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MÉMOIRE

POUR L’OBTENTION DU DIPLÔME DE


MASTER II EN DROIT DES AFFAIRES

THÈME :
Le salarié et la protection contre le
harcèlement moral en droit ivoirien

Directeur de mémoire : Professeur ALLA Koffi Etienne, Agrégé des


facultés de droit, Avocat au Barreau
d’Abidjan
JURY
Président : Professeur COULIBALY Climanlo Jérôme, Agrégé des
Facultés de Droit, Avocat au Barreau
d’Abidjan
Suffragant : Professeur ALLA Koffi Etienne, Agrégé des facultés
de droit, Avocat au Barreau d’Abidjan
Suffragant : Dr COULIBALY Mamadou Kounvolo, Maître-Assistant à
l’Université Jean Lorougnon GUEDE de
Daloa

Présenté et soutenu publiquement par :


Kouassi Affoué Annick
AVERTISSEMENT

« La faculté des sciences juridiques de l’Institut Universitaire d’Abidjan (IUA )


n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce
mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs »
DEDICACE

A mon père et à ma mère !


REMERCIEMENTS

Mes remerciements pour cette aventure, vont de prime abord à l’endroit du Seigneur
Jésus Christ qui a su mettre sur mon chemin des personnes exceptionnelles qui ont
impacté positivement mon parcours universitaire.
Mes remerciements vont aussi à l’endroit du Docteur Mamadou Kounvolo, Docteur en
Droit, qui a su m’encadrer et me conseiller durant cette année académique.
Mes remerciements vont également a l’endroit du Professeur ALLA Koffi Etienne
agrégé des facultés de Droit et Avocat au barreau de Côte d’Ivoire,

Ma reconnaissance est adressée au corps enseignant en l’occurrence aux chargés des


travaux dirigés qui n’ont ménagé aucun effort pour m’aider dans le cadre de mon année
académique. Je ne peux que louer vos qualités humaines.

Je remercie également toutes les personnes qui m’ont soutenu moralement,


financièrement et physiquement.
SOMMAIRE

PARTIE 1 : LA CREATION RELATIVE DE L’ENTREPRISE FAMILIALE EN


DROIT OHADA

CHAPITRE 1 : La création autorisée de certaines formes de sociétés


Section 1 : Les raisons et les prérécquis de l’autorisation de la création
Section 2 : Le domaine d’autorisation de la création des entreprises familiales

CHAPITRE 2 : La création interdite

Section 1 : Une interdiction fondée sur l’éventualité


d’une atteinte au patrimoine familiale en cas de création d’un certain type d’entreprises

Section 2 : Une interdiction fondée sur la recherche d’une sécurité juridique dans l’espace
OHADA

DEUXIEME PARTIE : LA GESTION DE L’ENTREPRISE FAMILIALE, UN


RISQUE POUR LES CONJOINTS

CHAPITRE 1 : Le principe du patrimoine d’affection

Section 1 : Le sens du principe

Section 2 : Les effets du principe du patrimoine d’affection

CHAPITRE 2 : Le recours circonstancié au patrimoine des époux

Section 1 : Les causes du recours

Section 2 : Les effets du recours


INTRODUCTION

Pendant la dernière décennie nous constatons une évolution au niveau du harcèlement. Le


harcèlement devient de plus en plus fréquent ou est plus accentué dans les médias : des
agressions dans le trafic, le harcèlement sexuel (au travail ou ailleurs), la violence au travail,
le harcèlement à l’école et au travail. Le harcèlement moral est devenu depuis quelques
années une problématique mondiale. En France, c’est plus de 30% des salariés français qui
déclarent subir un harcèlement moral au travail 1. En côte d’ivoire, en plus du harcèlement
sexuel, le harcèlement moral fait partie des difficultés que rencontrent les salariés. Les
juridictions sociales ont déjà été confronté à des litiges en la matière2.

Le harcèlement peut être défini comme un enchaînement d’agissements hostiles, dont la


répétition affaiblit moralement la personne qui est victime. Il peut se présenter sous diverses
formes et dans différents lieux : Cyber harcèlement, stalking, physique, sexuel, de
rue, harcèlement scolaire, au travail, et surtout le harcèlement moral.

