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Finance d’entreprise

3e édition

Jonathan Berk, Peter


DeMarzo

Gunther Capelle-Blancard,
Nicolas Couderc
Chapitre 28

Les fusions-acquisitions
Introduction

En France, la plus grosse fusion d’entreprises à ce jour est le


rapprochement entre Suez et GDF en 2004, l’opération
portant sur un montant de 62,4 milliards d’euros.
• Si les opérations de cette taille ne sont pas très fréquentes,
plusieurs dizaines de milliers de telles fusions sont conduites
chaque année dans le monde : en 2007, avant la crise, elles
ont ainsi représenté plus de 3 000 milliards d’euros.
Les opérations de fusions-acquisitions participent du marché
du contrôle des entreprises : quelles que soient les
modalités pratiques de l’opération et sa forme juridique, il
s’agit toujours d’un rachat d’entreprise, donc d’une
modification de sa propriété, potentiellement accompagnée
d’une modification de son contrôle.
Plan

28.1. Les fusions-acquisitions : une histoire de


vagues
28.2. La réaction du marché aux annonces de rachat
28.3. Pourquoi acheter une entreprise ?
28.4. Comment racheter une société cotée ?
28.5. Comment se défendre contre une OPA hostile ?
28.6. Qui profite de la valeur créée à l’occasion
d’une fusion ?
28.1. Les fusions-acquisitions :
une histoire de vagues

Les entreprises peuvent croître de trois manières :


• Croissance interne (ou organique) de l’entreprise,
nécessairement progressive.
• Alliance avec une autre entreprise dans le cadre d’un contrat
ou d’une société commune (joint-venture).
• Croissance externe : plus rapide, mais souvent plus
coûteuse, cette méthode consiste à racheter une autre
entreprise ou à fusionner avec elle. Les fusions-acquisitions
(en anglais mergers and acquisitions, ou M&A) sont des
opérations très courantes : chaque année, plusieurs dizaines
de milliers d’entreprises sont rachetées
Les fusions-acquisitions : une
histoire de vagues
L’immense majorité de ces opérations concerne des petites ou
moyennes entreprises.
Seules une vingtaine d’opérations annuelles ont trait à des
grandes entreprises pour des montants dépassant les 20
milliards d’euros.
Les « mégafusions », dépassant 50 milliards d’euros, sont
encore plus rares, bien que leur fréquence ait tendance à
augmenter ces dernières années.
La plus grosse fusion à ce jour a été lancée par Vodafone, qui
a consacré plus de 200 milliards d’euros au rachat de
Mannesmann en 2000.
Les fusions-acquisitions : une
histoire de vagues
Les fusions-acquisitions : une
histoire de vagues
Les fusions-acquisitions : une
histoire de vagues
Les opérations de fusions-acquisitions sont marquées par une
cyclicité très forte, avec des périodes d’intense activité suivies
de périodes plus calmes.
• Les fusions sont plus nombreuses en période de croissance
économique qu’en période de récession et sont positivement corrélées
aux mouvements des marchés actions.
Les dernières vagues de fusions-acquisitions ont chacune
marqué de leur empreinte une décennie différente (1960, 1980,
1990 et 2000). Chacune de ces vagues a été caractérisée par un
type particulier d’opérations.
• Formation de conglomérats dans les années 1960, recentrage sur le
cœur de métier dans les année 1980, fusions « stratégiques » et
« globales » dans les années 1990 et consolidation dans les années
2000.
Les fusions-acquisitions : une
histoire de vagues
Les fusions-acquisitions : une
histoire de vagues
28.2. La réaction du marché aux
annonces de rachat
Lorsqu’une entreprise (l’acquéreur) propose aux
actionnaires d’une entreprise cible cotée de
racheter leurs actions, il semble logique que le prix
d’achat proposé soit au moins égal au prix de
marché de l’action avant l’annonce.

