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Compléments - Chapitre 5

Spectroscopie

Spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN 1H)


La spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN) est le type de spectroscopie
qui a eu le plus d’incidence sur la détermination de la structure des composés organiques.
Elle fut développée par deux équipes de physiciens, celle de Félix Bloch (1905-1983,
Université de Stanford) et celle de Edward Mills Purcell (1912-1997, Université de
Harvard). Le premier appareil de RMN commercial est apparu en 1953, et depuis ce
temps, la spectroscopie RMN est devenue un outil essentiel dans la caractérisation et
l’identification de diverses molécules.

Étudions tout d’abord le phénomène physique de la résonance magnétique nucléaire.


Comme il en a été question lors du chapitre 1, les électrons tournent sur eux-mêmes par
rapport à l’axe de rotation, créant ainsi un champ magnétique de deux orientations
différentes caractérisées par les valeurs +½ ou –½ du nombre quantique de spin. Cette
notion de spin s’applique également à certains noyaux atomiques. En effet, certains
noyaux se comportent comme s’ils étaient en rotation, ce qui est à l’origine du
magnétisme dans la résonance magnétique nucléaire.

Puisque les noyaux sont chargés et qu’une charge électrique en rotation engendre un
champ magnétique, ces noyaux en rotation se comportent comme de petits aimants. Les
noyaux les plus importants pour déterminer la structure moléculaire sont le 1H et le 13C,
un isotope stable et non radioactif du carbone.

Ce spin atomique porte le nom de nombre quantique de spin nucléaire (I). Les valeurs
du nombre quantique de spin nucléaire, contrairement aux électrons, ne seront pas
de +½ ou de –½, mais plutôt de 0 ou un multiple de ½, selon la nature du noyau dont
il est question. La valeur I d’un noyau sera de zéro si son nombre de masse (A) ainsi que
son numéro atomique (Z) sont tous deux pairs. Dans un pareil cas, le noyau n’a pas de
spin nucléaire.

Remarque : Bien que le 12C et 16O soient présents dans la plupart des composés organiques, ils
ne possèdent pas de spin nucléaire (A et Z sont pairs) et ne permettent pas d’effectuer de
spectroscopie par résonance magnétique nucléaire et donc d’obtenir des spectres RMN.

Lorsque le nombre quantique de spin nucléaire I a une valeur différente de 0 (soit un


multiple de ½), il est possible de déterminer le nombre d’orientations que le noyau
adoptera dans un champ magnétique uniforme selon l’équation 5.a.

Nombre d’orientations = 2I + 1 (équation 5.a)

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Le nombre d’états de spin (ou d’orientations) est établi par l’équation 5.a où chaque état
de spin est décrit par un nombre quantique magnétique de spin (caractérisé par ms)
dont les valeurs possibles sont déterminées grâce à l’équation 5.b.

ms = +I, (I–1), …,(–I + 1), –I (équation 5.b)

Remarque : Le moment angulaire du noyau (la rotation du noyau sur lui-même) est caractérisé
par un nombre quantique de spin nucléaire (I). Les valeurs du nombre quantique de spin
nucléaire, contrairement aux électrons, ne seront pas de +½ ou de –½, mais plutôt de 0 ou un
multiple de ½.

Le nombre d’orientations du spin nucléaire est déterminé par la relation mathématique


suivante : 2I + 1. Chaque orientation (ou état) du spin est décrite par un nombre
quantique magnétique de spin, ms, qui lui est propre.

Tableau 5.a Caractéristiques magnétiques de certains atomes fréquemment


retrouvés dans un composé organique
1
1 H 2
1 H 12
6 C
13
6 C 14
7 N 16
8 O
I ½ 1 0 ½ 1 0
2I + 1 2 3 1 2 3 1
ms +½ +1 0 +½ +1 0
-½ 0 -½ 0
-1 -1

Lorsque des noyaux sont placés entre les pôles d’un aimant puissant, ils font coïncider
leur champ magnétique parallèlement ou antiparallèlement au champ de l’aimant (voir la
figure 5.a). Les noyaux dont le champ magnétique est orienté parallèlement au champ
appliqué (flèches bleues) possèdent une énergie légèrement plus faible que ceux dont le
champ magnétique est orienté antiparallèlement (flèches noires). En appliquant une
énergie correspondant exactement à la différence énergétique entre les deux états (dans la
région des radiofréquences (rf) ou ondes radio, revoir le tableau 5.1 de votre manuel),
il est possible de faire passer les noyaux ayant un état de spin de faible énergie à un état
de spin d’énergie plus élevée. On dit parfois du spin qu’il « bascule ». Lorsque les spins
basculent, on dit qu’ils sont en résonance avec la radiation d’où le nom de résonance
magnétique nucléaire (RMN).

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Figure 5.a Orientations des noyaux dans un champ magnétique appliqué et
excitation des noyaux d’un état de spin d’énergie faible à celui d’une
énergie élevée.
Pôle de l'aimant Pôle de l'aimant Pôle de l'aimant

α
α α β
α β β
hν β
α β β
Basculement
β
β β β
β

Pôle de l'aimant Pôle de l'aimant Pôle de l'aimant

Sans la présence d'un Excitation de l'état de spin


champ magnétique Champ magnétique de plus faible énergie vers
appliqué l'état de plus haute énergie

Énergie faible Énergie élevée

La différence d’énergie entre les deux états de spin dépend de l’intensité du champ
magnétique appliqué ; plus le champ est intense, plus la différence d’énergie sera grande,
tel que présenté à la figure 5.b. Dans cette image, E représente l’énergie des états de spin
(kJ/mol) et H représente la puissance du champ magnétique extérieur de l’appareil RMN
(en tesla).

Figure 5.b Différence d’énergie entre les états des spins nucléaires α et β des noyaux
d’hydrogène selon la puissance du champ magnétique extérieur dans un
appareil RMN

E
(kJ / mol)
État de spin β

ΔE1 ΔE2

État de spin α
H (T)

H = 7,05 T H = 14,0 T
υ = 300 ΜΗz υ = 600 ΜΗz

Les instruments utilisés de nos jours disposent d’un champ magnétique variant de 1,4 à
14 teslas (T) (en comparaison, le champ magnétique terrestre n’est que d’environ
0,0007 T). À cette intensité de champ, la différence d’énergie entre les états de spin

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correspond à une radiofréquence de 60 MHz à 600 MHz (mégahertz) (1 MHz = 106 Hz
ou 106 cycles par seconde) ou plutôt à une valeur allant de 2,5 kJ/mol à 25 x 10–5 kJ/mol.
Bien que cette différence soit extrêmement petite, les appareils modernes la décèlent
néanmoins avec une grande précision. En fait, plus le champ magnétique est puissant
pour un appareil RMN, plus la fréquence de résonance des spins nucléaires sera grande et
meilleure sera la résolution des spectres.

