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Sea to Sky Geotechnique 2006

ÉCOULEMENT PERMANENT D’UNE NAPPE LIBRE DANS UNE STRATE


FAIBLEMENT
1
INCLINÉE
Robert P. Chapuis
1
Département CGM, École Polytechnique de Montréal, B.P.6079, Succ. CV, Montréal, QC, Canada, H3C 3A7

RÉSUMÉ
Cet article établit les solutions du problème de l’écoulement souterrain, en régime permanent, dans une strate idéale à
nappe libre, inclinée, rechargée par infiltration efficace. Une équation de conservation spécifique est d’abord établie, sans
utiliser l’hypothèse de Dupuit sur le gradient ni l’équation transitoire de Boussinesq. La robustesse des solutions est testée
avec un logiciel d’éléments finis qui tient compte des fonctions non saturées et qui donc ne fait aucune des hypothèses
requises pour établir la théorie. Les solutions théoriques et numériques sont identiques quand la valeur d’entrée d’air (VEA)
est presque nulle (cas théorique), et décalées de 0 à 20 cm si la VEA vaut -2 kPa. On traite l’exemple d’un aquifère incliné
de la rive nord du Saint-Laurent. La solution du régime permanent correspond à la position moyenne de la nappe quand
l’infiltration efficace prend la valeur moyenne établie sur une base annuelle, l’aquifère amortissant les phénomènes météo-
rologiques. On présente des applications pratiques et des équations simplifiées pour estimer la conductivité hydraulique
saturée à grande échelle, et évaluer la vitesse de Darcy en fonction de l’abscisse.

ABSTRACT
This paper establishes the solutions for the steady state groundwater problem in an ideal sloping unconfined layer,
recharged by an effective infiltration. A specific conservation equation is established first, without using the assumption of
Dupuit for the gradient and the transient equation of Boussinesq. The robustness of the solutions is checked with a finite
element code which takes into account the unsaturated functions, thus making none of the assumptions required to
establish the theory. The theoretical and numerical solutions are identical when the air-entry value (AEV) is almost null (the
theoretical case), and shifted by 0 to 20 cm when the AEV is worth -2 kPa. The case of a sloping unconfined aquifer on the
north shore of the Saint-Lawrence River is treated. The steady state solution corresponds to the average position of the
water table when the considered effective infiltration has the mean value established using an annual basis, the aquifer
deadening the meteorological phenomena. The paper presents practical applications and simplified equations for
estimating the large scale saturated hydraulic conductivity, and for evaluating the Darcy velocity as a function of abscissa

1. INTRODUCTION transitoire de Boussinesq pour les aquifères inclinés. Par


considérations physiques, une équation de conservation
Pour une strate idéale horizontale, avec ou sans recharge spécifique a été établie. Les nouvelles solutions ne font pas
verticale N, les problèmes d’écoulement d’une nappe libre, intervenir explicitement l’écoulement non saturé au-dessus
en régime permanent, ont des solutions fiables (Dupuit 1863 de la nappe.
; Boussinesq 1877, 1904 ; Schoeller 1962 ; Polubarinova-
Kochina 1962 ; Bear 1972 ; Strack 1989). Tirant avantage Même si elles simplifient moins le problème physique que
du fait que l’aquifère est beaucoup plus long qu’épais, ces les solutions antérieures, et même si elles sont
solutions utilisent les hypothèses de Dupuit, ce qui simplifie mathématiquement exactes, ces solutions restent physi-
le problème et le réduit à une seule dimension (1D). quement approximatives. Afin d’établir leur robustesse, on
les a donc confrontées à des solutions numériques
Pour une strate idéale inclinée d’un angle α, la seule solution complètes (éléments finis) qui tiennent compte des
analytique en régime permanent, qui soit fiable, est celle du écoulements saturés et non saturés.
cas N = 0 (Dupuit 1863), quand les pressions d’eau agissant
sur le substratum sont égales aux frontières amont et aval. L’article a plusieurs objectifs. Le premier est de diffuser les
Quand ces pressions sont inégales, il existe une solution qui solutions générales du problème de l’écoulement souterrain,
se contredit elle-même (Polubarinova-Kochina 1962) pour en régime permanent, dans une strate idéale à nappe libre,
des raisons restées assez confuses à ce jour. En bref, cette inclinée, rechargée par infiltration efficace, quand on néglige
solution se contredit parce que les équipotentielles doivent l’écoulement non saturé au-dessus de la nappe (Chapuis
changer de forme pour satisfaire les conditions aux 2002). Le deuxième est de vérifier la robustesse de ces
frontières. Le problème n’est plus de type 1D et à ce jour, on solutions, obtenues suite à quelques approximations, avec
ne pouvait le traiter que numériquement. des solutions numériques qui peuvent ne pas faire ces
approximations, et qui peuvent donc prendre en compte plus
Récemment, Chapuis (2002) a établi les solutions du cas précisément la réalité physique. Le troisième est de montrer
général N ≠ 0 de la strate inclinée en régime permanent. par des applications pratiques comment utiliser les solutions
Ces solutions originales ont été obtenues en écartant développées, incluant l’étude d’un aquifère incliné qui est
l’hypothèse sur le gradient de Dupuit, ainsi que l’équation exploité pour l’eau souterraine.

