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Mécanisme D'aide Aux Entreprises en Difficulté
Mécanisme D'aide Aux Entreprises en Difficulté
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CLIGNOTANTS ET AUTRES MESURES
PREVENTIVES DE LA PROCEDURE EN
REORGANISATION JUDICIAIRE : COMMENT
ASSURER UNE MEILLEURE PREVENTION DES
ENTREPRISES EN DIFFICULTE ?
Bien que s’érigeant en procédure salvatrice, force est de constater que, 9 ans après son introduction,
celle-ci n’a pas atteint les objectifs ambitionnés et reste dans la plupart des cas l’antichambre de la
faillite. En effet, trop peu d’entreprises recourent à la procédure en réorganisation judiciaire et,
quand elles s’y décident, il est généralement trop tard. 70 à 80% des procédures introduites se
clôturent finalement par un aveu de faillite.
Pour permettre à la PRJ de remplir adéquatement son office, il est essentiel de développer
davantage la prévention des entreprises en difficulté et surtout de permettre un dépistage beaucoup
plus précoce de ces entreprises. Cela est notamment rendu possible par l’analyse d’une série de
clignotants, véritables signaux d’alarme de difficultés à venir.
Dans ce travail de fin d’étude, nous nous sommes dès lors donnés pour objectif l’étude de ces divers
clignotants et autres mesures préventives pour détecter les entreprises dont la situation économique
se trouve sur une pente glissante. Après avoir consacré la première partie de ce travail à une
synthèse juridique de la PRJ, nous nous sommes penchés sur l’analyse de ces divers clignotants
(légaux, financiers, d’exploitation et de ressources humaines ainsi que ceux préconisés par la
société Graydon). Enfin, nous avons terminé notre étude par une série d’entretiens réalisés avec des
experts en la matière afin de comprendre comment mettre en place une démarche préventive qui
porte réellement ses fruits. Dans ce cadre, nous avons notamment exposé le projet
« Ondernemershorizon", développé par la société Graydon en collaboration avec l’Université
d’Anvers et Unizo, qui a pour but de développer des clignotants dits « oranges » traduisant une
situation d’entreprises en déclin mais non encore en difficulté réelle.
In 2009, the legislator initiated the “law for the continuity of companies” with its key
judicial proceeding named the judicial reorganisation procedure (PRJ in French). The aim of this
new legal tool was to allow struggling companies to benefit from a “time-out” period during which
the company was able to set up a recovery plan in order to have a fresh start. Lots of hopes were
placed in that legal proceeding.
However, 9 years after the introduction of the “PRJ”, we can notice that it has not reached its aimed
goal which was to avoid bankruptcy. Indeed, not enough companies use this proceeding and when
they do, it is usually too late. About 70 to 80% of ongoing procedures end up going bankrupt.
In order for the procedure to get more chances of being successfully introduced, it is crucial to
enhance the prevention of struggling companies and especially to detect those a lot sooner. This is
made possible by the analysis of a range of indicators, true “warning signs” which indicate
difficulties to come for a company.
The purpose of this thesis is the study of those indicators and other preventive measures in order to
detect companies which have prejudiced future. The first part of this paper enlightens the “PRJ”
itself. Afterward we focus on the analysis of those indicators (legal, financial and human resources
indicators as well as the indicators highlighted by the firm Graydon). Finally, our research ends up
with interviews made with experts in this area in order to understand how to set up a more fruitful
preventive approach. We outline the project “Ondernemershorizon” in particular which was
initiated by the company Graydon in partnership with the University of Anvers and Unizo. The aim
of this project is to develop new indicators which reflect the situation of shrinking companies but
which are not yet in critical situation.
Introduction .............................................................................................................................. 1
Chapitre 1 - La Procédure en Réorganisation Judiciaire ..................................................... 5
1.1 Notion d’entreprise en difficulté.................................................................................. 5
1.2 Création et objectifs de la PRJ ..................................................................................... 6
1.2.1 Origine et objectif général .................................................................................... 6
1.2.2 Trois objectifs spécifiques prévus par la loi ......................................................... 7
1.3 Les concepts clés de la PRJ ......................................................................................... 9
1.3.2 Le sursis................................................................................................................ 9
1.3.3 Les créances sursitaires ...................................................................................... 11
1.3.4 Les principaux acteurs de la PRJ........................................................................ 12
1.3.4.1 Le débiteur .................................................................................................. 12
1.3.4.2 Les praticiens de l’insolvabilité .................................................................. 13
1.3.4.3 Les mandataires de justice .......................................................................... 13
1.3.4.4 L’administrateur provisoire......................................................................... 13
1.3.4.5 Le médiateur d’entreprise ........................................................................... 14
1.3.4.6 Le juge délégué ........................................................................................... 14
1.3.4.7 Les chambres des entreprises en difficulté ................................................. 15
1.4 Déroulement de la PRJ par accord collectif .............................................................. 16
1.4.1 Dépôt de la requête et jugement ......................................................................... 16
1.4.2 Le plan de réorganisation ................................................................................... 17
1.4.2.1 Partie descriptive ......................................................................................... 17
1.4.2.2 Partie prescriptive ....................................................................................... 18
1.4.3 Vote et homologation du plan ............................................................................ 19
1.4.4 Exécution du plan ............................................................................................... 20
1.5 Conclusion ................................................................................................................. 20
Chapitre 2 - Prévention et détection des entreprises en difficulté par l’analyse des clignotants
…………………………………………………………………………………...................... 22
2.1 Etat des lieux : la PRJ en quelques chiffres ............................................................... 22
2.2 Clignotants légaux et rôle du professionnel du chiffre via la procédure d’alerte ...... 24
2.2.1 Les clignotants légaux ........................................................................................ 24
2.2.2 La procédure d’alerte et le rôle du professionnel du chiffre .............................. 26
2.3 Les clignotants préconisés par la firme Graydon ...................................................... 27
2.3.1 Rentabilité négative pendant deux années successives ...................................... 28
2.3.2 Ratio de liquidité inférieur à 0,5 ......................................................................... 29
2.3.3 Taux d’endettement général supérieur à 100% (supérieur aux fonds propres) .. 30
2.3.4 Fonds propres inférieurs à 50% du capital ......................................................... 31
2.3.5 Dettes vis-à-vis du fisc et de l’ONSS venues à échéance .................................. 32
2.3.6 Fito-mètre fortement négatif .............................................................................. 33
2.3.7 Entreprise assignée par l’ONSS ......................................................................... 33
2.3.8 Lettres de change protestées (protêts) ................................................................ 33
2.3.9 Chef d’entreprise déjà impliqué dans une faillite précédemment ...................... 34
2.3.10 Comptes annuels non publiés successivement pour les deux dernières années . 34
2.3.11 Administrateur provisoire nommé ..................................................................... 35
2.3.12 Score social Graydon négatif ............................................................................. 35
2.3.13 Conclusion .......................................................................................................... 35
2.4 Autres critères permettant l’appréciation de la continuité ......................................... 36
2.4.1 Critères fondés sur la situation financière .......................................................... 37
2.4.2 Critères fondés sur l’exploitation ....................................................................... 43
2.4.3 Critères fondés sur la gestion des ressources humaines ..................................... 44
2.4.4 Autres critères à caractère non habituel ............................................................. 44
2.5 Rôle des dirigeants quant à la survenance d’indices d’une situation de discontinuité
………………………………………………………………………………………45
Chapitre 3 - Comment améliorer notre système de dépistage - Pistes de réflexion ......... 47
3.1 Introduction ................................................................................................................. 47
3.2 Pourquoi la PRJ n’atteint-elle pas son objectif ? ......................................................... 48
3.3 La responsabilité des professionnels du chiffre ........................................................... 52
3.4 Le projet « Ondernemershorizon » .............................................................................. 54
3.4.1 En quoi consiste ce projet ?.................................................................................. 54
3.4.2 Quels sont ces clignotants oranges ? .................................................................... 55
3.5 Vers une politique en deux voies ? .............................................................................. 58
Conclusion ............................................................................................................................... 60
Bibliographie........................................................................................................................... 62
Annexes ...................................................................................................................................... I
Introduction
Tel était déjà l’espoir du concordat judiciaire introduit par la loi du 17 juillet 1997. Ce dernier
a cependant été un échec total dans la recherche de l’atteinte de cet objectif. En 2009, le
nombre annuel de faillites a même pratiquement atteint le cap des 10 0001. Le législateur se
devait de réagir.
C’est dans ce contexte d’échec qu’est née la « loi relative à la continuité des entreprises »
(LCE) du 31 janvier 2009 avec comme procédure phare, la procédure en réorganisation
judiciaire (PRJ). L’objectif principal de ce nouvel instrument juridique était de permettre aux
entreprises rencontrant des difficultés de bénéficier d’une ou plusieurs périodes de répit
pendant laquelle l’entreprise peut travailler sereinement à la mise en œuvre d’un plan de
redressement afin de repartir du bon pied, sur une base assainie. Beaucoup d’espoirs avaient
été placés en cette loi.
La PRJ a connu immédiatement un « faux succès » (1537 procédures avaient été engagées en
2012)2 dû à une ingénierie financière malsaine ayant pour attrait quasi exclusif une réduction
des dettes vis-à-vis des gros fournisseurs et surtout des institutions étatiques et paraétatiques.
En général, aucune autre mesure n’était envisagée alors que justement des mesures
structurelles auraient dû être prises afin de pérenniser la situation de l’entreprise. La réaction
des milieux judiciaires a amené le législateur à durcir les conditions d’accès à la procédure par
une loi modificatrice du 27 mai 2013.
Une dernière réforme technique a finalement vu le jour en 2017 par l’introduction du Livre
XX « Insolvabilité des entreprises » dans le Code de droit économique. Aucune modification
1
A. ZENNER, J.-P. LEBEAU et C. ALTER, La loi relative à la continuité des entreprises à l’épreuve de sa
première pratique, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 7.
2
A. ZENNER et C. ALTER, La loi sur la continuité des entreprises revisitée par la loi du 27 mai 2013,
Bruxelles, Larcier, 2014, p. 9.
1
notable par rapport à la procédure en réorganisation judiciaire ne peut néanmoins être actée,
exception faite de l’élargissement de son champ d’application ratione personae.
Quel bilan pouvons-nous dès lors tirer de ces diverses modifications de l’arsenal législatif en
matière de prise en charge des entreprises en difficulté ? Les efforts du législateur ont été
pratiquement vains. Bien que s’érigeant en procédure salvatrice, notre constatation est que, 9
ans après son introduction, la procédure en réorganisation judiciaire reste dans la plupart des
cas l’antichambre de la faillite. Trop peu d’entreprises y ont recours et, quand elles s’y
décident, il est généralement trop tard. La société Graydon3 a relevé que seuls 718 jugements
de sursis avaient été déclarés en 2017 et parmi les PRJ en cours, 70 à 80% se clôturent
finalement par un aveu de faillite.
La doctrine est unanime : pour que la procédure puisse remplir adéquatement son office, un
meilleur dépistage des entreprises en difficulté et surtout plus précoce est nécessaire. La
prévention des entreprises présentant des menaces de discontinuité s’avère notamment
possible à travers l’analyse de divers clignotants, véritables signaux d’alarme de difficultés à
venir.
Dans ce travail de fin d’étude, nous nous sommes donnés pour objectif l’étude de ces divers
clignotants et autres mesures préventives pour détecter les entreprises dont la situation
économique se trouve sur une pente glissante. Ces clignotants, s’ils sont détectés
suffisamment tôt, permettront d’introduire une procédure en réorganisation judiciaire lorsque
les chances de succès de celle-ci ne sont pas encore trop entamées.
Dans la seconde partie de notre étude nous commencerons par tirer le constat que le dépistage
des entreprises en difficulté est la clef du succès de cette procédure. Ce dépistage est
3
La société Graydon est un bureau d’informations financières et commerciales qui tend à fournir de grandes
quantités de données récoltées par le biais de différentes sources d’informations. L’entreprise est en relation avec
les tribunaux de commerce belges, ce qui lui permet de tenir à jour des bases de données concernant les
procédures de solvabilité.
2
notamment rendu possible par l’utilisation d’une batterie de « clignotants » qui, lorsqu’ils
s’allument conjointement, révèlent des risques de discontinuité encourus par l’entreprise.
Nous détaillerons dès lors dans un premier temps les clignotants légaux ainsi que le rôle du
professionnel du chiffre en rapport avec la survenance de ceux-ci. Viendra ensuite l’analyse
des douze clignotants développés par la société Graydon sur base de ses données statistiques.
Nous terminerons cette partie par la mise en avant des principaux clignotants financiers, des
indicateurs d’exploitation et de ressources humaines.
Dans la troisième et dernière partie, nous rechercherons des pistes de réflexion susceptibles
d’apporter un remède à notre système de prévention pour le rendre plus efficace. La détection
des clignotants est une première démarche à accomplir. Sans qu’ils soient toujours
significatifs individuellement, ils sont parfois révélateurs, pris globalement, d’une situation
désastreuse. Cette situation désastreuse que nous qualifierons de situation de « mourant » est
souvent la conséquence d’une analyse tardive des clignotants, principalement financiers.
C’est pourquoi, il faut absolument développer davantage la prévention en amont4.
Afin de permettre cette réflexion, nous avons rencontré des experts en la matière pour
comprendre comment mettre en place une démarche préventive qui porte réellement ses fruits.
Nous mettrons d’abord en avant les raisons pour lesquelles la PRJ n’atteint pas son objectif
de pérennisation des entreprises.
4
M. LAUWERS, « Trop peu d’entreprises, recourent trop tard, à la réorganisation judiciaire », L’Echo, 2018, p.
19.
3
Enfin, nous terminerons par l’étude d’une éventuelle politique en deux voies, basée sur une
interaction entre le pouvoir judiciaire fédéral et les pouvoirs exécutifs régionaux, au sein du
milieu législatif fragmenté qui est le nôtre en Belgique.
4
Chapitre 1 - La Procédure en Réorganisation Judiciaire
La notion d’entreprise en difficulté est cependant bien plus complexe et appréhende nombre
d’autres critères. Selon Jean Brilman, « ce n’est pas seulement une entreprise qui a des
problèmes financiers (conséquence immédiate de problèmes beaucoup plus profonds), c’est
aussi une entreprise qui, rencontrant ou prévoyant des difficultés, prend des mesures
immédiates afin de ne pas connaître d’ennuis financiers »5. Le maître mot est ici
l’anticipation. Une prise de conscience trop tardive des difficultés qu’une entreprise rencontre
rendra quasi nulle les chances pour celle-ci de s’en sortir sans passer par la case faillite.
Une entreprise est également dite en difficulté lorsqu’elle n’est plus apte à honorer ses
engagements contractuels envers ses partenaires (fournisseurs, banques, personnel, créanciers
institutionnels …). L’identification des défaillances rencontrées par une entreprise est en effet
cruciale pour la survie de celle-ci, mais il faut également prendre en compte les répercussions
qu’elles peuvent avoir sur les créanciers et les entreprises concurrentes. L’entreprise ne peut
être sauvée à n’importe quel prix, il faut trouver un équilibre pour sauvegarder les intérêts de
toutes les parties prenantes (vision macroéconomique).
En droit belge la notion d’entreprise en difficulté est explicitée par la combinaison des articles
XX.39 et XX.45 du livre XX du code de droit économique qui identifient une entreprise en
difficulté par une continuité menacée à bref délai ou à terme.
5
J. BRILMAN, Gestion de crise et redressement d’entreprise, Paris, Hommes et techniques, 1985, p. 10.
5
A partir du moment où les difficultés rencontrées deviennent chroniques, il existe un réel
danger pour la bonne poursuite des activités de l’entreprise. C’est pourquoi la procédure en
réorganisation judiciaire (ci-après PRJ), parmi d’autres solutions procédurales, a été instituée
par le législateur via la loi « relative à la continuité des entreprises » du 31 janvier 2009
modifiée par la loi du 27 mai 2013 et qui a finalement fait l’objet d’une nouvelle réforme
technique par l’insertion du livre XX « Insolvabilité des entreprises » dans le code de droit
économique. Celle-ci est entrée en vigueur le 1er mai 2018 mais n’a pas apporté de
changements fondamentaux par rapport aux dispositions de la loi sur la continuité des
entreprises en ce qui concerne la prévention des entreprises en difficulté. Les fondements,
concepts et l’organisation de la PRJ sont examinés dans les points ci-dessous.
La volonté du législateur quant aux objectifs de la loi sur la continuité des entreprises -
objectifs que l’on retrouve également dans le livre XX - est décrite dans les travaux
parlementaires de l’époque: « Les objectifs poursuivis sont dès lors d’augmenter le taux de
continuité grâce à une loi plus intelligible qui doit être plus « active » que la loi du 17 juillet
6
Statistiques fournies par la SA Graydon Belgium
7
A. ZENNER, La nouvelle loi sur la continuité des entreprises. Prévention et réorganisation des entreprises en
difficulté, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, p.7.
8
J.-P. LEBEAU et C. ALTER, Guide de la procédure de réorganisation judiciaire, Waterloo, Kluwer, 2015,
p.3.
6
1997 pour les entreprises en difficulté, de simplifier et d’assouplir les procédures et la
réglementation, de réduire les coûts et, enfin, de faciliter la cession des entreprises. »9
C’est à l’article XX.39 que nous retrouvons cet objectif, défini comme suit : « La procédure
de réorganisation judiciaire a pour but de préserver, sous le contrôle du juge, la continuité de
tout ou partie des actifs ou des activités de l’entreprise»10. L’objectif est donc le redressement
de l’entreprise en difficulté notamment via l’octroi d’une période de sursis pendant laquelle
l’entreprise ne peut être déclarée en faillite et pendant laquelle aucune saisie ou voie
d’exécution ne peut être exécutée. Il s’agit d’une véritable procédure préventive.
Il est à noter que l’entreprise, dans ce contexte, doit être comprise dans son acceptation
économique. Nous pouvons notamment lire dans l’amendement numéro un du
gouvernement concernant l’article 16 LCE, qui est à l’heure actuelle l’article XX.39:«
« Préserver la continuité de l’entreprise », tend à la préservation de l’entité socio-économique
elle-même, c’est-à-dire à cet ensemble de moyens humains et matériels rassemblés en vue de
la production de biens ou de services. L’entreprise est à distinguer de l’enveloppe juridique
qui la recouvre, à savoir la société commerciale ou la personne physique exerçant l’activité
économique. « Préserver les activités » fait référence à l’activité économique partiellement
détachée de son support. La formulation est à dessein très large pour éviter que des
interprétations ne dénaturent la volonté du législateur : il s’agit bien d’assurer que dans des
conditions économiques adéquates des problèmes de nature structurelle ou accidentelle
puissent êtres résolus. »11. « C’est bien de le continuité de l’entreprise sous l’angle socio-
économique dont il est question, sans que celle-ci aille nécessairement de pair avec la survie
du débiteur en difficulté »12.
L’article XX.39 alinéa 2 poursuit en énonçant les 3 voies proposées au débiteur afin de
mettre en place une réorganisation judiciaire : la réalisation d’un accord amiable, la réalisation
d’un accord collectif (voie la plus répandue) et le transfert sous autorité de justice de tout ou
partie des actifs ou des activités de l’entreprise. Nous allons décrire brièvement celles-ci.
9
Proposition de loi relative à la continuité des entreprises, rapport fait au nom de la commission chargée des
problèmes de droit commercial et économique, Doc., Ch., 2008-2009, n° 0160/005, p. 6.
10
Loi du 11 aout 2017 portant insertion du livre XX « Insolvabilité des entreprises » dans le code de droit
économique, M.B., 11 septembre 2017, art. XX.39.
11
Proposition de loi relative à la continuité de l’entreprise, amendement, Doc., Ch., 2008, n° 52 0160/002, p. 54.
12
J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 3.
7
a) La réalisation d’un accord amiable
Par l’application de l’article XX.65, le débiteur peut chercher à conclure un accord
amiable avec au minimum deux créanciers en vue d’assainir sa situation financière.
Cet accord est convenu librement entre les parties et n’implique pas les tiers. Cet
accord est constaté par le tribunal et fait l’objet d’une publication, ce qui est moins
avantageux du point de vue de la discrétion par rapport à un accord amiable conclu en
dehors de toute procédure judiciaire, mais les créanciers sont généralement plus
propices à la négociation13.
Le graphe ci-dessous présente l’évolution de l’objectif initial du sursis entre 2009 et 2017 (à
cette époque, c’était encore la loi sur la continuité des entreprises qui était en vigueur).
13
J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 67.
8
Figure 1 - Evolution de l'objectif initial du sursis - Source "Graydon Belgium"
Nous pouvons remarquer que l’objectif le plus poursuivi lors d’une demande de procédure en
réorganisation judiciaire en vue de l’obtention d’un sursis est l’accord collectif. Celui-ci
représente pratiquement quatre cas sur cinq. La part d’accords collectifs octroyés au cours des
neuf dernières années est restée assez stable et est de l’ordre des 75%14.