5.a Mesure d’un spectre RMN 1H

On procède généralement comme suit pour obtenir un spectre RMN 1H (ou spectre RMN
proton 1 ) : quelques milligrammes d’un échantillon du composé à l’étude sont dissous
dans un solvant inerte qui ne contient pas de noyaux de 1H afin de ne considérer que les
hydrogènes de la molécule à l’étude. Ces solvants sont des molécules dont les atomes
d’hydrogène ont été remplacés par le deutérium, comme le CDCl3 (chloroforme deutéré)
et le CD3COCD3 (hexadeutérioacétone). Une petite quantité d’un composé de référence
(tétraméthylsilane ou TMS) peut également être ajoutée (ce sujet sera élaboré dans la
prochaine section). La solution, contenue dans un mince tube en verre, est placée au
centre d’une bobine de radiofréquences (rf), entre les pôles d’un puissant aimant (voir la
figure 5.c). Les noyaux des hydrogènes s’alignent alors parallèlement ou
antiparallèlement au champ. Puis, la bobine de rf applique une quantité croissante
d’énergie. Quand cette énergie correspond exactement à la différence d’énergie entre les
états de spin de faible et de haute énergie, elle est absorbée par les noyaux (fréquence de
résonance, revoir la figure 5.a). L’enregistrement de l’énergie absorbée par l’échantillon
en fonction de la fréquence appliquée par la bobine rf donne le spectre RMN 1H.

Tubes RMN

1
Le terme proton est souvent substituable à hydrogène ou 1H dans un contexte de RMN, même si les
atomes d’hydrogène sont liés de manière covalente (et pas sous forme ionique, H+). Cela n’est pas
rigoureusement exact, mais il est courant d’utiliser ce terme.

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Figure 5.c Schématisation d’un appareil à RMN
Réimpression avec la permission du Journal of Chemical Education, vol. 73, no 4, 1996, p. A82–A88.
Tous droits réservés © 1996, Division of Chemical Education, Inc.

En pratique, il existe deux manières de déterminer la fréquence de résonance d’un noyau.


Grâce à la relation directe entre l’intensité du champ magnétique et la différence
d’énergie entre les états de spin, on peut faire varier l’intensité du champ magnétique ou
de la rf. Les anciens spectromètres RMN 1H appliquaient une radiofréquence constante
dans un champ magnétique appliqué d’intensité variable, si bien que les noyaux de 1H
résonnaient à différentes intensités de champ magnétique. En revanche, avec les
spectromètres à transformée de Fourier (RMN-TF) d’aujourd’hui, le champ magnétique
appliqué est maintenu constant et une impulsion d’énergie rf provoque une résonance
simultanée de tous les noyaux de 1H à la rf de résonance. L’ordinateur de l’appareil
utilise une opération mathématique appelée transformation de Fourier pour convertir le
signal produit en rf de résonance pour les différents noyaux de 1H. Que la variable soit
l’intensité du champ magnétique ou la rf, elle augmente de gauche vers la droite dans
tous les spectres.

Appareil RMN

Les noyaux (dont le I est non nul) soumis à un champ magnétique uniforme présentent
une résonance magnétique nucléaire quand ils absorbent une radiofréquence bien
précise dont l’énergie permet une transition de leur état de spin d’un niveau énergétique
faible à un plus élevé.

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5.b Déplacement chimique (δ)

Lorsque nous procédons à l’analyse typique d’un spectre RMN 1H (voir la figure 5.d), on
y remarque tout d’abord un ou des signaux verticaux. Ceux-ci peuvent être de hauteur
variable (caractéristique de l’abondance des hydrogènes) et sont disposés sur l’axe des x,
sur une échelle de 0 à 13 ppm environ. Cet axe correspond aux déplacements chimiques δ
dont les unités sont les ppm (parties par million).

Figure 5.d Spectre du p-xylène

Le déplacement chimique d’un signal sur un spectre RMN 1H est représenté par une
valeur de δ (delta) en ppm par rapport au tétraméthylsilane (TMS). Le TMS est une
substance de référence.

Pourquoi exprimer les déplacements chimiques avec les unités ppm ? Qu’est-ce qu’un
ppm ? Pourquoi ne pas simplement exprimer le spectre RMN en fonction de la fréquence
de résonance des noyaux ? En fait, il est impossible de créer un spectre de l’intensité en
fonction de la fréquence de résonance des noyaux, puisque celle-ci est variable selon la
puissance du champ magnétique appliqué (voir la figure 5.b). À titre d’exemple, un
hydrogène localisé sur une fonction aldéhyde entrerait en résonance magnétique à

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2 910 Hz sur un appareil RMN de 300 MHz (champ magnétique appliqué de 7,05 T) et à
3 880 Hz sur un appareil RMN de 400 MHz (champ magnétique appliqué de 9,40T). Il
deviendrait alors extrêmement laborieux de faire des conversions afin de comparer des
spectres RMN fournis par deux appareils différents.

En y regardant de plus près, on remarque toutefois une relation entre les données
spectrales et les puissances des champs magnétiques appliqués. En effet, les rapports des
puissances des appareils, ceux des puissances du champ magnétique appliqué ainsi que
ceux des fréquences de résonance du noyau à l’étude, donnent tous la même valeur
numérique soit :

400 MHz 9,40 T 3 880 Hz 4


= = =
300 MHz 7,05 T 2 910 Hz 3

Ainsi, il est possible de convertir les fréquences de résonance en déplacements


chimiques (δ) qui, eux, sont invariables d’un spectre à l’autre. En fait, les déplacements
chimiques sont indépendants de l’appareil avec lequel le spectre est obtenu. Le
déplacement chimique porte bien son nom puisque sa valeur dépend de l’environnement
chimique des noyaux étudiés. L’unité du déplacement chimique est exprimée en ppm
(parties par million). La relation qui existe entre le déplacement chimique et les
fréquences est donnée par l’équation 5.c :
ν échantillon _ ν référence
δ (ppm) =
ν appareil (équation 5.c)

où νéchantillon est la fréquence de résonance du noyau à l’étude dans un échantillon donné,


νréférence est la fréquence de résonance d’un standard interne (substance de référence) et
νappareil est la fréquence de l’appareil utilisé pour réaliser le spectre RMN. Les fréquences
se mesurent en Hertz ou en s-1.