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2. PROBLÈME ET SOLUTIONS DE CHAPUIS (2002) vation, pour une largeur unité perpendiculaire à la pente,
peut être obtenue de la façon suivante. En supposant que
On définit (Fig. 1) un axe x horizontal, un axe incliné x’ le l’eau infiltrée sur le petit segment A’C’ ne passe pas entre B
long du substratum, et un axe vertical z. Sur les frontières et C, mais entre C et C’ (typiquement, supposons que OE >
perpendiculaires à la pente, on peut avoir en haut (x = x' = 0) 100 m, BA’ = 10 m et tan α = 0.01 à 0.05, alors A’C’ < 0.1 à
une condition de débit nul ou non (Q = Q0, cas d’un réservoir 0.5 m, et peut être négligé devant OE),
à charge constante h0), et en bas (x = L) une condition de
[1] Qin = N xA’ = N xB = N x’B cos α
charge constante (rivière, canal, lac). La strate, beaucoup
plus longue qu’épaisse, a une pente α faible, inférieure à Qout = sec tion × VDarcy =
cinq degrés dans les aquifères exploités pour l’eau potable.
[2]  dh   dh 
− (BC ) ksat   = −ksat hB'   cos α
On établit d’abord l’équation de conservation sous une forme  dx ' B  dx ' B
différentielle spécifique, qui tient compte des particularités où h’B est définie par le segment vertical BA (Fig. 1).
géométriques (Fig. 1). Les axes x et x’ sont orientés de Comme la pente de la surface de la nappe varie avec x et
gauche à droite pour se démarquer des études transitoires diffère de α (le cas général), A n’est pas sur cette surface.
publiées en hydrologie, qui prennent le sens contraire. Les On peut écrire
hypothèses sont : (1) La strate est homogène ; (2) Sa 2
conductivité hydraulique saturée, ksat, est isotrope ; (3) Le [3] hB = hC = zC = zB + BD = zB + h’B cos α
substratum imperméable fait un angle constant α avec  dh   dz   dh ' 
3 2 [4]   =  +  cos2 α
l’horizontale ; (4) La recharge N (m /m /s) est constante ; (5)  dx ' B  dx ' 
B  dx ' 
B
Seul le régime permanent est considéré ; (6) L’écoulement
non saturé est négligé ; (7) Les équipotentielles sont des [5] zB = EB = BF sin α = (constante – x’B) sin α
droites perpendiculaires au substratum imperméable et  dz 
[6]   = − sin α
donc h(x, z) = h(x’) ; et (8) Il en résulte que la vitesse de  dx ' B
Darcy est constante le long d’une équipotentielle.
 dh   dh ' 
Contrairement aux hypothèses de Dupuit, on ne suppose [7]   = − sin α +   cos2 α
pas que la pente de la surface de la nappe donne le  dx ' B  dx ' 
 B
gradient. On ne fait aucune hypothèse sur le gradient.
En régime permanent, le débit entrant est égal au débit
z
recharge N (m/an)
sortant, Qin = Qout (Fig. 1) et donc
N xB' cos α + Q0 =
Qin surface de la nappe
C sur cette surface [8]   dh '  
A'
C' − ksat hB' cos α − sin α +   cos2 α 
Qo   dx '  
A   B 
C
D
sable surface du terrain
où Q0 est le débit entrant dans la pente à x = 0, qui peut être
Qout
dû, par exemple, à un réservoir à charge constante. En
argile réarrangeant l’éq. [8] on obtient
B
 dh ' 
x ksat hB'   cos2 α − ksat hB' sin α +
α
x'  dx ' 
0 E F [9]  B
Q
A N xB' + 0
=0
cos α
C
D
α qui est l’équation différentielle à résoudre. On note d’abord
que cette équation diffère de l’équation de Boussinesq
(1877) utilisée pour les aquifères inclinés (voir l’Annexe A).
On note ensuite que, lorsque Q0 = 0 à x = x’ = 0 (cas d’une
ligne de partage des eaux au sommet de la pente), alors
h’(x’ = 0) = 0 est une solution possible selon l’éq. [9], ce qui
α est physiquement correct. Notons aussi que si α = 0,
l’équation [9] se réduit à l’équation classique du substratum
B
horizontal (Bear 1972). Pour résoudre l’éq. [9], posons
Figure 1: Paramètres du problème. Attention aux
[10] Y = h’(x’) et
distorsions d’échelle, la longueur L est très grande par
rapport à l’épaisseur b et l’angle α est faible. Q0 ksat cos2 α
[11] N x '+ =NX d’où
cos α N
L’équipotentielle BC est perpendiculaire au substratum
imperméable (Fig. 1). Le point B est sur le substratum alors N Q0
[12] X = x' + et donc
que C est sur la surface de la nappe. L’équation de conser- ksat cos2 α Nksat cos2 α