Etant donné les statistiques présentées ci-dessus, nous avons jugé que la réalisation d’un
accord collectif méritait une attention particulière. C’est pourquoi nous allons énoncer dans
les grandes lignes les concepts et étapes clefs de cet objectif de la procédure en réorganisation
judiciaire.
1.3.2 Le sursis
A partir du dépôt de la requête en PRJ prend cours le sursis qui est un moratoire
accordé au débiteur par le tribunal de commerce15. Le sursis est un mécanisme central dans la
PRJ car il met le débiteur sous la protection de la justice. En effet, durant cette période le
débiteur ne peut être déclaré en faillite, les voies d’exécutions des créances sursitaires sont
suspendues et aucune saisie ne peut être pratiquée.
14
Statistique fournie par la SA Graydon Belgium.
15
Qui portera le nom de « tribunal de l’entreprise » à partir du 1er novembre 2018.
9
La durée du sursis est fixée par le tribunal une fois que celui-ci a vérifié que les conditions
inscrites à l’article XX.45 sont remplies, à savoir « si la continuité de l’entreprise est
menacée, à bref délai ou à terme »16. La procédure ne peut en effet pas être intentée dans le
but d’un répit temporaire ou à des fins dilatoires lorsque l’entreprise devrait être déclarée en
faillite. Il est à noter qu’en vertu du paragraphe 2 de l’article XX.45, la continuité de
l’entreprise « est présumée menacée à partir du moment où l’actif net est équivalent à moins
de la moitié du capital social ».
La durée initiale du sursis ne peut être supérieure à six mois (article XX.46). Celui-ci peut
cependant être prorogé pour une durée de maximum six mois. La durée maximale du sursis
sera donc de douze mois à compter du jugement accordant le sursis sauf dans des
circonstances exceptionnelles où il pourra être porté à dix-huit mois (encore faudra-t-il que les
intérêts des créanciers le justifient).
Cette période clé sera mise à profit par le débiteur pour élaborer son plan de réorganisation
(s’il s’agit d’une PRJ dans le cadre d’un accord collectif) qui comprendra des mesures
permettant à son entreprise de faire face à ses difficultés.
Enfin, « le sursis ne fait pas obstacle au paiement volontaire de créances sursitaires par le
débiteur dans la mesure où ce paiement est nécessaire à la continuité de l’entreprise »17. Il
peut s’agir notamment de créances dues à des fournisseurs importants pour l’activité de
l’entreprise.
Le graphique ci-dessous présente le nombre de sursis accordés au cours des neuf dernières
années.
16
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.45.
17
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.53.
10
Figure 2 - Evolution du nombre de sursis accordés - Source "Graydon Belgium"
Les créances sursitaires sont définies à l’article 2, 11° de la loi du 11 août 2017
portant insertion du livre XX dans le code de droit économique telles que : « les créances nées
avant le jugement d’ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire ou nées du dépôt
de la requête ou des décisions judiciaires prises dans le cadre de la procédure ». Il s’agit donc
des créances touchées par le sursis et concernées par le plan de réorganisation proposé par le
débiteur. Il ne s’agit pas que des créances antérieures à la procédure mais bien également
celles nées du fait de la procédure. « A la différence, les créances hors sursis ne sont pas
concernées par les restrictions aux droits des créanciers qu’impose le sursis. Leur titulaire est
donc susceptible de poursuivre, par tous moyens légaux, la récupération de sa créance »20.
Parmi les créances sursitaires, une distinction peut être opérée entre les créances sursitaires
ordinaires et les créances sursitaires extraordinaires. Les créances sursitaires extraordinaires
18
Statistiques fournies par la SA Graydon Belgium
19
Statistiques fournies par la SA Graydon Belgium
20
J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 27.
11
sont également définies à l’article 2 telles que : « les créances sursitaires garanties, au moment
de l’ouverture de la réorganisation judiciaire, par une sûreté réelle et les créances des
créanciers-propriétaires ». De cette définition découle la définition des créances sursitaires
ordinaires qui ne sont rien d’autre que les créances qui ne sont pas extraordinaires (il peut
s’agir notamment des créances envers les fournisseurs, le personnel, les créanciers
institutionnels, …). Les titulaires de ces créances sont dénommés créanciers sursitaires
ordinaires ou extraordinaires. Il est à noter que l’ouverture de la procédure n’entraine pas de
concours entre les créanciers.
1.3.4.1 Le débiteur
Le champ d’application de la PRJ a été fortement remanié par la réforme entrée en vigueur le
1er mai 2018. Sont à présent repris sous le vocable « entreprise » : toute personne physique
(qui exerce à titre indépendant une activité professionnelle) ou morale mais également toute
organisation sans personnalité juridique. Ne sont cependant pas des entreprises : toute
organisation sans personnalité juridique qui ne poursuit pas de but de distribution et qui en fait
ne distribue pas d’avantages à ses membres, toute personne morale de droit public, l’Etat
fédéral, les régions et les communautés. De plus, et cela constitue une importante innovation
de cette réforme, toutes les entreprises et titulaires de professions libérales peuvent désormais
bénéficier des procédures d’insolvabilité22. On remarque que la notion de « commerçant »
n’est plus prépondérante.
21
J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 5.
22
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.1.
23
J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 9.
12
1.3.4.2 Les praticiens de l’insolvabilité
Les mandataires désignés sont généralement des professionnels compétents pour le cas en
l’espèce. En effet, l’article XX.20 énonce que « les praticiens de l’insolvabilité désignés en
vertu de la présente loi sont choisis en fonction de leurs qualités et selon les nécessités de la
cause. Ils doivent offrir des garanties de compétence, d’expérience, d’indépendance et
d’impartialité ».
Le débiteur peut porter une demande auprès du tribunal de commerce dans le but de
recueillir l’assistance d’un mandataire de justice qui viendra le conseiller et lui prêter main
forte tout au long de la procédure. Cette demande peut également émaner de tout tiers qui y a
un intérêt légitime ou du ministère public et ce lorsque des manquements graves et
caractérisés du débiteur menacent la continuité de l’entreprise en difficulté ou de ses activités
économiques. La sollicitation du mandataire de justice est de nature à permettre la
préservation de la continuité de l’entreprise24.
De surcroit, en vertu de l’article XX.32: « Lorsqu’il existe des indices graves, précis et
concordants que les conditions de la faillite sont réunies, le président du tribunal peut dessaisir
en tout ou en partie l’entreprise de la gestion de tout ou partie de ses actifs ou de ses
activités ». L’article poursuit en son paragraphe 2 : « Le président du tribunal désigne un ou
24
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.30.
25
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.31.
13
plusieurs administrateurs provisoires ayant de l’expérience en matière de gestion d’entreprise
et de comptabilité et précise leurs pouvoirs ».
La mission du médiateur d’entreprise est définie à l’article XX.36. Celui-ci est désigné
par le président du tribunal, sur demande du débiteur, en vue de faciliter la réorganisation de
l’entreprise en difficulté. Il doit aider à préparer et favoriser la conclusion d’un accord
amiable ou l’accord des créanciers sur un plan de réorganisation. Le médiateur tend
également à favoriser le transfert sous autorité de justice de tout ou partie des actifs ou
activités de l’entreprise.
L’article XX.42, emportant la désignation d’un juge délégué, est libellé comme suit :
« Dans tous les cas, le président du tribunal désigne, dès le dépôt de la requête, un juge
délégué qui est, soit un juge au tribunal, soit un juge consulaire, pour faire rapport à la
chambre du tribunal saisie de l’affaire sur la recevabilité et le fondement de la demande et sur
tout élément utile à son appréciation. Le juge délégué entend le débiteur et toute autre
personne dont il estime l’audition utile à son enquête. Il peut demander auprès du débiteur
toute information requise pour apprécier sa situation »26.
Le juge délégué a donc un rôle actif dès le dépôt de la requête. Il est chargé d’élaborer un
rapport concernant la situation de l’entreprise en difficulté à destination du tribunal, dans
lequel il appréciera notamment la recevabilité de la demande en réorganisation judiciaire,
ainsi que le suivi de l’évolution de la situation du débiteur pendant toute la durée du sursis. Il
est également chargé de vérifier si toutes les pièces utiles à l’ouverture ou à la poursuite de la
procédure ont été jointes au dossier et peut à tout moment requérir la production de celles-ci.
26
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.42.
27
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.43.
14
Une faculté particulièrement importante attribuée au juge délégué par l’article XX.62 est la
possibilité de déclencher la fin anticipée de la procédure lorsque le débiteur n’est
manifestement plus en mesure d’assurer la continuité de tout ou partie de ses actifs ou de ses
activités au regard de l’objectif de la procédure ou lorsque l’information fournie au juge
délégué lors du dépôt de la requête est manifestement incomplète ou inexacte28.
La mission du juge délégué s’achève lorsque le sursis prend fin ou dès que le jugement
déclarant la fin anticipative de la PRJ est rendu.
Les chambres des entreprises en difficulté vont dans un premiers temps collecter différents
clignotants, c’est-à-dire des indices révélant des difficultés encourues par une entreprise. Cette
tâche est notamment dévolue au juge-rapporteur. Une fois des difficultés identifiées par le
biais des clignotants30 et le dossier du débiteur soumis à la chambre concernée31, la loi octroie
à celle-ci trois objectifs repris ci-dessous tels qu’énumérés par Jean-Philippe Lebeau32 33 :
28
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.62.
29
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.25.
30
Les clignotants légaux identifiés par les chambres des entreprises en difficulté seront explicités plus loin dans
la suite de ce travail.
31
Cfr. Annexe I : Exemple de questionnaire à remplir pour les enquêtes commerciales.
32
J.-P. LEBEAU, La loi relative à la continuité des entreprises, Tome 1 er : l’enquête commerciale, vade-mecum
juridique, Bruxelles, la Charte, 2014, p. 25.
33
Jean-Philippe Lebeau est un spécialiste de la réorganisation judiciaire. Il a été avocat et, depuis 1990, juge au
tribunal de commerce de Charleroi dont il est le président depuis 1999.
15
2) Prendre en compte la protection des droits des créanciers
Il y a certes un objectif de viabilité de l’entreprise mais celui-ci ne peut se faire aux
dépens des droits des créanciers. La chambre des entreprises en difficulté doit veiller à
maintenir un équilibre entre les droits des différentes parties prenantes.
3) Mission de police économique
En vertu du paragraphe 2 de l’article XX.29, lorsqu’ « il ressort de la situation du
débiteur que ce dernier est en état de faillite ou qu’il réunit les conditions d’application
d’une mise en liquidation judiciaire »34, la chambre des entreprises en difficulté peut
communiquer le dossier au procureur du roi35. La chambre des entreprises en difficulté
va donc pouvoir éliminer de entreprises déjà virtuellement en faillite afin qu’elles ne
parasitent et ne retardent pas le système.
Bien que les chambres des entreprises en difficulté aient un rôle préventif crucial, il ne faut
cependant pas apparenter celui-ci à une mise sous tutelle du débiteur présentant des
difficultés. Les chambres sont là pour encadrer le débiteur dans un climat légal favorable.
Le juge-rapporteur dispose d’un délai de quatre mois pour rendre les conclusions de son
examen de l’entreprise et communiquer son dossier à la chambre.
Au vu des statistiques de la société Graydon présentées ci-dessus, il est clair que trois
quarts des demandes de réorganisation judiciaire déposées au tribunal de commerce ont pour
objectif initial la réalisation d’un accord collectif. Nous nous sommes dès lors penchés plus
particulièrement sur le déroulement de celui-ci.
34
J.-P. LEBEAU, La loi relative à la continuité des entreprises, Tome 1 er : l’enquête commerciale, vade-mecum
juridique, Bruxelles, la Charte, 2014, p. 25.
35
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.29.
36
Ce droit de rôle a été introduit à partir de janvier 2015.
16
loi énumère onze annexes37 que le débiteur doit joindre à sa demande sous peine
d’irrecevabilité38, notamment : l’exposé des motifs pour lesquels son entreprise est menacée
de discontinuité, l’objectif poursuivi, les deux derniers comptes annuels, …
Une fois le jugement prononcé, le débiteur a huit jours pour prévenir ses créanciers de la
teneur de la décision et plus particulièrement dans le cadre de l’accord collectif, il doit
communiquer à chacun d’entre eux le montant de la créance pour lequel chacun est inscrit
dans ses livres41. Ceci a été instauré dans un souci d’information des créanciers.
C’est durant la période de sursis que le débiteur est chargé d’élaborer son plan de
réorganisation. Il doit le déposer au greffe au moins vingt jours avant l’audience de vote. Ce
plan comprend deux parties : une descriptive et une prescriptive42.
Tel que son nom l’indique, la partie descriptive du plan consiste à donner une
description de la situation dans laquelle l’entreprise se trouve ainsi que des difficultés qu’elle
affronte. Le débiteur doit également formuler les mesures à prendre pour remédier à sa
situation précaire. « Une description générale de la situation de l’entreprise ne suffit pas : une
37
Cfr. Annexe II : Annexes à joindre lors du dépôt de la demande en réorganisation judiciaire.
38
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.41.
39
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.46.
40
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.46.
41
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.49.
42
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.70 et XX.77.
17
entreprise doit être rentable ou doit pouvoir être rendue rentable si elle veut survivre au jeu de
la concurrence, en conséquence, le débiteur doit fournir des indications à ce sujet »43.
Il est également requis du débiteur qu’il décrive l’ampleur et les fondements de chaque
créance afin que chaque créancier puisse se faire une opinion de l’adéquation du plan et de ses
chances de réussite.
La modalité qui est la plus souvent soumise au vote est l’abattement de créances. Celle-ci
consiste à réduire d’un certain pourcentage le montant d’une ou plusieurs créances,
l’abattement sera alors déduit du remboursement du total de la créance considérée. Le
débiteur ne peut cependant acter des abattements au gré de sa volonté, l’article XX.73 apporte
certaines limitations. En effet, le débiteur ne peut proposer un abattement supérieur à 80% du
principal. En d’autres termes, les propositions de remboursement soumises à l’approbation
des créanciers ne peuvent être inférieures à 20% du montant de chaque créance.
43
Proposition de loi relative à la continuité de l’entreprise, amendement, Doc., Ch., 2008, n° 52 0160/002, p. 67.
44
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.70.
45
A. ZENNER, op. cit., p.126.
46
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.73.
18
débiteur propose un abattement de 30% à certains créanciers privilégiés et 60% aux autres, les
créanciers institutionnels jouiront d’un abattement à hauteur de 30%.
En pratique, il est courant de remarquer que les débiteurs procèdent à différentes catégories de
créanciers et qu’ils proposent des abattements moins élevés aux créanciers cruciaux à la
bonne continuité des activités de l’entreprise.
A côté des abattements de créances, le débiteur dispose d’une série d’autres options pour
rédiger son plan de réorganisation. Il peut prévoir47 : des délais de paiement plus longs, des
renonciations aux intérêts ou un remboursement prioritaire du capital, des rééchelonnements
de créances, la conversion de créances en actions représentatives du capital, la cession
volontaire de parties de l’entreprise, etc.
Le débiteur doit avoir rédigé et déposé le plan au greffe au moins 20 jours avant
l’audience au cours de laquelle les créanciers voteront l’approbation ou non du plan48. Le
greffe communiquera celui-ci aux créanciers - au moins quinze jours avant l’audience - afin
qu’ils puissent prendre connaissance des mesures prises par le débiteur et émettre leur vote en
toute connaissance de cause.
Pour pouvoir être approuvé, le plan doit recueillir une double majorité cumulative49 (en
nombre de créanciers et en masse) :
1) Une majorité de votes favorables émis par les créanciers présents ;
2) qui doivent représenter par leur créance la moitié de toutes les sommes dues en principal.
Seuls les créanciers ayant pris part au vote et leurs créances respectives sont pris en compte
dans le calcul des majorités en nombre et en masse.
« Si les deux majorités de vote n’ont pas été réunies, le jugement du tribunal se limite à
constater que le plan de réorganisation n’a pas été adopté, et clôture la procédure en l’état »50.
47
J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 75-76.
48
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.77.
49
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.78.
50
J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 83.
19
En revanche, lorsque le vote a été approuvé, le tribunal dispose de quinze jours à partir de
l’audience pour déterminer s’il homologue le plan. En général l’homologation est la règle51.
Une fois le plan homologué, le débiteur doit tout mettre en œuvre pour l’exécuter et
répondre de ses engagements. A dater de son homologation, le plan doit être exécuté endéans
les cinq ans. Le tribunal peut procéder à un suivi du débiteur et le convoquer annuellement
pour qu’il fasse état de ses avancées53.
1.5 Conclusion
Après neuf années d’application, bien que cette procédure semblait prometteuse pour
l’avenir et le redressement des entreprises en difficulté, force est de constater que la procédure
de réorganisation judiciaire n’a pas atteint les objectifs poursuivis par le législateur. En effet,
selon les statistiques de la firme Graydon, entre 70 et 80% des entreprises en PRJ finissent en
faillite54. Selon Eric Van den Broele, la réorganisation judiciaire reste souvent l’antichambre
de la faillite55.
51
J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 83.
52
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.82.
53
J.-P. LEBEAU et C. ALTER, op. cit., p. 87.
54
M. LAUWERS, « Trop peu d’entreprises, recourent trop tard, à la réorganisation judiciaire », L’Echo, 2018,
p. 19.
55
E. VAN den BROELE, « La loi sur la continuité des entreprises : un instantané avant l’application du Livre
XX du Code de droit économique », Le droit de l’insolvabilité : analyse panoramique de la réforme, A. Zenner
(dir.), Limal, Anthemis, 2018, p. 77.
20
entreprise se trouve menacée ou en état de cessation de paiement, voir virtuellement en
faillite »56. Cette thématique fait l’objet du deuxième chapitre de ce travail.
56
A. ZENNER, Dépistage, faillites & concordats, Bruxelles, Larcier, 1998, p. 142.
21
Chapitre 2 - Prévention et détection des entreprises en difficulté par
l’analyse des clignotants
Ceci peut s’expliquer tout d’abord par les diverses modifications apportées à la loi originaire.
Nous pensons en premier lieu à la réforme du 1er aout 2013 de la loi LCE qui a renforcé les
conditions d’accès à la procédure en raison notamment des abus qui avaient pu être constatés
auparavant, mais aussi en raison de l’entrée en vigueur, le 1 er janvier 2015, d’un droit de rôle
de 1000€.
Une deuxième explication laisse présager que nombre de dirigeants à l’heure actuelle ne sont
pas encore suffisamment au courant des outils légaux qui sont mis à leur disposition afin de
57
Statistiques publiées par la SA Graydon Belgium.
22
les aider à redresser la barre. Nous pouvons remarquer grâce au graphe ci-dessous que trop
peu d’entreprises qui sont tombées en faillite entreprennent la démarche judiciaire de la PRJ58.
Figure 4 - Rapport entre le nombre de PRJ et le nombre total de faillites en Belgique - Source "Graydon Belgium"
En 2017, le ratio Faillites/PRJ était à hauteur de 6,6 ; « Celles (les entreprises) qui demandent
à bénéficier de la protection offerte par la PRJ ne sont donc qu’une infime minorité par
rapport au nombre de celles qui défaillent »59. Et, qui plus est, nombre d’entre elles sont déjà
virtuellement en faillite lorsqu’elles entrent en PRJ.
Le constat est donc flagrant : trop peu d’entreprises recourent à la réorganisation judiciaire et
généralement trop tard60.
Un meilleur dépistage des entreprises en difficulté est nécessaire ainsi qu’une détection plus
précoce des clignotants pour permettre de mettre en place une PRJ plus en amont et ainsi
avoir de meilleures chances de succès.
Nous allons dans les prochains points de ce chapitre aborder différents clignotants, ceux-ci
formant des indices de risque de discontinuité lorsqu’ils « s’allument », permettant d’établir
un diagnostic de la situation d’une entreprise et sa nécessité à recourir à une procédure de
réorganisation judiciaire61 afin de ne pas déposer le bilan. Il est important de signaler que
chaque indice pris isolément ne constitue généralement pas une atteinte à lui seul à la
continuité de l’exploitation. C’est l’accumulation de plusieurs indices défavorables qui tend à
précipiter l’entreprise vers la discontinuité.
23
base de statistiques dégagées par la société). Enfin, certains autres critères - financiers et
d’exploitation - permettant l’appréciation de la continuité seront présentés en raison de leur
importance pour la viabilité des entreprises.
L’article XX.21 dispose que « les renseignements et données utiles concernant les
débiteurs qui sont en difficultés financières telles que la continuité de leur activité
économique peut être mise en péril, y compris ceux qui sont obtenus en application des
dispositions du présent titre, sont collectés au greffe du tribunal du ressort dans lequel le
débiteur a son centre des intérêts principaux ».
