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La Paralittérature

Introduction :

La paralittérature comme un vaste domaine de la production écrite et


imprimée relève du domaine d’étude de la littérature générale et comparée dans la
mesure où elle est située sur la marge du littéraire sans qu’elle en fasse partie
intégralement. Plusieurs questions doivent être posées concernant : sa délimitation
et ses frontières par rapport à l’objet dit « littéraire »; sa périodisation surtout à
partir du XIX siècle ou elle va apparaitre dans des aires linguistiques et culturelles
francophones et anglo-saxonnes ; sa proximité à la fois avec des genres mineures
comme le conte et des genres majeurs comme la poésie lyrique ; sa sociologie en
tant que phénomène social incluant la presse, la production, la consommation,
l’Edition et le marketing du livre. C’est ce type de questionnements que nous
soulèverons en utilisant tous les outils, les concepts opératoires, les méthodes que
nous avons vues auparavant comme l’horizon d’attente, l’écart esthétique,
dialogisme, typologie des lecteurs…

Définitions et appellations :

Définitions :

Pour Marc Angenot dans son article « qu’est ce que la paralittérature ? » c’est "un
vaste domaine de la production imprimée exclu du monde de la culture, domaine
aujourd’hui encore peu étudié et qui reste assez mal circonscrit »

Elle inclut une grande production imprimée et notamment « roman populaire »,


« littérature de masse », « roman feuilleton » « roman de quat’sous » « roman
rose »( les anglais disent « penny dreadful » (Il s'agissait d'histoires macabres
fictives publiées sur plusieurs semaines, elles étaient vendues en petits livres de 1
penny chacun); les américains « dime novel » Le terme dime novel (le « roman à
deux sous » anglophone, en anglais, un dime est une pièce de 10 cents)

Les modes de caractérisation, les appellations démontrent à la fois une grande


variété , une hétérogénéité et un embarras pour spécifier cette production « roman-
fleuve » « soap opéra» (il s'agit d'un vaste roman en plusieurs tomes souvent plus
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d'une dizaine), « roman feuilleton » qui se référent au mode ou au procédé de
production. On trouve d’autres appellations « romans pour bibliothèque de gare,
romans pour concierges, romans pour midinettes » qui renvoient au mode de
distribution ou au consommateur. On peut constater que l’ensemble de ces
désignations portent un jugement dévalorisant et négatif. Il faut retenir que
l’expression le plus largement employée et pour longtemps est « roman populaire »
cette appellation est ambigüe et porteuse de confusion, d’amalgame car pour les
ethnologues, les anthropologues « la littérature populaire » renvoie à la tradition
orale chez les peuples.

Yves Reuter croit que « Celle-ci (La paralittérature) repose sur un ensemble de
désignations facilement repérables car récurrentes dans les ouvrages consacrés à
ce sujet : « facilité », « simplicité », « écriture scolaire », « stéréotypes », «
manque d’originalité », « répétition », « contenu mystificateur » ... »
Comme la définition précédente on insiste sur la marginalité mais il y’a d’autres
critères définitoires qui sont évoqués comme la facilité, simplicité scolaire,
stéréotypes, répétition et manque d’originalité.

Tandis que l’appellation « romancier populaire » apparait pour la première


fois dans la presse socialiste pour faire l’éloge du roman Mystères de Paris d’Eugène
Sue en 1843. Les Mystères de Paris occupe une place importante dans la naissance
de ce genre de littérature, il s’agit d’un roman fleuve qui s’inscrit dans cet horizon
d’attente du roman populaire et de son lectorat.