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 dh '  conservation sous sa forme complète. Ce code a servi à


  = dY dX =
 dx '  illustrer comment un utilisateur peut évaluer la performance
 B dX dx ' d’un code numérique dédié aux écoulements souterrains
[13]
 dY  N N saturés et non saturés (Chapuis et al. 2001). Le code
  2
= Y′ considère les fonctions du sol, k(uw) et θ(uw), où k est la
 dX  ksat cos α ksat cos2 α
fonction de conductivité hydraulique, uw est la pression d’eau
interstitielle, et θ est la teneur en eau volumique. Le code
et l’éq. [13] devient
résout la loi de Darcy et l’équation de conservation (Richards
N 1931) comme équations en uw pour les cas saturés et non
Y Y ′ ksat cos2 α − Y ksat sin α +
ksat cos2 α saturés. Des outils intégrés permettent d’utiliser diverses
[14] méthodes de prédiction des fonctions non saturées. Dans
ksat cos2 α les problèmes de cet article, la grille des éléments finis doit
NX =0
N être fine (e.g., 5 ou 10 cm dans le sens vertical) dans la zone
non saturée où θ varie fortement sur de courtes distances,
2 2 afin de faciliter la convergence vers la solution correcte, ce
[15] Y Y ′ Nksat cos α − Y ksat sin α + X N ksat cos α = 0
que l’on peut vérifier par diverses méthodes (Chenaf et
[16] YY’ + a Y + X = 0 avec Chapuis 1998). Ce code a servi à étudier les surfaces de
k
a = − sat tan α suintement, par exemple sur la pente aval d’une digue en
[17]
N terre (Chapuis et Aubertin, 2001) ou dans un puits captant
La solution de l’éq. [16], connue en mathématiques (e.g., une nappe libre (Chenaf et Chapuis 1998).
Kamke 1944), prend diverses formes selon la valeur de a.
En pratique, la solution du régime permanent correspond à Dans l’analyse numérique, on a considéré plusieurs valeurs
-8
la recharge moyenne annuelle, avec N voisin de 10 m/s, k de ksat et plusieurs fonctions de k(uw), correspondant à des
-4 1/2
voisin de 10 m/s, tan α < 0.05 et (k/N) voisin de 100. valeurs d’entrée d’air (VEA) entre 0 et -5 kPa, soit des
Quand |a| > 2, la solution de l’éq. [16] est franges capillaires quasi saturées d’environ 0 à 50 cm en
λ µ condition de nappe immobile. Le cas 0 kPa est le plus
[18] Y − λX = C Y − µX où proche du cas idéal traité en théorie. Le cas -5 kPa
correspond à un aquifère qui aurait une valeur ksat de l’ordre
a a2 − 4 -5
[19] λ, µ = − ± de 10 m/s.
2 2
et C est la constante d’intégration. Quand |a| = 2, la solution Les solutions analytiques (éqs. [18] à [22]) peuvent être
de l’éq. [16] est calculées à l’aide d’un chiffrier ou d’un code mathématique.
X
On compare ici des solutions analytiques (problème
[20] ( X ± Y ) e X ±Y = C physique simplifié) et des solutions numériques par éléments
où C est la constante d’intégration. Quand |a| < 2, la solution finis (sans hypothèse simplificatrice) pour deux exemples où
de l’éq. [16] est |a| < 2 et |a| > 2 respectivement. Cette comparaison permet
2a  2Y + aX  de s’assurer de la robustesse des solutions analytiques.
[21] ln Y2 + a X Y + X −
2
arctan  =C
 2 
4 − a2  X 4 − a  3.1 Premier exemple, |a| > 2, éqs. [18-19]
où C est la constante d’intégration. On note que le problème
où Q0 > 0 (débit non nul entrant dans la pente en x = 0), qui L’aquifère (Fig. 2) est caractérisé par L = 500 m, mesurée
-5
pourrait être traité aussi comme un problème où h(x = 0) = horizontalement, tan α = 4%, ksat = 5 x 10 m/s et N =
-8
h0, est équivalent au problème d’une ligne de partage des 1.5868 x 10 m/s. Notons que N est définie (météorologie)
eaux au sommet d’une pente qui serait prolongée à sur une surface horizontale. Dans le code numérique, on
l’amont (zone des x’ < 0) d’une longueur ∆x’ définie par applique sur la pente une valeur de 0.5 x cos α m/an. La
(Chapuis 2002) charge au pied de la pente est h(x = L) = 4.00 m. Les
paramètres des éqs [18-19] sont a = -2.2454, λ = 1.6330 et
Q
[22] ∆x = 0 µ = 0.6124. Le code numérique fournit des résultats
N détaillés sous forme de tableaux et de graphiques. Seuls
quelques résultats sont présentés et commentés.