Les clignotants légaux sont étroitement liés au rôle des chambres des entreprises en difficulté.
En effet, ceux-ci doivent être obligatoirement communiqués aux chambres afin qu’elles
puissent porter une appréciation quant au risque de discontinuité que pourrait encourir une
entreprise. Ces clignotants sont repris aux articles XX.22 et XX.23 du livre XX sous le titre 2
« Détection des entreprises en difficulté » et sont les suivants62 :
- Le tableau mensuel des protêts, pour lequel le dépositaire central n’a pas encore reçu
ou constaté de paiement ;
- Les jugements de condamnation par défaut et les jugements contradictoires pour
lesquels le principal réclamé n’a pas été contesté ;
- Les jugements qui déclarent résolus un bail commercial à charge du locataire ;
- Tout retard de paiement d’un trimestre des cotisations ONSS, du précompte
professionnel et de la TVA. Ce clignotant avait été modifié par la loi du 27 mais 2013
qui obligeait lors de son entrée en vigueur de communiquer des retards non plus de
deux trimestres mais bien d’un trimestre et ceci parce qu’ « un retard de paiement d’un
trimestre à l’ONSS et à la TVA constitue déjà un important signal d’alerte des
problèmes de l’entreprise. Deux trimestres témoignent généralement d’une situation
62
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.22 et XX.23.
24
désespérée. De manière à s’atteler aux problèmes à temps, il est nécessaire de
raccourcir le délai comme prévu dans le projet »63.
Cependant, lors de notre entretien avec monsieur Alain Zenner64, celui-ci nous a affirmé
que les clignotants légaux n’étaient en fait pas des clignotants de risque de faillite mais
bien des clignotants d’existence d’une faillite. Lorsque ceux-ci sont détectés, il est
généralement déjà trop tard car la situation dans laquelle se trouve l’entreprise est déjà
trop grave.
Ces clignotants ne sont bien entendu pas les seuls collectés par la chambre des entreprises
en difficulté. Celle-ci peut recueillir tout clignotant et toute information nécessaire pour
éclairer la situation du débiteur en difficulté. J.-L. Duplat énonçait en sus de ces
clignotants légaux, divers autres mis en place au sein du tribunal de commerce de
Bruxelles à partir de 19816566 :
En outre, la loi du 11 aout 2017 portant insertion du livre XX met en place la numérisation
des données récoltées via le registre RegSol67. Effectivement l’article XX.15 énonce : « le
registre contient toutes les données et pièces dont l’insertion est prévue par le présent livre ».
Il s’agit d’une véritable aide pour le fonctionnement des chambres des entreprises en difficulté
63
Projet de loi modifiant diverses législations en matière de continuité d’entreprises, exposé des motifs, Doc.,
Ch., 2012-2013, n° 2692/001, p. 11.
64
Cfr. Annexe V : Entretien avec Alain Zenner.
65
G. DELVAUX, Réorganisation judiciaire : les missions des professionnels du chiffre. Commentaires du livre
xx du code de droit économique, Limal, Anthemis, 2017, p. 36.
66
J.-L. DUPLAT, « Détection des entreprises en discontinuité ou menacées de le devenir », Actualité de la
continuité, continuité de l’actualité. Etats généraux de la continuité des entreprises, A. Zenner et M. Dal (dir.),
Bruxelles, Larcier, 2012, p. 426.
67
RegSol pour Registre central de Solvabilité.
25
car comme l’indique l’exposé des motifs : « La tâche des chambres sera quelque peu modifiée
à l’avenir sur trois points. Le premier point concerne les données centralisées numériquement
sous la forme adéquate qui seront disponibles de sorte que le travail administratif préalable à
une enquête commerciale typique sera fortement simplifié. La tâche des chambres ne sera pas
tant de recueillir et classer les données, que d’apprécier si, sur base des données et ratios
fournis, un entretien avec le dirigeant d’entreprise s’avère pertinent et utile »68.
L’article XX.23, inspiré de l’article 138 du code des sociétés, est rédigé comme suit :
« L’expert comptable externe, le comptable agréé externe, le comptable fiscaliste agréé
externe et le réviseur d’entreprises qui constatent dans l’exercice de leur mission des faits
graves et concordants susceptibles de compromettre la continuité de l’activité économique du
débiteur, en informent par écrit et de manière circonstanciée ce dernier le cas échéant au
travers de son organe de gestion. Si dans un délai d’un mois à dater de l’information faite au
débiteur, ce dernier ne prend pas les mesures nécessaires pour assurer la continuité de
l’activité économique pendant une période minimale de douze mois, l’expert comptable
externe, le comptable agréé externe, le comptable-fiscaliste agréé externe ou le réviseur
d’entreprises peuvent en informer par écrit le président du tribunal de commerce »69.
Par cet article, le législateur donne clairement un rôle préventif au professionnel du chiffre.
Nous pouvons notamment lire dans les commentaires de cet article : « L’opportunité qui y est
prévue est susceptible de faire avancer considérablement les enquêtes commerciales. Dans
l’optique d’une prévention efficace de la discontinuité, il est nécessaire d’obliger les
68
Projet de loi portant insertion du livre XX « Insolvabilité des entreprises », dans le code de droit économique,
et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d’application du livre XX, dans le
livre I du Code de droit économique, exposé des motifs, Doc., Ch., 2016-2017, n°2407/001, p.45.
69
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.23.
26
professionnels comptables à prendre une initiative »70. Plus qu’un rôle de simple écriture, le
professionnel du chiffre joue désormais un rôle de conseil et de prévention par la
communication obligatoire au débiteur des menaces susceptibles de mener à des difficultés71.
Il devra mettre en garde les dirigeants et les assister afin de prendre les mesures adéquates
pour permettre la survie de leurs entreprises.
Bien que l’insertion de cet article ait été favorable dans la prévention des entreprises, Alain
Zenner déplore tout de même que seule la communication aux dirigeants de l’entreprise est
obligatoire et non celle au président du tribunal de commerce qui demeure, comme cité ci-
dessus, facultative73. En raison du fait qu’elles soient légalement facultatives, de telles
communications ne se rencontrent dans la pratique presque jamais. J.-L. Duplat avait
notamment fait le constat qu’en 15 ans de pratique il n’avait expérimenté qu’un seul cas où un
réviseur-commissaire avait communiqué ses constations auprès du président du tribunal de
commerce74. Encore une fois, malgré l’ambition du législateur, les objectifs voulus par cette
disposition n’ont pas été atteints.
70
Projet de loi modifiant diverses législations en matière de continuité d’entreprises, exposé des motifs, Doc.,
Ch., 2012-2013, n° 2692/001, p. 11.
71
Cfr. Annexe III : Etapes à suivre par le professionnel comptable dans le cadre de sa mission de prévention.
72
Contrairement à ce qui se fait en France
73
A. ZENNER et C. ALTER, La loi sur la continuité des entreprises revisitée par la loi du 27 mai 2013,
Bruxelles, Larcier, 2014, p. 21.
74
J.-L. DUPLAT, « Détection des entreprises en discontinuité ou menacées de le devenir », Actualité de la
continuité, continuité de l’actualité. Etats généraux de la continuité des entreprises, A. Zenner et M. Dal (dir.),
Bruxelles, Larcier, 2012, p. 435.
27
rapport intitulé « Baromètre des entreprises belges »75. Nous voudrions d’ores et déjà précisé
que chaque clignotant pris individuellement n’est pas nécessairement significatif. C’est
l’accumulation de plusieurs d’entre eux qui permet de tirer des conclusions.
Les chiffres de cette étude sont basés sur l’ensemble de l’année 2016 et ont été publiés en
2017. Néanmoins les conclusions peuvent être conservées pour l’année 2018. 514 717
entreprises ont été sélectionnées au 31 décembre 2016 dont 160 491 montraient au moins un
des 12 clignotants – soit 31,18% des entreprises actives. Le nombre de ces entreprises ayant
fait faillite s’élève à 7 746. Pour connaître le poids d’un clignotant, Graydon a regardé pour
combien d’entreprises déclarées en faillite le signal avait été aperçu.
Grâce à cette étude, la société Graydon a pu mettre en avant qu’il existe un lien étroit entre les
clignotants et la faillite. Graydon a plus particulièrement tiré le constat que parmi les
entreprises présentant quatre clignotants (peu importe lesquels), 1 sur 5 était déclarée en
faillite en 2016. Lorsque six clignotants s’allument, la faillite est prononcée dans 1 cas sur 276.
Nous allons donc examiner chaque clignotant sur base de l’étude faite par Graydon. Les
données statistiques que nous mentionnons dans la suite de ce travail sont toutes tirées de
cette étude.
A partir du moment où une entreprise présente une rentabilité négative pendant deux
années consécutives, celle-ci est en difficulté étant donné qu’elle subit des pertes et n’est plus
à même de dégager des bénéfices nécessaires pour soutenir et garantir la croissance de la
société. En effet, l’entreprise consomme plus de moyens financiers que l’exploitation
n’engendre de ressources. Avoir une entreprise rentable est notamment crucial afin que celle-
ci puisse opérer des investissements et trouver des sources de financement. Il lui sera en effet
difficile d’obtenir des crédits auprès des organismes financiers si elle n’est plus capable de
générer des bénéfices.
En 2016, 7,8% des entreprises présentaient ce clignotant. Cependant, seule 1 entreprise sur 49
porteuses de ce signal a fait faillite en 2016 (ce qui représente 2,04% des entreprises ayant fait
faillite). Bien que l’analyse de la rentabilité sur une période de deux ans soit importante afin
75
GRAYDON BELGIUM, Baromètre des entreprises belges. Situation 31/12/2016, Antwerpen, Graydon open
in business, 2017, p. 2 à 39.
76
GRAYDON BELGIUM, op. cit., p. 3.
28
de voir si l’exploitation se porte bien, la valeur d’alarme du clignotant reste toutefois assez
limitée.
Le ratio de liquidité permet d’identifier si une entreprise est à même de rencontrer ses
échéances à court terme au moyen de ses revenus à court terme et de ses valeurs disponibles.
En effet, il s’agit de voir si l’entreprise est capable de faire face à une exigence de
remboursement immédiate de la part de ses créanciers. Le ratio de liquidité est calculé de la
manière suivante : ratio = actif circulant77 / dettes à un an au plus. En analyse financière, on
considère qu’une entreprise peut être réputée comme ayant des problèmes de trésorerie à
partir du moment où son ratio de liquidité est inférieur à un78. Dans ce cas, le montant des
dettes à court terme n’est pas couvert par le patrimoine et les revenus que l’entreprise peut
réaliser à court terme79. La société Graydon a pour sa part identifié les entreprises dont le ratio
de liquidité était inférieur à 0,5 car une fois descendue en-dessous de cette barre, la situation
n’est plus seulement alarmante mais d’autant plus difficile à renverser.
77
L’actif circulant se compose des actifs qui ne servent pas de manière durable à l’exploitation de l’entreprise. Il
s’agit des actifs dont le délai de réalisation est inférieur à un an.
78
Un ratio de liquidité supérieur à 1 est considéré comme sain.
79
GRAYDON BELGIUM, 12 signaux pour reconnaitre une faillite imminente, Antwerpen, Graydon open in
business, 2017, p.2 à 11.
29
Le graphe ci-dessus représente la liquidité des entreprises en LCE de 2012 à 2016. Nous
pouvons observer que pour la période allant de 2012 à 2016, 50% des entreprises (médiane,
en rose) ont une liquidité inférieure à 0,82.
Dans le cadre de l’étude réalisée par la société Graydon, il ressort que 2,32 % de toutes les
entreprises dont le ratio de liquidité est inférieur à 0,5 ont fait faillite en 2016. Graydon relève
que bien que beaucoup d’analystes interprètent ce ratio comme un signal fort démontrant que
l’entreprise se porte mal, dans la pratique il s’agit d’un des indices les moins pertinents à court
terme par rapport à d’autres indices (que nous étudierons dans la suite de ce travail).
2.3.3 Taux d’endettement général supérieur à 100% (supérieur aux fonds propres)
Cela signifie que l’entreprise a des fonds propres négatifs et par la même que l’actif
net de l’entreprise est négatif également. Il existe un manque de capital. De plus, un actif net
négatif se traduit par une solvabilité inférieure à 0. Les moyens financiers de l’entreprise ne
permettent plus de payer toutes les dettes. Ces entreprises ont un besoin urgent de capitaux
frais. Dans ce cas d’endettement, la procédure de la sonnette d’alarme prévue par le code des
sociétés aux articles 332, 431 et 633 (lorsque l’actif net est réduit à la moitié, puis au quart du
capital social) a généralement été déclenchée depuis longtemps.
L’endettement révèle dans quelle proportion une entreprise finance ses actifs au moyen de ses
fonds propres et/ou des fonds de tiers. Un ratio d’endettement est considéré comme
convenable lorsqu’il se situe à 70%.
L’actif net correspond à la valeur de l’entreprise et est égale aux fonds propres de celle-ci.
L’actif net se calcule comme suit : Total de l’actif - Exigibles long terme et court terme -
Provisions pour risques et charges. L’actif net exprime la mutation subie par l’avoir social par
le fait de l’activité de l’entreprise80. Un actif net négatif exprime qu’une entreprise a
d’avantage d’obligations que de droits et avoirs. Les tiers y verront généralement peu de
garantie.
80
J. BERWART, Analyse des états financiers et financement des entreprises, syllabus, Université de Liège,
2014-2015, chapitre 3 p. 5.
30
Figure 6: Degré d'endettement des entreprises en LCE - Source "Graydon Belgium"
Ce graphe décrit le degré d’endettement des entreprises en LCE. Il est assez flagrant de
remarquer que lors des cinq dernières années, 50% des entreprises présentaient un taux
d’endettement de plus de 95%. Celui-ci a même atteint 101,34% en 2016.
En 2016, une société sur 36 (soit 2,79%) qui présentaient un taux d’endettement supérieur au
capital a été déclarée en faillite. Ce problème a été observé chez 11,25% des entreprises
belges.
Les fonds propres regroupent l’ensemble des ressources propres de la société, c’est-à-
dire des moyens financiers mis à la disposition de l’entreprise de manière durable. Il s’agit des
six premières rubriques du passif : capital (rubrique 10), primes d’émission (rubrique 11),
plus-values de réévaluation (rubrique 12), réserves (rubrique 13), résultat reporté (rubrique
14) et subsides en capital (rubrique 15)81.
Une diminution des fonds propres provient du fait que l’entreprise est incapable de réaliser
des bénéfices et de reporter des réserves à l’exercice suivant. Lorsque l’actif net (donc les
fonds propres) de l’entreprise est réduit à un montant inférieur à la moitié, voire au quart, du
capital social, le mécanisme de la sonnette d’alarme prévu aux articles 633 (SA), 431 (scrl) et
332 (sprl) du code des sociétés doit être activé.
L’article 633 dispose qu’à partir du moment où l’actif net est réduit à un montant inférieur à la
moitié du capital social, l’assemblée générale doit, dans un délai de deux mois à partir du
moment où la perte a été constatée, être convoquée par le conseil d’administration afin de
délibérer sur une éventuelle dissolution de la société ou sur des mesures à prendre en vue de
81
J. BERWART, Analyse des états financiers et financement des entreprises, syllabus, Université de Liège,
2014-2015, chapitre 3 p. 3.
31
remédier à la situation. Pour ce faire, le conseil d’administration rédige un rapport spécial afin
de justifier ses propositions. S’ils proposent la poursuite des activités, les administrateurs
doivent alors exposer dans le rapport les mesures qu’ils comptent mettre en place afin de
redresser la situation financière de l’entreprise82.
L’étude menée par la société Graydon révèle que la sonnette d’alarme a été déclenchée pour
16,51% des 514 717 entreprises. De plus, 3,51% des entreprises présentant ce clignotant ont
fait faillite en 2016.
Il nous semble également opportun de mentionner une nouvelle mesure préventive prévue
dans le projet de loi du 4 juin 2018 introduisant le Code des sociétés et associations. Il est
prévu aux articles 5 :141 et suivants une nouvelle règlementation en rapport avec les
distributions (de dividendes, tantièmes, …) et ce en vue de protéger les créanciers en évitant
que les distributions du patrimoine social ne se fassent à leurs dépens83. En effet, les
distributions ne pourront avoir pour effet :
82
Code des sociétés, art. 633.
83
Projet de loi introduisant le Code des sociétés et des associations et portant des dispositions diverses, exposé
des motifs, Doc., Ch., 2017-2018, n° 3119/001, p. 176-179.
84
ONSS et Fisc sont des « banquiers faciles » mais couteux.
32
retard de plus de trois mois de paiement à l’ONSS et à la TVA85. Ceci dans une perspective
d’information constante des employés quant aux difficultés que rencontre l’entreprise.
Une entreprise sur 16 (soit 6,25%) présentant ce signal a fait faillite en 2016.
Les citations de l’ONSS portent généralement sur les dettes de plus de six mois. Dans
la cadre de son étude, la société Graydon a tenu compte des entreprises dont la citation
remonte à moins de six mois. Ce signal a une valeur d’alarme intéressante, 12,2% de toutes
les entreprises assignées par l’ONSS ont fait faillite en 2016. Cependant, il faut noter que
l’ONSS assigne régulièrement pour des montants relativement limités, des faits prescrits ou
toutes sortes de contestations.
Bien que l’utilisation des lettres de change soit en forte diminution, celles-ci sont tout
de même encore employées dans certains secteurs (comme le textile par exemple). Un protêt
intervient lorsqu’une lettre de change souscrite n’a pas été payée à échéance. Cela prouve
qu’une entreprise ne peut pas remplir son engagement de paiement. Lorsqu’un phénomène de
protêt apparaît, cela laisse fortement présager que l’entreprise se dirige vers une situation de
discontinuité.
85
CCT n° 27 du 27 novembre 1975 relative à la déclaration par l’employeur de certains retards de paiement
86
GRAYDON BELGIUM, Baromètre des entreprises belges. Situation 31/12/2016, Antwerpen, Graydon open
in business, 2017, p. 2 à 39.
33
15,15% des entreprises ayant eu recours à des lettres de change protestées ont fait faillite en
2016. Néanmoins, bien que ce signal soit fort, il faut souligner que seules 0,07% des
entreprises étaient confrontées à des protêts en 2016.
Une attention toute particulière est requise lorsqu’un chef d’entreprise a été mandaté
dans les mêmes fonctions dans une autre entreprise ayant été déclarée en faillite au cours des
cinq années précédentes. En pratique, suite à la survenance de la faillite d’une entreprise, un
effet boule-de-neige est susceptible d’apparaître et de se propager aux autres entreprises dans
lesquelles la personne a également des mandats.
2.3.10 Comptes annuels non publiés successivement pour les deux dernières années
La plupart des entreprises belges87 ont l’obligation de publier chaque année leurs
comptes annuels en les déposant auprès de la centrale des bilans de la Banque Nationale
Belge. Les comptes annuels permettent de livrer une image fidèle de la situation financière de
l’entreprise. Ils constituent de bons indices permettant d’attester ou non de la bonne stabilité
financière de l’entreprise et de sa solvabilité. Ils fournissent également une bonne indication
quant au développement de la société.
Une entreprise rencontrant des problèmes comptables pourrait alors être tentée de les
dissimuler, afin de ne pas révéler sa situation financière précaire, en ne divulguant pas ses
comptes annuels. Cela est cependant illégal. Selon le législateur, à partir du moment où une
entreprise est en défaut de publication de ses comptes annuels pendant 36 mois, celle-ci peut
être dissoute par voie judiciaire88.
Ce clignotant est un signale d’alarme fort : 22,22% de toutes les entreprises n’ayant pas publié
de comptes annuels pendant 24 mois ont fait faillite en 2016.
87
Tel n’est notamment pas le cas pour les petites entreprises qui peuvent tenir une comptabilité simplifiée.
88
Code des sociétés, art. 182 § 1.
34
2.3.11 Administrateur provisoire nommé
Tel qu’énoncé plus haut dans notre exposé sur les acteurs de la procédure de
réorganisation judiciaire, « le tribunal peut nommer un administrateur provisoire lorsqu’une
entreprise est en difficulté »89. L’administrateur se substitue alors au débiteur et reprend en
main la gestion et la direction de l’entreprise. L’étude menée par la société Graydon a
répertorié 104 cas pour lesquels un administrateur provisoire avait été nommé en 2016. Parmi
ces 104 cas, 1 cas sur 4,3 a mené à la faillite - soit 22,3% des entreprises pour lesquelles un
administrateur provisoire avait été nommé.
De tous les clignotants mis en avant par la firme, le score social Graydon est le plus
significatif. En 2016, 32,26% des entreprises dont le score social Graydon était très négatif
ont fait faillite.