La référence est utilisée pour contrer les imprécisions des appareils. En effet, deux
appareils différents ne produisent pas exactement le même champ magnétique, et la
moindre imprécision entraînerait des fluctuations du déplacement chimique. Pour contrer
ce problème, un standard interne (substance de référence) doit être utilisé. On lui
attribue par défaut une valeur de 0 ppm (revoir la figure 5.d).

Le standard utilisé est le tétraméthylsilane (TMS), (CH3)4Si. Le choix du TMS comme


composé de référence s’explique pour plusieurs raisons. La première est que ses 12
atomes d'hydrogène sont équivalents (voir la section 5.d), ils sont alors représentés par un
seul signal RMN bien défini, qui tient lieu de point de référence. La deuxième raison est
que le signal de ses 1H apparaît à des champs plus forts que la plupart des signaux de 1H
des autres composés organiques, ce qui rend son pic facile à reconnaître et, enfin, la
troisième raison est que le TMS est inerte, de sorte qu’il ne réagit pas avec la plupart des
composés organiques et comme son point d’ébullition est bas, on peut aisément l’extraire
de l’échantillon à la fin de l’analyse.

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Les pics de la plupart des composés organiques apparaissent à des champs plus faibles
que celui du TMS et présentent des valeurs de δ positives. Une valeur de déplacement
chimique (δ) de 1,00 ppm signifie donc que le pic apparaît à 1 partie par million (ppm) à
des champs faibles par rapport au pic du TMS. Si le spectre est mesuré à 60 MHz
(60 x 106 Hz), alors 1 ppm équivaut à 60 Hz (un millionième de 60 MHz) vers les champs
plus faibles par rapport au TMS. Si le spectre est analysé à 100 MHz, la valeur de δ à 1
ppm équivaut à 100 Hz vers les champs plus faibles par rapport au TMS, et ainsi de suite.
Puisque la fréquence de la référence est toujours de zéro, l’équation 5.c peut simplement
se réécrire :

ν échantillon
δ (ppm) =
ν appareil (équation 5.d)

Ainsi, l’hydrogène de la fonction aldéhyde précédemment utilisé à titre d’exemple


obtiendrait le même déplacement chimique (δ) pour les spectres obtenus avec deux
appareils différents (puissance variable des appareils RMN) selon les calculs suivants.

Déplacement chimique sur un appareil de 300 MHz :


2910 Hz
δ (ppm) = = 9,7 ppm
300 MHz

Déplacement chimique sur un appareil de 400 MHz :


3 880 Hz
δ (ppm) = = 9,7 ppm
400 MHz

Remarque: Les plus récents appareils de puissance très élevée peuvent s’autocalibrer sans avoir
recours à l’ajout de TMS dans l’échantillon à l’étude. Ainsi, il ne faut pas s’étonner si certains
spectres présentent un pic de TMS à 0 ppm alors que d’autres spectres n’en ont tout simplement
pas.

Les déplacements chimiques des noyaux de 1H occupant divers environnements


chimiques ont été déterminés en prenant le spectre RMN 1H d’un très grand nombre de
composés dont la structure, relativement simple, est bien établie. Le tableau 5.b présente
les déplacements chimiques de plusieurs types courants de noyaux de 1H.

Tableau 5.b Déplacements chimiques courants du 1H


(relatifs au tétraméthylsilane)

Type de 1H δ (ppm) Type de 1H δ (ppm)


C-CH3 0,85-0,95 -CH2-F 4,3-4,4
C-CH2-C 1,20-1,35 -CH2-Br 3,4-3,6
-CH2-I 3,1-3,3
C
1,40-1,65
C CH C

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CH3-C=C 1,6-1,9 CH2=C 4,6-5,0
CH3-Ar 2,2-2,5 -CH=C 5,2-5,7
Ar-H 6,6-8,0

2,1-2,6 -C≡C-H 2,4-2,7


H3C C O

O
H3C N 2,1-3,0 9,5-9,7
C H

O
CH3-O- 3,5-3,8 10-13
C OH
-CH2-Cl 3,6-3,8
-CHCl2 5,8-5,9 R-OH 0,5-5,5
Ar-OH 4-8

5.c Blindage et déblindage

Comment se fait-il que les hydrogènes se retrouvent répartis sur une large bande de
déplacements chimiques ? Ne devraient-ils pas tous avoir la même fréquence de ré-
sonance ? Ce serait le cas s’ils étaient isolés, mais ils sont liés à d’autres atomes, ayant
leur propre environnement chimique. De ce fait, il existe des perturbations au sein du
composé qui affectent leurs déplacements chimiques.

Lorsqu’une perturbation entraîne une fréquence de résonance plus petite, le déplacement


chimique est également plus petit (revoir les équations 5.c ou 5.d). L’hydrogène est dit
blindé. Par opposition, si la fréquence de résonance est plus élevée à la suite d’une
perturbation, alors le déplacement chimique sera aussi plus grand et l’hydrogène sera dit
déblindé.

Les deux facteurs majeurs qui influencent le déplacement chimique sont :

1. L’électronégativité des groupes présents dans l’environnement immédiat des


noyaux de 1H
Les groupes électroattracteurs causent généralement un déplacement chimique vers les
champs faibles, déblindant ainsi les hydrogènes à proximité. Comparons, par exemple,
quelques déplacements chimiques tirés du tableau 5.b :

CH3 CH2Cl CHCl2


~0,9 ppm ~3,7 ppm ~5,8 ppm

Les électrons qui se meuvent dans le voisinage d’un noyau de 1H créent un petit champ
magnétique local qui tend à produire un blindage du noyau vis-à-vis du champ
magnétique appliqué. En d’autres termes, les électrons créent un écran entre le noyau

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d’hydrogène et le champ magnétique exercé par l’appareil, ce qui induit le blindage du
noyau.

En présence d’atomes de chlore (le chlore est un élément électronégatif), la densité


électronique est alors appauvrie et, en conséquence, le noyau se « déblinde », ce qui
permet un basculement de son spin à une intensité de champ appliqué plus faible ou à une
fréquence de résonance plus faible. Plus les atomes de chlore sont nombreux, plus l’effet
est considérable.

Exemple 5.a

Prédisez quel sera l’ordre des déplacements chimiques correspondant aux divers signaux
des 1H du 1-bromopropane.