3. VÉRIFICATIONS NUMÉRIQUES À faible profondeur, les lignes d’écoulement sont à peu


près verticales et les équipotentielles sont à peu près
Même si le problème physique est peu simplifié dans les horizontales (Fig. 2). Dans cette zone, la teneur en eau θ
nouvelles formulations, celles-ci sont mathématiquement a une valeur constante à laquelle k(θ) = - N , le taux auquel
exactes mais physiquement approximatives. On a donc con- l’eau s’infiltre dans le sol à la surface (Bear 1972). Avant
fronté les prédictions des solutions théoriques (Chapuis que l’eau infiltrée atteigne la surface de la nappe (lieu où
2002) aux prédictions numériques d’un code en éléments uw = 0), il existe une transition avec un changement
finis (Geoslope 2002), qui traite l’équation locale de progressif de direction.

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32
30
28
26
L = 500 m, Ksat = 5e-5 m/s - N = 0.5 m/an
24
5166 noeuds
elevation z (m)

22
20 surface de la nappe
18
16
14
12
10
8
6
4
2
h = 4.00 m
0
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500

horizontal distance x (m)

-5
Fig. 2. Premier exemple, solution numérique : tan α = 0.04, L = 500 m, N = 0.5 m/y, h(x=L) = 4 m, ksat = 5 x 10 m/s. Attention
aux distorsions angulaires dues aux échelles différentes

En zone saturée, les lignes d’écoulement sont à peu près 5.0


parallèles au substratum, et les équipotentielles lui sont à
peu près perpendiculaires (Fig. 2). Il faut être prudent avec 4.0 L = 500 m, pente = 4%
les angles de la Fig. 2 car les échelles, verticale et
horizontale, sont très différentes. Pour ce premier exemple,
3.0
les valeurs de k(uw) sont présentées à la Fig. 3 avec
(h - z) (m)

différents symboles pour les zones au-dessus et au-dessous


du changement de direction de l’écoulement. On voit (Fig. 3) 2.0

que le changement de direction se produit lorsque k vaut


-7
environ 5 x 10 m/s et donc ksat / k = 100. Par conséquent, 1.0
le changement de direction (passage de verticale à sub- solution analytique
horizontale) correspond physiquement à la loi de réfraction. AEV = -0.25 kPa
0.0
AEV = -2 kPa
La Figure 4 compare les solutions analytiques et
numériques. Avec une VEA proche de 0 kPa, cas simulant
-1.0
les hypothèses théoriques, l’ajustement est presque parfait 0 100 200 300 400 500
(Fig. 4). Avec une VEA proche de -2 kPa, les deux abscisse x (m)
solutions, analytique et numérique, diffèrent d’environ 20 cm
dans le haut de la pente, et de 0 cm au pied, à x = L. Fig. 4. Comparaison des solutions analytique et numérique
pour le cas de la Fig. 2.
1.E-02
au-dessus de la réfraction
sous la réfraction 3.2. Second exemple, |a| < 2, éqs. [20-21]
conductivité hydraulique k (m/s)