2.3.13 Conclusion
Il peut paraître surprenant que, au regard de l’étude menée par la société Graydon, les
clignotants financiers soient ceux qui pèsent le moins malgré que ceux-ci soient les plus
utilisés au quotidien. Il faut cependant considérer que ces clignotants pris individuellement ne
sont certes pas fondamentaux, mais c’est leur synthèse qui est importante. Des signaux
d’alarme factuels tels que le score développé par la firme Graydon, un retard important dans
la publication des comptes annuels ou encore un chef d’entreprise déjà impliqué
précédemment dans une faillite sont plus significatifs de l’évolution de l’entreprise vers la
discontinuité – et pire encore, dans certains cas, vers la faillite.
89
GRAYDON BELGIUM, 12 signaux pour reconnaitre une faillite imminente, Antwerpen, Graydon open in
business, 2017, p.2 à 11.
35
Enfin, tel que souligné en conclusion de l’étude, « il existe non seulement des instruments
pertinents pour motiver des prononcés de faillite, mais aussi des instruments qui permettent de
développer une politique préventive digne de ce nom et ainsi de détecter et sauver à temps les
entreprises en difficulté »90.
Outre les indices de discontinuité mis en avant par la société Graydon, il ne faut pas perdre de
vue toute une batterie de clignotants détectables dans les comptes annuels, les comptes de
résultat, le rapport de gestion et autres documents relatifs au fonctionnement de l’entreprise. Il
est important pour les dirigeants d’entreprise, ainsi que les professionnels du chiffre qui les
assistent, de garder un œil attentif à intervalle régulier sur ceux-ci. Une fois ces clignotants
devenus « rouges », il est généralement trop tard pour permettre quelque redressement de
l’activité que ce soit.
Certains de ces clignotants (surtout les financiers) se basant sur l’analyse des comptes annuels
de l’entreprise, il faut dès lors rappeler l’importance de fournir des données comptables
fiables et représentatives de la situation de l’entreprise92. En effet, certains dirigeants
pourraient être tentés de dissimuler la situation comptable réelle par des artifices afin de ne
pas laisser transparaître les difficultés auxquelles l’entreprise fait face.
De surcroit, pris isolément, ces signaux d’alarme ne révèlent pas nécessairement une atteinte à
la continuité de l’exploitation. C’est l’accumulation de manière durable de plusieurs
clignotants défavorables qui fournira le réel risque encouru par une entreprise.
Nous pouvons répartir les critères permettant d’attester de la continuité d’une entreprise en
quatre grands groupes93 :
90
GRAYDON BELGIUM, Baromètre des entreprises belges. Situation 31/12/2016, Antwerpen, Graydon open
in business, 2017, p. 2 à 39.
91
G. DELVAUX et N. PROCUREUR, « Rôle actif et missions confiées au professionnel du chiffre externe dans
la procédure en réorganisation judiciaire », Le droit de l’insolvabilité : analyse panoramique de la réforme, A.
Zenner (dir.), Limal, Anthemis, 2018, p. 116.
92
P. PEYRAMAURE et P. SARDET, L’entreprise en difficulté. Prévention. Restructuration. Redressement,
Paris, Encyclopédie Delmas, 2006, p. 75.
93
G. DELVAUX, Réorganisation judiciaire : les missions des professionnels du chiffre. Commentaires du livre
XX du code de droit économique, Limal, Anthémis, 2017, p. 27 et s.
36
- Critères fondés sur la situation financière ;
- Critères fondés sur l’exploitation ;
- Critères fondés sur la gestion des ressources humaines ;
- Autres critères à caractère non habituel.
Nous présenterons dans la suite de ce chapitre des exemples de signaux relatifs aux quatre
catégories de critères, sans que cette liste soit exhaustive94. Nous porterons à certains d’entre
eux, surtout aux indicateurs financiers, une attention toute particulière.
94
Les signaux que nous avons préconisés proviennent des ouvrages suivants : G. DELVAUX, Réorganisation
judiciaire : les missions des professionnels du chiffre. Commentaires du livre XX du code de droit économique,
Limal, Anthémis, 2017 ; J.-L. DUPLAT, « Détection des entreprises en discontinuité ou menacées de le
devenir », Actualité de la continuité, continuité de l’actualité. Etats généraux de la continuité des entreprises, A.
Zenner et M. Dal (dir.), Bruxelles, Larcier, 2012 ; P. PEYRAMAURE et P. SARDET, L’entreprise en difficulté.
Prévention. Restructuration. Redressement, Paris, Encyclopédie Delmas, 2006.
Ils proviennent également de l’exposé d’une conférence lors du colloque organisé par le réseau CAP en
décembre dernier, où nous étions présents.
37
Le fonds de roulement est considéré comme les ressources dont l’enteprise peut
disposer de manière permanente pour financer son cycle d’exploitation au jour le jour.
Il s’agit d’une sorte de soupape de sécurité que l’entreprise a à sa disposition.
D’autre part, dans une société profitable et liquide, le fonds de roulement augmente
régulièrement en cours d’année. Plus il augmente, plus il génère des liquidités avec
lesquelles l’entreprise pourra payer ses dettes à court terme (cette situation est
présentée par le schéma ci-dessous). Dans le cas contraire, le fonds de roulement va
diminuer et cette diminution sera un clignotant important mais non nécessairement
significatif à lui seul. Ce qui est important c’est de comprendre d’où vient cette
diminution.
Comme nous venons de le voir, il existe donc deux façons d’appréhender la notion de
fonds de roulement, qui se traduisent par deux manières différentes de le calculer:
38
Un fonds de roulement positif est indispensable à la continuité de l’exploitation de
l’entreprise. L’inverse indique une mauvaise politique de financement. Une partie des
immobilisations est alors financée par des dettes à court terme. Un fonds de roulement
négatif engendre des problèmes de liquidité et de trésorerie et peut créer une situation
conflictuelle avec les différents partenaires: les fournisseurs avec lesquels l’entreprise
va devoir négocier un délai de paiement plus long, les clients auxquels elle va
demander de régler leurs factures plus rapidement, les banquiers avec lesquels il sera
moins aisé de négocier l’octroi de nouveaux crédits, les administrations sociales et
fiscales en raison de retards de paiement susceptibles de survenir, …
La valeur du besoin en fonds de roulement est positive lorsque l’entreprise n’est pas à
même de financer son cycle d’exploitation grâce à ses dettes à court terme. Cela
signifie que l’entreprise doit recourir à des moyens de financement externes, situation
peu avantageuse pour celle-ci. Des solutions internes peuvent être apportées afin de
diminuer son besoin en fonds de roulement telles que : diminuer le délai de paiement
client, éviter de payer trop tôt les fournisseurs, faire en sorte qu’il existe une bonne
rotation des stocks en essayant de les maintenir au niveau le plus bas possible, …
II. Cash-flow
Le cash-flow d’une entreprise est un indicateur financier souvent utilisé afin de suivre
la situation financière d’une entreprise et surtout sa capacité d’autofinancement
destinée principalement aux remboursements de ses dettes à long terme et aux
95
J. BERWART, Analyse des états financiers et financement des entreprises, syllabus, Université de Liège,
2014-2015, chapitre 3 p. 10.
39
investissements nouveaux (sans devoir avoir recours à des financements extérieurs).
Le cash-flow correspond aux flux d’argent dégagés par l’activité d’une société à un
moment donné - certains flux de liquidité proviennent directement de l’activité (vente
de produits, dépenses pour des achats de matières premières, paiement des salaires,
etc.) tandis que d’autres sortent du cadre de l’activité normale de l’entreprise
(encaissement d’un emprunt, amortissements de capital, cession d’une immobilisation,
etc.).
Pour faire simple, le cash-flow est égal à la différence entre les flux d’argent rentrant -
les produits encaissés - et les flux d’argent sortant - les charges décaissées. Une
méthode plus complète consiste à calculer le cash-flow en partant du résultat de
l’exercice et en neutralisant l’impact des charges non décaissées et des produits non
encaissés, qui ne correspondent à aucun flux financier96.
Ainsi, CF = Résultat de l’exercice + charges non décaissées - produits non encaissés
Un cash-flow négatif indique qu’il y a plus d’argent qui sort de l’entreprise qu’il n’en
rentre, celle-ci s’est donc appauvrie. Afin de faire face, la société doit contracter des
emprunts - ce qui engendre un coût - ou puiser dans ses valeurs disponibles ou
placements de trésorerie pour honorer ses échéances97. A l’inverse, lorsque le cash-
flow est positif, l’entreprise se porte bien. Elle peut honorer toutes ses obligations -
remboursement des dettes financières, investir, … - à l’aide de ses flux de liquidité.
Une entreprise ayant un cash-flow suffisant aura plus de chances que sa demande de
financement auprès des établissements de crédit soit fructueuse et à des conditions
plus favorables.
Enfin, comme l’avaient indiqué à juste titre W. Niessen et J. Capodici : le fait qu’une
entreprise soit bénéficiaire ne signifie pas toujours que celle-ci ait une bonne santé
financière. Il existe plusieurs cas dans lesquels des entreprises, bien qu’étant
bénéficiaires, ont été déclarées en faillite en raison de problèmes de liquidités. Ceci
s’explique par le fait qu’afin que le cash-flow corresponde bien aux flux d’argent
générés par l’activité de l’entreprise, tous les produits encaissés ainsi que les charges
96
Les charges non décaissées ne représentent aucunement des flux financiers. Les produits non encaissés
correspondent quant à eux à une imputation comptable, mais non à un flux financier.
97
J. BERWART, Analyse des états financiers et financement des entreprises, syllabus, Université de Liège,
2014-2015, chapitre 3 p. 15.
40
décaissées doivent l’être durant l’exercice comptable. Or, en raison des délais de
paiement accordés, tel n’est pas toujours le cas98.
III. Solvabilité
La solvabilité d’une entreprise est sa capacité à payer ses dettes. Il s’agit d’un
indicateur essentiel dans le monde bancaire. Un établissement de crédit accordera plus
facilement un prêt à une entreprise qui est solvable, c’est-à-dire qui est en mesure de
payer ses factures. Une entreprise est solvable lorsque la part des capitaux propres
dans son financement est prépondérante par rapport à la part des fonds de tiers. Cette
notion importe également dans le monde des affaires. En effet, une entreprise sera plus
encline à travailler avec des clients potentiels si ceux-ci sont solvables.
Il est indispensable que ce ratio de solvabilité atteigne au moins 20% avec un souhait à
50% minimum.
Des retards dans les délais de paiement peuvent avoir un impact important sur le cash-
flow de l’entreprise - étant donné que cela porte atteinte à la liquidité de l’entreprise -
98
J. CAPODICI et W. NIESSEN, Comprenez votre comptable, Liège, Edipro, 2011, p. 262.
99
P. PEYRAMAURE et P. SARDET, L’entreprise en difficulté. Prévention. Restructuration. Redressement,
Paris, Encyclopédie Delmas, 2006, p. 79.
100
X, « Retards de paiement en Belgique », disponible sur https://graydon.be/fr/wiki/retards-de-paiement-en-
belgique, s.d., consulté le 18 juillet 2018.
41
et sur sa rentabilité. La situation idéale pour toute entreprise est celle où le nombre de
jours de crédit clients est inférieur au nombre de jours de crédit fournisseurs101. Ainsi,
l’entreprise peut payer ses fournisseurs après avoir encaissés l’argent de ses clients. Ce
qui est bénéfique pour le besoin en fonds de roulement et la trésorerie102.
A cet effet, depuis 1984, la société Graydon recueille auprès des entreprises belges des
informations concernant le comportement de paiement de leurs clients. Su base de ces
informations de paiement, Graydon a calculé un indice global de paiement : « l’indice
de paiement Graydon ». Mieux les entreprises belges se paient mutuellement, plus
l’indice est élevé. Au troisième trimestre 2017, l’indice de paiement est tombé à 101,5,
indice le plus faible depuis début 2014.
Les données publiées par la société Graydon103 nous enseigne qu’au quatrième
trimestre 2015, 71,37% des factures à charge des sociétés étaient payées
adéquatement. Ce chiffre ne s’élève plus qu’à 68,3% depuis le deuxième trimestre
2017. De plus, le nombre de défauts de paiement104 est à la hausse. En 2015-2016, il
s’élevait à 8 à 9% des factures. Au troisième trimestre 2017, il a atteint 11,41%. Or,
lorsque l’on connait les conséquences (voir supra) que de tels retards de paiement
peuvent avoir sur le cash-flow d’une entreprise, il apparaît crucial pour les chefs
d’entreprise de se montrer vigilants dans les relations d’affaires qu’ils entretiennent.
42
En matière de gestion des stocks, la notion de stock-outil est centrale. Celui-ci
représente le stock minimum nécessaire à l’exploitation afin de ne pas subir de rupture
de stock. Il s’agit d’un stock de sécurité mais qui n’est pas toujours très bien calculé en
période de récession.
43
- Absence de marché pour le produit fabriqué ;
- Coût de revient trop élevé à comparer au prix de vente ;
- …
Gérard Delvaux relevait à juste titre qu’« il est indispensable pour le dirigeant d’entreprise de
connaître son marché, ses coûts et les débouchés des produits fabriqués ou
commercialisés »105. Gérard Delvaux et Nathalie Procureur énoncent en outre: « Une
entreprise ayant des moyens financiers faibles mais une excellente rentabilité pourra toujours
se réorganiser financièrement par rapport à une entreprise ayant des moyens financiers
importants mais générant des pertes d’exploitation récurrentes »106.
Ces critères, bien que plus rarement mis en avant, peuvent avoir une importance
significative au regard de la continuité d’une entreprise. Il s’agit notamment :
Nous énonçons ici les critères tout-à-fait exceptionnels mais dont il ne faut pas sous-
estimer l’impact, à savoir :
105
G. DELVAUX, Réorganisation judiciaire : les missions des professionnels du chiffre. Commentaires du livre
XX du code de droit économique, Limal, Anthémis, 2017, p. 28.
106
G. DELVAUX et N. PROCUREUR, « Rôle actif et missions confiées au professionnel du chiffre externe
dans la procédure en réorganisation judiciaire », Le droit de l’insolvabilité : analyse panoramique de la réforme,
A. Zenner (dir.), Limal, Anthemis, 2018, p. 117.
44
- Conflits graves chez des clients ou des fournisseurs importants ;
- Conflits politiques sérieux au sein du pays ;
- Conséquences des procédures judiciaires en cours ;
- Inexécution par des tiers ou par l’entreprise de conventions essentielles (distribution,
sous-traitance, …)
- Catastrophes naturelles dans l’entreprise ou chez un tiers ;
- Fraudes internes (et l’image qui en ressort, par exemple : affaire Veviba) ;
- …
Dans le cadre de la prévention, il est essentiel que les dirigeants d’entreprise évaluent
périodiquement la santé de leur entreprise par le biais des clignotants explicités ci-dessus afin
d’avoir une idée sur le degré de continuité de leur exploitation. Non seulement afin de prendre
rapidement les mesures adéquates afin de permettre le redressement de l’entreprise lorsque
celle-ci se situe dans une zone de danger mais également parce qu’ils y sont tenus en vertu de
la loi. En effet, de la lecture de l’article XX.23, paragraphe 3 du livre XX du code de droit
économique, il ressort que lorsque des indices graves et concordants de risque de
discontinuité sont décelés, les dirigeants ont l’obligation de prendre les mesures nécessaires
afin de permettre la poursuite de l’activité pendant une période minimale de douze mois. Il est
du devoir de l’organe de gestion de veiller à ce que la trésorerie des douze mois à venir soit
suffisante afin de faire face aux obligations de l’entreprise échéant endéans ces douze mois. A
défaut de remplir ce prescrit, les professionnels du chiffre sont alors tenus d’engager la
procédure d’alerte (voir supra).
45
46
Chapitre 3 - Comment améliorer notre système de dépistage - Pistes de
réflexion
3.1 Introduction
Le dépistage des entreprises en difficulté à l’aide des clignotants que nous venons de
présenter n’est pas une démarche nouvelle. Cependant, force est de constater que celle-ci n’est
pas suffisamment fructueuse. En effet, en Belgique, en 2017, 84 698 entreprises présentaient
un actif net inférieur à 50% du capital ; 80 025 une liquidité inférieure à 0,5 ; 57 887 avaient
un degré d’endettement général qui dépassait 50% ; 40 052 accusaient une rentabilité négative
au cours des deux derniers exercices et 11 136 n’avaient pas publié leurs comptes annuels
depuis au moins deux ans107. Ces entreprises passent cependant entre les mailles du filet de la
prévention. Rien n’est entrepris, ou alors trop tard, dans le cadre du sauvetage de ces
entreprises, malgré la présence d’indices de discontinuité. L’analyse des clignotants est une
chose mais encore faut-il par après utiliser ces informations à bon escient et promptement.
De plus, ces clignotants traduisent la plupart du temps une situation de mourant, trop difficile
à redresser. Il est dès lors impératif de développer de nouveaux clignotants, identifiables à un
stade plus avancé, avant que la situation de l’entreprise ne soit irrémédiable.
Enfin, au vu des statistiques et bien que l’analyse des clignotants soit importante afin de
mettre le doigt sur les difficultés rencontrées par une entreprise, celle-ci a démontré ses
limites dans le cadre de la prévention. En effet, cette méthode n’est pas nouvelle et pourtant
l’objectif de diminution du nombre de faillites, en ayant notamment recours à la PRJ, n’est
pas atteint. Quels sont alors les remèdes à apporter à notre système de prévention afin d’aider
les entreprises à redresser la barre à temps et à rendre la PRJ plus fructueuse ? Une bonne
procédure de sauvetage reste-t-elle à inventer ? Comment développer davantage la prévention
en amont ?
Ce sont les réponses à ces différentes questions que nous tenterons de cerner dans la troisième
et dernière partie de ce travail. Nous essayerons de proposer certaines pistes de réflexion par
rapport à cette problématique grâce à des entretiens réalisés auprès d’experts en la matière.
Nous avons rencontré Monsieur Alain Zenner, avocat spécialisé dans le droit de l’insolvabilité
107
Statistiques fournies par la S.A. Graydon Belgium.
47
et fondateur du réseau CAP108 et l’un des praticiens ayant participé à l’élaboration de la loi sur
la continuité des entreprises ; Monsieur Eric Van den Broele, le Senior manager et directeur
Recherche & Développement au sein du bureau d’information financière Graydon ; et
Madame Nathalie Procureur, expert comptable et conseil fiscal ainsi que vice-présidente du
réseau CAP. Vous trouverez les comptes-rendus de ces trois entretiens aux annexes V, VI et
VII.
Malgré deux refontes de la loi sur la continuité des entreprises (LCE) et la réforme
qui a introduit le livre XX dans le code de droit économique, l’objectif initial de préserver la
continuité des entreprises en évitant que les entreprises ne fassent faillite n’a pas été atteint.
Selon les experts interrogés, cela est dû à différents facteurs que nous nous proposons
d’exposer.
I. Tout d’abord, il y a le fait que les dirigeants d’entreprise ne sont tout simplement pas
conscients des difficultés qu’ils éprouvent ou s’en rendent compte trop tard. Selon
Nathalie Procureur, les chefs d’entreprise croient en leur affaire - comment pourrait-il
en être autrement ? - et ne sont donc pas toujours en phase avec la réalité et avec leur
situation financière. Il y a une difficulté de perception de la situation financière dans le
chef des dirigeants et une difficulté de comprendre l’évolution réelle de leur activité.
108
CAP pour continuité, accompagnement et prévention.
48
jour109. Madame Procureur relève cependant que le comptable est avant tout utile pour
répondre à des tâches obligatoires d’ordre fiscal et que ce rôle de conseil ne lui
appartient pas bien que celui-ci soit à encourager.
De plus, elle exprime que, pour les PME, la période d’enregistrement comptable est
trimestrielle110. Le traitement des documents comptables n’a donc pas lieu de manière
régulière. Bien souvent s’ajoute aussi à cela le fait que les comptables perçoivent les
documents en retard. Il est dès lors difficile pour les comptables de dresser une
situation financière qui reflète l’état actuel de l’activité des entreprises. Il est donc
primordial de permettre un accès à l’information financière plus rapide. Cela devrait
être rendu possible grâce à l’évolution technologique via des systèmes d’incorporation
des codages, de reconnaissance électronique des factures, etc. Ces outils devraient être
opérationnels dans un délai assez court (selon Nathalie Procureur, d’ici 2 ans) et
devraient permettre de dégager du temps et assurer un traitement plus rapide des
informations, ce qui aura pour conséquence de pouvoir mettre en place un suivi plus
régulier de la situation financière des chefs d’entreprise. Le comptable pourra alors
consacrer aussi plus temps à son rôle de conseiller.
II. Les clignotants prévus par la loi sont des clignotants que les répondants qualifient de
« mourant » : ce ne sont pas des clignotants de risque de faillite mais bien d’existence
d’une faillite. En agissant seulement sur base de ceux-ci, la situation de l’entreprise est
généralement trop compromise pour permettre un redressement viable. De plus, le laps
de temps entre la communication de ces clignotants au tribunal de commerce et le
moment où celui-ci examine le dossier est beaucoup trop long.