Solution
3 2 1
CH3 CH2 CH2 Br

Les atomes d'hydrogène du C-l apparaîtront au champ le plus faible, parce qu’ils sont
plus près de l’atome de Br, qui est un élément électroattracteur. Les atomes d'hydrogène
du groupement méthyle (du C-3) produiront un signal au champ le plus fort, car ils sont
les plus éloignés du Br, et le signal des atomes d'hydrogène liés au C-2 sera situé entre les
deux. L’effet inductif attractif s’amenuise rapidement avec la distance, comme nous
pouvons le constater avec les valeurs réelles des déplacements chimiques.

1,06 3,47
CH3 CH2 CH2 Br
1,81

Exercice 5.a

Comparez et expliquez les valeurs des quatre déplacements chimiques suivants :

CH4 CH3Cl CH3Br CH3I

0,23 3,05 2,68 2,16

2. La présence d’électrons π
Les atomes d'hydrogène fixés à un atome de carbone prenant part à une liaison multiple
ou à un cycle aromatique apparaissent généralement à des champs faibles, contrairement
aux atomes d'hydrogène attachés à des atomes de carbone saturés. À titre d’exemple,
comparez ces valeurs de déplacements chimiques tirés du tableau 5.b.

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C CH2 C CH2 C CH C H

δ : 1,2-1,35 4,6-5,0 5,2-5,7 6,6-8,0

Les raisons qui expliquent ce phénomène sont complexes, mais elles sont néanmoins
utiles pour la détermination de la structure. Disons simplement que la présence de
liaisons multiples (et d’autant plus pour les cycles aromatiques) crée un puissant champ
magnétique induit appelé cône d’anisotropie (voir la figure 5.e), ce qui crée un très fort
déblindage.

Figure 5.e Cônes d’anisotropie de différentes structures organiques


Zone de Zone de
blindage blindage

Zone de C C Zone de Zone de Zone de


déblindage C O
déblindage déblindage déblindage

Zone de Zone de Zone de


blindage blindage blindage
Alcène Groupement carbonyle

Zone de
blindage
Zone de
déblindage
Zone de Zone de Zone de Zone de
blindage C C blindage déblindage déblindage
Zone de
déblindage
Zone de
blindage
Alcyne Cycle aromatique

Exercice 5.b

Décrivez le spectre RMN 1H du trans-2,2,5,5-tétraméthylhex-3-ène.

Ainsi, lors de l’analyse d’un spectre RMN 1H, il est important de regarder les atomes
voisins des atomes d’hydrogène pour bien assigner les signaux aux différents types de
noyaux de 1H et pour mieux comprendre leur déplacement chimique.

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5.d Détermination du nombre de signaux dans un spectre

Dans le spectre du p-xylène présenté à la figure 5.d, il y deux signaux, l’un à


δ = 2,30 ppm et l’autre à δ = 7,10 ppm. Il est probable que ces pics soient produits par
deux types de noyaux d’hydrogène distincts. En effet, tel que montré précédemment,
l’environnement a un impact direct sur le déplacement chimique. Ainsi, une molécule
peut posséder plusieurs hydrogènes dont l’environnement chimique (plus parti-
culièrement électronique) est identique. Ce même type d’atomes d’hydrogène induit alors
un seul et même signal. Mais comment les reconnaître ? Comment prédire le nombre de
signaux qui seront visibles dans un spectre RMN 1H ?

La première étape à effectuer pour déterminer le nombre de signaux est de distinguer la


ou les symétries de la molécule. Il devient alors plus facile de constater pourquoi deux
signaux sont observés dans le spectre RMN 1H du p-xylène. En fait,

a) les trois hydrogènes du groupement méthyle –CH3 sont identiques (ils ont le même
environnement chimique), ce qui peut être observé par une simple rotation d’un lien C–C.

CH3 CH3 CH3

Ha Hc Ha Hc Ha Hc

Hb Hd Hb Hd Hb Hd

C C C
H3 H2 H1
H1 H3 H2
H2 H1 H3

H1 = H2 = H3

b) les deux groupements méthyles –CH3 sont identiques par symétrie. De plus, selon ce
plan de symétrie, les hydrogènes aromatiques « a » et « b » ainsi que les hydrogènes
aromatiques « c » et « d » sont identiques.

CH3 CH3

Ha Hc Hb Hd

Plan de symétrie

Hb Hd Ha Hc

CH3 CH3

Les deux -CH3 sont identiques.

Ha = Hb
Hc = H d

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c) les hydrogènes aromatiques « a » et « c » et les hydrogènes aromatiques « b » et « d »
sont également identiques par symétrie.

Plan de symétrie
CH3 CH3

Ha Hc Hc Ha

Hb Hd Hd Hb

CH3 CH3

Ha = H c
Hb = Hd

Ainsi, puisque les six hydrogènes des groupements méthyles sont identiques et que les
quatre hydrogènes aromatiques sont également identiques entre eux (Ha = Hb = Hc = Hd),
seulement deux signaux seront observés dans le spectre RMN 1H.

Prenons maintenant l’exemple du prop-1-ène. Combien de signaux devrait-on s’attendre à


observer dans un spectre RMN 1H ?

H3C Ha
C

C
Hc Hb

Il va de soi que le groupement méthyle –CH3 constitue un pic indépendant des trois autres
hydrogènes (a, b et c) puisqu’il contient trois hydrogènes équivalents qui n’ont aucune
ressemblance avec les trois autres liés à la fonction alcène de la molécule. Qu’en est-il de
Hb par rapport à Hc ? Dans les deux cas, ces hydrogènes perçoivent le même nombre
d’hydrogènes (en plus de Hc, le Hb voit un Ha et un CH3 en face de lui, tout comme le
Hc). La seule chose qui les distingue est la disposition spatiale. En effet, le Ha est en
position cis par rapport au Hb alors qu’il est en position trans par rapport au Hc.

Lorsque deux hydrogènes possèdent le même environnement chimique, on dit qu’ils sont
chimiquement équivalents. Si, en plus de l’environnement, ils possèdent la même
disposition spatiale, on dit qu’ils sont magnétiquement équivalents. Seuls les
hydrogènes chimiquement et magnétiquement équivalents ressortent sous la forme
d’un signal unique dans un spectre RMN 1H.

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Ainsi, le spectre du prop-1-ène possède quatre signaux distincts, en raison des
hydrogènes du groupement méthyle ainsi que des hydrogènes a, b et c, ces derniers étant
chimiquement équivalents, mais non magnétiquement équivalents (une analyse détaillée
est effectuée à la section 5.e).

