrat est certes unilatéral puisque les obligations

(rembourser le prêt et les intérêts) incombent toutes à l’emprunteur. Mais les deux

parties ont cherché leurs avantages dans l’opération sans intention libérale de part et

d’autre. De même, dans une promesse de vente unilatérale, seul le vendeur s’engage

mais il recherche aussi son avantage.

Il s’agit encore d’un contrat unilatéral à titre onéreux. L’appréciation du caractère

intéressé ou désintéressé d’un contrat peut être difficile. Y’a-t-il vraiment des actes

totalement désintéressés ?

Une prétendue intention libérale ne cherche-t-elle pas à provoquer au moins une

dette de reconnaissance ? à gagner l’estime d’autrui ?


31

Tant que les avantages poursuivis conservent cette nature extra – patrimoniale, le

contrat reste considéré comme conclu à titre gratuit.

Mais il est des actes où tout en n’exigeant pas de contrepartie, l’une des parties

poursuit manifestement l’obtention d’un avantage patrimonial. Ainsi, une agence

immobilière offre un voyage gratuit à l’acquéreur éventuel d’un terrain. Il s’agit en

réalité d’un contrat à titre onéreux. La distinction entre contrat à titre onéreux et

contrat à titre gratuit présente également un intérêt certain.

Si la morale glorifie les actes désintéressés, le droit s’en méfie. Dans le cours normal

des affaires où chacun cherche son intérêt, de tels actes présentent un caractère

insolite et l’on soupçonne leurs auteurs de répondre à des mobiles parfois

condamnables : Obtenir des faveurs illicites, spolier certains de ses proches,

s’appauvrir en fraude des droits de ses créanciers etc.…

Une série de règles traduisent cette prévention du système juridique à l’égard des

actes à titre gratuit ex : règle sévère quant aux conditions de forme et de fond,

exercice simplifié de l’action paulienne etc.…

Par contre, on relèvera que la responsabilité d’un contractant est souvent appréciée

moins sévèrement lorsqu’il agit d’un contrat à titre gratuit (art.493-494) : Le donateur

n’assume pas non plus les obligations de garantie qui incombent au vendeur.

Précisons aussi que le contrat à titre gratuit étant normalement conclu intuitu

personae c’est-à-dire en considération de la qualité de la personne ; il connaît les

particularités s’attachant à cette catégorie. A titre d’exemple, si l’on commet une

erreur sur la personne. Cette erreur sera une cause de nullité dans les contrats de

bienfaisance tandis que dans les contrats à titre onéreux, cette erreur sera parfois

indifférente parce que la qualité de la personne ne joue pas dans la conclusion de ce

contrat.
32

4° Les contrats commutatifs et les contrats aléatoires

Un contrat est commutatif lorsque les avantages réciproques sont susceptibles d’être

évalués dès la conclusion du contrat. Lorsqu’un contrat de vente est conclu par

exemple, l’avantage que l’acheteur procure au vendeur (paiement) et l’avantage que

le vendeur procure à l’acheteur (objet) sont fixés à l’avance.

Un contrat aléatoire par contre est celui où le rapport entre les avantages respectifs

des parties ne peut être connu au départ car une ou plusieurs des prestations

dépendent de la survenance d’un événement incertain ex : le contrat d’assurance est

un contrat aléatoire en ce sens que dans ce contrat, l’assuré s’engage à une prime en

contrepartie d’une indemnité en cas de sinistre.

Cette indemnité dépend de la survenance de sinistre lequel est incertain. Le contrat

aléatoire ne se confond pas avec un contrat conclu sous condition suspensive ou

résolutoire.

Le contrat aléatoire est pleinement en vigueur dès sa conclusion même si certaines

des obligations qu’il crée, sont tenues en suspension par un aléa. L’aléa est de la

nature même du contrat, il n’est pas une simple modalité. Ainsi, contrairement à la

réalisation de la condition suspensive, la survenance de l’aléa ne conditionne pas

l’entrée en vigueur du contrat.

Aussi contrairement à la condition résolutoire, la survenance de l’aléa ne met pas fin

au contrat mais elle détermine la prestation de l’une des parties. L’intérêt de la

distinction entre commutatif et contrat aléatoire réside dans le fait que certains

contrats aléatoire encourent l’hostilité du système juridique : le jeu et le pari sont en

principe illicite. Mais ce n’est pas toujours le cas, puisque certains systèmes
33

juridiques admettent la loterie et on connaît la place que le contrat d’assurance

occupe avec la faveur du législateur dans la vie contemporaine.

Un autre intérêt de la distinction réside dans les causes de nullité des contrats. Une

des causes de nullité des contrats même si elle reste rarement admise est la lésion

(disproportion des prestations entre les parties contractantes).

Dans certains cas, un acheteur lésé peut demander l’annulation d’un contrat. Il peut

aussi intenter une action en rescision qui peut aboutir à deux solutions : soit la

résolution du contrat, soit l’acheteur peut demander réduction du prix et remise de la

somme convenue par le vendeur.

Ce problème de lésion ne peut pas se poser dans les contrats aléatoires parce que

dans ces derniers cas il ne peut pas y avoir disproportion d’avantages puisque ceux-

ci ne peuvent pas se fixer de façon certaine lors de la formation du contrat.

Autrement dit comment constater un déséquilibre de prestations là où le rapport de

ces prestations est par hypothèse incertain ? D’où l’adage « l’aléa chasse la lésion ».

D. Classification des contrats d’après leur exécution

1° Les contrats instantanés et les contrats successifs

Les contrats successifs sont des contrats qui s’exécutent par des exécutions répétées

dans le temps. Les contrats instantanés quant à eux sont des contrats qui s’exécutent

en une fois. A titre d’exemple, le contrat de vente exige des prestations qui sont

exécutées en une seule fois. Certes, la prestation consistant à payer peut être divisée

en plusieurs tranches. Mais cela n’enlève pas son caractère de contrat instantané. Par

contre, le contrat de travail peut être considéré comme successif dans la mesure où

son exécution s’échelonne dans le temps.


34

L’intérêt de cette distinction réside d’abord dans la cessation de ce contrat. Le contrat

instantané cesse de produire ses effets dès que la prestation est exécutée. La situation

est différente lorsqu’il s’agit d’un contrat successif. Si le contrat a été conclu pour une

durée déterminée, il produira ses effets jusqu’à l’expiration de ce délai. Si après

l’expiration d’un délai, l’une des parties ne manifeste pas la volonté de mettre fin au

contrat, celui ci pourra être reconduit. C’est pourquoi on dit qu’il y a tacite

reconduction d’un contrat successif. Tel est le cas de l’employeur qui ne manifeste

pas la volonté de mettre fin au contrat à durée déterminée. Le travailleur peut

conclure que l’employeur a tacitement reconduit le contrat de travail pour une

période égale à la première. Ceci arrive également dans le contrat de bail. Cette tacite

reconduction ne peut pas se concevoir dans le contrat instantané. Le second intérêt

réside dans la rétroactivité en cas de l’inexécution d’un contrat du point de vue de

ses effets. Lorsqu’un contrat est annulé, cette annulation produit ses effets rétroactifs.

Une vente a été conclue par un mineur et quand il devient majeur, il soulève la

minorité comme cause d’annulation.

Cette annulation aura des effets rétroactifs et les choses seront placées dans leur

prestin état c’est-à-dire dans leur état antérieur.

Les choses devront être restituées, le cas échéant avec des fruits et le prix remboursé.

Par contre, les contrats successifs ne pourraient être résiliés qu’« ex nunc » (pour

l’avenir).

La rétroactivité ne peut pas se concevoir dans les contrats successifs. Le contrat de

travail par exemple s’il est résilié, il ne peut pas à proprement parler remettre les

choses dans leur état antérieur. Il est en effet impossible de remettre les choses dans

l’état où elles étaient.


35

Le troisième intérêt est le cas de force majeure qui empêche l’une des parties à

exécuter sa prestation. Par ex : le vendeur doit livrer une chose mais

malheureusement elle périt avant sa livraison. Il ne peut pas donc exécuter sa

prestation à cause de ce cas fortuit.

Ce cas de force majeure n’est pas applicable que dans les contrats instantanés. Dans

les contrats successifs, le cas de force majeure peut n’entraîner qu’une simple

suspension dans l’exécution de ce contrat.

2° Les contrats intuitu personae et les contrats non intuitu personae

Les contrats intuitu personae sont des contrats conclus en considération de la

personne du co-contractant. Dans ces contrats, la personne de l’un des co-

contractants est un élément déterminant. Il s’agit le plus souvent des contrats de

service conclu avec des spécialistes (architecte, artiste, chirurgien, contrat de

donation etc.…)

Les contrats non intuitu personae sont des contrats où la personnalité de l’une des

parties ne joue aucune influence.

L’intérêt de la différenciation de ces contrats réside dans le fait que les contrats

intuitu personae ne peuvent être exécutés que par la personne du contractant. En cas

de décès, le contrat devient caduc. Les obligations ne passent pas aux héritiers. En

d’autres termes, dans le contrat intuitu personae ; on ne peut ni céder l’obligation ni

la faire exécuter par quelqu’un d’autre.

Au contraire, le contrat non intuitu personae peut être exécuté par le débiteur lui-

même ou par les héritiers.


36

Un autre intérêt est celui qui a été souligné en ce qui concerne l’erreur sur l’identité

de la personne du contractant.

En cas de contrats intuitu personae, l’erreur sur la personne du contractant est une

cause de nullité du contrat alors que dans les contrats non intuitu personae, l’erreur

sur la personne du contractant est indifférente.

E. Classification des contrats d’après leur autonomie d’existence

On distingue les contrats principaux des contrats accessoires. Les contrats principaux

sont ceux qui existent valablement par eux-mêmes ; ceux dont l’existence ne dépend

pas d’un autre contrat.

Les contrats accessoires sont par contre ceux dont l’existence dépend d’un autre

contrat. L’intérêt de la distinction réside dans le fait que si le contrat principal est

entaché de vice, le contrat accessoire sera annulé. C’est l’application de la règle en

vertu de laquelle l’accessoire suit le principal.

F. Classification des contrats d’après leurs domaines

On distingue souvent les contrats civils, les contrats commerciaux et les contrats

administratifs mais cette distinction ne doit pas être trop accentuée. On l’a dit, la

théorie générale des obligations constitue un tronc commun à la fois des opérations

civiles et des opérations commerciales.

Le code de commerce ne réglemente pas les contrats usuels qui restent donc régis en

principe par les dispositions du code civil. Même en matière commerciale certains
37

contrats peuvent trouver l’essentiel de leur régime dans le code civil (le bail

commercial).

Cependant, il existe des réglementations distinctes comme pour le nantissement mais

elles ne diffèrent que sur certains points. Pour le surplus, les règles générales du droit

commercial peuvent affecter l’application de certaines règles du droit civil.

Il en est ainsi par ex : en matière de preuve et de solidarité mais il n’en résulte

cependant pas de clivage fondamental entre contrats civils et contrats commerciaux.

Il existe aussi des contrats administratifs. Parmi les modes d’action de

l’administration, le contrat occupe une place privilégiée. Ici encore, le droit des

obligations n’est pas absolument écarté. Mais le contrat se caractérise par la nature

particulière du co-contractant (puissance publique) et la finalité de l’opération (le

gain public ou l’intérêt général).

Ces caractères justifient certaines règles propres qui feront l’objet d’autres

enseignements telle la possibilité de résilier unilatéralement certains contrats

moyennant indemnités.

Toutefois ces exceptions au droit commun ne sont pas généralisées. Quand

l’administration gère son domaine privé, le droit privé est pleinement applicable.

Lorsque l’administration loue un immeuble à un particulier, elle a les mêmes droits

et devoirs qu’un particulier.

G. Le cas des contrats d’adhésion

Cette catégorie extrêmement importante n’est pas évoquée dans le code civil. Elle a

été introduite par la doctrine contemporaine à la suite d’une observation des faits
38

relatifs à la formation du contrat. Dans la philosophie du code civil tous les contrats

sont librement discutés d’égal à égal par les parties.

Les différentes clauses sont conclues de gré à gré après de véritables négociations,

mais dans la réalité actuelle, ce cas est devenu de moins en moins fréquent tout au

moins pour le consommateur individuel.

S’il arrive encore de pouvoir « marchander » ou discuter des conditions de certains

contrats, l’on se trouve dans bien des hypothèses devant un contrat dont toutes les

clauses ont été préétablies unilatéralement par le contractant souvent sous la forme

de conditions générales.

Il n’existe guère de possibilité de modifier les conditions du contrat aussi proposées.

La seule liberté est d’accepter ou de refuser Mais si l’on accepte, on doit adhérer au

contrat préétabli. On parle ainsi de contrat d’adhésion. Ce sera le cas pour le

particulier s’il achète dans un grand magasin, s’il prend un bus, s’il contracte une

assurance, s’il s’abonne au téléphone, s’il prend abonnement de l’eau et de

l’électricité, s’il sollicite un crédit etc.…

Peut-on dire que la possibilité de choisir ses propres orientations qui ne se retrouvent

pas dans le contrat d’adhésion porte atteinte à la validité de ce contrat ? Le contrat

d’adhésion reste en droit un contrat comme les autres. Le manque de débat préalable

et la présence des clauses préétablies ne sont pas en soi de nature à porter atteinte à

la validité ni à la force obligatoire du contrat. Mais l’inégalité de forces entre les co-

contractants que révèle le phénomène du contrat d’adhésion est susceptible de

provoquer des abus. C’est pourquoi cette inégalité a suscité diverses réactions

protectrices à l’égard du contractant le plus faible :


39

Le législateur a réglementé de manière impérative plusieurs contrats où une partie

impose fréquemment un contrat d’adhésion (contrat de travail, contrat d’assurance,

contrat de crédit, etc.…).

Parfois la réglementation peut imposer l’usage d’un contrat type conçu d’une

manière équilibrée. Les autorités administratives imposent fréquemment dans les

cahiers de charge d’une adjudication d’un service public à une société privée, des

clauses ou conditions que devront nécessairement contenir les contrats avec les

particuliers, voire les tarifs.

La jurisprudence a cherché aussi à protéger le contractant le plus faible à l’aide des

principes généraux. L’attention des tribunaux s’est notamment portée sur le

problème du consentement. On peut admettre qu’un co-contractant soit lié par son

adhésion à des clauses qu’il n’a pas pu négocier mais encore faut-il qu’il ait

réellement adhéré c’est-à-dire consenti. Or, il n’est pas rare qu’un commerçant

cherche à introduire ces conditions générales dans le champ contractuel de manière

quelque peu subreptice : texte imprimé en petits caractères figurant au verso des

documents souvent même apparus à un stade tardif du processus de conclusion du

contrat.

Il ne suffit évidemment pas au co-contractant de prétendre qu’il n’a pas lu les

conditions dont le commerçant se prévaut mais la jurisprudence exige parfois que ce

dernier ait suffisamment attiré l’attention de son client à leur égard. D’autre part les

clauses introduites après la conclusion du contrat sont en général rejetées. Ces

différentes solutions jurisprudentielles ne sont pas d’application absolue mais on les

rencontre le plus souvent lorsque l’adhérant n’est pas un professionnel c’est-à-dire

lorsqu’il s’agit de protéger le consommateur.


40

L’autre protection du contractant le plus faible par la jurisprudence se place au

niveau de l’interprétation. Ici le code civil lui-même indique expressément la voie

(art.60 et suivants du CCL III) qui autorisait des interprétations sévères en présence

d’une clause ambiguë ou obscure.

D’autre part, il existe un principe d’interprétation stricte des clauses dérogatoires au

droit commun ainsi qu’un principe d’interprétation contra proferentem c’est-à-dire

défavorable à celui qui a rédigé la clause ambiguë.

Les tribunaux peuvent donc se référer à ces principes pour interpréter en faveur du

co-contractant non commerçant, certaines clauses des conditions générales.

En outre, certaines clauses contenues dans les conditions générales peuvent être

contestées quant à leur licéité, il s’agit surtout des clauses restrictives de

responsabilité et des clauses pénales.

Les législations consuméristes sanctionnent également les clauses abusives ; or ces

clauses sont particulièrement présentes dans les contrats d’adhésion.

Parfois, des associations qui représentent les faibles peuvent mettre au point des

contrats types destinés à être opposés à certains contrats d’adhésion. Des associations

de consommateurs peuvent par exemple proposer des contrats types de vente ou

d’Entreprise. Aussi un contrat type peut être élaboré à la suite d’une négociation à

laquelle participent des représentants des différents milieux intéressés. En définitive,

le contrat d’adhésion présente des risques qu’il faut modérer mais il ne faut pas

confondre ici le contrat d’adhésion et le contrat forcé. Pour le contrat forcé, il y a des

obligations de contracter même s’il reste possible de choisir le co-contractant ou

certaines clauses du contrat. Il ne s’agit pas d’une simple obligation de fait mais
41

d’une obligation juridique de conclure un contrat. Ainsi le propriétaire d’un véhicule

automobile en circulation doit prendre une assurance responsabilité civile.

On est en présence ici d’un contrat forcé qui bien entendu peut aussi être un contrat

d’adhésion lorsque les clauses ont été élaborées par une seule partie. Les réactions

qui sont généralement assez critiques à l’égard du contrat d’adhésion ne doivent pas

faire oublier ces aspects positifs intimement liés à la prestation de services de masse.

Il a des effets très positifs de standardisation. Le rythme de la vie des affaires

nécessite une simplification, une uniformisation et une rapidité à quoi le contrat

d’adhésion répond d’une manière particulièrement opportune même si il ébranle les

fondements de la liberté contractuelle, et s’il crée des risques d’abus.

Section II La formation du contrat

L’échange des consentements qui donnent naissance aux contrats ne présente

souvent aucune complexité apparente.

L’achat d’un stylo ou d’un savon, se conclut et s’exécute en l’espace de quelques

secondes ; toutefois la vie moderne révèle une tendance à la conclusion d’opérations

de plus en plus complexes.

Un contrat portant sur la construction d’un ensemble industriel est précédé des

négociations qui peuvent durer des années. La conclusion de contrat avec un

entrepreneur à qui l’on demande de repeindre un immeuble ou avec la société

pétrolière qui va assurer l’approvisionnement régulier de mazout peut aussi prendre

un certain temps avant d’aboutir à un accord. Or, la durée des pourparlers ou des

négociations suscite plusieurs questions : A quel instant le contrat prend-t-il

naissance ? Les négociateurs n’assurent-ils aucune obligation juridique avant la

conclusion même du contrat ? De tels problèmes apparaissent dans l’étude des


42

pourparlers, de offre et de l’acceptation. Par ailleurs la technique de la représentation

soulève elle aussi des questions relatives à la réalisation de l’accord. C’est l’objet de

cette section.

§1 Les pourparlers

1° Notion

Les pourparlers constituent une phase préliminaire et facultative à la conclusion d’un

contrat au cours de laquelle les parties négocient les conditions auxquelles l’objectif

commun pourrait faire l’objet d’un accord de volontés.

Il n’y a pas encore de contrat ; mais seulement des propositions et des contre

propositions destinées à jeter progressivement les bases de l’accord.

2° Effets juridiques

L’ouverture des pourparlers n’engage pas à contracter. Chacune des parties garde le

droit de rompre. Par ailleurs, ce droit est intimement lié à l’économie de marché

puisqu’il permet de faire jouer la concurrence entre les co-contractants potentiels.

Toutefois, il s’agit de ne pas abuser de son droit de rompre. Celui qui entourerait une

négociation sans aucune intention de contracter mais aux seules fins de satisfaire sa

curiosité ou de découvrir les secrets d’affaires de son partenaire engagerait sa

responsabilité délictuelle. Il tromperait son adversaire sur son intention réelle ce qui

pourrait donner lieu à une réclamation de dommages et intérêts sur base de l’art.258

du ccL III.
43

Si je me présente au garage Toyota pour discuter des conditions d’un achat éventuel

et procéder à des essais, je ne suis pas obligé d’acheter. Toutefois si je n’avais

absolument aucune intention d’acheter, je commets une faute (culpa in contrahendo)

qui peut justifier ma condamnation à des D.I. L’ouverture et la conduite des

pourparlers exigent donc la bonne foi dans les intentions des parties ; en ce sens elles

engagent leur responsabilité.

La complexité de la négociation peut atteindre des proportions considérables.

En effet, l’évolution des besoins et des techniques engendre la réalisation des

marchés et des travaux d’une ampleur inconnue dans le passé. La structure juridique

de telles opérations doit être nécessairement bien élaborée. Elle repose souvent sur

un ensemble de contrats inter dépendants aux clauses multiples et complexes.

La négociation de tels contrats peut prendre des années : Etudes préalables,

obtention des concours nécessaires de la part des tiers par exemple sur les plans du

financement, de l’assurance, de l’approvisionnement, de l’obtention des autorisations

administratives, mise au point progressive des différents aspects de l’accord et de

livraison, établissement du prix, clauses de révision ou d’imprévision, garanties de

fonctionnement, arbitrage des différends…..

L’ampleur que prennent ces négociations développe les exigences de la bonne foi.

Celle-ci augmente avec l’état d’avancement des pourparlers. L’obligation générale de

bonne foi implique divers devoirs lorsque la négociation se prolonge durant

plusieurs semaines voire plusieurs mois : informer correctement le partenaire des

éléments d’appréciation pertinents, s’abstenir de toute proposition manifestement

inacceptable devant entraîner nécessairement l’échec des pourparlers, ne pas

prolonger la négociation en entretenant de faux espoir dans le chef du partenaire

lorsque la décision de rompre a été prise etc.…


44

Corrélativement, l’appréciation de la faute devra aussi subir une certaine évolution.

Tel comportement admissible au début de la négociation ne le sera plus lorsque les

parties seront presque arrivées au terme de leur discussion. Toute légèreté de

comportement doit être sévèrement appréciée lorsque les partenaires ont consacré

des études, des recherches, des démarches et de longs moments de négociation à la

perspective d’un contrat. Mais gardons le principe que sauf en cas d’abus, on peut

rompre les pourparlers.

3° Les lettres d’intention

Au cours de la gestation prolongée de certaines conventions, les négociations

ressentent souvent le besoin de mettre au point une série de documents

préparatoires. Par exemple pour annoncer au départ les objectifs des pourparlers

entrepris, pour faire en cours de route le bilan des résultats déjà acquis, pour préciser

certains aspects de la procédure de négociation, pour consacrer l’accord sur

l’essentiel une fois qu’il est obtenu. Certains détails restant à régler, pour faire savoir

à des tiers dont le concours est sollicité quelque soit l’objet et les perspectives de la

négociation en cours, etc.…

De tels documents portent fréquemment le nom de lettres d’intention. Le statut de

ces documents reste néanmoins très incertain. Il semble que les auteurs de ces lettres

estiment souvent qu’elles ne les obligent encore à rien. A travers la très grande

diversité des situations et des formules employées, il se dégage toutefois l’impression

que certaines lettres d’intention ou certaines clauses contenues dans ces lettres créent

déjà des obligations juridiques de nature contractuelle dans le chef des signataires. Il

ne s’agit évidemment pas encore des obligations qui résultent du contrat faisant

l’objet de la négociation, contrat qui reste à conclure, mais d’engagement contractuels

relatifs aux pourparlers eux-mêmes.


45

L’objet d’un tel engagement peut porter soit sur l’organisation de la négociation

(calendrier des réunions, prise en charge des frais, confidentialité des informations

échangées, etc.…) soit sur l’engagement au moins implicite de ne pas remettre en

cause les résultats déjà acquis de la négociation. Toutefois on remarque que cette

analyse est encore loin d’être fermement établie. La difficulté du problème réside

dans le fait que le phénomène de la lettre d’intention n’est guère aperçue par les

règles classiques de la formation des contrats.

Le droit traditionnel s’est construit à partir de l’observation des contrats très simples

de la vie courante dont la formation est le plus souvent instantanée. Les lettres

d’intention peuvent donc en définitive constituer de référence de quelques

engagements qui auront été conclu afin de pouvoir servir de preuve en cas de

responsabilité.

Aussi, après la conclusion du contrat les lettres d’intention seront susceptibles de

concourir à l’interprétation du contrat à titre de travaux préparatoires.

4° Les promesses de contrat

a. Définition

Les pourparlers peuvent déboucher sur une promesse de contrat précédant le contrat

définitif, la promesse de contrat constitue elle-même un engagement contractuel à

part entière. Son objet est d’obliger à la conclusion d’un contrat définitif dont tous les

éléments ont déjà fait l’objet d’un accord.

La promesse bilatérale oblige les deux parties à contracter. Compte tenu du principe

du consensualisme, elle se confond souvent avec le contrat lui-même et elle vaut


46

contrat (art.270 ccL III). Ainsi la promesse du contrat vaut convention ; ce qui la

distingue de l’offre qui est un acte purement unilatéral.

b. Le régime juridique de la promesse de contrat

La promesse de contrat ne peut pas être révoquée unilatéralement. Le bénéficiaire

conserve la possibilité d’accepter le contrat tant que la promesse est valable selon

l’accord intervenu entre le promettant et le bénéficiaire.

Si le contrat est consensuel ; il vient immédiatement à existence et se substitue à la

promesse de contrat.

§2. L’offre ou la pollicitation

1° Notion

L’offre constitue une proposition contractuelle complète à laquelle il suffit d’ajouter

l’adhésion du destinataire pour que le contrat soit conclu. Elle est irrévocable dès

qu’elle est parvenue à son destinataire durant un délai fixé à défaut durant un délai

raisonnable.

Pour que l’offre soit valable, elle doit contenir des précisions pour que la formation

du contrat ne dépende plus que du consentement de l’autre partie.

2° Conditions de l’offre

L’offre doit remplir deux conditions essentielles pour être valable :

Elle doit être ferme. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas confondre l’offre avec les

simples pourparlers. Ces derniers ne sont que des propositions pour conclure un
47

contrat mais des propositions qui ne prédisent pas encore les éléments essentiels du

contrat. A titre d’exemple l’offre de conclure un contrat de transport sans en préciser

le prix n’est pas une offre valable. Ce n’est qu’une simple proposition de conclure un

contrat et c’est la phase des pourparlers.

L’offre doit également être déclarée. Elle peut être faite soit à une personne

déterminée, soit à une personne indéterminée. Les marchandises exposées dans un

magasin sont offertes au public ; donc à des personnes indéterminées. La déclaration

de l’offre peut être verbale ou écrite. Elle peut même résulter d’une certaine

circonstance, d’une certaine attitude. Le chauffeur de taxi est en état d’offre

permanent même s’il ne dit rien même s’il n’écrit rien. C’est une offre permanente.

3° Nature juridique de l’offre

Malgré la résistance d’une partie de la doctrine et de la jurisprudence à la création

d’obligation par le seul fait d’un engagement unilatéral indépendamment d’un

concours de volonté, il faut poser en principe que dans l’état actuel du droit, l’offre

de contracter engage celui qui l’a émise. Quelle est la portée de cet engagement ?

L’offre n’engage évidemment pas au respect des obligations découlant du futur

contrat qui reste à conclure. Ce à quoi le pollicitant s’oblige, c’est de ne pas révoquer

son offre. C’est la maintenir au profit du destinataire. Le pollicitant se tient donc prêt

à entrer dans les liens du contrat sans nouvelle manifestation de volonté de sa part,

pour le cas où l’offre serait acceptée. L’engagement de l’offrant n’est pas éternel. On

conçoit que le destinataire de l’offre prenne le temps de réfléchir mais l’offrant ne

peut rester indéfiniment tenu d’attendre la réponse de son partenaire. Après un

certain temps il doit pouvoir recouvrer sa liberté, mais alors quand ?

Deux hypothèses sont donc à distinguer :


48

Si l’offrant est prévoyant, il aura assorti son offre d’un délai au terme duquel l’offre

sera caduque. Ex : je vous écris pour vous offrir l’acquisition de ma voiture en

précisant que mon offre est valable pendant dix jours.

En l’absence d’une telle indication, la jurisprudence considère que l’offre doit être

maintenue pendant un délai raisonnable évalué selon les circonstances notamment :

éloignement de parties, importance et complexité du contrat, usage etc.…

L’engagement de l’offrant peut aussi être assorti de réserves, expresses ou implicites.

Ex1 : J’offre des marchandises en vente mais seulement jusqu’à l’épuisement de mon

stock.

Ex2 : Je mets ma maison à louer mais je me réserve de ne pas contracter avec

quelqu’un dont la moralité ou la solvabilité serait douteuse.

4° Fondement de la force obligatoire de l’offre

La théorie de la force obligatoire de l’offre répond à un besoin pratique

particulièrement impérieux. Les relations économiques et commerciales seraient

gravement perturbées si les offres des commerçants et des entreprises n’avaient

aucun caractère obligatoire.

Plusieurs justifications ont été proposées pour soutenir cette théorie :

Le 1er fondement serait le délit civil. On considère que l’offrant est en droit de retirer

son offre tant qu’il n’y a pas eu acceptation mais si la révocation est intervenue au

mépris de l’expiration des délais, le pollicitant peut encourir une responsabilité

délictuelle.
49

Cette solution est critiquable par certains auteurs car considère-t-on que le pollicitant

a le droit de retirer son offre et ils n’y voient aucun délit en exerçant ce droit de

révocation ; autrement dit comment en effet, peut-on commettre une faute en retirant

son offre si le maintien de cette offre n’est pas obligatoire.

La deuxième solution préconisée est celle du fondement contractuel. Pour justifier le

caractère obligatoire de l’offre, certains auteurs décomposent l’offre en deux parties :

La 1ère partie qui est celle d’exprimer cette offre et la 2 ème qui est celle de maintenir

cette offre pendant un certain délai et qu’elle est réputée acceptée dès que le

destinataire en a eu connaissance. Le caractère obligatoire de l’offre reposerait donc

sur le fondement contractuel parce qu’on peut présumer une acceptation tacite de

l’offre. Un tel raisonnement a été vivement critiqué parce qu’il repose sur une vue

théorique et artificielle.

La troisième solution est celle de l’engagement unilatéral. D’après les tenants de cette

idée, le pollicitant qui s’est engagé pour un certain délai l’a été par le seul effet de sa

volonté et ne peut donc pas retirer son offre. Il y a engagement unilatéral dans la

mesure où le pollicitant est engagé par sa seule déclaration qu’il maintiendrait son

offre.

Il ne peut donc pas se délier d’un engagement qu’il a pris volontairement. La

majorité de la doctrine s’accorde aujourd’hui pour admettre la théorie de

l’engagement unilatéral comme meilleur fondement de la force obligatoire de l’offre.

§3. L’acceptation de l’offre

1° Portée de l’acceptation

Pendant le délai implicite ou explicite, durant lequel l’offre est maintenue,

l’acceptation du destinataire forme le contrat pour autant qu’il s’agisse d’un contrat
50

consensuel. L’acceptation n’est plus possible lorsque l’offre est devenue caduque en

raison de l’expiration du délai. Mais une telle acceptation tardive pourra elle-même

constituer une offre nouvelle.

2° Formes de l’acceptation

L’acceptation n’est soumise à aucune forme particulière. Comme l’offre elle peut

s’exprimer par une parole, par un écrit, par un comportement (début de l’exécution

du contrat par exemple).

Ces solutions ne font que traduire le principe du consensualisme. Des hésitations

sont cependant possibles lorsque l’on prétend inférer l’acceptation du simple silence

du destinataire de l’offre.

Sur base de l’adage populaire « Qui ne dit mot consent » peut-on en effet prétendre

que le fait de laisser sans réponse l’offre qui vous est destinée implique votre

acceptation ? En principe, il faut décider que le silence ne vaut pas acceptation. Il n’y

a aucune obligation de réagir à la réception d’une offre. Une volonté peut s’exprimer

de multiples façons mais encore faut-il qu’elle soit déclarée.

La jurisprudence reconnaît cependant certaines hypothèses où l’acceptation peut

résulter du silence. Cette solution exceptionnelle est retenue en 1 er lieu lorsque l’offre

a été émise dans l’intérêt exclusif du destinataire.

Par exemple : Une offre de délai de paiement ou une offre de réduction d’un loyer.

L’acceptation par le silence est également reconnue dans les cas où ce silence lui-

même est éloquent ou circonstancié compte tenu des relations posées entre parties.

Ex : Je commande chaque mois des matières 1ères à un fournisseur qui satisfait

régulièrement à mes commandes. Si ce fournisseur reçoit une nouvelle commande de

ma part qu’il ne désire plus cette fois honorer, il doit me le faire savoir compte tenu
51

des relations qui se sont instaurées entre nous. Il est devenu légitime de considérer

son silence comme une nouvelle acceptation.

3°Caractéristiques de l’acceptation

Si l’acceptation n’est soumise à aucune forme particulière, elle doit toutefois

correspondre à l’offre. Le contrat se conclut par l’accord de deux volontés

concordantes : L’acceptation ne peut donc être qu’une adhésion complète au contenu

de l’offre.

L’acceptation conditionnelle ou assortie de réserve (ex : j’accepte à condition que

vous modifiez votre prix) n’est pas une véritable acceptation.

Le contrat ne peut se former si l’offre initiale n’est pas acceptée telle qu’elle est. Mais

de telles prétendues acceptations peuvent équivaloir à de nouvelles offres si elles en

présentent elles-mêmes les caractéristiques.

La rigueur de ces dernières solutions est parfois tempérée par la jurisprudence

lorsque la divergence entre l’offre et l’acceptation ne porte que sur des points

mineurs.

En conclusion, si l’offre rencontre l’acceptation, le contrat est définitivement formé

mais il faut qu’il y ait effectivement acceptation réelle et véritable.

A ce sujet, diverses questions se posent à propos de la véritable acceptation,

autrement dit à quel moment peut-on dire qu’il y a eu acceptation ? En quel lieu

l’acceptation s’est produite ? Dans quel cas peut-on dire que l’acceptation est émise ?

Autant de questions que l’on peut se poser ? D’où l’analyse des contrats entre

absents.
52

§4. Les contrats entre absents

1° Position du problème

Le contrat se forme au lieu et au moment où l’offre est acceptée mais où et quand

précisément l’acceptation rencontre-t-elle l’offre ?

Lorsque les deux co-contractants sont présents, la question du lieu et du moment de

la formation ne suscite aucune difficulté.

L’achat d’une marchandise mise en vente dans un magasin est suffisamment localisé

dans le temps et dans l’espace par la présence simultanée du vendeur pollicitant et

de l’acheteur acceptant.

Lorsque le contrat est conclu par correspondance ou par un mode analogue, on parle

de contrat entre absents car au moment de l’acceptation, les parties contractantes ne

sont pas en présence l’une de l’autre.

La détermination du lieu où le contrat se forme et du moment de sa conclusion

constitue alors une difficulté pratique qui peut être de grande importance.

Ex : Une personne se trouvant à BUKAVU a fait une offre à une autre personne se

trouvant à LUBUMBASHI. A un moment donné la personne qui se trouve à

LUBUMBASHI a accepté à l’offre en écrivant une lettre à l’autre se trouvant à

BUKAVU. Quand est-ce que le contrat a été formé ? La question est intéressante à

plus d’un titre.

Il suffit de supposer pour n’évoquer qu’une difficulté parmi tant d’autres qu’entre le

moment où la personne habitant à LUBUMBASHI a donné son acceptation et la


53

personne habitant à BUKAVU a reçu cette acceptation, il y a eu un changement dans

la capacité de l’une ou l’autre partie.

On peut aussi faire état du problème de compétence et rappeler que dans les affaires

commerciales, le tribunal compétent s’il y a litige pourra être celui de lieu où le

contrat s’est formé.

Le moment de la conclusion du contrat présente encore de l’importance pour fixer le

point de départ d’une éventuelle prescription, pour déterminer la loi en vigueur en

cas de survenance d’une loi nouvelle etc.…

Il importe donc de préciser ce moment avec précision.

2° Moment de la conclusion du contrat

Ce moment est le point de départ de l’obligation contractuelle. L’offre cesse d’être

une offre pour se transformer en contrat. Ainsi la conclusion du contrat met un terme

définitif à la possibilité de révoquer l’offre et les obligations des parties prennent

naissance.

S’il s’agit d’un contrat translatif de droit par exemple la vente, le moment de la

conclusion du contrat détermine le transfert des droits, des charges et surtout des

risques. Pour déterminer ce moment deux grandes thèses sont défendues en

doctrine : la 1ère met l’accent sur le fait que le contrat existe dès qu’il y a accord de

volonté même si l’offrant ignore encore l’existence de l’acceptation. Dès que le

destinataire de l’offre décide d’accepter, le contrat serait formé. C’est la théorie de

l’émission.

Cette théorie a été critiquée en fait et en droit. En fait parce qu’elle soulève une

difficulté de preuve insurmontable :


54

Comment établir en cas de contestation la réalité et le moment précis de cette

manifestation unilatérale de volonté.

En droit parce que l’accord de volonté implique plus qu’une coexistence de volontés.

Il faut des volontés qui se rencontrent.

Une deuxième thèse met l’accent sur le fait que le concours de volontés n’existe

qu’au moment où les volontés exprimées se rencontrent. C’est au moment où

l’offrant prend connaissance de l’acceptation que le contrat se forme. Il n’est formé

que lorsque les consentements sont connus de part et d’autre. C’est la théorie de

l’information. Si cette théorie répond à la seconde objection opposée à la théorie de

l’émission, elle laisse toutefois subsister une difficulté de preuve analogue. Comment

démontrer que l’offrant a bien été informé de l’acceptation et à quel moment précis ?

Pour résoudre les problèmes de preuve soulevés par les deux théories classiques, la

doctrine et la jurisprudence ont dégagé deux variantes qui se sont substituées dans la

pratique aux thèses fondamentales.

L’émission de volonté n’acquiert une valeur juridique que lorsque l’acceptant s’est

dessaisi de son acceptation pour la transmettre à l’offrant (par ex : par la remise à la

poste) C’est la théorie de l’expédition variante de la théorie de l’émission.

Une autre jurisprudence notamment belge s’est ralliée à une (autre) variante de la

théorie de l’information. Le contrat est conclu lorsque l’acceptation parvient au

domicile de l’offrant ou à l’endroit où l’acceptation doit parvenir. Dès cet instant et

indépendamment du fait que l’offrant en ait pris ou non connaissance, le contrat est

formé. C’est la théorie de la réception


55

Elle écarte certaines difficultés de preuve qui peuvent résulter de l’attitude de

l’offrant qui sciemment ou involontairement ne prend connaissance de l’acceptation

qu’avec retard.