Pour Marc Angenot paralittérature rassemble « en un tout l’ensemble des


modes d’expression langagière à caractère lyrique ou narratif que des raisons
idéologiques et sociologiques maintiennent en marge de la culture lettrée. Cette
marginalité ambiguë qui est le propre du roman feuilleton, du roman policier, du
roman de rose, de la chanson populaire, de la science fiction » La paralittérature

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s’inscrit en dehors de la clôture littéraire comme une sorte de production taboue et
non reconnue par le système ou pour reprendre les termes de Marc Angenot
« interdite, scotomisée, dégradée ». Ce domaine marginal de l’écrit et de la
publication écrite demeure riche de thèmes et d’obsessions qui sont refoulés dans la
haute culture et ses institutions. Marc Angenot croit que le terme Paralittérature est
le terme le mieux adapté à désigner cette production écrite marginale pace qu’il est
le plus globale, le plus général mais aussi le moins dépourvu de connotations
dévalorisantes. Le préfixe « para » qui désigne comme préfixe "à côté de", "en
marge ", « trace une lisière, un encerclement, une marge, une manière d’être par
rapport, une contigüité ou une continuité, selon l’expression de certains critiques.
L’idée de marginalité se retrouve d’ailleurs dans des appellations et des
formulations explicites comme celle de « roman paria »

L’Appellation « Infralittérature »

Le mot infralittérature, apparu récemment le préfixe infra préfixe signifiant en-


dessous, inférieur. Le problème est qu’il implique une infériorité et une vision
dégradante, voire même une cécité. Marc Angenot s’oppose à son utilisation et lui
préfère Paralittérature

Opposition littérature/ Paralittérature :

Le terme littérature n’avait pas d’antonyme, de contraire, ni de marge ou de


déchets jusqu’à la période de l’après deuxième guerre mondiale. Les termes
d’antilittérature, d’alittérature et de paralittérature sont apparus dans cette période
récente.

Il est évident qu’on ne peut pas cerner le domaine de la paralittérature sans


l’opposer à la littérature. Certes, il existe dans cette opposition binaire ou binarisme
une opposition de sens antonymie mais pas forcément une relation de hiérarchie. Il
est indéniable que le mot littérature dans sa genèse et son histoire est lié à des
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notions comme « élite » « prestige social ». Il y’a une vision classique de la
littérature liée aussi « aux œuvres possédant une valeur durable ». Quels que soient
les critères auxquels, on peut recourir il est difficile de tracer des limites claires et
limpides entre la littérature et la paralittérature. Parmi les critères ceux de certains
comparatistes comme Van tieghem qui se fonde sur la vraie littérature qui
procure « une jouissance plus ou moins vives » ou les barèmes de trois niveaux
employés par certains sociologues américains (High culture, middle culture, low
culture) En général, ces critères réduisent la paralittérature au marché des
bestsellers et de vaste consommation « Littérature de masse » comme expression
de la culture marchande. Pour eux, cette production reprend les stéréotypes et les
clichés afin d’accéder à cette grande consommation et de pouvoir la perpétuer. Pour
eux aussi elle est aussi condamnée et vouée à une usure et un déclin rapides,
contrairement aux œuvres dites classiques qui durent.

Selon Yves Reuter, on ne peut s’empêcher d’opposer ou d’établir un contraste entre


Littérature et Paralittérature à cause surtout de la proximité de ces deux domaines :
« En premier lieu, il est difficile de rattacher les para littératures à un autre champ
qu'au champ littéraire à occulter ce qu'exhibe (même type d'écrits fictionnels,
souvent mêmes agents, la nature des désignations...)- Cette proximité explique
l'intensité des réactions distinctives, visant la paralittérature, et qui fonde en
partie le champ littéraire : la volonté de désancrage visant à présenter ses textes et
agents comme non déterminés, non finalisés, essences parfaites opposées au
fonctionnalisme social... »
Remarque : il existe des genres comme les bandes dessinées ou le roman photo…qui
sont considérés comme une forme de la paralittérature mais qui se situent loin de la
littérature
Marc Angenot plaide pour une nouvelle démarche ou une nouvelle approche qui
permettrait de reconsidérer la paralittérature. Cette approche critique doit porter à
la fois sur l’analyse interne et l’analyse externe de la production et de la

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consommation de la paralittérature. Pour lui la critique lettrée ou conventionnelle a
été en quelque sorte sélective et élitiste.

