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=LES TRANSHUMANTS =
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E.LAOU5T
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= LES TRANSHUMANTS =
= DU MAROC CENTRAL =
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E. LAOUST
_ _ COLLECTION HESPÉRIS _ _
_ INSTITUT DES HAUTES-ÉTUDES MAROCAINES -
1935
== LIBRAIRIE LAROSE, 11, RUE VICTOR-COUSIN, PARIS VE ==
Au CORPS
DU
MAROC
TABLE DES MATIÈRES
LA TENTE ET LE DOUAR
Le pays. - Les conditions physiques. - Le transhumant a son habitat dans
les vallées intérieures du Moyen-Atlas, intermédiaires entre le jbel qui lui fournit
des pâturages d'été et l'azagar qui lui procure l'hiver un refuge contre la neige et le
froid. Il utilise la tente du pasteur: aMm et possède une maison taddart, sise dans
une sorte de casba ou igrem où sont ses greniers, p. 1.
LA TENTE : AljAM
Les noms berbères de la tente, p. 4. - Les noms berbères de l'emplacement
de la tente, p. 8. - Description de la tente du transhumant, p. 11. - Disposition
intérieure de la tente, p. 19. - Les dépendances de la tente, p. 24. - L'entrée de la
tente; examen du mot taggurt, p. 27. - Le montage d'une tente, p. 31. - Répa-
ration de la tente, p. 34. - Le mobilier de la tente, p. 38. - Prix, ornementation et
rites protecteurs de la tente, p. 54.
La tente dans l'Afrique du Nord: au Maroc, p. 59; - en Algérie, p. 60; -
en Tunisie, p. 63; - en Tripolitaine, p. 66; - en Libye. p. 70; - au Sahara, p. 74.
Origine de la tente du transhumant: l'examen de la structure des divers types
de tentes et de la terminologie qui s'y rapporte confirme l'hypothèse de l'origine
arabe de la tente des transhumants, p. 76.
II
LA MAISON « TADDART»
Le retour à l'igrem, p. 105. - Une ferme de transhumant chez les Beni-
Mguild, p. 108; cette ferme comporte le « logis) taddart et les dépendances enserrées
dans une grande cour. - Une maison dans un village de montagne, p. 119; - le
plan, p. 120; - le rez-de-chaussée, p. 120; - l'étage, p. 122; - la construction,
p. 126; - la terrasse, p. 128 j - la porte, p. 130; - le mobilier, p. 132; - l'orne-
mentation, p. 137.
Cette maison a pour caractéristique essentielle de posséder une pièce centrale de
grandes dimensions qui prend jour par une baie aménagée dans la terrasse: elle est
du type citadin et saharien, p. 144.
Aire d'extension de la «!addar!»), p. 145. - Sur le versant Atlantique du
Moyen-Atlas, p. 146; - sur le versant de la Moulouya, p. 147; - chez les Ait
CAyyach, p. 147; - les Ait Yahya, p. 1-17; - a Midelt, p. 149; - chez les
Iguerrouan, p. 149; - les Ait Ouafella, p. 150; - les Ait Jzdeg, p. 152; - il, Rich,
p. 152; - dans le Tiâllalin, p. 152; - les Aït cAissa, p. 156; - a Talsint, p. 156;
- au Figuig, p 158; - il, Ksar es-Souq, p. 160; - le Reteb, Tizimi, p. 161; - le
Tafilalt, p. 161 j - Ouarzazat, p. 162; - le Drâ, p. 162. - Le domaine de la
taddart correspond, en gros, au domaine des qsour des hauts-plateaux et des vallées
pré-sahariennes.
La taddart saharienne et la maison romaine, p. 167.
Examen de la terminologie relative à la Il taddart», mots arabes, p. 171 ; -
mots berbères, p. 173; - mots étrangers, notamment gréco-latins, p. 174. - Du mot
amidal et de ses dérivés, p. 178.
Autres types d'habitations, p. 182. - La taddart de type rural est un
bâtiment rectangulaire couvert d'une terrasse, .souvent isolé ou enserré dans une
cour formant enclos pour le bétail, p. 182. - Irjrem lfamou ou Ssaïd, la taddart se
groupe à l'intérieur d'une enceinte bastionnée de tours il, la façon d'un ksar, p. 184.
1(jrem n-Aït ben-CAtta : bon pxemple de ksar à l'usage du transhumant Beni-
Mguild, p, 185. - Igrem chez les Alt-Sgougou : l'élément fondamental est un
bâtiment couvert en terrasse, à base quadrangulaire, d'une seule pièce de largeur
uniforme et de longueur variable, p. 188. - Igrem ou-Tnakrawin, la taddart
possè~e un grenier à l'étage; elle est couverte d'un toit fait de planches de cèdre,
p. 191. - Toulal : la taddart est une véritable chaumière couverte d'un toit de
chaume il, double pente, p. 193. - L'habitat chez les Aït Sadden : en plus de la tente
et de la nouala, les Aït Sadden possèdent des igerman et des bâtiments de moindre
importance - taddart - qu'ils agencent selon leur richesse en mestu et en tiyëmmi,
p. 196. - L'habitat chez les Beni-Iznacen : l'élément essentiel est un long bâtiment
couvert en terrasse auquel on donne le nom de aM}i1m, p. 20:3.
Conclusion, p. 206.
- XI-
III
L'IGREM
209. _. Autres
Exame n philolo gique du mot et son aire d'exten sion, p.
, p. 214; - tazeqqa ,
appella tions berbère s relative s aux « lieux clos» : agadir
, p. 217; - asurJel,
p. 21~; - tagrau t. p. 216; - agrur, p.' 216; - aqrar et tagrart
p. 218; - tasegda lt, p. 219; - agdal, p. 220.
Descri ption de
Les « igerma n» de la vallée du Ziz. Le Tiâllali n, p. 223. -
- le plan intérieu r,
l'igerm des Aït-'At to : l'encein te, p. 224; - la porte, p. 226;
- La « mosquée))
p. 227; -la rue, p. 227. - Le nom de la « rue» en berbère , p. 228.
- Aït Issoum our,
de l'iÛel'lll, p. 229. - Autres « qsur)} du Tiâllal in, p. 232.
amoqra n, p. 234. - Le caractè re
Ijâboub en, Igerm ti n-'aom ar, Tawou hait Igerm
ment géomét rique de ses
« urbain » de l'igerm berbèr e: symétr ie de son plan i agence
inée par l'empla -
rues; orienta tion généra lement Est-Ou est de la rue axiale déterm
cement de la mosqué e bâtie à l'entrée de l'igerm , p. 237.
Marché , p. 2,12.
La vie à l'igerm , p. 237. - Les abords de l'igerm , p. 238. -
e de l'igerm , p. 24:J.
- Cimeti ère, p. 242. - L'organ isation sociale et politiqu
ssa, p. 251. -
Les grande s lignes de l'histoi re des « qsur >l, p. 246. - Sijilma
les transhu mants
Les poprûation.s de l'igerm : ('hO/fa et marabo uts, p. 253; -
- les Qebbala , p. 254; - les Imelou an,
Sanhaj a, p. 253; - les Harrar , p. 254;
ces populat ions vivent
p. 255; - les Harra't in, p. 256; - les Jui/s, p. 256. Toutes
cloison nés dans des
dans une sorte de compar timenta ge de clans rigoure usemen t
ns et séparés
, « qsur)) autono mes ou parqué s sans se mêler dans des Il qsUr)l commu
par de hautes muraill es, p. 258.
le Haut-A tlas
Aire d'exten sion des « qsur >l, p. 258. - La limite Nord vers
fait son apparit ion,
central reste à déterm iner: dans les hautes vallées la tigermt
p.259.
ne elle sert de
La « tigerm t >l, p. 277. - Dans les parties hautes de la montag
basses elle constitu e
« grenier )) aux petits transhu mants, p. 277 ; - dans les parties
ellemen t berbéro -
un type couran t d'habit ation, p. 277. - Les populat ions essenti
du chêne-v ert
phones ajouten t à leur économ ie agricol e et pastora le l'exploi tation
l'olivie r, dans les autres, p. 278.
dans les parties élevées, et celle de l'aman dier et de
lantern eau ménagé
- On disting uera deux types de tùjermt , caracté risés, l'un par un
ouverte à l'air et au
dans la terrasse , p. 281; -l'aut re par une cour central e largem ent
l'igerm ses élémen ts
soleil, p. 286 - Dans les deux cas, leur archite cture emprun te à
vent des constru ctions diverse s il,
défensifs, p. 287. - Autour de la tigermt s'obser
ta1Jerbi St, taddar't,
usage d'habit ations, légères, basses, semi-so uterrain es du genre
igs an , amazil" ti1wndar', p. 287.
le versant Est
L' « igerm» du transh umant du Maroc Centra l, p. 288. -Sur
. Dans les vallées intérieu res et
du Moyen -Atlas, c'est lïgerm saharie n qui prévaut
tous indistin c-
sur le versant atlantiq ue, l'habita t revêt des aspects variés, portant
- XII-
CONCLUSION
Les grandes tribus transhumantes du Maroc Central sont originaires des régions
pré-sahariennes, p. 292. - Des raisons historiques expliquent leur fidélité iL des
types d'habitation non adaptés aux conditions climatériques de la montagne (tente
et qsar) ; à leur organisation politique (igs, amgar n-tuga, amasay, amur, izrej,
tata, tartmat, etc.); iL leur structure sociale (hiérarchie de classes, mais la préémi-
nence appartient au Sanhaja blanc: amazig), p. 293.
Des raisons ethniques ne sauraient être invoquées pour justifier la diversité des
types d'habitation: architecture zénète et Sanhaja, p. 294.
Des facteurs géographiques ont néanmoins exercé leur emprise sur la vie du
transhumant en l'astreignant iL une double transhumance, en mettant en évidence la
précarité de la technique de la construction demeurée saharienne, p, 294.
D'autre part, la terminologie concernant l'habitat du transhumant est commune
à l'habitat des sédentaires des vallées pré sahariennes : elle atteste pour le moins
l'extrême facilité avec laquelle le Berbère passe d'un genre de vie à l'autre. Mais en
raison de sa grande confusion, on ne saurait la retenir pour discriminer les divers types
d'habitations étudiés au cours de cette enquête, p. 295. - Comidérés au point de vue
de l'origine des types les mieux caractérisés, on peut admettre que la « tente» est
arabe; qpe la taddart du qsar est une réplique de la maison romaine; que l'igerm
actuel est d'inspiration islamique quoique les éléments essentiels de défense aient
figuré de toule évidence dans l'architecture militaire des villes africaines de l'époque
pré-musulmane, p. 295. - La substitution de la technique du (( pisé Il iL celle de
la (( pierre Il, comme le caractère (( pyramidal» de la construction berbère restent
deux problèmes laissés iL la sagacité des archéologues, p. 296,
Pages
Index des mots arabes et berbères . 297
Index des noms géographiques. 306
Table des figures et croq uis , 315
Table des planches hors texte. 317
Errata 320
Carte 320
L'II ABIT ATJ0N CII.E Z LI~ S TRANS fI UMAN TS
DU MAROC CENTRAL
LA TENTE ET LE DOUAR
C (1) Pour ia description du pays du transhumant Beraber, on s'est surtout servi de l'étude de
élérier : La tl'an8huII1ance da 11~ le Moyen-Atlas, in Hes{Jeris, 1927; 1" trimestre. Par ailleurs,
~n remercie avec gratitude nos anciens élèves Rahhal Abd el·Aziz, interprète civil à EI-Rajab,
l' 1 Mohammed Lakhdar, professeur au Collège musulman de Fès, qui ont contribué l'un et
A~utre à cette enquête en nous apportant des renseignements précieux sur les Beni-Mtir et les
. It:Ayyach. Les photographies des planches II, Xl, XII, XIII, XIV ont été prises, sur nos indi-
catlOns par Jïnterprète-lieutenant Aspinion : qu'il veuille lui aussi recevoir nos plus vifs re-
lllerciell1ents.
2 E. LAOUST [152]
culture à l'élevage. Bien que vivant sous la tente du pasteur, il possède des
maisons, une casba ou ighrem où sont ses magasins à grains, ses provisions,
bissés à la garde de vieux parents ou de khammès.
Ce sont ces divers modes d'habitation: tente et douar, maison et ighrem,
que l'on se propose d'étudier tant dans leur structure que dans leur
terminologie.
Considérées au point de vue de leurs parlers, Jes tribus transhumantes
comme les Aït- Seghrouchen, les Aït-Waraïn appartiennent au groupe
zénète, d'autres comme les Aït- Yousi, les Beni-Mguild, les Zayan, etc., au
groupe Sanhadja.
La présence des tribus zénètes, les dernières qui font encore grande
figure, constitue une autre particularité du groupe transhumant. Venues de
l'Est à une époque relativement tardive, elles ont modifié l'aspect du noma-
disme africain. Elles ont disputé la montagne aux Sanhadja. Mais elles
peuvent avoir été leurs éducateurs en matière d'élevage. C'est une opinion
que la linguistique traduit avec assez de netteté. On s'efforcera de la mettre
en évidence.
LA TENTE
Les noms berbères de la tente
Les Berabers appellent a1]am, pl. i1Jamen, la grande tente qui leur sert
d'habitation et qu'ils emportent dans leurs migrations aux époques de la
transhumance. Le fait de la dresser sur un terrain de pacage n'implique pas
nécessairement une prise de possession ni la confirmation d'un droit acquis.
Certaines tribus transhument sur des territoires mis volontairement et
temporairement à leur disposition par des tribus voisines. On peut poser en
principe que chez de nombreux Berabers la tente dite a1]am suit l'hiver le
troupeau et s'installe l'été dans le voisinage des cultures.
Le transhumant, en effet, possède une ou plusieurs autres tentes de
dimensions plus réduites, et plus portatives encore. Elles servent d'abri aux
bergers, ou aux gens, Ïëazzaben, attachés à la garde des troupeaux parqués
à lwâb, ou à la surveillance des cultures. On les nomme agir/un (A.-Ndhir)
ou [a"esu[ (1) (Izayan), forme berbérisée de J'arabe 4~~.
Il) Cf. en Zouaoua ; wsiïs et fa,siüt (1 hutte 1),
[155] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL Ci
La grande tente composée de plus de dix flijs, habitée par les notables
et les riches propriétaires de troupeaux, s'appelle adl/;sabu, expression
composée" de 4.~" signalée ci-dessus, et du suffixe bu, qui paraît a voir un
sens augmentatif (1).
Les ait udissabu sont « fils de grande tente ll. L'expression s'oppose à
ait tlwmt tuqs({t ou simplement ait uqs[f qui désigne les gens de la « courte
tente ll. Il faut entendre par là des gens avares et peureux. Un homme de
grande tente possède les qualités que procurent la richesse, le courage et la
pratique d'une hospitalité parfois somptueuse.
(1) Cf. Laubignac, E;tude sur le dialecte berbcre des Zayans et des Aït-Sgougou. t. l, p. lOj.
(2) Parmi les tribus peuplées d' Imiriulin ou Imegdulin : A.-Mgild, A.-Ndhir, Ichgern,
A.- lhand, A.-Sokhman, etc.; celles peuplées d' !mazighen : Zemmour. Izayan, A.-Sgougou.