Dans la pratique, la plupart des offres de rachat


offrent aux actionnaires de l’entreprise cible une
prime par rapport à la valeur de leurs actions
avant l’annonce de l’opération.
Comment réagissent les marchés à
une annonce de rachat ?
Comment réagissent les marchés à
une annonce de rachat ?
La réaction est très contrastée selon que l’on regarde les
actions de la cible, qui augmentent de 15 % en moyenne, ou
celles de l’acquéreur, qui ne bougent pas. Plusieurs
questions :
• Pourquoi l’entreprise initiatrice offre-t-elle aux actionnaires de
l’entreprise cible une prime ? En fait, cette question est double : 1)
La prime offerte est-elle justifiée ? 2) Si oui, pourquoi n’est-il pas
possible d’acheter la cible à sa valeur de marché initiale (avant
annonce de l’opération) ?
• Lors d’une annonce d’offre de rachat, pourquoi les actions de
l’entreprise cible augmentent-elles moins en moyenne que la prime
offerte ?
• Lors d’une annonce d’offre de rachat, pourquoi le prix des actions
de l’entreprise initiatrice ne varie-t-il pas en moyenne ?
28.3. Pourquoi acheter une
entreprise ?
Pour la plupart des investisseurs individuels, l’achat d’actions
est un investissement à VAN nulle.
Comment est-il possible qu’une entreprise en rachète une
autre en offrant une prime aux actionnaires de cette dernière
et réalise tout de même une opération à VAN positive ?
Cela implique que l’acheteur soit capable de faire augmenter
la valeur de l’entreprise rachetée.
• Cette création de valeur peut provenir de différentes sources, en
particulier de synergies.
• Quelles sont les sources de telles synergies ? En quoi l’addition de
deux entreprises peut-elle contribuer à augmenter leurs ventes
totales ou à réduire leurs coûts ?
Réaliser des économies d’échelle
et de gamme
Lorsqu’une entreprise augmente sa taille, il est fréquent qu’elle profite
d’économies d’échelle.
• Ces économies d’échelle apparaissent lorsque l’entreprise fait
face à des coûts fixes élevés ou qu’elle peut profiter de prix plus intéressants
de ses fournisseurs lorsqu’elle commande en grande quantité.
Une entreprise peut également profiter d’économies de gamme.
• Lorsque la production conjointe de biens différents entraîne des coûts de
production plus faibles et/ou des prix de vente plus élevés que dans le cas où
les biens seraient produits par des entreprises différentes.
Ces économies d’échelle et de gamme ne justifient pas toujours la
croissance : au-delà d’une certaine taille, des coûts apparaissent,
venant contrebalancer ces économies.
Réduire le pouvoir de marché des
clients ou des fournisseurs
Il y a intégration verticale lorsque deux entreprises situées
l’une en amont de l’autre dans la chaîne de valeur (stades de
production ou de distribution différents) fusionnent.
• Une entreprise peut fusionner avec l’un de ses fournisseurs
(intégration amont) ou l’un de ses clients (intégration aval).
Parmi les motifs pouvant justifier une telle intégration
peut figurer le souci de contrôler une ressource, des
compétences ou un réseau de distribution, afin de ne
plus dépendre de facteurs externes.
Maîtriser une compétence
spécifique

Pour être efficaces, tenir à distance les concurrents


et répondre aux demandes de leurs clients, il est
fréquent que les entreprises soient obligées de
recourir à des compétences spécifiques.

Il peut être plus simple ou plus rapide de racheter


une entreprise détenant les compétences souhaitées
plutôt que de les développer en interne.
Profiter d’une rente de monopole

Il est possible que certaines entreprises en rachètent d’autres


pour réduire l’intensité de la concurrence sur un marché donné
et augmenter ainsi leurs profits.
De ce fait, pour limiter l’apparition de tels monopoles ou
oligopoles, qui imposent à l’ensemble de l’économie un coût
élevé, la plupart des pays développés se sont dotés de lois qui
limitent le pouvoir de marché d’une entreprise (lois antitrust).
• En France, le droit de la concurrence a été renforcé en 2001 par la
loi relative aux nouvelles régulations économiques, qui impose
un contrôle plus systématique des concentrations d’entreprises.
• Aux USA, Sherman Act, Clayton Act et Hart-Scott-Rodino Act.
Améliorer la manière dont la cible
est gérée
Lorsqu’une entreprise est mal gérée (existence de doublons,
mauvaise organisation, etc.), il est rationnel d’accepter de
payer une prime pour la racheter : une meilleure gestion
augmentera en effet sa valeur.