1.E-03
AEV = -2 kPa
AEV = -0.25 kPa L’aquifère (Fig. 5) est caractérisé par L = 1000 m, tan α =
-4 -8
1.E-04 1%, ksat = 3 x 10 m/s, et N = 1.9027 x 10 m/s. L’équation
[20] donne a = -1.2557. On présente ici quelques résultats
1.E-05 numériques. Le réseau d’écoulement est similaire à celui du
cas précédent, sauf au voisinage de l’origine (x = 0) où
1.E-06 l’épaisseur saturée n’est pas nulle dans ce cas. Là aussi, le
changement de direction des lignes d’écoulement au-dessus
1.E-07 de la surface de la nappe correspond simplement au
principe de réfraction.
1.E-08
La Figure 6 compare les deux solutions, analytique et
-25 -20 -15 -10 -5 0 5
numérique. Comme précédemment, on trouve un ajuste-
pression interstitielle uw (kPa) ment presque parfait pour une VEA proche de 0 kPa, et une
différence qui atteint environ 20 cm dans le haut de la pente
Fig. 3. Valeurs de k(uw) au-dessus et au-dessous du pour une VEA proche de -2 kPa, et qui s’évanouit quand on
changement de direction de l’écoulement.
se rapproche du pied de la pente.

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22
L = 1000m, pente = 1% - Ksat = 3.0 x 10-4 m/s - N = 0.600 m/an
20
18
5151 noeuds
16
14
12
10

h = 6.00 m
8
6
4
2
0
0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1.0

abscisse x (m) (x 1000)

-4
Fig. 5. Second exemple, tan α = 0.01, L = 1000 m, N = 0.6 m/y, h(x=L) = 6 m, ksat = 3 x 10 m/s.

7 condition frontière en pied de pente, et que les solutions


solution analytique numériques peuvent prendre automatiquement en compte.
AEV = -0.25 kPa
6 AEV = -2 kPa
En hydrologie, des techniques non linéaires (Beven 1981) et
linéaires (Koussis et Lien 1982 ; Koussis 1992) ont permis
5 d’amener l’équation de Boussinesq à des solutions
transitoires. La linéarisation du terme dit diffusif (dérivée
(h - z) (m)

4 seconde) fait apparaître le terme pD (Koussis 1992)


 2 
L tan α  ksat sin4 α + 2N 2 − ksat sin2 α ) 
3  
[23] pD =
2N
2
L = 1000 m, pente = 1%
Dans un problème transitoire où N = constante, on finit par
1 atteindre un régime permanent quand le temps approche
0 200 400 600 800 1000 l’infini (Verhoest et Troch 2000), l’épaisseur saturée mesurée
abscisse x (m) perpendiculairement au substratum, h* (module de BC dans
la Fig. 1), étant alors
Fig. 6. Comparaison des solutions analytique et numérique −1
pour le cas de la Fig. 5. [
h * = N pD cos α × ksat sin2 α ] ×
 X ' tan α  X ' tan α  
La Figure 6 compare les deux solutions, analytique et [24]  −
tan α  − pD  L 
1 − e
pD
− e − 1 + X ' 
numérique. Comme précédemment, on trouve un ajuste-
 pD   cos α
ment presque parfait pour une VEA proche de 0 kPa, et une     
différence qui atteint environ 20 cm dans le haut de la pente
pour une VEA proche de -2 kPa, et qui s’évanouit quand on où X’ = (L / cos α) – x’ (voir la Fig. 1).
se rapproche du pied de la pente.
Cette solution prédit une épaisseur maximale à une abscisse
x’max (Fig. 1) telle que
3.3 Comparaison avec les solutions analytiques antérieures
 L tan α 
pD ln1 + 
Les solutions numériques ne simplifient pas le problème L '  pD 
[25] − xmax =
physique et considèrent les écoulements saturés et non cos α tan α
saturés. Elles sont comparées ici à la solution antérieure
d’hydrologie. Rappelons qu’en hydrologie, la solution On notera que cette solution, développée en hydrologie, est
1/2
permanente peut servir de condition initiale à une étude unique et indépendante de la valeur du ratio (k/N) tan α,
transitoire du débit Q(t) que l’aquifère incliné apporte à une contrairement aux solutions développées dans cet article.
rivière. On notera aussi que la comparaison est très limitée. Comme mentionné plus haut, elle n’est valable que dans le
En effet, si les solutions numériques, et les solutions de cet cas d’une épaisseur saturée nulle au pied de la pente. On
article, sont valables quelle que soit la condition de charge à note aussi que, dans le haut de la pente, quand x’ = 0 et X’ =
la frontière aval, la solution d’hydrologie ne considère que le L / cos α, l’épaisseur saturée h* n’est pas nulle selon l’éq.
cas d’une épaisseur saturée nulle au pied de la pente. Elle [24]. Par contre, au pied de la pente où X’ = 0, on trouve
ne considère pas non plus de surface de suintement, qui bien h* = 0 qui est la seule condition frontière considérée
selon la physique, pourrait apparaître avec une telle dans ce type de problème d’hydrologie.