Parmi les Berabers du Sud: A.-Izdeg, A.-'AHa, Imerghad. Parmi les Zénètes: A. Seghrou-
chen.
(3) Destaing, Dictionnaire français-berbère, p. 206.
(4) R. Basset, Étude sur la Zenatya du M;;ab, de Ouargla et de l'O. R'ir, p. 93.
(5) Sur ce mot, voir Abbé Férally, La maison libanaise, in Mélanges Basset.
(6) Biarnay, Étude sur le dialecte bel'bêl'e du Rif, p. 10.
(7) Renisio, Etude SUI' le dialecte berbère des Beni-/$nacell.
6 E. LAüUST [156]
.:J:. *'*
Au total, le Berbère utilise actuellement trois mots pour désigner la
(1) C. de Motylinski, Ét. sllr le dial. berb. du Dj. Ne/ousa, p. 15~; et aussi au Dj. lfren
(note personnelle).
(2) C. de :\1otylinski, Diet. fr.-tollareg, p. 282.
(:J) 1\ehlil, op. eit., p. 210.
(4) G. Huyghe, Die!. kabyle-français, p. 292.
(5) H. Schuchardt, Die rOlllanisehen Lehnlâ5rter im Berberisc1wn, p. 52.
(6) Laoust, Mots et choses ber'bèrès, p. l.
(7) Destaing, Voeab. français-berbère (tac/wlhit), p. 176.
(8) De Foucauld, Diet. abrégé français-touareg, t. I, p. 414.
(9) De Motylinski, Le dial. berb. de R'damès, p. 131.
110) Nehlil, op. cit., p. 175.
1111 R. Basset, Ét. sur le dial. bab. de Zenaga, p. 237.
(12) H. Stumme, Eine Sammlung über den berberisr:hcn Dialekt der Oase Silee.
8 E. LAOUST [158]
On relè~ve :
a) ansn lIuum (wa), pl. anSlUn et w/sÎwen. Le mot, connu des Béra-
bers du ;'\()l'(1 (Zemmour (:3), Izayan (4). A.-Ndhir, A.-Mgild, etc.), corres-
pond à adgal', connu des Berabers du Sud (i\it-Izdeg, etc.), des gens du
Dra et des Chleuhs. Il désigne un « lieu, un endroit» et ne s'applique pas
spécialement à l'emplacement occupé par une habitation. Pourtant les
Chleuhs, sédentaires du Sud, appellent leurs villages: lmurias ou lnwkan,
mots empruntés à l'arabe, et signiliant : « lieu, endroit )), comme aflsa et
adrial'.
b) taggurt ulza,/?, (1), c'est plus exactement « la part de terrain attri-
buée il une tènte» chez les A.-Nclllir, par exemple. C'est surtout le nom
de la « porte ) chez les sédentaires du Sous. Le mot prend chez les transhu-
mants des sens nombreux et variés, dont l'importance sera signalée plus
loin.
c) anw.ûr ulUltn (2), pl. imi:al', chez certaines fractions A.-Mgild. Les
transhumants utilisent plutôt atnaâl' pour désigner l'emplacement d'un
bivac que d'une tente, et, dam un sens plus restrictif, le terrain où campent
une ou plusieurs tentes avec leurs troupeaux en vue de le fumer il J'époque
dite: bebbll (al'. J:;), la fumure. Cette période commence c1i;s avril et se
prolonge jusqu'en juin. L'usage est de parquer les troupeaux sur les terrains
qu'on ensemence cle maïs. Par amazÎ!', on entend donc la terre, le champ
où campe ou a campé une tente ou un groupe de tentes av"ec ses moutons.
Lc pl uriel imiza,' figure clans les expressions: eg i,nizar (3) ou mrâra
imizr1l', par lesquelles les transhumants, en temps de dissidence, désignaient
le ralliement, en un même point, des douars dispers(\s. Ils choisissaient alors
leur chef de guerre, am,gal' n tu,qa; les troupeaux: ramassés au centre de
douars immenses défiaient plus aisément les razzias possibles.
La forme diminutive lama,Jù'[ (4), contrairement il l'attente, désigne
« un pays, une contrée Il, et non un petit bivac ou un petit champ. Le mot
subit ]e même sort que taqbilt « tribu )1, qui a un sens augmentatif et dési-
gne un groupement plus important que aqbtl.
Une autre forme [am:::il'[ désigne « l'emplacement d'une tente)) chez
les Aït-\/Varaïn, l'emplacement d'un « douar)) chez les Senhadja des
Sghaïr (5), et, chez les Beni-Snous (6), le « terrain inculte où les troupeaux
(1) Laoust, Coar8 de berb, mal'. (M. C.), 1" édition, p. 13.
(2i Laoust, id., p. 22.
(3) Laoust, id., p. 144.
14) Sur ce mot, voir Laoust, Mots ct choses berbères, p. 258, n. 1.
(5) Henisio, Of!. eit.
16) Destaing, Did. abrégé /ranç.-bcrb., p. 62.
10 E. LAOUST [160]
ont parqué quelque temps; cette surface, ainsi fortement fumée, est ensuite
mise en culture ». Le pluriel timizar indique que tamzirt et tamazirt sont
deux expressions identiques. La première étant vraisemblablement la forme
zénète que les Senhaclja ont adoptée; ils utilisent en effet les deux, l'une
avec le sens rapporté ci-clessus, l'autre avec celui de « pays, contrée n. C'est
le même mot que les Touaregs Ahaggar emploient sous la forme tama-
hart (1), pl. timihar, dans le sens de « place abandonnée d'un ancien cam-
pement \l.
On rappelle que ramazil'[ figure dans le vocabulaire des sédentaires.
Les Kabyles du Djurdjura s'en servent pour désigner un jardin ou un
verger établi à proximité des habitations; le terme a même prévalu en
toponymie. Ils ont, il est vrai, un autre mot: tamul't pour appeler un
« pays ». Mais il est apparemmen t zénete; au Maroc, il est familier aux
parlers apparentés à la zénatiya (A.-Seghrouchen, A.-\Varaïn, Beni-Iznacen,
Rif, etc.). Le groupe Senhadja-Masmouda l'ignore et n'utilise que tamazil't.
La forme masculine amazîr est encore la « cour intérieure d'une
maison n chez les A.-Ouirra de l'Oued el-Abicl; un « gourbi, une maison
isolée dans les cultures n, chez les A.-Messacl et les A.-Attab. Que le douar
vienne à se disloquer, que chaque tente regagne ses terres et s'y établisse, la
tente se transforme, ou disparaît, ou fai t place à une construction qui, bien
que sommaire encore, se fixe au sol. Qu'elle prenne le nom de J'ancien cam-
pement sur lequel elle se trouve bâtie, rien de plus conforme aux lois de la
sémantique.
Est-ce par un processus identique que amazù' « campement où sont
parqués les troupeaux)) a finalement pris le sens de « fumier » plus particu-
lièrement dans le groupe de la tachelhit où les gens sont sédentaires '1 On
notera que les transhumants paraissent ignorer ce sens, mais que les popu-
lations arabes ou arabisées du Maroc Atlantique l'emploient sous la forme
mazi,..
On jugera par ce qui précède de la grande aire d'extension du mot
amazir. On relèvera surtout le fait qu'avec des acceptions les plus variées
il figure à la fois dans le vocabulaire des transhumants et des sédentaires.
Et, comme on le voit, les remarques qu'il suggère valent plus pour l'em-
placement du bivac que pour la portion de terrain réservée à l'implantation
de la tente.
(1) De Foucauld, Dict. abrégé franç.-touareg, t. II, p. 431.
Tente ber'hère des Zemmoul' (Aït~Oul'ibel).
Tente des Zemmour (Au premier plan, femme installée devant un métier 11 tisser les flijs),
[161] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUl\IANTS DU MAROC CENTRAL 11
(1) La tente beraber a déjà été décrite, mais d'une façon sommaire dans mes Mots et choses
ber'bères, p. 20 et suiv.. La tente arabe au Maroc, mieux connue, a été décriteé par Michaux-
Bellaire, in A,.ch. Mar., t. IV. p. 109; A. Bernard, Le Ma,.oc, p. 152; Mll' Nouvel, Nomar/es et
sedentai,.es au Mar'oe, p. 67.
(2) Delphin, Recueil de textes pou" l'étude de l'arabe radé, p. 158. (( On rappelle ainsi,
Parce qu'on la compare à un âne, ou au mamelon appelé a{vnmar ( dos d'âne»).
(3) La poutre qui supporte le toit de la maison, tadda,.t, des gens d1tzer, se nomme ta,.selt.
Dans le Chenoua, les deux piliers sur lesquels repose la poutre faltière, sa~ü,., de la maison,
abbarn, se nomment également liil'stil, pl. de herself. Le faite de la nouala couverte d'un toit à
deux pentes s'appelle ~a,.selt, chez les Aït-Sadden. Au Mzab, par tirstil, on désigne les deux
montants du métier à tisser, etc.
12 E. LAOUST [162]
l
FIG. 1. - Tal'selt.
FIG. 5. - Angle formé par le croisement de deux tl'iga.
tenir debout si elle n'était solidement ancrée au sol pour un dispositif aussi
simple qu'ingénieux. On le nomme adriq ul.dimmar. C'est en l'espèce une
simple bande tissée à la façon d'un flij, longue de 6 à 8 mètres, large de
Om 20 à Om 40, qu'on applique en son milieu sur le faîte de la tente, qu'on
tend fortement et qu'on ancre au sol par un système de crochets de bois,
de cordeaux et de piquets (fig. 3).
La tente bédouine connaît le même dispositif sous le nom de {riga (1),
auquel on ramènera la forme berbérisée adriq. On l'appelle ainsi, parce que
cette bande ressemble à un «( chemin Il. Comme elle constitue la seule partie
vraiment ingénieuse de la tente, on la signalera invariablement avec ce
nOm dans toutes les tentes du nord de l'Afrique, que leurs habitants soient
berbères ou arabes.
Une autre pièce essentielle est le flij; mot également arabe que les
transhumants ont adopté et prononcent ajlii, aflijj, pl. ijlijjen. Le terme
i!}.allesen, que certains lui préfèrent, est aussi arabe. Mais on l'entend pour
désigner des vieux flijs ou l'ensemble des objets tissés, usagés ou non) qui
forment la partie principale du mobilier. •
La longueur du flij varie selon l'importance de la tente. Chez les Zem-
mour, certains flijs dépassent vingt mètres. On en compte parfois plus de
dix dans les grandes tentes (fig. 4). Une tente moyenne n'en a que cinq;
une peti te, trois.
La largeur quasi uniforme du flij, Om 60 it Om80, s'explique par le fait
qu'on le tisse sur un métier horizontal dont la longueur peut varier à
volonté, mais dont la largeur est forcément limitée par l'écartement des
jambes de la tisseuse. Celle-ci, en effet, travaille debout et courbée, le
métier placé entre les jambes écartées.
Les flijs du transhumant riche en troupeaux sont en laine mêlée à du
poil de chèvre. Ceux du pauvre renferme une grande proportion de bourre
de palmier-nain, lifdam. Parfois des nattes de doum les remplacent. Il
n'est pas rare de voir des tentes couvertes partie en flijs, partie en nattes,
ou même en flijs moins appréciés et appelés tawahna, pl. tiwahnîwin (Aït-
Sadc1en), qu'on tisse sur le métier à haute lice. Ils sont, de ce fait, plus
larges: 1 ID 20 à 1 m 50, mais plus perméables, les fils de trame étant moins
fortement tassés sur ce métier que sur l'autre (2).
On teint les flijs en noir en les plongeant dans un bain obtenu par un
mélange de tan, tanuat, de sainbois, aile?à?, de peaux de grenade, leq.~ûl',
auquel on ajoute du sulfate de cuivre, ~ài ou /lai, au moment d'opérer.
L'emploi alterné de flijs de couleurs différ·entes ne s'observe pas chez
le transhumant du Moyen-Atlas. La tente noire à haute carêne cintrée
est, sernble-t-il, également en usage dans tout le Maroc Occidental (Gharb,
Zaers, Chaouïa, etc.).
Dans une 'tente composée de cinq flijs, les trois flijs du milieu reposent
en grande partie sur la poutre faitière, les deux autres, SUl' l'ad"iq. Ceux-ci,
plus larges qu'un flij ordinaire, sont tissés sur le métier il haute lice: ils
sont de forme diflérente, celle d'un trapèze. Ils portent aussi un autre
nom: celui de tcunarjJa, qui est berbère, et désigne tantôt un « clan », la
(( joue)) ou le «( versant)) d'une montagne. La position inclinée en pente
comme un toit justifie sans doute son appellation.
Le velum, constitué par trois flijs et deux tamodla, que des hommes
- et non des femmes - cousent bord à bord, affecte la forme d'un long
rectangle dont on renforce les bords de bandelettes. Celles des bas-côtés
s'appellent tirau ou til'uWlOin, pluriel de til'ut, qui signifie « largeur n.
Les autres, cousues bord il, bord et extérieurement :'1 chaque tarnadla, sont
des ta,rjdwin, pluriel de ta,rj~i (( longueur )) (Beni-Mtir, Beni-Mguild). Les
Zernmour utilisent d'autres formes. Ils appellent la courte tadl'iqt n il'ltf,
et la longue tadl'iqt n i[pel't, pour tigzel't «( longueur n, correspondant
exact de to,rj,;i. Mais, tandis que ce dernier appartient au vocabulaire du
groupe Sanhadja-Masmouda, tigze!'t est zénète (1). Par ailleurs, on recon-
naît dans tad,.iqI, une forme diminutive de adl'iq, la « triga )) arabe. Ces
bandelettes ne sont en ellet que c1n petites triga. Elles existent également
dans la tente arabe; mais on les trouve disposées d'une manière quelque
peu différente.
Dans la tente marocaine elles s'entrecroisent il chaque coin qu'elles dé-
passent même de Om 50 environ (fig. 5) : ce qui permet de les fixer au sol et
de consolider l'ancrage de la tente.
la confection du tlij,le bourrage s'effectue au moyen d'une pièce de bois plate et longue de lm 30
environ, appelée a{l/·u. La tisseuse la tient par les deux bouts qui débordent de chaque côté du
métier et s'en sert pour serrer fortement son tissu à coups répétés. Elle en assure ainsi une
grande imperméabilité.
(1) Cf. azegrtÙ' (( long n, Zemmour; aJil'al', Béni-Snons, etc., cf. Destaing, Did. fl'ançais-
berbèl'e, p. 201.
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FIG. 4. - Dévelop pement d'nne grande tente (Zem-
mour) composé e de 11 l1ijs, largeur : 7 mètres;
longueu r: 18 mètres.
1. far~e/t. - 2. a(1I1mmiJ.,.. - 3, ad,.iq u[u'imm ar.
- 4. tad,.iqt. - 5. tadript n i!l~ert, - 6. tadl'iqt n
il'!lt. - 7. ajlirJ. - 8. a~e91eJ. - 9. tw:(a)'t. - la.