Exercice 5.c

Lequel des composés suivants présente un seul signal dans son spectre RMN 1H ?

a) CH3OCH3 b) c) CH3CH2COCl

5.e Couplage spin–spin et constantes de couplage

Pour chaque type d’hydrogène (groupe d’hydrogènes équivalents), beaucoup de


composés donnent des spectres dont les signaux sont plus complexes que de simples
signaux. En fait, ces simples signaux sont appelés singulets. Examinons quelques-uns de
ces spectres pour en apprendre plus sur les autres données structurales qu’ils fournissent.

La figure 5.f illustre le spectre RMN 1H de l’éther diéthylique, CH3CH2OCH2CH3.

À partir des données du tableau 5.b, on s’attend à ce que le spectre RMN 1H de cet éther
comporte deux signaux : l’un dans la région de δ = 0,9 ppm pour les six atomes
d'hydrogène équivalents des groupements méthyles –CH3 et un autre à environ
δ = 3,5 ppm pour les quatre atomes d'hydrogène équivalents des groupements méthylènes
–CH2– adjacents à l’atome d’oxygène, un atome électronégatif qui déblinde.

Un noyau de 1H qui n’a pas de noyaux de 1H dans son voisinage donne un singulet. Les
noyaux de 1H voisins d’un noyau provoquent un couplage spin–spin de son signal.

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Figure 5.f Spectre RMN 1H de l’éther diéthylique présentant un couplage spin–spin

À la figure 5.f, nous observons en fait un signal dans chacune de ces régions, mais ce ne
sont pas des singulets ! Le signal du groupement méthyle est plutôt scindé en trois
signaux, un triplet, dont les aires relatives (intégrations) sous le signal sont 1:2:1. Le
signal du groupement méthylène –CH2–, quant à lui, est scindé en quatre pics, un
quadruplet, dont les aires relatives (intégrations) sous le signal sont 1:3:3:1. Ces
couplages spin–spin offrent des données utiles sur la structure moléculaire.

Les noyaux de 1H d’une molécule peuvent se comporter comme de minuscules aimants.


En effet, chaque atome d’hydrogène subit non seulement les effets du champ magnétique
appliqué par l’appareil, qui sont considérables, mais également ceux de petits champs
induits par les atomes d’hydrogène voisins. En excitant les noyaux de 1H situés sur un
atome de carbone, ceux des atomes adjacents de carbone sont dans un état de spin de
faible ou de haute énergie, avec une probabilité presque équivalente (presque égale, car,
comme nous l’avons mentionné, la différence d’énergie entre les deux états est
extrêmement petite). Par conséquent, le champ magnétique du noyau dont nous
observons le signal est légèrement perturbé par les champs minuscules induits par les
noyaux de 1H avoisinants.

Chapitre 5 – Complément © 2008 Les Éditions de la Chenelière inc 15


Règle n + 1 :

Si un noyau de 1H possède n 1H voisins ayant un déplacement chimique différent, son


signal RMN sera scindé en n + 1 pics.

Le profil de fragmentation des signaux peut être prédit par la règle n+1 : si un noyau de
1
H ou un ensemble de noyaux de 1H équivalents possède n 1H voisins dont le
déplacement chimique est très différent, son signal RMN sera scindé en n + 1 pics. Dans
l’éther diéthylique, les trois 1H équivalents du groupement méthyle –CH3 ont deux 1H
voisins (chacun étant sur le groupe méthylène –CH2–). C’est pourquoi le signal des trois
hydrogènes du CH3 est scindé en 2 + 1 = 3 pics. Par ailleurs, les deux 1H équivalents du
groupement méthylène –CH2– ont trois 1H adjacents (ceux du groupement –CH3). Par
conséquent, le signal des hydrogènes du –CH2– est fragmenté en 3 + 1 = 4 pics. Voyons
pourquoi cette règle fonctionne et pourquoi les signaux scindés présentent de telles
intégrations.

Considérons d’abord la structure ci-dessous dans laquelle on suppose que Ha a un voisin


non équivalent, soit Hb.

C C

Ha Hb

Lors de la détection du signal de Ha, Hb peut présenter un état de spin de basse ou de


haute énergie. Puisque ces deux possibilités possèdent la même probabilité, le signal de
Ha est scindé en deux pics égaux, soit un doublet. Le même raisonnement s’applique dans
le cas de Hb.

Dans la structure suivante, Ha possède deux voisins Hb.


Hb

C C

Ha Hb

Lors de la détection du signal de Ha, les deux noyaux Hb peuvent présenter les trois
possibilités décrites à la figure 5.g.

Chapitre 5 – Complément © 2008 Les Éditions de la Chenelière inc 16


Figure 5.g Schématisation de l’abondance relative des pics dans un signal triplet

États de spin

Les deux Un seul spin Les deux spins


spins sont est aligné sont opposés
alignés avec avec le champ au champ
le champ magnétique. magnétique.
magnétique.
Intensité: 1:2:1

Les deux noyaux peuvent être à un niveau d’énergie faible, ils peuvent occuper un niveau
d’énergie élevée ou chacun d’entre eux peut être dans un niveau différent, et ainsi aboutir
à deux arrangements possibles. C’est la raison pour laquelle le signal de Ha est un triplet
dont l’intensité relative est de 1:2:1. Le signal de Hb, en revanche, est sous la forme d’un
doublet à cause des deux états de spin possibles du noyau voisin Ha.

Exemple 5.b

Expliquez pourquoi le signal de Ha ayant trois noyaux Hb voisins est un quadruplet dont
les aires relatives sont de 1:3:3:1.

Solution
La structure correspondante est :
Hb

C C Hb ou CH CH3

Ha Hb

Chapitre 5 – Complément © 2008 Les Éditions de la Chenelière inc 17


Les possibilités pour les états de spin des trois noyaux Hb sont :
États de spin

Intensité: 1:3:3:1

En conséquence, le signal de Ha apparaît sous la forme de quatre pics (un quadruplet),


dont l’intégration est de 1:3:3:1. Le signal de Hb est un doublet, car l’orientation possible
du spin de Ha est ↑ ou ↓.

Exercice 5.d

Utilisez les données du tableau 5.b pour prédire l’allure du spectre RMN 1H du
CH3CHCl2. Donnez les déplacements chimiques approximatifs et le profil de
fragmentation des différents signaux.