Ainsi l’offrant ne peut reporter la conclusion du contrat en maintenant la lettre non

ouverte afin de garder une possibilité de révocation ou de s’assurer de délai

d’exécution prolongée.

Si la théorie de la réception semble s’être imposée en droit belge, elle reste quand

même critiquable dans la mesure où le pollicitant a besoin de connaître exactement le

contenu de l’acceptation.

Donc, les deux volontés ne se sont pas totalement rencontrées alors que c’est l’objectif

visé pour la théorie de la réception.

En définitive, on peut dire que les solutions ainsi proposées restent supplétives. Les

parties aménagent librement leur relation contractuelle. Elles peuvent fixer à un autre

moment la naissance de leurs engagements. S’agissant du lieu de conclusion du

contrat, le système de la réception implique que le contrat se forme au lieu où

l’acceptation parvient à l’offrant.

§5. La représentation

1° Notion

La représentation est une technique par laquelle une personne, le représentant

accomplit un acte juridique au nom et pour le compte d’une autre personne, le

représenté, de manière que tous les effets de cet acte se produisent immédiatement

dans le chef du représenté.


56

L’institution est très utile. Un particulier peut par ex : solliciter l’intervention d’un

représentant lorsqu’il lui est difficile d’agir en personne pour des raison les plus

diverses (éloignement, maladie, utilité de recourir à un spécialiste etc.…)

La représentation joue un grand rôle juridique pour les incapables. La représentation

peut concerner des actes juridiques divers. Par ex : La représentation en justice. Mais

elle joue un rôle important à propos de la conclusion des contrats et c’est à ce titre

qu’il en est question ici. Au lieu de négocier personnellement avec B, A envoie son

représentant C et ce dernier conclut avec B au nom et pour le compte de A. Le contrat

lie directement A et B.

Les sources de la représentation peuvent être légales (cfr. le régime des mineurs

d’âge) judiciaires (la curatelle en matière de faillite) ou alors conventionnelles. Le

contrat qui investit le représentant est normalement le contrat de mandat.

C’est d’ailleurs dans la réglementation du mandat que l’on trouve l’essentiel du

régime de la représentation.

2° Conditions

- Le pouvoir de représentation

Le phénomène de la représentation suppose l’existence de pouvoirs dans le chef du

représentant. L’étendue de ces pouvoirs dépend de la source de la représentation. La

loi détermine par ex : les pouvoirs d’un représentant d’un mineur.

Lorsque la représentation découle d’un contrat de mandat, c’est ce contrat qui définit

les pouvoirs du mandataire.


57

Ex : donner à B le pouvoir d’acheter une maison pour tel prix maximum. Un autre

mandat chargera son représentant de gérer tous ses biens pendant son absence à

l’étranger.

L’étendue des pouvoirs déterminera en principe les effets qui seront produits par la

représentation (en ce qui concerne par ex : les dépassements de pouvoirs d’un

mandataire)

- La volonté de représentation

Le représentant doit vouloir agir au nom et pour le compte du représenté.

En effet, si je suis mandaté, tout ce que je fais n’est pas nécessairement englobé dans

le champ de la représentation.

Si je suis chargé de gérer les biens d’autrui, je n’en cesse pas moins de gérer mon

propre patrimoine.

L’intention de représenter est donc un élément essentiel de la représentation. Cette

volonté de représenter doit être exprimée car le co-contractant doit être informé du

fait qu’il traite avec un représentant pour que les effets du contrat puissent

directement se produire dans le chef du représenté.

C’est du moins le cas de la représentation dite parfaite ou immédiate. La volonté de

représenter et d’agir ou non et pour le compte du représenté implique en outre une

volonté propre de conclure le contrat en cause.

Le représentant n’est pas un simple messager ou le porteur d’une acceptation. C’est

lui qui donne personnellement son accord même si tous les effets du contrat se
58

reportent sur le représenté. Le consentement personnel du représentant doit donc

être réel et exemple de vices.

3° Les effets

Les principaux effets de la représentation ont déjà été mentionnés. Le représentant

est partie au contrat mais les droits et obligations qui naissent du contrat sont

directement et immédiatement acquis au représenté.

Inversement, le représentant disparaît en principe du rapport contractuel dès que le

contrat est conclu. C’est du moins le cas de la représentation parfaite : Ex : Gérant

d’une société.

Dans certains cas, le tiers co-contractant ne connaît que le représentant, c’est la

représentation imparfaite ou médiate. On la rencontre notamment dans le contrat

commercial de commission. Le commissionnaire agit pour le compte du commettant

mais en son nom propre. Le tiers n’a pas de lien juridique envers le représenté dont il

ignore l’existence. Inversement, le représentant est personnellement engagé envers le

co-contractant.

Un règlement de compte ultérieur interviendra entre le représentant et le représenté.

Les rapports entre le représenté et le représentant sont régis d’après leur source (la

loi, le jugement, le contrat). Seulement la doctrine y dégage une exigence particulière

de loyauté liée au fait que le représentant gère les intérêts d’autrui.


59

Section III Les conditions de formation du contrat.

§1 Les conditions de validité.

Un contrat n’est considéré comme formé après concordance entre l’offre et son

acceptation que lorsque sont réunis les conditions essentielles pour sa validité.

Celles-ci sont au nombre de quatre selon l’art.8 du ccL III :

Le consentement de la partie qui s’oblige

La capacité de contracter

L’objet certain qui forme la matière de l’engagement

Une cause licite dans l’obligation.

A Le consentement

Etymologiquement, le mot consentement veut dire être en communauté de

sentiments. Le consentement est donc l’accord de volontés des parties au contrat.

C’est cet accord qui forme le contrat et qui donne naissance aux obligations qui en

découlent. Ce consentement doit émaner des deux parties ou alors de toutes les

parties s’il y a plus. Mais certaines circonstances peuvent empêcher le consentement

de se réaliser.

Pour que le consentement puisse produire tous ses effets ; il doit être donné

librement et en connaissance de cause. Il faut donc une volonté saine, réelle et

éclairée des parties. Si ces qualités manquent, le consentement est vicié. Autrement

dit, le consentement quoique donné n’a pas été entier ; ce qui confère à celui dont le

consentement a été vicié le droit de réclamer l’annulation du contrat. Et l’art.9 du ccL

III définit les circonstances qui peuvent empêcher le consentement de se réaliser. Il

organise trois vices de consentement à savoir : l’erreur, la violence et le dol.

La jurisprudence ajoute un 4ème qui est la lésion.


60

1° L’erreur comme vice de consentement

L’erreur est une représentation fausse ou inexacte de la réalité. Commettre une

erreur c’est croire vrai ce qui est faux et faux ce qui est vrai. L’erreur envisagée par le

code civil est celle qui porte sur l’un des éléments ayant déterminé principalement le

consentement à un engagement.

L’erreur non déterminante pour la conclusion du contrat n’est pas considérée. Ainsi

si je pense que le garagiste à qui j’ai confié ma voiture est burundais alors qu’il est

congolais, je ne puis prétendre que mon erreur a vicié mon consentement.

Précisons qu’il n’est en principe pas nécessaire que les deux contractants se trompent.

L’erreur d’un seul peut justifier une annulation. Mais on ne peut pas admettre que

l’erreur soit une cause de nullité dans tous les cas. La doctrine distingue trois

catégories d’erreurs suivant leur gravité. Il y a les erreurs destructrices du

consentement qu’on appelle erreurs obstacles, les erreurs qui vicient le consentement

qu’on appelle erreurs vices de consentement et enfin les erreurs dites inopérantes ou

indifférentes.

a. L’erreur obstacle

Il s’agit d’une erreur énormément grave que les volontés n’existent même pas ou ne

se rencontrent pas. Dans ce cas, on ne peut pas parler de vice de consentement parce

que ce consentement n’existe pas. Cette forme d’erreur se rencontre dans des cas où il

y a erreur sur la nature de la convention ( in negotio). Par exemple, une personne a

l’intention de faire un prêt et l’autre se croit bénéficiaire d’une donation.


61

Dans ce cas, les volontés ne coïncident pas. Il n’y a pas eu de consentement. L’erreur

peut porter aussi sur l’objet de la convention ( in corpore).

Ex. vente d’une chaise à la place d’une table. Là aussi les volontés ne se rencontrent

pas car il y a erreur sur l’identité de l’objet de la convention. Ainsi pour l’erreur

obstacle, il s’agit d’une erreur tellement fondamentale qu’il n’y a ni consentement, ni

contrat mais comme le disait Planiol seulement « un malentendu ».

b. L’erreur vice de consentement

Il s’agit de l’erreur considérée par l’art 10 qui distingue selon qu’elle porte sur la

substance ou sur la personne. Contrairement à l’erreur obstacle le consentement

existe mais l’erreur repose sur un élément suffisamment important qu’on peut dire

que le consentement a été vicié. Ainsi celui qui s’est trompé peut demander

l’annulation de l’acte auquel il a consenti par erreur si son erreur est substantielle.

- L’erreur sur la substance

L’erreur sur la substance a évolué depuis son acceptation en droit romain. Conçue

d’abord dans son sens concret et assez restrictif (je crois acheter du cristal alors qu’il

s’agit de verre) l’erreur sur la substance vise désormais l’erreur sur les qualités

substantielles de la chose c’est-à-dire l’erreur déterminante. Si j’achète un terrain

pour y construire une maison en ignorant l’existence d’une servitude y attachée je me

trompe sur la qualité substantielle de la chose. C’est encore le cas du tableau

authentique qui ne l’est pas. ça peut aussi être le cas de l’erreur sur la date de

fabrication d’un véhicule d’occasion (voiture de 1990 au lieu de 2000 par ex)

Dans la plupart des cas, l’erreur sur la substance porte sur la prestation du co-

contractant, mais il n’en est pas nécessairement ainsi. En effet l’erreur d’un
62

contractant sur sa propre prestation est possible. Par ex, je crois vendre une copie

alors qu’il s’agit de l’original. Je pourrai ainsi obtenir une annulation.

L’erreur de droit peut aussi être prise en considération pour autant qu’elle ne soit pas

inexcusable. Ainsi la règle selon laquelle nul n’est censé ignorer la loi peut être

nuancée. Cette règle a pour portée de rendre la loi applicable même à celui qui

l’ignore mais elle ne fait pas obstacle à ce que cette ignorance puisse être constitutive

d’un vice de consentement.

L’erreur ne doit pas être partagée par les deux parties. S’il s’agit d’une erreur sur une

qualité substantielle, celle-ci ne justifie l’annulation que si elle est généralement

considérée comme substantielle par un contractant normal. Et lorsque la qualité est

exceptionnellement considérée comme substantielle, le co-contractant doit être

informé du caractère substantiel que l’autre partie donne à cette qualité. Il connaît ou

il doit connaître l’importance que revêt tel élément aux yeux de l’autre partie.

Soulignons enfin qu’en matière de vente par ex, l’acheteur non satisfait du bien qu’il

vient d’acquérir se trouve parfois placé devant un choix entre trois recours possibles :

Erreur sur la substance, la garantie due par le vendeur pour vice caché (art 318 ccLIII)

et le recours pour non conformité de la chose livrée. (art 281 et suivant).

Les conditions d’exercice de ces différents recours ne sont pas identiques mais le

départage est parfois subtil dans les cas d’espèce. La question est pertinente car les

effets de ce recours ne sont pas toujours identiques. De plus amples développements

à ce sujet seront faits dans le cadre d’autres enseignements notamment lors de l’étude

des contrats usuels.


63

- L’erreur sur la personne

L’erreur sur la personne est présentée négativement par l’art 10 alinéa 2. En principe

elle n’est pas admise dans la mesure où l’identité ou les qualités du co-contractant ne

sont pas considérées comme des éléments déterminants du consentement.

Cependant dans les contrats intuitu personae, l’erreur sur la personne devient une

cause d’annulation. C’est le cas pour de nombreux contrats de service (ex contrat de

travail) et pour les contrats à titre gratuit. L’erreur peut porter sur les qualités du co-

contractant ou sur ses qualités essentielles. Je veux faire une donation à une œuvre

philanthropique et je fais parvenir mon versement à une autre association suite à une

confusion de noms. Je souhaite me faire opérer du cœur par le Docteur X parce que je

crois qu’il est cardiologue alors qu’il est en réalité gynécologue.

c. L’erreur inopérante ou indifférente

Les erreurs vénielles portent sur certains éléments qui n’ont ni le caractère radical de

l’erreur obstacle ni le caractère substantiel requis pour entraîner la nullité. C’est le cas

notamment de l’erreur sur la valeur.

J’achète un terrain à 10.000.000 de francs alors que sa valeur réelle n’est que de 4

millions. Cette erreur est sans effet et j’en supporte les conséquences. L’erreur sur la

valeur lorsqu’elle est suffisamment grave peut le cas échéant être admise en

application d’une autre cause de nullité qui est la lésion.

Aussi, l’erreur sur la solvabilité du contractant ne peut en aucun cas être une cause

de nullité du contrat. L’erreur sur les mobiles, sur les motifs de la conclusion du

contrat est en principe une erreur vénielle, inopérante.

Si j’ai acheté une maison à Lububambashi parce que j’espérais y être nommé, le

contrat ne sera pas remis en cause si mes espoirs s’avèrent vains.


64

Toutefois, l’erreur sur les mobiles peut être prise en considération en tant qu’erreur

sur la cause lorsque les mobiles sont entrés dans le champ contractuel comme un

élément substantiel.

Enfin les erreurs inexcusables constituent une catégorie progressivement dégagée par

la jurisprudence dans l’intérêt du cocontractant et de la sécurité juridique. Lorsque

l’erreur est impardonnable, les tribunaux font échec à l’action en nullité. Pour

apprécier le caractère inexcusable de l’erreur, on prendra comme critère, celui de

l’homme raisonnable.

La jurisprudence a par exemple refusé d’annuler l’indemnisation faite à tort par une

compagnie d’assurance qui s’était trompé sur l’applicabilité en espèce de la

législation sur la réparation des accidents du travail.

Dans le chef d’une entreprise spécialisée en la matière, une telle erreur de droit a été

jugée inexcusable. L’idée générale est qu’il doit y avoir des limites au delà desquelles

l’erreur n’est plus admise. S’il est naturel que la loi protège ceux qui se trompent,

elle ne saurait en revanche venir à l’aide de ceux qui font preuve d’une légèreté

excessive. Cette solution est à rapprocher à celle de l’art 319 selon laquelle le vendeur

n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.

S’agissant des questions de preuve, celui qui s’est trompé doit prouver l’existence de

l’erreur qu’il invoque. Puisque l’erreur est un fait et non un acte juridique, sa preuve

peut être rapportée par tous les moyens. Il faut prouver que l’erreur entre dans une

catégorie retenue par le droit positif et qu’elle ait déterminé le consentement. Celui

qui sollicite le maintien du contrat a la charge de prouver le caractère éventuellement

inexcusable de l’erreur.
65

S’agissant des effets, celui qui s’est trompé peut demander l’annulation du contrat

dans les limites des conditions qu’on vient d’évoquer. Il s’agit pour l’erreur vice de

consentement d’une nullité relative.

L’erreur obstacle devrait selon certains entraîner la nullité absolue mais une tendance

récente retient la nullité relative. L’annulation du contrat protège la victime de

l’erreur. Cette dernière peut dès lors obtenir des D.I pour compenser le préjudice

dont il établirait l’existence.

2° Le dol

a. Notion

Le dol régi par l’art 16 du code civil LIII est un vice de consentement provoqué par le

co-contractant. Il consiste en des manœuvres ou procédés qui amènent le partenaire à

contracter. On fait croire à des caractéristiques ou des avantages imaginaires. La

conséquence du dol est une erreur. Le partenaire contracte parce qu’il a été trompé. Il

ne faut pas confondre cependant l’erreur vice de consentement et le dol.

Si le dol induit en erreur, il s’en distingue par les manœuvres du co-contractant. Ce

qui fait que le type d’erreur provoqué est ici sans intérêt. Le dol que l’on considère

est relatif à la formation du contrat mais il peut y avoir dol aussi dans l’exécution

mais c’est alors un autre problème assorti d’autres sanctions (résolution, D.I. de

nature contractuelle).

Ce qui nous intéresse pour le moment, c’est le dol relatif à la formation du contrat et

la sanction qui est attachée à savoir la nullité qui est la sanction d’un vice de

formation du contrat.
66

b. Conditions

- Les manœuvres

Pour qu’il y ait dol, il faut des manœuvres et celles-ci comportent un élément

matériel et un élément intentionnel.

L’élément matériel

Le dol est un fait, une déclaration, un comportement, une mise en scène voire même

des réticences, un silence peut être dolosif dans la mesure où certaines choses doivent

être révélées. Par exemple dissimuler une dette au cours d’une négociation relative à

la reprise d’actions dans une société. La considération des réticences dolosives se

développe surtout dans le chef des vendeurs professionnels.

L’élément intentionnel

L’élément intentionnel est aussi nécessaire pour qu’il y ait dol . il faut une intention

de tromper.

L’appréciation des manœuvres dolosives évolue, on admet généralement le « dolus

bonus » qui fait référence aux boniments des marchands. Il est normal qu’un vendeur

flatte exagérément les qualités de sa marchandise. On présume que de telles

publicités n’abusent personne. Cependant, on peut passer progressivement à un

stade qui quitte le dolus bonus. Par ailleurs en vue de protéger le consommateur, une

tendance très nette se manifeste dans le sens des exigences de rapprochement de

sincérité en matière de publicité.

- L’auteur
67

Les manœuvres doivent émaner du co-contractant. On ne tient pas compte par

principe du dol émanant d’un tiers. Toutefois la jurisprudence considère que le

contrat est annulable si le tiers a été complice du co-contractant ou si celui-ci a profité

consciemment de ses manœuvres dolosives.

En d’autres termes, si l’une des parties a eu connaissance des manœuvres pratiquées

par un tiers et qu’elle n’a pas averti l’autre partie, elle doit être considérée comme

ayant participé à ces manœuvres dolosives. Par ailleurs le dol du tiers pourra donner

lieu à l’annulation du contrat si ce dol a provoqué dans le chef de celui qui en a été

victime une erreur suffisamment substantielle. Par ex si le dol commis par un tiers a

eu pour effet de provoquer l’erreur obstacle, le dol pourra provoquer l’annulation du

contrat.

Il ne faut pas confondre le dol du tiers avec celui du représentant.

Le dol de celui-ci permet l’annulation car juridiquement ce n’est pas un tiers. Le

représentant agit au nom et pour le compte du co-contractant en sorte que ses

manœuvres dolosives engagent directement son mandant.

- Le caractère déterminant

Pour justifier une remise en cause du contrat, les manœuvres doivent avoir

déterminé le consentement. Un vendeur a cru bon de faire miroiter les qualités

imaginaires d’un objet que je comptais de toute façon acheter. Son dol n’a pas

déterminé la conclusion du contrat ; on appréciera le caractère déterminant in

concreto, selon les circonstances et selon les capacités de la victime.

L’âge, l’expérience, la formation intellectuelle, la profession sont autant de critères

parmi d’autres qui permettent d’apprécier dans quelle mesure le co-contractant a

réellement pu être trompé par les manœuvres dolosives.


68

La jurisprudence a introduit une distinction entre le dol principal qui a déterminé le

consentement et le dol incident qui a seulement fait contracter le partenaire à des

conditions moins avantageuses.

Le dol principal annule la convention. Le dol incident c’est-à-dire celui qui n’a pas de

caractère déterminant n’entraîne pas l’annulation du contrat et donne plutôt lieu à

l’allocation des D.I.

En conclusion, on remarque que la mise en œuvre d’un dol permet d’élargir les

conditions de prise en compte de l’erreur comme vice de consentement. Ainsi

l’erreur sur le prix et l’erreur inexcusable sont-elles cause de nullité si elles ont été

provoquées par un dol.

Ainsi, le dol ne se présume pas, il doit être prouvé. (Art 17 ccLIII). Il appartient à

celui qui invoque le dol de la prouver en établissant les différentes conditions

requises. La charge de la preuve repose entièrement sur la victime. Le dol principal

donne lieu à une action en nullité relative qui ne peut donc être exercée que par la

victime. Celle-ci pour autant qu’elle prouve un préjudice peut obtenir en outre des

D.I. En cas de dol incident, les D.I apparaissent comme la seule réparation possible,

et cela peut équivaloir à une réduction de prix.

3° La violence

a. Notion

La violence est l’un des anciens vices de consentement. Il est aussi celui dont les

rédacteurs du code civil se sont le plus préoccupé puisqu’ils ont consacré cinq

articles à ce sujet (de l’art 11 à 15 du ccLIII).


69

Cependant, le terme violence doit être bien compris. La violence physique directe est

une violence obstacle. Il n’y a point de consentement. Si je contrains physiquement la

main de mon partenaire à signer le contrat, c’est plus qu’un vice puisqu’il y a défaut

de consentement. Cette hypothèse est par ailleurs peu fréquente et si jamais elle

existe, elle provoque de manière évidente l’annulation du contrat.

La violence vice de consentement qui est fréquente est le fait d’inspirer à une

personne la crainte d’un mal pour elle et ses proches en vue de lui extorquer un

consentement qu’elle ne veut pas donner.

Il s’agit en d’autres termes de la violence qui réside dans la crainte ou la menace

inspirée à une partie pour la contraindre à contracter.

b. Conditions

1 Des menaces

La violence consiste en des menaces de violences physiques (menaces de sévices, de

coups et blessures bref d’atteinte à l’intégrité corporelle) matérielles (atteinte aux

biens) ou morales (par ex menaces de chantage ou de diffamation). Pour être prise en

considération ces mêmes menaces doivent répondre à diverses caractéristiques :

- Elles doivent faire craindre un mal considérable et présent (art 12). Les menaces

doivent être suffisamment graves. Une menace anodine n’influence pas la validité du

consentement. Par contre, contrairement à ce qu’on pourrait déduire de l’art 12, le

mal ne doit pas être immédiat, c’est la crainte qui doit être présente. Le critère

d’appréciation du code civil est à 1 ère vue abstrait puisque le mal doit être « de nature

à faire impression sur une personne raisonnable ». L’alinéa 2 du même article lui

donne cependant une portée concrète qui a été par ailleurs adoptée par la

jurisprudence.
70

- La menace doit être dirigée contre la personne ou la fortune du co-contractant ou de

ses proches. Il s’agit d’une menace d’atteinte à l’intégrité morale, corporelle ou

matérielle. L’art 13 semble définir limitativement les proches concernés. La

jurisprudence a étendu cette conception restrictive tout en maintenant l’exigence

d’un lien d’affection suffisant. On enseigne généralement que toute autre personne

peut entrer en ligne de compte dès l’instant où il y a des liens d’affection

suffisamment profonds. La violence exercée contre un ami intime peut justifier

l’annulation du contrat. Mais tout dépend de l’appréciation souveraine du juge.

- La menace doit émaner d’une personne. Cette personne peut être aussi un tiers.

Dans ce cas, le co-contractant victime de l’annulation pourra se joindre à son

partenaire menacé pour réclamer des D.I. à charge du tiers. Par principe, la violence

n’émane pas des circonstances mais ce principe est parfois nuancé. Le capitaine de

navire qui conclut un contrat d’assistance lorsque son navire est en train de sombrer

est sous une menace qui pourrait l’amener à accepter n’importe quelle condition. Ça

peut être le cas aussi pour quelqu’un, obligé de fuir à cause des violences, vend sa

maison dans des conditions préjudiciables. Le code civil n’aborde pas ce problème

mais la jurisprudence est parfois intervenue pour permettre la remise en cause du

contrat conclu dans de telles circonstances mais soulignons que le principe du code

civil reste toutefois que la violence doit émaner d’une personne et non des

circonstances.

- La menace doit être injuste. A la violence injuste on oppose la crainte révérencielle

et la violence légitime (art 14). La seule crainte révérencielle ne suffit pas pour

invoquer un vice de consentement. Il s’agit des circonstances où il existe un rapport

de respect ou d’autorité entre les co-contractants. Le code vise les relations entre

descendants et ascendants mais la jurisprudence considère également d’autres

relations : Employeurs- employés, officiers – petits soldats, médecins – malades,

professeurs – élèves, etc.….


71

On peut imaginer que la personne qui contracte avec celui dont elle dépend se trouve

dans une situation telle qu’elle subisse une certaine violence morale. Cette crainte

révérencielle ne suffit pas à justifier l’annulation pour violence de tout contrat

intervenu entre les intéressés mais la situation peut avoir été exploitée. Un supérieur

a obtenu de son subordonné qu’il souscrive à un contrat léonin. La victime qui

prouve un tel abus pourra obtenir l’annulation. Mais si de peur ou si par crainte de

décevoir votre père, vous concluez contre votre propre gré le contrat de mariage, le

contrat n’en est pas moins valable.

2 Le caractère déterminant

Il faut que les menaces aient déterminé le consentement pour que le contrat puisse

être annulé. Si elles ne l’ont pas influencé, elles restent sans effet sur la validité.

Le juge doit donc apprécier ce caractère déterminant pour pouvoir prononcer

l’annulation. Comme à propos des autres vices de consentement, celui qui invoque la

violence doit apporter la preuve des menaces dont il a été victime et de leur caractère

déterminant et comme la violence constitue un fait juridique, la preuve sera

rapportée par tous les moyens.

La violence, vice de consentement, entraîne la nullité relative, seule la victime pourra

s’en prévaloir. S’il y a un préjudice, des D.I peuvent être réclamés. Si la violence est le

fait d’un tiers, les deux parties peuvent lui réclamer la réparation du dommage qui

résulte pour elles de l’annulation du contrat.

4° La lésion

a. Notion.
72

La lésion est un vice de consentement assez particulier. Il s’agit d’une disproportion

importante des prestations des parties au contrat. Une partie donne trop par rapport

à ce qu’elle reçoit. On vend par exemple l’immeuble d’une valeur de vingt millions

pour huit millions seulement. La lésion est un vice qui se situe à la formation du

contrat ; c’est pourquoi cette fois la lésion doit être soigneusement distinguée d’une

autre notion qui lui est voisine à savoir l’imprévision.

Celle-ci place ultérieurement les parties dans une position assez semblable à celle de

lésion. Mais la différence est que dans la lésion, les prestations sont déséquilibrées à

l’origine ; alors que pour l’imprévision les prestations sont déséquilibrées en cours

d’exécution.

En effet, il y’a imprévision lorsque au cours d’exécution du contrat, les circonstances

se modifient en sorte que le contrat qui était équilibré au départ devient très

déséquilibré. Si par exemple un contrat de fourniture a été conclu avant l’embargo

imposé au Burundi ; ce contrat pourrait devenir déséquilibré après l’embargo et ce

déséquilibre résulte d’un changement de circonstances postérieures à la conclusion

du contrat.

L’imprévision est donc différente de la lésion même si les conséquences sont parfois

les mêmes.

b. Historique de la lésion.

Dans le droit romain formaliste, on ignorait la lésion. A la fin de l’empire, elle fut

cependant introduite dans deux cas ; à l’égard des mineurs d ‘âge et au profit des

vendeurs de terrain, lorsque le déséquilibre était énorme et intervenait dans des

circonstances exceptionnelles.
73

Au moyen –âge, les canonistes développèrent l ‘idée du juste prix et un contrat

déséquilibré devait pouvoir être annulé. Mais le développement des relations

commerciales à partir du XV siècle a fait reculer cette position devant les impératifs

de la sécurité des affaires.

Face à la multiplication des litiges qu’elle provoquait encore, la rescision pour lésion

fut supprimée à la fin du XVIII siècle au non des principes de l ‘autonomie de la

volonté et de la convention – loi. Les auteurs du code civil ont posé un principe que

la lésion n ‘était pas une cause de nullité des conventions et, en supprimant la lésion

comme cause de nullité, ils obéissaient au principe de l’autonomie de la volonté car

selon ce principe les parties sont libres ou non d’accepter les avantages

disproportionnés. Ce n’est que très exceptionnellement que la lésion pouvait

entraîner la nullité d’un contrat.

Les auteurs du code civil ne l’ont accueilli que de manière très restrictive seulement

dans les cas déterminés par la loi (art 1118du cc français).

On remarque aussi qu’en vertu de l’art 1674 du cc français, il est permis au vendeur

d’invoquer la lésion. De même en matière de partage, le ccF dans son art 887 autorise

d’attaquer le partage pour cause de lésion comme cause de nullité.

Le code civil burundais dont les principes sont pourtant les mêmes que du code civil

français, passait sous silence la théorie de la lésion. Il a fallu attendre jusqu’en 1959

pour qu’un texte spécial soit adopté en matière de prêt uniquement et un article

spécial fût inclus dans le ccLIII. C’est l’art 131bis qui sanctionne la lésion en matière

de prêt et cette lettre circulaire du Mwami de 1959 interdisait la lésion due à des taux

usuraires et fixant à 6٪ le taux d’intérêt l’an. L’art 131bis n’est pas un principe général

consacrant la théorie de la lésion mais seulement une disposition particulière

applicable aux contrats en rapport avec les meubles.


74

A L’heure actuelle, nous remarquons que les principes de l’autonomie de la volonté

et de la convention – loi sont parfois nuancés. En effet, ces principes sont parfois

rigides et présentent un caractère incompatible avec la justice vers laquelle on tend. Il

faut protéger les économiquement faibles, les inexpérimentés contre ceux qui

pourront les exploiter.

En outre les diverses fluctuations monétaires sont venues forcer le jeu de la

conclusion des conventions. Ces idées nouvelles sont à la base d’une jurisprudence

souvent agressive et d’un certain nombre d’interventions législatives qui sont venues

relever la situation. D’après le jugement rendu le 10 mars 1965 concernant une vente

à tempérament (Revue juridique de 1965) on se rend compte de la prise en

considération de la lésion.

Une vente à tempérament est une vente qui permet à l’acheteur de payer non pas en

une seule fois mais en plusieurs fois successives. Dans ces ventes à tempérament, on

peut y déceler des défauts, c’est notamment lorsqu’on remarque que le vendeur tend

à gonfler les prix sous prétexte d’accorder un long délai de paiement. Dans les cas

d’espèce, il y a eu conflit entre le vendeur et l’acheteur et ce litige a été soumis au

tribunal qui s’est prononcé pour la lésion en procédant par ailleurs au rééquilibrage

des prestations. Ce jugement a eu le mérite d’étendre l’application de la lésion au

contrat de vente.

Un jugement du 17/11/1965 fait allusion à la lésion intervenue dans le contrat de prêt

et a décidé que si l’intérêt prévu par les parties dépasse le taux de 6% l’an

l’emprunteur lésé est fondé pour invoquer la réduction à ce taux. On voit donc que la

jurisprudence fait de plus en plus application de la lésion même si l’œuvre du

législateur reste encore fragmentaire. On remarque que même dans le cas où l’on

admet la lésion, on ne lui applique pas la sanction normale qui est la nullité. On

envisage souvent la réduction des obligations excessives.


75

La partie lésée pour pouvoir invoquer l’application de l’article 131 bis deux

conditions doivent être remplies :

Il faut qu’il y’ait disproportion des avantages entre les parties ce qui est normal ;

mais surtout il faut que l’une des parties se soit trouvée dans certaines situations.

Ainsi, il faut que l’une des parties ait abusé des faiblesses, des passions, de

l’ignorance de l’autre partie.

Dans d’autres pays où il y a eu des codifications récentes, on retrouve la lésion

comme principe d’annulation des conventions. C’est notamment l’article 121 du CC

Suisse, l’article 74 du CC Chinois, l’article 42 du CC Polonais.

Toutes ces dispositions récentes admettent soit la nullité des conventions soit la

réduction des engagements excessifs pour cause de lésion. Précisons aussi que tout

l’arsenal des mesures d’information du consommateur joue un rôle préventif non

négligeable en particulier les règles imposant l’indication des prix.

Les règles permettant au consommateur d’être éclairé avant son achat ; règles

rendant le marché plus transparent et qui facilite les comparaisons.

En outre, le développement d’une réglementation publique des prix a porté le

problème de la lésion sur un autre plan. En agissant sur le niveau des prix, ces textes

tendent à prévenir et à sanctionner la lésion en dehors des hypothèses prévues par le

code civil. Sur le plan de la terminologie, l’action qui sanctionne la lésion

s’appelle «Action en rescision ».

En conclusion, et au-delà de ces considérations théoriques, on remarque que dans la

pratique la lésion comme vice de consentement est rarement admise. Et de là on peut

comprendre la pensée de RIPERT quand il dit que :


76

« La lésion dans le contrat n’est que la conséquence fatale de la lutte des intérêts, le

législateur a donné sa protection aux incapables, que les autres se défendent eux-

mêmes ; le danger de la lésion est la rançon de liberté ».

c. Les conditions

De l’examen des divers cas particuliers, il résulte que diverses conditions doivent

être rassemblées pour que soit sanctionnée la lésion.

- La lésion n’est concevable que dans un contrat où il existe des prestations

réciproques. Il doit s’agir d un contrat a titre onéreux généralement synallagmatique.

- Il doit s’agir d un contrat commutatif car, dit-on « l’aléa chasse la lésion ». Cette

2eme condition est toute fois contestable. En effet si l équivalence des prestations du

contrat aléatoire ne peut être assurée, on enseigne en fait que cette équivalence peut

cependant exister sur le plan des probabilités. Par exemple, la prime d’assurance

peut être statistiquement adaptée aux risques couverts. C’est pourquoi une certaine

doctrine défend la lésion dans certains contrats aléatoires

- La victime de la lésion doit être la partie que la loi a voulu protéger.

- Le déséquilibre des prestations doit être important. Et dans certains cas, le

législateur prévoit un critère mathématiquement précis. La preuve de la lésion

appartient à celui qui se prétend lésé et qui réclame la rescision. Il doit prouver que

toutes les conditions d’application de la lésion sont présentes et qu’il se trouve dans

une des hypothèses prévues par la loi.


77

d. Les effets de la lésion

La lésion peut justifier la rescision du contrat dans les hypothèses légales. Cette

rescision équivaut à une annulation. C’est une nullité relative. Seule la victime de la

lésion peut s’en prévaloir.

Le délai de prescription est en principe de 10 ans( art.196 CCLIII). Dans certains cas,

la loi prévoit une sanction moins radicale : le rééquilibrage du contrat. Il arrive

souvent que la loi permette à celui qui a profité de la lésion de rétablir l’équilibre.

L’acheteur de l’immeuble peut en cas de lésion offrir de payer le supplément du prix.

B. La capacité de contracter

1° Notion

Il ne suffit pas pour la validité des conventions que le consentement existe et qu’il

soit exempt de vices. Encore faut-il qu’il émane d’une personne capable.

Mais alors qu’est-ce qu’une personne capable ?

La capacité est l’aptitude à faire valablement un acte juridique. On parle ainsi de la

capacité d’exercice. Cette capacité d’exercice constitue l’un des aspects de la capacité

puisque le droit organise aussi la capacité de jouissance, qui est l’aptitude à être

titulaire de droit.

On distingue ainsi l’incapacité de jouissance et l’incapacité d’exercice.

L’incapacité de jouissance est assez rare actuellement. Par ailleurs, les incapacités de

jouissance ne sont jamais générales ; elles sont toujours spéciales c’est-à-dire limitées

à un ou plusieurs actes précis. Par exemple, une incapacité de jouissance d’un droit

au vote d’une catégorie de personnes : un mineur, un étranger.


78

Sous cette rubrique, on pourrait évoquer aussi les incapacités de jouissance qui

affectent les personnes morales.

En effet, le principe de la spécialité des personnes morales leur interdit de passer des

contrats qui excéderaient l’objet prévu dans les statuts. On pourrait dire ainsi que ces

personnes morales sont frappées d’incapacité de jouissance pour tout acte excédant

l’objet social.

S’agissant de l’incapacité d’exercice c’est-à-dire celle qui interdit de conclure soi-

même le contrat, autrement dit l’inaptitude d’exercer soi-même des droits que l’on a,

cette incapacité est beaucoup plus fréquente et suscite divers mécanismes particuliers

de protection par représentation, autorisation ou assistance.

Cette incapacité est soit générale pour tous les actes juridiques (c’est-à-dire le cas du

mineur incapable de discernement) soit spéciale pour certains actes juridiques

déterminés (le cas des mineurs non émancipés qui peuvent accomplir certains actes

de la vie civile). Le principe reste cependant la capacité. Ne sont incapables que ceux

qui sont déclarés tels par la loi.

L’art. 23 du ccLIII dispose que : « toute personne peut contracter si elle n’est pas

déclarée incapable par la loi ». Il découle de cette disposition que la capacité de

contracter est la règle et que l’incapacité est l’exception.

Ainsi, toute personne peut exercer son droit de contracter sauf si la loi la déclare

incapable. Précisons que ces incapacités organisées par la loi se répartissent en

diverses catégories : Les mineurs d’âge qui peuvent être émancipés constituent la

catégorie principale, les autres catégories concernent les interdits, les prodigues et les

faibles d’esprit.
79

2° Quelques distinctions

a. Capacité et pouvoir

La capacité est l’aptitude à exercer ses propres droits.

Le pouvoir est l’aptitude à engager autrui. Le mineur par exemple n’est pas capable

de contracter tandis que le tuteur a le pouvoir d’engager les biens du mineur.

La notion de pouvoir a déjà été rencontrée lors de l’étude de la représentation.

b. Capacité et inopposabilité

Dans le langage courant, le failli est souvent appelé incapable de gérer son

patrimoine. Mais en réalité ses actes sont valables mais ils sont inopposables à la

masse de créanciers.

Si les actes accomplis profitent au patrimoine en faillite ou si le failli revient à

meilleure fortune, ils sortiront leurs pleins effets.

Le failli n’est donc pas à proprement parler incapable mais ce sont ses actes qui sont

inopposables aux créanciers et cela pour protéger ces derniers.

Il en est de même pour la vente d’un immeuble qui est valable mais qui reste

inopposable aux tiers tant qu’une formalité de publicité n’a pas encore été accomplie.

c. Capacité et disponibilité des biens

L’invalidité des opérations portant sur les choses hors commerce n’est pas un

problème de capacité. Il s’agit pas non plus de cas d’indisponibilité réelle. La mise

hors commerce est une caractéristique qui s’attache à l’objet lui-même et non à la

capacité des contractants.


80

3° Sanction de l’incapacité

L’incapacité étant justifiée par un souci de protection, les actes juridiques accomplis

par l’incapable ne sont frappés que de nullité relative. Seul l’incapable lorsqu’il sera

devenu capable d’agir ou alors son représentant peut s’en prévaloir. Remarquons

que l’acte peut être confirmé lorsque l’incapacité disparaît.