1 -=:==-=== ~ - a~amud, - Il, a1Jri/" - 12. ta~men. - 13, azersu.
=-~_.- ------
D'autre part les flijs ne tombent pas jusqu'à terre. Les bas-côtés en
sont distants de Om 60 a Om 80. Il est facile de les tendre dans les quatre sens
au moyen de tendeurs dont le système varie selon les côtés.
Dans le sens de la longueur - tag.::riwill - on coud parallèlemen t à la
triga centrale deux ou trois autres bandelettes dont on fixe une des extré-
mités il des piquets en se servant de cordeaux et de crochets il branches
évasées. On les nomme LadT'iqtJ ou a/us llùam, ou ICffilst qui en est le dimi-
nutif, ou encore ifiil llbam le « bras de la tente».
J
(1) Le pluriel: iêIJ11Iâen, B.-Mtir; iEme!an, B.-Mguild; iwnnan, Zayall, par suite de la ré-
duction du groupe me! > nn.
CENTR AL 17
[167) L'HABI TATION CHEZ LES TRANS HUMAN TS DU MAnOC
par un
gues épingl es de fer, tisu[jnas uL!am, attaché es les unes aux autres
fil. \:
f
On reconn aît dans ta1:faft l'arabe t:fafa (1). L'étym ologie de asegli
seg~r ou
se fixe moins facilement. A-t-el le quelqu e rappor t avec la forme
et Oulad
sig!! (2) connue des grands nomades algérie ns, Oulad Sidi-C hikh
Naïl? Dérive -t-elle de la forme factitiv e d'un verbe egl~l (3) qu'emp
loie le
ne pas
transh umant avec le sens de se « cacher aux yeux des invités pour
la tente à
les recevo ir))? Dans ce cas, l' aseg lpf serai t le rideau qui ferme
l'hôte indésir able qui porte lui-mê me le nom de anglaf .
dresse
\' En vue de mieux se protég er du mauvais temps, le transh umant
à Om 80,
encore tout autour de sa tente une sorte de natte haute de Om 60
en obstru e
qu'il nomm e amessu, p1. imei;sa. Il relève le jour la partie qui
en faciliter
l'entré e, et rejette sur la tente les pans de l'asegh:/ de manièr e il
pas une
l'aérat ion et l'éclair age. Mais cet amess u il propre ment parler n'est
x, de joncs,
natte. C'est plutôt une sorte de clayon nage grossie r de roseau
gens de la
d'une plante appelé e tanala, qui est, comme le flij, l'œuvr e des
tente. \ .
partie
Toutes les tentes marocaines parais sent utilise r l'amessu. Dans la
es. Dans
occidentale de l'Algé rie, les tentes en sont égalem ent pourvu
retom-
l'Aurè s, en Tunisie, en Tripol itaine, en Libye, les bords de la tente
Touare g le
bant jusqu' au sol n'en perme ttent pas l'emplo i. Mais la tente du
ent une
Connaît sous un autre nom iseber (4), p1. isebran. C'est égalem
la tente et
sorte de natte haute d'un mètre qu'on rappro che la nuit devant
r sert
qu'on recule le jour. Comme son étymo logie semble l'indiq uer, l'isebe
à « bouche r)) la tente. On pense en effet a eher « fermer
)), employé à
Ghdam ès et corres ponda nt au touare g eher.
1\. Le besoin qu'épr ouve l'habit ant de la tente
il se garant ir du froid et de
, mais
la pluie se manife ste parfois d'une manièr e sans doute plus efficace
ou déjà des
vraime nt assez inatten due. Dans le voisinage de nos postes
bas-côtés
tentes ont tendan ce il se fixer, les propri étaires allong ent sur les
caisses, et
des sacs, des planch es et des madrie rs de cèdre, des dessus de
(1) Delphin , op. cit., p. 149.
(2) Sitte und Recht, p. 169.
à manger) ) et plus exac-
(3) Le Touareg connait eglef « laisser un hôte sans rien lui apporter
r du dégoût pour un hôte et le lui manifes ter en ne le lui donnant pas à man-
tement « éprouve
302). Il est connu que le transhum ant répugne assez à
ger l) (de Foucaul d, Diet. abl'cgé, t. l, p.
l'hospita lité de sa tente, surtout si le fait doit souvent se renouve ler.
aCcorder
(4) De Motylin ski, Vocab. j'I'ançais-toual'e[j. p. 282.
2
18 E LAOUST [ 168]
***
Si l'on se place uniquement à un point de vue philologique, les re-
marques que suggère l'examen de la terminologie relative à la tente
berbère ne sont pas sans valeur. Les noms relevés sont arabes ou berbères.
Regroupés dans la nomenclature qui suit, leur importance, en raison du
rôle assigné dans la construction de la tente à l'objet qu'ils désignent,
apparaîtra plus clairement, et les conclusions à tirer du fait de leur com-
paraison seront à coup sùr plus nettes.
.
Tentes de transhum ant encomb rées par la neige (région d'Azrou)
1
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1
1
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1
[169] L'HABITATION CHEZ LES THANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 19
.-
FIG. 8. - Disposition intérieure (Zemmour).
1. - ameddis.- 2. agella. - 3. alemssi. -
4. aruga. - 5. ~assit·~. - 6. ~issi. - 7. asetta,
métier iL tisser. - 8. iqsusen. - 9. amil~su.
t 3 J Cl)
al!
07 FIG. 10. - Disposition intérieure (Zayan).
1. ibriben n dat. - 2. ibriben n ({fil'. -
. G
-;1 1 3. ~asrirt. - 4. aru n idûda. - 5. amugen
n [irsal. - 6. ilmessi. - 7. ~issirt. - 8. asitlta.
dl·
(, •
[171] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 21
sitions de détail qui font qu'on examinera successivement la tente chez les
Zemmour, les Beni-Mguild et les Zayan.
ZEMMOUR (fig. 8). - Le foyer almesst" (1) est établi dans la partie
appelée ameddis, où les femmes vaquent à leurs occupations, ayant à leur
portée les ustensiles de cuisine jetés dans le plus grand désordre. Au milieu,
Une banquette de terre haute de Om 10 à Om 15, jonchée de feuilles de
palmier-nain, recouverte la nuit d'une natte et d'un tapis, c'est le lit tissi.
Entre cette couche et les tirsal, le métier à tisser, aserra. Face au foyer et
dans le coin opposé, le moulin tassirt au pied duquel est l'arugg : petit
filet tendu sur quatre perches enfoncées dans le sol et servant de support
aux diverses sortes de tamis. Entre les tirsal, un dispositif similaire mais
de plus grande dimension, appelé iqsusen, où sont entassés les tapis et les
vétements en nombre variable selon la richesse de la tente.
L'autre partie .'le nomme agella. Dans le fond, attachés à une entrave
tendue sur le sol, les jeunes agneaux et chevreaux trop faibles pour suivre
les mères au pâturage. A côté, péle-mêle, divers objets encombrants et la
provision de bois. Plus loin, des selles, des sacs avec les provisions d'orge,
de maïs, des toisons,. des ballots de laine. Dans la partie centrale, la moins
encombrée, les hommes, les hôtes s'installent pour la nuit, .'le protégeant
l'hiver du froid au moyen d'un amessu dressé verticalement et en rond.
BENI-MGUILD (tlg. ~)). - Dans une tente moyenne visitée l'hiver près
d'Azrou. Le foyer occupe la même place; le moulin n'en est guère éloigné.
Le long du bas-côté, le filet tendu sur ses quatre piquets porte ici le nom
de taskaidut ou de tasgaidut. Au-dessous, rangés dans un certain ordre,
les ustensiles allant au feu, au-dessus les tamis, les corbeilles, les sacs. La
famille dort dans la partie centrale, appelée tissi. La partie comprise entre
le bas-côté et la couche .'le nomme agërgur, ou agengun. Elle serait réservée
aux hôtes; chez les Beni-Mtir, où elle .'le nommetagergurt, elle est réservée
à la maîtresse de la tente.
Une natte ou un amessu, maintenu verticalement par des piquets,
englobe les tirsal et une partie de l'agella. L'espace ainsi circonscrit, pro-
tégé du froid, .'le nomme asqîmu « l'endroit où l'on SB tient ». Le métier à
tisser dressé dans l'autre partie s'y trouve englobé. Dans le fond, derrière
la natte, entassés péle-méle : sacs et provisions, laine, instruments de cul-
ture, ete. Sur les rebords de la natte, tapis, l,lenbel et couvertures de cou-
chage. A l'autre bout, agneaux et jeunes veaux ü l'endroit qui leur est des-
tiné et qui porte le nom de awens.
IzA. YAN. - Chez de pcmvres gens, près de Khenifra. Le foyer est ~l
sa place, immuablement fixée dans le coin de droite, dans la partie
appelée ici iLu'iben n dat ({ les crochets de devant ll, par opposition à iÙl'Îuen
n ({fi,. « les crochets de derrière Il, qui est la partie réservée aux invités. Ces
expressions se jm;tifient par le fait qlle les femmes, travaillant assises le dos
tourné aux tirsal, ont devant elles les ({ crochets» de la pièce qu'elles occu-
pent, et derrière elles ceux de l'autre. Chez certains Deni-yrtir, l'emplace-
ment correspondant se dit ti-:mam, les « cordeaux n, au lieu de ib,.iben. On
ne tend pas d'amessu à cet endroit.
Le croquis JO indique l'emplacement des 6lets appelés sl'Îl', ou tasl'Î!'t,
ou arû. On en compte trois, dont deux longs: ara iq.~usell. L'un, entre les
tirsal, pour les tapis et les vêtements s0igneusement pliés; l'autre, dans la
partie basse de la cuisine, pour les ustensiles, les tamis; au pied, le moulin.
Le troisième, plus petit et carré, Clru Il idûda, pour tilufa « ustensiles )l, où
repose le plateau de cuivre avec le service pour le thé. Également, dans le
fond, les agneaux entravés. Un mot nouveau: amagen n-iirsal, pour amu-
ger, littéralement ({ entre les tirsal )J. C'est la partie la plus haute de la tente;
celle où les évolutions sont le plus faciles. L'expression appartient au voca-
bulaire général; elle est synonyme des termes bien connus: inge,., ige!',
gel'y yer, « entre )J. On l'emploie pour circonscrire un endroit compris entre
deux ravins, cleux sentiers, deux rivières; de ce fait on la relève en
toponymie.
(1) Laol1st, COU/'s de berb. mar. (M. C.), 1" édition, p. 18.
I~I Renisio, op. cit.
PL. IV
eg/rçi, et les Rifains, egrçi (1). Le sens de « derrière )), donné il agr'la dans
l'Aurès, celui de « sous, dessous)J, à agellai, chez les Beni-Iznacen, se jus-
tifient l'un et l'autre par leur étymologie.
Au point de vue qui nous occupe, agella désigne la partie de la tente
qui est {( en arrière 1) ou {( au-dessous » de l'autre, la plus importante, celle
où l'on se tient: ameddis.
JK- **
ameddis, Zemmour, côté réservé aux femmes, où est le foyer ). Le
«
mot ne connaît pas une aire d'extension très étendue. On le rapprochera
de iciis (2), pl. iciisan, « parquet d'une chambre)J, Beni-iznacen, et, sans
doute, de idis « côté)J, synonyme de tama, tasga, iri, il', en Beraber-
Chleuh. Dans ce cas, ameddis serait le « parquet, le côté » par excellence,
là où se trouve le foyer Comme agelta, le mot serait zénète.
***
asqtma, Beni-Mguild, de qim rester, s'asseoir )). L'expression dé-
«
signe une des pièces de la maison, dans le Todgha - Berbères du Haut-
Dra --!... où elle est encore, comme idis, synonyme de « côté n. On dit:
asqî'ma alfas (( côté -droit n; asqîmu n-datâfr « côté de devant toi n.
li( **
awens, Beni-Mguild, partie de la tente servant d'abri aux jeunes
animaux; awans, Aït- Yousi, même sens; awens, pl. iwensa, Aït-
Sadden, partie de la tente séparée du reste par une tamessuit, où sont les
jeunes veaux et les agneaux; aguns, Beni-Mtir, endroit de la tente réservé
au petit bétail; aguns, AH-Ayyach, partie de la tente située entre les deux
montants, généra~ement réservée aux hommes; les petits animaux sont par-
qUés plus bas dans un endroit appelé iital/.
Sous cette dernière forme, le mot est familier aux Kabyles du Djur-
djura: agans (3), pl. agunsen, « plancher, parterre d'une chambre réservé
généralement pour le repos des hommes )). Sous une forme à peine mo-
difiée : agensu, pl. igunsiwen, les Chleuhs et .les Berabers du Sud le
Connaissent aussi pour désjgner l'intérieur de la maison.
(1) Rellisio., op. cit.
(2) Id., op. cit.
(3) Boulifa, I\'Jéth. de langue kabyle, p. 378.
24 E. LAOUST [174]
au troupeau. Le soir, après la traite, les bêtes restent devant les tentes, à
l'intérieur du douar, sans exiger d'autres soins de surveillance.
Il ne saurait en être de même des troupeaux de moutons et de chèvres.
Chaque tente possède ses troupeaux gui paissent sous la garde de ses gens
et qu'on enferme la nuit, après les a\'oir soigneusement dénombrés, dans des
enclos établis, selon les saisons et la crainte des djicheurs, à l'intérieur ou
en dehors du douar.
Les jeunes agneaux et chevreaux, jusqu'au quinzième jOllr de leur nais-
sance, demeurent dans l'owcns. Plus grands, ils constituent de petits trou-
peaux vivant à l'écart des mères. Les jeunes veaux vivent aussi attachés
dans la tente; on ne les lùche que le soir après la traite pour téter. Ils ont,
devenus plus grands, leur enclos pour la nuit.
L'enclos est d'ordinaire une enceinte qu'on adosse il la tente, derrière
ou sur le côté. C'est le plus souvent une ilaie sèche de jujubier épineux,
Pourvue d'un passage que l'on bouche d'un paquet de broussailles, ou d'une
barrière légère it elaire-voie, asettl1r (B.-Mguild), faite de perdws et de
roseaux assemblés par des liens de doum, il la façon de nos pares à moutons.
Les jours de mauvais temps, les bôtes y pataugent dans une boue souillée
d'excréments. Et, en-dépit de leur acclimatation à la montagne, elles y souf-
frent du froid; les années d'hiver rigoureux les déciment sévèrement.
Le cheval du maître, les mulets sont attachés devant la tente, le pa-
turon antérieur fixé par une entrave à une chaîne allongée sur le sol,
maintenue à des piquets et fermée, pour plus de sùreté, par un cadenas.
Les poules nichent la Iluit où elles peuvent; elles picotent le jour dans
les enclos ou môme dans la tente.
n n'y a pas de tente sans un ou plusieurs chiens, attachés à leur chaîne,
faisant grande garde et en défendant les abords.
L'absence de feuillées ou d'endroits similaires, dont sont si curieuse-
ment pourvues les maisons de l'i,(jl'cm, oblige chacun ù s'écarter le jour
derrière quelque touffe de doum, de jujubier, un rocher, ou cl{tns un ravin.