III. Il existe ensuite un facteur plus psychologique. Les dirigeants en difficulté ne veulent
pas se dénoncer. Ils n’apprécient pas que des extérieurs mettent le nez dans leurs
affaires111. Ce n’est donc qu’au dernier moment qu’ils se résignent à entrer en PRJ. De
plus, pour eux, introduire une procédure d’insolvabilité traduit un certain aveu d’échec
dans leur manière d’entreprendre et ils ne veulent pas que leurs difficultés soient
exposées publiquement (et ce notamment pour la poursuite de leur partenariat avec
109
Sur cette responsabilité du professionnel du chiffre, voir le point 3.3 ci-après.
110
Les PME plus importantes générant plus de chiffre sont assujetties à la TVA et de ce fait sont sous un régime
mensuel. Ce qui permet un accès à l’information financière plus rapide.
111
« Je suis le patron, je reste le patron ».
49
leurs créanciers privilégiés). Il faut « démocratiser la procédure » afin que la personne
qui introduit une démarche en PRJ ne se sente pas stigmatisée. La culture de l’échec
est généralement assez forte en Belgique.
IV. De surcroit, trop d’abus ont été observés dans les recours en réorganisation judiciaire.
Des PRJ étaient effectivement introduites comme mesures dilatoires afin de retarder le
passage par la case faillite. On a également observé une multiplication des PRJ afin de
bénéficier des réductions de créance systématiques à l’égard des fournisseurs dans le
cadre du plan de réorganisation112. Il ne s’agit pas d’avoir recours à la réorganisation
judiciaire dans le seul but de se mettre sous une certaine forme de protection judiciaire
à l’abri des créanciers113. Selon Alain Zenner, les avocats n’ont plus la même
déontologie professionnelle et ne servent pas de rempart aux excès.
V. Enfin, Alain Zenner déplore l’attitude trop laxiste des juges. Ceux-ci craignent de
prononcer les faillites et quand ils le font, ils les déclarent généralement trop tard. Or,
selon le spécialiste de l’insolvabilité, la faillite s’avère être la meilleure des
préventions. Jean-Louis Duplat rejoint Alain Zenner sur ce constat, il a notamment
écrit : « Je souhaite souligner que les services de dépistage ont pour vocation,
lorsqu’un redressement s’avère impossible, de veiller à ce que la faillite soit prononcée
sans retard et ce pour éviter de porter préjudice aux créanciers et (ou) aux concurrents.
J’ai le sentiment que l’on ne tient pas suffisamment compte des intérêts légitimes des
créanciers et concurrents lorsqu’une entreprise n’a guère de chances de se redresser.
Nos tribunaux ne tardent-ils pas à prononcer des faillites alors même que la situation
est sans issue (accumulation de retards ONSS et fisc, pertes de plus de 50% du capital
sans espoir de recapitalisation, etc.) ? Le régime de la continuité ne peut s’appliquer
que si les chances de succès sont réelles »114. Il est vrai que prononcer un jugement de
faillite plus rapide pourrait permettre de sauver certains actifs au profit du
désintéressement des créanciers.
112
M. LAUWERS, « La loi sur la continuité porte mal son nom », disponible sur
https://www.lecho.be/opinions/edito/La-loi-sur-la-continuite-porte-mal-son-nom/9999671, 6 avril 2018.
113
C. Verbruggen et S. Van Ommeslaghe, « Abus de droit et loi sur la continuité des entreprises », Actualité de
la continuité, continuité de l’actualité. Etats généraux de la continuité des entreprises, A. Zenner et M. Dal
(dir.), Bruxelles, Larcier, 2012, p.116.
114
J.-L. DUPLAT, op. cit., p. 421 à 422.
50
Il s’agit des principales raisons énoncées par les spécialistes pour lesquelles on a constaté que
la procédure en réorganisation judiciaire n’avait finalement rien apporté de curatif. Le constat
d’Eric Van den Broele et Alain Zenner est flagrant : il faut prononcer l’échec de la loi sur la
continuité des entreprises. La PRJ avait été créée en 2009 dans le but de servir de bouée de
sauvetage pour les entreprises qui rencontraient soudainement des difficultés pour l’une ou
l’autre raison. Cependant, Eric Van den Broele constate que la plupart des entreprises qui ont
fait appel à la PRJ étaient confrontées à des problèmes structurels récurrents. Or, des
entreprises qui rencontrent des problèmes structurels depuis plusieurs années ne sont pas des
entreprises rencontrant soudainement des problèmes financiers, la PRJ ne leur est alors
d’aucune utilité.
La réforme opérée en 2017, qui porte insertion du livre XX dans le code de droit économique,
aurait pu - ou même dû - être l’occasion pour le législateur d’opérer une réflexion en
profondeur du système de dépistage des entreprises ; il n’en est pourtant rien. Rien de neuf n’a
été instauré afin de recourir plus rapidement à la PRJ ou même en matière de prévention. La
nouvelle loi n’a apporté aucune innovation en la matière115. Pour Alain Zenner il s’agit du
point faible de notre législation : la prévention est pour ainsi dire inexistante. Eric Van den
Broele, quant à lui, relève tout de même un apport intéressant de la réforme : la plateforme en
ligne RegSol116. Graydon est actuellement occupé avec RegSol à développer des instruments
pour les chambres de dépistage en essayant d’y intégrer tous les signaux que la firme relève.
Tout sera mis à disposition des tribunaux, à eux de voir s’ils vont utiliser ces outils ou non.
Il ne faut cependant pas non plus jeter trop vite la pierre aux chambres des entreprises en
difficulté. Bien que celles-ci sonnent souvent l’alarme trop tard, elles sont généralement en
sous-effectif, tant au niveau de leurs ressources humaines - le nombre d’effectif pour faire de
la véritable prévention est trop faible - qu’au niveau financier, ce qui ne leur permet pas de
relever le pari ambitieux qui leur a été donné par le législateur. A défaut, celles-ci se
concentrent alors sur les cas les plus graves.
115
A. ZENNER (dir.), Le droit de l’insolvabilité : analyse panoramique de la réforme, Lima, Anthemis, 2018.
116
RegSol est la nouvelle base de données informatisée instaurée depuis le 1 er avril 2017. Celle-ci rassemble
toutes les données ayant trait aux faillites prononcées en Belgique.
51
3.3 La responsabilité des professionnels du chiffre
Comme que nous l’avions déjà exposé dans la deuxième partie de ce travail, le
professionnel comptable est un acteur crucial de la prévention. Lors de la modification de la
loi sur la continuité des entreprises du 27 mai 2013, la volonté du législateur était d’étendre la
mission des professionnels du chiffre117 grâce à l’introduction de la procédure d’alerte (article
XX.23 § 3, voir supra) afin que celui-ci soit un véritable gardien légal de la continuité de
l’entreprise. En effet, depuis cette réforme, lorsque l’expert comptable constate des faits
graves et concordants susceptibles de mettre en péril la continuité d’une entreprise, il doit
alors mettre en garde l’organe de gestion. Si dans un délai d’un mois l’organe de gestion ne
prend pas les mesures adéquates afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le
professionnel comptable est alors délié de son secret professionnel et peut en informer par
écrit le président du tribunal de commerce.
Selon Alain Zenner et Eric Van den Broele, c’est dans l’utilisation du verbe « pouvoir » que
le bât blesse. Initialement, le projet de loi comportait le verbe « devoir », car la véritable
intention derrière cet article était d’engager la responsabilité de l’expert comptable. La
communication des difficultés au tribunal de commerce n’a cependant pas été rendue
obligatoire mais facultative. C’est regrettable car dans la pratique quasiment aucune
communication n’a été actée. A l’heure actuelle, la doctrine est unanimement en faveur d’une
communication obligatoire au tribunal de commerce et, à défaut d’exécution dans le chef du
professionnel comptable, à un engagement de sa responsabilité. L’institut des experts-
comptables et des conseils fiscaux (ICE) ainsi que l’Institut professionnel des comptables et
fiscalistes agréés (IPCF) sont en faveur de cette modification, c’est au niveau de l’Institut des
réviseurs d’entreprise (IRE) que cela bloque (crainte de perte de clientèle, il y a beaucoup de
« job protection »).
En outre, le professionnel comptable, dans l’état actuel de la législation, est donc tenu
d’apprécier lui-même si la communication au tribunal s’impose ou non. Or, sa responsabilité à
l’égard des créanciers pourra être engagée si, sans abstention de cette communication, les
effets de la faillite auraient pu être évités ou à tout le moins réduits. Cela aurait dû encourager
les professionnels comptables à dénoncer systématiquement leurs constations, il n’en est
pourtant rien.
117
La loi cite nommément l’expert-comptable externe, le comptable agréé externe, le comptable-fiscaliste
externe et le réviseur d’entreprise.
52
Madame Procureur souhaite tempérer ce point de vue. Selon elle, la responsabilité de l’expert
comptable est trop souvent malmenée. Celui-ci supporte déjà beaucoup de responsabilités
dans l’exercice « normale » de sa profession et le législateur, en ne rendant pas la
communication obligatoire, a justement voulu alléger cette responsabilité. De plus, elle
affirme que le fait de dénoncer de telles informations au tribunal de commerce serait perçu par
la plupart des clients des comptables comme une délation. Commercialement parlant,
communiquer ces informations est assez délicat pour le professionnel du chiffre. Elle admet
cependant que si le législateur avait bel et bien écrit « doit communiquer », il ne s’agirait alors
plus d’une démarche volontaire du professionnel du chiffre mais bien d’une démarche
répondant à une obligation légale. L’image perçue du comptable aurait alors été toute autre.
Enfin, Eric Van den Broele affirme que même si la communication était rendue obligatoire,
cela ne permettrait pas de changer fondamentalement les choses. Selon lui, l’expert comptable
est un historien, il écrit simplement l’histoire en se concentrant surtout sur l’aspect financier.
Or, le problème de l’aspect financier au niveau de la problématique de l’insolvabilité est que
le financier est le « symptôme et non le virus ». Les problèmes financiers ne sont en fait que
la conséquence de problèmes de gestion survenus antérieurement. Monsieur Van den Broele
est dès lors de plus en plus convaincu que si l’on souhaite réellement aider les entreprises en
difficulté à remonter la pente, il faut intervenir dès l’instant où ces problèmes de gestion
surgissent et non pas quand les problèmes financiers apparaissent. C’est pourquoi la société
Graydon s’est mise en quête de nouveaux clignotants, autres que les signaux d’alarme
financiers. Ces clignotants, révélés grâce au projet « Ondernemershorizon », font l’objet du
point suivant.
53
3.4 Le projet « Ondernemershorizon »
Partant du constat que « le but de la loi sur la continuité des entreprises - une bouée de
sauvetage pour les entreprises en grande difficulté - n’a pas vraiment été atteint »120, la société
Graydon, avec Eric Van den Broele à la tête du département Recherche et Développement,
s’est donnée pour objectif d’identifier de nouveaux signaux d’alarme afin de permettre une
détection plus précoce des entreprises présentant des difficultés. En utilisant la science des
données, la société Graydon est parvenue à identifier - à côté des traditionnels clignotants
rouges (indicateurs financiers principalement) - des clignotants dits oranges qui permettent de
détecter les entreprises non pas en difficulté mais en déclin. Ces clignotants oranges
s’allument au stade juste avant les clignotants rouges, ce qui donne l’occasion de mettre en
place des mesures préventives qui pourront avoir un réel impact, les chances de redressement
de l’entreprise n’étant pas encore trop entamées121.
Ensuite, une fois ces clignotants oranges identifiés, la société Graydon élabore des listes
d’entreprises présentant ces signaux et c’est aux consultants d’Unizo et à l’université
anversoise de prendre le relais. Ceux-ci prennent contact avec les dirigeants des entreprises en
question et leur soumettent un questionnaire portant sur leur ressenti par rapport l’activité de
leur entreprise. Une discussion se développe entre les consultants et le chef d’entreprise afin
de conscientiser celui-ci sur les problèmes qu’il rencontre et d’analyser les moyens de l’aider
à redresser la barre. Le but est d’amener ces entrepreneurs à se rendre compte de leur situation
118
De Unie van Zelfstandige Ondernemers = l’union des entrepreneurs indépendants.
119
Horizon d’entrepreneurs.
120
E. VAN den Broele,« Une intervention précoce peut sauver des entreprises : leçons de 8 ans de LCE »,
disponible sur https://graydon.be/fr/blog/une-intervention-precoce-peut-sauver-des-entreprises-lecons-de-8-ans-
de-lce, 27 novembre 2017.
121
Monsieur Van den Broele illustre cela comme une courbe décroissante : l’entreprise en difficulté -
caractérisée par des clignotants rouges - se trouve à la fin de cette courbe décroissante, tandis que l’entreprise en
déclin - caractérisée par des clignotants orange - se trouve au tout début de cette courbe, là où celle-ci commence
à décroître.
54
et à trouver de l’aide à temps, que ce soit sous forme de consultance, des formations ou autres
moyens d’organisation.
Depuis 2013, 500 entreprises flamandes par an ont été approchées de cette manière et les
résultats du projet semblent prometteurs : en moyenne 70% des entreprises qui ont été
encadrées tel qu’énoncé ci-dessus ont réussi à redresser la barre. Il s’agit d’une piste sérieuse
à exploiter afin de mettre en place un système plus efficace de détection et de prévention. En
Flandre, on parle déjà d’un véritable succès. Il eut été très profitable de pouvoir en faire
l’analyse mais Monsieur Van den Broele n’a pas pu nous communiquer plus de résultats
statistiques, l’étude appartenant au gouvernement flamand qui la subventionne.
Lorsque le projet a été initié, en 2013, Graydon se concentrait principalement sur les
expériences de paiement des entreprises belges. La société recevait des données de 8200
entreprises en Belgique qui leur fournissaient leurs comptes annuels à jour et témoignaient des
comportements de paiement de leurs partenaires. Graydon a alors recoupé ces différentes
informations et a créé l’indice de paiement Graydon (à ce sujet, voir point 2.4.1) qui s’est
avéré être un très bon signal. La firme s’intéressait certes au comportement de paiement des
entreprises mais surtout aux « déviations » des échéances de paiement.
Lorsqu’ils se rendaient chez les entrepreneurs, la première chose que les consultants d’Unizo
ont remarqué est que ceux-ci n’avaient absolument aucune idée des difficultés qu’ils
éprouvaient (ou commençaient à éprouver) ou qu’ils ne pouvaient pas mettre le doigt sur ce
qu’il se passait tout en ressentant qu’il y avait un problème. Dans ce dernier cas, les dirigeants
réagissaient pratiquement tous de la même façon : comme ils ressentaient que quelque chose
ne se passait pas bien, ils avaient alors tendance à se consacrer totalement à leur entreprise, à
se jeter corps et âme dans le travail, en ne prêtant plus autant d’attention à leur vie de famille
et à leur réseau social (social network). Une fois cette observation faite, Graydon a alors tenté
de déterminer s’il était possible d’observer ce phénomène de « négligence du réseau social »
et d’en faire un signal. En étudiant qui était présent aux évènements de networking, les
55
participations des dirigeants à certaines réunions etc., la société Graydon est parvenue à
développer un score reflétant la diminution d’un network social d’un entrepreneur. Il s’est
avéré que ce clignotant était un bon premier signal d’une entreprise qui commençait à
rencontrer des difficultés.
En outre, la société Graydon, lors du lancement du projet, a dressé un autre constat : jusqu’en
2013, dans la population totale de toutes les faillites, Graydon a remarqué que 2% des
entreprises avaient plus de 25 ans d’existence. A partir de 2013, ce pourcentage a fortement
augmenté pour atteindre 17% à l’heure actuelle. Graydon a alors voulu comprendre ce qui se
cachait derrière ces chiffres et a commencé à se demander si la façon dont une entreprise est
gérée par ses dirigeants pouvait avoir un impact sur sa capacité à innover ou non et à
continuer à croître122.
La firme a alors essayé de dégager des typologies de management (des profilages de patron)
au travers du langage utilisé sur le site web des entreprises. L’expérience s’est avérée tout à
fait concluante. En analysant les sites internet des entreprises belges, notamment l’emploi
d’un langage bien spécifique ou l’utilisation de certaines structures linguistiques123, ils sont
parvenus à dégager huit typologies de management différentes allant du dictateur jusqu’au
démocrate. Une fois ces typologies identifiées, ils ont alors croisé ces données avec la
croissance de chaque entreprise et ont pu constater qu’il existait une corrélation entre les
typologies de management employées et le taux de croissance ou l’ancienneté d’une
entreprise. Eric Van den Broele énonce à titre d’exemple qu’une entreprise technologique qui
démarre a besoin d’un leader fort mais que 10 ou 15 ans après sa création, il est meilleur pour
cette société d’évoluer vers un style de management plus démocratique. Il faut faire place,
progressivement au long de la vie d’une entreprise, à une structure plus collaborative et
démocratique pour que celle-ci soit plus pérenne.
Graydon recourt de manière croissante à ce type de clignotants et les a intégrés dans sa liste
de clignotants oranges. Les consultants d’Unizo peuvent dès lors mettre en garde les
entrepreneurs qu’ils rencontrent non seulement sur base des mauvais comportements de
122
Car la société Graydon a effectivement remarqué que pour ces entreprises, la plupart des dirigeants voulaient
rester « LE chef » et ne donnaient pas l’occasion à d’autres de développer de nouvelles initiatives pour
l’entreprise. Il n’y avait pas de sang nouveau, ni de place à la collaboration.
123
Eric Van den Broele révèle notamment comme exemple que le simple fait qu’un site web ait un ratio plus
important de « je » et de « nous » que de « tu » et de « vous » est déjà un indice. De plus, le fait de retrouver
plusieurs fois la photo du leader d’entreprise donne également un indice sur le style de management de
l’entreprise. Il s’agit ici d’exemples simples, mais l’analyse a été poussée beaucoup plus loin en étudiant
notamment la structure grammaticale des phrases, etc.
56
paiement, d’une négligence du réseau social et autres mais également en les conseillant sur
leur vision de la gestion de l’entreprise, en leur expliquant quels types de dirigeant ils sont et
comment cette gestion peut impacter leur entreprise.
Enfin, la société Graydon ne s’est pas arrêtée là. Sur base des données qu’elle collecte, la
société a pu mettre au point différents ratios sociaux qui, selon les études qu’elle a menées,
seraient des signaux bien plus forts que les clignotants financiers. Il s’agit notamment d’un
ratio entre d’une part l’évolution du nombre de personnel fixe et d’autre part l’évolution du
nombre d’intérimaires ; d’un ratio entre le personnel total employé mis en rapport avec le
niveau d’éducation de ce personnel (généralement mis en perspective avec le secteur dans
lequel l’entreprise se trouve) ; le fait que le dirigeant d’entreprise ait déjà fait faillite
auparavant à la tête d’une autre entreprise124 ; … Le projet étant toujours en cours, tous les
clignotants observés par la société n’ont pas pu nous être communiqués.
En conclusion, selon Eric Van den Broele, la clef du dépistage à l’heure actuelle se situe au
niveau du management. De plus, c’est sur les clignotants sociaux qu’il faut mettre l’accent et
non plus autant sur les indicateurs financiers qui ne révèlent que trop tardivement une
situation de difficulté.
Cependant, nous devons constater que le monde juridique et comptable semble toujours avoir
une vision des choses qui se calque sur l’aspect financier et qu’il est difficile de changer les
mentalités. Monsieur Van den Broele évoque qu’au niveau des tribunaux, le recours à ces
clignotants oranges125 dépend fortement de la Présidence. Chaque président a sa propre façon
de développer sa politique au niveau du dépistage. Certains voient toujours leur tâche comme
étant principalement de « nettoyer et éliminer » ; d’autres éprouvent plus de compréhension
pour la problématique de la prévention mais n’ont pas suffisamment d’effectif que pour la
mettre en place adéquatement ; et d’autres encore mettent beaucoup plus l’accent sur l’effet
préventif. De manière générale, Eric Van den Broele relève que l’idée préventive est
davantage développée en Wallonie qu’en Flandre. Une autre réalité qu’il a constatée est qu’en
Flandre les tribunaux sont beaucoup plus concentrés sur la conservation de la valeur
économique tandis qu’en Wallonie on se concentre davantage sur la conservation de l’emploi.
124
Sans condamner pour autant l’entrepreneur qui aurait fait une erreur de parcours. Il s’agit d’une simple réalité
statistique.
125
Car les listes de clignotants mises à jour sont toujours communiquées aux tribunaux de commerce.
57
La volonté de la société Graydon est d’implanter un projet du même type en Wallonie. Une
collaboration avec l’UCM est en cours de discussion.