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3.5 dans le tiers inférieur de la pente, avec un espacement (x2-


x1) = L/10. Cependant, il faudra des études plus détaillées
3.0 pour évaluer la capacité de cette méthode pour estimer ksat à
2.5
grande échelle.
1.E-03
épaiseur saturée (m)

2.0

1.5

ksat calculé (m/s)


1.0

0.5
Verhoest et Troch (2000) 1.E-04

0.0 num., VAE = -0.25 kPa


num., VAE = -2 kPa
-0.5
L1000p1% - k (AEV = - 2 kPa)
0 100 200 300 400 500
x (m) L1000p1% - analytique
L500p4% - k (AEV = - 2 kPa)
Fig. 7. Comparaison de l’équation d’hydrologie avec les L500p4% -analytique
1.E-05
solutions numériques (tan α = 0.04, L = 500 m, N = 0.5 m/an, 0 200 400 600 800 1000
-5
h(x=L) = 0 m, ksat = 5 x 10 m/s). abscisse x (m)
er
Pour la comparaison, on utilise l’aquifère du 1 exemple. Fig. 8. Estimation de ksat avec deux valeurs de h mesurées
Cependant, la charge au pied de la pente est h(x = L) = 0.00 en deux points distants of 0.1 L.
m (seule condition de charge admise par la solution L1000p1% signifie L = 1000 m, pente = 1%.
d’hydrologie), et l’éq. [23] donne pD = 1.947. La solution
d’hydrologie (éq. [24]) est comparée aux solutions numéri-
4.2 Évaluation de la vitesse de l’eau
ques (Fig. 7), pour deux valeurs de VEA, -0.25 kPa pour se
rapprocher des hypothèses théoriques, et -2 kPa qui est plus
Dans la zone saturée au-dessus du substratum, la vitesse
réaliste pour le sol aquifère. L’éq. [24] prédit assez bien la
moyenne de Darcy, VDarcy (x), peut être obtenue sans
position et l’amplitude du maximum pour VEA = -0.25 kPa,
connaître ksat, selon l’éq. [2], en divisant le débit d’infiltration
mais elle surestime l’épaisseur saturée dans la partie haute
de la pente, et la sous-estime dans la partie basse, quelle efficace, Qin de l’éq. [1], par l’épaisseur saturée. Les valeurs
que soit la VEA. De plus, elle trouve une épaisseur saturée numériques des épaisseurs saturées ont été utilisées pour
h* non nulle au sommet de la pente, contrairement à la évaluer VDarcy (x) selon cette technique, avant de les
solution analytique de cet article et à la solution numérique. comparer aux valeurs calculées par le code numérique qui
tient compte des équations complètes, saturées et non
saturées. La comparaison est presque parfaite (Fig. 9).
4. APPLICATIONS PRATIQUES Cependant, l’évaluation de la capacité de cette méthode,
pour prédire les temps de transfert de traceurs non réactifs
On présente ici deux applications pratiques des nouvelles (e.g., Etcheverry and Perrochet, 2000 ; Chesnaux et al.
équations : l’estimation de ksat à échelle régionale, et des 2005) nécessitera des études plus détaillées.
3.5E-06
vitesses de l’eau souterraine. On traite ensuite du cas d’un
éléments finis
aquifère sur la rive nord du Saint-Laurent.
3.0E-06
éqs. 1-2
4.1. Évaluation de ksat 2.5E-06
V (Darcy), m/s

L’éq. [9] peut servir à estimer ksat à partir de deux valeurs de 2.0E-06
la charge hydraulique, h1(x1) et h2(x2) établies au même
temps, N étant l’infiltration efficace moyenne déterminée sur 1.5E-06
une base annuelle à partir de données météorologiques. On
considère l’éq. [9] sous forme de différences finies. La 1.0E-06
valeur de h’B est définie par (h’1+h’2)/2 à l’abscisse moyenne
x’B = 0.5 (x’1+x’2), entre les deux piézomètres. La valeur de 5.0E-07

(dh’/dx’)B est définie par le ratio (h’1-h’2)/(x’1-x’2). La valeur


0.0E+00
de ksat ainsi obtenue est alors une valeur à grande échelle
0 200 400 600 800 1000
entre x’1 et x’2. Cette technique est similaire à une technique abscisse x, m
de bilan régional (Chapuis 1995). Selon la Fig. 8, elle fournit
une bonne estimation de ksat pour les exemples précédents,
Fig. 9. Comparaison de v(Darcy) selon les éqs. (1-2) avec
quand les charges hydrauliques utilisées sont mesurées les valeurs établies par le code numérique