Selon le code du travail « Constituent un harcèlement moral les comportements abusifs, les
menaces, les attaques, les paroles, les intimidations, les écrits, les attitudes, les agissements
1
Article de Etienne Mercier, trois salariés sur dix sont victime d’harcèlement moral au Travail
2
Par exemple : Arrêt rendu par la 2e chambre sociale de la Cour d’Appel Arrêt N°377/18/ Du 19/04/2018
répétés à l'encontre d'un salarié, ayant pour objet ou pour effet la dégradation de ses
conditions de travail et qui comme tels sont susceptibles de porter atteinte à ses droits et a sa
dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir
professionnel »3 Selon la jurisprudence française, le harcèlement moral ne doit être entendue
comme étant le fait unique de l’employeur, mais que toute personne peut se rendre coupable
ou être victime du délit de harcèlement moral au sein de l’entreprise, peu importe son statut :
employeur, supérieur hiérarchique, simple collègue de travail ou même un subordonné4

Quant au salarié, l’article 2 du même code dispose « est considérée comme travailleur ou
salarié, quels que soient son sexe, sa race et sa nationalité, toute personne physique qui s'est
engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous la direction et
l'autorité d'une autre personne physique ou morale, publique ou privée, appelée employeur »
Le salarié, dans l’exercice de son travail peut être confronté au harcèlement moral, lequel a
nécessairement une influence considérable l’accomplissement de ses obligations
professionnelles. Le harcèlement au travail à de lourdes conséquences. Il touche bien sûr le
travailleur ou la travailleuse directement concerné, mais il affectera aussi le lieu de travail
dans son ensemble, les collègues, les employeurs, la famille des victimes et même la société́
au sens large. Le harcèlement moral gâche la satisfaction que d’aucuns tirent de leur travail.
Mais il atteint aussi leur santé, augmentant d’autant la souffrance, et provoque des absences
pour maladie qui, généralement, aboutissent à une baisse des revenus. La réaction en chaîne
atteindra alors la famille et pourra amener les victimes à se réfugier dans la consommation de
drogues ou dans l’alcoolisme. Dans les cas extrêmes, elle peut conduire au suicide. L’impact
sur l’organisation du travail est également évident. Absentéisme, diminution du rendement,
détérioration des relations professionnelles et difficultés de recrutement figurent parmi les
effets immédiats de la violence au travail. Par ailleurs, celle-ci peut donner lieu à des plaintes,
à des procédures devant les tribunaux et à des demandes de compensations qui peuvent nuire
à l’image de l’entreprise. Les mesures de sécurité́ qu’implique la violence peuvent coûter très
cher, alors que la prévention permettrait de gagner sur tous les tableaux.

Outre les problèmes éthiques que pose le harcèlement moral, il a un coût qui nous concerne
tous, que ce soit en tant qu’être humain, par la détérioration des relations familiales ou des
liens sociaux entre collègues et amis. Dans ce sens il y a eu lieu de s’interroger : Les salariés

3
Article 5 Loi N°2015-532 du 20 Juillet 2015 Portant Code du Travail
4
Crim. 6 déc. 2011, n°10-82.266
bénéficient-ils d’une protection contre le harcèlement moral ? La protection des salariés est
assurée par un corpus législatif interdisant tous actes de harcèlement moral (I), Cependant,
l’étude attentive et religieuse de cette protection permet d’affirmer que celle-ci est en réalité
très limitée (II)

PARTIE I : LE HARCELEMENT MORAL, UNE PROTECTION ASSURÉE DES


SALARIÉS
Il existe dans le code du travail plusieurs dispositions protégeant le salarié faisant l’objet de
harcèlement moral (Chapitre 1) mais aussi le salarié qui a témoigné contre un harcèlement
(Chapitre 2)

Chapitre 1 : L’interdiction des sanctions à l’égard du salarié objet du harcèlement ou


témoin

Il est interdit le licenciement du salarié (section 1) mais aussi toutes autres formes de
sanctions (section 2)

Section 1 : L’interdiction du licenciement du salarié sanction

Plusieurs raisons peuvent amener un employeur à prendre la décision de se séparer d’un ou


plusieurs de ses salariés, mais une seule option s’impose à lui pour rompre un contrat de
travail : le licenciement.