Eric Van den Broele soutient l’idée que tout ce qui a trait aux entreprises en difficulté
et à l’insolvabilité doit suivre une double piste étant donné que « la justice est une compétence
fédérale, tandis que l’aide aux entreprises est une tâche des Régions »126. Une première piste
doit servir de bouée de sauvetage pour les cas extrêmes, pour lesquels les fonds propres
notamment ont à ce point diminué que la situation s’avère irréversible. Ces cas doivent être
pris en charge par le pouvoir judiciaire. « Dans le meilleur des cas, la justice peut aider à
sauver ce qui peut encore l’être. Dans le pire des cas, elle peut éviter que les entreprises
malades n’en contaminent d’autres. Une responsabilité importante »127. L’autre piste doit
tendre à détecter précocement les entreprises étant sur une mauvaise pente afin de leur
apporter l’aide dont elles ont besoin. Ce rôle doit être endossé par les Régions. Une réelle
interaction entre le pouvoir judiciaire et les pouvoirs exécutifs régionaux doit être instaurée.
Alain Zenner rejoint totalement ce point de vue mais constate avec regret que cette interaction
ne s’est jamais réalisée, bien que la volonté de l’instaurer ne soit pas nouvelle. En effet, tant
dans la loi relative au concordat judiciaire de 1997 que dans la loi sur la continuité des
entreprises de 2009, le législateur avait émis le souhait que les autorités régionales prennent
en main le volet préventif128. Ce vœu pieux a également été repris dans le livre XX du Code
de droit économique, aux articles XX.21 alinéa 3 et XX.27 qui énoncent que « conformément
aux modalités fixées par le Roi, le tribunal peut également communiquer les données
recueillies aux organismes publics ou privés désignés ou agréés par l’autorité compétente
pour assister les entreprises en difficulté »129. De telles modalités n’ont cependant jamais vu le
jour, ce qui a eu pour conséquence que l’interaction est restée lettre morte.
Plusieurs interpellations à ce sujet ont déjà eu lieu, qui débouchaient sur une réponse
affirmant que les initiatives nécessaires seraient prises afin de mettre en place une coopération
126
E. VAN den BROELE, « La loi sur la continuité des entreprises : un instantané avant l’application du Livre
XX du Code de droit économique », Le droit de l’insolvabilité : analyse panoramique de la réforme, A. Zenner
(dir.), Limal, Anthemis, 2018, p. 77.
127
E. VAN den BROELE, ibidem, p. 77 et 78.
128
A. ZENNER (dir.), Actualité de la continuité, continuité de l’actualité. Etats généraux de la continuité des
entreprises, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 752.
129
Loi du 11 aout 2017 précitée, art. XX.21.
58
entre les régions et la justice fédérale. Tel n’a jamais été le cas. La dernière en date remonte
au 28 mai 2018. Madame Griet Smaers (députée fédérale, membre du parti politique CD&V)
a interpelé le ministre de la justice, Koen Geens, afin de relancer la machine et voir où en
étaient les pistes de réflexion afin d’instaurer cette interaction. Le ministre de la justice a
répondu que des contacts avaient été initiés afin de faire avancer ce débat.130 Reste à voir si un
échange réciproque entre les tribunaux et les régions sera effectivement mis en œuvre.
130
Cfr. Annexe VIII : Interpellation et réponse du ministre de la justice concernant les interactions entre
organismes régionaux et tribunaux.
59
Conclusion
Nous avions pensé, avant d’entamer cette étude, apporter une réponse à une
problématique économique importante : comment conserver au mieux l’activité d’une
entreprise en difficulté ou mourante en lui permettant de se revitaliser à temps et de ne pas
voir ainsi disparaitre une valeur économique supplémentaire ?
Nous avions à notre disposition dans l’arsenal législatif belge une série de lois dont
notamment la loi relative à la continuité des entreprises avec, comme procédure phare, la
procédure en réorganisation judiciaire.
Par ailleurs, les praticiens131 de la PRJ que nous avons rencontrés ont attiré notre attention sur
le problème de stigmatisation de l’échec que l’on connait dans notre pays. Nous connaissons
effectivement une forte culture de l’échec en Belgique. Nos entrepreneurs subissent un très
fort sentiment de honte à entreprendre une démarche de sauvegarde ; ce blocage
psychologique a pour effet de les freiner dans leurs démarches d’analyse de leur entreprise et
rend plus difficile une procédure en réorganisation judiciaire prise à temps qui aurait permis
une viabilisation maximale des éléments pouvant être pérennisés.
131
Messieurs Alain Zenner et Eric Van den Broele ainsi que Madame Procureur.
60
Enfin, nous pensons qu’il serait nécessaire de mettre à disposition des dirigeants d’entreprise
des outils plus compréhensibles afin qu’ils aient un suivi régulier de l’évolution de leur
situation et puissent ainsi réagir au plus vite en cas de survenance de menaces de crise.
Les dirigeants sont les premiers acteurs de leur succès (ou de leur perte). La majorité d’entre
eux exprime qu’ils n’avaient pourtant pas perçu les signes avant-coureurs de difficultés à
venir. Il faudrait donc que les experts comptables, « médecins généralistes » de l’entreprise,
prennent plus à cœur leur rôle de conseiller et amènent les chefs d’entreprise à se poser les
bonnes questions pour ensuite faire appel à des consultants, « médecins spécialistes », afin
d’implémenter les solutions adéquates.
***
Le monde de l’entreprise est un monde de risques. Le risque permet le succès mais peut aussi
engendrer l’échec. Dans cet environnement d’échec, il y a un ensemble économique et social
qui peut disparaitre et causer des drames humains.
« Il ne faut pas oublier que les hommes sont toujours au cœur de la réussite d’une entreprise.
Le facteur humain ne peut pas être négligé dans la période de turbulence que connaît
l’entreprise »132.
La PRJ n’est pas parfaite et a montré ses limites. Nous avons lancé une piste de réflexion. La
question reste ouverte et mérite qu’on s’y attarde davantage.
132
G. DELVAUX, Réorganisation judiciaire : les missions des professionnels du chiffre. Commentaires du livre
xx du code de droit économique, Limal, Anthemis, 2017, p. 84.
61
Bibliographie
Législation
Loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises, M.B., 9 février 2009.
Loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises modifiée par la loi du 27 mai
2013, M.B., 22 juillet 2013.
Loi du 11 aout 2017 portant insertion du livre XX « Insolvabilité des entreprises » dans le
code de droit économique, M.B., 11 septembre 2017.
Projet de loi modifiant diverses législations en matière de continuité d’entreprises, exposé des
motifs, Doc., Ch., 2012-2013, n° 2692/001.
Projet de loi portant insertion du livre XX « Insolvabilité des entreprises », dans le code de
droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions
d’application du livre XX, dans le livre I du Code de droit économique, exposé des motifs,
Doc., Ch., 2016-2017, n°2407/001.
Projet de loi introduisant le Code des sociétés et des associations et portant des dispositions
diverses, exposé des motifs, Doc., Ch., 2017-2018, n° 3119/001, p. 176-179.
62
Doctrine
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Université de Liège, 2014-2015, chapitre 3 p. 5 à 10.
CAPODICI, J. et NIESSEN, W., Comprenez votre comptable, Liège, Edipro, 2011, p. 262.
GRAYDON BELGIUM, La LCE après 7 ans : la situation sur le plan statistique, Antwerpen,
Graydon open in business, 2017, p. 4 à 23.
LAUWERS, M., « Trop peu d’entreprises, recourent trop tard, à la réorganisation judiciaire »,
L’Echo, 2018, p. 19.
LAUWERS, M., « Ne pas publier ses comptes à temps sera beaucoup plus risqué cette
année », L’Echo, 2018, p. 4.
63
LEBEAU, J.-P., La loi relative à la continuité des entreprises, Tome 1er : l’enquête
commerciale, vade-mecum juridique, Bruxelles, la Charte, 2014, p. 25.
RSM, Mémento de clôture annuelle. Exercice d’imposition 2018. Revenus 2017, Bruxelles,
RSMBelgium, 2018, p. 240 à 252.
VAN den BROELE, E., « La loi sur la continuité des entreprises : un instantané avant
l’application du Livre XX du Code de droit économique », Le droit de l’insolvabilité :
analyse panoramique de la réforme, A. Zenner (dir.), Limal, Anthemis, 2018, p. 53 à 78.
Verbruggen, C. et Van Ommeslaghe, S., « Abus de droit et loi sur la continuité des
entreprises », Actualité de la continuité, continuité de l’actualité. Etats généraux de la
continuité des entreprises, A. Zenner et M. Dal (dir.), Bruxelles, Larcier, 2012, p.115 à 119.
ZENNER, A., Dépistage, faillites & concordats, Bruxelles, Larcier, 1998, p. 123 à 162.
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des entreprises en difficulté, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2009, p.7 à 167.
ZENNER, A., LEBEAU, J.-P. et ALTER, C., La loi relative à la continuité des entreprises à
l’épreuve de sa première pratique, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 7 à 117.
ZENNER, A. et ALTER, C., La loi sur la continuité des entreprises revisitée par la loi du 27
mai 2013, Bruxelles, Larcier, 2014, p. 9 à 89.
Colloque
64
Ressources électroniques
CONTER, J.-M. et SIRJACOBS, V., « Une des clés pour la réussite de la LCE : une détection
proactive et précoce des « clignotants » », disponible sur
http://www.ipcf.be/uploads/documents/clignotants.pdf, 10 mai 2015.
GODFROID, Y., « La réforme de la loi sur la continuité des entreprises : les contrôle accru de
l’entreprise en difficulté », disponible sur
http://www.barreaudeliege.be/actu/r%C3%A9forme%20LCE.pdf, septembre 2013.
LAUWERS, M., « La loi sur la continuité porte mal son nom », disponible sur
https://www.lecho.be/opinions/edito/La-loi-sur-la-continuite-porte-mal-son-nom/9999671, 6
avril 2018.
65
VAN den BROELE, E., « Forte dégradation du comportement de paiement en B2B »,
disponible sur https://graydon.be/fr/blog/forte-degradation-du-comportement-de-paiement-
b2b, 10 janvier 2018.
VAN BUYNDEREN, S. et VAN den BROECKE, P., « La loi relative à la continuité des
entreprises (LCE) : Une solution pour les entreprises en difficulté ? », disponible sur
http://tamtam.pro/ttp/uploads/slots/fichiers/2016/11/Philippe%20Van%20den%20Broecke-
2016_11_28_12_22_38.pdf, 24 novembre 2016.
VAN den Broele, E., « Une intervention précoce peut sauver des entreprises : leçons de 8 ans
de LCE », disponible sur https://graydon.be/fr/blog/une-intervention-precoce-peut-sauver-des-
entreprises-lecons-de-8-ans-de-lce, 27 novembre 2017.
VAN den BROELE, E., « Nouvelle loi sur l’insolvabilité et la faillite : à boire et à manger ? »,
disponible sur https://graydon.be/fr/blog/nouvelle-loi-sur-linsolvabilite-et-la-faillite-boire-et-
manger, 20 juin 2018.
ZENNER, A., « Difficultés d’application de la loi sur la continuité des entreprises et projet de
loi d’ajustement », disponible sur http://www.oeccbb.be/image/27-03-13.pdf, 27 mars 2013.
66
Annexes
1. Informations générales
1.1.
BCE : . . . . / . . . / . . .
Dénomination : ……………………………………………………………………………….
Siège
exploitation :…………………………………………………………………
Enseigne / nom
commercial :……………………………………………………….
Depuis
:……………………………………………………………………………..
Téléphone: ..............................Fax. :
..................................................................
GSM : .....................................Courriel :
...........................................................
I
1.2.2. Actionnariat de la société
1. .....................................................................................................
2. .....................................................................................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................
Nom/dénomination : ............................................................................................
.....................................................................................................................................
.....................................................................................................................................
.....................................................................................................................................
.....................................................................................................................................
II
1.2.7. Depuis quelle année la société est-elle active dans ce secteur ?
.....................................................................................................................................
2. CREDITS EN COURS
OUI NON
Crédit de caisse n° 2
Utilisation actuelle
Montant à ce jour
Banque
Garanties accordées
Prêt n° 1
Utilisation/destination
Montant initial
Solde en capital
Echéance
Banque
Garanties accordées
Prêt n° 2
Utilisation/destination
Montant initial
Solde en capital
Echéance
Banque
III
Garanties accordées
Prêt n° 1
Utilisation/destination
Montant initial
Solde en capital
Echéance
Banque
Garanties accordées
Prêt n° 2
Utilisation/destination
Montant initial
Solde en capital
Echéance
Banque
Garanties accordées
2.4. Quelle est la charge mensuelle totale de remboursement des crédits (capital et intérêts) ?
............................................................................................
OUI NON
OUI NON
....................................................................................................................................................
....................................................................................................................................................
3. LEASING ET RENTING
OUI NON
IV
Donneur de Biens Date de Durée du Date Montant mensuel
leasing/renting (meubles, signature contrat d'échéance (intérêts compris)
immeubles) du contrat
1 €
2 €
3 €
4 €
4. IMMEUBLES
OUI NON
OUI NON
....................................................................................................................................................
V
5. INFORMATIONS FINANCIERES
6. DIFFICULTES RENCONTREES
6.1. La société a-t-elle des retards de paiement à l'égard des organismes suivants ?
OUI NON
VI
SPF FINANCES
ONSS
Impôt des sociétés Précompte professionnel TVA (en principal, intérêts et
(en principal, intérêts et (en principal, intérêts et (en principal, intérêts et frais)
frais) frais) frais)
€ € € €
AUTRES DETTES :
6.2. Des plans d'apurement ont-ils été négociés avec vos créanciers ?
OUI NON
OUI NON
Dans la négative, quelles mesures avez-vous mises en place pour honorer les dettes impayées
? ..............................................................................................................
...................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................
..................................................................................................................................................
6.3. Rencontrez-vous des difficultés particulières dans l'exploitation de votre société ? Selon
vous, quelles en seraient les causes ?
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
VII
.......................................................................................................................................................
.........
6.4. La société rencontre-t-elle de réelles difficultés financières ? Quel en est l'impact sur la
pérennité de la société ? Estimez-vous que la société est rentable ?
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
....................................................................................
6.5. Quelles mesures avez-vous mises en place pour remédier aux difficultés d'exploitation
et/ou financières rencontrées ? Depuis quand ?
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
............................................................
6.6. Selon vous, ces mesures sont-elles suffisantes ou d'autres mesures seraient-elles
nécessaires ? Lesquelles ? La société surmontera-t-elle ses difficultés et dans quel
délai ?
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
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.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
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.......................................................................................................................................................
........
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
VIII
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.......................................................................................................................................................
.........
Fait le .........................................................
(Nom et prénom)
IX
Annexe II : Annexes à joindre lors du dépôt de la demande en
réorganisation judiciaire
Article XX.41.§ 1er. Le débiteur qui sollicite l’ouverture d’une procédure de réorganisation
judiciaire adresse une requête au tribunal.
1° un exposé des événements sur lesquels est fondée sa demande et dont il ressort qu’à son estime,
la continuité de son entreprise est menacée à bref délai ou à terme ;
3° l’indication d’une adresse électronique à laquelle il peut être joint tant que dure la procédure de
réorganisation judiciaire et à partir de laquelle il peut accuser réception des communications ;
4° les deux derniers comptes annuels qui auraient dû être déposés conformément aux statuts, ainsi
que les comptes annuels du dernier exercice, qui n’auraient éventuellement pas encore été
déposés ou, si le débiteur est une personne physique, les deux dernières déclarations à l’impôt
des personnes physiques ; si l’entreprise fait cette requête avant que ne se soient écoulés deux
exercices comptables, elle soumet les données pour la période écoulée depuis sa constitution ;
5° une situation comptable qui reflète l’actif et le passif et le compte de résultats ne datant pas de
plus de trois mois, établis avec l’assistance d’un réviseur d’entreprises, d’un expert-comptable
externe, d’un comptable agréé externe ou d’un comptable-fiscaliste agréé externe ;
6° un budget contenant une estimation des recettes et dépenses pour la durée minimale du sursis
demandé, préparé avec l’assistance d’un des professionnels visés au 5° de cet article ; sur avis de
la Commission des Normes Comptables, le Roi peut établir un modèle de prévisions budgétaires;
7° une liste complète des créanciers sursitaires reconnus ou se prétendant tels, avec mention de
leur nom, de leur adresse et du montant de leur créance et avec mention spécifique de la qualité
de créancier sursitaire extraordinaire et du bien grevé d’une sûreté réelle mobilière ou d’une
hypothèque ou propriété de ce créancier ;
X
8° un exposé des mesures et propositions qu’il envisage pour rétablir la rentabilité et la
solvabilité de son entreprise, pour mettre en œuvre un éventuel plan social et pour satisfaire les
créanciers ;
10° la liste des associés si le débiteur est une entreprise visée à l’article XX. 1er, § 1er, alinéa 1er, c), ou
d’une personne morale dont les associés ont une responsabilité illimitée, et la preuve que les
associés ont été informés ;
11° une copie des commandements et exploits de saisie-exécution mobilières et immobilières, tels
qu’ils apparaissent au fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession et de règlement
collectif de dettes, dans l’hypothèse où il sollicite la suspension des opérations de vente sur saisie
exécution immobilière conformément aux articles XX.44, §§2 et 3 et XX.51.§§ 2 et 3.
En outre, le débiteur peut joindre à sa requête toutes autres pièces qu’il juge utiles pour l’étayer.
Il doit lors du dépôt des pièces s’assurer que les pièces ne contiennent pas d’éléments pouvant
nuire au respect du secret professionnel et joint, le cas échéant, une note aux pièces justifiant le
fait que certaines pièces ne pouvaient être déposées de ce fait.
XI
Annexe III : Etapes à suivre par le professionnel comptable dans le cadre de
sa mission de prévention
Etablissement de la situation
comptable correcte
Conclusions
Ebauche de solutions
TROISIÈME ÉTAPE 3. SOLUTIONS PROPOSÉES
Simulations en fonction des solutions
4. DÉCISIONS
Restructuration ou liquidation Adaptation des règles d’évaluation
QUATRIÈME ÉTAPE
ou réorganisation judiciaire Etablissement d’une situation
ou faillite de la société comptable récente
XII
Annexe IV : questionnaire permettant de mettre en évidence des signaux
indiquant une possible cessation de la continuité de l’exploitation
4. L’entreprise utilise-t-elle des fonds empruntés à court terme pour financer des
investissements à long terme ?
5. Les fonds propres de l’entreprise sont-ils insuffisants par rapport au total de son
bilan ?
6. Analyse du bilan et du compte de résultats (par ratios habituels) et suivant le
secteur d'activité.
XIII
Annexe V : Entretien avec Monsieur Alain Zenner
Nombre de clignotants sont connus et l’on n’arrive tout de même pas à détecter les
entreprises en difficulté. Pourquoi la prévention échoue-t-elle ?
Monsieur Zenner poursuit en expliquant que le dépistage est né du fait d’un référendaire du
tribunal de commerce de Saint-Nicolas, Monsieur Cloquet, en 1968.
Eric van den Broele a émis l’idée d’une politique en 2 voies (car la justice est une
compétence fédérale tandis que l’aide aux entreprises est une tâche des régions) : la
justice se concentrerait sur les cas les plus graves d’entreprises en difficulté (celles dont
les fonds propres ont très fortement chuté. But : essayer de les sauver ou éviter qu’elles
n’en contaminent d’autres), tandis que les autorités régionales mettraient en œuvre des
moyens pour détecter précocement les entreprises qui risquent de rencontrer des
difficultés financières. Que pensez-vous de cette idée ?
La loi sur la continuité des entreprises prévoit une interaction entre les organismes agréés par
l’autorité régionale et les services de dépistage (les chambres des entreprises en difficulté).
Ces chambres sont un non sens car elles s’occupent de tout sauf des entreprises en difficulté.
Ce nom est assez navrant. Cette interaction (mentionnée ci-dessus) a été prévue depuis 1997
mais n’a jamais été mise en place. Monsieur Zenner a notamment interpellé133 à l’époque le
ministre Vandenbroucke et il vient également d’y avoir une interpellation d’une députée
flamande au ministre Geens qui lui a répondu qu’il allait lancer ça. Selon Alain Zenner, il y a
vraiment une nécessité d’un encadrement pré-procédural.
Malgré 2 refontes de la loi, la PRJ n’a pas atteint son but qui était d’éviter la faillite et
permettre le redressement des entreprises en difficulté. De plus, la PRJ reste souvent
l’antichambre de la faillite. Comment expliquez-vous cela ?
Alain Zenner affirme qu’il y a plusieurs aspects à observer. Un aspect culturel tout d’abord.
Beaucoup d’entreprises attendent la dernière minute et il est donc trop tard. Pour faire de la
133
Alain Zenner était député fédéral à l’époque.