La nuit, on se rapproche de la tente dont les abords extérieurs deviennent
bientôt impraticables. Les femmes, plus astreintes aux exigences de la pu-
deur, choisissent de préférence l'heure qui les appelle a la source. Les
hommes ont moins de retenue. Il n'est pas rare de les voir, môme en com-
pagnie de personnages notables, s'accroupir sur place, protégés par leurs
Vêtements, sans se soucier de s'éearter de quelques pas.
***
26 E. LAOUST [176]
Les noms de ces divers enclos sont arabes ou berbères tous sans ex-
ception sont connus des sédentaires.
~~ribet,B.-Mtir, de l'arabe ~,);, berbère sous la forme ta~ribt (1) fa-
milière à de nombreux parlers. La forme masculine a~f'ib, A.-Sadden, a
également le sens d' « enclos de jujubier il.
Le paquet de broussailles fermant l'enclos se dit arerf'is, pl. iterrils,
Zemmour (arabe), ou ta:;etta ou tasetta, pl. ti~ettawin et tasettawin,
A.-Sadden, (d. ta8etta, branche, Ntifa, etc.); ou tasemganllt, A.-Messad,
c'est aussi le nom de la petite nouala construite à l'usage des fiancées, il
l'époque des mariages célébrés collectivement.
***
abendillf't ujray, et ta(wddiurt, Zayan (2), « enclos de jujubier)J. Chez
les Senhadja des Sghaïr, sous la forme tafllliart (3), c'est une « haie vive de
figuiers de Barbarie)J; même sens chez les Rifains Aït-Wariaghel : erfw-
iart, le l'initial correspondant à l, résidu de l'article arabe. Le mot est
synonyme de afjwir, Bcni- Iznacen, A.-Wariaghel (al'. A;), cf. gaur, cour
de la maison rifaine.
Chez certaines populations sédentaires, l'expression désigne un abri
couvert: lbit ufwndil', A.-Sadden, « petite pièce de l'habitation où l'on fait
la cuisine, les jours de pl uie )), la dis tbendarr addâi ikkat un~ar. -
taMndürt, pl. tibendar, A.-Hadiddou, « petite demeure isolée, composée
d'une seule chambre)).
**~,
asëttül', B.-Mguild « barrière à claire-voie formant le parc à mou-
tons »), d'où le sens de « bergerie )J, Senhadja, sous la forme
\
astür
- , donnée
L'entrèe de la tente
**
On entre dans la tente en soulevant les pans, iseglâf. On se trouve
ainsi de plain-pied dans l'ameddis (femmes) ou l'agella (hommes), selon le
côté qu'on a soulevé. On peut ainsi y accéder - théoriquement du moins -
par quatre côtés, puisque la tente comporte deux. iseglaf. C'est ce que les
Aït-Yousi traduisent en disant: « llant rebc1E n tggûra 9 ubam, il y a quatre
portes à la tente )). tggura, pour tiggura, est le pluriel de taggurt, qui est
en effet le nom de la « porte \) dans les parlers du groupe tachelhit. Les
Aït-Ayyach appellent le côté de la tente ouvcrt vers lïntérieur du douar:
imi n tggurt n tgemmi; et l'autre: tmi n tggurt n berra. Le mot taggw't
avec le sens d'ouverture figure aussi dans ces expressions.
On conviendra que le nom de la « porte)), appliqué à une construction
qui n'en comporte pas, paraît au premier abord étrange. On en justifierait
peut-être l'emploi en songeant que l'habitant de la tente est, en même
temps, propriétaire d'une maison sise il l'igrem, et que sans doute, par
analogie, il applique à ses deux demeures le même mot pour en désigner la
porte. Or, il n'en est rien: il appelle lbâb ou nbab, la porte de sa maison.
Force est de s'arrêter sur le mot, dans les acceptions particulières qu'on va
lui trouver.
taggurt est bien le nom de la « porte)) ou mieux de l'entrée de la tente
en quelques tribus: Aït-Yousi, A.-Sgougou, A.-Mguild; taggiurt chez les
y
ifel'han
De même,. chez les Aït-Merghad (Aït-Aïssa-Izem, Aït-Bercha, Aït-ben-
Bakki), tagürt ou taggûrt désigne des ( biens-fonds )), y compris l'habita-
tion appelée tamezdalzf. Dans les régions déshéritées où l'cau a plus de
valeur que le fonds, la part d'eau porte aussi le nom de taggül't, à Gour-
, rama, par exemple, où l'on dit: taggul't nwamdn pl. tiwûra et taggurin.
J
ou bien le caïd s'en empare s'il est assez puissant. Mieux tixé sur l'origine
de ces expressions, nul doute qu'on saisirait sur le vif le sens de la pro-
priété en pays de transhumance. Qu'elles soient, par ailleurs, relevées en
toponymie, rien qui ne puisse surprendre.
A un croisement de pistes dans les environs de Rich, une indication
kilométrique signale la direction de Tama[Jurt. Sur la route de Khenifra
à Azrou, près du Foum Tguett, il y a un lieu dit: tCl[Jgürt it:em. Me
trouvant dans ces parages, chassé par une tempête de neige et réfugié
dans une tente, le propriétaire m'en donna la traduction arabe: rjâr ssbCls
et non bâb 8sbas, comme il aurait dit si, dans son esprit, /aggürt pouvait
avoir le sens de porte. Or, pour les Berbères bilingues, (laI' - nom de la
« maison» chez les citadins - correspond à taggul't, ou encore il cuna,;ir
(Guerrouan), qui signifie un champ, une terre il fumer, un campement,
autrement dit un bien-fonds comme tagr;ürt.
Si l'on insiste sur le mot, c'est que l'étymologie semble en 6tre fixée.
On lui a consacré toute une étude (1) dans laquelle, il est vrai, ne figure
aùcune des formes et des aeceptions rapportées ci-dessus. Avec le sens
unique de « porte 1) tagr;ül't, connu, au Maroc, des Chleuhs, en même temps
que tijlüt (et ses variantes lawül'f, Rif, Beni-Iznacen, Beni-Snous, tawürt,
Mzab, Ouargla, laMul'l, Zouaoua, taü DUl't, Ghdamès) fait partie du voca-
bulaire commun il la presque généralité dos parlers. Mais le touareg tallOl't,
d'après de Foucauld, désigne un mode de fermeture; c'est la « pièce mobile
qui sert il fèrmer une ouverture faite pour entrer ou sortir n. Le mot serait
le nom verbal de cltCI' « fermer » en Almggar, correspondant en d'autres
parlers de cCCI' ou de lOCI' « boucher n, .Mais dans quelle mesure l'étymologie
proposée, très acceptable au surplus, explique-t-elle tar;gürt des transhu-
mants et des Berabers du Sud avec le sens particulier « d'habitation (tente.
ou maison) et de ses biens-fonds n.
Ne pourrait-on pas assigner au mot beraber, tout au moins, une autre
origine? Les historiens de l'Afrique du Nord, Gsell (2) notamment, rap-
portent le passage de Salluste (3), où il est dit que les Gétules habitent dans
des huttes dépourvues de fenêtres et appelées tUfJuriis. On peut les supposer
Tcn te de GuerrouJn.
faites du genre de celles dont la tente actuelle a pri,.; la place. On a dit pré-
cédemment qu'il serait peut-être possible d'en rétablir le nom. Le supposer
sous la forme taggürt elle-même, serait-ce si déraisonnable?
***
Le vocabulaire du transhumant utilise diverses expressions pour tra-
duire l'idée de (( bàtir) une tente. Certaines sont sans grand intérêt: bnu
abam, Zemmour, etc., f. h. uoennu, correspondant à ebna) A.-Seghrouchen,
Beni-Snous (Zénète), de l'arabe J~' -- soedd aùam, Zemmour, etc., litt. :
« dresser, mettre debout 1), f. f. de bedd « être debout, s'arrêter)), familier
à presque tous les dialectes, - sili! aMwm, B.-Iznacen, Zekkara, etc., f. f.
de ali « monter)).
D'autres, au contraire, deux tout au moins, esk et .;e(;, dont la présence
est assez inattendue, méritent un examen moins rapide.
Le premier, esk, est un verbe de la forme eC'C' faisant au parfait iska.
(1) g ba nubennu abam, Lla itami!J uI'gaz azduz, Ig sa u(wsléi( azegza nnéi§ uqel'I'o uzel'zu
n triq? aU ïtedz nna[jas, ius it i fmeftut atedz izurza çlnin (Aït-Ouribel).
[183) L'IL\BlTATIüN CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAflüC CENTRAL 33
Zayan. L'aire d'extension du mot parait limitée jusqu'ici au groupe des Ima-
zighen. Nul doute qu'on le signalera dans les parlers berabers du Sud et
du Haut-Dra quand ceux-ci seront connus. Il n'est pas sûr qu'on puisse
rapporter à la même racine supposée SK) taskka pl. tis!ciwin signalé J J
par Destaing chez les Idaou-Semlal avec le sens d'« étage)} (1).
Par contre, le verbe sous une forme quelque peu modifiée, s'observe
J
en des points extrêmes de la Berberie : e.'fk « bâtir n, parfait: i$ka, Gbat (2);
e$ts, Dj. Nefousa (3), parfait: i$i';u; iuska « il a bâti n, Zenaga (4). Dans
l'aire immense comprise entre ces extrêmes, le mot ne semble pas avoir
laissé de trace. Il est vivant au Maroc et en Tripolitaine, chez des Senbadja
d'une part, des Zénètes de l'autre. L'Arabe (Oranie) connaît une forme smek
signifiant « soulever, relever 10 pan d'une tente)} dans l'expression smeJ.c
star, et «bâtir une tente)) dans cette autre smek elMma. On ne saurait songer
à y ramener la forme berbère esk.
L'autre forme zerj a un domaine plus réduit encore, limité au Maroc
seul: Beni-Mguild, Beni-Mtir. La forme d'habitude est zeqJ le substantif
Verbal ti~rji (5). Mais les dérivés figurent dans un nombre considérable de
parlers avec des se~s assez voisins de « maison, chambre ou mur)} générale-
ment construits de pierres.
Avec le sens de « maison)) : 1azeqqa, pl. 1izerjLlwtn) Zouaoua (6), -
ta~eqqaJ Sened (7), - tazeqqa J pl. Uze[jua « maison de terre avec terrasse n,
Beni-Messaoud (8).
Avec le sens de « chambre n : tazeqqa) Ouargla (9), - ha~eqqa, Che-
noua (10), - tasqa pl. tz6qwa (11), chambre et maison, Sokna - tahaqqa
J
Lanzerote et de Fuerteyentura.
Ces expressions se présentent au point de vue morphologique avec une
uniformité remarquable. Elles sont également familières au Berbère Maro-
cain, à la différence près qu'il les utilise avec un changement de vocalisation.
On a déjà signalé les mieux connues: tizeqi « pièce du magasin coller:tif
servant de grenier et de magasin à paille lJ, A.-Isaffen; i::çji « rucher installé
sur la terrasse lJ, A.-Bou-Oulli (3).
***
De l'examen de ces formes ne serait-on pas en droit de conclure que la
racine ZC; désigne une habitation fixe, solide, construite en murs de pierres
ou de terre, et yraisemblablement couverte en terrasse? La présence de
zeg « bâtir une tente lJ du Beraber transhumant n'infirme pas l'hypothèse. Il
faut, en effet, en prendre son parti: il n'existe pas, à proprement parler, de
vocabulaire particulier au transhumant qu'on ne puisse opposer au séden-
taire. C'est jusqu'ici le résultat le moins discutable de nos observations.
Mais. à un point de vue plus restreint, on remarque que cs/;: et zPfj,
avec le sens de « b{ttir lJ, sont en concurrence dans le monde des transhu-
mants. Est-ce à dire qu'à l'origine ces expressions désignaient deux genres
différents d'habitations ou deux modes de construction? Par exemple, l'un
plus léger et plus portatif que l'autre fait de pierres et de terre? Souter-
rain ou en surface? Couvert d'un toit ou d'une terrasse? L'indigence de
notre documentation actuelle laisse ces questions sans réponse. La technique
de la construction en Berbérie est à peine connue. Et en dernière analyse,
plus qu'à la linguistique, c'est à elle d'avqir le dernier mot.
Réparation de la tente
tente des bergers. Une bonne maîtresse de tente tient toujours en réserve
un ou plusieurs flijs qu'elle destine au remplacement du flij usagé.
Mais, si experte qu'elle soit dans l'art du tissage, elle ignore celui de la
couture. Cette femme qui tisse des rraf:wla avec des doigts de fée ne tire
pas l'aiguille. Coudre n'est pas chez les Berbères une occupation féminine.
Le fait est connu. C'est le taleb du douar qui taille) répare et coud les vête-
ments. On assiste en tribu à ce spectacle, étrange à nos yeux, d'une femme
obligée de se rendre à la mosquée demander l'aide du fqih pour réparer sur
elle son vêtement déchiré.
A des hommes incombent le soin de coudre les flijs tissés par les
femmes, de remplacer les vieux par de neufs, de faire avec leurs longues
aiguilles toutes les réparations utiles. On les nomme imegnan, les « coutu-
riers n. Ils se servent d'une aiguille, tisegnit, de gros fils de laine, issegna,
et donnent il leur travail le nom de [igni u[wm « couture de la tente n, mot
dérivé, comme les précédents, du verbe gni ou gnu « coudre».
Un travail en apparence aussi simple se complique de rites spéciaux
auxquels participent les gens de la tente, les enfants et les gens du douar,
plus particulièrement les femmes. Ils sont restés ignorés jusqu'ici. On dé-
crira en détail ceux CLu'on a pu observer chez les Aït-Naâman, de la tribu
des Beni-Mtir. Mais ils valent dans leur ensemble pour les autres.
Dès qu'on s'est mis d'accord sur le jour, le maître de la tente part à la
recherche des imegnan dont il sollicite le concours en des termes comme
ceux-ci: « Demain, si Dieu veut, venez nous aider à coudre! asekka s reMi
Qddud wwna[ag anegnu. » De leur côté, les femmes moulent le grain
nécessaire il, la préparation du repas qu'il est d'usage de leur oiIrir et qu'on
nomme leftub ubam.
Les invités s'amènent le matin il la première heure, prennent le déjeu-
ne,,, lifc!or, préparé il leur intention et se mettent aussitôt à découdre les
flijs de la tente il réparer Ils commencent par le milieu en se servant d'un
Couteau. Pendant ce temps, les femmes avisent un endroit propre à proxi-
mité de la tente. Elles le débarrassent des pierres et le balaient. Elles y
étalent les flijs neufs; elles les battent fortement avec des perches en les
aSpergeant d'eau afin de les allonger et de les assouplir. Elles les mettent
ensuite à côté des flijs anciens qu'on vient de découdre et qu'on reconnaît
encore propres à l'usage. Ce premier travail achevé, elles cèdent la place
aux imegnâll.