Les mécanismes de protection varient selon le type d’incapacité et selon les actes à

accomplir. Les incapables ne peuvent parfois agir que par l’intermédiaire d’un

représentant. Dans d’autres cas, ils peuvent accomplir les actes conservatoires utiles.

Ainsi un mineur d’âge peut interrompre une prescription. Par contre, les actes

d’administration ou de disposition sont en principe frappés de nullité relative.

C. L’objet du contrat

1° Notion

Le code civil semble distinguer dans sa réglementation, l’objet du contrat (art 25 et

27) et l’objet de l’obligation (art 28 et art 29).

En réalité, le code n’apporte aucune rigueur à cette distinction. Par ailleurs, la réalité

peut être plus complexe (cfr par ex l’art 26). La notion d’objet peut être envisagée à

trois niveaux :

Au plus haut degré d’abstraction, on dira que le contrat en général a pour objet de

créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. A un niveau intermédiaire,

on dira que l’obligation a pour objet une prestation consistant à donner, à faire, à ne

pas faire quelque chose. Et enfin au sens le plus concret, l’objet de la prestation est la

chose ou le service promis.


81

Soit un contrat relatif à la vente d’un automobile, l’objet du contrat est de faire naître

des obligations dans le chef des deux parties :

Les obligations principales du vendeur ont pour objet de transférer la propriété

(donner) et d’effectuer la livraison (de faire) de l’automobile. L’objet de ces deux

prestations est l’automobile.

La notion d’objet est donc polyvalente. Les développements suivants qui forment la

théorie classique de l’objet se rapportent soit à l’objet de l’obligation soit à l’objet de

la prestation. A chaque étape de l’exposé, on veillera à préciser à quel niveau on se

place. Et cela passera par l’analyse des différents caractères de l’objet.

2° Caractères de l’objet

a. L’objet doit exister ou être possible

Au sens de l’objet de la prestation, l’objet doit exister. Si cet objet n’existe pas ou

n’existe plus au moment de la conclusion du contrat, celui-ci est nul. Si je vends une

chose qui est détruite au moment de l’échange des consentements le contrat est nul. Il

en va de même si j’assure contre l’incendie un bien déjà anéanti par les flammes ou si

je concède une licence sur un brevet imaginaire.

L’art 29 du ccL III prévoit une exception importante à l’exigence d’un objet lors de la

formation du contrat. C’est le cas des choses futures. Pour ce cas, l’objet n’existe pas

au moment de la conclusion du contrat mais il va exister. On citera des exemples de

ventes relatives à une récolte non encore levée, à une machine à fabriquer ou à une

maison à construire, etc.…. De telles choses futures peuvent être valablement

stipulées comme l’objet de prestations contractuelles.

L’art 29 alinéa 2 maintient cependant une exception traditionnelle à la validité des

opérations relatives à des choses futures : c’est la prohibition des pactes sur des
82

successions futures .Les contrats relatifs à la succession des personnes toujours en vie

sont interdits.

Une personne ne peut s’engager sur une succession avant son décès. Cela se

comprend d’ailleurs puisque tout testament est toujours révocable par le maître de la

signature. Les héritiers présomptifs ne peuvent disposer de la future succession.

Aucune répartition, aucune renonciation, aucun engagement n’est possible à propos

d’une succession non ouverte. Cette interdiction trouve sa source dans le souci de

sauvegarder la liberté testimoniale et d’éviter les spéculations sur la mort d’autrui.

On évoque à ce sujet une célèbre phrase de Portalis : « La cupidité qui spécule sur les

jours d’un citoyen est bien souvent voisine du crime qui peut les abréger ».

C’est en partant de cette idée qu’on a interdit les pactes sur les successions non

encore ouvertes car on considère que de tels actes sont immoraux et dangereux car ils

impliquent une spéculation sur le décès d’une personne encore en vie. Si cela était

autorisé, les contractants pourraient alors souhaiter la mort et même la provoquer.

Au sens de l’objet de l’obligation : La prestation promise doit être possible au

moment de la conclusion du contrat. Nous savons qu’à l’impossible nul n’est tenu

mais l’impossibilité dont il est question ici est une impossibilité absolue. Une

impossibilité relative n’est pas prise en considération. C’est pourquoi donc, la notion

d’impossibilité est parfois difficile à circonscrire. La prestation peut être irréalisable

puisqu’elle n’est pas possible (prestation de faire tomber la pluie, la prestation de

toucher le ciel du doigt) soit parce qu’elle n’est plus possible (promettre de garder un

secret qui n’en est plus).

L’impossibilité est une notion qui peut varier avec les circonstances et les progrès

techniques (promettre actuellement un voyage sur la lune).


83

En toute hypothèse, l’impossibilité admise est l’impossibilité absolue. L’impossibilité

subjective ou relative doit être écartée. Si je m’engage inconsidérablement à faire des

travaux qui sont au dessus de mes forces et de mes moyens, le contrat est valable et

j’engage ma responsabilité contractuelle en cas d’inexécution.

Le contrat est aussi valable lorsque l’impossibilité n’est que provisoire et que les

parties l’ont envisagé comme tel en assumant leurs engagements fut-ce de manière

implicite. Cela veut dire donc que l’objet de l’obligation peut être une chose future.

Le contrat peut aussi être conclu sous la condition suspensive.

En dehors de ce cas, l’impossibilité initiale empêche la formation du contrat et la

disparition ultérieure de cette possibilité est sans effet. Dans l’hypothèse inverse où

un objet réalisable au départ devient impossible (force majeure, imprévision) faute

du débiteur, etc.…) il ne s’agit plus d’un problème de validité du contrat mais d’un

problème d’inexécution.

b. L’objet doit être licite

Le contrat n’est pas valable si l’objet est illicite c’est-à-dire contraire à l’ordre public

ou aux bonnes mœurs.

L’illicéité s’attache parfois à l’objet de la prestation. Certaines choses matérielles ou

non sont hors commerce. Certains biens dont la loi interdit le commerce ne peuvent

faire l’objet d’opération contractuelle (art 27 ccLIII). Par ex les stupéfiants, les déchets

toxiques, les monuments classés, certaines œuvres d’art, etc.….

De même que les biens du domaine public (route, pont, etc.….), les fonctions de

caractère public, les fonctions électives mais aussi les opérations sur le corps humain

(vente d’esclave) ne peuvent pas faire l’objet de négoce. Mais de nombreuses

nuances peuvent être apportées par ex à propos des traitements thérapeutiques, des
84

greffes d’organes, de l’assurance vie ou alors lorsque ces opérations sont justifiées

par un intérêt général comme les vaccinations, etc.….

Dans certains autres cas, l’illicéité se situe au niveau de l’objet de l’obligation. Sont

par ex nuls pour illicéité des engagements de tuer quelqu’un, de se prostituer, de ne

pas se marier, de se convertir à telle religion, de renoncer à exprimer certaines

opinions, de voter dans un sens déterminé lors d’une élection politique, de prester

ses services à vie, de tels engagements sont contraires à l’ordre public et aux bonnes

mœurs car ils portent atteinte à certains droits essentiels, à certaines libertés

fondamentales, à certaines institutions de base de la société.

c. L’objet doit être déterminé ou déterminable

Il faut que l’objet de l’obligation soit déterminé ou moins quant à son espèce (du blé,

du coton, de la viande, etc.…).

Il doit l’être aussi dans sa quotité (kilo, sac, mètre) également dans son prix. En effet,

il faut savoir à quoi on s’oblige pour qu’on puisse parler de contrat et la prestation

doit être définie suffisamment pour que la convention ne soit pas affectée d’une

ambiguïté fondamentale. C’est l’économie de l’art 28 CCLIII qui stipule : « Il faut que

l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce, la

quotité de la chose peut être incertaine pourvu qu’elle puisse être déterminée ».

Ainsi s’il s’agit des obligations de faire ou de ne pas faire, le contrat doit préciser

l’acte ou l’abstention dont le débiteur est tenu. S’il s’agit des obligations de donner,

deux situations se présentent :


85

Lorsqu’il s’agit d’un corps certain, là on n’a pas de problème dans la mesure où ce

corps est déjà individualisé. S’il s’agit de choses de genre : il faut que les indications

du nombre, du poids, de mesure, de qualité soient effectuées.

La prestation devra donc porter sur un objet déterminé ou déterminable. S’il n’est

pas déterminable lors de la conclusion du contrat, il faut que cet objet le soit ne fut-ce

qu’au moment de l’exécution du contrat.

En toute hypothèse, il faut que cette détermination soit faite ou que des critères

soient arrêtés dans le contrat. Par ex, sera valable le contrat par lequel, on s’engage à

assurer la fourniture de tel carburant nécessaire au fonctionnement de telle usine ou

de telle machine pendant telle durée. Même si la quantité n’a pas encore été précisée,

le contrat n’est pas moins valable.

L’exigence de la détermination de l’objet vise à priver de validité des engagements

imprécis tels que « je m’engage à faire quelque chose » ou « à vous livrer quelque

chose » (ici il y a indétermination de la prestation et de son objet) ou alors des

engagements tels que « je m’engage à vous acheter du blé » (ici il y a indétermination

de la quotité de l’objet de la prestation).

De tels engagements imprécis ne constituent pas donc l’objet tel qu’il est entendu en

droit des obligations. Toutefois, rien n’empêche qu’à défaut d’être déterminé, l’objet

puisse l’être suivant les critères fixés par les parties. Par ex, je peux acheter une chose

moyennant fixation du prix par un expert pour autant du moins que la convention

comporte des éléments qui guideront l’appréciation de l’expert.

La détermination de l’objet peut encore résulter des circonstances notamment des

usages, des conventions antérieures ou similaires ou des conditions prévalant sur le

marché.
86

Précisons en passant que les parties peuvent également confier la fixation du prix de

vente à un tiers (art 273 CCLIII).

D. La cause du contrat

1° Notion

Parmi les conditions essentielles de validité d’une convention, l’art 8 du CCLIII fait

allusion à une cause licite dont la notion et la portée sont précisées aux art. 30 à 32.

La théorie de la cause a donné lieu à une littérature abondante. En effet, le législateur

assigne à la cause une double fonction : D’une part, une protection individuelle

lorsque le code précise que l’engagement sans cause ou sur une fausse cause est nul,

d’autre part, une fonction sociale de sauvegarde de l’intérêt général lorsque le code

précise que la cause qui froisse l’ordre public et les bonnes mœurs rend la convention

nulle.

La théorie de la cause prend ce point de départ dans la question de savoir le

pourquoi du contrat ; laquelle question peut se situer à différents niveaux. Si on

entend par cause le pourquoi de l’engagement, la raison pour laquelle on s’oblige, on

peut considérer que la cause est soit le résultat directement recherché et obtenu soit

les motifs ou mobiles poursuivis par celui qui s’engage.

Pour ce faire deux conceptions ont été dégagées :

2° Les deux conceptions de la cause


87

a. La conception objective de la cause

C’est la théorie classique élaborée principalement par DOMAT qui a dégagé cette

conception objective de la cause.

On parle de la théorie de la cause immédiate car elle est recherchée dans la proximité

immédiate de l’obligation. A ce niveau, il faut distinguer suivant le type de contrat.

Dans un contrat synallagmatique, la cause de chaque obligation est la contrepartie

due par le contractant. Ainsi dans un contrat de vente, la cause de l’obligation de

payer, c’est le transfert de propriété et la délivrance de la chose achetée.

Cette cause immédiate est préférée à d’autres causes plus lointaines : si j’achète c’est

pour utiliser l’objet ; c’est parce que l’objet me plaît, c’est parce que je veux l’offrir à

un ami.

Comme ces causes médiates varient selon les circonstances et les contractants et qu’il

est difficile de les dégager avec certitude, la théorie classique a préféré la cause

immédiate de l’obligation qui se retrouve identique dans chaque convention de

même nature.

Si un locataire s’oblige à payer un loyer, c’est toujours à cause de la jouissance que le

bailleur lui assure.

Dans un contrat unilatéral, on ne peut pas dire que la cause de l’une des parties est la

contrepartie de l’autre partie puisqu’il n’y a d’obligation que d’un seul côté. Dans ce

genre de contrat, la cause sera la prestation consistant à la remise de la chose par la

partie qui s’oblige.

Dans un contrat à titre gratuit, la théorie classique trouve la cause dans l’intention

libérale de celui qui s’oblige. (cette cause est supposé être la même dans tous les

contrats à titre gratuit).


88

Cette conception objective a été très critiquée car présentant une certaine abstraction

qui parfois ne présente pas d’utilité.

En effet, dans les contrats synallagmatiques par ex, elle fait double emploi avec la

définition même de ce type de contrat et avec l’objet de l’obligation de l’autre partie

(la cause de l’obligation A et l’objet de l’obligation B).

Dans les contrats réels, la cause se confond avec la source même du contrat, sa

principale condition de formation qui est la remise de la chose.

Dans les actes à titre gratuit, la théorie classique semble avoir retenu une cause non

objective. En effet, l’intention libérale est considérée d’une manière abstraite sans

égard à la motivation concrète.

Cette théorie classique a suscité un mouvement anticausaliste qui va jusqu’à estimer

que la notion de cause est inutile et qu’il faut l’exclure de l’arène juridique et qu’elle

peut être abandonnée comme élément distinct de validité des conventions.

b. La conception subjective de la cause

C’est dans le droit canon qu’il faut chercher la source de cette seconde conception.

Les canonistes ont estimé que tout engagement devait avoir une cause licite.

L’appréciation de cette licéité ne peut exister qu’au niveau de la cause médiate des

motifs.

On ne cherche plus la cause au 1er degré. La cause de l’obligation est à rechercher

dans les mobiles poursuivis par les parties que la théorie classique refusait à prendre

en considération.
89

J’ai acheté une maison pour en acquérir la propriété (cause immédiate et objective)

mais aussi parce qu’elle me plaît que je vais y habiter, que je désire y installer un

commerce, etc.…. (cause subjective ou médiate).

L’intérêt de cette conception de la cause doit être bien circonscrit. En effet, les mobiles

des parties sont en principe sans effet sur leurs droits et obligations respectifs. Peu

importe pour l’exécution du contrat de vente que les contractants poursuivent tel ou

tel mobile subjectif.

Cependant la conception objective de la cause connaît des exceptions, lesquelles

exceptions démontrent l’utilité de la notion subjective de la cause :

- Un 1er aspect a retenu l’attention des canonistes dès le Moyen – Age, c’est le

problème de l’illicéité auquel font allusion d’ailleurs l’art 8 et l’art 32 du CCLIII.

En effet, l’objet ne révèle pas toujours le caractère illicite de la cause. L’illicéité se

trouve souvent dans la cause médiate de l’engagement.

J’achète par ex une maison (l’acquisition de cette maison donne à mes obligations

d’acheteur une cause objective neutre sur le plan de la licéité, pour y installer une

exploitation de jeux non autorisés (la cause subjective révèle l’illicéité). Ainsi, il faut

scruter les intentions des parties pour pouvoir prouver l’illicéité de la cause. La prise

en considération de la cause médiate permettra dans ce cas de considérer le contrat

comme nul. Mais alors, le mobile peut n’être illicite que dans le chef de l’une des

parties. L’annulation peut-elle être prononcée en pareil cas ? Ou est-il nécessaire que

l’illicéité soit partagée ou à tout le moins connue de l’autre partie ?

Dans son arrêt du 12/10/2000, la cour de cassation belge a pris position dans cette

célèbre controverse. La cour déclare :


90

« S’agissant de l’intérêt général, il suffit que l’une des parties ait contracté à des fins

illicites et il n’est pas nécessaire que ces faits soient connus du contractant. Pour la

Cour, les intérêts particuliers du cocontractant de bonne foi doivent ainsi être

sacrifiés à la sauvegarde de l’intérêt général. Il importe d’ailleurs peu que l’action en

nullité soit intentée par l’une des parties au contrat ou par un tiers intéressé.

En conclusion, la jurisprudence a refusé de considérer seulement la théorie classique

de la cause lorsqu’il s’agit de vérifier son illicéité. Chaque fois qu’il faut découvrir la

cause illicite, la jurisprudence a pris en considération non seulement le but immédiat

mais également les motifs ou les mobiles de la convention.

Elle se refuse de valider des contrats inspirés par des mobiles illicites. Ces contrats

sont contraires à l’ordre public, à la loi et aux bonnes mœurs. Et c’est toute la

question notamment des conventions relatives aux maisons de tolérance, les

libéralités faites aux époux en vue de la séparation amiable et clandestine, etc.…

- La conception subjective de la cause se retrouve dans la possibilité d’annuler le

contrat dans certains cas d’erreur sur la cause.

En principe, l’erreur sur les mobiles est inopérante sur les effets du contrat.

Cependant elle peut être tellement substantielle qu’on en fait un élément déterminant

du contrat susceptible de justifier une annulation du contrat.

On admet que les mobiles déterminants peuvent entrer en considération. La cour de

cassation belge a appliqué cette conception dans un important arrêt rendu en 1969.

Un petit fils avait renoncé à un legs que lui avait fait sa grand-mère en croyant que

cette renonciation profiterait à son père qu’il estimait injustement défavorisé.

Malheureusement cette renonciation profita à un autre héritier. La cour a estimé que

la cause de la renonciation était faussée et que l’acte devrait être annulé.


91

3°. Les notions d’absence de cause, fausse cause et billets non causés.

a. La notion d’absence de cause

Nous supposons par ex que dans un contrat synallagmatique la cause est la

contrepartie attendue. En conséquence, il y a absence de cause si cette contrepartie

fait défaut.

A titre d’exemple, une des parties s’engage à vendre une chose qui ne lui appartient

pas. Dans ce cas, il y a absence de cause dans la mesure où l’engagement du vendeur

ne peut exister étant donné qu’il ne peut pas transférer un droit qu’il n’a pas et que

l’acheteur ne peut pas s’engager à payer le prix d’un droit qu’il ne peut pas avoir.

De même si quelqu’un accepte de signer une dette qu’il n’a pas contractée, dans ce

cas le contrat serait annulé puisqu’il y a absence de cause. Il en est de même pour les

contrats fictifs (ex vente fictive)

b. Fausse cause

L’art 30 mentionne aussi que l’obligation sur une fausse cause ne peut avoir aucun

effet. Tel est le cas par ex de la cause simulée. Dans la simulation, les parties donnent

au contrat une cause autre que la cause véritable.

En pratique, la simulation peut être inspirée par un désir de discrétion assez

naturelle dans le monde des affaires. Mais il faut bien reconnaître que le plus

souvent, ce sont des motifs frauduleux qui auraient présidé à l’établissement d’un

acte apparent : on aura par ex voulu tourner les règles relatives aux incapacités ou

bien frauder le fisc pour payer des droits moindres ou faire fraude aux droits des

tiers notamment les créanciers en organisant son insolvabilité.


92

A titre d’exemple, M. x désire faire une donation à quelqu’un mais comme il craint

que ses créanciers ne l’attaquent car il est en train de poser des actes

d’appauvrissement du patrimoine, il déguise cette donation en contrat de vente.

Dans ce cas, il a donné une cause qui n’est pas véritable (transfert de propriété contre

paiement du prix alors qu’il s’agit de l’intention libérale, il s’agit d’une fausse cause).

Le droit français notamment admet par principe la validité de la simulation. Par

ailleurs notre droit abonde dans le même sens lorsque l’on analyse l’économie de

l’art 203 du CCLIII. Ainsi le contrat reste valable mais sous une autre qualification. A

elle seule, la simulation n’est pas une cause de nullité. Il est permis aux parties de

révéler l’acte secret lorsqu’elles y ont intérêt. Aussi les tiers peuvent en provoquer la

révélation par l’action en déclaration de simulation. Toutefois toute simulation ayant

pour objet de réaliser une fraude à la loi, à l’ordre public et aux bonnes mœurs est

frappée de nullité si elle est découverte. Et à ce sujet, la preuve peut être rapportée

par tous les moyens.

c. Notion de billets non causés

Le billet non causé est un titre qui énonce une obligation sans en mentionner la

cause. Les canonistes ont examiné le billet non causé avec suspicion : Ne favorise-t-il

pas les engagements immoraux ou illicites ? Fallait-il exiger du créancier la preuve de

la cause licite ou fallait-il la présumer ?

En effet, il est loisible aux parties de ne pas indiquer dans une reconnaissance de

dette par ex le motif de la dette.

Comme le dit l’art 31, la convention n’est pas moins valable quoique la cause n’en

soit pas exprimée. Cela signifie que l’existence d’une contrepartie est toujours
93

présumée et qu’il appartient à la personne intéressée de démontrer l’absence de

cause de tels billets.

Dans les contrats à titre onéreux par ex la contrepartie nécessaire peut ne pas

apparaître dans l’écrit destiné à servir de preuve. Par ailleurs, il y a des billets non

causés qui sont utilisés de manière courante dans le monde des affaires comme

moyens de paiement. Ce sont les lettres de change, les billets à ordre, et dans une

certaine mesure, le chèque.

Les tiers de bonne foi qui auraient reçu ces billets à titre de paiement tiennent du

droit cambiaire une protection particulière. Par suite de l’inopposabilité des

exceptions, ils ne pourront se voir opposés la nullité du contrat à l’occasion duquel a

été créé le billet.

§2. La nullité des contrats

A. Notions générales

1° Définition de la nullité

On dit d’un contrat qu’il est nul lorsque du fait de l’absence d’un de ses éléments

constitutifs (comme par ex la cause ou l’objet) ou encore du fait de l’incapacité de

l’une des parties, le contrat se trouve dépourvu de ce qui peut le faire vivre ou est

affecté d’un vice qui ne lui permet de vivre normalement. En d’autres termes, la

nullité sanctionne l’inobservation d’une condition de formation du contrat.

Lorsqu’une annulation est prononcée, le contrat est anéanti, et par principe, il l’est

rétroactivement. Ce qui veut dire qu’on fait table rase de ce qui a été fait jusqu’ici en

application du contrat. Ce contrat est censé n’avoir jamais existé.


94

Avant d’arriver à l’annulation proprement dite, il importe d’analyser ce concept en

rapport avec les autres notions qui ont parfois les mêmes effets que l’annulation.

2° La distinction entre l’annulation et les notions voisines

a. Distinction entre nullité et rescision

Cette distinction vient de l’ancien droit français où on faisait état de deux situations

bien distinctes : D’une part, le cas où les contractants invoquaient pour anéantir un

contrat, les règles inscrites dans les ordonnances royales et les coutumes du pays.

D’autre part, le cas où les contractants avaient recours aux règles du droit romain.

Dans ce dernier cas, on exigeait ce qu’on appelait une lettre de rescision c’est-à-dire

une autorisation spéciale du pouvoir royal. Les rédacteurs du code civil ont conservé

la rescision bien que cela au fond ne se justifiait guère. Mais ils ne l’ont utilisé que

dans un seul cas : celui de la lésion. C’est là un cas particulier de la nullité. Ce cas est

soumis à des règles originales puisque l’annulation d’un contrat de vente rescindable

peut être écartée si l’acquéreur consent à verser le supplément du prix.

b. La distinction entre la nullité et la résolution

La nullité est prononcée lorsqu’ un des éléments de validité du contrat fait défaut ou

lorsqu’il y a un vice affectant l’un de ces éléments ou lorsqu’il y a incapacité ou

violation des formes. Autrement dit le défaut considéré est contemporain de la

formation du contrat. Pour la résolution, c’est une défaillance de l’un de ces

contractants dont il est question. Défaillance qui est postérieure à la formation du

contrat. Distinctes dans leurs origines, remarquons que la résolution et la nullité

doivent être rapprochées dans leurs effets.


95

D’abord pour l’une comme pour l’autre, l’intervention du juge est nécessaire. Aussi

lorsqu’elles sont prononcées, elles entraînent l’une et l’autre, l’anéantissement

rétroactif du contrat.

c. Distinction entre la nullité et la résiliation

Quand on parle de résiliation, on vise le cas très particulier d’un contrat à exécution

successive. Il existe donc à cet égard deux sortes de contrats : les uns sont à exécution

instantanée (c’est le cas en général de la vente) les autres sont à exécution successives

(c’est le cas du bail).

Ainsi on ne doit pas dire d’un bail qu’il est résolu ou qu’il est annulé lorsque par ex

le bailleur en demande l’anéantissement par suite du non paiement du loyer par le

locataire.

On doit dire que le bail est résilié. En effet avec la résolution comme avec

l’annulation, le contrat est anéanti rétroactivement.

Par résiliation par contre, parce qu’il s’agit d’un contrat à exécution successive, la

décision ne produit ses effets que pour l’avenir d’où cette dénomination de

résiliation.

d. La distinction entre nullité et inopposabilité

L’inopposabilité d’un contrat suppose que celui-ci soit valable et qu’il produise ses

effets normaux entre les parties. Mais il ne peut pas produire ses effets à l’encontre de

certains tiers auxquels il ne devrait normalement être opposable.

Tel est le cas pour une vente d’immeuble. Le contrat produit ses effets normaux et

notamment le transfert de propriété mais pour être opposable aux tiers, la vente

devra être publiée à la conservation des titres fonciers sinon, les tiers pourront en
96

ignorer l’existence. Ainsi donc, on remarque que l’inopposabilité assure la protection

des tiers sans qu’il soit nécessaire d’annuler l’acte entre les parties.

B. Les différentes catégories de nullité

Comme on l’a dit, la nullité sanctionne la violation des conditions de validité d’une

convention lesquelles sont instituées pour protéger tantôt l’une des parties

(consentement, capacité) tantôt l’intérêt général (conformité à l’ordre public). D’ou

alors deux types de nullités : les nullités relatives et les nullités absolues.

1°. La nullité relative

a. Notion

La nullité est relative lorsqu’elle est fondée sur des motifs de protection individuelle.

Exemple : le cas des incapables qui ne peuvent pas conclure valablement un contrat.

Ici la loi a voulu protéger ces incapables. S’il s’agit des mineurs, la loi a voulu les

protéger contre l’inexpérience compte tenu de leur bas âge. Ces lois sont inspirées

par des motifs de protection d’ordre individuel. En d’autres termes, la nullité relative

sanctionne une atteinte à un intérêt particulier.

b. Caractéristiques de la nullité relative

La nullité relative se caractérise par trois éléments :

- La nullité relative ne peut être soulevée que par la personne protégée. Il

s’agira du co-contractant victime d’un vice de consentement (dol, erreur,


97

violence). Il s’agira aussi du mineur qui a conclu en temps d’incapacité et qui

devient majeur. Il s’agira également d’un débiteur d’une obligation sans objet.

L’action en nullité ne peut donc être exercée que par ces personnes là. Mais le

droit admet des tempéraments à ce principe en autorisant que l’action en

nullité relative peut être exercée par une tierce personne dans des cas

limitativement déterminés : il s’agira d’un représentant légal du titulaire de

l’action en nullité. Il s’agira des organes pour une personne morale. Cette

action en nullité peut également être exercée par les ayants cause universel, les

ayants causes à titre universel ou les ayants causes à titre particulier de

l’auteur titulaire de l’action en nullité. Les créanciers n’ont pas normalement

le droit de soulever l’action en nullité qui appartient à leurs débiteurs mais

dans certains cas le droit admet que ces créanciers peuvent exercer des droits

et des actions de leurs débiteurs à l’exception de ceux qui sont attachés

exclusivement à sa personne ( art 64 CC L III)

- Le titulaire de l’action en nullité relative peut y renoncer et confirmer ainsi

l’acte nul. Si une personne a contracté par erreur elle peut renoncer à l’action

en nullité. D’où elle confirme l’acte conclu alors que cet acte pouvait l’être par

l’action en nullité. L’acte devient donc conforme par confirmation. La

confirmation est l’acte par lequel une personne qui peut se prévaloir de la

nullité d’un acte y renonce et redonne force à cet acte nul. Une fois intervenue,

la confirmation produit des effets rétroactifs. Elle agit comme on dit « ex

tunc », et l’acte confirmé est considéré comme ayant été valable « ab initio ».

Cela signifie que l’acte entaché de nullité devient valable dès le départ.

Précisons cependant que la confirmation d’un acte annulable ne peut avoir lieu que si

le vice de cet acte a pris fin.


98

Par exemple l’acte annulable conclu par un mineur ne peut être confirmé que si le

vice entachant cet acte a cessé, c'est-à-dire quand le mineur est devenu majeur. La

confirmation suppose donc la connaissance de la nullité de l’acte c'est-à-dire la

connaissance du vice dont l’acte a été atteint. Elle suppose aussi l’intention de réparer

ce vice. La confirmation peut être « expresse ou tacite ». Elle sera expresse si elle

intervient par écrit ou même verbalement. Elle sera tacite si elle résulte d’une attitude

qui ne peut raisonnablement s’interpréter que comme une renonciation. C’est le cas

par exemple d’un débiteur qui, connaissant le vice d’un contrat procède quand

même à l’exécution de ce contrat (art 216 alinéa 2 du ccLIII). Certains se fondant sur

l’art 15 du ccLIII considèrent que le fait de laisser passer la prescription de l’action en

nullité peut présumer la confirmation.

- La prescription de l’action en nullité relative

L’action en nullité se prescrit par dix ans. La prescription est l’extinction d’une

obligation au terme d’un certain temps. L’idée est qu’on ne souhaite pas en effet que

les possibilités de procès puissent s’éterniser. Ainsi d’après l’art 196 du cc LIII,

l’action en nullité ou en rescision se caractérise par la prescription décennale mais les

dispositions particulières peuvent prévoir des délais de prescription plus brefs.

Il faut noter aussi que le point de départ de cette prescription dépend de la cause de

la nullité. A titre d’exemple, s’il s’agit d’une action en nullité résultant de la violence,

le délai de la prescription commencera a courir au moment ou la violence a pris fin

précise l’alinéa 2. Si il s’agit du dol ou de l’erreur, la prescription commence à courir

le jour où le dol ou l’erreur ont été découverts. En cas d’incapacité, le jour où cette

incapacité a pris fin.

Enfin comme dans toute prescription, l’effet est de soustraire l’acte à l’éventualité

d’une action en nullité c'est-à-dire qu’après le délai de la prescription, on ne peut


99

plus intenter l’action en nullité et aussi longtemps que cette action en nullité n’est pas

enclenchée, l’acte continue à produire ses effets.

2°. La nullité absolue ou d’ordre public

Rappelons que la nullité est absolue lorsqu’elle est fondée sur des motifs d’intérêt

général. A l’opposé de la nullité relative la nullité absolue se caractérise par :

- L’impossibilité de confirmation quand bien même les parties sont d’accord.

- Elle peut être invoquée par toute personne intéressée c'est-à-dire les parties elles-

mêmes, les représentants, leurs héritiers, tous les autres tiers intéressés y compris le

ministère public.

- La nullité absolue se prescrit par trente ans c'est-à-dire la prescription ordinaire

qu’on qualifie aussi de droit commun. La nullité absolue peut aussi être soulevée en

tout état de cause c'est-à-dire que l’action en nullité absolue peut être intentée à

n’importe quel degré de la procédure.

C. Les effets de la nullité

De prime abord, il faut faire remarquer que les effets sont les mêmes, que la nullité

soit relative ou absolue. Aussi, la nullité d’un contrat ne peut résulter que d’une

décision judiciaire quelle que soit la gravité du vice qui l’affecte. Ces remarques étant

faites, analysons alors les effets de la nullité d’un contrat.


100

1° L’anéantissement total ou partiel de la convention

En principe, l’annulation frappe de mort la totalité de la convention. Telle est la

présentation traditionnelle que l’on trouve dans divers ouvrages classiques de droit

des obligations. Cependant, à la lumière des développements récents, cette

présentation est reconsidérée.

Il se peut aussi que la question ait été expressément réglée par les parties et que dans

ce cas il suffit de se conformer à leur volonté. En effet, il n’est pas rare en pratique

que les contrats comportent une clause de divisibilité précisant que la nullité de l’une

des dispositions contractuelles n’entraînera pas la nullité de l’intégralité de la

convention.

Les parties peuvent en revanche ne pas envisager cette question. Il faut alors

rechercher si dans leur esprit, la clause critiquable est indivisible du reste de la

convention ou si la clause constitue un mobile déterminant du contrat.

En d’autres termes, le tribunal doit rechercher si la clause ou les obligations frappées

de nullité ont déterminé le consentement de l’une des parties ou ne peuvent être

associées du reste de la convention.

Dans ce cas, c’est alors le contrat tout entier qui se trouve affecté. Précisons que la loi

permet parfois à l’une des parties d’opter pour des solutions moins radicales.

2° L’anéantissement rétroactif ou pour l’avenir du contrat

a. Le principe de la rétroactivité
101

On a coutume de dire que l’anéantissement du contrat se produit de manière

rétroactive. Cela signifie qu’il faut faire comme si le contrat n’avait pas eu lieu. Et en

conséquence, rétablir l’état antérieur des choses.

L’exécution de la décision judiciaire ayant pour objet l’annulation suppose donc que

chacun restitue ce qu’il a reçu dans l’état où il l’a reçu. Ce principe de la rétroactivité

est très difficile à mettre en œuvre et a peu d’occasions de s’appliquer. En pratique, il

ne joue à plein que dans la mesure où le contrat annulé n’a pas encore reçu

d’exécution. Dans ce cas, il est alors facile de tout effacer puisqu’il s’est encore rien

passé. Cela dit, l’application de la règle est aujourd’hui facilitée par la jurisprudence

suivant lequel si la nullité d’un acte oblige les parties à restituer ce qu’elles ont reçu,

il faut que cette restitution se fasse en valeur lorsqu’elle n’est pas possible en nature.

Mais bien souvent, les restitutions réciproques sont soit limitées soit impossibles si

bien que le contrat n’est annulé que pour l’avenir.

b. Exceptions au principe de la rétroactivité

- Le cas des contrats successifs

C’est vrai d’abord pour ces contrats parce que par la nature même des choses,

certaines prestations ne peuvent pas être rendues à l’autre partie. En cas d’annulation

d’un bail par exemple, le bailleur peut bien rendre les loyers perçus mais le locataire

ne peut pas rendre la jouissance qu’il a eu des locaux. De même, si pour un contrat

de travail annulé, le salarié peut rendre son salaire, le patron ne peut restituer le

travail fourni. Dans nombre d’hypothèses donc l’idée de restitution doit être écartée

au profit d’une simple nullité pour l’avenir.

La rétroactivité doit s’incliner devant la nature des choses. Dans d’autres hypothèses,

la restitution s’avère quasiment impossible, non pas par la nature des choses mais
102

parce qu’il est difficile d’y arriver. Tel est le cas de la nullité de société où il est

impossible de revenir sur tous les actes accomplis au nom de l’être social.

- Le cas des contrats translatifs de propriété

C’est également vrai pour les contrats translatifs de propriété lorsque des tiers ont

légitimement acquis des droits sur le bien transmis. Tel est le cas lorsque l’acheteur a

revendu un bien à un tiers acquéreur.

En vertu du principe de la rétroactivité, la nullité du premier contrat devra entraîner

la nullité du contrat ultérieur parce que conclu par quelqu’un qui n’était pas le

véritable propriétaire. Cependant nous remarquons que la loi et la jurisprudence ne

tirent pas toujours cette conséquence. Ainsi par exemple l’art.658 du CCL III dispense

le tiers acquéreur de bonne foi d’un meuble de la restitution de la chose. La

jurisprudence complète cette solution en maintenant malgré la nullité du contrat, les

actes d’administration par exemple, les baux consentis par l’acquéreur d’un

immeuble dont le droit est anéanti. Par ailleurs, l’on sait que le possesseur de bonne

foi fait les fruits siens.

Un contrat de vente a été conclu à propos d’une maison et l’acquéreur a déjà loué

cette maison en bénéficiant des loyers. A la suite de l’annulation de ce contrat,

l’acquéreur devra restituer la maison. Doit-il également restituer les fruits. Càd les

loyers déjà encaissés ?

Ici on doit faire une différenciation suivant que l’acquéreur était oui ou non de bonne

foi.

L’acquéreur sera de bonne foi s’il ignore le vice qui entache le contrat. Et dans ce cas,

il ne doit pas restituer les fruits. Par contre, s’il est de mauvaise foi, il doit restituer les

fruits et le cas échéant avec des D.I.


103

Enfin, il importe de préciser ce qui se passe dans les contrats annulés par illicéité.

Sous cette rubrique, on invoque fréquemment deux anciens adages à savoir « Nemo

auditur suam propriam turpitudinem allegans » et « In pari causa turpitudinis cessat

repititio ».

Ces adages sont souvent confondus, pourtant leurs sens respectifs sont différents

même s’ils se complètent.

En effet, l’adage « Nemo auditur……. » signifie que personne ne peut évoquer en

justice l’exécution d’une convention contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

Il ne peut pas invoquer sa propre turpitude. Cet adage n’est qu’une variante de l’art

30 du cclIII.

L’adage « In pari causa………… » signifie que lorsqu’il y a une même turpitude de la

part des deux co-contractants, il n’y a pas malgré l’annulation du contrat, d’action en

restitution ni pour l’un ni pour l’autre.

Comme on le constate, l’adage concerne l’aggravation de la nullité celui qui contracte

de manière illicite est ainsi menacé de perdre définitivement sa mise.

Toutefois, la jurisprudence n’applique pas l’adage « in pari causa……. » d’une

manière systématique car cela favoriserait parfois les intentions illicites en

permettant au contrat de sortir de ses effets.

§3. Les effets des contrats

Il faut distinguer les effets des contrats de ceux des faits juridiques : les quasi-

contrats, les délits, les quasi-délits qui meubleront la 2ème partie du cours.

Les effets des contrats ne sont donc qu’un aspect des effets des autres sources

obligations.
104

A. La force obligatoire des contrats

L’effet principal du contrat, c’est qu’il a une force obligatoire. Et cette force

obligatoire est garantie par deux principes énoncés dans les art 33 et 34 du ccLIII.

L’art 33 consacre le principe de la convention-loi. Et le 2 ème principe énoncé à l’art 33

et à l’art 34 concerne le principe d’exécution de bonne foi.

1° Le principe de la convention-loi

Ce principe consacre en termes énergiques que le contrat a la même force que la loi

entre les parties qui ont conclu. Cette force obligatoire repose sur un double

fondement. D’abord, il y a la base d’une idée morale : il faut respecter la parole

donnée ; ensuite il y a un intérêt économique : il faut assurer la stabilité des contrats

pour que la paix économique ne s’en trouve pas perturbée.

