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C’est de bonne guerre : le clan Bouteflika laisse croire, laisse dire : le limogeage du général
Toufik entrerait dans la stratégie de Bouteflika d’offrir un "pouvoir civil" à l’Algérie, un pouvoir
"moderne" débarrassé de la tutelle du DRS. Autrement dit de mettre fin à ce que l’on appelle
l’Etat-DRS issu du coup de force de 1962 contre le GPRA, lui-même rendu possible par
l’assassinat de Abane Ramdane en 1957. Rien de plus faux et de plus hypocrite.
Bouteflika est un des créateurs historiques de l’Etat-DRS. C’est lui qui orchestra la machination
qui consistait à "doubler" le Gouvernement provisoire de Benyoucef Benkhedda et de désigner
un chef d’État civil inféodé aux militaires parmi les cinq dirigeants du FLN détenus au château
d’Aulnoy, en région parisienne. Le colonel Boumediene, alors chef de l’état-major de l’ALN, mais
basé à Ghardimaou (Tunisie) l’avait dépêché, début décembre 1961, auprès des cinq dirigeants
du FLN détenus au château d’Aulnoy, en région parisienne avec pour mission de désigner parmi
eux le futur président de l’Algérie indépendante inféodé aux militaires, c’est-à-dire la marionnette
des militaires. Boumediene lui avait recommandé de privilégier la candidature de Mohamed
Boudiaf. Ce dernier refusa énergiquement et abreuva d’insultes Bouteflika, lui reprochant de
"duper le peuple". Bouteflika s'arrangea alors pour choisir Ben Bella. Ce dernier accepta d’être
l’homme de l’état-major. Boumediene avait besoin d’un politique et Ben Bella d’un fusil : ce fut sur
les chars de Boumediene qu'il entrera à Alger en 1962, au prix d'une guerre entre Algériens en
juillet et août 1962 qui fit des centaines de victimes. Ce qu'on appellera plus tard le "clan de
Oujda" venait de prendre le pouvoir par la force. Les chefs militaires avaient confisqué
l'indépendance, dirigeant le pays avec un civil comme paravent. Bouteflika avait fait le boulot.
Il est, d'ailleurs l'auteur d'une performance sans précédent dans l'histoire : ce fut sous le règne
d'un général que fut aboli le pouvoir à vie ; ce fut sous le règne d'un "pouvoir civil" que le pouvoir
à vie fut rétabli !
2. C’est en sa qualité de membre historique de l’Etat-DRS que Bouteflika fut installé par Toufik en
1999.
Les deux hommes sont autant attachés l’un que l’autre à l’Etat-DRS, c’est-à-dire un Etat
despotique et policier fardé d’un maquillage démocratique. C’était du reste, pour cette croyance
partagée que Toufik accepta la suggestion de Larbi Belkheir de l’installer à la place de Zéroual.
Le chef du DRS croyait avoir affaire à un membre de la fratrie naturelle un fidèle, un homme issu
de l’armée putshiste de 1962, «un des nôtres» qui saurait défendre les généraux acculés à
l’époque par une campagne internationale politico-médiatique impitoyable qui les accusait d’être
derrière les carnages des populations (Bentalha, Raïs etc) du fait que, beau parleur, il disposait
du seul pouvoir qu’ils n’avaient pas : le pouvoir des mots. «Il sait dribbler», aurait dit le général
Toufik. «Nous connaissions les pages pas très nettes de son passé, mais nous n’avions pas le
choix et nous restions attentifs», écrit Nezzar. Toufik chargea Bouteflika d’une besogne qu’avait
refusée Zéroual : signer l’accord avec l’AIS de Mezrag. Par la même occasion, le DRS mettait fin
à l’expérience zéroualienne qui s’avérait périlleuse pour le régime et tout le système, mais aussi
les groupes clientéliste du pouvoir qui récupèrent l'essentiel de la rente ainsi que des capitales
occidentales et les monarchies du Golfe irritées par cette Algérie, pourtant exsangue après les
années de lutte impitoyable contre le terrorisme islamiste, mais qui restait bizarrement debout
malgré un pétrole à huit dollars et le départ des représentations diplomatiques étrangères.
La société algérienne qui avait élu Zéroual massivement, et avec enthousiasme, malgré les
mises en garde de l’organisation terroriste, le GIA, retrouvait le goût à la grandeur et à l’action. La
lutte contre l’intégrisme islamiste avait redonné une nouvelle légitimité au combat populaire. Or,
tout le système de l’Etat-DRS est construit sur l’inertie, la peur et le contrôle de la population. Il
fallait en finir avec cette Algérie frondeuse qui s’installait dans une voie démocratique
dangereusement émancipatrice. L’Etat-DRS, les réseaux prédateurs nationaux et internationaux,
dont la pègre pétrolière internationale, comptaient sur Bouteflika pour mettre fin à cette vitalité
retrouvée et rétablir les mécanismes de l'inertie et de la servitude, pour reprendre les termes de
notre ami Mediène Benamar (à ne pas confondre avec le général Toufik). Bouteflika s’acquitta
brillamment de la mission. «J’ai laissé le pouvoir de Franco, je retrouve celui de la reine
d’Angleterre, déclare-t-il au journaliste français El-Kabbach. Il me faut récupérer d’abord mes
attributions constitutionnelles qui ont été dispersées à partir de 1989, il faut que je reprenne mon
rôle présidentiel» (Europe 1 le 7 septembre 1999).
De l’Algérie qu’il avait retrouvée le 15 avril 1999, de ce pays qui sortait, debout, d’un combat
inhumain contre le terrorisme, qui avait retrouvé une raison de croire en lui-même et à qui la
résistance à l’intégrisme avait octroyé comme une nouvelle légitimité, de ce pays qui revendiquait
et obtenait par petits bouts d’être gouverné dans le bon droit, de ce pays debout, Bouteflika en a
fait une terre désespérée, neutralisée, asservie …Il l’a violenté. En dix années de règne, et pour
obtenir le pouvoir, il a décapité l’embryon d’ouverture démocratique, réduit la société au silence,
réhabilité l’islamisme, relancé la corruption, divisé l’armée, changé la Constitution et aligné
l’Algérie sur les dictatures arabes. < style="text-align: justify;">Toufik croyait rééditer avec
Bouteflika ce que Boumediène et l’état-major avaient fomenté avec Ben Bella en 1962 : se
fabriquer un président-paravent. Il ne voyait pas que Bouteflika n’avait aucune intention de
restituer les clés de la maison. Le pouvoir est un butin de guerre. il appartient à la famille
fondatrice du pouvoir, c'est-à-dire le clan d'Oujda. Il ne se restitue pas, et encore moins à ces
"généraux parvenus".
M. B.