Le licenciement peut intervenir pour plusieurs motifs. Il peut intervenir pour motif personnel
comme pour un motif économique5. Toutefois, le licenciement ne peut être pris pour un motif
personnel dépourvu de raisons fondées sur l’intérêt de l’entreprise. L’employeur ne peut, à
l’instar des sanctions stricto sensu, licencier le salarié objet du harcèlement encore ou le
salarié témoin6. Un tel licenciement serait abusif et pourrait donner droit à une action en
justice de la part du salarié lésé.

De même, l’employeur ne peut se fonder sur l’action en justice engagée par le salarié en vue
de faire respecter ses droits fondamentaux comme motif du licenciement. Un tel licenciement
est nul et de nul effet. Le salarié licencié aura droit à une réintégration. Lorsque l’employeur
s’oppose à cette réintégration, il sera tenu au paiement de dommages et intérêts à l’égard du
salarié7

Pour pallier à tous ces maux, le code du travail fait obligation a l’employeur, d’afficher dans
les lieux ou de travail ou à la porte des locaux où se fait l’embauche8

5
Article 18.9 Code du Travail de 2015
6
Article 5 alinéa 1 Code Du Travail de 2015
7
Article 6 Code du Travail de 2015
8
Article 7 Code du Travail de 2015
Section 2 : L’interdiction de toutes autres sanctions

La sanction, prise dans son acception négative, est “un mal infligé à une personne comme
conséquence d’un acte contraire au droit” 9 Présente dans toutes les branches du droit, la
sanction revêt une importance particulière en droit du travail dans la mesure où celui-ci a pour
objet d’assurer la réponse a la violation des obligations du travail. Dans cette perspective, la
sanction est la conséquence de la violation du droit. Son instrumentalisation à des fins
purement personnelles, la déroutant de son objet principal, est interdit. Le code du travail
interdit toutes formes de sanctions à l’égard du salarié non seulement qui a refusé de subir les
agissements de harcèlement moral mais aussi le salarié témoin d’un harcèlement moral au
sein de l’entreprise10. Ces dispositions tendent à protéger les salariés contre les pressions dont
ils pourraient être l’objet du fait de s’être opposés à un harcèlement moral, ou de l’avoir
dénoncé. Ces dispositions favorisent une sérénité pour les salariés dans l’accomplissement de
leurs tâches professionnels sans craindre de se voir infliger une sanction. Ainsi, sont interdites
les sanctions disciplinaires ou toutes autres formes de sanctions tant qu’elle vise à faire subir
un mal au salarié du fait de son refus ou de son témoignage

9
J.-H. ROBERT, Droit pénal général, Paris, PUF, 6ème éd., 2005, p. 54.

10
Article 5 alinéa 1 code du Travail 2015
Chapitre 2 : L’Interdiction de la prise en considération du refus ou du témoignage du
salarié dans la prise de décisions

À côté de l’interdiction faite à l’employeur de sanctionner ou licencier le salarié ayant refusé


de subir les agissements de harcèlement moral ou celui ayant témoigné, il est aussi interdit au
même employeur, a son supérieur hiérarchique ou au futur employeur du salarié, de prendre
en considération ce refus ou le témoignage dans le cadre d’une embauche ou d’un
renouvellement de contrat de travail (Section 1) comme dans tout autres types de décisions
(Section 2)

Section 1 : L’interdiction de la prise en compte du refus du témoignage dans la décision


d’embauche, de renouvellement ou de résiliation du contrat de travail

Embaucher, c'est prendre quelqu'un à son service pour obtenir de lui une prestation de travail
dans des conditions de subordination moyennant rémunération. L’embauche marque le départ
de la relation contractuelle de travail : elle déclenche des obligations et responsabilités pour
l'employeur comme pour le salarié.

Celui qui embauche acquiert la qualité d'employeur, celui qui est embauché celle de salarié.
L’embauche du personnel est guidée par le principe de non-discrimination. C’est-à-dire que
l’employeur ne peut se baser des motifs liés au sexe, la race, a la religion ou au refus d’un
salarié de subir les agissements du harcèlement moral ou d’avoir dénoncé ce fait pour lui
refuser un travail.