On dit des noyaux de 1H induisant la fragmentation du signal d’autres noyaux qu’ils sont
couplés à ces derniers. L’amplitude du couplage (distance entre les pics d’un même
signal) ou le nombre de hertz par lequel le signal est scindé est appelé constante de
couplage (symbolisée par J). Cette constante de couplage est affectée par la
disposition des atomes dans l’espace. Ainsi, le couplage de deux hydrogènes en
position cis sera différent de deux hydrogènes en position trans ou même de deux
hydrogènes d’une liaison simple. D’ailleurs, les constantes de couplage servent parfois à
distinguer des isomères géométriques cis-trans de même que la position des substituants
portés par un cycle benzénique.

Quelques constantes de couplage courantes sont présentées au tableau 5.c.

Chapitre 5 – Complément © 2008 Les Éditions de la Chenelière inc 18


Tableau 5.c Quelques constantes de couplage courantes

Type de 1H J (Hz) Type de 1H J (Hz)


H

ortho : 6-8
C C 6-8 méta : 1-3
H
para : 0-1
H H

H R1

C C C 0-1 C C 0-3
H H H R2
H R2 H H

C C 12-18 C C 6-12
R1 H R1 R2

Les effets du couplage spin–spin disparaissent rapidement avec la distance. Alors


que les atomes d'hydrogène portés par des atomes adjacents de carbone présentent un
effet de couplage notable (J = de 6 Hz à 8 Hz), les atomes d'hydrogène éloignés (deux
hydrogènes séparés par plus de deux carbones) les uns des autres ne subissent presque
pas d’effets réciproques (J = de 0 Hz à 1 Hz). Dans le cas des groupements aromatiques,
tel que présenté au tableau 5.c, pour les hydrogènes en position ortho et méta, les
constantes de couplage sont aisément observables (Jortho = de 6 Hz à 10 Hz ; Jméta = de
1 Hz à 3 Hz). Par contre, les constantes de couplage des hydrogènes en position para ne
le sont que lorsque’on utilise de très puissants appareils RMN (Jpara = de 0 Hz à 1 Hz).

Les noyaux d’hydrogène chimiquement équivalents ne causent pas la fragmentation


de leurs signaux réciproques. Par exemple, le BrCH2CH2Br présente uniquement un
singulet bien défini dans son spectre RMN 1H pour ses quatre atomes d'hydrogène. Bien
qu’ils soient sur des atomes de carbone voisins, les atomes d'hydrogène ne subissent pas
de couplage réciproque puisque leur déplacement chimique est identique (ce qui explique
la présence de deux singulets sur le spectre du p-xylène de la figure 5.d).

Si l’on reprend l’exemple du prop-1-ène utilisé à la section 5.d, analysons maintenant la


multiplicité des quatre signaux observés. Les hydrogènes du groupement méthyle –CH3
ne peuvent se coupler avec les hydrogènes Hb ou Hc puisqu’ils sont beaucoup trop
éloignés. En fait, s’il ne s’agit pas d’une structure aromatique, le couplage est
exclusivement possible entre des hydrogènes vicinaux (du latin vicinus, « voisin »). Les
hydrogènes du –CH3 ne pourront ainsi faire qu’un couplage avec l’hydrogène Ha. La
constante de couplage entre deux hydrogènes distancés par un seul lien simple C–C est
d’environ 7 Hz. Ce signal devrait donc être un doublet (avec J ≈ 7 Hz) puisque les trois
1H équivalents du groupement méthyle –CH3 ne voient qu’un seul Ha (règle du n+1).
L’hydrogène Hb ne voit pas les hydrogènes du groupement méthyle –CH3 (trop loin),
mais son signal peut être influencé par les hydrogènes Ha (vicinal) et Hc (géminal, du
latin geminus, « jumeau ») sur le même carbone. Lorsqu’un hydrogène se couple avec
deux hydrogènes qui ne possèdent pas la même constante de couplage, il faut

Chapitre 5 – Complément © 2008 Les Éditions de la Chenelière inc 19


appliquer indépendamment la règle du n+1. Ainsi, le couplage de Hb avec Ha devrait
donner un doublet (avec une constante de couplage J = 6 Hz à 12 Hz pour des hydrogènes
vicinaux cis), puis le couplage avec Hc devrait dédoubler ce même doublet. On parlera
donc d’un doublet-dédoublé.

Toutefois, notons que sur le spectre, le dédoublement ne serait pas visible, puisque la
constante de couplage entre deux hydrogènes géminaux est trop faible (0 Hz à 3 Hz).
Le signal de Hc serait identique à celui de Hb à l’exception du couplage avec l’hydrogène
Ha (J = 12 Hz à 18 Hz) ; le doublet-dédoublé serait alors simplement plus large que celui
observé pour Hb.

L’hydrogène Ha subit, quant à lui, non seulement les effets des hydrogènes Hb et Hc, mais
également ceux des trois hydrogènes équivalents du groupement méthyle –CH3. Le
couplage Ha–Hc donnera un doublet, qui sera déquadruplé en raison du couplage Ha–CH3,
puis finalement le signal sera encore dédoublé par le couplage Ha–Hb. On aura donc un
doublet-déquadruplé-dédoublé !
6-8 Hz

H3C Ha
C
6-12Hz
C
Hc Hb
0-3Hz
12-18Hz

On dit de noyaux de 1H causant la fragmentation du signal d’autres noyaux qu’ils sont


couplés à ces derniers. La constante de couplage, J, représente le nombre de hertz par
lequel les signaux sont scindés.

Quand le profil de fragmentation d’un noyau est complexe et qu’on ne peut l’analyser
par la règle n + 1, il est souvent représenté par un multiplet.

Exercice 5.e

Décrivez le spectre RMN 1H des molécules suivantes :

a) ICH2CH2Cl b) ClCH2CH2Cl

On constate alors que les spectres RMN 1H ne sont pas toujours simples. Cette
complexité survient, entre autres, lorsque des atomes d'hydrogène adjacents possèdent
presque le même déplacement chimique, sans qu’ils soient nécessairement identiques. Le
phénol en est un exemple (voir la figure 5.h). Les atomes d'hydrogène du cycle
aromatique (δ = de 6,8 ppm à 7,4 ppm) se distinguent aisément de l’atome d’hydrogène
de la fonction alcool 2 (δ = 4,95 ppm), mais on ne peut pas analyser leur profil de

2
Les 1H localisés sur des hétéroatomes donnent souvent des pics mal définis (voir la bosse caractéristique à
la figure 5.h).