Le principe de la force obligatoire des contrats entraîne d’autres conséquences. Le

contractant ne peut pas se dégager de son obligation par sa propre volonté. Cela se

trouve clairement exprimé dans l’art 33 alinéa 2.

Ainsi pour qu’un contrat soit révoqué, il faut un accord mutuel des parties

contractantes, ou bien il faut un texte qui l’autorise (art 441, 545). Il n’est donc pas

possible de revenir par « volonté unilatérale » sur les obligations contractées que

dans des cas déterminés par la loi.

Aussi, le juge est lié par le contrat. Il ne peut pas modifier les conditions d’un contrat,

même dans des cas où celles-ci seraient contraires à l’équité.

En d’autres termes, le juge doit faire respecter la volonté des parties et ne pourrait

prendre prétexte de l’équité pour réviser la convention.


105

Le juge n’a pas le droit d’atténuer la rigueur des obligations que les parties se sont

imposées elles-mêmes. On admet tout de même un tempérament à ce principe

puisque le juge peut en présence d’un débiteur malheureux et de bonne foi, accorder

un délai de grâce et postposer ainsi l’échéance du payement.

En outre, il est de principe que la loi nouvelle ne remet pas en cause les conventions

légalement formées sous l’empire de la législation antérieure. Cependant, si tel est le

principe, s’il est permis qu’un contrat ait une force obligatoire à l’égard de la loi, il est

parfois des situations où le législateur, à titre exceptionnel se trouve obligé d’affecter

la force obligatoire de certains contrats si l’intérêt général le réclame impérieusement.

2°. Le principe d’exécution de bonne foi

Aux termes de l’art 33 alinéa 3 du ccLIII, les conventions doivent être exécutées de

bonne foi. L’art 34 ajoute que « les conventions obligent non seulement à

…………… ». La bonne foi impose donc aux parties une série de comportements

pour un meilleur aboutissement des engagements pris.

En effet, les parties doivent exécuter loyalement le contrat. Elles doivent collaborer à

la bonne exécution de celui-ci, ce qui implique que le créancier ne peut pas entraver

le débiteur dans l’accomplissement de ses obligations.

En d’autres termes, les parties contractantes doivent se refuser les manœuvres de

nature à empêcher que l’une des parties ne tire du contrat tout son bénéfice.

Le débiteur doit exécuter loyalement et fidèlement les prestations promises ce qui

suppose l’absence de toute fraude dans son chef. De son côté, le créancier doit

s’abstenir de toute manœuvre tendant à rendre l’exécution impossible ou difficile.


106

En outre, ce principe de bonne foi doit dominer le contrat de ses prémisses à sa

résolution. En effet, le contrat ne doit pas seulement être exécuté de bonne foi mais

également il doit être négocié et conclu de bonne foi. Cet impératif impose aux

futures parties contractantes de faire preuve de correction et de loyauté lors de la

période de pourparlers.

Ainsi doivent-elles se garder de toutes manœuvres dolosives. La bonne foi fait peser

sur la partie la mieux informée une obligation de renseignements. Elle permet

également de sanctionner la rupture intempestive des pourparlers. Elle impose aussi

selon certains à la partie contractante qui est en position de force, de rédiger ses

documents contractuels de manière lisible et compréhensible.

Comme on l’a déjà souligné, la mauvaise foi au stade précontractuel ne constitue pas

une faute contractuelle. Il s’agit d’une faute précontractuelle et l’auteur du

comportement litigieux devra donc réparer le dommage causé sur base de l’art 258

du ccLlII.

Aussi, la bonne foi a une fonction modératrice. C’est cette fonction qui interdit au

créancier d’abuser de son droit.

En effet, l’abus de droit suppose que le créancier exerce son droit d’une manière qui

est manifestement incompatible avec l’usage qu’en aurait fait un homme

normalement prudent et diligent. Le créancier exerce son droit mais d’une manière

qui nuit aux droits de son débiteur. L’abus de droit est sanctionné par une réduction

du droit à son usage normal ou par la réparation du dommage qui en résulte,

évidemment le juge ne peut déchoir le créancier de son droit même s’il en a abusé. Il

l’oblige seulement à réparer le dommage qui résulterait de l’abus.

De même, en cas d’inexécution des obligations, on remarque que les sanctions

applicables ne doivent être mise en œuvre avec trop d’apprêté. Le juge peut écarter
107

dans les cas d’espèce qui lui est soumis la sanction qui est réclamée. Cela est d’autant

plus vrai que même en cas de problème d’exécution, une collaboration loyale doit

guider la résolution du problème. C’est dans ce sens qu’un récent arrêt de la Cour de

Cassation belge du 17 mai 2001 précise que si la règle contenue à l’art 1134 al

3(équivalent de l’art 33ccLIII) n’impose pas au créancier de restreindre ce dommage

dans toute la mesure du possible, elle lui recommande de prendre avec loyauté les

mesures raisonnables qui permettent de modérer ou limiter son préjudice.

Cette avancée remarquable de la jurisprudence corrobore en partie avec la solution

souvent admise en cas de problème d’imprévision. En effet, des événements

extérieurs à la volonté des parties peuvent modifier les conditions du contrat de telle

manière que la situation du débiteur s’en trouve aggravé puisque dans ce cas le

débiteur est obligé de fournir une prestation plus onéreuse que la contre partie qu’il

reçoit.

La théorie de l’imprévision a pris de l’importance suite aux événements de guerre. Le

problème s’est posé pour la première fois à la suite de la première guerre mondiale.

Cette théorie suppose que les prestations d’un contrat deviennent déséquilibrées

suite à des circonstances qu’on ne peut encore qualifier de force majeure. Ces

circonstances sont surtout l’instabilité monétaire due aux guerres et aux crises

économiques. Ainsi, la flambée ou la hausse des prix qui s’ensuit, impose au débiteur

des frais supplémentaires. La question est de savoir donc si le juge n’est pas autorisé

à revoir les conditions du contrat et à décharger le débiteur d’une partie des

obligations devenues excessives.

Cela a fait l’objet de plusieurs controverses. Une partie de la jurisprudence et de la

doctrine rejette catégoriquement la théorie de l’imprévision tandis que l’autre semble

l’admettre.
108

Pour les détracteurs de la théorie, le rejet repose sur l’argument qui considère que

l’exécution d’un contrat une fois devenue absolument impossible par suite des

événements extérieurs aux parties, il y‘a alors cas de force majeure. Et le cas de force

majeure est un mode d’extinction des obligations.

Si au contraire, ces évènements ne constituent pas un cas fortuit, le débiteur doit

exécuter l’obligation même si l’exécution serait difficile. D’après cette tendance, le

juge n’aurait donc pas l’occasion de modifier le contrat car en le faisant, il violerait

l’économie de l’art 33 ccLIII. La jurisprudence belge a longuement soutenu cette

position pour des raisons, selon elle, de sécurité juridique.

En effet, comme le rappelle la Cour d’Appel de Liège dans son arrêt du 27 juin 1995,

«admettre l’imprévision serait, au nom de l’équité, compromettre la sécurité que le

droit a voulu assurer par le principe de la convention – loi». Une longue série d’arrêts

de la Cour de Cassation belge rappelle, au demeurant, que des considérations

d’équité ne peuvent justifier la dissolution ou la révision d’un contrat.

Les tenants de la théorie de l’imprévision s’inspirent par contre des considérations

d’ordre social et économique et même sur la notion de bonne foi.

En effet, selon cette tendance, le juge doit avoir ce pouvoir de modifier le contrat

compte tenu de l’ampleur des crises et des difficultés et cela pour soulager les

débiteurs devenus impuissants, mais aussi protéger l’économie dans le but de

l’intérêt général.

En plus de cet argument, d’autres considérations ont été évoquées : c’est notamment

l’intention commune des parties contractantes. On suppose que les parties ne se sont

engagées que pour les cas où les conditions ne changent pas. Dans tous les contrats,

on suppose qu’il y’a une clause sous entendue, celle qui stipule que les circonstances

ne doivent pas changer : c’est la clause Rebus sic stantibus. On considère que rien ne
109

permet de présumer avec certitude ce qu’aurait été la position des parties si elles

avaient prévu ces circonstances.

Ce qui conduit à admettre qu’un ajustement est donc possible en cas de survenance

des évènements portant modification des termes du contrat. La théorie de

l’imprévision heurte certainement le principe classique de l’art 33 qui consacre que

les conventions tiennent lieu de loi et par voie de conséquence, les juges ne sont pas

autorisés à modifier les conventions car les parties seraient en insécurité dans leur

rapport contractuel mais il faut tout de même éviter de sombrer dans l’excès car

vouloir à tout prix maintenir la stabilité d’une convention au moment où celle- ci

impose au débiteur des charges excessives reviendraient à rendre l’exécution du

contrat très difficile et parfois même impossible. Ce qui pècherait contre le principe

de bonne foi qui enseigne que même en cas de problème d’exécution les parties

doivent collaborer loyalement pour trouver une solution équitable.

Cela étant, le mieux serait que les parties prévoient une obligation de renégociation,

liée à la survenance d’événements nouveaux, imprévisibles au moment de la

conclusion du contrat, afin de préserver l’équilibre originaire de celui-ci. De telles

clauses se rencontrent avant tout dans les contrats à prestations successives. Elles

trouvent surtout leur terrain d’élection dans les contrats internationaux. La plus

connue d’entre elles est la clause de hardship. Celle-ci est destinée à sortir ses effets,

lorsque les circonstances de départ, que les parties peuvent avoir aménagées de

manière générale ou au contraire spécifique, ont évolué de manière imprévisible,

perturbant gravement l’équilibre du contrat.

3° Le principe de la relativité des contrats.

L’art 63 du CCL III pose en principe une règle en vertu de laquelle le contrat n’a pas

d’effets qu’entre les parties contractantes et qu’il ne peut pas en produire à l’égard
110

des tiers. C’est le principe de la « relativité des contrats » qui est clairement exprimé à

l’article 63 mais remarquons tout de même que l’art ne mentionne pas qui sont les

parties, qui sont les tiers. Le principe de la relativité des conventions en apparence

tout à fait logique comporte certaines dérogations.

a. Le principe

Le principe de l’effet relatif semble résulter de la définition même du contrat. Ce

dernier s’analyse comme un acte de volonté destiné à produire des effets de droit et

par principe une volonté est impuissante à engager quelqu’un qui n’a pas consenti à

être engagé. Il apparaît indispensable donc de déterminer quelles sont les parties au

contrat et quels sont les tiers ? En d’autres termes il faut préciser les parties pour qui

le contrat produit des effets et les tiers pour qui le contrat ne produit d’effets.

Les parties sont les personnes qui ont conclu le contrat. Il y a au minimum deux

parties dans un contrat mais il peut y en avoir plus. Les parties peuvent se faire

représenter. En ce cas, le contrat produira ses effets entre des parties qui ne se sont

pas celles qui ont figuré lors de la rédaction du contrat, mais celles qui ont été

représentées.

Le représentant n’est donc qu’un intermédiaire qui disparaît une fois son rôle achevé.

Les obligations qu’il a contractées l’ont été pour le compte d’un représenté. La

catégorie des tiers est beaucoup plus difficile à déterminer.

Dans une 1ère approche, on pourrait les définir de manière négative. Seraient tiers

toutes les personnes n’ayant pas la qualité de parties. Mais la réalité est plus

complexe et il faut distinguer plusieurs catégories des tiers.

En 1er lieu, on peut citer les ayant causes universels et les ayant causes à titre

universel. L’ayant cause universel est celui qui recueille l’ensemble du patrimoine de
111

son auteur. Il s’agit de l’héritier de l’une des parties au contrat. Selon l’art 22 du

ccLIII :

« On est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayant causes à moins que

le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention ».

De l’ayant cause universel, on rapproche l’ayant cause à titre universel, qui ne

recueille qu’une quote part de la succession.

Le principe incarné par l’art 22 comporte deux exceptions principales comme le

mentionne d’ailleurs ce même article :

D’une part, le contrat a pu stipuler que les obligations créées ne passeraient pas aux

héritiers. D’autre part, les contrats conclus in tuitu personae échappent à la règle.

En second lieu, il existe les ayants cause à titre particulier c’est-à-dire ceux qui ne

recueillent qu’un droit déterminé provenant de l’auteur.

Tel est le cas de l’acheteur d’un bien. Il s’agit de déterminer si en acquérant la

propriété d’un bien, une personne est liée par les droits et obligations conclues par le

précédent propriétaire antérieurement à l’aliénation et relatifs à ce bien.

Pour les contrats ayant pour objet des droits réels, le principe est qu’ils se

transmettent aux acquéreurs successifs. Pour les contrats ayant pour objet les droits

personnels, l’art 63 semble devoir produire son plein effet. Il est cependant nécessaire

de distinguer entre la transmission du passif et celle de l’actif.

Les obligations passives sont en principe inopposables à l’acquéreur. La solution est

plus nuancée pour la transmission active. La loi le prévoit d’ailleurs parfois et c’est le

cas de l’art 399 du ccLIII qui prévoit que les droits du locataire restent opposables au

nouvel acquéreur. Hormis les hypothèses légales, il faudra rechercher la volonté des

parties au contrat.
112

Il s’agit en 3ème lieu des créanciers chirographaires (ordinaires) qui ont comme

garantie le gage général du débiteur.

Les contrats conclus par un débiteur déterminé ne produisent pas d’effets directs sur

ses créanciers chirographaires. Mais ces derniers, ayant un droit de gage général sur

le patrimoine de leurs débiteurs subissent parfois les contrecoups des actes passés

par le débiteur.

Pour cela, ils ont la possibilité d’exercer les droits et actions que la convention passée

par leurs débiteurs a fait naître. C’est ainsi que l’art 64 et 65 organisent l’action

oblique et l’action paulienne.

Aussi, le code précise que les contre-lettres ne leur sont pas opposables. Tous ces

moyens accordés aux créanciers chirographaires leur permettent de recouvrer leurs

droits et surtout de sauvegarder le patrimoine de leurs débiteurs qui, en définitive,

constitue leur gage général.

En 4ème lieu, on peut citer les véritables tiers ; les « penitus extranei ». Cette catégorie

comporte toutes les autres personnes c’est-à-dire celles qui sont totalement

étrangères au contrat. Les contrats n’auront aucun effet à leur égard. Cela ne veut pas

dire que le contrat n’existe pas à l’égard des tiers. Il s’impose à eux.

Par exemple, l’acheteur d’un bien peut opposer à toute personne les droits qu’il tient

de son contrat de vente. Les tiers au sens étroit du terme doivent considérer le contrat

comme un fait qui s’impose à eux, à leur détriment comme à leur profit bien qu’ils

ne soient ni créanciers ni débiteurs.

La jurisprudence en tire cette conséquence en indiquant qu’engage sa responsabilité,

le tiers qui sciemment, se rend complice de la violation d’un contrat.

Ex : on cite traditionnellement des exemples assez fréquents :

D’une part, le fait de débaucher en connaissance de cause un salarié lié à une autre

entreprise par un contrat de travail non encore expiré ; cela constitue une faute. Et le
113

second patron devra indemniser le 1 er du dommage causé bien qu’il soit un tiers par

rapport au contrat rompu.

D’autre part, à supposer qu’un immeuble ait fait l’objet d’une promesse unilatérale

de vente à une personne moyennant un prix raisonnable. Le fait d’un tiers bien

informé qui proposerait un prix supérieur et déciderait le vendeur à rompre sa

promesse serait aussi une faute.

D’autres cas se présentent : les tiers peuvent s’il y va de leur intérêt, se plaindre de la

violation d’un contrat auquel ils ne sont pourtant pas partie.

Par ex : En droit communautaire européen, on admet actuellement que la victime

d’un accident dû à un vice de fabrication d’un bien peut s’adresser soit au vendeur

de ce bien, soit directement au fabricant. Or, à ce titre, la victime invoque à titre de

fait juridique le contrat de vente. Il a été jugé aussi que le voisin d’un lotissement

soumis à un cahier de charges pouvait contraindre le lotisseur au respect dudit cahier

pour limiter par ex la hauteur des constructions.

Ainsi donc, les tiers à un contrat peuvent invoquer à leur profit comme un fait

juridique, la situation créée par ce contrat. Autrement dit, l’inexécution d’une

obligation contractuelle qui est une faute contractuelle vis à vis du créancier peut être

invoquée comme une faute délictuelle à l’égard du tiers victime de cette inexécution.

Parfois même, un tiers peut invoquer un contrat à titre de preuve. Ainsi dans un arrêt

de la cour de cassation française du 2/5/1972 la cour a décidé que l’effet relatif des

contrats n’interdit pas au juge du fond de rechercher dans des actes étrangers à l’une

des parties en cause, des renseignements de nature à éclairer leur décision.

b. Les dérogations au principe de la relativité des conventions


114

Le principe de l’effet relatif des conventions comporte certaines limites. Le code civil

fournit quelques exemples qu’on vient de relever à savoir l’action oblique et l’action

paulienne. On remarque aussi que certaines limites sont prévues notamment la

promesse de porte-fort et l’action directe.

De même l’art 63 organise expressément comme exception à l’effet relatif,

l’institution de la stipulation pour autrui. Avant d’arriver à cette notion, exposons

brièvement le cas de la promesse de porte-fort et celui de l’action directe.

- La promesse de porte-fort

On dit qu’il y a promesse de Porte-fort ou promesse pour autrui, lorsqu’une

personne conclut un contrat en se portant fort qu’un tiers le ratifiera et prendra sa

place dans le contrat. S’il ratifie, le tiers est engagé par le contrat comme s’il y avait

été représenté par le porte-fort.

A défaut de ratification, le contrat restera lettre morte. En ce cas, le porte-fort pourra

être poursuivi non pas en exécution du contrat mais en D.I. pour avoir manqué à une

obligation d’obtenir le consentement du tiers.

La jurisprudence admet que la clause de porte-fort puisse être tacite ou sous

entendue dans un contrat. En vertu de cette jurisprudence, on considère parfois que

le mandataire qui excède ses pouvoirs a entendu se porter fort pour son mandant.

Suivant qu’il y aura ou non ratification, le contrat sera conclu ou alors la

responsabilité du mandataire porte-fort sera engagée.

C’est en vertu de cette idée qu’on a prévu la ratification par les sociétés, des

engagements souscrits pour leur compte par les fondateurs avant l’immatriculation

au Registre de Commerce ; c’est à dire avant que la société ait acquis la personnalité

morale.
115

- L’action directe

Le titulaire d’une action directe tient son droit non d’une clause contractuelle mais

d’une loi qui aura précisé la possibilité d’enclencher l’action directe. Quelques

exemples peuvent illustrer l’action directe : Selon l’art 409 du ccLIII, un propriétaire

loue un local à un locataire ; lequel le sous-loue à un sous-locataire. Voilà deux

contrats distincts et il n’y a aucun lien de droit entre le propriétaire et le sous-

locataire ; puisqu’ils ne sont pas parties au même contrat.

Néanmoins à défaut de paiement du loyer par le locataire, le bailleur peut s’adresser

directement au sous-locataire en exerçant l’action directe que lui confère le code

civil .La loi lui permet de se comporter comme s’il était le créancier du sous-locataire.

Un autre exemple nous vient de l’art 535 du ccLIII, En effet, pour le contrat de

mandat, la loi admet que le mandant peut agir directement contre la personne que le

mandataire s’est substitué.

L’action directe est aussi consacrée en matière de responsabilité dans le cadre d’un

contrat d’assurance. En effet, en matière d’assurance de responsabilité l’exemple le

plus fréquent se présente comme suit : La victime d’un dommage dispose outre son

recours contre l’auteur du dommage, d’une action directe contre l’assureur du

responsable du dommage. Pourtant, la victime est un tiers par rapport au contrat

d’assurance. Tout se passe comme si l’assurance de responsabilité comporterait une

stipulation pour autrui au profit des victimes éventuelles.

L’action directe doit être distinguée de la stipulation pour autrui malgré que la

technique pourrait être identique. Alors que le droit du tiers bénéficiaire d’une
116

stipulation pour autrui a été voulu par les parties, l’action directe est au contraire

imposée par la loi en dehors de toute volonté des parties, sinon contre leur volonté.

Comme on le remarque, l’action directe apparaît surtout comme une sûreté accordée

à certains créanciers pour se protéger contre l’insolvabilité des débiteurs.

- La stipulation pour autrui

 Notion

L’art 63 après avoir consacré le principe de la relativité des conventions énonce

immédiatement l’exception et nous renvoie à l’art 21 qui organise la stipulation pour

autrui.

La stipulation pour autrui est un contrat par lequel l’un des contractants stipule pour

un tiers qui est étranger au contrat. La stipulation pour autrui est une opération à

trois personnages : D’un côté, deux co-contractants, le stipulant et le promettant.

De l’autre, le tiers bénéficiaire en faveur de qui le contrat est conclu.

Pour imager ce schéma, il suffit de prendre l’exemple simple de l’assurance- vie d’un

père de famille au profit de son conjoint ou de ses enfants.

Le contrat est passé entre le père de famille (stipulant) et une compagnie d’assurance

(promettant) laquelle moyennant le versement de prime s’engage à payer en cas de

décès du stipulant, un certain capital à son conjoint ou à ses enfants qui sont les tiers

bénéficiaires.
117

 Conditions

La stipulation pour autrui obéit à deux conditions :

- Il faut qu’il s’agisse d’un engagement que l’on fait soi-même et cela à travers un

contrat principal. Dans un contrat d’assurance-vie par ex, c’est l’assuré qui s’engage

lui-même

- Il faut qu’il y ait une intention de faire un droit au profit d’un tiers.

Le tiers bénéficiaire à travers ce contrat principal acquiert un droit direct et immédiat

et ce droit se fixe définitivement dans son patrimoine au moment où il déclare

vouloir en profiter. Par droit direct, on veut dire que le droit du tiers passe

directement dans son patrimoine et qu’il ne passe pas par le patrimoine du stipulant.

Autrement dit, la prestation du promettant passe directement dans le patrimoine du

tiers bénéficiaire.

En effet, cette précision est pertinente en ce sens que si la prestation devait passer par

le patrimoine du stipulant, elle pourrait être soumise aux aléas qui pèsent sur le

stipulant.

Le créancier pourrait par ex saisir les biens passés dans le patrimoine du stipulant

avant qu’ils n’arrivent dans le patrimoine du tiers bénéficiaire.

Ce contrat de la stipulation pour autrui a aussi un effet immédiat c’est-à-dire que la

créance du tiers bénéficiaire prend naissance au moment même où le contrat est

formé entre le stipulant et le promettant avant même que le tiers bénéficiaire n’ait

accepté, car l’acceptation du tiers bénéficiaire ne crée pas le droit, elle vient confirmer

le droit qui existait de par le contrat principal. Elle a seulement pour effet de rendre

impossible le droit de révocation appartenant au stipulant.


118

Le droit naît au moment de la convention principale mais il se fixe au moment de

l’acceptation. Ainsi, le droit du tiers bénéficiaire dépend du contrat principal puisque

c’est ce dernier qui est la source du droit de ce tiers.

Par conséquent, si le contrat principal est nul, le droit du tiers devient caduc. De

même, si le stipulant ne respecte pas ses engagements envers le promettant, celui-ci

peut refuser l’exécution de sa prestation en faveur du tiers bénéficiaire.

 Rapports juridiques nés de la stipulation pour autrui

- Rapports entre promettant et stipulant

La stipulation pour autrui fait naître dans le chef du promettant, une obligation à

prester en faveur du tiers bénéficiaire. Cependant cette obligation est en soi un

engagement envers le stipulant. En cas d’inexécution, le stipulant a une action contre

le promettant. Entre eux, la stipulation pour autrui est un engagement contractuel

soumis aux règles communes de la responsabilité contractuelle. Cet engagement ne

consiste pas à exécuter la prestation au profit du stipulant mais au profit du tiers

bénéficiaire.

Toutefois si le promettant ne s’exécute pas, le stipulant pourra réclamer l’exécution

de l’obligation ou alors la résolution du contrat de base aux torts du promettant et le

cas échéant, avec des D.I. Ceux-ci ne se confondant pas avec les D.I. que le tiers

bénéficiaire pourrait réclamer pour son préjudice personnel qui tire fondement dans

un fait juridique.
119

- Rapports entre promettant et tiers bénéficiaire

Ce rapport est au cœur de la stipulation pour autrui. Le bénéficiaire tire profit d’une

convention envers laquelle il est tiers. Il a droit d’exiger une prestation auprès d’une

partie avec laquelle il n’a pas contracté. Comme on l’a déjà souligné, c’est un droit

que le bénéficiaire fait valoir et il en résulte que la prestation due par le promettant

au tiers bénéficiaire ne passe pas pour le patrimoine du stipulant et que les créanciers

de celui-ci ne peuvent pas faire valoir aucun droit sur cette prestation.

En outre, le droit du bénéficiaire lui permet de réclamer directement au promettant,

l’exécution de la prestation, éventuellement par la voie d’une action en exécution

forcée mais le tiers bénéficiaire ne peut pas demander la résolution du contrat

principal par la seule raison qu’il ne l’a pas conclu. il n’est pas partie à ce contrat, il

est donc étranger.

Nous remarquons cependant que les droits du tiers bénéficiaire sont des droits

satellites par rapport aux liens originaires entre le stipulant et le promettant. Ainsi le

promettant pourra opposer au tiers bénéficiaire toutes les exceptions qui seraient

nées dans ses rapports avec le stipulant. Le sort de ces liens originaires conditionne

donc la stipulation pour autrui.

- Rapports entre stipulant et tiers bénéficiaire

Dans le cadre de la stipulation pour autrui proprement dite, il n’y a pas de lien de

droit entre le stipulant et le tiers bénéficiaire.

La stipulation pour autrui peut trouver cependant sa raison d’être dans une relation

préalable entre ces deux personnes ou alors dans une intention libérale du 1 er envers
120

le second. selon le cas et envers le stipulant, l’avantage recueilli par le tiers

bénéficiaire peut être le résultat d’une opération à titre onéreux ou à titre gratuit.

La stipulation pour autrui peut notamment être l’exécution d’une obligation que le

stipulant avait contracté envers le bénéficiaire dans le cadre d’une autre opération.

Si je souhaite emprunter pour construire, l’organisme financier cherchera souvent à

se prémunir contre les risques d’un décès prématuré en m’obligeant à souscrire à son

profit une assurance-vie pour un montant équivalent au prêt ou au solde restant dû.

Dans ce type de circonstance, on voit que le caractère onéreux prend le devant. Dans

d’autres cas, elle s’analyse comme une opération à titre gratuit. Ainsi je souscris une

assurance-vie non pas au bénéfice de mon prêteur mais de mon enfant.

 Révocabilité et acceptation

Le stipulant peut révoquer la stipulation pour autrui tant que le bénéficiaire ne l’a

pas acceptée. (art 21)

En outre, la révocation n’appelle aucune exigence de forme ; elle peut être expresse

ou tacite. J’avais souscrit une police d’assurance-vie au profit de A. Je fais savoir à

mon assureur que le bénéficiaire serait dorénavant B. Cette nouvelle désignation

implique la révocation de la 1ère attribution.

Le droit de révoquer est propre au stipulant. Il ne peut être exercé ni par ses

créanciers ni par ses héritiers. Aussi il n’est pas requis que le bénéficiaire accepte la

stipulation pour que le droit naisse à son profit. (Le droit est né avant même son

acceptation) Mais cette acceptation est importante puisque elle rend ce droit

irrévocable.

L’acceptation n’est pas non plus soumise à aucune exigence de forme. Elle se

manifestera souvent par le fait même que le bénéficiaire invitera le promettant à


121

s’exécuter. Elle sera aussi tacite lorsque la stipulation résulte d’un engagement pris

par le stipulant envers le bénéficiaire.

Le droit d’accepter est également propre au bénéficiaire en ce sens qu’il ne peut pas

être exercé par son créancier. Mais alors les héritiers du bénéficiaire ne peuvent-ils

pas l’exercer ?

d. Les Contrats collectifs

Chacun sait qu’à la différence des contrats individuels, les contrats collectifs peuvent

conférer des droits ou imposer des obligations à des personnes qui ne sont pas

affiliées à ce groupement des signataires. C’est le cas notamment des conventions

collectives de travail lorsqu’elles ont été conclues par les groupements les plus

représentatifs des salariés.

Ces conventions collectives seront étendues à tous les travailleurs ou employeurs de

la branche qui aura été considérée.

Ainsi donc, les contrats collectifs se présentent comme des dérogations au principe

de la relativité des conventions dans la mesure où les personnes tierces à ces

conventions se trouvent imposées les effets de ces contrats collectifs.

B. Les effets spéciaux de certains contrats

1° L’effet spécial de l’obligation de donner

Lorsqu’une obligation engendre le transfert de propriété, cette obligation s’exécute

par le simple consentement des parties contractantes.

La règle se trouve exprimée dans l’art 37 alinéa 1 er du ccLIII. A titre d’ex le contrat de

vente sera parfait par le simple fait du consentement. Cela veut dire que la propriété
122

de la chose vendue sera transférée par le consentement des parties. Il n’y a donc plus

d’opération psychologique que matérielle.

L’acheteur devient propriétaire même si la chose n’est pas matériellement remise

précise l’art 37 alinéa 2. Cette règle s’applique au contrat translatif de propriété,

comme le contrat de vente, de donation etc. La question importante consiste ici à

déterminer à quel moment le transfert propriété se trouve réalisé entre les parties.

En principe, le transfert de la propriété s’opère entre les parties contractantes au

moment de la conclusion du contrat mais ce principe connaît quelques exceptions.

En effet, la propriété ne peut être transférée par le seul échange de consentement que

si l’obligation a pour objet une chose déterminée ou une chose individualisée c’est-à-

dire lorsqu’il s’agit d’un corps certain.

De même le transfert immédiat de la propriété sera réalisé au moment où la chose

existera lorsqu’il s’agit d’une vente portant sur les choses futures. (ex les récoltes à

venir)

Par ailleurs l’économie de l’art 37 n’est pas d’ordre public. Les parties peuvent elles-

mêmes retarder le transfert de la propriété par des clauses particulières (ex : clause

de réserve de propriété).

Concernant le moment de transfert de la propriété vis-à-vis des tiers, il y a lieu de

faire remarquer que certains contrats exigent des formalités. Par ex, le transfert de

propriété pour un contrat de vente d’immeuble ne sera opposable aux tiers que

quand il y a eu certaines formalités. A l’égard des tiers donc, le contrat ne sera

valable que dans la mesure où les parties auront passé les formalités requises.

Pour les contrats de cession de créance, on remarque également que certaines

formalités sont exigées pour être opposables aux tiers notamment les formalités

contenues dans l’art 353 en rapport avec l’information du débiteur.


123

2°. Les effets spéciaux du contrat synallagmatique

Nous savons que dans les contrats synallagmatiques, les parties s’obligent

mutuellement. La prestation de l’une des parties est conditionnée par la prestation de

l’autre puisque les obligations sont réciproques, interdépendantes et corrélatives.

Quid donc en cas d’inexécution partielle ou totale par l’une des parties ? A ce sujet,

plusieurs possibilités s’ouvrent et elles peuvent se ramener à trois idées.

1° Si l’une des parties n’exécute pas, l’autre refuse de s’exécuter.

2° L’une des parties n’ayant pas exécuté, l’autre partie qui a un intérêt dans

l’exécution peut demander la résolution judiciaire.

3° Si l’une des parties n’a pas exécuté par suite de cas fortuit que doit faire l’autre

partie ? Qui doit supporter les conséquences de cette force majeure ?

Ainsi la 1ère idée énonce le principe de l’Exceptio non adimpleti contractus.

La 2ème concerne la résolution judiciaire prévue à l’art 82

La 3ème concerne la théorie des risques dans les contrats synallagmatiques.

a. L’exception d’inexécution ou Exceptio non adimpleti contractus

Ce principe n’est pas expressément prévu par le ccLIII. Néanmoins on trouve des

applications de ce principe dans pas mal d’art du code civil (art 289, 290, 511 etc.…)

En effet, le principe d’exception d’inexécution est un moyen de défense qui permet à

une partie de suspendre l’exécution de son obligation (en d’autres termes de retenir

sa prestation) aussi longtemps que son co-contractant ne s’est pas acquitté de la

sienne. Ex le vendeur peut refuser de livrer la marchandise si le prix n’a pas été payé.

Cela ne veut pas dire que le contrat n’existe pas. Cela veut dire seulement qu’il est

suspendu. L’effet d’exception d’inexécution ne touche pas ainsi l’existence des

contrats. Ce principe a donc un caractère temporaire. Dès que la partie défaillante

reprenne l’exécution de ses obligations, le contrat reprend son cours normal. Il faut

noter que ce principe s’applique dans les contrats synallagmatiques où les


124

obligations s’exécutent trait par trait et non dans les contrats où la simultanéité des

prestations a été écartée par les parties.

b. La résolution judiciaire pour cause d’inexécution

Le principe est posé à l’art 82. Lorsque un des contractants n’exécute pas son

obligation, l’autre contractant a le choix ou de poursuivre pour l’exécution en nature

de l’obligation ou demander à la justice la résolution du contrat. On voit donc ici que

l’art 82 consacre une autre garantie supplémentaire à la 1 ère. En effet, lorsque une des

parties manque à son engagement, on voit que l’autre a non seulement le droit de ne

pas exécuter le sien en vertu du principe précédent mais peut aussi demander la

résolution du contrat.

Mais pour obtenir cette résolution, il doit s’adresser à la justice par voie

d’assignation. La question est alors de savoir si le juge n’est pas obligé ou est obligé

de prononcer la résolution demandée. L’art 82 nous enseigne qu’il peut au lieu

d’accorder la résolution accordée un autre délai à la partie défaillante afin de

s’exécuter. Ce que l’on appelle délai de grâce.

L’art 82 fait allusion aux dommages et intérêts. Il permet donc au créancier

demandeur en plus de la résolution d’exiger des D.I. complémentaires. Une fois

prononcée, la résolution produit les mêmes effets que pour l’annulation.

Ainsi, le contrat est anéanti aussi bien dans l’avenir que dans le passé mais comme

cet effet rétroactif peut entraîner des problèmes puisqu’il va donner lieu

éventuellement à la restitution des prestations déjà fournies de part et d’autre, il sera

pertinent d’apprécier ces effets eu égard aux droits acquis et épargner les tiers de

bonne foi des problèmes qui ne leur sont pas imputables.

Le juge sera guidé par ex par les principes contenus dans l’art 658 ccLIII.
125

Aussi pour les contrats successifs la résolution agira pour l’avenir et non pour le

passé. Par ailleurs pour les contrats successifs, on ne parlera pas de résolution mais

plutôt de résiliation.

Précisons en définitive que l’on prévoit dans les contrats synallagmatiques, la clause

expresse de résolution.

En effet, la condition résolutoire toujours sous-entendue dans les contrats

synallagmatiques est une clause tacite. Mais cette clause peut être expressément

prévue par les parties. Celles-ci peuvent préciser que s’il y a inexécution, il y a

immédiatement résolution.

La clause qui était tacite devient alors expresse par la volonté des parties et l’effet de

ce pacte dépend de ce que les parties ont voulu.

Si les parties ont dit simplement que le contrat sera résolu en cas d’inexécution, cette

clause n’est rien d’autre que la condition résolutoire contenue dans l’art 82.

Mais si les parties ont ajouté que la résolution aura lieu de plein droit, il ne sera plus

nécessaire de recourir à la justice et le juge ne pourra pas s’il est saisi accorder un

délai de grâce à la partie défaillante. Là, la résolution aura lieu de plein droit.

Les parties peuvent être plus explicites en précisant que la résolution aura lieu de

plein droit sans sommation ni autre formalité.

La solution de recourir à la justice est complètement écartée ce qui veut dire que l’art

82 alinéa 2 du ccLIII n’est pas d’ordre public.

3° La théorie des risques dans les contrats synallagmatiques

Ici, on suppose que l’inexécution n’est pas imputable au débiteur mais qu’elle est due

à un cas fortuit. Ce cas fortuit sera donc considéré comme une cause étrangère

libératoire. Le débiteur sera libéré par l’événement. Mais la question est de savoir qui

supportera ces risques. En règle générale on sait que quand il y a inexécution par cas
126

fortuit, dans le chef d’une partie, l’autre obligation s’éteint. Ici, on fait appel au

principe de l’interdépendance des obligations dans les contrats synallagmatiques.

Ceci peut être justifié par le fait que si la cause de l’obligation s’éteint, le lien

obligationnel s’éteint également. Mais remarquons que l’inexécution par cas fortuit

peut être partielle. D’où alors il faut apprécier les circonstances.

Si la partie non exécutée de l’obligation est tellement importante l’obligation de

l’autre partie est anéantie. Si la partie non exécutée est relative, le créancier de la

partie non exécutée pourra obtenir la réduction de sa propre obligation. Qu’en est-il

du cas où la force majeure n’a constitué qu’un obstacle temporaire? En principe,

l’obligation rendue momentanément impossible n’est pas éteinte, elle n’est que

suspendue jusqu’au moment où la force majeure viendra cesser ses effets.

Cependant, il y’a exception lorsque l’obligation ne pouvait être exécutée que dans un

temps déterminé. Dans ce cas, l’obstacle temporaire a entraîné l’inexécution de

l’obligation et l’autre partie disparaît par voie de conséquence.

Quid de la théorie de la solution des risques en matière de contrat qui engendre

l’obligation de livrer la chose ?

La solution nous est dictée par l’art.37 CCLIII. Cet article signifie que le contrat en

même temps qu’il transmet la propriété de la chose met la chose à ses risques.

Il est donc nécessaire de déterminer à quel moment le transfert de la propriété est

opéré. S’il s’agit d ‘un corps certain, le transfert a eu lieu au moment même de la

formation du contrat a moins qu’un terme n’ait été stipulé.

S’il s’agit des choses de genre, le transfert a lieu au moment de leur individualisation

qui coïncide le plus souvent avec le jour de la livraison.


127

Appliquant ces principes, on retient ce qui suit :

- Le vendeur de choses de genre en demeure propriétaire tant qu’elles ne sont pas

livrées. Si sinistre les anéantit, la perte est pour lui : “ Re sperit debitori ” En cas de

résolution du contrat, le vendeur devra restituer le prix à l’acheteur, si ce dernier a

évidemment déjà payé et s‘il ne l’avait pas encore fait, il en sera dispensé “ Res

perit debitori ”.