36 E. LAOUST [186]
Le mobilier
***
On relève:
a) ImëQfln, pl. lemmuain, désigne chez les Zemmour les ustensiles
Pour le thé et la préparation des aliments. Le mot est arabe 0>C\,. (( usten-
sile, vase Il. Chez les Aït-Sadden, lmaërint, pl. lummèiëen, est plutôt une
n1armite de terre au fond arrondi, et munie de quatre petites anses pleines.
b) iqsusen, Zemmour, Aït-Ndhir, A.-Ouirra, A.-Seghrouchen. C'est
de toute évidence un pluriel berbère de l'arabe ~ ( effets, bagages». Chez
les Zemmour, le mot s'applique plus spécialement à l'ensemble des tapis,
nattes et vêtements.
c) aj'es!s..a, pl. rfe.~!s..a et quelquefois ilè.~!s..(l!l, Aït-Ndhir, Izayan, Aït-
Sgougou, Ichqern, Aït-Mgllild, et aussi chez ceux-ci: rlessan 17, aittsin
40 E. LAOUST [190]
-.
-- - -
FIG. 12. - Al'uku (Ait-Izdeg).
- -- --~
***
LE FOYER. - Il est du type souvent décrit et universel au Maghreb (3).
pr~
/
C'est un trou rond creusé dans le sol, autour duquel on dispose trois
pierres servant de support, ou un trépied de fer (Ag. 14), d'emploi plus
commode, et portant le même nom, iniyan, que les pierres. Le mot corres-
pond à inhan, Ntifa, à iniin, Todghout, Drâ (Tamenougwalt), où par ex-
tension il a aussi le sens de « cuisine ). Quant au foyer ct à l'emplacement
qu'il occupe, on le désigne sous une appellation commune au groupe des
transhumants: almessZ, A.-Ndhir, ou ilmessZ, Izayan, etc., formée de al
ou de il « endroit)) et de me~si pour timessi « feu )J. Elle s'oppose il talcat,
pl. takatin, du groupe de la tachelhit (Sous, Ntifa, etc.); elle figure dans
le vocabulaire des sédentaires du Sud, Aït-Izdeg (Haut-Ziz), et du Haut-
Drâ, comme du Nord (ilemssi), Toula!, almessi, pl. almessî{en, A.-Sadden,
et semble zénète.
La fumée s'éehappe par les côtés relevés de la tente. Par mauvais temps,
elle la rend difficilement habitable. En dehors des heures consacrées à la
préparation des repas, le feu est éteint ou couve sous la cendre. L'hiver, on
l'entretient, mais avec parcimonie. Si on le peut, on y brûle du charbon de
bois, combustible rare et cher, de préf(~rence aux souches de doum,. aux tiges
de retem, au menu bois demandé à la forêt et dont a toujours une réserve
que les femnles renouvellent par des corvées quotidiennes. Les jours de
neige et de froid, les gens s'accroupissent autour de ce maigre foyer, les
jambes relevées jusqu'aux cuisses qui, sous l'action de la chaleur, se couvrent
de marbrures rouges et bleuâtres, appelées tim::;i.;lin, pl. tam:Ji.;el{.
Dans les tentes, môme de condition modeste, il est fait usage d'un four-
neau, lme~nuïl' (fig. 15), qu'on alimente uniquement de charbon de bois et
que l'on utilise spécialement à la pr(\paration du thé.
Femmi')S de transhum ants en train de moudre. Femmes berbères de Beni-Mg uild en tenue de fête.
-<
[195] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 45
tantôt le moulin à eau (azreg) chez les Beni-Mtir; tandis que (assir( est le
moulin à huile ou il eau chez les Aït-Sadden et 10 moulin à bras chez les
Beni-Mtir.
Le petit moulin à bras du transhumant beraber est le plus simple ct le
plus portatif des types connus (1). Il6gure aussi clans le mobilier des grands
nomades algériens et de nombreux sédentaires. Il comporte cieux meules
hémisphériques s'appliquant l'une sur l'autre par leur surface plane, la meule
volante pivotant autour d'un petit axe de bois planté dans la meule gisante.
On le pose au moment de s'en servir sur une peau de mouton tannée, alemsÎI',
destinée à recevoir le produit de la mouture. Il est d'un mauvais rendement;
de plus, il demande l'effort de deux femmes assises l'uno vis-à-vis de l'autn:l,
l'appareil posé entre leurs jambes écartées. Elles l'actionnent ensemble de
leurs deux mains fixées à la manivelle de bois. Toutes les tentes n'en sont
pas pOurvues. Dans l'agencement du donar, celles qui utilisent le même
moulin voisinent généralement l'une auprès de l'autre.
A signaler un autre type de moulin, dont l'aire d'emploi s'étend aux
Aït-Sadden, AIt-Seghrouchen, Beni-Yazgha, HaYilyna et Oulad-el-Haclj,
leurs voisins. Le croquis 16 montre le disposi tif de l'appareil observé à Taza,
Où on le vend couramment dans les marchés, au prix de 10 à 20 réaux,
selon les dimensions.
Les meules sont différemment taillées. La gisante s'allonge d'une sorte
de pédoncule dont la base plane donne plus d'assiette il l'appareil. La volante
offre une partie supérieure également plane. Une barre de fer, coudée à ses
deux bouts, vient s'y insérer. En son milieu, un anneau sert de logement au
pi vot qui traverse les meules de part en part.
Chez les Aït-Sadden (fig. 17), la meule gisante repose dans llne cavité
circulaire, creusée dans le sol où s'accumule la farine. La meule supérieure
porte un dispositif identique au précédent. La tige de fer transversale se
nomme tazerl'drt) et le pivot awûm : c'est aussi le nom du pivot de bois du
petit moulin beraber (agum, A.-Yousi, agll!n, Zemmour, zum, A.-Seghl'ûu-
chen, yûm, A.-Waraïn). La meule se nomme igit:! (cf. agat:/, A.-Yousi,
gUl'ftf, A.-\Varaïn, etc.). On verse le grain par l'œillard dont on agrandit
l' .
OrIfice par l111 bourrelet d'argile, ta6eUwl(.
Le moulin comme le foyer sont l'objet de pratiques particulières en vue
3
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[197] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 47
Bel' (1) Cf. 1\1ots ct chof'.cS berbères, p. 51 et sui v.; et surtout \Vestermarck, Ceremonies and
,. tels connected with Ao-riculture certain Dates 01 the Solar Year, and the weather in
~lOrocco. 0 '
(2) Sur ce mot et les suivants, voir ]',/ots et choses berbère.•, p. 29 et suiv.
48 E. LAOUST [198]
FIG. 23. - Cruche 11 eau: allJll,' (A.-Sadden); haut. : 0'" 55; largo : 0"'60.
... .............
.,
......
'
FIG 24. - Seau pour la traite: fagl'a. FIG. 26. - timratin ufJam (Beni-Mtir).
[199] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 49
habile d'en dépouiller nombre de tentes pour l'usage que l'on en a fait.
Le simple inventaire des pièces tissées témoignerait à lui seul de l'im-
portance d'une industrie familiale encore prospère aux premiers temps de
notre arrivée.
Qu'on en juge. D'abord les tissus utilisés à la construction de la tente:
flijs, tamadla, tat:faj't, iseglaJ, et, toutes les variétés de triga: adl'iq et ta-
driqt. - Des vêtements: hendira, haïks et 'burnous. - Des sacs, des tellis
tarjl'art, asa1ïu des musettes ou des mangeoires, des couvertures de cheval
J
52 E. LAOUST [202]
***
POUR LE COUCHAGE. - L'endroit consacré au repos occupe un espace
relativement restreint entre les tirsal et la cuisine. On le nomme tissi,
« couche n. Dans les grandes tentes on l'établit sur une banquette de terre
qu'on jonche de feuilles de doum et qu'on recouvre d'une natte. Si la famille
est nombreuse, on en dresse une autre dans l'a[jella. Mais la partie de la
tente la mieux. protégée, celle où l'on s'étend de préférence pour la nuit, se
trouve dans le voisinage des montants. L'hiver, on se garantit du froid en
dressant un amessu autour du gîte que chacun s'ingénie à faire.
Le matériel de couchage est des plus réduits: une natte, aiertil, sur la-
quelle les plus aisés jettent un tapis ~t laine courte. Pauvres et riches se cou-
chent dans leurs vêtements et enveloppés de couvertures de laine dont les
noms varient selon la finesse du tissu et leur décoration. Les moins appré-
ciées sont les aber,.af;no; la tahadunt ou la tamizart sont blanches à bandes
étroites de couleur, très espacées et garnies de floches et de pompons. Elles
servent à la fois de couvertures et de manteau d'lliver dont se drapent les
femmes. Les Aït-Sadden étendent, pour dormir, l'une des deux moitiés
d'une couverture appelée ben f;egra et se couvre de l'autre moitié. Elle est
à fond blanc. enjolivée de raies de couleur rouge, noire et orange, étroites
et très espacées, car la laine teinte perd de son pouvoir calorique. Les tellis,
tagrart, servent souvent aussi de couvertures de couchage.
Une tente n'abrite en principe qu'une seule famille composée normale-
ment des parents: père et mère, de leurs enfants et souvent des fils nou-
[203] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 53
vellement mariés. Mais, pour peu qu'on soit de condition aisée ou même
modeste, on établit une autre petite tente à l'intention des jeunes ménages.
Ils s'y réfugient la nuit; ils doivent leur tnnail, le jour. à la grande tente
familiale. Les enfants vivent et grandissent dans une promiscuité qu'on de-
vine. Il est pourtant des règles imposées par un sentiment naturel de pudeur
et généralement observées. Chez les Aït-Ayyach en particulier, comme au
surplus, dans presque toutes les tribus, les ménages sont séparés. Le père
couche dans l'aguI18; un dcs fils dans l'iZiall, un autre sous l'adriq u(ûim-
màr, séparés par un rempart de tellis ou de tapis. Un fils respectueux ne se
couche pas avant ses parents. C'est lorsqu'il les croH endormis qu'il rejoint
son épouse, assez tard dans la nuH. Il se lèvera le matin avant eux, à la
première heure.
La vie du transhumant se complique par la présence des co-épouses,
tasniU)in, pl. de ta/ma. Bien que, dans l'ensemble, le Beraber soit de pré-
férence monogame, le riche ne se fait pas faute de s'allier à plusieurs familles.
Dans la répartition des travaux quotidiens, la volonté du maître intervient
nécessairement. L'usage est de réserver à la dernière v~nue le travail
agréable du tissage et d'abandonner les corvées aux autres. Chez les Zem-
mour, on leur bâtit parfois une nouala, et certain caïd bien connu en
compte près de sa tente autant que de femmes.
Chaque jeune ménage, pourtant, tient à posséder sa tente, qu'il établit
dans le voisinage de la tente paternelle qui dispose de tous les biens. Dans
l'agencement du douar, les tentes issues ainsi d'une même souche se grou-
pent et constituent un ri/dont les liens de parenté avec le temps vont en se
relâchant.
Cependant, se marier, s'établir, c'est « faire sa tente n. Le transhumant
dit à sa fille qu'il veut marier: «( eg talwmj-enem, fais ta tente ». Dans des
circonstances analogues, le Touareg dit aussi: «( eg ehen ». Le rapport n'est
évidemment pas fortuit.
Dans les deux cas, il y a plus qu'une simple image, qu'une métaphore
qui évoque tant d'idées charmantes associées à la fondation d'un nouveau
fOyer, quand on se rappelle la part prépondérante de la femme dans la cons-
truction de la tente. .
54 E. LAOUST [204]
Les poteries seules sont nues il, l'exception de quelques récipients des-
tinés à l'eau.
C'est dans les produits ornementés et teints du tissage que l'art ber-
bère se manifeste avec le plus d'éclat. Les tapis à haute laine du transhu-
mant ne le cèdent en rien par le d()cor, le coloris, aux beaux spécimens du
genre maghrébin. Chaque tribu possède ses modèles. Pour tous, néan-
moins, le rouge est la couleur dominante, et Je losange, plus ou moins
allongé, de dimensions variables, la base du décor. Mais on ne confond
pas un tapis zayan, au fond uniformément rouge foncé, avec un Beni-
Mguild, à la petite croix inscrite dans un losange, ou avec un A'it-Youssi
aux longues floches douces et soyeuses.
Leur technique est en partie connue; mais leur inventaire reste in-
complet, leur terminologie confuse. On sait que ce fut une surprise de
voir des hommes s'adonner à, une industrie demeurée jusqu'ici un domaine
essentiellement féminin. Dans la partie du Corpus, que P. Ricard leur a
réservé, les « Tapis Berbères)) tiennent une place des plus honorables.
Pourtant, il n'est pas sùr que les tapis il, haute laine et il, points noués
soient « berbères)) d'origine. Par contre, ceux du genre « henbel )) appa-
raissent bien comme autochtones et caractéristiques de l'art véritablement
berbère. A ce titre, on se devrait de les étudier dans leur ensemble, sans
les séparer des produits similaires du Rif, du Mzab, de la Kabylie, de
l'Aurès.
Ceux du Maroc Central sont le plus souvent disposés en bandes pa-
rallèles aux petits c5tés. Les moins décorés peuvent être utilisés des deux
faces. Les plus riches présentent à l'envers un fouillis de bouts de ms de
laine utilisés iL la confection des dessins de l'endroit. L'alternance des
bandes et leur coloration varient selon le genre de tissu, l'usage qu'on en
veu t faire et aussi selon les régions et les tisseuses. Ainsi cette alternance
de blanc et noir, d'un effet si riche, uniformément relevée dans les tapis
improprement appelés « Glawa ), est tout à fait exceptionnelle en pays
beraber et réservée il, la d()coration des tellis.
Ce qui est vraiment remarquable, c'est moins la richesse du coloris que
la régulariié, la variété ct la profu:"ion des motifs de décoration. On les
désigne (l'un terme général ilqiden, mais ils ont tous leur nom. Et le moins
que l'on puisse dire, c'est qu'il y a un rapport lointain entre le nom et l'objet
qu'il est censé rappeler. Des appellations comme « œil de perdrix; os de
[207] L'HABITA TION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 57
titieuses. Quand la nouvelle mariée franchit, dans les bras d'un amcsnai, le
seuil de la tente maritale, son premier geste est de baiser l'un des montants
et d'en enduire le sommet de beurre. Elle le teindra plus tard du sang de
l'animal qu'on (lgorgera il la naissance de son premier fils, après s'en être
elle-même frottée le talon d roi t.
Aussi est-ce aux: tirsal et surtout il l'a(wmmal' qu'on suspend de pré-
férence un ensemble d'objets les plus divers, connus sous le nom de l(uliab
llùàm, qui sont autant de charmes destinés il assurer le bonheur des gens et
la prospèr'itli des troupeaux. On risque d'être incomplet il vouloir en dresser
l'inventaire.