Aussi, l’employeur ne peux user de son pouvoir et en considération des agissements du


salarié, et refuser, de renouveler son contrat de travail, ni se baser sur ces faits pour résilier le
contrat.

Section 2 : L’interdiction de la prise en compte dans la prise d’autres décisions

La protection du salarié passe aussi par l’interdiction la prise en considération des évènements
liés au harcèlement moral pour fonder ses décisions, préjudiciables au salarié. Cette
interdiction s’impose à un nombre plus large de personnes : Il ne s’agit pas uniquement de
l’employeur mais de toutes personnes susceptibles de prendre une décision préjudiciable au
salarié11. Qu’il s’agisse de l’employeur, ou de toute autre personne détenant un pouvoir
décisionnel a l’égard du salarié 12 Les décisions avantageuses au sein de l’entreprise doivent
être prise en considération des compétences et non des considérations individuelles liées au
harcèlement moral. Ainsi, le code du travail interdit 13 à toutes personnes de se fonder sur le
refus ou le fait d’avoir témoigné pour prendre des décisions en matière de rémunération, de
formation, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de
mutation ou de sanction disciplinaire. Ainsi on pourrait considérer que les faits liés au
harcèlement moral ne peuvent et ne doit être utiliser au sein de l’entreprise pour porter
préjudice au salarié.

PARTIE II : LE HARCÈLEMENT MORAL DU SALARIÉ, UNE PROTECTION


LIMITÉE

Cette limitation s’exprime tant au regard des difficultés de caractérisation de l’infraction


(Chapitre 1) mais aussi de l’absence de répression pénale du Harcèlement moral (Chapitre 2)

CHAPITRE 1 : La difficulté de « caractérisation » du harcèlement moral


11
L’article 5 alinéa 3 dispose « Nul ne peut prendre en considération… »
12
On pourrait penser à l’inspecteur du Travail dans le cadre de ses attributions en matière de licenciement des délégués du personnel ou au supérieur
hiérarchique de l’employeur
13
Article 5 alinéa 3 Code du Travail
La difficulté de caractérisation des actes s’aperçoit au regard des actes nécessaires a
l’existence du harcèlement moral (section 1) mais surtout à la difficulté pour le salarié,
d’apporter la preuve du harcèlement (section 2)

Section 1 : Les difficultés liées aux actes nécessaires à l’existence du harcèlement moral

Ces difficultés sont liées à la nécessité d’actes répétés (Paragraphe 1) dégradant les conditions
de travail (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : La nécessité d’actes « répétés »

Si, l’existence des dispositions interdisant l’employeur de fonder l’ensemble de ses décisions
sur le comportement du salarié vis-à-vis du harcèlement, Prouver l’existence du harcèlement
est en réalité assez problématique. Le code du travail énumère un certain nombre d’actes qui
permettent de conclure à l’existence du délit 14. Cependant, la commission de ces actes à eux
seuls ne suffit pas pour caractériser le « délit »15 de harcèlement moral. La commission de ces
actes doit être cumulée avec leurs répétitions : un acte isolé ne s’aurait être constituée un
harcèlement moral.
L’inconvénient incident est l’absence d’un critère temporel et numéral permettant aux juges
de conclure à l’existence ou non d’un harcèlement moral. Un doute s’installe inéluctablement
sur le temps nécessaire pour caractériser le harcèlement moral. Peut-on considérer qu’il y a
répétition à partir du deuxième acte ? du troisième acte ? La répétition du même acte deux fois
en l’espace de quelques minutes est-il constitutif d’une répétition ?

En tout état de cause l’incertitude a l’égard de la temporalité et du nombre d’acte nécessaire à