XIV
prévention, il faut s’y prendre à temps et avoir un projet quand on peut encore avoir des
chances de redresser la barre. De plus, les chefs d’entreprises n’aiment pas voir quelqu’un
d’autre mettre son nez dans leurs affaires. Ce n’est que lorsqu’ils n’ont plus de solutions
qu’ils font une PRJ. Il y a eu également beaucoup d’abus dans les recours en PRJ.
Alain Zenner poursuit en disant que leur ambition lorsqu’ils ont créé la loi de 2009 était que
les gens saisissent l’occasion. A l’époque, ils s’étaient également dit que si cela ne marchait
pas il serait inutile de chercher autre chose. Personnellement, Monsieur Zenner ne croit plus à
cette loi car il voit que ça n’a pas changé les choses. Il pense qu’il faudrait constater l’échec
de cette loi.
XV
L’introduction du livre 20 portant sur l’insolvabilité des entreprises dans le code de
droit économique n’a pas apporté beaucoup de changements au niveau de la prévention
des entreprises, est-ce que cela n’aurait pas été l’occasion de revoir le système des
chambres d’enquête commerciale ou autres (notamment attribuer plus de moyens à ces
chambres) ?
Cela aurait dû être l’occasion de revoir le système mais selon lui ça n’intéresse personne. Il a
été entendu par la commission de droit commercial et économique en tant qu’expert dans le
cadre des débats sur le projet de loi des sociétés et associations, qui est un débat important. Or
il a tristement constaté que seuls trois députés étaient en séances, le ministre n’était pas là et
n’était même pas représenté (ce qui voulait dire que ce qu’ils racontaient ne l’intéressait
même pas). Or il y avait les plus grands experts du sujet.
Il relève aussi un problème du côté du législateur, cela ne fonctionne pas. Tout d’abord, ça
n’intéresse pas le gouvernement, ça ne porte pas de poids. Le législateur ne fait plus son
boulot et donc les juges prennent le dessus (c’est le gouvernement des juges). Or, le problème
des juges est qu’ils voient toujours les problèmes par un cas pratique et se laissent influencer
ainsi et n’ont pas de vue macroéconomique.
Monsieur Zenner aimerait écrire une proposition de loi à ce sujet pour essayer de faire bouger
un peu les choses.
De manière générale, selon les statistiques fournies par Graydon, trop peu d’entreprises
recourent à la PRJ et trop tard, comment pallier à cela ?
Pour Alain Zenner une des réponses est de déclarer les faillites beaucoup plus vite. On
retrouve dans le projet de loi sur les sociétés et associations la nécessité à tout moment d’être
en mesure d’assurer la trésorerie pour les 12 mois à venir. C’est une règle qui existe déjà dans
la pratique mais tout le monde l’ignore. Il y a là une lourde responsabilité des avocats et des
comptables.
XVI
Les professionnels du chiffre devraient-ils avoir un rôle plus important dans le cadre de
la PRJ ?
Il faudrait surtout les forcer à applique la loi et les obliger à dénoncer. Mais il y a le lobby de
l’IRE. Alain Zenner a parlé avec les présidents de l’IEC et de l’IPCF qui sont assez d’accord
avec l’idée d’obliger à dénoncer les entreprises qui présentent des risques de défaillance.
Cependant, les réviseurs ne veulent absolument pas. Pour monsieur Zenner, il faudrait
encourager l’action en responsabilité. Dans la situation actuelle, ceux-ci ont peur de perdre
leur client et donc sont contre cette mesure. Il rappelle que dans toute sa carrière, Duplat n’a
connu qu’un seul cas où l’expert comptable a averti le juge d’un risque de discontinuité. Et
bien qu’ils aient l’obligation d’avertir les chefs d’entreprises, les professionnels du chiffre ne
le font pas et il n’existe pas de sanction à ce défaut.
Vous aviez parlé d’une nouvelle catégorie de clignotants (analyse économique), pouvez-
vous m’en dire plus ? (clignotants « avant de se lancer »)
Pour lui, c’est avant tout le rôle des comptables. C’est là-dessus qu’il faudrait axer les choses.
D’une part, être beaucoup plus sévère dans l’appréciation des faillites et d’autre part,
intervenir dès qu’il y a la moindre difficulté et veiller à ce que les professionnels du chiffre
jouent leur rôle, mais également sanctionner les avocats qui trichent. Chacun doit faire son
boulot.
L’existence des clignotants et l’importance d’y avoir recours ne sont pas des éléments
nouveaux, cependant le taux de faillite est toujours très élevé en Belgique, à quoi cela
est-il dû ? Comment mieux utiliser les clignotants ?
Il faut trouver mieux que ces clignotants. Pour Alain Zenner, les clignotants légaux ne sont
pas des clignotants de risque de faillite mais des clignotants d’existence d’une faillite. Quand
une entreprise a un trimestre de retard ONSS ou TVA, c’est tellement grave que l’entreprise
doit avertir les travailleurs (ce qu’elle ne foait pas).C’est très grave et ça ne se récupère pas.
Avant que le tribunal de commerce ne soit informé et ait l’occasion d’étudier le dossier, il y a
un laps de temps beaucoup trop long qui s’écoule. Cela ne se récupère pas, sauf injection de
capital ou restructuration. C’est pourquoi ces clignotants sont en fait un indice de faillite et
non de risque.
XVII
Une des solutions ne serait-elle pas de mieux informer et de sensibiliser les chefs
d’entreprise ?
Quelle est, selon vous, la solution à apporter afin que le PRJ ne soit plus l’antichambre
de la faillite ?
Pour lui il n’y a qu’une manière : se montrer plus sévère dans la déclaration des faillites, plus
sévère dans le respecter de la loi et les dispositions qui existent. De plus, éventuellement,
raffermir les clignotants du code de société.
Quels sont, selon vous, les clignotants les plus efficaces (prépondérants) pour la détection
des entreprises en difficulté ?
Alain Zenner répond que regarder les retards de paiement est fondamental. Une entreprise qui
a des retards de paiement est une entreprise qui a des difficultés. L’indice de paiement
Graydon est très important à ce sujet. Celui-ci donne pour chaque client l’indice de paiement,
c’est un moyen de prévention. Il faut faire attention avec qui on traite (responsabilité des
créanciers).
Il existe également les indices comptables résultant des comptes annuels et annexes qui sont à
examiner. Alain Zenner énonce notamment le fait qu’un dirigeant d’entreprise doit, à tout
moment, s’assurer que la trésorerie permette de faire face aux échéances des 12 mois suivants.
Il faut aussi tenir compte des clignotants utilisés par les tribunaux de commerce.
Il y a également des indices graves tels qu’avoir un trimestre de retard de paiement ONSS et
TVA. Cela coûte très cher à l’entreprise, notamment au niveau des majorations, intérêts, etc…
Et enfin, Alain Zenner relève les 12 indicateurs exposés par la firme Graydon.
XVIII
Annexe VI : Entretien avec Monsieur Eric Van den Broele
Malgré 2 refontes de la loi, la PRJ n’a pas atteint son but qui était d’éviter la faillite et
permettre le redressement des entreprises en difficulté. Comment expliquez-vous cela ?
Monsieur Van den Broele commence par rappeler qu’à première vue, au lendemain de
l’entrée en vigueur de la loi sur la continuité des entreprises (LCE), cette nouvelle loi avait eu
un succès assez important. Avant la PRJ de 2009, il y avait en place un système concordataire
qui n’avait donné lieu qu’à 80 concordats par an. Or, avec la LCE, on est très vite monté à
1500 PRJs par an donc tout le monde s’est très vite enthousiasmé. Il poursuit en énonçant que
cependant ils ont très vite remarqué une chose : 80% de ces PRJs, par après, tombaient tout de
même en faillite ou arrêtaient tout simplement leur activité. Il rappelle que Monsieur Zenner
avait supposé erronément à l’époque que ce « taux de raté » tellement important était dû à la
troisième forme de PRJ - à savoir le transfert sous autorité de justice -, ce que Monsieur Van
den Broele a dénié très vite parce que le nombre de transfert introduit via la PRJ était très
faible (à l’époque, 4-5% des PRJs introduites étaient des transferts sous autorité de justice).
Ce ne pouvait donc pas être ça qui influençait le chiffre. Très vite, ils (Graydon, la société
dont il est le directeur de la Recherche & Développement, et lui) ont voulu comprendre ce
qu’il se passait et ils ont constaté deux choses.
1) Un premier problème était que les entrepreneurs eux-mêmes n’étaient pas au courant
du va et vient de leur propre société et ne s’apercevaient pas qu’ils étaient en difficulté
ou bien beaucoup trop tard. Ils ont été confrontés à beaucoup d’entrepreneurs pour qui
devoir entrer en PRJ ou tomber en faillite était comme si le ciel leur tombait sur la
tête. Graydon a alors vu très vite, comme la Belgique est surtout un pays de PMEs,
que pour ces gens il y avait un dieu dans leur entreprise : leur expert comptable. Les
chefs d’entreprise comptaient énormément dessus. Ceux-ci se disaient que s’il y avait
un problème leur expert comptable les préviendrait, ils comptaient là-dessus. Or
monsieur Van den Broele affirme que cela s’est avéré complètement faux dans le sens
où l’expert comptable ne se sentait pas du tout appeler à avertir les chefs d’entreprise -
et d’autant moins des mois à l’avance - quand des problèmes semblaient surgir. Les
experts comptables constataient uniquement, ils « écrivaient l’histoire ». Cela avait
pour effet qu’au moment où un expert comptable commençait à réagir, c’était
généralement trop tard. A l’époque la PRJ n’était que le pas avant le cimetière.
Eric Van den Broele se souvient notamment que le 26 septembre 2011 se tenait une
XIX
conférence de l’association professionnelle des experts comptables où on lui avait
demandé de donner un exposé sur cette problématique (le fait que l’expert comptable
n’intervenait que trop tard pour prévenir ses clients des problèmes rencontrés par
l’entreprise). Il avait préparé son discours avec le président de l’association en lui
disant qu’il allait clairement prendre position en affirmant dans sa présentation qu’un
expert comptable se devait de réagir lorsqu’il voyait une certaine signalétique134. Lors
de son exposé devant les experts comptables, ça a hurlé dans la salle : « de quoi vous
mêlez-vous », « on n’est pas payé pour ça ». Cela donne déjà une idée de la mentalité
au niveau des experts comptables à l’époque.
2) Eric Van den Broele poursuit ensuite avec un deuxième problème rencontré, à savoir
que même les clignotants prévus par la loi (clignotants surtout comptables tels que la
solvabilité, la sonnette d’alarme, les ratios de liquidité, …) sont ne fait des clignotants
qu’il qualifie « de mourant ». Une fois que l’on commence à réagir sur base de ces
clignotants-là, il est presque toujours trop tard. Il prend notamment pour exemple le
mécanisme de la sonnette d’alarme : si l’on commence à réagir à partir du moment où
l’actif net est diminué à un montant inférieur à la moitié du capital social, c’est trop
tard car il y a déjà un grave malaise qui existe.
Selon monsieur Van den Broele, il s’agit des trois raisons principales pour lesquelles on a
constaté que finalement la PRJ n’apportait rien de curatif. En effet, tout d’abord les
entrepreneurs eux-mêmes ne sont pas conscients du fait qu’ils ont un problème, ensuite ils
comptent sur leur expert comptable ou sur d’autres consultants pour le leur dire or ceux-ci ne
disent rien et enfin ils ont « peur » que leurs difficultés ne soient affichées au grand public.
Depuis 2000, Graydon est en forte collaboration avec les tribunaux et a commencé un projet
avec ceux-ci où la société fournit aux chambres de dépistage des informations pour permettre
de mieux distinguer les entreprises qui rencontrent des difficultés. Tous ces tribunaux d’une
134
Certains clignotants alarmants
XX
manière ou d’une autre utilisent les informations fournies par Graydon. Mais ce ne sont pas
les chambres de dépistage qui vont faire l’affaire car elles sont en sous-effectif. Donc en
général, elles se concentrent sur les cas les plus graves.
Monsieur Van den Broele poursuit en énonçant qu’il y a eu des changements dans la
législation en 2013 avec par exemple l’introduction de l’article 10 - qu’il a écrit. La
proposition qui a été faite à ce moment-là consistait à responsabiliser les experts comptables.
Cependant, il y a eu une petite différence entre ce qui avait été écrit initialement et ce qui a été
publié dans la loi finalement : le mot « doit » a été changé en « peut », ce qui a engendré que
la communication des difficultés au tribunal de commerce n’a pas été rendue obligatoire mais
facultative. C’est regrettable selon lui car dans la pratique quasiment aucune communication
n’a été actée. Pour sa part, il ne connait aucun président de tribunal qui lui a confirmé avoir
reçu un seul dossier.
La première phase du projet consistait à fournir des listes d’entreprises137 dans chaque
arrondissement où ils constatent effectivement ces clignotants oranges 138. Ensuite, sur base de
ces listes, les consultants d’Unizo prennent contact avec les entrepreneurs en question afin de
leur soumettre un questionnaire lors d’un rendez-vous ultérieur et toute une discussion avec
135
De Unie van Zelfstandige Ondernemers = l’union des entrepreneurs indépendants.
136
Horizon d’entrepreneurs.
137
Ce qu’ils font toujours à l’heure actuelle.
138
Les entreprises ayant des clignotants rouges sont quant à elles directement transmises au tribunal.
XXI
eux se développe. Cette discussion a pour but de conscientiser les chefs d’entreprise afin
qu’ils se rendent compte de la situation dans laquelle ils se trouvent. Une fois qu’ils sont
conscients de leur situation, ils réagissent d’autant plus vite. Et à travers le partenariat que
Graydon a avec le gouvernement flamand, il est possible de diriger ces entrepreneurs vers des
consultants qui arrivent à les aider par la suite et donc à les redresser. Depuis, Eric Van den
Broele remarque que les entreprises qu’ils ont approchées de cette façon - à savoir 500 par
an139- ont réussi à se redresser (pas toutes mais en tout cas une bonne partie). Par exemple, en
2013, 70% des entreprises qu’ils ont encadrées ont réussi à redresser la barre. Le rôle de
Graydon et de ses partenaires est de diriger ces entreprises vers de l’aide (aide sous forme de
consultance, de formations/cours, …).
Le spécialiste continue en alléguant que les consultants d’Unizo restaient en contact avec
Graydon par rapport au suivi et aux entretiens qu’ils avaient avec les entrepreneurs. La firme
Graydon rencontre chaque mois les consultants d’Unizo pour connaitre leur ressenti et leurs
expériences afin de pouvoir améliorer le modèle basé sur le projet ondernemershorizon et leur
façon d’agir.
La première chose que les consultants ont constatée très vite est que les dirigeants d’entreprise
qu’ils contactaient s’effrayaient très vite car, soit ils n’avaient aucune idée de ce qu’il se
passait chez eux140 (ils tombaient de haut), soit ils ne pouvaient pas s’exprimer concrètement
sur quel était le problème mais ils ressentaient quelque part dans les tripes que quelque chose
ne se passait pas bien, qu’il y avait un problème (ressentir sans savoir). Dans ce dernier cas,
les dirigeants réagissaient pratiquement tous de la même façon : comme ils ressentaient
quelque chose, ils avaient tendance à se concentrer totalement dans leur entreprise, se jeter
corps et âme dans le travail, en ne consacrant plus de temps à leur vie de famille et à leur
réseau social (social network). Ils ne participaient plus à aucun repas d’affaire, conférences,
réunions, … Graydon s’est alors posé des questions et s’est demandé si justement ce
comportement ne pouvait pas être un premier signal. Il s’agissait notamment de savoir s’il
était possible d’une façon ou d’une autre d’observer ce phénomène. Et il s’est avéré que
c’était bien possible, ils ont observé qui étaient présents aux social networks, regardé sur
internet les participations à certaines réunions, … A travers toutes ces datas, Eric Van den
139
Ils ont un budget qui leur permet d’aider 500 entreprises par an.
140
Les partenaires du projet ont d’ailleurs longuement réfléchi à la manière psychologique d’aborder le dirigeant
pour lui dire que son entreprise était en déclin.
XXII
Broele explique qu’ils sont arrivés à développer un score qui pouvait suivre la diminution
d’un network social d’un entrepreneur.
Monsieur Van den Broele poursuit en expliquant que jusqu’en 2013 ils ont également constaté
que dans la population totale de toutes les faillites, on observait d’année en année au moins
2% d’entreprise qui avait au-delà de 25 ans. A partir de 2013, ce pourcentage a augmenté
énormément pour atteindre actuellement 17%. Ils ont à nouveau voulu comprendre ce qu’il se
passait. Un premier constat est que ce phénomène surgit surtout en Flandre, également en
Wallonie mais peu à Bruxelles. Ils se sont donc concentrés sur ce qu’il se passait en Flandre.
Il s’agissait d’entreprises qui pratiquement toutes ont été crées très vite après la révolution
industrielle. Dans les années 70-80, en Flandre, beaucoup d’initiatives avaient été mises en
place pour développer les nouvelles technologies. Beaucoup de petits entrepreneurs avec des
idées fantastiques se sont alors lancés et beaucoup ont connu une croissance formidable. Le
problème était cependant que le chef d’entreprise est resté chef d’entreprise (« c’est MON
entreprise, je dirige) et n’a jamais donné l’occasion à d’autres de développer de nouvelles
initiatives pour l’entreprise. Il n’y avait pas de nouveau sang.
A partir de 2014-2015 Graydon s’est alors demandé si la façon dont une entreprise est gérée
pouvait faire la différence notamment au niveau de sa capacité à être innovatrice ou non.
Graydon souhaitait voir s’il pouvait être possible de capter la façon dont une entreprise est
gérée à travers le langage utilisé sur le site web de l’entreprise. Était-ce possible d’observer, à
travers le langage utilisé sur un site web, des typologies de différents styles de management
qu’on peut retrouver dans une entreprise ? Ils se sont alors mis en collaboration avec la IADS
(qu’il caractérise comme le Solvay de la data science) et ont commencé à analyser tous les
sites web d’entreprises en Belgique afin de voir si à travers les structures linguistiques qu’on
retrouvait sur des sites, donc l’emploi d’un langage bien spécifique, on pouvait observer
certaines typologies de management. Eric Van den Broele affirme qu’ils sont bien arrivés à
dégager huit typologies différentes allant du dictateur jusqu’au démocrate141. Il poursuit en
donnant un exemple simple : le simple fait qu’un site web ait un ratio plus important de « je »
et de « nous » que de « tu » et de « vous » est déjà un indice. De plus, le fait de retrouver
plusieurs fois la photo du leader d’entreprise donne également un indice sur le style de
management de l’entreprise. Ce sont de simples choses qu’il donne comme exemple mais ça
peut être beaucoup plus complexe que cela, en allant par exemple jusqu’à l’analyse de la
141
Il met en garde que ce sont des big datas donc que ce n’est pas toujours exact mais que ça permet déjà de
donner des indices.
XXIII
structure grammaticale etc. Ainsi, ils ont pu développer différentes typologies de
management.
A l’heure actuelle, ils sont occupés dans la société Graydon à connecter cela avec la
croissance de l’entreprise. Ils voient clairement qu’il existe un lien entre ces typologies et le
taux de croissance de l’entreprise ainsi que son ancienneté. Une entreprise technologique qui
démarre a besoin d’un leader fort mais après 10 ou 15 ans il faut une démocratie. Il doit y
avoir une évolution vers la démocratie, la participation de chacun, … Ce sont ces éléments
que Graydon utilisent de plus en plus et que la société intègre également à sa liste de
clignotants oranges. Les consultants d’Unizo, lorsqu’ils rencontrent les entrepreneurs, ne les
mettent plus seulement en garde qu’ils ont des difficultés en raison des mauvais
comportements de paiement ou autres mais leur font part aussi du fait qu’ils doivent changer
de typologie de management. Les consultants font comprendre aux dirigeants quel type de
dirigeants ils sont et ce que ça peut avoir comme impact sur leur entreprise.
De plus, Eric Van den Broele poursuit en déclarant qu’il faut également aiguiller les
dirigeants quant au développement de leur produit (« votre produit est à un niveau totalement
développé mais n’a pas de suite pour l’instant, qu’allez-vous faire, avez-vous des idées quant
à la suite à donner à ce produit ? »).
A l’heure actuelle, selon Eric Van den Broele, l’important se situe au niveau du management.
Or le monde juridique et comptable voit toujours les choses sous l’aspect financier.
Le spécialiste répond que très peu de changements ont été observés. Cela a plus évolué en
Flandre qu’en Wallonie. Le projet est actif en Flandre depuis 2013 et a fait ses preuves. Leur
intention est d’implanter, avec l’UCM, un projet du même type en Wallonie.
Ils essaient constamment de faire évoluer les idées mais ce n’est pas facile. Les gens sont
encore beaucoup trop dans une mentalité où ils pensent que c’est la comptabilité qui dicte
tout. Il relève qu’il y a également beaucoup de « job protection » là-dedans.