On relève au hasard: des amulettes écrites par les tolbh, un marabout,
ou achetées il un chérif de passage, - un fer à cheval, - un clou pris dans
un sanctuaire, - un crochet de bois, abrib, aux: deux pointes dressées vers
l'intérieur du douar, - une coquille d'œuf dans une tige de doum contre
l'orage (Beni-Mguild), - la visicule biliaire, i;i, de l'animal sacrifié à l'Aïd
el-Kebir et qui indique en petit, d'après son volume, la récolte de beurre
de l'année, - la queue du même animal, - et aussi son omoplate droite,
ifer n t(;rû( : en elle est (~cr'ite la destinée de la tente, - de son sang dessé-
ché, conservé dans un tube en roseau et qui, employé en fumigation, apaisera
le chergui, - la caillette, tamicbbent (Deni-Mtir); bll:J:Jebel, bu imbuçi, bu
ikw'r (A,-Ayyach) et par euphémisme talm't uwagger (B.-Mtir), ad!yyàb
Uwagger (Iguerrouan). Une pincée de son contenu, iski, jetée au feu; calme
l'ouragan; mêlée à du sel, elle guérit les moutons de toutes sortes de maux;
répandue aux: quatre coins du champ, elle le préserve de la grêle.
Contre les mauvais génies on dispose d'un arsenal non moins riche. La
présence d'une toulIe d'une plante appelée iwermi suint il les éloigner. Des
fumigations d'encens, lebb,71I', guéri:-sent bêtes et gens de toutes sortes de
maladies, purifient tente et enclos des influences funestes. Un cristal d'alun,
a:Jarif, dont on a toujours une petite provision, judicieusement mêlé il des
encens, rend de la vigueur il l'enfant ou au mouton que l'atteinte du mauvais
œil fait dépérir.
Contre des ennemis moins imaginaires, contre les voleurs de bestiaux,
des pratiques relevant également de la magie passent aussi pour exercer
leurs effets salutaires. Mais, quelle qu'en soit la valeur, dont personne ne
doute, le transhumant a plus confiance en son fusil. Il ne dort que d'un
œil. Il va parfois jusqu'à s'attacher le pied à la chaîne où sont entravés les
[209J L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAHOC CENTRAL 59
(1) A. Bernard, Enquf!te sur l'habitation rurale de l'A 19érie. - A. Bernard et N. Lacroix,
L'Éeolution du Nomadisme en Algérie, 1906.
(2) Delphin, Recueil de textes pour l'élude de l'arabe parlé, Paris, Alger, 1891.
[211] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 61
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FIG. 28. -
Développement de la tente des Oulad-Naï! (Algérie)
(d'après Sitte und Recht in NOl"daji'ika).
1. rkiza. - 2. Jjun(as. - 3. (riga. - 4. wmud ou uqqaf. - 5. utid
ou melâm, ou I,i/idig. - 6. !J.OI·b. - 7. rejâ/a. - 8. slglJ.
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FIG. 30. - Tente de la région de l'Aurès (Algérie).
FIG. 29. - gen(as, faite de 1. gentas. - 2. rkim. - 3. tl'iga. - 4. bâb, perche de lm 60. -
tente tZars, Aurès). 5. sraw, perche de lm 20.
62 E. LAOUST [212]
FI(;. 31. -- Charpente de la tente des Oulad-Sa'id (Tunisie) (d'après Sille und
Reelit in Nordaj/'i/.-a). - 1. IJllnla8. - 2. rhiza. - 4. tl'iVa. - 4. cornüd.
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FIG. 34. - Nouala (Coupe). - 1. l'ki.a. - 2. 9 u I'las. FIG. 35. - [ful'las (Zarzis).
PL. X
p. t>9.
(1) H. Schucha rdt, Die romanischen Lehnu:6rtel' im Berberischen,
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66 E. LAOUST [216]
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FIG. 36. - Habitation du Sud-Tunisien
'""- (Zarzis) .
1. salw. - 2. Dûs. - 3. nuala. -
-:1 4. seitu/'.
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i ; .t. : : ;-;
- - - -;-:- - - - - -1.:-- - - - -- ~-{-----)-- FIG. 38. - Développement de
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----~~----_-+~---~----:-,----- la tente du Dje~el 1'Iefol~sa,
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- 6. muteg. - 7. at umb .
FIG, 39. _ taûift (Dj. Nefousa). FIG. 40. - Seau pour la traite, gr a (Dj. Nefousa).
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Fw. 41. - Support FIG. 42. - gUl't as FIG. 43. - gUl'tas (Djosc).
central de tente (Homs). (Djosc).
.
Tente bédouin e des Oulad-A li (côte libyque, environ de Bir Guellaz)
les jardins.
Tente observée sur la côte tripolita ine, souvent dissémin ée dans
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PL. VIII
ID
Mais elle est soutenue difl'éremment. La charpente centrale est faite de deux
montants verticaux, iâber, pl. iobber (fig. 45), pourvus à leurs deuX: extré-
mités de deux sabots de bois, hauts de 2 m10 environ, espacés de lm 20 et
disposés dans le sens de la longueur, contrairement ü ce que l'on a observé
jusqu'ici. Chacun de ces montants, indépendant du voisin, supporte une
pièce de bois, greba, pl. grâb (fig. 46), longue de Om 35, sur laquelle repose
une triga.
D'autres perches de dimensions variables soutiennent la tente aux quatre
coins (fig. 47). Celles de devant, appelées lwmmasah, dùel bommastain,
sont inclinées de manière ü porter le coude à un mètre du sol. Celles de
derrière, riel, duel reilain, le portent à Om 70. Vue de devant, la tente est
tendue horizontalement; vue de côté, elle présente une inclinaison à deux
pentes dont le sommet est soulevé par une perche centrale, kemm J pl.
akmdm, haute de lm 40, fixée verticalement entre les deux perches des
coins.
Cette tente est ancrée dans le sens de la longueur au moyen du matériel
connu de crochets de bois, iazel, pl. zuazel, de cordeaux, lsammireh, ou
rrommaJ pl. rremdm, fixés à des piquets, m{â6et, éloignés, du moins ceux
du milieu, à plus de six mètres de la tente. Les bas-côtés, ruga, pl. rruag,
le derrière de la tente, dai lbait, sont fermés avec de vieux flijs; le devant,
il, l'aide de pans qu'on attache avec des épingles de bois, !JeUil, de manière à
ménager une entrée, f6mm elbait, vers le milieu, entre les deux perches
centrales.
Dans le sens de la largeur, la tente ainsi établie exige l'emploi d'un
dispositif spécial et inconnu ailleurs. Sur les deux flijs du faîte, à cheval
sur chaque pente de la couverture, on coud les deux bouts d'une toile ou
d'un morceau de flij qu'on laisse pendre verticalement et en dehors de ma-
nière ü former une sorte de large boucle. On y introduit un fort bâton aux
extrémités duquel on attache des cordes qu'on fixe par ailleurs à un crochet
de bois (lîg. 48). Tout l'appareil est alors fortement tendu à l'aide d'une
corde liée à un piquet distant de quelques mètres de la tente. Enfin, pour
assurer la solidarité de l'ensemble, une autre corde hJimmâl elbaît traverse
la tente à l'intérieur dans toute sa longueur et relie les deux tendeurs.
La tente est ainsi divisée en trois compartiments: dans l'un se trouve
la couche, appelée rrolfa (fig. 49 et 50). Les abords extérieurs sont protégés
par des paquets d'épines et encombrés d'objets les plus divers : caisses,
[223] L'HABIT ATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 73
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[229] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 79
Sud, par petites avances, poussés par le désir d'assurer à leurs moutons les
meilleurs pâturages. Les plus forts se sont même installés dans la plaine
Convoitée de tous. D'autres s'apprêtaient it les suivre quand notre arrivée
inattendue a brutalement mis fin à leur migration. Ils sont venus avec
leurs tentes - sahariennes comme eux. Ils les ont dressées en douars riches
et nombreux dans un pays qui, apparemment, ne leur était pas destiné.
LE DOUAR
***
asûn, pl. isûn et issyen, est connu des Zemmour, Izayan, Ichqern,
A .-Seghrouchen et des Aït-Waraïn sous la forme sûn i Mwmën (1). On
signale le mot en Algérie: asun, pl. isunen, Beni-Snous (2); pl. isunan,
Ben-llalima (3); et en Tunisie: pl. isunen, à la Qalaà de Sened. A partir
de là, on le perd de vue.
L'étymologie du mot reste à fixer. On relève dans l'Ouarsenis (4) un
verbe asun « t~urner n. C'est, à notre connaissance, la seule région qui ait
gardé le souvenir de cette forme. Celle qui s'en rapproche le plus est le
touareg suel « faire tourner, faire aller de côté (5) .... », qui suppose une
tigemmi (1), autre nom du « douar )), posséde une aire d'extension
considérable et mériterait, il, ce titre, un e~amen autrement détaillé. Il
semble s'être localisé dans le Sud-Marocain ou Algérien, tandis que aSlln
paraît plutôt familier aux régions du littoral Nord et Est de la BerMrie.
Mais, contrairement à as un signalé avec le sens unique de douar, le mot
connaît des acceptions diverses, et certaines, assez inattendues.
Avec le sens de « douar, de campement ou de bivac)) et la forme
fÎjjemmi, le mot est employé chez les Beni-Mtir, Imejjad, Iguerrouan,
Beni-Mguild, - {iyemmi, Aït-Karkait, - tiiemmi, Aït-Ouirra : toutes
tribus du groupe sanhadja. Les Beni-Mtir disent encore fit n HJemmi
« l'œil de la tiguemmi)J. L'expression fait allusion il, la forme du douar,
petite cour de la maison réservée aux bestiaux n, - ter/emmi, il, Ghdamès (4),
désigne les « lieux d'aisances n, - gumma, sans doute mis pour tigumma,
pluriel de tigemmi, est connu dans tout le Sud-Algérien dans le sens de
« latrines n.
(1) Mots et choses berbi!l'cs, p. 1, n. l.
(i) Destaing. Voe. Jl'anç.-bcrb., p. 1Î6. - Laoust, COUI'S dc bcrb. mal'oe. (Sous), p. 2. -
Stumme, Handbueh dc.' Schil(lisehcn con Taz<'l'u'alt, donne tigïmç, pl. tiguma, p. 234.
(il) Voinot, Le Tidikelt, in Bull. Soc. Geog., Oran, 19U9.
(4) C. de Motylinski, Ét. SUl' le clial. berb. de R'damès, p. 130.
[231] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 8i
***
ige~du. Le mot paraît plutôt familier aux Berabers du Sud: Aït-Kheb-
bach, Aït-Merghad, Aït-Izdeg. Ces derniers entendent par igezdu un grand
douar composé d'au moins une vingtaine de tentes. Mais un douar aussi
important ne se forme chaque année qu'en deux occasions: il l'époque de la
tonte et à l'occasion. des mariages collectifs. En tout autre temps, le douar
ne compte que quelques tentes, de trois à cinq, et s'appelle alors ti,r;emmi.
Les Berabers du Nord ne paraissent pas ignorer le mot. Chez certains,
comme les Zemmour, igezdiu désignerait le cheptel de toute une tribu
rassemblé, en temps de siba, au milieu d'un douar immense. Celui-ci cons-
tituerait une sorte de smala: tazmalt, dont les richesses en troupeaux
seraient appelées d'un terme unique igezdlu.
***
azdug. C'est à proprement parler le « lieu où l'on habite n. Le mot doit
être considéré comme le substantif verbal de zdeg « habiter n, commun à la
généralité des parlers sous une forme parfois à peine modifiée: zzeg (3),
A. Seghrouchen. Pour le transhumant, zdeg c'est essentiellement « camper n.
Les Zemmour emploient l'arabesken dans le sens d'«habiter une maison,
dans une ville n. Quoi qu'il en soit, des dérivés du verbe sont signalés dans
les parlers des sédentaires comme des transhumants: tanezdugt, Zouaoua
Douar des AH-Arfa du Guigou (khalifat Lahssen ou Bejja; sur piste allant à l'Adarouch).
(1) Cf. Michel Feghali, Notes SUl' la maison libanaise, in Mélallges R. Basset.
86 E. LAOUST [236]
La tente-mosquée
On n'en compte pas nécessairement une par douar, mais chaque igs
possède au moins la sienne. On la nomme Uamas ou timezgida (3), ce
le
Tout déplac ement de douar se dit t'l'ildl ou agejji. On connaî t mieux
te à un
premie r, empru nté à l'arabe .. Le second est berbèr e: il se rappor
88 E. LAOQST [238]
verbe gag «( déménager n, connu aussi bicn des sédentaires que des nomades,
tan tôt sous la forme ga{j(; ou ggafj.
C'est en effet le même mot qu'utilisent le Kabyle du Djurdjura quand
il change simplement de maison, le Touareg qui parcourt son désert, il la
rccherche de pâturages, et le transhumant marocain qui franchit les monts
avec bagages ct troupeaux pour installer un bivac nouveau.
rJar/ cst en usage dans tout le Maroc Central : A. Seghrouchen,
Alt-vVaraln, AIt-Youssi, Beni-Mtir, Beni-Mguild, Zayan, etc. Il figure
aussi dans le vocabulaire des parlers rifains, des Beni-Iznacen, Beni-Snous,
du Chcnoua, de l'Aurès, du Mzab, etc. Le Touareg cependant donne à
ga?Hj (1) le sens de « charger n. Il utilise une forme gelet (2) pour traduire
l'idée de « déménager, de changer de campement en transportant avec soi
son mobilier. n Le mot s'apparente à gel «( partir», également connu au
Maroc, des Alt-Khebbach et des gens du Dads.
A s'en tenir au sens du mot touareg, le terme a.r;e{Ji des transhumants
signifierait plutôt « chargement») que (( décampement n. Mais, en fait,
« décamper n c'est essentiellement (( charger n pour « partir n. Et, pratique-
ment, age{Ji désigne tout aussi bien le convoi chargé prêt à partir, c'est-à-
dire « l'ensemble des bêtes, gens et choses changeant de bivac (3) n.
Quand il ne s'agit plus d'un simple déplacement de bivac, mais d'un
mouvement de grande amplitude qui amène, par exemple, des populations
de la Haute-Moulouya jusqu'aux plateaux d'EI-Hadjeb ou d'Agourai, on
conçoit que Je mot age!;i ne convient plus. On se sert de aneiius (4) ou
de ijluin ou iriëlluin.
Ce dernier mot est nouveau, mais il s'apparente à une racine déjà
signalée, il elil; «( monter n, Sous; «( disparaître, descendre derrière une crète n
Zemmour; (( tourner autour de ... , chercher )), Touareg. Ainsi iriluin - qui
est un pluriel - marque le fait cie gravir des monts, de passer d'un versant
il, l'autre, de rechercher des pâturages, autrement dit de « transhumer »).
Le long dèplacement qui conduit le transhumant loin de son lieu
d'origine et que traduit si bien iriluin implique nécessairement un mouve-
ment inverse de retour. On le désigne d'lm autre mot, également sous une
***
Il va désormais être possible de suivre le transhumant au cours des
déplacements multiples que lui imposent les lois saisonnières.
Il doit fuir la neige et s'abriter dLi froid de l'hiver; se rapprocher de ses
terres au printemps, les fumer et les ensemencer de maïs; les irriguer
l'été, moissonner, dépiquer et ensiler ses récoltes d'orge et de blé;
procéder aux emblavures d'automne; assurer en tous temps des pùturages
aux troupeaux, l'hiver dans l'azaghar, l'été dans Lt haute montagne.