1605
Sea to Sky Geotechnique 2006

4.3. Exemple sur la rive nord du Saint-Laurent 13

Dans une étude d’aquifère incliné à nappe libre, on peut 12


supposer que les solutions du régime permanent sont
utilisables quand les fluctuations de la surface de la nappe 11
sont faibles durant l’année, N étant alors l’infiltration efficace
10
moyenne (base annuelle). Cette hypothèse mérite d’être
clarifiée et supportée par des exemples physiques.

h (m)
9

Sur la rive nord du Saint-Laurent, entre Montréal et Québec, 8


existent de longues (L = 1 à 2 km) terrasses de sable (sables
du delta de Sorel et sédiments grossiers de Saint-Pierre), 7
d’une épaisseur atteignant 10 m, en faible pente (0.4 à 1.0 nappe basse, fin d'hiver
%) sur un substratum argileux faiblement incliné. Le Saint- 6
nappe haute, fin novembre
Laurent, au pied des pentes, donne la condition de charge
5
en x = L. Ces aquifères servent à l’approvisionnement en
0 200 400 600 800 1000
eau potable. On présente ici une simulation numérique pour
une seule géométrie, la fonction d’infiltration efficace étant x (m)
basée sur des données météorologiques moyennes
mensuelles (Fig. 10). D’après les simulations numériques, Fig. 11. Positions extrêmes de la surface de la nappe pour
les fluctuations annuelles de la nappe sont limitées (Fig. 11). un cas d’aquifère, tan α = 0.01, L = 1000 m, N = 0.6 m/an
-4
L’aquifère amortit fortement les conditions d’infiltration, le (voir Fig. 10), h(x=L) = 6 m, ksat = 3 x 10 m/s.
transfert de l’eau prenant plusieurs jours entre la surface du
terrain et la surface de la nappe, et la capacité d’emma- Une équation de conservation spécifique a été établie,
gasinement étant forte en zone non saturée. Pour ces sans utiliser l’hypothèse de Dupuit sur le gradient ni
aquifères, l’hypothèse d’utilisation des solutions en régime l’équation transitoire de Boussinesq, puis résolue. Les
permanent semble acceptable, ce que confirment les faibles solutions ont été testées avec un logiciel d’éléments finis
fluctuations des relevés piézométriques (Donat Bilodeau, qui tient compte de l’écoulement non saturé. Les solutions
communication personnelle). théoriques et numériques sont identiques si la VAE est
presque nulle, ce qui correspond au cas théorique, et
décalées de 0 à 20 cm si la VAE vaut -2 kPa.
5. CONCLUSION
En hydrologie, il existait une solution obtenue en partant de
Cet article examine les solutions de l’écoulement en l’équation de Boussinesq en régime transitoire, puis en
régime permanent, dans une strate idéale à nappe libre, faisant tendre le temps vers l’infini. Les solutions de cet
inclinée, rechargée par infiltration efficace, quand on article sont plus générales et plus performantes que la
néglige l’écoulement non saturé au-dessus de la nappe. solution d’hydrologie, et ne se limitent pas à la seule
La strate est beaucoup plus longue qu’épaisse. condition frontière admise par la solution d’hydrologie.
8.E-08
Avec un exemple d’aquifère incliné de la rive nord du
7.E-08 Saint-Laurent, on a montré que la solution du régime
fonction périodique
6.E-08
permanent est une bonne approximation de la position
infiltration efficace (m/s)

moyenne de la nappe en prenant pour N la valeur


5.E-08 moyenne sur une base annuelle. Enfin, l’article montre
que l’on peut utiliser de façon simplifiée certaines des
4.E-08
équations, afin d’obtenir une très bonne approximation de
3.E-08 la conductivité hydraulique saturée à grande échelle, et de
la vitesse de Darcy au long de l’aquifère en pente.
2.E-08

1.E-08

0.E+00 6. REMERCIEMENTS
-1.E-08
0 100 200 300 400 Ces études ont été subventionnées par le Conseil de
temps (jours) recherche en sciences naturelles et génie du Canada.

Fig. 10. Fonction d’infiltration efficace, base annuelle. Noter


l’absence d’infiltration en hiver (terrains gelés) et la forte
infiltration pendant la fonte des neiges.