la conclusion d’une répétition n’est pas l’apanage du législateur. Certains lexiques ne sont
plus pas éclairant sur la question16. L’incertitude irrigue aussi le droit social français. La
jurisprudence a par exemple pris une décision inédite dans une espèce toute aussi particulière.
En effet la supérieure hiérarchique d’une salariée avait commis plusieurs écarts de langage sur
une même journée. Les juges ont estimé dans leur décision que ces agissements commis sur
une même journée constituaient un fait unique et qu’ainsi, le harcèlement moral ne pouvait
14
Article 5 Alinéa 5 Code du Travail
15
Délit au sens civil entendu comme un fait dommageable
16
Le dictionnaire Larousse définit la répétition comme « l’action de reproduire plusieurs fois, dans un texte, la même idée, le même mot »
être caractérisé.17 La définition du harcèlement moral posée dans les termes suscités est
lacunaire quant à la durée et le nombre d’acte nécessaire. Cette lacune peut laisser libre
champ aux interprétations. L’on pourrait par exemple considérer que même si les
comportements fautifs sont espacés dans le temps, le caractère répétitif pourra néanmoins être
caractérisé. En tout état de cause, il convient de conclure que la détermination de l’existence
ou non d’actes, du nombre et de la durée des agissements constitutifs d’un harcèlement sont
des questions soumises au pouvoir des juges. Ce sont eux qui devront décider de l’existence
ou non d’actes répétés. Il faut toutefois préciser que le juge a pour mission d’apprécier tous
les éléments qui lui sont soumis par le salarié dans leur ensemble afin d’apprécier si les faits
matériellement établis permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral 18 et dans
une espèce beaucoup plus récente, la jurisprudence française a estimé que le juge ne peut
apprécier les éléments de façon séparée ou en écarter certains. 19 Toutefois, l’absence d’une
précision en ce qui concerne la répétition, peut parfois être profitable au salarié. Mais dans
certains cas, cette absence peut aussi être préjudiciable. Un nombre précis d’actes facilitera
l’office du juge dans la caractérisation d’un harcèlement moral.

Paragraphe 2 : La nécessité d’actes dégradant les conditions de travail du salarié

2.1 : La distinction entre des actes répétés ayant « pour objet » et les actes ayant « pour
effet » une dégradation des conditions de travail

Lorsque l’article 5 alinéa 3 du Code du travail vise « les actes ayant pour objet une
dégradation des conditions de travail », la démonstration ou la constatation même d’un
résultat, d’une dégradation, est sans intérêt véritable en théorie. Il suffit que les agissements
répétés aient comme finalité la dégradation des conditions de travail. En l’absence même de
conséquences dommageables, une tentative de harcèlement pourrait être réprimée. Faute de
dégradation, l’appréciation du magistrat sur les agissements doit être effectuée au regard du
contexte. Elle prime naturellement sur l’attitude de l’harceleur quant à son intention ou du
harcelé quant à son impression. Des reproches ou même des plaisanteries répétées et
douteuses peuvent désappointer totalement une employée, user sa capacité de résistance,
traduire un acharnement au point de pouvoir aboutir à dégrader ses conditions de travail et la
rendre même malade.
17
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 novembre 2014, 13-16.729, Inédit
18
Cass. soc. 6 juin 2012, n° 10-27766 ; Cass. soc. 8 juin 2016, n° 14-13418).
19
Cass. Soc.10 mars 2021 : n°19-24487
Toutefois, lorsque le même article 5 du vise les actes « ayant pour effet une dégradation des
conditions de travail » un résultat préjudiciable doit avoir été provoqué. Ce résultat concerne
plus la dégradation des conditions de travail que la santé même du harcelé (dégradation
susceptible de porter atteinte à la santé). En ce sens, un certificat médical pour dépression
émanant même d’un psychiatre ne saurait caractériser à lui seul une situation de harcèlement.

2.2 : La notion indéfinie de « dégradation des conditions de travail

Ainsi, les dégradations des conditions matérielles de travail, peuvent résulter d’un mauvais
outillage, d’un lieu de travail exigu et sans lumière alors que d’autres locaux sont disponibles,
des taches fixées sans considération du matériel exigé. Ces éléments peuvent caractériser des
agissements de harcèlement moral. Il importe de souligner que la disparité de traitement doit
être justifiée.