Il se déplace aussi pour des raisons moins impérieuses: sc f<lpprocher
des points d'eau; se dérober aux djicheurs; abandonner un bivac envahi
par les puces, la boue et le fumier; rechercher la brise aux jours brùlants
de l'été; plus rarement encore se rapprocher des lieux de fêtes données il,
l'occasion de ma.ri;lges et de l'ouverture des pàturages.
Pour mener il bonne fin tant de déplacements successifs, il faut au
transhumant le concours de tous les bras de la famille et même celui de ses
voisins, de mercenaires ou d'associés s'il est riche. Il doit nécessairement
utiliser, en plus de la grande tente, les services d'une ou de plusieurs
autres plus petites.
On voudrait connaître comment il effectue ses changements de bivac et
dirige les mouvements périodiques de plus grande amplitude qui le mènent
parfois si loin de son point d'attache. On envisagera d'ttbord le cas le plus
fréquent et aussi le plus caractéristique de sa vie de pasteur: le déplace-
ment il, faible distance, nécessité par la recherche de pàturages frais.
Dès que l'on constate l'appauvrissement du termin de pacage, ou l'assé-
chement des points d'eau, ou qu'on estime les conditions météorologiques
préjudiciables aux troupeaux, les propriétaires discutent de l'opportunité
d'un départ (1). Ils désignent certains d'entre eux iL l'effet de rechercher
d'autres pùturages et de déterminer l'emplacement d'un nouveau bivac. On
nomme ces hommes imsiran, de sara « chercher n (Zayan); inaramen, de
(1) Par ses paroles comme celles-ci: aWl'iw a yait tgemmi anemdasar aneddu swansa wai-
flan" « Venez, gens du douar, que nous nous entendions pour aller à tel endroit! ))
90 E. LAüUST (240}
[LVeC l'auror e
dans la monta gne et refait le chemi n que les troupe aux partis
sous la garde des berger s et des cavalie rs ont déjà parcou ru.
et le
Tous·l es jours de la semain e, sauf le premie r vendre di du mois
de bivac.
jour de la fête dit ass bumezle/J, paraiss ent favoris erle change ment
pour trois
Mais la mise en route se trouve rait mome ntaném ent suspen due
une femme
jours si une jumen t venait malen contre useme nt à mettre bas ou
à accouc her.
parfois
L'arriv ée au hivac ne se fait pas sans heurts ni bouscu lades, ni
ements dési-
sans récrim ination s, sur l'endro it choisi. Mais, par les emplac
tente au plus'
gnés à l'avanc e, chacun sait où il doit s'établ ir et remon ter sa
vite.
le nom
La premiè re nuit que l'on passe dans tout bivac nouvea u porte
confor ment
de ic) usifûl. De l'obser vance d'un ensem ble cie rites auxque ls se
en entier,
au cours de cette nuit chaque famille et le petit groupe social
On les
dépend tout le bonhe ur que l'on attend du nouvea u campe ment.
étudie ra plus loin.
y S'il s'agit d'un déplac ement il, longue portée , comme celui
qui doit
les usages
mener J'hiver les transh umant s de leur habita t à l'azagh ar,
aux: la
diffère nt quelqu e peu. Il faüt alors tenir compt e de facteur s nouve
le choix de
durée de l'absen ce, quatre à cinq mois; la longue ur du trajet
e encore
l'itinér aire aujour d'hui pour ainsi dire immua ble, mais qui naguèr
une tribu
variait selon l'état de sécuri té de pays; le fait, en6n, qu'auc
d'hive r
transh umant e, à quelqu es rares except ions près, ne prend ses bivacs
dans son propre territo ire.
carac-
L'occu pation d'un territo ire étrang er constit ue, en effet, une des
Aït- Waraï n
téristiq ues de la transh umane e du Moyen -Atlas . Ainsi les
hen du
hivern ent chez les Aït-Sa dden et les Hayaï na; les Aït-Se ghrouc
du Guigou ,
Tichou kt, chez les Aït-Yo usi du cercle de Sefrou ; les Aït-Yo usi
de la Mou-
chez les Aït-Se ghrouc hen à Dalet el-Hac hlaf; les Aït-Ay yach
ns, chez les
louya, chez les Beni-M guild; les Beni-M guild, selon les fractio
Bel1i-M tir, les Aït-Sg ougou , les Zayan , les Guerro uan.
st,
Le mouve ment généra l de la poussé e s'eJIec tue en directi on Sud-E
manœu vre
Nord- West, norma lemen t aux plis monta gneux, et rappel le la
~
le départ de
des pions sur un damier . Chaqu e territo ire devenu vacant par
venus de
ses douars est imméd iateme nt occupé par de nouvea ux douars
l'arrièr e.
92 E. LA OUST [242J
. En tête,
berger )) sous le comm andem ent d'un caïd ou d'un chef de guerre
des convois
venait un groupe de cavaliers, suivi du gros des troupe aux, puis
d'autre s
et des bagages, rra~lt'l, protég és à l'arrièr e-gard e, aberduq, par
cavalie rs égalem ent équipé s et armés.
de
Ainsi on franch it d'une seule traite la distanc e qui sépare le ksar
AH-Ar Ca,
l'azagh ar, en une ou plusie urs étapes , non coupées de repos. Les
ouch,
venus de la région de Timha dit, campe nt une premiè re fois à EI-Her
Les Aït-
puis. à Ifeqfaquen, à Dou-Im iwas, et en6n il la forêt de JÙba.
t par
Ougad ir - égalem ent de la conféd ération des Beni-M guild - passen
ire des
Dékrit , Aïn-L euh, d'où ils gagnen t le plateau de Telt en territo
se dis-
Aït-Sg ougou . Parven us dans leur terrain de parcou rs, les douars
et là des
persen t. Ils se déplac eront désormais plus lentem ent; ils feront çà
et non le
séjours plus prolon gés selon les nécessités de la vie pastor ale
transh u-
capric e de nomades rêveurs. Ils atteind ront le point extrêm e de la
mouve -
mance en 6n janvie r. A partir de cette époque, ils esquis seront leur
ment de repli vers leurs kasbas, qu'ils atteind ront en mi-avr il.
con-
Les itinéra ires parcou rus sont aujour d'hui parfait ement relevés et
aissent
trôlés par les officiers du Servic e des Rensei gneme nts, qui se reconn
contin uels
à merve ille devant le damier , sans cesse mouva nt de douars en
condit ions
déplac ements . Mais, hier encore, ils pouvai ent varier selon les
celle
politiq ues du mome nt. Des tribus puissa ntes et guerriè res, comme
le passage
des Zayan de Moha ou IIamm ou, disput aient aux Beni-M guild
à travers leur territo ire et les oblige aient à de longs détour
s.
nte
L'arriv ée des transh umant s dans le territo ire de la tribu occupa
sont pas
s'effectue sans grande s difficultés appare ntes. Les troupe aux ne
des occu-
même conten us en certain es limites . Ils se mêlent parfois il ceux
atteint des
pants. Il est arrivé que, l'audac e drs berger s aidant , ils aient
ient dé-
région s autrefo is interdi tes. Certai ns Beni-M guild, qui ne pouva
passer Ifran, s'appro chent aujour d'hui d'EI-H adjeb.
n,
L'usag e veut que les chefs de la tribu étrang ère sacritî ent un mouto
troupe au
et remett ent, avec de menus cadeaux, une brebis par qatcLê. -
du sol.
de 50 têtes, - au protît du caïd et de la djemàa des propri étaires
- mais de
Ce ne sont pas là des redevances réelles, - on n'en doit pas,
courto isie
simple s -présents dont s'accom pagnen t toujou rs les démar ches de
en pays berbèr e. FJ: tribu
Les bons rappor ts de voisinage entre la tribu étrang ère et la
94 E. LAOUST [244]
L'azaghar
y sont assurés de trouye r avec de bons pacages un refuge contre les intem-
jamais une
péries. Si la neige y tombe parfois, elle ne dure pas: elle n'est
gêne. Mais que signifie au juste ce mot?
ne de
Pour les géogra phes, l'azagh ar est un platea u d'altit ude moyen
Nord, du
1.200 mètres , encadr é par les plaines du Saïs et des Beni-M tir au
la cornic he
Tadla au Sud-E st, par le sillon de l'Oum -er-Rb ia à l'Est et par
la plus
des Zayan . Du belvéd ère d'lto, la vue l'embr asse dans sa partie
es -
mouve mentée . Son relief s'anim e d'un nombr e infini de pustul es énorm
t, séparées
cratère s de volcans éteints - verdoy antes de la base au somme
réseau, au
par d'étroi ts vallons qui font comme les mailles d'un immen se
vallons , de
travers desquelles s'infiltr(jnt les troupe aux. Il n'est aucun de ces
pourvu lui
Ces somme ts, qui ne porte un ou plusieu rs noms. Le Touare g a
de cette
aussi d'un état civil toutes les aspérit és du Sahara . Le relevé
révéle rait
onoma stique fourni rait à coup sûr des renseig nemen ts précieux. Il
Azrou
tout au moins le passage en ces lieux de tribus aux parlers divers.
signifi e
- pour ne citer qu'un exemp le -, nom du petit village bien connu,
guild, les
{( rocher)J. Mais, avec ce sens, le mot est inconn u des Beni-M
nage, ce
occupa nts actuels gui utilise nt aneqsmir. A défaut d'autre témoig
de la puis-
simple petit fait de linguis tique dénote rait l'origin e étrang ère
sante tribu.
Dans le langag e des Berbèr es, aza(;ar n'a pas d'autre valeur qu'une
tr'â. Lcs
simple expres sion géogra phique comme adrar, assif, asaka,
par-
Chleuh s de l'Anti- Atlas s'en serven t pour désign er la plaine de Tiznit,
te d'un
semée de palmie rs, ou la vallée du Sous, bordée d'olivi ers et couver
n'est autre
maqui s d'argan iers. Pour les Berbères du Haut-A tlas, azaga r
de' leur
que le Haouz de Marrak ech, la plaine ensoleillée qu'ils découv rent
le nom de
monta gne. Par Léon l'Afric ain, on sait que la région connue sous
la façon
Gharb - qui est la vallée du Sebou - se nomm ait zaghar , qui est
figure
arabe de pronon cer le mot. Même dans le Moyen -Atlas l'expression
étendu e
comme premie r élémen t du composé Azaga rfal, qui désigne la zone
fractio n
de plaines sur la rive droite de l'Oued el-Abid, où les Aït-Ab di -
import ante des Aït-Ch okhma n - mènen t estiver leurs troupe aux.
divers
L'expr ession paraît actuel lemen t absent e du vocabu laire des
(1) avec le
groupe s dialect aux. Le Touar eg offre toutefois une forme agahc r
•
(1) La question de la transhumance dans le Maroc Central a fait l'objet des études suivantes:
Harris, The nomadie Berbers of Central Moroeco (Geogl'aphieal Journal), 1897, t. l, p. 638-645;
- Mil' Suzanne Nouvel, 1Vomades et sédentaires au Maroc, Paris, 1917; - Cèlérier, La trans-
hltmanee dans le Moyen-Atlas, in Hespéris, 1927, 1" trimestre.
CENTR AL 97
[247] L'HABI TATION CHEZ LES TRANS HUMAN TS DU MAROC
futaies et
La saisop est clémen te en ces hautes cimes, à l'ombr e des belles
dans son
des forêts de cèdres . Puis, le transh umant se trouve mainte nant
voisine
domai ne. Plus rares sont en effet ceux qui deman dent à la tribu
furent pen-
l'hospi talité de leur monta gne. Les Beni-M guild du Nord, qui
des étran-
dant l'hi~r les occupa nts de l'azagh ar, vont recevo ir à leur tour
tir, les Aït-
gers : les Aït-Y ousi d'Engi l, quelqu es fractio ns des Beni-M
leurs frères,
Sgoug ou du lIaut Oum-e r-Rbia , des Aït-Ab dou-Z ayan, et
et les Aït-
moins bien partag és de la Haute- Moulo uya, les Aït-Ou gadir
Bougu emane .
succèd e
Ainsi, après un court séjour au pays, une transh umanc e d'été
cette double
nécess aireme nt à la transh umanc e d'hiver . Le rythm e de
nuance s ou
migrat ion est aujour d'hui connu dans ses traits essenti els. Les
à l'autre
les varian tes qu'on peut releve r d'une région ou d'une tribu
aire à ses
tienne nt avant tout à la mesure dont le transh umant croit nécess
besoin s d'assoc ier la cultur e à l'indus trie pastor ale.
les Aït-
A titre d'exem ple (1), voici les différe ntes étapes suivies par
de leur
Arfa du Guigu o, de la conféd ération des Beni-M guild au cours
la vallée du
double transh umanc e. Ils ont leurs terrain s de culture s dans
Guiguo . Parmi leurs village s, pour fixer les idées, on citera A lmis.
ère
a) I(;luin. Dépar t fixé au 20 novem bre, les labour s achevés. Premi
pays Aoud-
étape à mi-rou te d'Azro u, puis occupa tion dès la troisiè me des
se divise :
el-Ma, Amrou s, la Mragh ra. QU'elques jours plus tard, le groupe
la vallée de
les Aït-Ou menas ft gagne nt le platea u d'Ito, les Aït-M ançour ,
ont pris les
Tabad out. Les troupe aux rejoign ent les grande s tentes s'ils
umanc e
devant s. On abat les petites tentes: Le point extrêm e de la transh
. sera atteint vers le 15 décem bre.
de
b) Iberrim en n ejsa. Amorc é dès la fin de janvie r, le mouve ment
d'Azro u,
repli, coupé de longs séjours , ramèn e les Aït-A rfa dans la région
nombr e
vers le 15 avril. Ils monte nt sur le plateau en une fois, le plus grand
Ils cam-
par la piste boisée de l'Adar -Oulgh em, les autres par Michil ifen.
2° TRANSHUMANCE D'ÉTÉ
Les grandes tentes accompagnent les moutons. L'orge mûrit fin juin,
mais on laisse aux gens laissés sur place avec les petites tentes le soin de
moissonner. L'Ancera arrive - 7 juillet de notre calendrier. On met au
troupeau les agneaux d'un an. On cesse de faire le beurre avec le lait des
brebis qui a diminué. Le blé mûrit à son tour. Les grandes tentes laissent
alors les troupeaux en sazzaba; elles descendent à proximité des champs de
blé et moissonnent. A son tour, le maïs est enlevé et décortiqué. Septembre
touche :'t sa fin. Les charrues sont sorties; on emblave les terres en orge et
en blé. Dans les derniers jours d'octobre, les petites tentes ramènent les
troupeaux. Les labours sont a peine achevés que déja on se prépare à
gagner l'azaghar.
On peut considérer cette double migration comme le type même de la
transhumance berbère du Moyen-Atlas, qui associe dans des conditions
normales l'élevage et la culture. On comprend que, dès qu'un désiquilibre
vienne ~l se produire au profit de l'un ou de l'autre, il a aussitôt son
retentissement sur la vie du transhumant.