Chapitre 5 – Complément © 2008 Les Éditions de la Chenelière inc 20


fragmentation, puisque les signaux se superposent. Dans de pareils cas, on dit que ce
signal est un multiplet.

Figure 5.h Spectre RMN 1H du phénol


Réimpression avec la permission de University Science Books.

Remarquez la complexité du signal induit par les hydrogènes du cycle aromatique dans la
région des déplacements chimiques allant de 6,8 ppm à 7,4 ppm.

Exercice 5.f

Comment la spectroscopie RMN 1H peut-elle servir à différencier le 1,1-dichloroéthane


du 1,2-dichloroéthane ?

5.f Aire sous les pics et courbes d’intégration des pics

Lors de l’analyse d’un spectre RMN 1H, il est possible d’y visualiser les différents
signaux, leurs déplacements chimiques (δ), leur multiplicité ainsi que les constantes de
couplage (J). Comme nous l’avons vu précédemment, toutes ces informations sont
essentielles et complémentaires en vue de déterminer la structure moléculaire. Le spectre

Chapitre 5 – Complément © 2008 Les Éditions de la Chenelière inc 21


peut donner une autre information très importante: l’aire sous les pics. La figure 5.i
illustre à nouveau le spectre RMN 1H du p-xylène, mais contrairement à la figure 5.d, on
peut y observer les intégrations correspondantes à l’aire sous la courbe de chacun des pics
(exception faite de la référence TMS).

L’aire sous un pic d’un signal RMN 1H est directement proportionnelle au nombre de
noyaux de 1H correspondant à ce pic. La courbe d’intégration sert à calculer le rapport
des aires sous le pic.

Figure 5.i Spectre RMN 1H du p-xylène (avec les intégrations)

L’aire sous la courbe d’un pic donné est directement proportionnelle au nombre de
noyaux d’hydrogène correspondant. Tous les spectromètres RMN commerciaux sont
équipés d’un intégrateur électronique qui trace une courbe d’intégration au-dessus des
pics (voir sur la figure 5.i, les lignes en rouge). Le rapport des hauteurs des lignes
verticales équivaut au rapport des aires sous les pics. Donc, le rapport des aires sous

Chapitre 5 – Complément © 2008 Les Éditions de la Chenelière inc 22


les pics à δ = 2,30 ppm et δ = 7,10 ppm dans le spectre du p-xylène est de 3:2 (ou 6:4). 3
Ces aires nous permettent ainsi d’attribuer le signal à δ = 2,30 ppm aux six atomes
d'hydrogène des groupements méthyles et le signal à δ = 7,10 ppm aux quatre atomes
d'hydrogène du cycle aromatique.

Pour attribuer le nombre d’hydrogènes correspondant à un pic, il vous faudra tout d’abord
compter le nombre d’hydrogènes présents dans la molécule à l’étude, puis faire une
sommation de toutes les aires sous les pics. Le nombre d’hydrogènes associés à un pic est
déterminé grâce à l’équation 5.e, découlant d’une règle de trois.

Nombre d'hydrogènes (Valeur de l'intégration du pic) x (Σ des hydrogènes)


=
associés à un pic
Σ des intégrations (équation 5.e)

Remarque : Au début de ce complément, il a été mentionné que les échantillons à analyser sont
dissous dans un solvant deutéré. Lorsque la molécule à l’étude possède des hydrogènes sur un
hétératome (par exemple : H–O, H–N, H–S etc.), il arrive, avec certains solvants spécifiques tels
que le méthanol deutéré (CD3OD) ou l’eau deutérée (D2O), qu’un échange puisse avoir lieu entre
l’hydrogène de la molécule et le deutérium du solvant. Dans de pareils cas, l’hydrogène localisé
sur l’hétéroatome de la molécule ne sera plus visible sur le RMN 1H ou l’aire sous le pic sera
nettement inférieure à la valeur réelle.

Exemple 5.c

Combien de signaux y aura-t-il dans le spectre RMN 1H de chacun des composés


suivants ? Si vous prédisez plusieurs pics, quelle sera leur intégration relative ?
a) CO2CH3 b) CH3

BrH2C C CH2Br

CH3

CO2CH3

Solution
a) Les quatre atomes d'hydrogène aromatiques sont équivalents et les six atomes
d'hydrogène méthyliques des groupes ester sont équivalents. Le spectre comportera deux
signaux, et le rapport des aires sous les pics sera de 4:6 (ou 2:3).
b) Deux types d’atomes d'hydrogène sont présents, ceux de CH3–C– et ceux de –CH2–Br.
On observera donc deux signaux dont l’intégration est dans un rapport de 6:4 (ou 3:2).

3
Le rapport des aires est souvent une approximation. Par exemple, dans le cas qui nous concerne, il est de
42:29 ou 1,45:1 ou 2,9:2 et a été arrondi à 3:2.

Chapitre 5 – Complément © 2008 Les Éditions de la Chenelière inc 23


Exemple 5.d

À l’aide du tableau 5.b, prédisez quelle allure générale aura le spectre RMN 1H des
composés suivants :
a) O b) CH3

H3C C OCH3 Cl2HC C CH2Cl

CH3

Solution
a) Le spectre comportera deux signaux dont l’intégration sera équivalente, à environ
δ = 2,3 ppm (pour les atomes d'hydrogène de CH3C=O) et δ = 3,6 ppm (pour les atomes
d'hydrogène de –OCH3). Ces derniers sont un peu plus déblindés en raison de l’oxygène
voisin, un atome électronégatif.
b) Trois signaux apparaîtront, dont les aires relatives sous les pics seront de 6:2:1 à
δ = 0,9 ppm (pour les deux groupes méthyles), à δ = 3,5 ppm (pour les atomes
d'hydrogène de –CH2–Cl) et à un champ encore plus faible, soit à δ = 5,8 ppm (pour
l’atome d’hydrogène de –CHCl2).

Exercice 5.g

Chacun des composés suivants présente plus d’un signal dans son spectre RMN 1H. Quel
sera le rapport de leurs aires sous les pics ?

a) CH3OH b) CH3CH2OCH2CH3 c) CH3CO2CH3

Exercice 5.h

Quel type de spectre RMN 1H escomptez-vous obtenir pour les composés suivants ?

a) O b)

H3C C OH H3C C C H

Exercice 5.i

Deux structures sont possibles pour un ester inconnu. Elles sont présentées en a) et en b).

a) O b) O

(H3C)3C C OCH3 H3C C OC(CH3)3

Le spectre RMN 1H de l’ester inconnu présente deux signaux à δ = 0,9 ppm et à


δ = 3,6 ppm. Le rapport des aires est de 3:1. De quel composé s’agit-il ? Décrivez le
spectre que vous attendriez si le composé inconnu aurait été en fait l’autre formule.