- Le vendeur de corps certain en perd la propriété du jour du contrat à moins que le

transfert de propriété n’ait été expressément retardé. S’il y’a survenance d’un sinistre,

la perte est pour l’acheteur sauf clause contraire » Res perit domini ». En cas de

résolution, le vendeur conservera le prix mais il en serait autrement si la perte de la

chose lui était imputable ou s’il n’avait pas livré malgré une mise en demeure. Dans

ce cas, les risques se déplacent vers sa tête.

§4. L’interprétation des contrats.

Les règles d’interprétation prévues par le code civil découlent de l’idée générale que

l’on doit rechercher la volonté réelle des contractants puisque cette volonté apparaît

comme la source véritable de l’obligation. De là ; il en résulte les règles suivantes :

D’après l’article 54 du ccL III, on doit dans les conventions des parties rechercher la

commune intention des parties, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes. Il

ne faut pas toujours s’attacher aux expressions que les parties ont utilisées. Les

contractants ne sont pas toujours des techniciens du droit encore que ces derniers

peuvent aussi se tromper. Ainsi donc le fonds doit l’emporter sur la forme.
128

Selon l’article 55, lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt

l’entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet que dans le sens avec

lequel elle n’en pourrait produire aucun.

Par exemple si l’une des interprétations conduit à la nullité du contrat et pas l’autre,

on choisira celle qui permet de donner effet au contrat. Cette règle est complétée par

l’article 56 qui déclare que les termes susceptibles de deux sens doivent être pris

dans le sens qui convient le plus à la manière du contrat.

En vertu de l’article 59, toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par

rapport aux autres. En d’autres termes, on donne à chacune le sens qui résulte de

l’acte entier.

Cela signifie que pour dégager le sens d’une clause, il est nécessaire de se référer à

l’intégralité du contrat.

Les articles 57 et 58 se réfèrent à l’équité, à l’usage et à la loi.

Ils apparaissent comme des applications particulières du principe posé par l’article

34 du ccL III. Selon la première disposition, ce qui est ambigu s’interprète par ce qui

est d’usage dans le pays où le contrat est passé.

Et selon le second, on doit suppléer dans le contrat, les clauses qui y sont d’usage

quoi qu’elles n’y soient pas exprimées. Ainsi dans l’une des hypothèses, l’usage

permet l’interprétation alors que dans la deuxième, l’usage complète une lacune du

contrat.

S’il subsiste toujours des doutes sur le sens à donner au contrat, l’article 60 prescrit

que la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a

contracté l’obligation (cfr par ex dans les contrats d’adhésion).

Il existe enfin deux dispositions en apparence contradictoire c’est l’article 61 et

l’article 62.
129

L’article 61 aux termes duquel quelques généraux que soient les termes dans lesquels

une convention est conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il parait

que les parties se sont proposées de contracter.

Parfois les parties emploient des termes trop généraux. Ainsi selon l’article 61 on doit

restreindre l’interprétation au sens que les parties ont voulu effectivement donner.

Comme on le constate, l’article 61 n’est que l’application de l’article 54.

L’article 62 quant à lui, indique que dans un contrat, on a exprimé un cas pour

l’explication de l’obligation, on n’est pas censé avoir voulu par là restreindre

l’étendue que l’engagement reçoit de droit au cas non exprimé. Cela veut dire que si

les parties ont prévu un cas, leur intention a également été d’étendre leurs

conventions aux hypothèses voisines. Encore une fois, il faudra interroger leurs

volontés réelles pour savoir réellement l’effet à tirer d’une convention.

Section IV. Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles

Comme nous l’avons déjà souligné, les contrats obligent les parties à honorer les

engagements pris mais lorsque le débiteur n’exécute pas ses obligations que peut

faire le créancier ? Autrement dit quels sont les droits dont il dispose pour obtenir

l’exécution de l’obligation ?

Si le débiteur exécute mais avec un certain retard quelle situation faut-il réserver au

créancier ?

Le créancier a-t-il la possibilité de contraindre le débiteur à s’exécuter. Autant de

questions qui se posent et auxquelles il faut apporter des réponses.


130

§1. L’exécution en nature de l’obligation

Tant que la créance subsiste, le créancier a le droit d’obtenir l’exécution en nature de

l’obligation car au fond c’est en cela que le débiteur s’est engagé.

Normalement le débiteur s’exécute volontairement. S’il ne le fait pas, on va le

contraindre à s’exécuter.

Evidemment, une observation s’impose à propos des obligations de faire ou de ne

pas faire car ces obligations peuvent se prêter mal à l’exécution forcée. En effet,

l’art.40 pose pour les obligations de faire ou de ne pas faire un principe qui paraît

exclure en la matière la possibilité d’une exécution forcée en nature.

Fort heureusement, ce principe est loin d’avoir une portée absolue. Si non le débiteur

pourrait par sa seule inertie transformer ces obligations en nature en des obligations

de sommes d’argent. Ce qui serait inadmissible. Ce qu’a voulu dire le législateur,

c’est qu’il est interdit de contraindre par la force par des moyens violents, un

débiteur à accomplir une prestation qui suppose sa participation personnelle,

physique même.

Ainsi on ne peut pas contraindre par exemple un peintre à faire votre portrait, un

médecin à vous ausculter, un professeur à enseigner car ce serait une atteinte

intolérable à la liberté individuelle. Mais l’exécution des obligations de faire ou de ne

pas faire ne nécessite pas toujours la participation personnelle du débiteur. Il n’y a

plus donc de raison qui s’oppose à une exécution forcée en nature.

On en trouve par ailleurs une application dans l’art.41 du ccL III. Par dérogation au

principe posé à l’art. précédent, l’art.41 précise que néanmoins, le créancier a droit de

demander que ce qui aurait été fait par contravention à l’engagement soit détruit et il
131

peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur sans préjudice des

dommages et intérêts s’il y a lieu.

Cela signifie tout simplement que le créancier peut se faire autoriser de détruire ce

qui a été fait contrairement à l’engagement. C’est ce qui peut être décidé par exemple

pour les constructions édifiées en violation d’un cahier de charges.

De même, si la prestation promise peut être exécutée par une tierce personne, l’art.42

prévoit que le juge peut autoriser le créancier à y recourir aux frais du débiteur

défaillant.

C’est ce que l’on appelle la faculté de remplacement. Elle suppose une autorisation

préalable du juge lequel peut en outre condamner le débiteur à faire l’avance des

sommes nécessaires à cette exécution.

Généralisant ces hypothèses, la jurisprudence permet de recourir à l’exécution forcée

des obligations de faire ou de ne pas faire chaque fois que cette exécution ne nécessite

pas la participation personnelle du débiteur.

Cette précision sur les obligations de faire ou de ne pas faire étant faite, il y a lieu de

noter que le créancier dispose plusieurs moyens pour contraindre le débiteur à

s’exécuter en nature. Les techniques de substitution sont admises en droit moderne et

elles sont au nombre de trois :

D’une part la remise manu militari d’un corps certain

D’autre part le jugement tenant lieu d’acte du débiteur

Et enfin le remplacement judiciaire


132

1° S’agissant de la remise d’un corps certain, elle se réalise par la mise en œuvre

d’une saisie conservatoire. Un huissier de justice se chargera d’emporter le meuble,

avec s’il échet, le secours de la force publique.

2° Concernant le jugement tenant lieu d’acte du débiteur, on remarque que telle voie

d’exécution est un recours rassurant pour le créancier lésé. Et cette voie a été à

maintes reprises admise par la Cour de Cassation belge.

En effet, la Cour déclare que l’art.1142 du code belge (art.42 ccL II) n’exclut pas que

l’exécution en nature de l’obligation soit demandée au juge et ordonnée par celui-ci

lorsqu’elle est encore possible.

Toutefois, aucune contrainte ne peut être exercée sur la personne du débiteur en vue

de lui imposer cette exécution en nature et dans certains cas, cette voie d’exécution

permet au tribunal de conférer au créancier, l’instrumantum du contrat qui lui faisait

défaut.

Dans un arrêt de la cour d’appel de Mons du 24 juin 1981, la Cour enjoint au

propriétaire d’un immeuble de se présenter au notaire en vue de la passation de

l’acte de cession dans un certain délai tout en ajoutant qu’à défaut pour lui de le faire,

la décision de la cour tiendra lieu d’acte authentique en vue de la transcription à la

conservation des titres fonciers.

Le jugement tenant lieu d’acte poursuit parfois une finalité plus ambitieuse ; il

permet au juge d’émettre un acte de volonté en lieu et place du débiteur récalcitrant.

Soulignons toutefois que cette technique est impossible lorsque l’obligation en

souffrance est personnelle au débiteur.


133

3° Enfin la 3ème contrainte à savoir le remplacement judiciaire est déjà consacrée pour

les obligations de faire ou de ne pas faire par les art.41 et 42. Le juge condamne le

débiteur à exécuter en nature son obligation (terminer les travaux, détruire un mur)

tout en ajoutant que passé un certain délai le créancier sera autorisé en cas

d’inexécution de cet ordre à effectuer lui-même ou à faire effectuer par autrui cette

prestation aux dépens de son débiteur ; et le cas échéant à l’aide de la force publique.

On admet aussi qu’il est permis de recourir à cette voie d’exécution pour assurer

l’exécution forcée en nature des obligations de donner portant sur des choses

fongibles qui n’ont pas encore été individualisées.

Enfin précisons que le créancier dispose encore de tout un arsenal de voies

d’exécution sur le patrimoine du débiteur lorsqu’il s’agit des dettes de sommes

d’argent : saisie et rémunération sur les salaires, saisie attributions sur les comptes en

banque ou sur tout autre créance du débiteur et toutes ces saisies tendent à faire

vendre les biens du débiteur et à se payer sur les prix.

§2. L’exécution par équivalent

A. Notions générales

Lorsque l’exécution en nature est devenue impossible (absolue) ou lorsque le

débiteur n’a pas exécuté et qu’on ne peut pas le contraindre, le créancier a droit à des

DI c’est-à-dire une somme d’argent équivalente à l’avantage que lui aurait procuré

l’exécution de l’obligation promise.

L’inexécution d’une obligation peut être totale si le débiteur a refusé d’exécuter

entièrement l’obligation ; comme elle peut être partielle lorsqu’il y a eu seulement

exécution d’une partie.


134

Elle peut aussi être tardive lorsque le débiteur s’exécute mais tardivement. Cela

permet à préciser les différentes sortes de DI à savoir :

Les dommages et intérêts compensatoires

Les dommages et intérêts moratoires

Les dommages et intérêts complémentaires

Les dommages et intérêts compensatoires remplacent l’exécution en nature.

Les dommages et intérêts moratoires réparent le préjudice causé par une exécution

tardive.

Les dommages et intérêts complémentaires réparent le préjudice qui aura été causé

par l’inexécution de l’obligation.

Comme on le constate, les dommages et intérêts compensatoires ne peuvent pas se

cumuler avec l’exécution en nature ; ce qui est normal puisque ces dommages et

intérêts tiennent lieu d’exécution en nature. Ce sont des dommages et intérêts

compensatoires ou alors l’exécution en nature et non les deux à la fois si non il y

aurait double exécution.

Par contre les dommages et intérêts moratoires peuvent se cumuler avec l’exécution

en nature et par voie de conséquence avec les dommages et intérêts compensatoires.

De même que les dommages et intérêts moratoires peuvent se combiner avec le

dommages et intérêts complémentaires.


135

B. Les conditions requises pour qu’il y ait dommages et intérêts

Il s’agit ici de la théorie de la responsabilité contractuelle. En principe trois conditions

sont nécessaires. Il faut qu’il y ait un dommage, une faute et un lien causal entre la

faute et le dommage c’est-à-dire qu’il faut que l’inexécution soit imputable au

débiteur. Mais avant la mise en œuvre des sanctions à l’inexécution, une autre

condition sur le plan formel s’impose : La mise en demeure. Le créancier doit

rappeler ou préalable en termes rigoureux le débiteur à ses devoirs.

1° La mise en demeure

La mise en demeure est prévue par les art.38 et 44 ccL III. En effet, les dommages et

intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure d’exécuter son obligation

et cela est valable pour toutes les catégories de dommages et intérêts. La mise en

demeure est la constatation officielle de l’inexécution ou alors du retard dans

l’exécution.

Cette constatation peut résulter soit d’une interpellation adressée au débiteur par le

créancier soit de la convention des parties soit de la loi. L’interpellation est l’ordre

donné par le créancier au débiteur d’exécuter l’obligation.

Les parties peuvent aussi se mettre d’accord au moment de leur convention que le

débiteur est automatiquement mis en demeure dès le retard dans l’exécution.

Notons que la mise en demeure doit se faire par sommation et celle-ci est un exploit

d’huissier par lequel le créancier manifeste sa volonté de faire exécuter le débiteur.

L’art.38 du CCLIII dispose que la mise en demeure peut se faire par un acte

équivalent à la sommation notamment une assignation en justice. Une lettre


136

recommandée qui est un acte sous seing privé ne vaut pas par principe mise en

demeure.

Pour l’être, il faut qu’il soit signifié par l’huissier au débiteur mais il faut faire ici une

différenciation en matière commerciale où la forme de la mise en demeure est libre.

Et cela trouve sa source dans la liberté de la preuve c’est-à-dire que dans toute

constatation d’ordre commerciale, le créancier ne doit pas nécessairement faire une

sommation. Une simple lettre privée, un télégramme, un coup de téléphone équivaut

à une sommation, l’essentiel étant d’en apporter la preuve et la preuve était libre en

matière commerciale. Enfin, il faut noter que la mise en demeure joue un rôle

préparatoire à l’exécution forcée.

Cela veut dire que le créancier doit passer par cette formalité lorsqu’il veut passer à

l’étape de l’exécution forcée. En outre, elle déplace la charge des risques en cas de

force majeure comme nous le montre l’art.37 alinéa 2. Les risques sont en effet

déplacés à la charge du débiteur sans oublier aussi que la mise en demeure fait

courir les intérêts moratoires.

2° Le dommage

Pas d’intérêt, pas d’action. Comme pour toute responsabilité, la mise en jeu de la

responsabilité du débiteur suppose un préjudice causé au créancier.

En effet, celui-ci ne peut pas se plaindre de l’inexécution du contrat si cette

inexécution ne lui a pas causé un dommage. Il doit donc prouver que l’inexécution

d’un contrat ou le retard dans l’exécution lui a causé préjudice et c’est pour cette

raison que l’art.45 en consacre la teneur.


137

L’art.48 précise cependant que seul le dommage prévisible lors de la conclusion du

contrat peut être réparé. Selon cet article le débiteur n’est tenu des dommages et

intérêts qui ont été prévu ou qu’on a pu prévoir lors du contrat lorsque ce n’est point

par son dol que l’obligation n’est point exécutée.

Cette disposition renferme deux idées : premièrement l’idée que le dommage peut

être appréhendé lors de la conclusion du contrat. Ce qui suppose que le dommage

imprévisible ne sera pas retenu. La prévisibilité du dommage sera appréciée in

abstracto. Deuxièmement, on retient que la réparation intégrale du dommage sera

écartée en cas de faute dolosive dans le chef du débiteur.

3° La faute et le lien causal entre la faute et le dommage

La faute contractuelle peut se définir comme un manquement à une obligation

contractuelle qui est imputable au débiteur.

Ce manquement peut prendre différents traits : refus d’exécution, exécution partielle,

exécution tardive, exécution défectueuse etc.…

Mais pour donner lieu aux dommages et intérêts, il faut que cette faute soit

imputable au débiteur. Le principe de l’imputabilité est posé aux art.45 et 46 du ccL

III.

A la lecture de ces articles, on en déduit que le débiteur n’est pas toujours

responsable de l’inexécution. Ainsi il ne doit pas payer des dommages et intérêts

lorsqu’il y a une cause extérieure qui ne peut pas lui être imputée.

* S’il y a cause étrangère qui empêche l’exécution ou qui occasionne un retard, le

créancier devra alors subir.


138

Le débiteur reste responsable de l’inexécution s’il est en défaut de prouver que cette

inexécution provient d’une cause étrangère. La preuve lui incombe donc. Et parfois

cette preuve résulte d’une distinction fondamentale selon que le débiteur est tenu

d’une obligation de moyens ou de résultat. En effet, en cas d’obligation de moyens, le

débiteur a promis tout son possible pour exécuter l’obligation. Il a promis une

certaine diligence pour arriver à un résultat déterminé.

Il en résulte que le créancier, pour mettre en jeu la responsabilité du débiteur, devra

prouver que ce dernier n’a pas fait tout son possible. Sa faute devra donc être

prouvée. Si le débiteur souscrit une obligation de résultat, il suffit au créancier de

prouver que le résultat promis n’a pas été obtenu pour que le débiteur soit déclaré

responsable. Le débiteur ne pourra s’exonérer qu’en démontrant que l’exécution

n’a pas pu être procurée à cause d’un fait qui ne lui est pas imputable.

Il importe donc de définir l’étendue de la diligence due par le débiteur dans les

obligations de moyens. L’art.36 du ccL III est à ce propos une référence. Cette

disposition qui vise l’obligation de la conservation de la chose précise que celui qui

en est chargé, doit y apporter les soins d’un bon père de famille.

Les soins d’un bon père de famille signifient les soins d’un homme normalement

diligent, prudent et consciencieux. Le bon père de famille ne veut pas dire l’homme

le plus soigneux, c’est l’homme diligent normalement. Il doit être apprécié par

rapport au comportement d’un homme qui se situe dans le commun des mortels.

S’agissant de la cause étrangère qui décharge le débiteur de sa responsabilité

contractuelle, il importe d’en donner certains contours. Autrement dit quels sont les

éléments constitutifs de la cause étrangère ?


139

Le principe de l’art.45 parle de la cause étrangère mais n’en donne pas la définition

et plusieurs événements peuvent se présenter :

* Le fait du créancier. Lorsque l’inexécution provient du fait du créancier le débiteur

n’en est pas responsable.

Dans un contrat de transport par exemple : un voyageur saute et se blesse.

Peut-on dire que le débiteur a mal exécuté son obligation ? C’est plutôt le créancier

qui est responsable de son sort.

Et le débiteur ne peut pas être tenu pour responsable à moins qu’il y ait mauvaise foi

ou négligence de sa part.

De même dans un contrat de transport de marchandises, si celles-ci se détériorent par

mauvais emballage, le transporteur n’en est pas responsable. Ces avaries des

marchandises proviennent du fait du créancier.

Lorsque l’inexécution provient du fait d’un tiers, deux tendances se présentent :

d’une part certains auteurs soutiennent que le débiteur ne peut pas non plus

répondre des fautes d’un tiers et si ces fautes empêchent le débiteur d’exécuter, elles

peuvent constituer une cause étrangère à moins que le débiteur soit responsable de

manque de vigilance. Une autre tendance soutient l’exécution de l’obligation par le

débiteur et en cas de faute causée par une tierce personne, le débiteur reste tenu de

répondre quitte à exercer contre le tiers responsable une action récursoire.

A côté du fait du créancier, du fait du tiers, le droit retient le cas fortuit ou le cas de

force majeur comme étant une cause étrangère exonératoire de responsabilité. Pour

qu’un événement soit qualifié de cas fortuit, il faut qu’il entraîne l’impossibilité

d’exécution de contrat et cette impossibilité doit être absolue et définitive. Il ne

suffirait donc pas que l’exécution soit rendue plus difficile ou plus onéreuse pour

constituer un cas fortuit. Aussi, il faut que l’événement constitutif du cas fortuit ne

soit en aucun cas imputable au débiteur c’est-à-dire que l’événement ne peut être
140

provoqué par le débiteur ou alors accompagné ou suivi d’une faute quelconque de

son chef. Et pour que cet événement soit considéré comme cas fortuit il faut qu’il soit

imprévisible, irrésistible et partant insurmontable.

Si l’événement est prévisible, le débiteur doit prendre à temps les mesures et les

précautions qui s’imposent pour éviter les circonstances dommageables de cet

événement. Précisons que la responsabilité exceptionnelle du cas fortuit ne libère pas

toujours le débiteur qui peut rester responsable dans certains cas (art.194). Lorsque le

débiteur est en demeure de livrer un corps certain, le cas fortuit qui survient pèse

sur lui en moins qu’il prouve que le corps certain ait péri entre les mains du

créancier.

* Les cas fortuits qui surviennent des choses volées n’ont pas un effet libératoire au

voleur (art.194). Lorsque le débiteur a pris conventionnement la charge des cas

fortuits, il n’est pas non plus libéré. Cela signifie que lors de la passation de contrat,

les parties se conviennent si tels événements arrivent, le débiteur restera toujours

responsable. De telles clauses ne sont pas illicites, c’est l’application même de

principe de l’autonomie de la volonté.

S’agissant de la preuve du cas fortuit, il résulte de l’art.197 que le créancier doit

prouver l’existence et l’étendu de l’obligation qui pèse sur le débiteur. En revanche,

le débiteur doit prouver ou l’exécution de l’obligation qu’il a faite ou alors démontrer

le cas de force majeure libératoire de sa responsabilité.

Pour faire application du principe contenu dans l’art.197, il faudra évidemment

préciser le contenu des diverses obligations.

Dans les obligations de résultat, il suffit de constater la non obtention du résultat

pour conclure du même coup la non exécution d’une convention. Par contre dans les
141

obligations de moyens, il faut prouver la faute à un comportement de bon père de

famille. Le créancier doit prouver en quoi, le débiteur a manqué à la diligence qui fait

la nature du contrat.

Le malade devra prouver en quoi le médecin a manqué à ses obligations de diligence

et prudence. C’est pourquoi, il est parfois difficile de circonscrire le contenu de

l’obligation de moyen compte tenu de la notion de bon père de famille.

Il importe de préciser que le droit admet aussi de clauses de non responsabilité. Le

débiteur peut s’exonérer des responsabilités à condition que cela soit licite et que

cette clause ne vide pas tout le sens du contrat.

La clause de non responsabilité peut avoir pour effet soit de préciser soit d’atténuer

soit de supprimer la responsabilité du débiteur.

La clause de non responsabilité ne doit pas se confondre avec le contrat d’assurance

pour responsabilité car ce dernier n’a pas pour effet de supprimer la responsabilité. Il

a seulement pour effet d’indemniser la victime. La responsabilité du sinistre reste

mais c’est l’assureur qui paiera l’indemnisation.

Précisons en outre que la clause de non responsabilité n’est pas absolue il y a

exception notamment lorsque la responsabilité est due à une faute lourde ou à un dol

auquel cas l’exonération serait illicite.

La clause de non responsabilité est aussi sans effet dans la mesure où en raison de la

nature du contrat, l’application de la clause enlèverait toute portée sérieuse à

l’engagement. Par exemple : une entreprise de construction sera toujours responsable

des mal façons, des vices de construction pendant un délai de dix ans.

Une clause de non responsabilité à ce sujet est donc inadmissible et portant illicite.
142

C. L’évaluation des dommages et intérêts

En principe, c’est le juge qui fixe les dommages et intérêts et le juge doit accorder des

dommages et intérêts suivant certaines règles édictées par la loi en la matière. Mais il

arrive que la loi fixe elle-même le montant des dommages et intérêts. Les parties

peuvent également fixer les dommages et intérêts qui seront dus en cas

d’inexécution.

1° Fixation des dommages et intérêts par le juge

Le montant des dommages et intérêts doit comprendre l’intégralité du préjudice subi

par le créancier. Mais le montant des dommages et intérêts ne peut pas dépasser cette

intégralité. Autrement dit, il ne peut pas être excessif.

Les art.47 du ccL III détermine les éléments qui composent le montant des

dommages et intérêts. C’est la perte subie et le manque à gagner.

Si un A vend une voiture à B et qu’il ne la lui livre pas. B intente une action en justice

et le juge devra tenir compte du prix payé c’est-à-dire la perte subie et ce qu’il aurait

encaissé si la voiture lui avait été livrée à terme c’est le manque à gagner. Ces deux

éléments déterminent les dommages et intérêts mais les art.47 et 48 apportent des

limitations au pouvoir du juge.

D’après ces articles, le juge ne peut accorder des dommages et intérêts que pour des

dommages prévus ou prévisibles. Il ne peut en outre accorder des dommages et

intérêts pour un préjudice indirect.


143

Pour ce qui des dommages prévus et prévisibles, on remarque que d’après l’art.48,

cette limitation ne s’applique pas lorsque l’inexécution résulte du dol car celui-ci

ouvre toujours la responsabilité du débiteur à accorder des dommages et intérêts.

2° Fixation des dommages et intérêts par loi.

Le principe posé à l’art.51 est que dans les obligations de sommes d’argent, les

dommages et intérêts moratoires sont fixés par le juge. En droit belge & français par

contre, ces dommages et intérêts sont fixés par la loi.

En principe, le créancier doit prouver que le retard dans l’exécution lui a causé

préjudice mais lorsqu’il s’agit des obligations de sommes d’argent, il en est dispensé.

La loi présume que le simple fait du retard dans l’exécution cause nécessairement

préjudice dans le camp du créancier, et DI sont dus au jour de la demande en justice

sauf dans le cas où la loi les fait courir d’autorité et de plein droit. C’est notamment le

cas de l’art.329 où les intérêts sont payés à partir du jour où le prix est exigible

jusqu’au paiement du prix.

3° Fixation des dommages et intérêts par les parties

Il s’agit des clauses conventionnelles qui fixent à l’avance des dommages et intérêts

en cas d’inexécution ou en cas de retard dans l’exécution.

Et ce sont les parties elles-mêmes qui fixent le montant des dommages et intérêts par

des clauses qu’on appelle « Les clauses pénales ».

Pénales parce qu’elles constituent une peine pour la partie qui n’a pas exécuté ou qui

a exécuté avec retard. L’usage des clauses pénales est très fréquent dans les

conventions et on les rencontre souvent dans les contrats de transport, dans les

contrats publics (ex : marchés publics) et souvent dans les contrats de fourniture de

denrées.
144

Comme toujours, il faut que l’inexécution ou le retard dans l’exécution soit

imputable au débiteur et que celui-ci soit mis en demeure pour que les clauses

pénales produisent leurs effets. Aussi la clause pénale présente un caractère

forfaitaire et accessoire. Forfaitaire parce que l’on ne sait pas encore quel sera le

degré de l’inexécution ; accessoire parce qu’il a pour objet d’assurer l’exécution d’une

obligation. Si cette obligation n’existe plus, la clause pénale devient caduque.

Précisons que les clauses pénales doivent être distinguées d’une autre notion à savoir

« L’astreinte ».

En effet, parmi les obligations de faire et de ne pas faire dont il a été question

précédemment, il est des prestations dont le caractère personnel est si accentué que

l’exécution forcée paraît impossible.

Pour toutes ces hypothèses où l’exécution forcée est impossible, les tribunaux ont

conçu et mis sur pied dès le 19ème siècle un moyen de contrainte indirecte : c’est

l’astreinte dont le principe est le suivant : Le juge condamne le débiteur à exécuter la

prestation promise et l’assortit d’une astreinte c’est-à-dire d’une condamnation au

profit du créancier à tant par jour de retard dans l’exécution de la décision. C’est

ainsi que l’astreinte s’apparente à la clause pénale à la différence que pour cette

dernière les parties à un contrat déterminent à l’avance le montant de la réparation

en cas d’inexécution. Il est évident que comme pour la clause pénale, plus le montant

de l’astreinte sera élevé, plus l’incitation à exécuter ces obligations sera forte pour le

débiteur.
145

CHAPITRE II L’ACTE JURIDIQUE UNILATERAL

Section 1 Notion

Avec son sens habituel de la formule, Jean CARBONNIER observe « qu’il est plus

naturel à l’homme de vouloir tout seul que de vouloir à deux ». Et le droit ne pouvait

pas ne pas attacher de conséquence un acte aussi familier de la vie que celui qui

consiste à prendre une décision. On ne sera dès lors pas étonné de la multitude

d’actes juridiques unilatéraux qui se rencontrent en droit positif.

S’il est impossible d’en dresser un inventaire exhaustif, on peut néanmoins en donner

quelques exemples :

Le testament,

L’exercice de l’option successorale,

La mise en demeure,

L’aveu,

La révocation des testaments,

La confirmation d’un acte annulable ou rescindable,

La ratification de l’excès ou des dépassements des pouvoirs par le mandant,

Les offres réelles de paiement effectuées par le débiteur pour venir à bout des

réticences de son créancier,

La faculté de remplacement unilatéral,

La résiliation de certains contrats par acte de volonté unilatéral,

La révocation par le stipulant d’une stipulation pour autrui,

L’acceptation par le tiers bénéficiaire d’une stipulation pour autrui,

La remise de dette,

La reconnaissance d’un enfant et naturel.


146

Comme on le constate par ces exemples, l’effet juridique que poursuit l’auteur de

l’acte varie sensiblement d’un cas à l’autre. Tantôt l’auteur entend abdiquer d’un

droit, tantôt encore mettre fin à une relation contractuelle ou la modifier etc.…

Ce n’est là qu’une différence parmi tant d’autres ; on peut en relever bien d’autres.

Parfois l’acte unilatéral est simple (mise en demeure, l’aveu etc.…). Par ailleurs,

certains actes unilatéraux sont de type patrimonial tandis que d’autres ont une

nature extra patrimoniale (reconnaissance d’un enfant naturel).

Enfin, certains sont formels alors que d’autres exigent pour leur validité, le respect de

certaines formes.

Ainsi, on peut définir l’acte juridique unilatéral comme la manifestation de

volonté émanant d’une personne par laquelle celle-ci entend faire naître certains

effets de droit sans le concours d’autrui.

En cela, l’acte unilatéral se différencie du contrat mais aussi du fait juridique. Mais il

faut noter cependant que la distinction n’est pas facile à opérer car il existe certains

cas limites.

Par exemple ; dans certaines hypothèses, il se peut que l’acte soit l’œuvre de

plusieurs personnes sans pour autant perdre son caractère unilatéral. Tel est le cas de

la mise en demeure adressée par plusieurs créanciers. On parle alors d’acte unilatéral

collectif. L’acte émane de deux ou plusieurs personnes qui partagent le même intérêt.

Il n’y a pas pour autant contrat car par définition, la convention réalise la conciliation

d’intérêts divergents. Dans d’autres situations, la signature par le destinataire de

l’instrumentum constatant l’acte est exigée.


147

Il arrive en effet que l’auteur d’un acte unilatéral demande à son destinataire de

contresigner l’écrit qui le constate mais on admet que la signature apposée par cette

partie sur le double de cet écrit ne vaut que comme accusé de réception et non

volonté contractuelle. Aussi l’acte ne reste pas moins unilatéral.

Section 2 Distinction entre acte unilatéral et les autres sources des obligations.

1° L’acte unilatéral et le contrat

Dans les deux cas, les effets de droit sont voulus ; mais contrairement au contrat,

l’acte unilatéral n’exige pas pour sa création le concours de deux ou plusieurs

volontés. Il est l’œuvre d’une seule personne.

En cela, l’acte juridique unilatéral se distingue nettement du contrat unilatéral qui

n’est qualifié comme tel qu’à raison de ses effets. Par application de ce critère, il est

clair par exemple que la donation, le cautionnement ne sont pas des actes

unilatéraux. Ce sont des conventions qui requièrent dans le 1 er cas l’acceptation du

donataire et dans le 2ème cas, celle du créancier.

2° L’acte unilatéral et les faits juridiques

Le caractère intentionnel de l’acte unilatéral permet de le distinguer des faits

juridiques comme les délits et les quasi-délits.

Si de tels faits sont générateurs de conséquences juridiques, celles-ci ne sont pas

cependant voulues par leurs auteurs.

Nous savons déjà qu’il y a acte juridique, toutes les fois que l’intention de réaliser les

effets de droit est absolument indispensable à la production de ces effets.


148

Par contre, nous sommes en présence d’un fait juridique lorsque les résultats

produits interviennent sans qu’il soit nécessaire que le déclarant ait eu la volonté de

les voir se réaliser.

Ainsi donc, la distinction entre l’acte unilatéral et le fait juridique repose sur le fait

que pour l’acte unilatéral, la volonté même si elle est seule, elle a défini les effets qui

sont attachés à l’acte ; alors que par le fait juridique, les effets sont déterminés par la

loi.

DEUXIEME PARTIE : LES OBLIGATIONS EXTRA-CONTRACTUELLES

INTRODUCTION

En présentant les sources des obligations on a déjà vu qu’elles pourront être

ramenées à deux :

Une personne peut être obligée c’est-à-dire débitrice soit parce qu’elle l’a voulu soit

parce que la loi le lui impose.

Dans le 1er cas, l’obligation est voulue par les parties et sur le plan de la technique

juridique, elle résulte le plus souvent d’un contrat qui est la forme la plus répandue

des actes juridiques.

Dans le 2nd cas, l’obligation est imposée par la loi et elle est attachée d’office à certains

faits juridiques dont il importe peu qu’ils aient été voulus ou non par ceux qui les ont

accomplis.

Le point de vue est donc bien différent de celui qui anime la matière des contrats car

pour le fait juridique, peu importe la volonté des personnes, l’un devient créancier et
149

l’autre débiteur par la seule force de la loi. En pratique, les faits qui par application

de la loi donnent naissance à des obligations sont très nombreux et divers.

Ils touchent tous les domaines : patrimonial, extra patrimonial, et il n’est pas question

ici d’en dresser une liste exhaustive.

On retiendra seulement les faits juridiques qui revêtent une portée suffisamment

générale pour intéresser toutes les branches de l’activité juridique et économique. Il

s’agit essentiellement de l’obligation de réparer le dommage injustement causé à

autrui et à moindre titre de l’obligation de compenser l’avantage reçu d’autrui.

Dans la terminologie juridique, la 1ère est connue sous le titre de délit et quasi-délit et

la 2nde sous le titre de quasi-contrat.

CHAPITRE I. LES DELITS ET LES QUASI-DELITS

Section 1 Notions générales

§1. Terminologie

De prime abord, on doit faire remarquer que sur le plan de la terminologie,

l’obligation de réparer le dommage injustement causé à autrui est qualifiée de

plusieurs manières :

Tantôt c’est la responsabilité contractuelle

Tantôt la responsabilité extra contractuelle

Tantôt la responsabilité délictuelle

Tantôt la responsabilité civile

et parfois la responsabilité acquilienne


150

Concernant la dénomination « Acquilienne » il y a lieu d’interroger le droit romain.

En effet, les romains ne distinguaient pas au début, les délits pénaux et les délits

civils. Ce n’est que plus tard qu’on a senti la nécessité d’opérer la distinction. Une loi

qui les distingua fut promulguée, c’est la lex Acquilia d’où l’appellation loi

acquilienne.

La responsabilité est aussi appelée délictuelle parce qu’elle peut naître d’un délit

mais certains auteurs apportent des critiques à cette terminologie qui risque de

confondre les délits pénaux et les délits civils. En outre, selon ces mêmes auteurs, qui

dit délictuel ne dit pas nécessairement quasi -délictuel d’où alors la dénomination

semble limité et parfois susceptible de confusion.

On parle aussi de responsabilité quasi-contractuelle pour la démarquer de la

responsabilité contractuelle ; mais là aussi le risque est de confondre une

responsabilité née des quasi-contrats par rapport aux autres responsabilités

notamment délictuelles.

Tantôt, on parle de responsabilité quasi délictuelle mais là aussi il y a risque de

confusion pour les mêmes raisons qu’on vient d’évoquer.

Souvent c’est la dénomination de responsabilité civile pour mettre surtout en exergue

cette obligation de réparation que renferment les délits et les quasi-délits, mais là

aussi la dénomination n’échappe pas à la critique parce qu’au fond la responsabilité

contractuelle est aussi civile.

Une dénomination semble simple. C’est la responsabilité extra – contractuelle. Cette

dénomination a le mérite de désigner toutes les formes de responsabilité qui ne tirent

pas source dans un lien contractuel.


151

Malgré cette diversité d’appellation, les auteurs se rencontrent au moins sur un

dénominateur commun : c’est qu’ils veulent désigner un dommage causé en dehors

du contrat.

Ainsi on fera usage de la dénomination qui convient pour chaque type de

responsabilité tout en sachant que les diverses responsabilités visent ce

dénominateur commun.

Ce qui est important est d’éviter plutôt la confusion entre la responsabilité civile et la

responsabilité pénale.

§2. La responsabilité civile et la responsabilité pénale

A. La responsabilité pénale

Le droit pénal réprime un certain nombre de comportements anti-sociaux et édicte

des peines destinées châtier les coupables.

Ces comportements répréhensibles sont déterminés et définis de manière limitative

par la loi qui, en même temps précise la peine applicable à chaque infraction

considérée. Suivant la gravité de la peine retenue par l’infraction, on sera en présence

d’une contravention, d’un délit ou d’un crime.

Ces infractions, qu’elles soient contre les biens (vol, escroquerie, abus de confiance

etc.…) , les personnes (assassinat, coups et blessures, homicides, etc.…), les mœurs

(viol, attentat à la pudeur…), elles engagent la responsabilité pénale de leurs auteurs.


152

Cette responsabilité pénale a pour seul et unique but de punir un coupable d’une

peine (emprisonnement, amende) et non pas de réparer un préjudice causé à un

particulier.

Lorsque un individu est condamné seulement à une peine de servitude pénale, cela

donne peut-être une satisfaction morale à la victime ; sans faire entrer aucun sous

dans sa poche étant donné que même les amendes sont prononcées au profit de

l’Etat.

Ainsi, la responsabilité pénale ne répond pas du tout à l’idée d’une obligation de

réparer un dommage injustement causé à autrui. Elle n’est pas une source

d’obligation puisque une condamnation pénale n’établit pas un lien de créancier à un

débiteur entre la victime et le coupable.

B. La responsabilité civile

Parallèlement au droit pénal, le droit civil impose à celui qui cause un dommage à

autrui, l’obligation à le réparer.

De ce point de vue, il ne se préoccupe nullement de châtier le coupable mais

d’indemniser une victime en lui allouant par exemple : les dommages et intérêts qui

ne doivent pas être compris comme une sanction (à la différence de l’amende) mais

comme la justice et exacte réparation d’un préjudice.

Tel est l’objet de la responsabilité civile qui se propose l’indemnisation de tous les

dommages injustes qu’ils aient été causés par une infraction pénale ou comme c’est le

cas le plus souvent par un comportement non réprimé par la loi pénale. Par

exemple : en matière des contrats, celui qui n’exécute pas dans les délais ou qui
153

exécute mal ou pas du tout cause un préjudice à son co-contractant sans encourir

pour autant une condamnation pénale.