Limites du champ de la paralittérature :

Essayer de fixer des limites à la paralittérature est surtout dicté par souci de
délimiter le domaine de la réflexion et du travail. Même si cela semble légitime et
commode au niveau méthodologique et pratique, cette délimitation du champ de la
paralittérature se heurte à des difficultés. Va-t-on intégrer, par exemple, la bande
dessinée ? La production paralittéraire est située dans un vaste réseau de média
hétérogène et diversifié : à titre d’exemple le roman policier à caractère narratif se
trouve à la fois sous forme de roman, en photo-roman et aussi de feuilletons
télévisés etc. la même chose pour le roman de rose. On peut dire que la notion de
genre narratif dépasse dès lors le seul champ du discours écrit et implique une
infinité d’inter média et d’expressions intersémiotiques.

Paralittérature : production et consommation

Ils figurent parmi les critères qui interviennent dans la délimitation du champ
de la paralittérature. Parfois nous avons un public de lecteurs féminin ou à
dominante féminine. Parfois un public à dominante ouvrière comme le cas d’Eugène
Sue Les mystères de Paris. Le juif errant second d’Eugène Sue après Les Mystères de
Paris est l'un des plus grands succès de librairie du XIXe siècle. On peut dire qu’il a
trouvé un succès parmi toutes les souches et les classes sociales : classe ouvrière,
aristocratie, bourgeois… Le roman feuilletons au XIX siècle se caractérisait par le
nombre de tirage massif et la vaste distribution. De même le roman populaire sous
le second empire se fondait sur le mythe que le romancier écrit pour le peuple. On
peut conclure en évoquant des modes de consommations hétérogènes et diversifiés
impliquant des catégories sociales différentes.

Commencement de l’intérêt pour la paralittérature :

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L’intérêt pour la paralittérature comme un domaine d’étude et de recherche a
commencé dans la période de l’après guerre ou la deuxième moitié du XX siècle. Le
premier colloque sur la question a été organisé en 1967 au centre international de
Cerisy-la-Salle, en Normandie animé par Noël Arnaud, Francis Lacassin et Jean Tortel
sous l’intitulé : Les Entretiens Sur la paralittérature. Ce colloque a abordé plusieurs
questions capitales, et notamment les questions des normes littéraires, l’exclusion
et la marginalité de cette production écrite, la délimitation du domaine. Il a abordé
surtout les genres du mélodrame, du roman populaire, du photoroman, de la bande
dessinée, de la science fiction, de la série noire. L’université a commencé à
s’intéresser au domaine et à se préoccuper des littératures dites « populaires » et
« marginales » des centres de recherches se sont crées dans plusieurs villes, et
notamment Nancy, Limoges, Lyon…

En 1982 se tient au centre international de Cerisy-la-Salle un colloque sur le roman


policier ayant pour thème « Récit policier et littérature ». En 1986 se tient un
colloque intitulé « roman-feuilleton d’Eugène Sue ». D’autres études et des thèses
vont voir le jour surtout par des chercheurs qui s’intéressent au XIX siècle.

Paralittérature et paratextualité :

La Paralittérature a été souvent associée au souci commercial, c.à.d.,


augmenter la quantité des ventes. Ceci peut être attribué à son apparition qui
coïncide avec la révolution industrielle, la naissance de la presse, l’invention des
séries et des collections à grand tirage…

Collections Paralittérature et Collections littéraires :

Le péritexte éditorial est définie par G.Genette dans Palimpsestes comme la


zone ou l’espace du livre « qui se trouve sous la responsabilité de l’éditeur ». Les
collections parallittéraires come « le livre populaire » crée en 1905 par fayard vont
utiliser différentes caractéristiques pour frapper le regard et retenir l’attention. En
plus de cela, ils affichent le prix estimé à l’époque assez bas etc. jusqu'à nos jours,

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on peut s’apercevoir de la différence entre Collections Paralittérature et Collections
littéraires à travers les aspects paratextuels comme la couverture, les couleurs, les
caractères, les images… les couvertures provocantes ostentatoires et d’autres
sobres et modérées.