L’absence d’une précision légale ainsi que ces conséquences sur la caractérisation du
harcèlement moral ne concerne pas uniquement la notion de répétition. Au regard de l’article
5 du code du Travail, les actes répétés doivent avoir pour objet de dégrader les conditions de
Travail. Mais, à l’instant de la répétition, que faut-il entendre par dégradation des conditions
du Travail ? s’agit-il de conditions matérielles telles que l’absence dûe au harcèlement, la
diminution du rendement ? Pour le salarié qui se prétend victime de harcèlement au travail,
les comportements fautifs du présumé harceleur doivent avoir eu/auraient pu avoir pour
conséquence la dégradation des conditions de travail susceptible de : Porter atteinte à ses
droits et à sa dignité, D’altérer sa santé physique ou mentale, De compromettre son avenir
professionnel.
L’Organisation Mondiale de la Santé considère que "la santé est un état de bien-être total
physique, social et mental de la personne. Ce n’est pas la simple absence de maladie ou
d’infirmité́"

L’altération de la santé physique ou morale peut donc être illustrée et tel est souvent le cas par
un état dépressif. Les maladies psychosomatiques sont souvent nombreuses (même si elles ne
sont pas toujours perçues comme telles) du fait de conséquence des agissements de
harcèlement. Mais tout état dépressif ne résulte pas nécessairement d’un harcèlement au
travail. Un lien de causalité́ est à établir. Il s’agit de toutes les actions ou omissions
aboutissant à ôter, ou à arracher à la victime, tout espoir de promotion interne, mais aussi
toutes sortes de vexations qui concourent à la remise en cause de sa position à la périphérie de
l’entreprise (mise au placard qui constitue l’un des comportements les plus révélateurs du
harcèlement moral, absence de travail, exclusion de réunions ou d’organigrammes).

La dévalorisation d’un salarié résulte aussi bien de la méconnaissance de son degré́


hiérarchique, de son statut hiérarchique, que de la méconnaissance de ses compétences. Ainsi,
le fait de bloquer toute perspective d’évolution professionnelle du salarié, ou tout acte
entrainant sa rétrogradation constitue le germe du harcèlement moral, sous réserve cependant
que dans le passé, les compétences du salarié aient fait l’objet d’évaluations positives

Section 2 : Les difficultés liées à la preuve du harcèlement moral

Pour pouvoir démontrer le harcèlement moral, il n'est pas nécessaire que le salarié prouve les
effets du harcèlement sur sa santé, il est seulement tenu de présenter les éléments de fait
(ensemble de faits matériels) qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement
moral.

Le salarié victime doit donc se constituer un dossier, garder toute trace écrite des mails,
courriers, texto, reçus en interne ou à son domicile.
Si les brimades dont il est l'objet sont verbales (adressées de vive voix par l’harceleur ou par
téléphone), il faut qu'il récapitule par écrit les propos qui lui ont été adressés oralement afin
d'en garder une trace écrite et forcer ainsi son harceleur à réagir.
Qu'il n'omette pas d'en adresser une copie au supérieur du « harceleur », voire de le saisir
officiellement de la situation. Ces éléments de faits doivent être de nature à laisser présumer
l'existence d'une situation de harcèlement moral. En d'autres termes, il faut qu'au vu des
éléments rapportés par le salarié, de leur concordance et de leur importance, le juge estime
qu'ils suffisent à caractériser une présomption de harcèlement que l'employeur devra ensuite
renverser. Des éléments de faits non suffisants ne permettront pas d'emporter cette
présomption. Ainsi la constatation d'une altération de l'état de santé du salarié n'est pas, à elle
seule, de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement.
Le harcèlement est une situation de fait qui peut être prouvée et établie par tout moyen 20. S’il
est incontestable que la preuve testimoniale reste évidemment très efficace, ce n’est pas la
seule à même de pouvoir faire présumer que le salarié a été victime d’agissements de
harcèlement.
La preuve des faits litigieux constitue un obstacle sérieux dans ce domaine, la plupart des
agissements vexatoires ayant lieu verbalement, comme les propos humiliants, ou de manière
purement factuelle, comme une surveillance excessive. Les faits de ce type laissant des traces
ne sont pas légion. Une question mérite également d’être posée : le salarié peut-il enregistrer
une conversation téléphonique privée a l’insu de l’auteur des propos ? S’agit-il d’une atteinte
à la vie privée ?
Il faudrait répondre par l’affirmative car la vie privée ne fait pas l’objet d’une définition mais
d’une énumération légale. Elle comprend la vie sentimentale, la vie familiale, la santé etc…
Il s’ensuit que des propos entrant dans ce cadre ne peuvent faire l’objet d’enregistrement il
s’agirait d’une atteinte à la vie privée de l’interlocuteur.
En revanche, un SMS peut-être parfaitement recevable.

