Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Les Caractères Texte 2
Les Caractères Texte 2
Introduction
Le livre VIII des Caractères constitue une vaste réflexion sur la société de cour, que le moraliste a pu
observer lors de ses fréquents séjours à Versailles. Il reproche aux courtisans leur arrivisme, leur orgueil,
leur hypocrisie et leur manque de moralité. Rompant avec les portraits de types sociaux et les courtes
maximes, La Bruyère opté dans le fragment 74 pour une forme argumentative originale, décrivant la cour
comme une contrée lointaine, à la fois curieuse et dépaysante. Ce dispositif dit "du regard étranger"
permet de mettre en lumière les incohérences d'un microcosme tellement replié sur lui-même qu'il ne les
voit même plus.
1 nous analyserons l'objectivité feinte avec laquelle La Bruyère décrit les étranges habitudes de la cour,
exploitant ainsi la fausse naïveté du regard étranger.
2 nous verrons ensuite que le moraliste s'en sert pour critiquer le culte des apparences et ds faux
semblants qui y règne.
3 nous montrerons enfin comment il donne à son discours une dimension politique, en dénonçant un
système social dont l'obsession hiérarchique est poussée à l'absurde.
Comment les connotations des adjectifs et les effets de modalisation révèlent ils l'aspect satirique du
discours de La Bruyère contre les courtisans versaillais ?
Il est légitime de s’interroger sur la nature de ces « amours ridicules » :
o S’agit-il d’une référence aux nombreux adultères qui se jouent à la cour, y compris de
manière presque officialisée par l’habitude des Grands, et même du roi, à afficher des
maîtresses ?
o Une évocation déguisée des relations homosexuelles de certains Grands, comme Monsieur,
le frère du roi ?
o La Bruyère se plaît aussi à évoquer le caractère souvent désabusé des courtisans à qui il faut
des distractions toujours renouvelées et des émotions toujours plus fortes avec les
qualificatifs « sobre », « modéré », « insipide », « éteint » et « violentes ».
Dans cette première partie du texte la satire de l'ivrognerie est prédominante :
o Champ lexical de la boisson/alcoolisme qui sature la dernière phrase : "goût"/"eaux de
vie"/"liqueurs"/"débauche"/"boire"/"eau forte"
o Gradation : la force de l'alcool ne cesse d'augmenter au fur et à mesure.
La jeunesse est ainsi loin du modèle de gentilhomme de l'époque ou de l'ancien modèle de l'amour
courtois. Il blâme ainsi le comportement de cette jeunesse qui a perdu l'attrait et l'innocence de
l'amour pour se vautrer dans la luxure.
Quel effet produit, dans la chute du fragment, la mention inattendue de la latitude de Versailles et de
deux peuples d'Indiens d'Amérique ?
La dernière phrase constitue la pointe humoristique du passage
La mention géographique finale situe avec malice la France qui est effectivement localisée à
48 degrés de latitude nord et au-delà de l'atlantique, sur le territoire canadien on retrouve
celui des Iroquois et des Hurons = un décentrement du regard et participe de la satire de
Versailles: ses habitants, les courtisans, les Grands et le roi ne sont pas, pour une fois, placés
au centre du monde, mais apparaissent comme une peuplade dépaysante, curieuse à
observer, au même titre que les Indiens d’Amérique.
Cette distance permet aussi à La Bruyère de critiquer librement le roi, sa cour et donc les
incohérences de ses contemporains. En définitif, La Bruyère use d'un moyen indirect pour
faire la satire de la cour, celui du regard naïf d'un étranger.
La Bruyère fait le choix de ne pas nommer Versailles, laissant le lecteur s’amuser de cette
manière de regarder un lieu familier comme s’il était exotique ; la mention de la latitude et
de la longitude, ainsi que celle du « pôle », rappellent le discours scientifique du géographe
ou de l’ethnologue.
Conclusion
Fidèle au précepte classique qui commande de plaire et d'instruire en même temps, La Bruyère offre dans
ce fragment une description originale et pittoresque de la cour de Versailles. Le moraliste suscite la
curiosité du lecteur et lui donne matière à sourire de ses contemporains, qu'il découvre d'un œil neuf et
amusé, comme il pourrait s'étonner des mœurs des Iroquois ou des Hurons.
A l'inverse d'une utopie, dans laquelle un auteur propose un idéal social à travers une cité inventée, La
Bruyère choisit de passer la société familière et imparfaite de Versailles au prisme d'un regard étranger.
C'est ce même procédé que reprendra Montesquieu en 1721 dans ses Lettres persanes.
Grammaire
Dans le passage allant de « ceux qui habitent (l602) à visage (l607) » déterminez à quel temps et à
quel mode les verbes de ce texte sont conjugués, puis expliquez en quoi cela soutient le dispositif du
"regard étranger" élaboré par La Bruyère.
En majorité les verbes sont conjugués au présent de l’indicatif : « habitent / ont / est /
préfèrent / font / descend / change / empêche »
En français, on utilise le présent pour décrire quelque chose qui se passe au moment où on parle et Il
peut aussi énoncer une vérité générale
Ce présent prend une valeur atemporelle, qui sert à la description de mœurs et coutumes ou de
traditions particulières