Chapitre 5 – Complément © 2008 Les Éditions de la Chenelière inc 24


En résumé, la spectroscopie RMN 1H fournit les données structurales suivantes :

1. Le nombre de signaux et le déplacement chimique servent à établir les types de noyaux


d’hydrogène chimiquement différents dans une molécule.

2. L’aire sous le pic donne le nombre de noyaux d’hydrogène de chaque type.

3. Le profil de fragmentation indique le nombre d’hydrogènes présents dans le voisinage


d’un noyau d’hydrogène précis.

Solutionnaire des exercices du complément


5.a Plus l’atome lié au carbone du groupement méthyle possède une électronégativité
élevée (il s’agit alors d’un atome électroattracteur), plus le déplacement chimique
des hydrogènes sera grand ; ces hydrogènes seront en fait déblindés.

CH3 H CH3 I CH3 Br CH3 Cl

δ 0,23 δ 2,16 δ 2,68 δ 3,05


Én(H) = 2.1 Én(I = 2.5 Én(Br) = 2.8 Én(Cl) = 3.0

5.b La molécule possède deux types distincts d’hydrogène. Il y aura donc deux signaux
sur le spectre RMN 1H. Le tableau 5.b indique que le signal des 18 H des
groupements méthyles devrait être observé approximativement vers 1,0 ppm tandis
que le signal des hydrogènes vinyliques (2H) devrait apparaître entre 5,2 ppm et
5,7 ppm. Les données spectrales expérimentales révèlent en effet que les
déplacements chimiques sont respectivement de 0,97 ppm et 5,30 ppm.

H C(CH3)3

C C

(H3C)3C H

Remarque : Suite à l’étude de la section « Aire sous les pics et courbes d’intégration des
pics », vous serez en mesure de déterminer l’aire sous la courbe de deux pics, soit de 9:1.

5.c Tous les protons des structures en a) et en b) sont équivalents. De ce fait, ces
molécules ne présenteront qu’un seul pic dans un spectre RMN 1H. Pour bien
visualiser l’équivalence des protons, remplacez n’importe lequel des hydrogènes par
un groupement X. Si le même produit est obtenu peu importe l’hydrogène qui a été
remplacé, les hydrogènes doivent être alors équivalents. Si vous faites cet exercice
avec la structure en c), vous remarquerez que les hydrogènes du groupement
méthyle –CH3 sont équivalents entre eux, que les hydrogènes du groupement
méthylène –CH2– sont équivalents entre eux, mais que les hydrogènes de ces deux

Chapitre 5 – Complément © 2008 Les Éditions de la Chenelière inc 25


groupements respectifs ne sont pas équivalents. Il y a donc deux signaux distincts
pour la structure en c) dans un spectre RMN 1H.

5.d Le signal des hydrogènes du groupement méthyle (CH3CHCl2) sera sous la forme
d’un doublet (un seul H voisin) avec un déplacement chimique entre 0,85 ppm et
0,95 ppm. (L’aire sous la courbe de ce signal sera de 3 pour 1.)
Le signal de l’hydrogène CH3CHCl2 sera sous la forme d’un quadruplet (en raison
de trois H voisins du groupement méthyle) avec un déplacement chimique entre
5,8 ppm et 5,9 pppm. En effet, ce H est déblindé à cause des atomes de Cl, des
éléments électroattracteurs. (L’aire sous la courbe de ce signal sera de 1 pour 3.)

5.e a) ICH2CH2Cl : triplet, δ = 3,1 ppm à 3,3 ppm (rapport de l’aire sous la courbe de
1:1) ; ICH2CH2Cl : triplet, δ = 3,6 ppm à 3,8 ppm, car le Cl est plus électronégatif ;
les H sont donc un peu plus déblindés, (rapport de l’aire sous la courbe de 1:1).

b) Dans la molécule ClCH2CH2Cl, tous les hydrogènes sont équivalents. Leur signal
prendra la forme d’un singulet avec un déplacement chimique entre 3,4 ppm et 3,5
ppm.

5.f Tous les hydrogènes du 1,2-dichloroéthane sont équivalents. Ils sortiront sous la
forme d’un singulet avec un déplacement chimique entre 3,4 ppm et 3,5 ppm.
Pour la molécule de 1,1-dichloroéthane, il y a deux signaux distincts puisque les
hydrogènes ne sont pas équivalents.

Cl2CHCH3 : quadruplet ; δ = 5,8 ppm et 5,9 ppm


Cl2CHCH3 : doublet ; δ = 0,85 ppm et 0,95 ppm

5.g a) CH3OH présente deux signaux, chacun sous la forme d’un singulet (puisque
l’oxygène empêche le couplage de hydrogène voisin) dans un ratio de 3:1.

b) CH3CH2OCH2CH3 présente deux signaux, un triplet et un quadruplet, chacun


avec un rapport de l’aire sous la courbe de 3:2 (ou 6:4).

c) CH3CO2CH3 présente également deux signaux, chacun sous la forme d’un


singulet dans un ratio de 1:1 (ou 3 :3).

5.h a) Le spectre RMN 1H de la structure CH3CO2H présente deux pics dont les
déplacements chimiques sont approximativement de 2,1 ppm à 2,6 ppm et de
10 ppm à 13 ppm (H de la fonction acide). Chacun de ces pics sortira sous la forme
d’un singulet et l’abondance relative sera de 3:1.

Chapitre 5 – Complément © 2008 Les Éditions de la Chenelière inc 26


b) Le spectre RMN 1H de la structure CH3C≡CH présente deux pics dont les
déplacements chimiques sont approximativement de 1,6 ppm à 1,9 ppm et de
2,4 ppm à 2,7 ppm (le H de la fonction alcyne). Chacun de ces pics sortira sous la
forme d’un singulet et l’abondance relative sera de 3:1.
5.i Chacun des esters présente deux signaux qui sortent sous la forme de singulets et
dont l’abondance relative sera dans un ratio de 3:1 (ou 9:3). La seule façon de
savoir de quel type d’ester il s’agit est de regarder lequel des pics est le plus
abondant et à quel déplacement chimique il correspond.

O O

(H3C)3C C OCH3 vs H3C C OC(CH3)3


0,9 ppm 3,6 ppm 2,1-2,6 ppm 0,9 ppm
9H 3H 3H 9H

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