Le nom de l’auteur :

On distingue trois catégories, celle du pseudonymat, de l’anonymat, de


l’onymat (l’auteur signe. pour genette quand l’auteur signe de son vrai nom d’état
civil ). En général pour l’onymat et le pseudonymat, il s’agit toujours de se faire un
nom, de forger une réputation ou une identité littéraire. Ceci est valable pour la
littérature et la paralittérature. L’anonymat dans la paralittérature garantit la
poursuite d’une série même si l’auteur change. L’auteur devient un producteur
interchangeable ou remplaçable aux yeux de l’éditeur grâce au pseudonyme. Même
dans les cas de décès ou de départ de l’auteur, la série se poursuit avec le même
pseudonyme.

Les titres :

Les titres des romans considérés comme faisant partie de la paralittérature se


caractérisent par leur richesse sémantique et sémiotique. Cela se traduit
essentiellement par des titres longs et des sous titres chargés de connotations
symboliques. Mais également le titre informe par anticipation sur le texte, c.à.d. par
l’établissement d’une relation immédiate et littérale. Ex la corde au cou ou l’auberge
sanglante, mortel amour

Ou en résumant la thématique et l’histoire : pureté et déshonneur, vertu et péché,


amour et mariage, justice et crime, richesse et pauvreté…

Les couvertures illustrées :

Elle appel à des dessins et des représentations iconiques ou il y’a trois


aspects : lisibilité, précision et maitrise des stéréotypes

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Paratexte et contrat de lecture : on peut conclure que les marges du texte
paralittéraire se trouvent en relation étroite avec son contenu. C’est un contrat qui
est établi dans sens littéral et direct qui ne laisse pas de place à l’amalgame et au
malentendu.

Formes de la répétition paralittéraire :

La paralittérature recoure à différentes formes de la reprise, de la


redondance, du ressassement, de la multiplication…il s’agit d’un phénomène
polymorphe mais qui a justifié des jugements sévères et intransigeant de la part de
la critique

Danièl Couégnas parle dans son livre Introduction à La paralittérature d’une formule
évoquée par le romancier américain Jack London dans son roman Martin Eden.
Cette formule composée de trois parties permettrait de créer plusieurs fictions et la
possibilité de plusieurs combinaisons. 1- un couple d’amoureux sont arrachés l’un à
l’autre ; 2- un événement quelconque les réunit ; 3- mariage ;

Les deux premières parties pouvaient subir des variations à l’infini et ouvrir
ainsi la voie à des possibilités infinies exemple : le couple des amoureux pouvait être
séparé par- erreur- par fatalité- par des rivaux jaloux - par de cruels parents –par des
tuteurs rusés- par des voisins cupides etc. De la même manière ils peuvent être
réunis par plusieurs possibilités : -une bonne action-un changement de sentiment-
par la confession volontaire ou forcée des voisins cupides, du tuteur rusé ou du rival
jaloux etc.

On peut dire qu’il s’agit d’une combinatoire narrative, formée d’une chaine
syntagmatique de trois fonctions invariantes mais chacune d’elle est actualisée par
l’exploitation d’un paradigme d’éléments variables. On peut comparer au travail des
Vladimir Propp sur le conte populaire russe : invariantes et variantes. Seulement ici
c’est l’écrivain ou l’auteur de la paralittérature qui forme et construit des
combinatoires narratives.

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Répétition, communication orale et influence du conte :

Le roman populaire a hérité du conte oral certains aspects, et notamment la


répétition. On pense que la filiation du conte orale au roman populaire est évidente
et s’est perpétuée sous forme de répétition (la multiplication syntagmatique) la
réduplication ou triplication (la multiplication paradigmatique). Elle a, entre autre,
pour fonction de ralentir le récit des événements et l’action. Danièl Couégnas donne
comme exemple le conte cendrillon de Charles Perrault. La multiplication (deux
épouses, trois jeunes filles) axe syntagmatique (deux mariages différents) axe
paradigmatique (les mauvaises filles les bonnes filles). Danièl Couégnas fournit
d’autres exemples de la réplétion dans le domaine paralittéraire

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