Il est souvent difficile de racheter une entreprise pour en


améliorer la performance.
• Remplacer son dirigeant est souvent insuffisant pour améliorer la
performance, et la résistance au changement d’une organisation
peut être forte…
• Ainsi, de nombreux rachats d’entreprises justifiés par la volonté
d’améliorer leur efficacité ont été des échecs.
Profiter d’économies d’impôt

Lorsqu’une entreprise affiche un résultat courant positif, elle


paie l’impôt sur les sociétés.
Une entreprise bénéficiaire peut donc avoir intérêt à
en acheter une autre, dans l’espoir que les pertes éventuelles
de l’une compenseront les bénéfices de l’autre.
En France, néanmoins, cette motivation est plus faible que
dans d’autres pays, car les pertes réalisées par une entreprise
lors d’un exercice peuvent être reportées sur les exercices
suivants pour en réduire l’impôt à payer.
Exemple 28.1 - L’imposition d’une
entreprise diversifiée
Tirer parti de la diversification
La diversification d’une entreprise est un motif fréquemment avancé
pour justifier une opération de croissance externe. Il convient
néanmoins de s’en méfier, les gains potentiels liés à
la diversification étant rarement présents là où on les attend.
• Réduction du risque. En se diversifiant, une entreprise réduit son
risque idiosyncratique. Cet argument n’a souvent pas grand sens : une telle
diversification ne sert à rien, car les actionnaires bénéficient de cette diversification au
niveau de leur portefeuille.
• Amélioration des conditions de financement. Les entreprises diversifiées ont une
probabilité plus faible que les autres de faire faillite. Elles ont donc une capacité
d’endettement supérieure et peuvent bénéficier d’économies d’impôt plus importantes
sans subir d’augmentation de leurs coûts des difficultés financières.
• Amélioration de la liquidité. Les actionnaires d’une entreprise non cotée détiennent
souvent des portefeuilles peu diversifiés. La diversification
de cette dernière constitue un bon moyen de réduire le risque des investisseurs.
Accroître les bénéfices

Une fusion peut permettre à l’entreprise résultant de


la fusion d’afficher un bénéfice par action plus élevé
que ceux des deux entreprises de départ, alors
même que la fusion ne crée aucune valeur
économique.

Mais il est évident pour tous les actionnaires qu’une


telle fusion ne créant pas de valeur économique, elle
n’enrichira personne.
Exemple 28.2 - Fusion et bénéfice
par action
Exemple 28.3 - Fusions et PER
Servir les intérêts du dirigeant
De nombreuses études empiriques ont montré que l’annonce
d’une acquisition fait, en moyenne, baisser le prix des actions
de l’entreprise à l’initiative de l’offre, tout particulièrement
lorsque la première est grande ou que la cible est une société
cotée. Deux explications possibles :
• Les conflits d’intérêts. Plus l’entreprise qu’il contrôle est grande,
plus la rémunération du dirigeant est élevée et plus grand est son
prestige.
• L’excès de confiance. La plupart des individus surestiment leurs
compétences (voir chapitre 13) : ils sont victimes d’excès de
confiance. Un dirigeant ayant une confiance excessive en ses
capacités risque de se lancer dans des acquisitions à rentabilité
faible, voire négative, car il surestime sa capacité à créer de la
valeur.
28.4. Comment racheter une
société cotée ?
Comment une entreprise procède-t-elle pour en racheter une
autre ?
L’étape préalable consiste à valoriser la cible. Ensuite, il faut
passer à l’action. Pour ce faire, il existe deux méthodes
principales :
• L’achat en Bourse
• Le lancement d’une offre publique