C. Le lien entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale

Maintenant que la responsabilité civile et la responsabilité pénale ont été dissociées, il

importe d’apporter quelque nuance : d’abord d’un point de vu historique, elles ont

été à l’origine confondue et toute l’évolution a consisté dans la conquête progressive

d’une indépendance réciproque. Mais on doit noter que la plus part des infractions

pénales entraînent un préjudice sur le plan civil si bien que les deux responsabilités

peuvent être encourues par une même personne.

Ainsi, compte tenu de la différence des règles des deux matières, cela entraîne

d’importantes interactions au niveau de l’action en réparation.

La juridiction pénale sera souvent saisie à la fois de l’action publique tendant au

prononcé d’une peine (responsabilité pénale) et de l’action civile en réparation des

dommages (responsabilité civile). Mais il faut préciser que toutes les infractions

n’entraînent pas un préjudice au point de vue civil. La tentative de suicide punie par

le code ne constitue pas un dommage puni par le code civil.

Le vagabondage, la mendicité sont des infractions commises par les individus mais

qui n’entraînent pas de dommage sur le plan civil. Inversement aussi, la

responsabilité civile peut exister sans qu’il y ait responsabilité pénale. C’est l’exemple

ci – haut cité (en cas d’inexécution d’un contrat).

Aussi, c’est le juge qui établit le fait fautif en se basant sur les articles 258 et suivant

alors que pour ce qui est de l’infraction, c’est la loi qui le définit et qui le sanctionne.
154

Dans certaines circonstances, le pénal exerce une influence sur le civil et parfois

l’action pénale prime sur l’action civile. Quelques applications le démontrent :

En matière d’instruction, le pénal tient le civil en état c’est-à-dire que lorsque l’action

pénale est portée devant le juge pénal et que l’action civile est portée devant le juge

civil, celui-ci sursoit à statuer jusqu’à ce que le juge pénal se prononce.

En matière de prescription, l’action en dommages et intérêts obéit aux délais de

prescription pénale même si les deux actions ont été introduites séparément. Les

délais de prescription pénale vont varier suivant la gravité de la peine de chaque

infraction. On remarque qu’on fait suivre la prescription de l’action civile à celle de

l’action pénale.

Dans le domaine de la chose jugée c’est-à-dire quand le jugement n’est susceptible

d’aucune autre voie de recours ordinaire, le jugement civil doit reconnaître ce qui a

été décidé par le juge pénal. En principe, le juge civil ne peut pas déclarer établi ce

que le juge pénal n’a pas établi.

§3. Le fondement de l’obligation de réparer : Faute et Risque.

Le texte le plus connu du code civil en matière des obligations extra – contractuelles

est sans doute l’art.258 du CCLII aux termes duquel : « Tout fait quelconque de

l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé

à le réparer ».

Bien que ce principe général de responsabilité civile soit complété par quelques

textes, relatifs les uns à la responsabilité contractuelle, les autres à la responsabilité en

dehors de tout contrat, des hésitations ont surgi quant aux conditions de l’obligation

de réparer.
155

Ces conditions dépendent pour une large part au fondement qu’on assigne à la

responsabilité civile. Une évolution s’est faite et se poursuit encore, qui tend à

substituer à une responsabilité subjective, fondée sur l’idée morale de la faute, une

responsabilité objective, reposant sur une notion assez imprécise de garantie de

risque. Pendant très longtemps, on a considéré qu’obliger les individus en dehors de

leur volonté devait être exceptionnel. Il fallait une justification impérieuse qu’on

s’accordait à trouver dans l’idée de faute et non ailleurs.

Ainsi la démarche consistait à se tourner vers l’auteur du dommage et à porter une

appréciation sur sa conduite. Tel était l’esprit du code civil et cette conception a

donné pleine satisfaction pendant plus d’un siècle.

Mains alors on remarque que l’insuffisance de ce fondement commence à apparaître,

sur le plan pratique avec la multiplication de dommages « Anonymes » pour lesquels

il est très difficile de décider une faute au sens fort de ce mot.

Tel était plus spécialement le cas des accidents dus au machinisme, à

l’industrialisation etc… Dans ces diverses hypothèses, en l’absence de faute

prouvable, la victime n’était pas indemnisée. Cela fut ressenti d’autant plus

durement que notre époque se caractérise par un souci toujours à plus de sécurité.

Ainsi, plutôt que de rechercher une faute en la personne de l’auteur du dommage,

comme c’est le cas aussi pour la responsabilité pénale, on se penche plus volontiers

vers la victime dans le souci de lui assurer une garantie d’indemnisation.

On peut schématiser cette opposition entre la théorie de la faute et celle du risque de

la manière suivante :
156

Dans la 1ère conception, seule la faute justifie que l’auteur d’un dommage soit rendu

débiteur. Dans la 2nde conception, le dommage à lui seul justifie que la victime soit

rendue créancière.

Dans le droit positif actuel, ces deux fondements coexistent. La faute expliquant

certaines solutions et l’idée de risque expliquant d’autres. Des textes de plus en plus

nombreux édictent une obligation de réparer en l’absence même de faute. La même

tendance guide la jurisprudence qui donne une interprétation souvent favorable à

une indemnisation systématique des victimes. D’autres textes présument de manière

souvent irréfragable l’existence de cette faute. Le code civil nous donne déjà quelques

illustrations : Ainsi, le gardien d’une chose, d’un bâtiment ou d’un animal c’est-à-dire

celui qui en a l’usage, la direction et le contrôle est responsable des dommages causés

par cette chose.

De même, les patrons sont civilement responsables des actes dommageables de leurs

salariés, dans le cadre de leur travail, les artisans de ceux de leurs apprentis, les

parents de ceux de leurs enfants.

En matière contractuelle, on a vu que l’inexécution d’une obligation de résultat est

présumée fautive.

Actuellement l’existence et la généralisation dans certains pays des assurances de

responsabilité ne fait qu’accentuer ce mouvement de reconnaissance de

responsabilité sans faute.

Ex : Accident de la circulation, accident de travail

En conclusion, il est quand même délicat d’établir une hiérarchie entre les deux

fondements car cela dépend du point de vue auquel on se place. Sur un point de vue

théorique, on peut encore dire qu’en droit commun, une faute est nécessaire pour
157

que soit engagée la responsabilité civile d’une personne. Mais il faut ajouter tout de

suite qu’il y a multiplication des exceptions fondées sur l’idée de risque.

Pour pouvoir analyser la responsabilité délictuelle, il importe de l’aborder sous deux

aspects à savoir : La responsabilité dite directe et la responsabilité indirecte.

Section 2 La responsabilité directe

§1. Notion

Le siège de la matière est à retrouver dans les art.258, 259 du ccL III. Ces articles nous

montrent que les dommages peuvent être causés soit par des fautes intentionnelles

soit par des fautes non intentionnelles.

Il y a faute intentionnelle lorsque l’auteur a accompli le fait dommageable avec

l’intention de nuire. Il a voulu non seulement l’acte mais aussi son résultat. D’où

alors la dénomination de délit. Dans le cas contraire, il sera question d’un quasi-délit.

Cependant qu’elle soit intentionnelle ou non intentionnelle, l’auteur du dommage

doit le réparer.

Ce qui nous intéresse dans cette section est plutôt le fait que cette faute intentionnelle

ou non intentionnelle émane de l’auteur véritable du dommage et non d’une autre

personne. D’où alors la responsabilité directe par opposition à la responsabilité

indirecte qui mettra la réparation à charge d’une personne qui n’a pas

personnellement causé un dommage.

§2. Eléments de la responsabilité directe


158

La responsabilité directe repose aussi sur trois éléments : la faute, le dommage, la

relation de cause à effet entre la faute et le dommage.

A. La faute

Dans notre droit positif, le fait personnel ne peut être que la faute mais la loi n’en

donne pas la définition. Il revient à l’interprète notamment le juge de déterminer s’il

y a faute ou pas.

En effet, suivant les auteurs, la faute est définie comme un fait illicite ou comme la

violation d’une obligation préexistante ou encore comme un écart de conduite. Et en

pratique ces définitions permettent dans la plupart des cas de décider s’il y a faute.

Le droit pose un grand nombre de règles de conduite et toute violation d’une règle

est susceptible d’engager la responsabilité de son auteur s’il en résulte un dommage.

Ainsi comme 1ère condition, il faut un élément objectif pour qu’il y ait faute : c’est le

fait socialement mauvais.

Aussi il faut au 2ème lieu un élément subjectif, c’est la volonté qui anime l’auteur.

Autrement dit ce dernier ne peut être responsable que si le fait socialement mauvais

lui est imputable. Il faut donc de sa part une volonté consciente : c’est ainsi qu’un

enfant qui n’a pas de raison suffisante, un fou, un idiot ne sont pas responsables

même s’ils ont causé un dommage à autrui mais cette question reste disputée.

La conscience de ces actes estiment certains n’est pas nécessaire pour engager sa

responsabilité. L’art.489 trait 2 du code civil français le proclame expressément pour

les déments quand il dispose que : « Celui qui a causé un dommage à autrui alors

qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à la

réparation ». Ce texte fait peser sur ces personnes ce qu’on appelle une responsabilité
159

objective dénuée de tout fondement moral et qui en pratique oblige l’entourage à

contracter au nom du dément une assurance de responsabilité.

C’est dire qu’il n’est ni besoin d’avoir sa conscience intacte pour engager sa

responsabilité. La faute devient alors une notion objective. La solution est la même

pour les jeunes en âge de comprendre la portée de leurs actes. Leur minorité ne les

empêche pas d’être responsables au même titre que les majeurs.

Pour les personnes morales qui n’ont pas à proprement parler de conscience des

actes accomplis par leurs organes, la jurisprudence admet que la faute des dirigeants

est celle de la société et que cette dernière peut en conséquence être poursuivie sur le

fondement de l’art.258 du code civil. Mais la responsabilité de la personne morale

sera aussi recherchée sur le fondement de l’art.260 alinéa 3.

Par contre, il n’y a pas de faute si l’auteur du dommage s’est retrouvé dans des

circonstances où il était dans l’impossibilité absolue de respecter les règles qui

s’imposaient à lui. Dans ce cas, on est en présence d’un cas fortuit ou d’un cas de

force majeure.

Précisons qu’on peut commettre une faute par omission ou par commission.

La faute par commission est une erreur de conduite telle qu’elle n’aurait pas été

commise par une personne avisée. La faute par commission est un fait positif et il ne

fait pas de doute qu’elle engage la responsabilité de son auteur, qu’elle contrevient à

une obligation de ne pas faire ou légale.

La faute par omission quant à elle consiste en une abstention de faire ce qui aurait dû

être fait. Cette obligation d’agir peut être soit légale soit morale voire même sociale.
160

Lorsqu’un malade s’est confié à un médecin, celui-ci doit suivre l’évolution de son

état de santé. S’il refuse à le faire, il manque à une obligation professionnelle.

Le code pénal oblige à porter secours à une personne en danger. Celui qui ne le fait

pas commet une faute par omission.

Ajoutons en définitive qu’il y a une catégorie spéciale de fautes qu’on appelle « abus

de droit ».

La théorie de l’abus de droit est jurisprudentielle. L’abus de droit est une faute

commise dans l’exercice de son droit en exerçant un droit légitime. En matière

commerciale par exemple : des commerçants se livrent souvent à une concurrence et

parfois le plus habile peut ravir la clientèle de son concurrent par des services

attrayants. S’il exerce son droit honnêtement il n’y a pas faute.

La faute serait constituée si le commerçant s’adonnait à des procédés déloyaux. Dans

ce cas, il aura exercé un droit légitime mais avec abus.

L’abus de droit est fautif parce qu’il méconnaît le droit de son prochain et suivant la

doctrine moderne, l’abus de droit peut résider de la manière d’exercer ce droit

contrairement à sa destination économique ou sociale ou alors dans un but sans

intérêt pour son auteur.

Ainsi, s’il existe plusieurs manières d’exercer ses droits pour aboutir à la même

utilité, il n’est pas permis de choisir la manière dommageable pour autrui, auquel cas

il y a abus de droit.

S’agissant de la preuve de la faute, il incombe en réalité au demandeur d’apporter la

preuve de ses prétentions.


161

La faute acquilienne doit être prouvé par la victime. Nous savons qu’en droit civil il y

a prééminence de la preuve littérale. Ce qui s’avère impossible lorsqu’il s’agit de

prouver la faute acquilienne. Il est en effet impossible de se prémunir d’une preuve

littérale constatant le délit ou le quasi-délit. C’est pour cette raison que la preuve de

la faute peut être rapportée par tous les moyens.

B. Le dommage

La faute n’engage la responsabilité délictuelle que si elle a causé un dommage à

autrui. Et il y a dommage lorsqu’il y a lésion d’un droit reconnu. Par exemple,

l’atteinte à un droit de propriété expose à des dommages et intérêts parce qu’il s’agit

d’un droit reconnu par la loi. Il y aurait aussi dommage lorsque la lésion affecte non

pas un droit mais un intérêt, un intérêt d’affection par exemple.

Précisons que tous les dommages ne donnent pas lieu à une réparation. Le dommage

réparable est celui qui est actuel et certain. Le dommage est certain lorsqu’il est réel,

lorsqu’il est incontestable, lorsqu’il est fondé sur des faits précis et non sur des

simples hypothèses. Ainsi la perte d’une chose sur laquelle on comptait ne donne pas

lieu à une réparation car le dommage n’est pas certain. Le dommage doit être aussi

actuel c’est-à-dire qu’il doit être réalisé et qu’il doit être acquis au moment où on

demande la réparation.

Un dommage futur n’est pas réparable sauf dans certaines circonstances où le

dommage futur peut paraître comme le prolongement d’un dommage actuel. Dans

ce cas, le dommage futur donne lieu à une réparation.

Par exemple : Deux individus se battent, l’un d’eux a l’œil blessé.


162

Le dommage actuel c’est la blessure de l’œil, l’individu blessé se fait soigner pendant

plusieurs mois. La blessure se cicatrise mais l’œil devient aveugle. Il y a lieu à

réparation parce ce dommage constitue un prolongement du dommage réalisé au

moment du combat. Le dommage éventuel ne donne lieu à réparation puisqu’il n’est

pas encore réalisé.

Ainsi donc, en matière délictuelle, le dommage est la lésion d’un droit ou d’intérêt.

Cela nous amène à distinguer le dommage matériel, le dommage moral et le

dommage corporel.

1° Le dommage matériel

C’est le dommage susceptible d’une évaluation en argent. Le préjudice matériel peut

être défini comme un dommage objectif portant atteinte au patrimoine et susceptible

d’être évalué en argent. D’où le qualificatif de dommage pécuniaire qui lui est

souvent donné.

En cas de destruction d’une machine par exemple : le préjudice, est à la fois la valeur

de la machine et du bénéfice que la machine aurait permis de réaliser. Le préjudice

matériel peut découler d’une atteinte à d’autres biens, dégâts matériels, vol,

escroquerie, incendie, etc.… ou alors à une atteinte à des droits d’une personne

notamment l’intégrité physique ; exemple ; frais médicaux, frais pharmaceutiques,

chirurgicaux, etc.…

Le préjudice matériel peut découler de la violation de certains droits notamment la

concurrence déloyale, l’interdiction de la publicité trompeuse, campagne de

dénigrement, etc.

Ainsi défini, le préjudice matériel peut être évalué sans trop de difficultés ; ce qui

n’est pas le cas pour le préjudice moral.


163

2° Le préjudice moral ou le pretium doloris

Celui-ci n’est pas une atteinte aux biens du patrimoine il ne touche pas aux intérêts

matériels. C’est un dommage qui atteint les intérêts moraux de la victime dans sa

dignité, dans son honneur, dans ses sentiments, dans sa sensibilité etc.…

L’individu est victime par exemple des imputations dommageables des injures

graves, etc.…

Certains auteurs sont allés jusqu’à nier l’existence de l’idée d’un dommage moral

parce que selon eux, ce dommage est normalement irréparable. Une personne a été

grièvement blessée et doit garder le lit pendant 6 ans pour pouvoir se rétablir. Cette

personne endure des souffrances, elle est privée de ses loisirs ; elle ne peut pas se

déplacer et tous ces éléments constituent un dommage moral. Les auteurs qui nient

ce dommage avancent qu’il est difficile de le réparer étant donné qu’il est difficile de

remettre cette personne dans l’état où elle était. On pourrait essayer une somme

d’argent pour ce dommage mais ces dommages et intérêts ne suppriment pas la

souffrance endurée.

C’est ainsi que certaines théories ont conclu que le dommage moral est irréparable

car il est même difficile d’établir la certitude des dommages moraux surtout quand il

s’agit des dommages d’affection et de sentiments. Mais du fait de vouloir en abuser,

ces théories n’ont pas fait long feu.

On admet qu’il y a dommage moral auquel on apporte des dommages et intérêts non

pas pour réparer totalement mais pour atténuer les souffrances endurées. On

considère que si l’argent n’efface pas le dommage, il constitue tout de même une

satisfaction de remplacement pour la victime et une sorte d’amende de « peine

privée » pour l’auteur. Le problème qui se pose surtout est de savoir le montant à

apporter pour réparer ce dommage moral. L’évaluation de cette somme reste


164

forfaitaire et en pratique, parce qu’une évaluation objective est impossible, le juge

dose souvent les dommages et intérêts en fonction de la gravité de la faute commise

et la fixation du montant suivra le principe « du juste et du bon ».

3° Le dommage corporel

Le préjudice corporel ne s’oppose ni au préjudice matériel ni au préjudice moral. Il

empreinte aux deux puisque tout dommage corporel porte atteinte à la fois au

patrimoine (frais médicaux, perte de gains ou de salaire correspondant à l’incapacité

de travail, etc.…) et aux sentiments (souffrances physiques, esthétiques, morales, etc.

…).

On remarque que la tendance actuelle est de ranger le préjudice corporel dans une

catégorie à part pour mettre en valeur sa présence et ses particularités notamment du

point de vue de l’évaluation.

En effet, l’aspect d’évaluation pose problème. En effet, le principe général en

matière de réparation du dommage est qu’on doit réparer intégralement le dommage

causé.

Ce qui peut être difficile compte tenu de l’imprécision de certains préjudices. Certes,

les frais médicaux, chirurgicaux ou pharmaceutiques peuvent être aisément chiffrés

mais il n’en va pas de même par exemple de l’incapacité permanente de travail,

partielle ou totale.

C’est pourquoi la solution d’un litige de ce genre nécessite une expertise médicale

visant à déterminer le taux d’incapacité permanente. On remarque que dans la

pratique, il n’y a pas de critères objectifs pour déterminer les dommages et intérêts à

allouer à la victime.
165

L’évaluation est laissée à l’appréciation du juge. Mais nous pensons que pour plus de

cohérence dans la jurisprudence certains barèmes devraient être officiellement

arrêtés ; ce qui guiderait les juges dans leur appréciation.

C. Le lien causal entre la faute et le dommage

Sans lien causal entre le dommage et la faute, il n’y a pas de responsabilité. Et comme

on l’a déjà vu il n’y a pas faute si une personne a causé un dommage parce qu’il était

dans l’impossibilité absolue de pouvoir l’éviter.

En pareille hypothèse, l’auteur matériel du dommage n’en a été que l’instrument

mais non la cause qui lui est étrangère, il s’ensuit que toute personne convaincue

d’avoir accompli un fait objectivement illicite peut s’exonérer de sa responsabilité en

démontrant qu’elle a agi sous la contrainte de cas fortuit ou de force majeure.

D’autres événements peuvent aussi l’exonérer c’est le fait d’un tiers ou la faute de la

victime.

Si le fait d’un tiers a été imprévisible et inestimable, il constitue une variété de force

majeure qui exonère celui qui était poursuivi comme responsable. Il en est de même

pour la faute de la victime.

Notons que parfois le dommage peut résulter d’événements multiples ce qui peut

compliquer la détermination de lien causal.

Ex : Un cultivateur était entrain de labourer ses champs qui étaient traversés par une

route. En brûlant les mauvaises herbes, une fumée noire s’est dégagée aux alentours

bouchant la vision et un conducteur se voyant coupé la vue par cette fumée cause

l’accident. Dans ce cas d’espèce, le dommage est relatif à quelle faute ? du cultivateur

ou du conducteur ? Bref lequel des deux est responsable ?


166

Le conducteur encourt une certaine responsabilité parce que selon le code de la

route, le conducteur doit s’arrêter devant un obstacle prévisible. De ce fait, il est

responsable parce qu’il fallait s’arrêter.

Par ailleurs, l’art.259 du code civil sanctionne la négligence et l’imprudence. A ce

titre, le cultivateur est aussi responsable pour avoir été imprudent. Dans de tels cas

où le dommage résulte de plusieurs événements, il est difficile de déterminer le lien

causal et cette fois deux solutions ont été proposées :

Pour certains, lorsque plusieurs événements concourent à la réalisation d’un

dommage, tous les auteurs de cette faute sont tenus solidairement à payer la

réparation du dommage.

C’est la théorie de l’équivalence des causes dominée par la responsabilité dite in

solidum c’est-à-dire que tout élément ayant concouru à la production du dommage

serait équivalent au regard de la responsabilité.

Cette solution n’est pas tout de même satisfaisante parce que même si un dommage a

été causé par plusieurs fautes, celles-ci n’ont pas toujours la même gravité. Et d’après

une certaine opinion, condamner tout le monde serait injuste.

Une autre solution a été avancée et elle consiste à rechercher et à déterminer si parmi

tous ces événements, il existe un acte effectif en relation avec le dommage c’est-à-dire

rechercher le fait qui sans lequel le dommage ne sera pas réalisé. En d’autres termes

parmi la chaîne des événements, il faut rechercher l’événement déterminant du

dommage. C’est la théorie de la causalité adéquate


167

Selon cette théorie, si la causalité est établie à l’égard d’un seul c’est celui-là qui sera

tenu comme responsable. Cette théorie ne manque pas aussi de reproches puisque

l’événement déterminant par exemple, qui a abouti à la mort de la victime peut avoir

été précédé par d’autres événements qui, sans causer en définitive la mort, auraient

tout de même provoqué un certain degré de dommage.

Ainsi ces différentes théories ne proposent pas de solution tranchée ; il appartiendra

au juge de trouver la solution la plus équitable pour la victime.

Il y a encore des situations qui peuvent s’avérer problématiques. C’est le cas des

prédispositions pathologiques de la victime : Deux personnes se livrent par exemple

une bataille. L’une d’elles est en crise épileptique ; son adversaire lui administre des

coups et blessure et la personne tombent raide morte. Cette personne est-elle morte

des coups et blessures ou de l’épilepsie ? Cette personne avait des prédispositions

pathologiques peut-on alors exclure la responsabilité des coups et blessures ? Autant

de questions qui peuvent se poser. Notons que la pratique admet que les

prédispositions pathologiques ne suppriment pas la responsabilité et le fait que ces

prédispositions peuvent contribuer à causer un dommage n’exclut pas pour l’auteur

de la faute l’obligation de réparer.

Section III La responsabilité indirecte

Introduction

Jusqu’ici nous n’avons vu que le cas d’un individu qui a causé personnellement un

dommage mais il arrive qu’une personne soit tenue de réparer un dommage qu’elle

n’a pas personnellement causé.


168

Ainsi la responsabilité indirecte sous examen est une responsabilité inhabituelle

puisqu’elle rend quelqu’un responsable des fautes qu’elle n’a pas commises. C’est

une exception qui doit être analysée de manière restrictive. Ainsi les personnes

responsables indirectes sont uniquement celles qui sont visées par la loi et ces

personnes sont énumérées à partir de l’art.260 ccL III.

La responsabilité indirecte peut être analysée sous deux angles : d’abord la

responsabilité du fait d’autrui c’est-à-dire du fait d’une autre personne et en

deuxième lieu, la responsabilité du fait des choses.

Dans la 1ère catégorie des responsabilités, nous y trouvons la responsabilité des pères

et mères, la responsabilité des maîtres et commettants, la responsabilité des

instituteurs et des artisans.

Et dans la 2ème catégorie nous y trouvons la responsabilité pour dommage causé par

des animaux, la responsabilité causée par la ruine d’un bâtiment et la responsabilité

causée par des choses inanimées.

§1. La responsabilité du fait d’autrui

Elle est posée à l’art.260 et la responsabilité du fait d’autrui est une responsabilité

purement civile. Elle ne vise que la réparation du dommage causé au tiers.

Un enfant se rend coupable d’assassinat. Le père ou la mère de l’assassin n’est que

civilement coupable. Elle ne sera condamnée qu’à la réparation du dommage. Si

l’assassin doit être condamné à mort, c’est lui qui va mourir et non le père ou la mère.

Et comme on le constate dans cet exemple, le père de l’enfant n’est pas réellement

responsable mais il est présumé responsable. On présume qu’il a mal éduqué par

exemple. C’est une responsabilité présumée et non prouvée.


169

Et cette présomption légale n’a pas la même force.

Parmi ces personnes présumées fautives, il y en a qui sont présumées en faute et qui

ne peuvent pas prouver qu’il n’y a pas eu faute à leur charge mais il y en a d’autres

qui sont simplement présumées en faute et qui peuvent donc prouver qu’il n’y a

aucune faute à leur charge.

Ainsi distingue-t-on la responsabilité simple ou la responsabilité juris tantum

(responsabilité réfragable) par opposition à la responsabilité absolue ou juris et de

jure (irréfragable).

A Le groupe de personnes soumises à la présomption de la responsabilité simple

1° La responsabilité des père et mère

Elle est fondée sur le double devoir de l’éducation et de surveillance. Selon le code,

c’est le père en 1er lieu qui est responsable et la responsabilité passe alors à la mère

quand le père n’exerce plus l’autorité parentale. Le père n’exerce plus l’autorité

parentale lorsqu’il est décédé, lorsqu’il est déchu ou lorsqu’il est divorcé et que la

garde de l’enfant est confiée à la mère. L’art.260 du code semble dire donc que la

responsabilité est alternative puisqu’elle ne pèse sur la mère qu’à défaut du père.

Mais on doit l’interpréter dans le sens où l’autorité parentale incombe conjointement

au père et à la mère. S’il y a dommage causé par leurs enfants, ils sont tenus

solidairement responsables.

On admet aussi que cette responsabilité des père et mère pèse sur les parents naturels

et sur les parents adoptifs mais cette présomption ne peut pas être invoquée contre
170

les autres membres de la famille c’est-à-dire les grands parents, les oncles, les tantes,

etc.…

Deux conditions doivent principalement être réunies pour que la responsabilité des

père et mère soit établie :

Il faut que l’enfant soit mineur car la présomption ne joue que quand les enfants sont

encore mineurs. Pourtant l’art.260 n’en fait pas mention ; ce qui peut causer une

confusion et un problème d’interprétation.

En consultant le code civil français et le code civil belge, on remarque que ces codes

ont précisé cette condition de minorité. Peut-être qu’il y a eu oubli de la part du

législateur burundais en ne mentionnant pas que l’enfant doit être mineur.

Il faut que l’enfant cohabite avec son père et sa mère.

Le terme cohabiter doit s’interpréter dans le sens de résider avec les parents ce qui

implique que même si l’enfant séjourne momentanément chez des amis ou chez des

autres personnes, la responsabilité pèse sur les père et mère.

L’art.260 ne s’applique plus lorsque l’enfant n’habite plus habituellement avec les

père et mère. C’est le cas des enfants mineurs qui séjournent par exemple dans un

internat. En plus de ces deux conditions, on doit ajouter que la présomption de

responsabilité ne s’applique que lorsque le dommage a été causé par le fait personnel

de l’enfant. Ainsi donc les père et mère peuvent prouver que le dommage n’a pas été

causé par le fait de l’enfant.


171

Et comme leur responsabilité se fonde sur le devoir d’éducation et de surveillance,

les père et mère peuvent prouver qu’ils ne sont pas responsables en démontrant

qu’ils ont bien assuré l’éducation et la surveillance de leurs enfants.

2° La responsabilité des artisans

Les artisans sont présumés responsables des dommages causés par leurs apprentis

pendant qu’ils sont sous leur surveillance. Cette responsabilité suppose deux

conditions :

Il faut d’abord qu’il y ait un contrat d’apprentissage entre l’apprenti et l’artisan.

Il faut que le dommage soit accompli pendant le moment de surveillance et de

l’apprentissage.

Si les deux conditions ne sont pas réunies, l’artisan peut invoquer des raisons

libératoires de responsabilité.

3° La responsabilité des instituteurs

Cette responsabilité est également fondée sur le devoir de surveillance que les

instituteurs ont envers leurs élèves. Ces derniers sont sous leur autorité. Et pour que

cette présomption puisse jouer à charge de leur instituteur plusieurs conditions

doivent être réunies :

Il faut que l’élève cause un dommage à un tiers ; ceci signifie que si l’élève cause un

dommage à lui-même, la responsabilité de l’instituteur n’est engagée. Plus est, il est

logique que la présomption de responsabilité de l’instituteur ne joue pas lorsque le

dommage a été causé à lui-même par l’élève. Dans ce cas, ce sera le cas échéant, une

responsabilité qui va peser sur les père et mère.


172

De même la responsabilité ne joue pas lorsque l’élève est victime d’un dommage

causé par un tiers parce que ce tiers devient responsable lui-même.

La présomption de responsabilité de l’instituteur n’est pas établie non plus lorsque le

dommage a été causé par l’instituteur à l’élève. On évoquera dans ce cas non pas la

responsabilité présumée de l’instituteur mais la responsabilité directe de l’instituteur

suivant l’art.258 de ccL III.

Il faut que le dommage survienne pendant que l’élève est sous la supervision de

l’instituteur. Si tel n’est pas le cas, ce sont les père et mères qui seront présumés

responsables. Ceci exclut la possibilité de cumul de responsabilité des père et mère et

de l’instituteur.

Mais alors que faut-il entendre par le terme instituteur contenu dans l’art.260 ?

D’après les commentaires du code civil l’instituteur est celui qui dispense un

enseignement ou une science quelconque.

Le directeur d’un centre d’enseignement, le moniteur qui apprend à conduire une

voiture, celui qui dispense un enseignement technique et professionnel, un

professeur de sport, etc.…

Qu’en est-il des enseignants des instituteurs supérieurs ?

On admet d’une manière générale qu’ils ne sont pas visés par les dispositions des

art.260 parce qu’ils ne sont pas tenus d’aucune surveillance de tant plus que les

étudiants sont libres.

B. Le groupe des personnes soumises à la présomption de la responsabilité

absolue
173

Les personnes soumises à cette présomption de responsabilité irréfragable sont les

maîtres et commettants. Ces derniers sont responsables par les dommages causés par

leurs domestiques et leurs préposés.

1° Le fondement de la présomption de la responsabilité absolue

Le fondement de cette présomption a été très discuté. On a d’abord prétendu que le

fondement de cette responsabilité réside dans le mauvais choix qu’on fait des

domestiques et des préposés.

Celui qui engage un domestique doit faire un choix judicieux. On déduit que si ce

domestique ou ce préposé commet une faute, on a fait un mauvais choix et on doit

répondre de ce mauvais choix.

Cette considération risque de pousser loin puisque on peut faire un bon choix sans

toutefois prévoir ni prévenir les réactions individuelles des gens.

L’exemple est qu’on peut faire un bon choix d’un domestique mais que livré à un

moment à une ivresse cause un dommage ce qui n’était par prévisible. C’est

pourquoi cette opinion a été nuancée.

Une autre opinion qui a été longuement soutenue est celle de la représentation. Selon

cette opinion, le domestique ou le préposé serait un représentant du commettant

pour l’exercice des fonctions qui lui est confiée. Les fautes commises par le préposé

considéré comme le co-contractant seraient dès lors subies et commises par la

personne représentée.

Cette opinion n’est pas non plus satisfaisante car la représentation suppose un

pouvoir de représentation ce qui n’est pas le cas pour le domestique et le préposé.

Une autre opinion se base sur une autre considération.


174

En effet, le caractère irréfragable de la responsabilité des maîtres et commettants,

conduit à affirmer que cette responsabilité n’est pas fondée sur une idée de faute

(faute de surveillance ou faute dans le choix du préposé).

Elle repose plutôt sur l’idée que les commettants profitant de l’activité de leurs

préposés doivent garantir les conséquences de leurs actes dommageables.

Ce fondement rejoint le souci permanent d’assurer la réparation du dommage causé

à autrui.

Par ailleurs, la plupart des domestiques et préposés ne sont pas à mesure de réparer

les dommages qu’ils ont causé. Ainsi celui qui est plus solvable, paie les dégâts.

On se base ici sur des considérations beaucoup plus sociales que juridiques.

2° Conditions de responsabilité des maîtres et commettants

Plusieurs conditions, doivent être réunies pour que la responsabilité des maîtres et

commettants soit engagée :

- Il faut que le domestique ou le préposé ait commis une faute intentionnelle ou non

intentionnelle

La présomption de responsabilité du commettant suppose que le dommage soit dû à

une faute intentionnelle ou non commise par le préposé et prouvé conformément aux

règles de la responsabilité du fait personnel.

Il doit donc également y avoir un lien de causalité entre la faute et le dommage.


175

- Il faut que le dommage ait été causé dans l’exercice des fonctions desquelles le

domestique ou le préposé est engagé. Le problème ici qui se pose est de savoir quand

le préposé ou le domestique est en exercice ou alors en dehors de ses fonctions ?

Le principe est que chaque fois que le préposé commet une faute qui est en relation

avec ses fonctions, le commettant en devient civilement responsable. C’est ainsi que

la jurisprudence a décidé à un certain moment que le préposé qui commet une faute

en abusant de ses fonctions engage la responsabilité du commettant.

Mais un certain tempérament a été apporté à cette conclusion.

En effet une autre jurisprudence décide dans ce sens que si la victime savait ou

devait savoir que le préposé commettait un abus de fonction alors la responsabilité

du commettant est exclue.

La jurisprudence française a pris une position sur la notion d’abus de fonction. Elle a

décidé que le commettant n’est pas responsable dans l’accident causé par le préposé

qui utilise sans autorisation à des fins personnelles le véhicule lui confié pour

l’exercice de ses fonctions.

Cet arrêt a été rendu par la chambre criminelle de la cour de cassation et confirmé

par l’assemblée plénière de la cour de cassation du 17/6/1983 qui a décidé qu’il n’y a

pas lieu à responsabilité du commettant en cas de dommage causé par le préposé qui

agissant sans autorisation à des fins étrangères à ses attributions s’est placé hors des

fonctions auxquelles il était employé.

Il y a lieu de noter à toutes fins utiles que la législation française prévoit pour ce qui

est des accidents de la route, un fonds national de garanti chargé d’indemniser les

victimes de tels accidents. Il existe également des caisses de solidarité pour des cas

d’invalidité. Dans de telles circonstances, il serait facile de dégager le commettant ; ce


176

qui serait périlleux ici chez nous où très peu de personnes sont affiliées à l’INSS.

C’est pourquoi pour rassurer la victime, on doit retenir toujours la responsabilité des

maîtres et commettants. Néanmoins, compte tenu du nombre élevé des accidents de

la route, la question d’indemnisation mérite une réflexion au Burundi.

- Pour qu’il y ait responsabilité, il faut un lien de subordination entre le préposé et le

commettant. Sans ce lien, le rapport de préposé et commettant n’existe pas.

Généralement on admet que lorsque le commettant n’exerce plus de contrôle effectif

sur le préposé, le lien cesse d’exister mais il fait se remettre surtout à l’interprétation

du contrat fait entre le commettant et le préposé. Ainsi on peut dire que toutes les

personnes liées par un contrat de travail sont toujours dans un rapport de

commettant à préposé.

Mais par contre, l’entrepreneur, médecin, le comptable, le notaire ne sont jamais des

préposés de leurs clients. Ils demeurent libres des moyens à employer pour arriver

au but convenu.

Entre ces deux extrêmes, se situent les mandataires et les représentants de

l’Entreprise à propos desquels il peut y avoir incertitude.

Mais s’agissant des mandataires et des organes de société, il est admis qu’ils

représentent la personne morale et qu’à ce titre, leur faute est celle de la société elle-

même.

Dans la pratique, on pourra ainsi poursuivre la société soit pour son fait personnel

(auquel cas elle s’identifie à ses organes) soit pour le fait de ses organes (considérés

comme des préposés extérieurs à elle).

Outre le cas de ces préposés liés au commettant par un contrat, la jurisprudence

retient aussi la responsabilité des commettants du fait d’un préposé « occasionnel »

c’est-à-dire d’une personne qui en dehors de tout contrat va se trouver


177

momentanément placé sous l’autorité d’un autre. Par exemple celui qui confie le

volant à l’un de ses passagers ou celui à qui son voisin rend un service d’ami etc.…

3° La force de la présomption de cette responsabilité absolue

Cette responsabilité absolue veut dire que pour se dégager de leur responsabilité les

maîtres et commettants ne sont pas admis à prouver qu’il n’y a pas faute dans leur

chef. Il s’agit d’une présomption irréfragable qui ne peut être renversée par une

preuve contraire. Leur responsabilité est entièrement engagée.

A la limite, après avoir payé des dommages et intérêts à la victime, les maîtres et les

commettants disposent d’une action récursoire contre leurs préposés.

En d’autres termes, ils peuvent se retourner contre leurs préposés afin de récupérer

les dommages et intérêts qu’ils ont débloqués. Ceci prouve donc que les préposés et

les domestiques ne sont pas à l’abri de toute poursuite et restent donc responsable

des dommages causés. C’est pour cette raison donc que les maîtres et les

commettants sont fondés à intenter une action récursoire.

§2. La responsabilité du fait des choses

Il s’agit plus précisément de la responsabilité du dommage causé par les animaux, la

ruine d’un bâtiment ou la responsabilité causée par les choses inanimées.


178

A. La responsabilité du dommage causé par les animaux

1°Fondement

D’après l’art.261, le propriétaire d’un animal ou celui qui s’en sert est responsable

d’un dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fut sous sa garde, soit qu’il fut

égaré ou échappé.

Il s’agit donc encore une fois d’une présomption de responsabilité en ce sens que

même lorsque l’animal est égaré ou échappé, le propriétaire ou le détenteur de cet

animal reste responsable du dommage qu’il a causé.

Le fondement contenu dans l’art.211 vise donc le souci de vigilance et de garde de

tout propriétaire ou détenteur d’un animal.

2° Les personnes sur lesquelles pèse la présomption

Le code est clair. C’est soit le propriétaire de l’animal soit celui qui s’en sert. La

responsabilité pèse sur celui qui exerce un pouvoir de direction et de surveillance de

l’animal.