XXIV
Lorsque vous parlez des clignotants oranges, lesquels visez-vous ? Sur quelle base est-ce
que vous les calculez ?
Au moment où ils ont commencé leur projet en 2013, ils avaient plusieurs clignotants qui se
situaient surtout au niveau des expériences de paiement. La société reçoit des datas de tous les
côtés. Ils reçoivent notamment des données provenant de 8200 entreprises en Belgique qui
leur fournissent leurs comptes annuels à jour et leur disent comment leurs clients les payent.
De cette façon, Graydon a recoupé toutes ces informations et a pu connaitre, pour toutes les
entreprises qui ont une activité réelle en Belgique, la façon dont elles payent leur facture. Ils
savent la date à laquelle ces entreprises reçoivent des factures, la date d’échéance et la façon
dont elles payent (avant, après l’échéance : donc soit en avance ou en retard). Graydon tient
un historique de toutes ces données de paiement et peut ainsi apercevoir l’évolution du
comportement de paiement des entreprises et surtout les « déviations » par rapport aux
échéances. A partir de cela, la société a pu tirer le constat qu’il s’agissait d’un très bon signal.
Monsieur Van den Broele énonce ensuite un autre exemple de clignotant. Ils ont constaté,
dans leur modèle, que les données sociales sont beaucoup plus significatives pour pouvoir
prédire quelque chose que les données financières. Les clignotants classiques (solvabilité,
liquidité, …) ne tiennent pas debout alors que les clignotants « sociaux » sont beaucoup plus
parlants et forts. Il donne notamment comme exemple le fait qu’un dirigeant d’entreprise qui
est déjà tombé en faillite auparavant dans une autre entreprise est très souvent en voie à une
avalanche, par un effet boule de neige il arrive souvent qu’il emporte également l’entreprise
qu’il gère actuellement vers la faillite. Statistiquement, ce scénario arrive pour une entreprise
sur huit, ce qui est assez important. Il ne faut bien entendu pas condamner chaque
entrepreneur qui a fait une erreur de parcours mais il s’agit d’une réalité statistique.
Graydon a aussi développé un ratio entre d’une part l’évolution du nombre de personnel et
d’autre part l’évolution du nombre d’intérimaires. Un autre ratio est celui du nombre de
personnel total par rapport au niveau d’éduction du personnel et cela est mis en relation avec
le secteur dans lequel l’entreprise se trouve. Il s’agit, selon les études menées par la société
Graydon, de signaux bien plus forts. La société a commencé à les utiliser activement à partir
de 2013 avec le projet ondernemershorizon.
XXV
Ces clignotants étant plus significatifs pour détecter les difficultés d’une entreprise,
pourquoi les tribunaux ne se basent-ils pas plus sur ceux-ci ?
Selon le spécialiste, cela dépend très fort du tribunal en question et surtout de la présidence.
Car chaque président gère un peu son propre royaume et développe sa propre politique au
niveau de tout ce qui touche au dépistage. Chez certains présidents, il existe toujours une
certaine mentalité qui pense que leur première tâche est de nettoyer et éliminer. Certains
présidents ont tout de même déjà plus de compréhension mais disent qu’ils n’ont pas
suffisamment d’effectif et du coup « first things first ». Cependant, des présidents tels que
Jean-Philippe Lebeau mettent déjà beaucoup plus l’accent sur l’effet préventif. De manière
générale, Eric Van den Broele relève que l’idée préventive est développée plus fort en
Wallonie qu’en Flandre. Une autre réalité qu’il a constatée est qu’en Flandre les tribunaux
sont beaucoup plus concentrés sur la conservation de la valeur économique tandis qu’en
Wallonie on se concentre plus sur la conservation de l’emploi.
Cette mentalité qu’il caractérise de « boucher » est un problème. Ce n’est pas nécessairement
négatif, car ce travail de « tri » des sociétés doit être fait mais le nombre d’effectif pour
pouvoir faire de la véritable prévention est trop faible.
Certains présidents se posent aussi toujours la question de savoir s’ils peuvent utiliser ces
clignotants oranges à fonds. Pour vraiment pouvoir être préventif, ils ont un doute sur la
légalité. Ce qui est totalement faux, cela a été démenti par le ministre mais ils ont encore
toujours cette réticence.
Le livre XX au niveau du dépistage n’a rien apporté. Le seul apport intéressant est RegSol.
Graydon est occupé à l’heure actuelle avec RegSol à développer tous des instruments pour les
chambres de dépistage en essayant d’y intégrer tous les signaux que la firme relève. Tout sera
mis à disposition des tribunaux, à eux de voir s’ils vont les utiliser ou pas.
XXVI
La communication par le professionnel du chiffre au président du tribunal de commerce
des difficultés rencontrées par une entreprise n’est toujours que facultative, la réforme
de 2017 n’aurait-elle pas dû être l’occasion de rendre cette communication obligatoire et
d’engager la responsabilité des professionnels qui ne s’y soumettent pas ?
Eric Van den Broele répond que lors de la réforme, ils se sont surtout posés la question de
savoir s’il y avait un sens à responsabiliser l’expert comptable. Car l’expert comptable
finalement, après tous les essais que Graydon a faits pour les responsabiliser, se définit tout de
même comme un historien, il écrit l’histoire et se concentre surtout sur le financier. La
problématique du financier au niveau de la problématique de l’insolvabilité est que le
financier est le symptôme et non le virus. Une entreprise qui présente une sonnette d’alarme
ou des problèmes de solvabilité ou de liquidité a généralement des problèmes de gestion qui
ont surgi bien avant que les problèmes financiers n’apparaissent (un manque de stratégie
marketing, de renouvellement, d’innovation par exemple). Monsieur Van den Broele est de
plus en plus convaincu que si l’on veut aider à ce niveau, il faut intervenir à l’instant où ces
problèmes de gestion surgissent et non pas quand les problèmes financiers apparaissent, car il
est alors souvent fort tard et le redressement est d’autant plus difficile.
Vous aviez émis l’idée d’une politique en 2 voies (car la justice est une compétence
fédérale tandis que l’aide aux entreprises est une tâche des régions) : la justice se
concentrerait sur les cas les plus graves d’entreprises en difficulté (celles dont les fonds
propres ont très fortement chuté. But : essayer de les sauver ou éviter qu’elles n’en
contaminent d’autres), tandis que les autorités régionales mettraient en œuvre des
moyens pour détecter précocement les entreprises qui risquent de rencontrer des
difficultés financières. Pensez-vous toujours qu’il faille privilégier ce système juridique?
Eric Van den Broele énonce que tout le projet ondernemershorizon est applicable dans « la
constellation juridique belge » qui est fédérale, alors que le pouvoir de subsidier d’une façon
ou d’une autre les entreprises est régional. De plus, il existe une législation européenne qui
défend clairement de subsidier des entreprises qui déjà sont en grave déclin, ce qui est
contradictoire. Une entreprise qui entre en PRJ est une entreprise qui, par définition, comporte
déjà un certain nombre de clignotants or on lui interdit toute aide supplémentaire (par
subvention, par soutien gouvernemental, …). Graydon, au niveau régional, approche des
entreprises qui ne sont pas encore à un stade aussi avancé (avec autant de clignotants qu’une
entreprise entrant en PRJ) et peuvent alors recevoir des subsides. C’est par ce fait que
XXVII
monsieur Van den Broele est devenu le défendeur de l’idée que tout ce qui touche à
l’insolvabilité / aux difficultés doit suivre une double piste. Une piste qui doit servir comme
bouée de sauvetage pour les cas extrêmes, et dans ce cas on se dirige vers la PRJ. Et une autre
piste qui vise vraiment à sauver les entreprises, à leur montrer à temps qu’elles doivent
changer de cap. Cette piste doit, selon Eric Van den Broele, être régionale. Et ce sont donc
deux politiques à suivre, chacune à leur niveau : au niveau fédéral, le cadre juridique pour les
cas extrêmes et au niveau régional, tout ce qui touche à la prévention et qui permet une
deuxième chance.
Plusieurs interpellations ont été faites à l’égard du gouvernement afin de mettre en place
cette politique à 2 voies, cependant aucune réaction du ministre n’a été observée.
Le projet a été développé au temps de Kris Peters qui était ministre président à ce moment-là.
Il s’agissait aussi de l’époque où l’Europe se concentrait fortement sur le sauvetage des
entreprises en difficulté. Cependant un changement de vision est apparu et l’on s’est alors
beaucoup plus intéressé aux 5 stades de vie d’une entreprise. Le projet ondernemershorizon
était totalement concentré sur les entreprises en difficulté ou en déclin tandis que le nouveau
projet actuel est un projet qui se concentre sur 5 étapes de vie d’une société. Il existe 5 stades
différents et le nouveau projet va approcher chaque entreprise qui se trouve dans un de ces 5
stades. Le ministre-président Bourgeois, lui, veut beaucoup plus se concentrer sur l’étape de
la croissance. Il va allouer plus de budget pour cela que pour aider les entreprises en
difficulté, ce qu’Eric Van den Broele trouve dommage. Mais celui-ci reconnait qu’il y a
beaucoup d’entreprises qui ont énormément de potentiel de croissance et qu’il est bon d’aider
celles-ci à se développer.
Etes-vous d’accord avec le constat que la loi sur la continuité des entreprises est un
échec ?
Eric Van den Broele répond sans hésitation par l’affirmative. Le constat général qu’il a pu
faire sur les entreprises qui entrent en PRJ, c’est que ce ne sont pas des entreprises qui sont
confrontées soudainement à un problème mais que pratiquement toutes connaissent depuis des
années des problèmes structurels. Cela n’a donc plus aucun sens. La PRJ a été créée en 2009
comme bouée de sauvetage pour les entreprises qui rencontraient soudainement un problème
afin de les aider pour mieux repartir de l’avant. Une entreprise qui connait des problèmes
structurels depuis plusieurs années n’est pas une société qui a soudainement un problème
financier, la PRJ ne lui est d’aucune utilité.
XXVIII
Annexe VII : Entretien avec Madame Nathalie Procureur
Malgré 2 refontes de la loi, la PRJ n’a pas atteint son but qui était d’éviter la faillite et
permettre le redressement des entreprises en difficulté. Comment expliquez-vous cela ?
Madame Procureur énonce tout d’abord que l’on a pu observer une diminution des demandes
en PRJ suite à l’introduction du droit de rôle, puisqu’avant c’était gratuit et c’est passé ensuite
à 1000€. Déjà à ce moment, cela a freiné les demandes en PRJ. Elle pense cependant que la
raison principale est que les dirigeants d’entreprise croient en leur affaire et donc ne sont pas
toujours en phase avec la réalité et l’aspect financier. Ce n’est pas parce qu’une société vend
bien (que le chiffre d’affaire est bon et en évolution) que la situation financière est bonne et
suit (il ne faut pas confondre chiffre d’affaire et bénéfice). Il y a une difficulté de perception
de la situation financière dans le chef des dirigeants et une difficulté de comprendre
l’évolution réelle de l’activité.
Le comptable est un acteur crucial dans la vie d’une PME, comment celui-ci pourrait-il
intervenir de manière plus active dans le cadre de la prévention des entreprises en
difficulté ?
Nathalie Procureur explique que le comptable intervient toujours après coup. Pour les PME
notamment la périodicité d’enregistrement comptable est trimestrielle. L’entrepreneur
communique ses factures et ses documents au comptable pour la TVA. Le comptable est donc
plus utilisé pour répondre à des tâches obligatoires d’ordre fiscal et moins comme un
conseiller. D’un autre côté, le comptable ne suscite pas toujours ce rôle de conseil en se
limitant à son rôle de comptable pur et dur pour respecter la législation. En général comme le
comptable reçoit tous les documents en même temps, il n’a pas toujours le temps de tout
encoder en même temps et donc c’est reporté à plus tard, ce qui fait que le traitement des
documents comptables n’a pas lieu de manière régulière et parfois même quelques mois en
retard. La situation financière de l’entreprise n’est connue que quelques mois après que les
problèmes ne soient apparus, voir même à la fin de l’exercice comptable.
Les PME plus importantes, qui génèrent plus de chiffre, sont plus intéressées par un suivi
mensuel, ce qui est plus facilement réalisable aussi pour l’expert comptable du fait qu’elles
sont assujetties à la TVA sous un régime mensuel permettant un suivi plus régulier. Ces PME-
là ont donc accès à l’information financière plus rapidement. Cependant les dirigeants qui
sont vraiment soucieux de leur situation financière demande alors à leur comptable un suivi
XXIX
mensuel (et alors le comptable passe mensuellement les écritures d’amortissement, de facture
à recevoir et à établir, …) et donc pour ces PME les faits graves et concordants peuvent être
constatés plus rapidement.
Selon elle, il y a donc deux choses à retenir au niveau du rôle de l’expert comptable : d’une
part le fait que le comptable ne doit pas seulement être perçu par le dirigeant comme une
charge mais vraiment comme une personne qui l’accompagne au jour le jour dans ses affaires
et doit donc accepter de payer cela aussi. Le comptable est considéré comme une charge et
l’on n’aime pas de payer des charges. Il faut qu’il y ait un changement de vision qui ait lieu au
niveau de la perception du comptable, qui n’est pas seulement une charge pour le dirigeant
d’entreprise. D’autre part, l’expert comptable doit vraiment valoriser ses prestations et
valoriser l’appel à ces services de conseil.
Les professionnels du chiffre devraient-ils avoir un rôle plus important dans le cadre de
la PRJ ? Et notamment la communication de faits graves et concordants susceptibles de
compromettre la continuité de l’entreprise devrait-elle être rendue obligatoire ? (Cfr.
Article XX.23)
XXX
comptable. Donc commercialement, c’est assez difficile pour le comptable de dénoncer au
tribunal. C’est un problème de message et d’image. Cependant, si on avait écrit dans la loi
« le professionnel doit communiquer », à ce moment-là il ne s’agit alors plus d’une démarche
du professionnel du chiffre mais une démarche qui répond à une obligation légale. Et donc
effectivement au niveau de la responsabilité et de la perception, l’image du comptable serait
différente. Il s’agit d’une responsabilité encore en plus à endosser pour le comptable. Car si la
communication devient obligatoire, les tiers pourront alors se retourner contre le comptable au
cas où il y aurait des conséquences financières d’une non communication. Pour madame
Procureur, c’est pour cela que le législateur a voulu assouplir la responsabilité du comptable à
ce niveau-là.
Une des solutions ne serait-elle pas de mieux informer et de sensibiliser les chefs
d’entreprise ? Comment mettre cela en place ?
Nathalie Procureur répond par l’affirmative. Certains organismes organisent déjà des
formations. Mais surtout, la publicité devrait être améliorée. Il faut aussi renforcer cette image
du comptable - sa perception - et aider l’entrepreneur à mieux percevoir la réalité de ses
affaires. Madame Procureur pense aussi qu’un entrepreneur ne comprend pas assez les notions
comptables qui lui sont exposées par son comptable. Beaucoup de ses clients lui disent
notamment « moi les chiffres je n’y comprends rien, c’est votre métier ». Il y a donc un rejet
de la comptabilité de la part des chefs d’entreprise qui ne comprennent pas et surtout ne
veulent pas comprendre. Bien entendu, il est important que le professionnel comptable adapte
son langage face à ses clients. Il ne peut s’adresser de la même façon avec les mêmes termes à
par exemple un entrepreneur dans le bâtiment qu’à un analyste financier. Le professionnel
doit s’adapter (et adapter son vocabulaire) en fonction de son interlocuteur.
A nouveau, cela doit se faire des deux côtés : une meilleure sensibilisation du côté de
l’entrepreneur et une meilleure approche du côté du comptable. Il faut aussi favoriser l’accès à
des formations comptables/financières pour les chefs d’entreprise afin de rendre la lecture des
données financières plus abordables.
Les clignotants financiers sont souvent plutôt qualifiés de « mourants » car lorsqu’ils
apparaissent il est généralement trop tard. Partagez-vous cet avis ?
Identifier les clignotants financiers reste tout de même une première étape. L’idéal est de
suivre son client le plus régulièrement possible (mensuellement ou trimestriellement), afin de
XXXI
les détecter assez tôt. Il est également important de dialoguer souvent avec son client. Un
client qu’on ne rencontre jamais, on ne voit sa situation que sur papier et c’est alors difficile
de se rendre compte des difficultés rencontrées sur le terrain Nathalie Procureur conseille
toujours de rencontrer son client au moins une fois durant l’année (avant la clôture de
l’exercice comptable). C’est ainsi l’occasion de demander comment les affaires évoluent, quel
est le carnet de commande, s’il y a un changement de l’environnement, comment la demande
du marché évolue, …. Voir comment il appréhende sont évolution et dans quel cadre
également. Madame Procureur donne comme exemple un de ses clients qui s’entêtent à
poursuivre une activité. Or son chiffre d’affaire se décline vraiment. Elle lui a dès lors
conseillé d’élargir sa clientèle et ses services mais celui-ci ne savait pas comment
implémenter cela. Mais cela n’est pas du ressort de la comptable. Elle peut lui dire sur base
des données comptables où le bât blesse mais ensuite les mesures à prendre pour rectifier le tir
ne sont pas de son ressort.
Il est primordial qu’un dirigeant d’entreprise soit bien entouré et conseillé (que ce soit au
niveau marketing, social, etc.).
Que pensez-vous des clignotants sociaux par rapport aux clignotants financiers ? Sont-
ils l’avenir d’une prévention plus fructueuse ?
Une analyse de risque est plus adéquate selon Nathalie Procureur afin de balayer tous les
risques à tous les niveaux et voir ainsi les points forts et les points faibles de la société. Par
exemple faire appel à un intérimaire représente un risque car si la personne a des compétences
spécifiques et que cet intérimaire est engagé dans une autre société, il s’agit de compétences
perdues. Cela fait partie d’un risque.
Eric Van den Broele avait émis l’idée d’une politique en 2 voies (car la justice est une
compétence fédérale tandis que l’aide aux entreprises est une tâche des régions) : la
justice se concentrerait sur les cas les plus graves d’entreprises en difficulté (celles dont
les fonds propres ont très fortement chuté dans le but d’essayer de les sauver ou d’éviter
qu’elles n’en contaminent d’autres), tandis que les autorités régionales mettraient en
œuvre des moyens pour détecter précocement les entreprises qui risquent de rencontrer
des difficultés financières. Pensez-vous qu’il faille agir ainsi ?
XXXII
Nathalie Procureur est mitigée. Car certaines entreprises ne sont pas localisées dans une seule
région. Elle a moins d’avis tranché là-dessus.
Quels sont, selon vous, les clignotants les plus efficaces pour la détection des entreprises
en difficulté ? Quels sont ceux à tenir à l’œil ?
Le besoin en fonds de roulement un indicateur central pour elle. Il faut notamment prêter
attention aux augmentations de stock et à l’accroissement du délai de paiement client.
Le constat est là. L’échec a déjà été constaté. Selon elle, pour que cette loi soit efficace il faut
une meilleure prévention. Il faut intervenir beaucoup plus tôt et démocratiser cette procédure
dans le sens où un entrepreneur qui fait la démarche ne doit pas se sentir stigmatisé/honteux.
Cette culture de l’échec est beaucoup trop forte.
La communication sur l’intérêt de la procédure doit aussi être revalorisée. Et il ne faut pas non
plus en abuser. Il y a toujours des abus et c’est là aussi que se trouve le problème.
C’est une procédure à mettre en avant et qui peut avoir de bonnes conséquences lorsqu’elle
est efficacement intentée.
Nathalie Procureur énonce qu’un des clignotants légaux était le défaut de publication des
comptes annuels durant 3 années successives. Trois ans c’est énorme, cela a donc été ramené
à 1 an. Le chambres d’enquête dispose de ce type d’informations or elle s’étonne qu’il n’y ait
pas de réaction à ce niveau-là. Pour elle, il y a quelque chose à faire au niveau du traitement
des données et des communications des données au juge délégué.
XXXIII
Annexe VIII : Interpellation et réponse du ministre de la justice concernant
les interactions entre organismes régionaux et tribunaux
Mondelinge vraag van Federaal Volksvertegenwoordiger Griet Smaers aan de Minister van
Justitie over de gegevensuitwisseling met particuliere instellingen om ondernemingen in
moeilijkheden te begeleiding
Ook het nieuwe Boek XX “Insolventie van ondernemingen” van het WER legt een belangrijke rol
bij de kamers voor ondernemingen in moeilijkheden. Oordelen zij dat de continuïteit bedreigd is,
dan kunnen zij de onderneming oproepen en horen om alle inlichtingen te bekomen en een
onderzoek te starten. Indien uit dat onderzoek blijkt dat de onderneming zich in staat van
faillissement bevindt, dan kan de kamer voor ondernemingen in moeilijkheden het dossier naar
de procureur des Konings zenden of het dossier mededelen aan de voorzitter van de rechtbank.
XXXIV
XXXV