Dans tous les cas, un cadre réglementaire précis doit être


respecté, afin de garantir l’égalité de traitement des
actionnaires et la défense des intérêts de toutes les parties
prenantes.
Comment valoriser une cible ?
Une entreprise cible d’une opération de croissance externe se
valorise comme n’importe quelle autre entreprise (voir
chapitre 19). Il existe deux principales méthodes
d’évaluation :
• La méthode des multiples est facile à mettre en œuvre mais
ne fournit une estimation de la valeur de l’entreprise que par
rapport aux entreprises comparables et ne tient pas compte des
changements opérationnels consécutifs à la fusion ni des synergies
potentielles.
• Si l’on souhaite disposer d’une estimation plus précise,
l’actualisation des flux de trésorerie futurs, estimés à partir
d’une analyse détaillée des changements postérieurs à la
fusion, est conseillée.
L’achat en Bourse
La méthode la plus simple pour acheter une entreprise cotée
consiste à acheter ses actions sur le marché.
Pour ce faire, l’acquéreur peut procéder à un ramassage en
Bourse, mais cela doit être discret. Il est également possible
d’acheter un bloc d’actions, de gré à gré avec un investisseur
acceptant les conditions proposées par l’acquéreur.
Des obligations strictes de transparence sont imposées aux
acquéreurs.
• Toute transaction de bloc doit obligatoirement être portée à la
connaissance du public dès sa conclusion.
• Déclaration de franchissement de seuil obligatoire lorsqu’un
actionnaire dépasse 5, 10, 20, 33, 50 et 66 % du capital ou des droits
de vote d’une entreprise.
L’offre publique

Il est également possible à l’acquéreur de lancer une offre


publique d’achat sur la cible.
Une telle opération consiste à proposer aux actionnaires de la
cible de racheter leurs actions, sans limite de quantité, à un
prix fixé et pendant une période donnée.
Cette offre peut être formulée :
• après négociation avec les dirigeants de la cible (il s’agit alors d’une
offre amicale) ;
• sans consultation de ceux-ci, voire après échec des négociations
(offre hostile ou non sollicitée).
L’offre publique

L’offre peut prévoir un paiement des titres en


numéraire (en euros, en dollars…) ; on parle alors
d’offre publique d’achat (OPA).
Le paiement peut aussi être réalisé en actions de
l’acquéreur (en « papier »), l’opération étant alors
une offre publique d’échange (OPE).
Il est également possible que l’acquéreur décide de
laisser le choix aux actionnaires de la cible entre
numéraire et actions, dans le cadre d’une offre
mixte.
L’offre publique

Dans le cas d’une OPE, comment convaincre les


actionnaires de la cible ?
• Les actionnaires de la cible seront actionnaires de
l’entreprise fusionnée à la fin de l’opération, si elle réussit. Il
faut donc à la fois les inciter à échanger leurs actions et les
convaincre de la pertinence de l’opération.
Une partie de la réponse réside dans le calcul du
taux d’échange : il s’agit du nombre d’actions de
l’acquéreur reçues pour chaque action de la cible
apportée à l’offre.
L’offre publique
Soit VInit, VCib et VSyn – respectivement la valeur de l’entreprise
initiatrice avant l’opération, celle de la cible et celle des
synergies associées à la fusion – et NInit et NNouv –
respectivement le nombre d’actions de l’entreprise initiatrice
avant la fusion et le nombre de celles émises pour financer
l’OPE.
Le prix des actions de l’entreprise initiatrice augmente à la
suite de l’opération si la valeur des actions de l’entreprise
fusionnée qu’ils détiendront est supérieure à celle des titres
qu’ils détenaient avant l’opération :
L’offre publique
La résolution de l’équation (28.1) permet d’obtenir NNouv pour
que la VAN de l’opération soit positive pour les actionnaires de
l’entreprise initiatrice :

Donc :

Il est possible d’exprimer ce taux d’échange en fonction des


prix des actions avant la fusion, en posant PCib = VCib / NCib et
PInit = VInit / NInit :
Exemple 28.4 - Taux d’échange
maximal
Les arbitrages de fusion

Lors du lancement d’une offre publique, nul n’est certain de


son succès.
L’incertitude sur le succès de l’offre accroît la volatilité du
cours des actions de la cible et attire des spéculateurs qui
parient sur le succès (ou l’échec) de l’opération.
Ces investisseurs sont des arbitragistes de fusion, qui
essaient de prévoir le résultat de l’offre et prennent des
positions sur les actions des entreprises concernées en
fonction de leurs anticipations.
28.5. Comment se défendre contre
une OPA hostile ?

Il n’est pas rare que le Conseil d’administration d’une cible


rejette une offre d’achat et s’oppose à une fusion, même
lorsqu’elle prévoit une prime élevée pour les actionnaires de
cette entreprise. Il s’agit alors d’une
offre hostile.