Si l’animal cause un dommage, on présume que le gardien a commis une faute dans

la garde de l’animal. Et le gardien n’échappe pas à la responsabilité aussi longtemps

qu’il n’a pas transféré cette garde à une autre personne.

Sont aussi gardiens de l’animal, le locataire de l’animal, l’usufruitier, le professionnel

qui reçoit les animaux en garde. Il se peut que la garde d’un animal soit aussi confiée

à un préposé. C’est le cas de gardien de vaches qui les garde pour le compte d’un

propriétaire.
179

Lorsque l’animal cause un dommage alors qu’il est sous la garde d’un préposé, la

responsabilité incombe au propriétaire. Mais parfois, il est difficile de déterminer qui

est gardien, qui est propriétaire.

Dans ce cas, on admet en pratique que la victime peut poursuivre solidairement, le

propriétaire et le détenteur apparent.

Le texte du code précise que la présomption de responsabilité subsiste lorsque

l’animal s’est égaré ou a pu s’échapper. On comprend donc que dans ce cas, il y a une

faute dans la garde.

Cette présomption de responsabilité s’applique pour les dommages causés d’abord

par les animaux domestiques et ensuite par tous ces animaux susceptibles d’être

l’objet d’appropriation. Par exemple les abeilles. Les animaux entièrement sauvages

ne sont pas concernés.

S’agissant de la nature de cette présomption de responsabilité retenue à l’art.261, on

enseigne souvent qu’il s’agit d’une responsabilité simple. On le dit parce que le code

n’est pas clair là-dessus. Mais en réalité dès que la victime a prouvé l’existence d’un

dommage, une présomption de faute pèse sur le gardien et celui-ci ne pourra

s’exonérer qu’en prouvant que le dommage n’est survenue que suite à une cause

étrangère.

C’est pourquoi d’autres auteurs soutiennent que la présomption de responsabilité de

l’art.261 est irréfragable.

Et parmi les faits constitutifs de la cause étrangère en matière de responsabilité des

animaux, on trouve notamment le fait de la victime. Ainsi par exemple le fait de


180

jouer avec un chien inconnu peut être considéré comme la faute de la victime si elle

est mordue.

Il arrive souvent que des accidents se produisent sur la route suite à des vaches qui la

traversent. Selon l’art.261, le propriétaire de ces vaches est responsable. Mais il

prouverait par exemple la faute de la victime en démontrant par exemple que la

victime devrait s’arrêter devant un obstacle en vertu du code de la route.

Il a été jugé cependant que ne constitue pas la faute de la victime, le fait de pénétrer

dans un enclos où se trouve le chien méchant mais attaché. Qu’advient-il du

dommage subi par le gardien lui-même ?

En principe, il ne peut exercer aucun recours contre le propriétaire. On suppose qu’il

n’a pas bien exercé son devoir de garde. Mais le gardien conserve un recours

lorsqu’il y a faute du propriétaire notamment lorsqu’il n’a pas été prévenu à temps

des vices de l’animal.

B. La responsabilité du fait des bâtiments

1° Fondement

La loi considère qu’on est responsable du dommage causé par une maison non

entretenue. Il suffit donc d’être propriétaire de cette maison pour être responsable du

dommage causé par sa ruine. Cette responsabilité est absolue et le propriétaire ne

peut pas s’en dégager qu’en prouvant que le dommage est dû à une cause étrangère

qui ne lui est pas imputable.

La responsabilité du fait des bâtiments se fonde sur un devoir d’entretien qui

incombe à tout propriétaire de bâtiment.


181

2° Conditions

Cette présomption de responsabilité exige principalement deux conditions :

Qu’il y ait ruine d’un bâtiment par mauvais entretien

Qu’il y ait ruine d’un bâtiment par suite de défaut de construction et l’une de ces

conditions suffit pour rendre le propriétaire responsable.

Par bâtiment, il faut entendre non seulement les édifices proprement dits mais toutes

les constructions ayant un caractère immobilier notamment les murs, les ascenseurs,

etc.…

La responsabilité qui pèse sur le propriétaire ne l’empêche pas d’exercer un recours

contre le vendeur. C’est ce que nous dit l’art.318 quand il dispose que le vendeur est

responsable des vices cachés du bien vendu.

Le propriétaire peut également se retourner contre le locataire de l’immeuble sur

base de l’art.385.

Le propriétaire peut également se retourner contre l’architecte et l’entrepreneur

puisque ceux-ci restent responsables pendant dix ans des vices de construction mais

dans tous les cas, il s’agira d’une action récursoire.

C. La responsabilité du fait des choses inanimées

On est responsable des choses que l’on a sous sa garde.


182

1° Fondement

On est responsable des choses qu’on a sous sa garde tel que le prévoit l’art.260 du ccL

III. Cet article a une portée générale qu’il s’agisse des choses mobilières ou

immobilières, inertes ou non inertes, dangereuses ou non dangereuses ; La loi

présume que l’on est responsable du fait que l’on a une chose sous sa garde. La

présomption de la faute du gardien est irréfragable, cela veut dire que le gardien

n’est pas reçu quand il avance que le dommage a été causé en l’absence de sa faute.

Seul le cas de force majeure peut le libérer.

2° Conditions

Trois éléments aident à la détermination de la responsabilité :

Il faut qu’il y ait dommage (condition commune à tous les cas de responsabilité

civile)

Il faut que ce dommage soit causé par une chose. Et il faut que cette chose soit

entachée d’un vice.

Le problème qui peut se poser à ce niveau est la preuve du vice de la chose. En effet,

il est difficile pour la victime de prouver l’existence de ce vice et c’est pour cette

raison qu’il est admis que la victime prouve par tous les moyens.

La victime va établir qu’il était impossible qu’il y ait dommage si la chose n’était pas

entachée d’un vice. Et une chose est atteinte d’un vice toutes les fois qu’elle présente

des caractéristiques susceptibles de produire un dommage.

Cette caractéristique anormale est celle qui fait que la chose ne présente pas les

qualités de sa nature. Elle présente donc une caractéristique qui est impropre à son

usage. Exemple : pourriture d’un arbre, usure d’un pneu etc.…


183

Ici il est important de distinguer l’emploi défectueux de la chose et l’emploi de la

chose défectueuse. Si le dommage résulte d’un emploi défectueux de la chose, il y a

responsabilité directe du fait de l’art.258 et 259.

Si le dommage résulte d’un emploi d’une chose défectueuse, c’est la responsabilité de

l’art.260 qui va jouer.

S’il y a les deux, la victime pourra intenter une action sur base de ces deux

dispositions.

Chap. III Les quasi- contrats

La catégorie des quasis contrats regroupe un ensemble de situation où une personne

a reçu un avantage de quelqu’un qui n’avait aucune obligation à son égard. Cette

catégorie comprend deux situations déjà très anciennes et réglementées par le code

civil :

La gestion d’affaire et le paiement de l’indu.

Elle s’est plus récemment enrichie d’un élargissement doctrinal et jurisprudentiel à

savoir « l’enrichissement sans cause »

Les obligations qui naissent des quasi-contrats se distinguent de celles des

obligations contractuelles par leur origine.

Les obligations quasi-contractuelles ont pour source un fait volontaire ou

involontaire d’une personne.

En outre, elles ont le plus souvent pour objet d’indemniser, de compenser ou de

restituer un avantage reçu.


184

§1. La Gestion d’affaire

A. Introduction

On parle souvent de gérer les affaires d’autrui ou de faire gérer ses affaires. Ce sens

courant ne correspond pas au sens sous examen.

La gestion d’affaire consiste dans le fait qu’une personne « le Gérant » s’occupe des

affaires d’une autre personne « Le géré » ou « le maître de l’affaire » sans en avoir été

chargé.

Il s’agit donc d’une opération altruiste mais non gratuit car le gérant improvisé tient

à être remboursé des dépenses exposées.

Exemple : Mon voisin répare mon toit détruit par une tempête en mon absence. Il en

découle des obligations pour les deux parties qui sont précisées par la loi et non par

leur volonté.

B. Distinction avec le mandat

Dès son origine, on a rapproché la gestion d’affaire du mandat auquel l’art.248 fait

allusion mais il existe d’importantes différences.

Le mandat est un contrat alors que la gestion d’affaire naît du fait unilatéral du

gérant. Le gérant d’affaire agit sans en avoir été chargé contrairement au mandataire.

Alors que le mandat implique nécessairement l’accomplissement d’actes juridiques,

la gestion d’affaire peut consister exclusivement en des actes matériels.


185

Ex : mon voisin peut contracter avec un charpentier pour réparer mon toit (acte

Juridique) mais il peut aussi le réparer lui-même (acte matériel).

Si le gérant contracte avec un tiers, ce gérant contrairement au mandataire est parfois

personnellement engagé à l’égard de ce tiers. Ici, une importante distinction est à

faire selon l’attitude adoptée par le gérant. En effet, il peut soit agir en son nom

personnel sans révéler qu’il agit en tant que gérant d’affaire, soit agir ou non et pour

le compte du géré.

Dans le 1er cas, le gérant s’engage personnellement.

Dans le 2nd cas les effets de la gestion d’affaire sont très proches de ceux du mandat.

On parlera alors d’une gestion avec représentation.

C. Conditions

On ne peut permettre à n’importe qui de gérer n’importe quand les affaires d’autrui.

Tout acte fait en faveur d’un tiers ne crée pas nécessairement des obligations à sa

charge.

La gestion d’affaire est régie par des conditions assez strictes :

- Il faut une intervention volontaire et spontanée du gérant. La gestion d’affaire ne

concerne pas les cas ou quelqu’un s’occupe des affaires d’autrui en raison d’une

obligation légale (cas de représentation d’un incapable) ou contractuelle (cfr. Le

mandat).

Précisons ici que cette condition appelle une réserve car le mandataire peut se

trouver accessoirement dans la position d’un gérant d’affaire lorsqu’il dépasse les

limites de sa mission.
186

- Il ne doit pas y avoir d’opposition de la part du maître de l’affaire. Celui qui

entreprendrait de gérer les affaires d’autrui malgré son opposition engagerait sa

responsabilité et ne pourrait invoquer le bénéfice du régime légal.

- L’intervention du gérant doit être désintéressée. Il ne peut pas y chercher son

propre avantage. Par exemple le locataire qui améliore la maison qu’il occupe ne

peut invoquer une gestion d’affaire pour prétendre couvrir les frais par le bailleur.

Le droit du bail organise le sort de ces améliorations selon ses propres règles.

- Les actes du gérant doivent être urgents ; utiles et de bonne administration. S’il n’y

a pas urgence, on ne peut intervenir dans les affaires d’autrui en son absence et

surtout sans son accord.

Les actes accomplis doivent être de bonne administration art.251.

On affirme que la gestion mal administrée peut s’avérer plus fatale que la non

intervention tout court.

Enfin, il faut que les actes accomplis soient utiles et l’utilité sera appréciée au

moment de leur accomplissement.

- Qu’en est-il de la capacité des parties ?

Dans le chef du géré, il n’y a pas d’exigence de capacité car ses obligations naissent

de la loi et non d’un acte de volonté.

Dans le chef du gérant, la capacité est requise quand il doit personnellement entrer

en contact avec les tiers pour des actes juridiques. Mais lorsqu’il s’agit

personnellement par un acte matériel, la capacité doit être nuancée quant à son

exigence.
187

D. Les effets

1° Entre gérant et géré

a. Obligations du gérant

Celui qui entreprend de gérer les affaires d’autrui s’engage à continuer et à achever

ce qu’il a entrepris y compris tout ce qui en dépend jusqu’à ce que le géré puisse s’en

occuper lui-même art.248 alinéa 1er.

Même le décès du maître d’affaire ne met pas fin aux obligations du gérant art.249.

Cette précision distingue encore la gestion d’affaire du mandat qui prend

généralement fin au décès du mandat.

Si le géré meurt le gérant doit continuer les travaux.

Par contre le décès du gérant met fin à la gestion d’affaire à charge cependant pour

les héritiers d’avertir le géré et de rendre compte.

Le gérant est tenu d’apporter à la gestion tous les soins d’un bon père de famille.

C’est une obligation de moyens et il appartient au maître de l’affaire de prouver le

cas échéant la faute de gestion.

La loi tient cependant compte du caractère désintéressé de la gestion en conférant au

juge un pouvoir de modérer le montant de la réparation qui en résulterait au regard

des circonstances qui ont conduit le gérant à s’occuper de l’affaire. (lart.250 alinéa 2).

Le gérant doit enfin rendre compte de sa gestion c’est-à-dire justifier les actes qu’il a

accompli à l’instar du mandataire (art.248 alinéa 2)

b. Obligations du géré
188

L’obligation principale de celui dont les affaires ont été bien administrées est

d’indemniser le gérant de frais qu’il a engagé dans sa gestion (art.251).

Le cas échéant, le géré devra payer les intérêts des sommes avancées.

Précisons qu’il ne s’agit pas ici d’un salaire et seules les dépenses utiles ou

nécessaires doivent être remboursées.

Si le gérant a fait des dépenses somptuaires, celles-ci ne doivent pas lui être

remboursées dans la mesure où elles n’étaient pas nécessaires.

Le géré doit indemniser le gérant des engagements personnels qu’il a souscrits et

remplir les engagements conclu en son nom art.251 (c’est le cas de la gestion avec

représentation).

2° Relations avec les tiers

a. Si le gérant a agi au nom et pour le compte du géré, le maître d’affaire est

directement engagé envers les tiers sans qu’aucune ratification ne soit nécessaire. Le

gérant n’est pas tenu personnellement sauf si le tiers a exigé son engagement

personnel.

b. Si le gérant a agi sans représentation, il est personnellement obligé envers les tiers.

Le gérant se fera cependant indemniser par le maître de l’affaire. Les tiers sont censés

ignorer le maître de l’affaire sauf s’il révèle en ratifiant les engagements du gérant et

en les reprenant à son compte.

En conclusion ; on dire que celui qui exécute une prétendue gestion d’affaire, lorsque

toutes les conditions requises ne sont pas réunies engage sa responsabilité sauf si le

maître de l’affaire ratifie la gestion. Le gérant est seul tenu à l’égard des tiers et ne
189

pourra réclamer aucune indemnisation du géré à moins qu’il ne puisse invoquer la

théorie de l’enrichissement sans cause.

§2. Le paiement de l’indu

A. Notion

Payer l’indu, c’est payer une dette qui n’existe pas ou à laquelle on n’est pas tenu, du

moins à l’égard de celui à qui on la paie et sans avoir la volonté de payer une dette à

autrui.

Celui qui effectue une prestation ou un paiement auquel il n’était pas obligé peut

alors réclamer la restitution à celui qui a reçu indûment.

Celui qui reçoit un tel paiement, assume par le fait de l’avoir reçu l’obligation de

rembourser (art.133, art.252 et suivant du ccL III)

Il faut ici excepter le cas où un tiers, même non intéressé paie à la place du débiteur

(art.134). En effet, le tiers qui paie volontairement à la place de celui qui est obligé ne

peut prétendre ultérieurement qu’il a fait un paiement indu.

B. Conditions

Il faut un prétendu paiement. Matériellement, cela ressemble à un paiement mais ce

n’en est pas vraiment un, puisque le fait n’éteint pas une dette.

Ce paiement doit être indu. Il faut l’absence d’une dette entre le solvens et l’occipiens

(celui qui donne et celui qui reçoit)

Les art.252 et 253 font allusion à trois différentes situations :


190

Un cas d’indu objectif et deux cas d’indu subjectifs.

Il y a indu objectif lorsqu’il n’y a pas ou plus de dette. Je paie par exemple, une

deuxième fois une dette déjà éteinte.

Dans le 1er cas d’indu subjectif, il y a une dette mais le débiteur paie à un non

créancier.

Ex : Mon paiement est crédité au compte bancaire d’une tierce personne

et non de mon créancier.

Dans le second cas d’indu subjectif, il y a une dette, mais le créancier est payé par un

non débiteur.

Ex : Un héritier apparent paie les dettes d’une succession dévolue à une autre

personne.

Dans ce dernier cas, une condition supplémentaire est requise dans le chef du

solvens. Pour distinguer le paiement de l’indu et le paiement par un tiers selon

l’art.134, le non débiteur qui paie au créancier doit prouver qu’il a payé par erreur.

Dans les autres cas de paiement de l’indu, l’erreur n’est pas une condition requise.

Ainsi, un débiteur qui perd sa quittance peut être amené à payer une deuxième fois.

Mais s’il parvient ultérieurement à prouver l’indu il pourra exiger la répétition.


191

C. Effets

1° Obligations de l’accipiens

L’accipiens doit restituer ce qu’il a indûment reçu (art.252 du ccL III). L’étendue de

cette restitution est différente selon qu’il est de bonne ou de mauvaise foi. S’il est de

bonne foi, il ne pourra subir aucun préjudice de la restitution. On considère

notamment qu’il peut conserver les fruits civils et naturels.

L’accipiens conserve donc les intérêts éventuels. S’il a aliéné la chose reçue, il ne

devra restituer que le prix de la vente, quelle que soit la valeur de l’objet (art.256).Si

la chose a péri par cas fortuit, il est libéré (art.255).

S’il est de mauvaise foi, au contraire c’est le solvens qui ne peut subir aucun

préjudice. L’occipiens est assimilé à un possesseur de mauvaise foi et à un débiteur

en demeure. Il est tenu de rembourser les intérêts et autres fruits depuis le jour du

paiement (art.254). S’il a aliéné la chose, il doit payer sa valeur au jour de la

répétition. De même en cas de destruction ou de détérioration, il est tenu de payer

(art.255).

L’obligation de restitution est cependant nuancée dans une hypothèse. Lorsque le

créancier a supprimé son titre à la suite du paiement indu, celui qui a payé

indûment, ne peut plus exiger la répétition (art.253 alinéa 2).

Il ne lui reste qu’un recours contre le véritable débiteur. Cette exception ne peut

cependant être invoquée que par un accipiens de bonne foi.


192

2° Obligations du solvens

L’art.257 oblige le solvens à dédommager l’occipiens de toutes les dépenses utiles et

nécessaires faites pour la conservation de la chose.

§3. L’enrichissement sans cause

1° Notion

En marge de la réglementation classique des quasi-contrats dans le code civil la

doctrine et la jurisprudence ont dégagé la notion d’enrichissement sans cause qui

donne lieu à l’action in rem verso.

En effet, il aurait un principe général de droit selon lequel lorsque quelqu’un

s’enrichit injustement au détriment d’autrui, la personne qui s’est appauvrie peut

réclamer une compensation à celui qui s’est enrichi pour rétablir l’équilibre

préexistant.

Le paiement de l’indu ne serait qu’une application de ce principe fondé sur des

exigences d’équité et de moralité.

2° Les conditions

Un appauvrissement et un enrichissement corrélatif. Il faut un appauvrissement ;

quelqu’un perd de l’argent, des biens, etc.… et ce fait doit être corrélatif à un

enrichissement qui peut consister dans une acquisition positive ou dans la simple

économie d’une dépense.


193

L’enrichissement doit être la conséquence de l’appauvrissement.

Il n’est cependant pas nécessaire qu’il ait équivalence entre les montants respectifs de

l’enrichissement et de l’épanouissement.

L’enrichissement doit être sans cause. L’appréciation de cette condition est la plus

délicate. En effet les cas où une personne s’enrichit au détriment d’autrui sont

innombrables. Il suffit pour s’en rendre compte d’analyser les activités commerciales.

Le droit des contrats admet de nombreuses situations de déséquilibre entre les

parties.

Par ailleurs nous savons que la lésion et l’imprévision ne sont pas reconnues comme

des principes généraux.

Ainsi, l’enrichissement sans cause ne vise pas toute situation injuste ou inéquitable ;

mais seulement celle où le transfert de valeurs ne repose sur aucune cause.

La notion de cause a été déjà examinée en matière contractuelle ou elle reçoit

diverses acceptions.

La cause retenue ici a un sens beaucoup plus large. Il s’agit soit de l’existence d’une

contre partie soit de n’importe quelle autre justification juridique. Cette justification

peut être un contrat, une intention libérale, un effet de la loi, une faute de l’appauvri

etc.…

Celui qui achète un bien ne s’enrichit pas sans cause. Celui qui doit réparer ce qu’il a

provoqué par sa faute ne s’appauvrit pas sans cause.


194

La volonté de l’appauvrir exclut également l’absence de cause : ainsi si j’embellis

mon jardin, j’agis dans mon intérêt et je ne peux prétendre que l’amélioration

corrélative de la vue de mon voisin est un enrichissement sans cause.

Un caractère subsidiaire : L’action in rem verso est strictement subsidiaire et ne

s’applique qu’en l’absence de tout autre règle applicable, cela explique sa rareté

d’application.

3° Effets

Si l’action in rem verso est fondée, l’enrichi doit indemniser l’appauvri.

Après avoir déterminé le montant de l’appauvrissement et le montant de

l’enrichissement, on admet que l’enrichi sera tenu de payer le montant le moins élevé

mais tout dépend de l’appréciation du juge au moment de l’action.


195

TROISIEME PARTIE : REGLES APPLICABLES AUX OBLIGATIONS

QUELQUES SOIENT LEURS SOURCES

Certaines règles restent communes aux obligations quelque soient leurs sources. L’on

sait par exemple que toute obligation a pour vocation naturelle d’être exécutée. Une

exécution qui peut être en nature ou par équivalent, volontaire ou forcée. A côté du

paiement comme mode normal d’exécution d’une obligation, il y a d’autres modes

d’extinction qu’on peut qualifier d’anormaux comme la novation, la prescription etc.

Mais avant d’arriver à ces divers modes d’extinction, on reconnaît que les obligations

peuvent être transmises et qu’elles présentent même des modalités qu’il convient de

préciser sans oublier de relever la preuve de leur existence.

CHAPITRE I : LA TRANSMISSION DES OBLIGATIONS

Elle peut se faire de deux manières. Elle peut se faire entre vifs ou à cause de mort.

Cette dernière intéresse les successions qui seront analysées dans le cadre d’un autre

cours. Il sera question dans les lignes qui suivent de la transmission de l’obligation

du vivant du débiteur et du créancier. Ainsi deux questions sont à examiner à savoir

la cession de créance et la cession de dette.

Section I La cession de créance

I Notion
196

Selon DE PAGE la cession de créance est une convention par laquelle un créancier

aliène ses droits contre son débiteur à un tiers, qui deviendra créancier à sa place.

Ceci montre que la cession de créance doit remplir toutes les conditions exigées pour

la validité d'un contrat. La cession de créance met en présence trois personnes :

l'ancien créancier qui est le cédant, le nouveau créancier qui est le cessionnaire, le

débiteur dont la dette est transférée, appelé cédé.

La convention de cession intervient entre le cédant et le cessionnaire. Le cédé n'étant

pas partie à la convention, la perfection de la cession de créance n’est pas

subordonnée à l’accord de celui- ci. L’échange des consentements entre le cédant et le

cessionnaire suffit à donner le jour au contrat.

La cession de créance peut revêtir la forme de tous les contrats translatifs de

propriété. Elle peut être envisagée comme une vente, comme une donation, un

échange etc. mais l’on doit reconnaître que dans la pratique, la cession de créance

prend ,d’ordinaire, les traits d’une vente. Ceci s’explique en partie, par le fait que les

rédacteurs du code civil on placé le siège de la matière dans titre concernant la vente.

( art 352 et suivants)

Pour son efficacité, la cession de créance nécessite l’accomplissement de deux

formalités :

d’une part, la remise du titre(art 352) c’est à dire de l’instrument de preuve qui

constate la créance : reconnaissance de dette par exemple

d’autre part, mais seulement pour être opposable aux tiers, la cession doit faire l’objet

d’une signification dans les termes de l’art 353 du code civil livre III

II les effets de la cession de créance


197

Dans les rapports entre les parties, la cession est parfaite dès qu’il y a accord sur la

créance cédée et sur son prix. L’effet fondamental est de transférer au cessionnaire la

créance qui va conserver son identité et ses caractères, comme dans une vente, où la

chose vendue reste ce qu’elle était. A part la personne du créancier, rien d’autre n’est

changée. Le cessionnaire recueille la créance telle qu’elle existait avec toutes les

sûretés y attachées s’il y a lieu(art 355). Réciproquement, le cessionnaire souffre de

toutes les exceptions qui affectaient la créance par exemple la nullité, prescription etc.

La loi assortit cette cession d’une garantie quant à l’existence de la créance(art 356).

En revanche, la solvabilité actuelle ou future du débiteur n’est pas garantie, sauf

clause expresse du contrat( art 357).

Ces solutions renforcent l’idée qu’il s’agit d’une opération spéculative, les risques

d’insolvabilité et les aléas du recouvrement étant à la charge du cessionnaire.

S’agissant de la cession de la créance à l’égard des tiers, rappelons qu’elle n’est

opposable à ces derniers que du jour où sont accomplies les formalités de publicité

de l’article 353 du code civil. Cette publicité consiste dans la signification de la

cession au débiteur cédé qui, jusqu’ici ignorait une cession intervenue en dehors de

lui. A cette signification, le code civil assimile l’acceptation du débiteur par acte

authentique.

Par acceptation, il faut entendre l’acte par lequel le débiteur reconnaît qu’il est au

courant de la cession intervenue. L’acceptation n’est donc pas synonyme d’adhésion

ou d’accord du débiteur car il importe peu que le débiteur soit ou non d’accord de la

cession.

Précisons en définitive que toutes les créances ne sont pas de même nature et les

formalités de transmission diffèrent selon les créances. La cession d'une créance


198

hypothécaire par exemple obéit à des formalités particulièrement prévues par le

décret hypothécaire du 15 mai 1922(voir par ex l’art 37 de ce décret in Codes et Lois

du Burundi p. 1O4 et sv).

Aussi d’autres modes simplifiés de cession de créance existent surtout en matière

commerciale et obéissent à des règles particulières. Il s’agit notamment des titres

négociables, des titres nominatifs, des titres à ordre, au porteur etc.

Section II : Le cession de dette

I Notion

On envisage ici la transmission de l’obligation sous sa phase passive : Le débiteur est-

il autorisé à transmettre sa dette à un tiers sans le concours du créancier ? Autrement

dit, peut-il imposer au créancier un autre débiteur ?

En effet, s’il est sans importance de changer le créancier sans l’accord du débiteur, il

serait inadmissible de changer le débiteur sans le consentement du créancier car la

personnalité du débiteur, et notamment sa solvabilité, revêt un intérêt considérable.

Le droit positif ne connaît donc pas cette opération comme telle. On ne conçoit pas

comment un débiteur peut contraindre le créancier à accepter un autre débiteur à sa

place. Mais, il faut relever qu'il s'agit d'une conception d'une certaine époque qui ne

cadre plus avec la réalité actuelle. C'est pour cette raison que certaines législations

modernes admettent qu'avec l'accord du créancier, le débiteur peut transmettre sa

dette à un tiers. On pourrait admettre ce principe par simple application du principe

de la liberté contractuelle, ce qui revient à dire que sans le consentement du

créancier, pareille opération est inconcevable.


199

II Les palliatifs à l’absence de cession de dette sans l’accord du créancier

Rien n’empêche tout d’abord les parties de réaliser une novation par changement de

débiteur. Cette convention requiert l’animus novandi et donc l’accord du créancier

pour, d’une part, décharger le débiteur primitif et, d’autre part, accepter un nouveau

débiteur.

Si le créancier refuse d’accorder la décharge à son débiteur initial, la convention

passée entre ceux-ci et le nouveau débiteur devra s’analyser en une délégation

simple, dite aussi imparfaite. Le créancier aura ainsi l’avantage considérable d’avoir

des codébiteurs tenus in solidum à son égard.

Aussi, le débiteur initial et un nouveau débiteur, cessionnaire de la dette peuvent

prévoir une stipulation pour autrui en faveur du créancier. Un droit direct et

immédiat naîtra ainsi entre le créancier et le cessionnaire de la dette. Il n’y a

cependant pas décharge du débiteur initial qui reste tenu in solidum avec le

cessionnaire de la dette envers le créancier.

CHAPITRE II:LES OBLIGATIONS A MODALITES ET OBLIGATIONS

COMPLEXES

On entend par modalité des obligations certaines situations qui en modifient

les caractères et donnent naissance à de nouvelles règles particulières. S’agissant de

la complexité des obligations, elle a lieu quand il y a soit pluralité d’objets de

l’obligation soit pluralité de sujets d'obligation.


200

Section I : Modalités des obligations

Elles concernent la condition et le terme. Il y a donc des obligations qui sont soumises

à la réalisation d'une condition et d'autres qui ne sont exigibles qu'après écoulement

d'un certain délai. La condition et le terme sont les deux modalités des obligations.

§.1. Condition

I Notion

La condition est un événement futur et incertain dans sa réalisation même, qui

suspend l’exécution de l’obligation( c’est la condition suspensive) ou son

extinction( c’est la condition résolutoire).C'est l'incertitude de l'événement qui

caractérise la condition et qui la différencie du terme. Celui-ci étant au fond un

événement futur mais certain.

La condition suspensive est celle qui tient en suspens la naissance de l'obligation.

Exemple : quelqu'un promet de conclure un tel contrat s'il reçoit un crédit. C'est une

condition suspensive.

La condition résolutoire est celle qui éteint un rapport existant. Exemple : le locataire

s'engage à quitter l'immeuble loué si le bailleur trouve un acheteur.

Il y a aussi d’autres divisions de conditions : la condition casuelle, potestative et

mixte.

La condition casuelle est celle qui dépend du hasard. C'est celle dont la survenance

ne dépend ni du créancier ni du débiteur.


201

La condition potestative est celle qui dépend de la volonté de l’une ou de l’autre

partie.

Exemple : je vends ma maison si je pars à l'étranger. C'est une condition qui dépend

de moi.

La condition mixte dépend à la fois de la volonté de l'auteur de l'acte et de la volonté

du tiers. Exemple : je vous donne 50.000 FBu si vous épousez cette personne.

C'est une condition qui dépend de la volonté du donateur et d'une tierce personne,

celle de la personne à épouser.

Enfin, il y a des conditions qui sont impossibles, immorales ou illicites. Impossible

parce qu'elles ne peuvent pas être réalisées, parce qu'elles sont contraires à la nature

et aux principes de droit. Il y a donc impossibilité physique et impossibilité juridique.

Le code nous dit que toute condition de choses impossibles est nulle et rend nulle la

convention qui en dépend (article 70). Ceci nous rappelle la notion de rejet d'une

convention impossible. La condition est illicite quand elle est contraire à l'ordre

public et à la loi ; elle est immorale quand elle est contraire aux bonnes moeurs.

II Les effets de la condition

On distingue deux temps : le temps de l’incertitude et le temps où l’incertitude se

lève et que la condition se réalise ou ne se réalise pas.


202

La condition est en suspens

Pendant que la condition est en suspens, il y a une incertitude qui pèse sur l'acte mais

il faut analyser deux situations : s'il s'agit d'une condition résolutoire qui est en

suspens, aucun problème ne se pose. Tant que la condition résolutoire ne s'est pas

réalisée, l'obligation existe purement et simplement et produit ses effets. Exemple : la

vente à réméré. Tant que le vendeur n'a pas exercé sa faculté de rachat, les choses

demeurent en l'état. s'il s'agit d'une obligation contractée en vertu d’une condition

suspensive, la convention existe certes, mais l’exécution est suspendue. Exemple ,je

vous vends ma maison si je pars à l’étranger. Le créancier ne peut pas en exiger

l’exécution. un paiement prématuré donne lieu à répétition. La prescription ne court

pas puisque la créance n’est pas exigible et s’il s’agit d’une vente comme c’est le cas

pour l’exemple, la propriété et les risques ne sont pas transférés.

Si la condition se réalise, l’obligation devient pure et simple, et exigible. Elle se

consolide avec effet rétroactif au jour où l’engagement a été conclu c’est à dire que les

effets de l'acte remontent au jour de la déclaration des volontés des parties si la

condition était suspensive. Si la condition est résolutoire, le rapport de droit est éteint

et cesse de produire des effets.

La condition ne se réalise pas : si la condition est suspensive et qu'elle ne se réalise

pas, l'obligation n'existe pas. Elle est considérée comme si elle n'a jamais existé. Si la

condition est résolutoire et qu'elle ne se réalise, le rapport de droit continue à

produire ses effets, lesquels deviennent par conséquent définitifs.


203

§.2. Le terme

I Notion

Le terme est un événement futur et certain dont dépend l'exigibilité ou l'extinction

d'une obligation.

On distingue donc le terme suspensif du terme extinctif.

Le terme extinctif est un événement futur et certain qui met fin à une obligation. Je

vous loue ma maison jusqu’au 31 décembre.

Le terme suspensif est un événement futur qui suspend l’exécution d’une obligation.

Je vous commande 10 sacs de haricots à livrer dans une semaine.

II les effets du terme

Lorsqu’il s’agit d’un terme suspensif, l’engagement existe, seule son exécution est

suspendue. Cet engagement permet au créancier de prendre des mesures

conservatoires, d’agir en justice si l’existence de la créance est contestée, même avant

l’échéance, et de refuser la répétition d’un éventuel paiement prématuré( art 84

CCLIII). Néanmoins, le même article précise bien que le créancier ne peut pas

réclamer son paiement avant l’échéance du terme. De même, la prescription ne

commence pas à courir avant cette date. A l’arrivée du terme, l’obligation devient

alors exigible.

Le terme est toujours présumé stipulé dans l'intérêt du débiteur. Ainsi , par

principe, le débiteur peut toujours renoncer au bénéfice du terme. Mais le terme peut

aussi être stipulé dans l'intérêt du créancier. Dans un contrat de prêt à intérêt par
204

exemple, le prêteur a intérêt à ce que le terme soit le plus long possible pour qu'il

puisse toucher beaucoup plus d'intérêts.

Dans certains cas, le législateur intervient pour permettre au débiteur de se libérer

anticipativement alors même que le terme n’est pas consenti dans son intérêt exclusif.

C’est le cas notamment du crédit à la consommation.

Précisons en définitive que dans certains cas le débiteur peut être déchu du bénéfice

du terme. C'est dans le cas où il y a péril en la demeure, où les droits du créancier

sont menacés d'une péril imminent. C'est notamment le cas de la faillite du débiteur,

de sa déconfiture, etc.

Section II : Les obligations complexes

Ce sont des obligations qui ont plusieurs sujets ou plusieurs objets.

§.1. Les obligations à objet multiples

On distingue plusieurs catégories d’obligations à objets multiples :

l’obligation conjonctive

Cette obligation comporte plusieurs prestations, dont le paiement est indivisible. Je

dois ceci et cela. A doit une somme de 1.000 Fbu et un poste de radio à B.

l’obligation alternative
205

L’obligations dite alternative est celle qui porte sur plusieurs objets dont un seul sera

dû au choix, soit du créancier, soit du débiteur . A doit 1.000 Fbu ou 2 kg de haricots.

l’obligation facultative

L’obligation qualifiée de facultative est celle qui n'a qu'un objet unique, mais dont le

débiteur peut se libérer en exécutant une autre prestation. En d’autres termes,

l’obligation facultative comprend une obligation principale et une obligation

éventuelle de substitution.

§.2. Les obligations à sujets multiples

Elles sont soit conjointes, soit solidaires, soit indivisibles.

a) Obligations conjointes

Il y a obligation conjointe quand l'obligation comporte plusieurs débiteurs ou

plusieurs créanciers et qu'elle se divise activement ou passivement entre les divers

sujets.

Dans ce cas, chaque créancier n'a droit de réclamer que sa part de créance. Et chaque

débiteur ne peut être poursuivi que pour sa part de dette. Exemple : un créancier

décède laissant plusieurs héritiers. Après sa mort, il n'y a plus une seule créance,

mais autant de créances qu'il y a d'héritiers. Il en est de même si c'est le débiteur qui

décède. Les héritiers ne seront poursuivi que chacun pour une part de la dette.
206

Ainsi, les obligations à sujets multiples sont en principe divisibles. Toutefois, le code

civil réglemente deux exceptions importantes : les obligations solidaires et les

obligations indivisibles.

b) Les obligations solidaires

Les obligations solidaires appelées aussi in solidium sont à sujets multiples. On

parlera de solidarité active lorsqu’il y a plusieurs créanciers et de solidarité passive

lorsqu'il y a plusieurs débiteurs.

1° La solidarité active

Dans cette forme de solidarité, chacun des créanciers peut exercer seul le droit de

créance. Il peut exiger le paiement de toute la créance. Cela montre que le débiteur

qui a payé à l'un des créanciers solidaires se trouve libéré à l'égard des autres. De

même, l'interruption de la prescription a l'égard d'un créancier profite à tous les

autres. Le créancier qui a reçu le paiement doit normalement remettre aux autres

créanciers une part proportionnelle à leurs droits.

2° La solidarité passive

Elle est très fréquente en pratique. Elle existe lorsque plusieurs personnes sont tenues

d'une même dette envers un même créancier. Chacun des débiteurs est tenu pour le

tout. Le créancier peut donc exiger d'un seul débiteur le paiement de toute la dette.

La solidarité passive est soit légale ou conventionnelle.

Elle ne se présume point comme le précise l’article 100 du CCL III. Il faut qu'elle soit

expressément stipulée. La solidarité conventionnelle est celle prévu expressément

par les parties. Celles-ci doivent clairement déterminer l'existence de la solidarité.


207

Dans le doute, le juge doit écarter la solidarité puisque l'article 100 interdit de la

présumer lorsque les parties ne l'auront pas clairement manifestée.

Précisons en passant qu'il y a exception en matière commerciale où la solidarité est

présumée, où elle peut se déduire des circonstances. Les débiteurs commerciaux sont

traités avec beaucoup de rigueur. La solidarité peut être légale lorsqu'elle est établie

de plein droit et d'office par la loi. C'est le cas de l'article 460 sur le contrat du prêt.

c) Les obligations indivisibles

Une obligation est indivisible lorsqu'elle ne peut être exécutée qu'en entier. Plusieurs

situations se présentent :

Dans certains cas, l’obligation n’est pas susceptible de division. Si plusieurs

personnes se sont engagées à livrer une vache, chacune est tenue pour le tout en

raison de la nature même de l’objet de prestation. C’est l’indivisibilité naturelle.

Dans d’autres cas, les parties peuvent se convenir que l'obligation même divisible

soit exécutée en une seule partie.