CHAPITRE 2 : L’ABSENCE D’UNE « RÉPONSE PENALE » AU HARCELEMENT


MORAL

Le harcèlement moral contrairement au harcèlement sexuel, ne fait pas l’objet d’une


incrimination (Section 1) Chose qui encourage la répétition de ces actes (Section 2)

Section 1 : L’absence d’une incrimination

La marque la plus terrible du caractère limité de la protection est l’absence d’une reponse
pénale. On le sait, le droit pénal, dans la sphère juridique a une place de choix. Il intervient en
vue de sanctionner la violation de valeurs fondamentaux d’un État. Le droit pénal apparait
comme étant, le bras séculier des autres disciplines juridiques. Il a pour objet, l’application
d’une peine à l’auteur d’une infraction. Cette peine consiste principalement en une privation
de liberté, à la soumission à un Travail d’intérêt général ou à une amende, contrairement à la
20
Article 5 alinéa 6
« peine civile » dont l’objectif est la réparation d’un dommage causé. Il se résume pour
l’essentiel en un paiement de dommages et intérêts.
Il s’ensuit un intérêt particulier lié à l’incrimination du harcèlement moral.
Premièrement, il s’agira d’élever les actes constitutifs d’un harcèlement moral au rang des
actes portant atteinte à une valeur fondamentale qu’est l’intégrité morale. Deuxièmement,
l’incrimination du harcèlement moral permettra d’appliquer une sanction de nature pénale a
l’auteur de ce harcèlement.

Cependant, la position du législateur ivoirien semble intrigante : n’est réprimé pénalement que
le harcèlement sexuel21 Or, l’absence de l’incrimination du harcèlement moral peut favoriser
la répétition de ces actes, l’auteur, ne craignant pas ou pas assez la réponse judiciaire.
La justification de cette absence d’incrimination est difficile à trouver. D’autant plus que
plusieurs législations ont opté pour une position totalement contraire.

Par exemple en France, le harcèlement moral, à l’instar du harcèlement sexuel constitue une
infraction pénale passible de poursuite. Le harcèlement moral en France est puni de deux ans
d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende 22 . Il y a donc lieu d’interpeller le législateur
ivoirien a l’effet d’une prise en compte pénale du harcèlement moral.

Section 2 : L’absence de peines à l’égard des coupables du harcèlement : la prolifération


du harcèlement moral

21
Article 418 Code Pénal Ivoirien
22
Article 222-32-2 du Code pénal français
CONCLUSION

Pour les victimes de harcèlement moral, les conséquences sont désastreuses autant sur le plan
physique, psychologique ou social : stress, anxiété, troubles psychosomatiques, dépression,
risque suicidaire, stress post traumatique, désillusion (perte de tout espoir), réactivation des
blessures passées, perte de sens, peur des autres.
2 axes de reconstructions peuvent être enclenchés : d’abord un travail personnel afin d’inciter
au respect, mettre des mots sur les évènements vécus, leur résonnance profonde et rechercher
un soutien psychologique avec un thérapeute pour se protéger au travail, alerter les RH et les
syndicats, puis commencer à décider le changement. Ensuite, vient la nécessité ou non de
rechercher dans la justice, la reconnaissance de cette violence afin de pouvoir réapprendre à
faire confiance de nouveau. Il faut noter de grandes différences entre les secteurs d’activités.
Dans le privé, le harcèlement moral est violent et dure moins longtemps car le salarié finit par
démissionner. Dans le secteur public, de par la sécurité de l’emploi, le mode d’organisation
très hiérarchique et l’inertie du système, l’harceleur peut sévir pendant très longtemps (parfois
plus de 10 ans) de manière très pernicieuse. Les victimes, ne pouvant changer de poste ou
démissionner, vivent au quotidien dans une grande solitude avec à terme, des conséquences
dramatiques sur leur santé mais aussi sur leur personnalité. Nous pensons que faire du
harcèlement moral une infraction pénale, préciser les actes constitutifs d’un harcèlement,
encouragerait la dénonciation des auteurs, mais surtout a l’égard des employeurs ou toute
personne désirant harceler, une crainte de la sanction pénale

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