Pourquoi un Conseil d’administration s’opposerait-il à un


rachat offrant aux actionnaires de la cible une prime ?
Quels sont les moyens de défense d’une cible ?
Pourquoi refuser une offre
d’achat ?
Le Conseil d’administration peut avoir plusieurs raisons pour
refuser une offre :
• Il peut penser que le prix proposé est trop faible, et qu’il est
possible de trouver une autre entreprise prête à payer plus ou
de convaincre l’acquéreur d’augmenter le prix de son offre.
• Il peut considérer que les actions de l’entreprise initiatrice sont
surévaluées, diminuant ainsi l’intérêt de l’offre pour les actionnaires
de la cible.
• Il peut être sceptique quant aux synergies annoncées et/ou aux
perspectives de l’entreprise fusionnée.
• Mais il peut aussi essayer de se protéger contre un acquéreur qui
justifie l’opération par la mauvaise gestion de la cible...
Les défenses contre une OPA
hostile
Les stratégies anti-OPA à la disposition d’une entreprise se
répartissent en deux grandes familles :
• Les dispositions à prendre avant toute menace précise :
• Mise en place de pilules empoisonnées
• Définition de règles particulières sur le renouvellement des mandats des membres
du Conseil d’administration (renouvellement échelonné)
• Parachutes dorés
• Les moyens de défense après le lancement d’une offre hostile,
beaucoup plus limités et contrôlés :
• Action en justice
• Offre concurrente par un chevalier blanc
• Contre-offre (stratégie du Pacman)
• Modification de la structure financière
• Communication financière (et extra-financière)
28.6. Qui profite de la valeur créée
à l’occasion d’une fusion ?
Pourquoi le cours de l’entreprise initiatrice n’augmente-t-il pas
lors de l’annonce d’une opération ? Pourquoi l’entreprise
initiatrice doit-elle offrir une prime aux actionnaires de
l’entreprise cible ?
La réponse à ces deux questions est simple, mais
paradoxale : c’est parce que ce ne sont que rarement les
investisseurs à l’origine de la fusion qui en tirent le plus de
profit.
• La prime offerte aux actionnaires de la cible est approxima-
tivement égale à la valeur créée par l’opération. Cela implique que
ce sont les actionnaires de la cible, et non de l’initiatrice,
qui captent la valeur créée par cette dernière.
Le problème du passager
clandestin
L’entreprise Trankil a 1 million d’actionnaires détenant chacun
une seule action.
• Les actions Trankil souffrent actuellement d’une décote par rapport
à leur valeur potentielle : elles valent 45 €. La valeur de marché de
Trankil est donc de 45 millions d’euros.
• Avec un dirigeant compétent, l’entreprise vaudrait 75 millions
d’euros.
Il est possible de prendre le contrôle de Trankil en achetant
50 % des actions. Cette situation attire Agressor qui décide de
lancer une OPA sur Trankil, en proposant un prix de 60 €
(prime : 15 € par action)
• L’offre porte sur la totalité des titres de l’entreprise, mais prévoit
une condition suspensive : elle est annulée si moins de 50 % des
actions sont apportées à l’offre.
Le problème du passager
clandestin
L’idée d’Agressor paraît excellente
• Si 50 % des actionnaires apportent leurs actions, le coût de
l’opération sera de 60 € × 500 000 = 300 millions d’euros.
• Une fois le contrôle acquis, le fonds pourra améliorer la gestion de
Trankil et sa valeur de marché augmentera à 75 millions d’euros.
• Les actions détenues par Agressor vaudront chacune 75 € et le
bénéfice du fonds sera de 15 € × 500 000 = 7,5 millions d’euros.
• Si Agressor peut racheter l’intégralité des actions de Trankil, son
gain sera de 15 millions d’euros : (75 – 60) × 1 million d’actions =
15 millions d’euros.

Cette stratégie va-t-elle fonctionner ?