L'indivisibilité active produit les mêmes effets que la solidarité active c'est-à-dire que

chacun des créanciers peut exiger la totalité de la créance. De même, dans

l'indivisibilité passive, l'un des créanciers peut poursuivre l'un quelconque de ces

débiteurs en paiement et surtout si l’un des codébiteurs décède, la dette reste

indivisible pour chacun de ses héritiers. C’est ainsi que l'indivisibilité se présente

comme supérieure à la solidarité passive parce qu'elle offre plus de garantie.

Il est donc stratégique d'exiger qu'il y ait une clause dans le contrat qui stipule par

exemple que la dette est à la fois solidaire et indivisible.


208

CHAPITRE III : L’EXTINCTION DES OBLIGATIONS

Section I : Le mode d’extinction normal : le paiement

C’est le mode d’extinction des obligations le plus naturel. Le législateur y consacre de

nombreuses dispositions( voir art 133 et suivants). Si le code civil voit dans le

paiement un mode d’extinction de l’obligation, il est également et avant tout

l’exécution( en nature) de cette obligation telle qu’elle avait vu le jour.

Le paiement peut être pur et simple. Il peut l'être aussi par subrogation.

§.1. Le paiement pur et simple

Il soulève un certain nombre de questions relatives à la personne qui va payer, qui

reçoit le paiement, le contenu et les modalités de ce paiement et ce qu'il faut faire

quand le créancier refuse le paiement.

1° Par qui le paiement doit être fait ?

Ceci nous est précisé par l'article 134 du CCL III qui mentionne que le paiement peut

être fait par toute personne intéressée comme il peut être fait par une personne qui

n'est pas intéressée. Par personne intéressée, il faut entendre en premier lieu, le

débiteur, la caution (personne ayant la garantie du débiteur, les coobligés ou les

codébiteurs. Ce sera le cas dans l'hypothèse des obligations solidaires où il y a

plusieurs débiteurs d'une même dette. S'agissant des personnes non intéressées au

paiement, il y a lieu d'évoquer les personnes qui peuvent agir soit à leur propre nom,

soit au nom du débiteur. C'est notamment le cas du gérant d'affaire qui peut

s'acquitter des obligations du géré en son propre nom. Une exception doit être

cependant apportée à ce sujet. C'est notamment le cas des obligations intuitu


209

persanae. De même pour les obligations de donner, il faut être propriétaire de la

chose. Sinon, on ne peut pas transférer la propriétaire de la chose qu'on n'a pas.

2° Personnes qui reçoivent le paiement

La réponse nous est fournie par l'article 137. La personne qui reçoit le paiement est

tout d'abord le créancier. Mais le paiement peut être reçu par celui qui a pouvoir du

créancier. Par exemple : le mandataire. Il peut être reçu par un représentant légal ou

judiciaire. Par exemple : le tuteur, le curateur. Il peut être fait exceptionnellement à

une personne sans qualité. Et dans ce cas, il est valable si le créancier le ratifie, c'est-à-

dire s'il marque son accord postérieurement au paiement, ou alors si le créancier en a

profité, dit l'article 137. Précisons qu'il arrive parfois que le débiteur reçoit ordre de

ne pas payer le créancier.

Cet ordre peut provenir d'un tiers mais par voie judiciaire notamment par l'opération

de l'opposition qui se fait par des saisies-arrêts fréquentes en matière bancaire.

3° Que faut-il faire lorsque le créancier refuse de recevoir le paiement ?

Lorsque le créancier refuse de recevoir le paiement, il faut recourir à une

procédure spéciale qu'on appelle les offres réelles suivies de consignation. Et ces

offres réelles sont faites par la voie d'huissier. Si le créancier refuse une chose ou une

somme d'argent, celle-ci doit être consignée dans ce que l'on appelle la caisse de

consignation. Ainsi donc les offres réelles suivies de consignation tiennent lieu de

paiement valable. Le débiteur ne peut donc ainsi être poursuivi par le créancier et

surtout les intérêts cessent de courir.

4° Le contenu que doit comprendre le paiement


210

Les articles 141 et 142 du CCL III donnent lumière à ce sujet. Le débiteur doit fournir

exactement la chose due. On ne peut pas donner autre chose que celle qui a été

convenue, même si cette chose est équivalente ou supérieure à celle qui était due.

Ceci n'exclut pas toutefois la possibilité d'une dation en paiement, c'est-à-dire qu'un

accord avec le créancier, le débiteur peut donner autre chose que celle qui était due :

une vache à la place d’une certaine somme d’argent.

En dehors de cette hypothèse, le débiteur doit livrer un corps certain si l'obligation a

pour objet une corps certain. Mais à supposer qu'il ait subi des détériorations entre la

naissance de l'obligation et le moment de la livraison, il est admis que ce débiteur

livre ce corps certain tel qu'il est. Néanmoins, le débiteur devra répondre de ces

dégradations s'il avait été mis en demeure. S'il s'agit d'obligation ayant pour objet des

choses de genre, le débiteur n'est pas tenu de fournir exactement les mêmes choses. Il

pourra donner des choses de même valeur ou de même poids, tout en veillant à la

qualité de la chose. Il faut fournir des choses de même qualité ou de qualité moyenne

et c'est ce qu'on appelle en matière commerciale la qualité loyale et marchande.

D'après l'article 142, le débiteur doit payer aussi la dette intégralement. Ce principe

comporte néanmoins des assouplissements parce qu'il y a des cas où on peut payer

par fractions. C'est ce que nous enseigne l'alinéa 2, quand il dit que les juges peuvent

accorder au débiteur des délais modérés. Il pourra même accorder ce que l'on appelle

les délais de grâce. Lorsqu'il s'agit d'une somme d'argent, le débiteur doit payer aux

délais convenus et dans la monnaie convenue.

Dans notre pays, le monnaie qui a cours légal est soit les billets de banque, soit les

pièces métalliques. Ils sont seuls le pouvoir libératoire et légal dans la République. Si

l'obligation est stipulée en monnaie étrangère, il y a lieu de la convertir en francs

parce qu'au Burundi, le paiement doit être fait en francs. Mais rien n'empêche

cependant que dans certaines circonstances, les parties se conviennent que le

paiement se fera en pièces étrangères. Les clauses de ce genre sont licites, et parfois
211

empruntées par les parties pour se prémunir contre les dévaluations monétaires qui

peuvent survenir.

5° le lieu et le moment du paiement

Le lieu du paiement est celui qui a été fixé par les conventions. Si le lieu n'a pas été

fixé, il faut faire une différenciation. S'il s'agit d'un corps certain, le paiement doit

être fait dans le lieu où il était au moment de la naissance de l'obligation. S'il s'agit de

choses de genre, le paiement doit être fait au domicile du débiteur (article 145). Les

dettes sont en principe quérables et non portables, mais cette disposition étant

supplétive, les parties peuvent stipuler que la dette est portable.

En outre, on s’accorde pour dire que le moment du paiement se situe à l’instant où le

montant est encaissé sur le compte du créancier. Que le paiement soit effectué par

chèque ou par virement bancaire.

6° Imputation des paiements

Ce principe se pose lorsque le débiteur doit s'acquitter de plusieurs dettes envers son

créancier et lorsque le débiteur fait un paiement qui ne couvre pas toutes les dettes. Il

se pose alors la question de savoir quelle est la dette que le débiteur a pu éteindre.

Les article 151 à 154 déterminent la manière dont il faut imputer le paiement. L'article

151 pose le principe que l'imputation des paiements est normalement fait par le

débiteur lui-même. C'est-à-dire qu'au moment du paiement, le débiteur détermine la

dette qu'il entend régler. Mais si cela n'est pas fait, l'imputation ne sera alors faite que

par le créancier. Mais alors comment ? Il fera l'imputation en remettant une quittance

au débiteur qui indique la créance qui a été payée. Au cas où ni le créancier ni le

débiteur n'a fait l'imputation, c'est l'article 154 qui prend le devant. Selon cette

disposition, l'imputation se fait alors sur la dette échue. Si toutes ses dettes sont

échues, l'imputation se fera sur la dette la plus onéreuse pour le débiteur. Et si toutes
212

les dettes sont échues et qu'elles sont également onéreuses au débiteur, l'imputation

se fera sur la dette la plus ancienne. Si toutes les dettes sont échues, onéreuses et

également anciennes, l'imputation se fera alors sur toutes les dettes

proportionnellement.

§.2. Le paiement avec subrogation

Il y aura subrogation lorsqu'une dette est payée soit par une personne qui n'en est

pas tenue, soit qui n'en est tenu qu'avec les autres. La personne qui a payé est

subrogée dans les doits du créancier désintéressé.

a) La subrogation légale

La subrogation légale est celle qui existe de plein droit par la loi. L'article 149

l'indique expressément. Nous savons qu'il y a des créanciers de plusieurs ordres, le

créancier privilégié et le créancier chirographaire.

Ainsi le créancier chirographaire, dans l'esprit de l'article 149, alinéa 1er, peut payer

au créancier hypothécaire qui lui est préférable et de ce fait, prend sa place. Le 2ème

alinéa concerne le cas de celui qui achète un immeuble hypothéqué. Le fruit de

l'acquisition n'est remis au propriétaire de l'immeuble mais au créancier

hypothécaire. Dans ce cas, l'acquéreur de l'immeuble reprend la place qu'occupait le

créancier hypothécaire. Le 3ème alinéa concerne le codébiteur. Le codébiteur qui a

payé reprend la place du créancier vis-à-vis des autres codébiteurs.


213

b) La subrogation conventionnelle

1° La subrogation consenti par le créancier

Cette subrogation s'analyse comme une convention. Et cette convention s'établit entre

le subrogeant et le subrogé. Exemple : A est débiteur de B. B a besoin d'une certaine

somme d'argent. Mais la dette n'est pas encore exigible. Le créancier B peut

s'arranger avec C pour obtenir paiement et lui promettre qu'il va être créancier à sa

place. Ainsi, C devient le subrogé de B contre A. Et cette convention est parfaite entre

les créanciers ; le débiteur n'intervient pas. Seulement, il doit en être informé pour

savoir à qui il va payer. S'il n'a pas été averti, le paiement qu'il va faire dans les mains

du créancier B sera valable.

2° Subrogation consentie par le débiteur

Cette subrogation conventionnelle se réalise sans le concours du créancier. A

est débiteur d'une somme d'argent à B. La dette est exigible mais A n'est pas à

mesure de rembourser à B. A demande à son ami C de payer à B quitte à être

remboursé ultérieurement par lui.

Précisons que cette forme de subrogation est soumise à certaines conditions (Article

148, alinéa 2). Il faut que le contrat de prêt qui se passe entre le débiteur et la tierce

personne soit un acte notarié. Et cet acte doit indiquer la destination de la somme

empruntée, c'est-à-dire que la somme est empruntée dans les fins d'effectuer un

paiement. Dans la quittance, on doit marquer l'origine des fonds. On doit indiquer

que l'argent provient d'un emprunt d'une tierce personne passé par le débiteur. Mais

pourquoi tant de formalités ? Ces formalités ont été instituées pour éviter les fraudes,

pour que le débiteur n'emprunte de l'argent pour d'autres fins, pour qu'il ne trompe

pas le créancier et la tierce personne.


214

En conclusion, l'effet du paiement subrogatoire est que celui qui a payé ou qui a

prêté l'argent à payer possède l'action contre le débiteur.

§.III les garanties d’exécution d’une obligation(ou du paiement)

I Généralités

Le principe est que tous les biens du débiteur sont commun pour ses créanciers. Ceci

résulte de l'article 1er de la loi hypothécaire de 1922. Et il résulte de ce principe que

le créancier qui n'obtient pas son dû peut saisir les biens de son débiteur. Il faut saisir

n'importe quels biens meubles ou immeubles, présents ou à venir, corporels ou

incorporels. Il en résulte que tous les créanciers ont le même droit sur les biens du

débiteur, sauf lorsqu'il y a des créanciers privilégiés.

Toutefois certains biens ne sont pas affectés au paiement des créanciers .ils sont donc

insaisissables. Ce sont les allocations familiales, les pensions alimentaires, une

certaine quotité du salaire etc.

Certains biens sont affectés à une créance. Des immeubles hypothéqués, mis en gage,

ne peuvent être saisis que par le créancier pour qui ils constituent une garantie. Il est

donc préféré aux autres créanciers.

Précisons aussi le cas des sociétés à responsabilité limitée et à responsabilité

illimitée. Par responsabilité limitée, on veut dire que la responsabilité des associés va

à concurrence de leur participation. Dans ces sociétés, les créanciers ne peuvent

saisir que les biens n'allant pas au-delà de leurs apports contrairement aux associés

des sociétés à responsabilité illimitée pour lesquels la responsabilité dépasse leur

mise.
215

La contrainte sur les biens se réalise au moyen des saisies. Ces saisies sont pratiquées

par l'huissier de justice. Il existe plusieurs sortes de saisie, les saisies conservatoires

ou préparatoires et les saisies exécutoires. Les saisies conservatoires ne portent que

sur les immeubles et ont pour but de mettre les biens sous les mains de la justice afin

d'empêcher au débiteur d'en disposer au détriment du créancier. Les saisies

exécutoires, quant à elles, portant sur les biens meubles et immeubles, ont pour but

de les réaliser afin qu'il y ait recouvrement du créancier, mais bien évidemment cette

créance que l'on veut recouvrer doit être certaine, liquide et exigible.

II Mesures de conservation du patrimoine du débiteur

Les créanciers, surtout les créanciers chirographaires ont toujours à redouter que le

débiteur ne puisse faire disparaître ses biens en les aliénant ou en les transformant en

d'autres valeurs, faciles à dissimuler. Ou alors le débiteur peut négliger de conserver

ses biens au détriment du créancier. Pour prévenir ces dangers, la loi organise une

série de mesures de protection.

1 L'action oblique

Cette action appelée aussi action indirecte est prévue par les dispositions de l'article

64 CCL III. On entend par là le pouvoir que la loi reconnaît au créancier d’exercer en

cas d’inexécution du débiteur les droits de celui ci contre les tiers. Le texte de l'article

64 est on ne peut plus clair. L'objet de cette action est celui de l'exercice de tous les

droits du débiteur, sauf ceux qui sont attachés à sa personne.

Pour que l'action oblique soit engagée, il faut qu'il y ait inaction du débiteur. Il faut

aussi un intérêt à agir à la place du débiteur. L'intérêt fait défaut si le débiteur est par
216

exemple notoirement solvable. L'action oblique a un caractère hybride. C'est une

action qui appartient au débiteur mais qui est intentée par le créancier. Et de ce

caractère mixte, il résulte les conséquences suivantes :

- l'action se met au nom du débiteur ; c'est le débiteur qui est partie au procès. Si le

procès est gagné ; c'est au fond le débiteur qui obtient gain de cause.

- Comme il s'agit d'une action au nom du débiteur, le tiers qui est attaqué pourra

opposer toutes les exceptions qu'il pourrait opposer au débiteur

- Le créancier doit poursuivre la condamnation du tiers à concurrence de ce que le

tiers doit au débiteur et pas à concurrence de ce que le débiteur doit au créancier

- Le bénéfice de la condamnation tombe dans le patrimoine, non pas des créancier,

mais du débiteur. Le bénéfice de la condamnation sera ensuite à la disposition de

tous les créanciers et non pas seulement à la disposition du créancier qui a poursuivi

la créance du débiteur.

2 L'action paulienne

L'action paulienne est celle par laquelle le créancier fait annuler à son égard les actes

conclus par le débiteur à seule fin de rendre insolvable ou d'augmenter une

insolvabilité existante. La loi reconnaît au créancier le droit de faire annuler tous les

actes passés en fraude de ses droits par le débiteur. Cela nous revient de l'article 65.

On appelle aussi cette action " action révocatoire " parce qu'elle permet de révoquer

les actions conclues.


217

1° Conditions d'exercice de l'action paulienne

- L'appauvrissement des débiteurs. Il faut entendre par là tout acte ayant pour effet

de diminuer le patrimoine du débiteur. Il peut s'agir des actes d'aliénation, des

remises de dette, de cautionnement, etc.

- Il faut qu'il y ait préjudice pour le créancier. Ce préjudice consistera dans le fait que

l'acte par lequel le débiteur s'appauvrit, ne permet plus au créancier d'exercer ses

droits pour autrui, c'est-à-dire ne permet plus d'obtenir la totalité de la créance.

Ainsi, si le débiteur a d'autres biens qui peuvent permettre d'obtenir la totalité de la

créance, le créancier n'a aucun intérêt à exercer l'action paulienne. Ce n'est que dans

le cas contraire qu'il pourrait l'exercer.

- Il faut qu'il ait fraude du débiteur. Il faut que les actes passés par le débiteur soient

des actes frauduleux. Le mot fraude n'est pas synonyme de dol, c'est-à-dire qu'il n'y a

pas comparaison avec une intention de nuire qui anime le débiteur. Le mot fraude

veut dire tout simplement que le débiteur doit avoir la conscience de son

insolvabilité et que malgré cette conscience, il s'appauvrit.

- La complicité des tiers. Si l'appauvrissement profite à un tiers, le créancier va s'en

prendre à cet acte et devra prouver que le tiers connaissait la situation dans laquelle

était plongé le débiteur. Il devra également prouver que le tiers connaissait les

conséquences que la situation du débiteur pouvait entraîner pour le créancier. Ici, on

veut surtout insister sur la mauvaise foi du tiers. Il est des cas où cette condition n'est

pas nécessaire pour l'exercice de l'action paulienne, des cas où cette complicité n'est

pas exigée. C'est en matière des contrats à titre gratuit. Dans ce cas, il est indifférent

que le tiers soit de bonne ou de mauvaise foi. La complicité n'est pas non plus exigée

en matière de faillite du débiteur. Les actes accomplis pendant cette période sont
218

présumés être frauduleux et peuvent être attaqués par le créancier. Il n'est donc pas

nécessaire qu'il y ait complicité du tiers.

2° Les effets de l'action paulienne

L'action paulienne a pour but de révoquer à l'égard du créancier les actes accomplis

par le débiteur en fraude de ses droits. En d'autres termes, l'appauvrissement

frauduleux du débiteur devient inopposable au créancier. Et les conséquences en

sont les suivantes :

- le débiteur doit être mis en cause

- l'action paulienne est dirigée en premier lieu contre le tiers de mauvaise foi ou de

bonne foi, s'il s'agit des libéralités. C'est donc le tiers acquéreur qui est le défendeur

principal de l'action. Dans la mesure où l'action paulienne touche le tiers défendeur,

elle touchera aussi le tiers sous-acquéreur.

- L'action paulienne a un effet relatif, c'est-à-dire le bénéfice de l'action ne profite

qu'au créancier diligent. Le jugement intervenu ne produira d'effets qu'entre le

créancier intervenant et le défendeur. Ainsi, l'acte frauduleux est révoqué

uniquement à l'égard du créancier poursuivant et non pas à l'égard des autres

créanciers ; ce qui constitue une différence fondamentale entre l'action paulienne et

l'action oblique.

3 L'action en déclaration de simulation

Il y a simulation lorsque les parties au contrat ont caché leur véritable convention,

laquelle convention résulte d'un acte secret. Et on fait apparaître un acte fictif au

moyen d'un acte apparent.


219

Les tiers peuvent se prévaloir soit de l'acte secret, soit de l'acte ostensible. Et c'est par

l'action en déclaration de simulation que ces tiers vont invoquer l'un ou l'autre acte.

1° Comparaison entre l'action en déclaration de simulation et l'action oblique

La première ne peut être confondue à la seconde. L'action oblique est en effet une

action qui appartient au débiteur mais qui est exercée par le créancier. Il en découle

que le bénéfice de l'acte tombe dans le patrimoine du débiteur et profite à tous

les créanciers. Et de l'action oblique se heurtent toutes les exceptions que le tiers

pourrait exercer contre le débiteur. Par contre, l'action en déclaration de simulation

est dirigée contre le débiteur. Et le demandeur agit pour son propre compte. Il n'a

pas à craindre des exceptions opposables au débiteur.

2° Comparaison entre l'action en déclaration de simulation et l'action paulienne

Les deux actions ont quelque chose de commun. Elles tendent à déjouer la fraude du

débiteur. Et l'action en déclaration de simulation tend à révéler parfois la véritable

intention des parties. En d'autres termes, à relever l'acte secret. Et l'action paulienne

tend aussi à relever les actes frauduleux. La différence est que l'action paulienne tend

à combattre l'acte frauduleux mais qui est réel et qui a été effectivement produit. Par

contre, l'action en déclaration de simulation combat un acte frauduleux mais qui est

fictif, qui n'est pas réel. Elle tend à combattre une apparence frauduleuse. Par l'action

paulienne, on fait rentrer des biens dans le patrimoine du débiteur, des biens qui

étaient réellement sortis de ce patrimoine. Par l'action en déclaration de simulation

par contre, on ne fait pas rentrer parfois les biens dans le patrimoine parce que rien

n'en est sorti.


220

SECTION II : LES AUTRES MODES D'EXTINCTION DES OBLIGATIONS

Parmi d'autres modes, on retrouve aussi la compensation, la prescription, la remise

de dette, la subrogation, la novation, la confusion, etc.

I La novation

La novation est l'extinction d'abord d'une obligation par la création d'une nouvelle

obligation destinée à remplacer l'ancienne. La novation s'opère par voie de

convention entre les parties. Il s'ensuit donc qu'elle doit remplir toutes les conditions

de validité du contrat.

La novation suppose un certain nombre de conditions. Il faut l'existence d'obligation

à éteindre et la création d'une nouvelle obligation qui remplace l'ancienne. Cette

nouvelle obligation doit être différente de l'ancienne. Il faut qu'il y ait l'intention de

nover comme le précise l'article 165. La novation doit être clairement exprimée dans

le contrat, car elle ne se présume point.

II La compensation

C'est une opération très fréquente en droit. Elle signifie que si deux personnes sont

débitrices l'une de l'autre, les dettes respectives s'éteignent de plein droit, si elles

portent sur des choses fongibles, c'est-à-dire interchangeables.

C'est une balance comme nous le dit DEMELOMBE dans laquelle on place les deux

têtes. Si elle se tient égale de 2 côtés, l'extinction est totale. Si elle penche d'un côté

plus que l'autre, l'extinction est partielle et la dette qui pèse le plus n'est éteinte qu'à
221

concurrence de la dette qui pèse le moins. Il y a plusieurs sortes de compensation. Il y

a la compensation prévue à l'article 182. C'est la compensation légale. Cela veut dire

que dans les cas exprimés dans l'article 182, la compensation s'opère de plein droit,

c'est-à-dire automatiquement. Dès l'instant où les deux dettes existent et que les

conditions déterminées par la loi sont réunies, les deux dettes s'éteignent

automatiquement. Il y a aussi la compensation conventionnelle par laquelle les

parties s'entendent pour opérer entre elles la compensation, sauf s'il s'agit d'une

question d'ordre public. Les parties ne pourraient pas aussi s'entendre pour

compenser les dettes insaisissables (article 190). Enfin la compensation peut être

judiciaire lorsqu’elle est décidée par le tribunal. C'est le cas où le défendeur introduit

une action portant sur la compensation pour écarter l'action principale.

IV La confusion

La confusion est la réunion de tous les droits entre les mêmes mains. C'est donc la

réunion des qualités de débiteur et de créancier sur la tête d'une personne.

Exemple : le père créancier de son fils meurt et ce dernier hérite. Deux société

créancières et débitrices l'une de l'autre fusionnent.

V La remise de la dette

La remise de la dette a lieu lorsque le créancier libère débiteur par l'abandon de sa

dette. La manifestation de cette intention se remarque par la remise volontaire du

titre constatant la dette au débiteur. Mais comme celui-ci peut s'être fait remettre le

titre pour d'autres raisons, il est offert au créancier de prouver que la remise ne

signifiait pas l'abandon de la dette.


222

La remise de la dette éteint la dette avec tous ses accessoires. Mais alors, en cas de

solidarité, la remise de dette à l'un des débiteurs profit-t-elle aux autres ? En principe

oui ! Sauf si le créancier a précisé expressément qu'il n'entend pas libérer tous les

débiteurs. Et là, il ne pourra les suivre que sur réduction de la part de celui qui a

bénéficié de la remise de dette.

VI La perte de la chose due ou impossibilité d'exécution

L'obligation est éteinte, lorsque la prestation est devenue impossible. L'impossibilité

d'exécution se rattache au problème majeur que nous avons déjà développé

précédemment. Indépendamment de la cause étrangère, les article 194 et 195 édictent

un certain nombre de principes et de règles spéciales.

VII : La prescription libératoire

Elle est traitée dans les article 613 et 660. Il y a deux sortes de prescription. La

prescription extinctive ou libératoire et la prescription acquisitive ou l'usucapion. La

prescription extinctive résulte de l'expiration d'un certain laps de temps pendant

lequel le titulaire n'aura pas exercé son droit. Elle est donc due à l'inaction et elle est

fondée sur l'idée d'un intérêt pratique. On veut éviter des vieux dossiers difficiles à

juger en raison de l'éloignement des faits. Elle protège également le débiteur qui est

dispensé de conserver indéfiniment les titres faisant preuve de sa libération.

Plusieurs sortes de prescriptions existent. Les unes sont prévues par le code, les

autres par des lois particulières. Il y a la prescription de droit commun (article 647), il

y a la prescription décennale (article 196), la prescription quinquennale et les autres

prescriptions plus courtes comme celles de l'article 652. Des lois particulières

organisent aussi des prescriptions encore plus courtes, notamment celles de 3 ans

pour les questions en rapport avec le contrat de travail, de 2 ans par le contrat de

transport, etc.
223

* Quid du calcul du délai de prescription ?

Il s'agit d'examiner d'abord le point de départ du délai de prescription ainsi

que les événements qui peuvent interrompre ou suspendre cette prescription.

1° Le point de départ du délai de prescription

la prescription suppose l'inaction du créancier pendant un certain laps de temps. Elle

ne peut commencer à courir qu'au moment où l'action du créancier est ouverte. Et

cette action est ouverte à partir de l'exigibilité de la créance. Et la prescription se

compte par jour et non pas par heure. Et le premier jour de départ n'est pas compté.

C'est le principe de " dies ad quo ", tandis que le dernier jour est compté. C'est le

principe du " dies ad quem ".

2° Les événements qui suspendent la prescription

la suspension est un temps d'arrêt pendant lequel la prescription sommeille. Le

temps antérieur à la suspension reste utile et ce temps sera additionnée plus tard

avec le temps qui va courir lorsque la cause de la suspension aura disparu. L'article

644 énumère les causes de suspension de la prescription.

Notons que la suspension peut être aussi conventionnelle. Les parties peuvent se

convenir que la prescription en cours sera provisoirement suspendue jusqu'à la date

qu'elles déterminent.

3° Interruption de la prescription

Elle est la survenance d'un événement, d'un fait qui rend inutile tout le temps coulé

antérieurement. Contrairement à la suspension, le temps antérieur à l'événement est


224

pratiquement perdu. Les causes se trouvent dans l’article 636 et suivants. La

prescription peut être interrompue soit naturellement, soit civilement. L'interruption

naturelle résulte de la perte de la possession pendant un certain temps. L'article 636

nous indique les causes d'interruption qui sont notamment les actes de poursuite,

citation en justice, les assignations, les conclusions faites en justice, commandement

de payer et les saisies (article 638), la reconnaissance de dette par le débiteur (article

640).

CHAPITRE IV : LA PREUVE

Section I : Les principes

Si l'existence d'une obligation est contestée, celui qui en réclame l'exécution doit

prouver son existence. Il doit établir la véracité de cette obligation contestée. La

preuve incombe donc au demandeur ; " actori incumbit probatio , disaient les Romains.

En effet, le créancier ne peut se borner à affirmer devant le tribunal qu'il possède telle

créance sut telle personne. Il doit le prouver car " nul n'est tenu sur parole en justice ".

voici comment les juristes justifient cette règle : jusqu'à preuve du contraire, il est

logique et rationnel de penser que celui qui détient une chose en est le propriétaire

ou qu'une personne n'est tenue d'aucune obligation vis-à-vis d'une autre. Le

défendeur doit donc conserver les avantages de sa situation qui fait présumer soit

qu'il est propriétaire, soit qu'il n'est pas débiteur. Tant que la preuve n'est pas

administrée, ces présomptions militent en sa faveur. Une fois la preuve établie par le

demandeur, ces présomptions tombent. Si le défendeur cherche à sont tour à détruire

les arguments du demandeur par d'autres allégations, il devient cette fois-ci

demandeur et devra établir leur bien fondé. Le demandeur qui est lésé mais qui n'a

pas d'argument se trouve dans une situation malheureuse, car avoir un droit dont on

est incapable de rapporter la preuve équivaut à n'en avoir aucun. Les plaideurs ne

doivent pas prouver les faits de droit, c'est-à-dire les conséquences juridiques qui
225

s'attachent à un fait déterminé. Ils ne sont pas là pour enseigner le juge. Ils doivent

plutôt prouver la véracité du fait matériel. Il est cependant des cas où le plaideur doit

prouver le droit, lorsque par exemple il s'agit d'un usage qui prête à contestation

d'une loi étrangère car le juge n'est pas censé connaître toutes les lois étrangères. La

loi qui réglemente la matière en droit civil précise quels sont les moyens de preuve

admis, la valeur et la hiérarchie de ces moyens de preuve. La loi ne réglemente pas la

preuve en matière pénale. Il en est de même en matière commerciale sous certaines

réserves. La preuve en matière civile fait l'objet à l'article 197 à l'article 246 du CCL

III. Mais il faut se garder de faire la confusion en lisant l'intitulé du chapitre 6 du

CCL III qui semble dire que la preuve ne s'applique qu'au paiement qui n'est qu'un

mode d'extinction des obligations. Ce chapitre s'applique à tous les modes

d'extinction des obligations et ses dispositions ont une portée générale. Il s'applique

non seulement aux droits de créances mais également aux droits réels. En matière de

preuve, le juge doit observer deux principes. Le juge doit rester passif, en ce qui est

de l'administration de la preuve. Il appartient aux parties de prouver leurs

prétentions . Le juge ne fait qu'écouter la valeur de la preuve, l'apprécier et décider le

soin à y apporter. Ce principe connaît deux aménagements. Quand le juge est amené

à être actif notamment lorsqu'il ordonne des expertises, des enquêtes de l'audition

des témoins, du transport sur les lieux. Mais ces mesures sont administratives et elles

sont destinées à mettre l'affaire en état. Le juge ne peut pas faire état de conscience

personnelle, c'est-à-dire que le juge ne peut pas former sa conviction sur base de la

conscience personnelle qu'il a des faits. Sa neutralité doit rester absolue.

Section II Les différents modes de preuve


226

§.1. La preuve littérale ou preuve écrite

Au point de vue hiérarchique, la preuve littérale prime sur les autres moyens de

preuve. Les écrits qui peuvent servir de preuve sont les écrits sous seing privé et les

actes authentiques. Mais en dehors de cette catégorie, le code mentionne divers

autres écrits (article 211 à 214).

1° Actes authentiques

L'acte authentique est un écrit rédigé dans les formes légales par un officier public

compétent, c'est-à-dire un fonctionnaire qui a reçu la qualité pour assurer

l'authenticité des actes. Il faut que cet officier soit compétent quant à la matière et

quant au territoire. Rédiger dans les formes légales signifie que certaines formalités

doivent être exigées. L'acte authentique a par voie de conséquence une force

probante. Cela veut dire que l'acte authentique fait pleine foi entre les parties

contractantes. A l'égard des tiers, la loi reste imprécise, mais si la loi ne dit rien,

l'existence d'un negocium est un fait qui s'impose aux tiers. La question doit aussi

s'imposer aux tiers. On peut dire donc que l'acte authentique, c'est-à-dire l'acte

instrumentum fait foi aussi vis-à-vis des tiers, dans la mesure où il fait foi entre les

parties. Mais les tiers peuvent toujours refuser les constatations de l'officier public, et

pour y arriver, il faut qu'ils produisent un acte authentique contraire et cela par une

procédure particulière qu'on appelle l'inscription en faux. On peut s'inscrire en faux

soit par voie pénale soit par voie civile. Le faux pénal est dirigé contre l'auteur pénal

du faux qui est l'officier. Le faux poursuivi par voie pénale s'appelle faux principal.

Le faux civil est dirigé contre l'acte civil lui-même, avec comme défendeur celui qui

s'en prévaut. Ce faux s'appelle le faux civil incident. Notons que cette procédure

d'inscription en faux est très compliquée. Et c'est pourquoi l'article 201 permet aux

parties de prouver par un autre acte littéral contraire.


227

Quid des actes qui sont dressés par un officier incompétent ou dressés sans respecter

les formalités requises ? Le principe est que ces actes ne sont pas frappés de nullité,

mais plutôt considérés comme des actes sous seing privés s'ils remplissent les

conditions de ces derniers. Mais il faut savoir que si la loi exige un acte authentique

comme condition de validité de l'acte negocium, cet acte authentique irrégulier ne

peut pas cependant être considéré comme acte sous seing privé.

Exemple : le contrat de mariage. Il y a des cas où l'acte negocium peut être constaté

indifféremment par un acte sous seing privé ou par un acte authentique. C'est

l'exemple du contrat de vente. La nullité de l'instrumentum n'aura pas d'incidence

sur l'existence de la vente. Celle-ci reste valable. Il y a des cas aussi où la nullité

résulte de la violation ou de l'omission d'une condition essentielle. Exemple : le

notaire a oublié de signer l'acte authentique.

2° L'acte sous seing privé

C'est tout écrit revêtu de la signature des parties. Aucune intervention de l'officier

public n'est nécessaire. Et cette signature doit présenter néanmoins un caractère de

permanence. Ne sont pas considérés comme signature les paraphes. La partie qui

signe reconnaît que le texte émane d'elle et qu'il est conforme à sa volonté. La

signature emporte l'adhésion. Normalement, la signature est apposée en bas du texte.

Mais juridiquement la place de la signature importe peu. L'acte sous seing privé

suppose une écriture, un texte qui peut être dactylographié, photocopié, manuscrit. Il

peut être rédigé dans une longue commune des parties ou dans une langue

étrangère. L'acte sous seing a entre les parties contractantes, les héritiers, les ayants

cause, la même foi que l'acte authentique, dit l'article 204. L'acte sous seing privé,

pour qu'il puisse sortir tous ses effets entre les parties, doit soit être reconnu, soit

légalement tenu. S'il n'est pas reconnu, c'est-à-dire s'il est dénié par son auteur, il n'a

aucune force probante. A l'égard des tiers, le principe est le même que pour les actes
228

authentiques, c'est-à-dire que l'acte sous seing privé est valable jusqu’à la production

d’un acte littéral contraire. Les règles particulières concernant les actes sous seing

privés sont prévues par le code civil. C'est notamment le cas des règles concernant les

écrits en rapport avec les conventions synallagmatiques et les écrits constatant les

sommes d'argent ou les promesses évaluables en argent, respectivement à l'article

207 et à l'article 208.

En définitive, l'article 211 organise d'autres écrits : les livres de commerce, les

registres, le papier domestique, les écrits constatant les listes de la créance, les copies

du titre, les actes confirmatifs, les actes mussifs.

§.2. La preuve testimoniale

Elle résulte de l'audition des personnes qui ont vu ou entendu les faits dont ils vont

témoigner l'existence. Les témoignages ont une portée parfois limitée car on ne peut

pas se souvenir de toutes les clauses des conventions dont on a été témoin. Cette

preuve testimoniale est donc fragile et c'est pourquoi la loi consacre le principe de la

prohibition de la preuve testimoniale en exigeant notamment un acte authentique ou

sous seing privé pour toute chose dépassant la valeur de 2.000 Frs, sauf dans des cas

exceptionnels en matière commercial notamment, où il y a la liberté de preuve ou

lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit ou alors lorsqu'il y a eu

impossibilité de preuve écrite.

§.3. Les présomptions

L’article 225 énonce que les présomptions sont des conséquences que le magistrat tire

d'un fait connu à un fait inconnu. En d'autres termes, il s'agit des faits connus

permettant au juge d'en déduire un fait inconnu. On distingue les présomptions

légales des présomptions de fait. Les présomptions légales instaurées par la loi sont
229

par exemple le cas où le débiteur est présumé libéré lorsque le créancier lui remet le

titre constatant la créance. D'autres présomptions sont de fait. Exemple : si vous

réussissez à l'examen, je vais présumer que vous avez compris la matière.

A supposer qu'il soit découvert par après que vous avez triché, la vérité s'établit et la

présomption tombe. Dans une société de construction, la loi présume que l'édifice qui

s'écroule avant 10 ans a été construit sans respect des règles de l'art, et par

conséquent l'architecte et l'entrepreneur sont en faute. Notons en définitive que la

présomption n'est pas nécessairement la certitude, mais une probabilité. Et la

présomption ne peut être admise que là où l'acte formel n'est pas obligatoire (cfr

article 229). Les présomptions qui n'émanent pas directement de la loi sont laissées à

l'appréciation du juge qui doit être guidé par une conviction, une conscience qui,

d'après les circonstances, va déterminer si les faits sont vraisemblablement vrais ou

faux. Il ne doit donc admettre que des présomptions graves, dit l'article 229.

§.4. L'aveu

C’est la reine des preuves. L’aveu est la reconnaissance par une partie de l'exactitude

d'un fait qui pèse sur elle. L'aveu dispense la partie adverse de la preuve. Il existe

l'aveu judiciaire quand il est fait devant le juge et au cours d'instance. L'aveu

judiciaire fait plein foi contre son auteur. L'aveu extra-judiciaire est celle qui est fait

en dehors du juge et, par conséquent, ne le lie pas.

§.5. Le serment

Le serment judiciaire est l'affirmation favorable à celui qui parle, une déclaration de

volonté. Un serment déclaré devant le juge en invoquant une personne qui lui est

chère par exemple. On distingue le serment décisoire du serment supplétoire. Le

serment décisoire est celui que l'une des parties défère à l'autre pour en faire

dépendre le jugement de la cause. En d'autres termes, on fait appel à la conscience de


230

l'adversaire. On lui demande de jurer. Le serment supplétoire quant à lui est celui

déféré par le juge à l'une des parties. Ainsi, le serment supplétoire est ordonné par le

juge, mais ne tranche pas le litige contrairement au serment décisoire. On admet

enfin le serment dit estimatoire, celui imposé par le juge et qui porte sur l'estimation

de la chose demandée. Le juge fixe la somme à concurrence de laquelle le demandeur

doit prêter serment. Le serment estimatoire est un simple mesure d'instruction, c'est-

à-dire qu'il ne lie pas le juge.

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