1606
Sea to Sky Geotechnique 2006

7. RÉFÉRENCES porous medium. Physics, 1: 318-333.


Schoeller, H. 1962. Les eaux souterraines : hydrologie
Bear, J. 1972. Dynamics of Fluids in Porous Media. dynamique et chimique, exploitation et évaluation des
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Beven, K. 1981. Kinematic subsurface stormflow. Water Strack, O.D.L. 1989.) Groundwater Mechanics. Prentice-Hall,
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Boussinesq, J. 1904. Recherches théoriques sur l'écoule- Research, 36: 793-800.
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de Mathématiques pures et appliquées, 11: 363-394. Annexe A – Équation de Boussinesq (1877)
Chapuis, R.P. 2002. Solution analytique de l’écoulement
en régime permanent dans un aquifère incliné à nappe On montre ici la différence entre notre approche et celle de
libre, et comparaison de cette solution avec des Boussinesq (1877), qui a exprimé le débit q par largeur unité
solutions numériques plus complètes. Rapport EPM- de l’aquifère en écrivant la loi de Darcy sous la forme
RT-02-03, août 2002, École Polytechnique, Montréal.
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[B1] q = −ksat H − cos α + sin α 
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Journal, 32: 72-177.
Chapuis, R.P., and Aubertin, M. 2001. Evaluation of où H est l’épaisseur saturée mesurée perpendiculairement
saturated and unsaturated seepage through dikes in au substratum, et x’ est l’abscisse le long du substratum
steady state conditions. Canadian Geotechnical Journal, incliné d’un angle α. Pour Boussinesq, l’axe x’ prenait son
38: 1321-1328. origine au pied de la pente, en sens inverse de celui de la
Chapuis, R.P., Chenaf, D., Bussière, B., Aubertin, M., and Fig. 1. Un sens différent a été adopté dans cet article, pour
Crespo, R. 2001. A user's approach to assess numerical se démarquer des anciennes solutions et des études des
codes for saturated and unsaturated seepage conditions. hydrologues en régime transitoire. Le terme H de
Canadian Geotechnical Journal, 38: 1113-1126. Boussinesq correspond au segment BC de la Fig. 1. On
Chenaf, D., et Chapuis, R.P. 1998. Étude numérique du peut donc comparer le terme entre crochets de l’éq. [B1]
pompage en régime permanent dans un aquifère à avec le terme (dh/dx’)B de l’éq. [2]. Selon les définitions,
nappe libre. In Proceedings of the 51st Canadian h(x’) = hB = hC = zC, alors que H = (zC - zB)/cos α. Il en
Geotechnical Conference, Edmonton, Alberta, Canada, résulte que
4-7 October, pp.523-528. ∂H dH dz dz
Chesnaux, R., Molson, J., and Chapuis, R.P. 2005. An − =− = ( − C + B ) / cos α =
∂x ' dx ' dx ' dx '
analytical solution for ground water transit time through [B2] et donc
dh
an unconfined recharged aquifer. Ground Water, 43: (− − sin α ) / cos α
dx '
511-517.
Dupuit, J. 1863. Études théoriques et pratiques sur le  ∂H  dh dh
mouvement des eaux dans les canaux découverts et à [B3] − cos α + sin α  = − − sin α + sin α = −
e
travers les terrains perméables. 2 édition, Dunod,  ∂x '  dx ' dx '
chap. 7, pp.229-293.
L’éq. [B1] est donc similaire à l’éq. [2], ce qui est normal,
Etcheverry, D., and Perrochet, P. 2000. Direct simulation of
toutes deux exprimant la loi de Darcy.
groundwater transit-time distributions using the
reservoir theory. Hydrogeology Journal, 8: 200-208.
L’équation de conservation dite de Boussinesq est obtenue
Geoslope. 2002. Seep/W for finite element seepage en combinant l’éq. [B1] avec l’équation de continuité en
analysis: user's guide. Geo-Slope International, Calgary, régime transitoire, et s’écrit
Alberta
Kamke, E. 1944. Differential Gleichungen. ∂H ksat  ∂  ∂H  ∂H 
rd
Lösungsmethoden und Lösungen, 3 Edition, p. 329, [B4] = cos α H  − sin α 
∂t f  ∂x '  ∂x '  ∂x ' 
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Koussis, A.D. 1992. A linear conceptual subsurface storm
model. Water Resources Research, 28: 1047-1052. où f est la porosité efficace (drainage gravitaire), supposée
Koussis, A.D., and Lien, L. 1982. Linear theory of subsurface constante. C’est l’éq. [B4] qui sert de point de départ aux
storm flow. Water Resources Research, 18: 1738-1740. études des hydrologues, une approche très différente de
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1607

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