Le problème du passager
clandestin
Le prix proposé par Agressor (60 €) est supérieur à la valeur
actuelle de l’action Trankil.
Mais si 50 % des actionnaires apportent leurs titres à l’offre,
attirés par la prime de 15 €, la situation des autres actionnaires
de Trankil n’en sera que meilleure puisque leurs actions
vaudront 75 €, et non 60 €, lorsque Agressor aura pris le
contrôle de Trankil.
Si les actionnaires sont rationnels, tous conservent leurs titres,
et l’offre d’Agressor est un échec. Pour sortir de ce dilemme du
prisonnier, et que les actionnaires décident d’apporter leurs
actions à l’offre, il faut leur proposer au moins 75 € par action,
ce qui empêche Agressor de réaliser un profit => problème du
passager clandestin.
Pourquoi les fusions existent-
elles ?
Suivant le raisonnement précédent, les investisseurs n’ont
aucun intérêt à lancer des offres publiques. Pourquoi les fusions
existent-elles alors ?
• Avant de lancer son OPA, le fonds peut acheter des actions Trankil sur
le marché grâce à un ramassage en Bourse, par exemple à 50 €
pièce.
• Si Agressor attend de détenir 10 % des actions Trankil pour révéler
ses intentions, l’OPA ne porte « que » sur les 90 % d’actions
restantes, et il peut offrir un prix de 75 € par action.
• À ces conditions, après avoir pris le contrôle total de l’entreprise, le
fonds réalisera un gain de (75 € – 50 €) × 1 000 000 × 0,10 = 2,5
millions d’euros.
• Ce gain est plus faible que la valeur créée par l’opération, mais peut
suffire à justifier celle-ci !
Les opérations de LBO (Leveraged
Buy-Out)
Les opérations de LBO (voir chapitre 24) peuvent constituer
un moyen pour les acquéreurs de capter une plus grande
partie des bénéfices d’une OPA et d’éviter le problème de
passager clandestin.
• Agressor décide d’annoncer son souhait de racheter l’intégralité des
actions Trankil au prix de 50 €, soit une prime de 5 € par action.
• Agressor finance l’opération par emprunt, la banque recevant les
actions achetées en collatéral du prêt. En cas de succès de
l’opération, Agressor pourra faire peser les charges afférentes à
l’emprunt sur Trankil et libérer les actions placées en collatéral.
• À l’issue de l’opération, les actions apportées à l’offre seront
détenues par Agressor, alors qu’elles auront été achetées à crédit,
remboursé par Trankil !
Les opérations de LBO (Leveraged
Buy-Out)
Pourquoi les actionnaires de Trankil accepteraient-ils cette
opération ?
• Ils reçoivent pour chaque action apportée à l’offre 50 €. S’ils
décident de ne pas apporter leurs titres, mais que l’offre réussisse,
quelle sera leur situation ?
• La valeur de marché de Trankil augmentera à 75 millions d’euros,
mais l’entreprise se retrouve endettée, car Agressor a emprunté
pour acheter les actions présentées à l’offre.
• Si on suppose que 50 % des actions Trankil ont été apportées à
l’offre, l’emprunt se monte à 50 € × 1 000 000 × 0,50 = 25
millions d’euros. Cette dette étant supportée par Trankil, la valeur
des capitaux propres de l’entreprise VCP est de :
Les opérations de LBO (Leveraged
Buy-Out)
Le prix d’une action Trankil après le LBO est de 50 /
1 million d’actions = 50 €.
En cas de réussite de l’OPA, il est donc indifférent
pour les actionnaires de garder leurs titres ou de les
apporter à l’offre.
En revanche, les actionnaires ont intérêt à la
réussite de l’offre ; sinon, le prix de leurs actions
restera de 45 € : il se trouvera donc logiquement
beaucoup d’actionnaires prêts à vendre leurs titres
et l’OPA d’Agressor sera une réussite.
Exemple 28.5 - Une opération de
LBO
L’effet de la concurrence
La valeur créée lors des opérations de fusions-acquisitions
revient principalement aux actionnaires
de la société cible. Pourquoi les entreprises initiatrices
acceptent-elles donc de payer une prime si élevée alors que la
valeur créée profite aux actionnaires de la société cible ?
L’explication la plus probable réside dans la concurrence
existant sur le marché des OPA :
• Si une entreprise détecte une cible particulièrement attractive en
termes de synergies, il est probable que cela attire d’autres
acquéreurs potentiels, qui formuleront des offres plus attractives
pour les actionnaires de la cible jusqu’à atteindre le prix d’équilibre.

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