Exemple: Les Irklaouen du caïd Mostafa (Beni-Mguild) possèdent à la
fois des terrains de cultures dans le Tigrigra, leur habitat normal et dans
l'azaglmr. Ils effectuent leur transhumance d'hiver en trois bonds. Le
premier le mène avec les grandes tentes à Ifrouzirt, au Jebel Hayan, à Aïn-
Agra, où ils font un séjour d'un mois pendant lequel ils labourent. Le
deuxième les mène vers le 15 décembre dans l'Adarouch et à Imi-el-Khenig,
où ils campent et labourent jusqu'a la fin de décembre. Le troisième les
trome dans l'azaghar où rejoignent les petites tentes.
L'HABI T ATION CHEZ LES TRANS HUMAN TS DU MAROC
CENTR AL 99
[249]
cul tures
L' i~~ebilles ramèn e dans le Tigrig ra, vers le 15 avril, pour les
e avec les
de printem ps. Vers le 10 juin, les troupe aux parten t pour l'alpag
ar, où
petites tentes, tandis que les grande s repren nent le chemi n de l'azagh
une périod e
l'on moisso nnera les récolte s pan-en ues à maturi té.. Après
l'habit at,
particu lièrem ent active d'allée s et de venues , elles regagn ent enfin
ce momen t,
le Tigrig ra, la récolte dc blé étant encore sur pied. A partir de
tout rentre dans la norma le.
de la
Ainsi, il semble bien que la présen ce et la durée du séjour
milieu des
grande tente, tantôt sur les tel'r<:s de culture s, tantôt au
à la culture
troupe aux, marqu ent l'impo rtance que le transh umant assigne
ou à l'éleva ge.
umanc e
Certai nes tribus en arrive nt à ne plus pratiq uer que la transh
ci seules
d'hive r, et certain es autres que la transh umanc e d'été. Celles-
. Les
mérite nt l'appel lation d'alpin s qu'on a cru devoir leur donner
ce cas (1).
Aït-Ab di de la grande conféd ération des Aït-CllOkhman sont dans
et Abid,
Ils dispos ent d'une zone de plaines sur les rives de l'Oued
C
. Ils ont
l'Azag harfal sur la rive droite, la cuvett e de Boutfe rda sur l'autre
s dissém inés
deux grosse s agglQm ération s en plus de nombr eux petits village
centre de la
dans des vallon s: Tingu erft et Bontfe rda. Tingu erft est le
pàtura ges
haute monta gne d'où les transh um;lnt s s'égail lent l'été dans leurs
é où ils se
alpins. A Boutfe rda, sc tient, le mercre di, un gros march
les diverse s
ravitai llent. Le cheikh répart it les pâtura ges d'été entre
troupe aux
fractio ns, et des fêtes sont donnée s en cette occ'lsion. Les
ramèn ent
gagnen t par étapes les hautes cimes; mais le froid et la neige les
dans l'Azag harfal et la cuvett e de Boutfe rda.
sous la
La migrat ion des troupe aux, l'été, vers de plus hautes altitud es,
toute la
condui te de berger s, s'obser ve au surplu s, à divers degrés , dans
îne pas a sa
monta gne berbèr e, du Haut et de l'Anti- Atlas. Mais elle n'entra
nécess ite
suite le déplac ement de toute la famille ou de toute la tribu. Elle
s bàtie::>
parfois , comme chez les gCt:s d'Ounz ollnd, l'usage de deux maison
aucun cas,
aux différe nts étages de la monta gne. Elle ne revêt jamais , en
r.
l'impo rtance des mouve ments périod iques du transh umant Berabe
I~ usêfü!
te en tente
Priez sur le Proph ète! » La formul e reprise aussitô t passe de ten
jusqu'à ce qu'elle ait fait trois fois le tour du douar.
son
Des rites présid ent au renouv elleme nt du foyer. Chacu n ravive
l'usage , on
propre feu et en garde jalouse ment la flamme. Contra iremen t à
Les Deni-
se refuse à prêter au voisin le tison qui rallum era son foyer.
n viendr a
Mguild allume nt parfois un tas de bois au milieu du douar. Chacu
là une pra-
y cherch er la flamm e qui rallum era le foyer domes tique. C'est
sme impé-
tique fort curieu se et sans doute un vieux témoin d'un pagani
son foyer, en
nitent. Le sédent aire procèd e, lui aussi, au renouv elleme nt de
ent l'une et
d'autre s circon stance s, à l'Innaï r ou à l'Acho ura, qui marqu
d'une autre.
l'autre comme , l'on sait, la fin d'une année et le comm encem ent
ile. Le
Un autre usage exige de refuser au voisin le prêt de tout ustens
même de
moulin ne sortira pas de la tente. Il restera silenci eux. On évi tera
à moudr e le
le touche r. C'est pourqu oi l'on a consac ré la veille du départ
une outre
grain de plusieu rs jours. On se garder a de travers er le douar avec
le bétail
rempli e d'eau, ou avec de la viande fraîche ment abattu e, sinon
de viande
dépéri rait. On évitera de porter en dehors de la tente une part
feu, afin de
fraîche, si petite soit-el le à moins d'en jeter un morce au au
quotid ienne,
Conjurer le sort. Ce sont là, au surplu s, des u8ages d'obse rvance
plus stricte ment appliqUéS au cours d'un changA ment de bivac.
tente,
Une autre coutum e veut qu'on change le nom des objets de la
s'appe llera
celui de certain s anima ux et même des gens. Le chien, aidi,
InnCm ûlel', le « gardie n n. Chez les Aït-Ay yach du Saïs,
les homm es s'ap-
les femme s
pellero nt tous Bral/i m et les f,'mmes 'Ariba . Après le souper ,
au jeu des
et les enfant s, et parfois méme les homm es se diverti ssent
devine ttes, la tf71~un~u,rjen ie! am~1Jal'll. Le jeu consis te à mettre
un nom sur
es 80US une
Un objet reconn aissabl e à certain es de ses particu larités énoncé
au chan-
forme imagée . Il procèd e de la même idée que celle qui préside
l'origin e
gemen t des noms. On verra vraisem blable ment dans cet mage
ct 'que ne
magiq ue d'un genre de littéra ture orale, fort appréc ié des petits
dédaig nent pas les grands .
ra
Le souper , imensi , sera plus abond ant que de coutum e. On en change
de la l'fist.
aUssi l'ordin aire. Les pauvre s mange nt des galette s au beurre et
son sang un
Ceux qui le peuven t égorge nt un mouto n. Ils tracen t avec
scrire le
cercle à l'in terieur de la tente: ce qui est une manièr e de circon
une u~iiisJ
domain e des djenou n. Parfoi s les gens du douar se groupe nt pour
102 E. LAOUST [252]
le prati-
Non certes, qu'elle s aient impor té le nomad isme dans un pays qui
ne fût-ce
quait déjà. Elles l'ont, à coup sûr, fortem ent modifié et amélio ré,
chame au
qu'en leur apport ant la tente. Déjà, aupara yant, l'intro ductio n du
ne jusqu'e n
avait permis une heureu se transfo rmatio n en étenda nt son domai
des région s inexpl orées ..
es.
Mais les belles époque s de la transh umanc e sont aujour d'hui révolu
d'un règne
On comme nce à dédaig ner les seryices du chame au. L'avèn ement
maroc ain lui-mê me
de paix et de sécuri té laisse envis:lger au transh umant
déjà plus
une ère nouvelle qui pourra it être le terme d'uIl mode d'exist ence
qUe millén aire.
(A suivre .) E. LAOUS T.
L'HABITATION CHEZ LES THANSHUMANTS
DU MAROC CENTRAL (1)
(Suite )
LA MAISON (2)
Le retou r à l'ighr em
norma -
Le mouve ment de repli esquis sé vers la fin de janvie r ramèn e
30 avril. La
lement le transhum~nt à son point de départ entre le 15 et le
renaît
neige a dispar u, sauf sur quelqu es somme ts. Une animat ion intense
SUI' les pistes redeve nues access ibles que vont
de nouvea u franch ir, quinze
umant s de
jours durant , sans discon tinuer, troupe aux et convois de transh
retour à l'ighre m.
ent
Ils passen t par groupe s qui se resserr ent dans les déGlés, ou s'étend
SUI' un large front dans le val verdoy ant, sous
la garde de cava1ier~ blancs .
et de sel,
Ils march ent d'un pas rapide , allégés des provis ions de grains
des homm es
d'objet s encom brants abando nnés dans l'azagh ar, sous la poussé e
du mante au
encom brés de burnou s, des femme s guêtré es et encore vêtues
chargé s
d'hive r (Pl. XVII) . Pèle mêle vont les ânes, les mulets et les bœufs
tapis com-
de la tente, des parcs à mouto ns, des métier s à tisser avec le
poules , les
mencé , par-de ssus lesque ls sont curieu semen t juchés , avec les
enfants trop jeunes, les femmes âgées, malades ou fatiguées, tenant dans
les bras l'agneau qui vient de naître. Derrière, les clliens noirs et roux,
dans leur fourrure d'hiver. Les troupeaux avec les bergers, accrus des nais-
sances de l'iliver, précèdent ou suivent le douar en marelle; ils ont encore
leur toison dont on ne les débarrassera qu'à l'ighrem.
Parfois, le convoi s'arrête, et dans le cadre de la belle Ipontagne bleue,
il l'orée de la forêt de ci~dre", les tentes noires se dressent en rond. Par
petites étapes, on gagne ainsi l'iglrrem, olt l'on est attendu, où l'on a h~tte
d'arriver, et où, pour la premii~re fois, le douar, jusque-là groupé, va se
disperser.
Les uns, sans plus tarder, vont s'isoler dans les terres il fumer où ils
dressent les parcs et s'apprêtent pour les labours de maïs. D'autres, avant
toute autre cllOse, vont s'assurer cIe la bonne levée des champs ensemencés
avant le départ il l'azagllar. D'autres démontent les tentes et les remisent
dans quelque recoin: ceux-ci occuperont eux-mêmes la maison retrouvée,
laissée ~l la garde d\m parent ou !l'Ull étranger (1) pauvre, réfugié l~l, et
que 1'011 désintéressera à la récolte par la remise de quelques mesures de
grain.
La réoccupation de la maIson n'est pas un fait si simple en soi: elle
s'accompagne ll(;cessairement de pratiques superstitieuses à l'obsenance
desq uelles le tra nslruma nt reste fic1èlemen t attaché (2).
Quiconque en francilira le seuil pour la première fois aura soin de pro-
noncer cette formule: « Au nom de Dieu! Que Dieu te rende bénie pour
nous (3)! )l Les femmes procéderont il des fumigations purificatrices de
benjoin et diront en s'adressant aux génies: « Que Dieu veuille que vous
ayez pitié de nous (4) ! >l Elles iront au foyer qll'elles ne rallumeront qu'après
avoir prononcé cette autre formule: « Au nom de Dieu Clément et Miséri-
cordieux, ô fils de « Benna~er» (5) ! >l, ce qui sera pour elles une manière
magique de prononcer le nom des (\ jnoun >l, maitres du foyer, sans encourir
leurs coups.
Mais l'acte essentiel sera le sacrilice d'un mouton ou d'une clJè\Te,
(1) On appelle al'l!!.'!.',ln (ar. -:;<_), l'individu à qui l'on confie la gal'de de la maison.
(2) En quittant. la maison à l'automne pour se rendre à l'azaghar. on dit tout simplement, en
s'adressant à la maison: lJim iy i!lmü.n.' Reste dans la pail: !
(3) /;i.-lIlilLü.l, .' ald'III i!l dM)i ~aneual'M gU'ne!} !
(4) aldin iy l'i!tbi rj.-ibanin gU'neu !
I~J bi,-mîttah cI'I'a(unan el'rabim, a!l-ai~-bi!nnâi~eI'!
h. XVII
pêle-mê le vont les ânes, les muids et le, b'ellfs chargè~ ,le la tFrlte, de, pares à mouton" par-dess us
lesquels sont curieus, ment juchées les femme' encore vêtues du manteau d'hiyer.
[117] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENT[{AL 107
;f~· **.
C'est cette maison qu'on se propose d'(~tudier ainsi qu'il a été fait pOlir
la tente et Je douar d'abord dans i'a structure ct sa terminologie; puis dans
son mode d'arrangement dans le paysage et le cadre social.
Le probleme est d'une grande compJexitl~. Car, si la teille, il quelques
moditîcations près, est (:onçue dans tout le domaine du transhunl<lnt S.1ll' un
modèle unique, la maison répond, au contr:iÏrc, il des t,\pes divel's d variés.
Deux d'entre eux, pour le moins, forment III 1 contraste absolu. L'un, qu'on
pourrait dèfinir type « ksourien 1), est IJOurgeois et citadin par son architec-
ture compliquée et presque savante. L'antre, de type « élélilentaire 1), l'ural
ou villageois. a tendance il se grouper en petits hameaux ou il se constituer
en peti tes fermes isolées au milieu des cham ps cu Hi vés. Celu i-lir recherche,
au contraire, le gl'Oupement en «( ordre serré) dans des villes en miniature,
dont le ksar, ou I.ejrem, représente le type fonda[llf~ntal.
Ce qui complique encore la question, c'est que Je type élémentaire lui-
même se présente sous l'aspect d'une constructioll couverte ell terrasse ou
d'un toit à double pente, et que ces maisons, gl'Oupées ou disséminées, s'in-
sinuent en traînées entre des zones de gros villages ouverts, enkystés dans
la montagne, occupés pal' des populations sédentaires, non transhumantes,
([ 1 Il prononcera des paroles comme celles-f'i : (1 ddiu wlgul','''U !Je)" taddal't 1 Je vais égorger
sur la maison! II
(2) Litt. : le (1 souper de l'entrée de la maison ll.
(3) Litt. : la (1 nult de l'entrée de la maison ll.
(4) Communication de MI.Jammed ben '.\skri et. .le J~aoussaou Mol,Ja, étudiants au Colli'ge
berbère d'Azrou.
108 E. LAOUST [118]
(1) aLfummâ.~. - (2) a?;crrŒf. - (3) arifbbaô. - (4) ·5·5Ul ùjrcm. - (5) lbàb. - (6) abaqu.
[119J L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 109
est elle-mème protégée par de petits auvents et les terrasses des constructions
établies à l'intérieur. A l'angle Sud-Est, se détache une tour (1) basse de
forme légèrement pyramidale, percée de petites ouvertures. Une cigogne a
bâti son nid au sommet.
On entre dans la ferme par un passage couvert, {abalut 1Mb, qui mène
11
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Cuiôine
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dans une grande cour rectangulaire. Cette cour est bordée, sauf sur le côté
exposé au Nord, par des bâtiments de forme régulière, couverts en terrasse
largement débordante, et construits en pisé. Ils comprennent 10 corps du
logis ou habitation du maitro, des locaux utilisés comme étables, écuries,
bergeries, hangars, fournils, et des logements pour les serviteurs.
Il) lbod.
110 E. LAÜUST [120]
De ces bùtirnents, l(~ seul qui nous intéresse est la maison, taddar( Elle
constitue, en end, lin type parfait d'habitation, aux caractéristiques bien
délînies.
Elle occupe l'angle Sud-Ouest de la ferme (fig. ~)3). Elle est de plan
rectangle et de dimensions considérables : 18 m 25 x 10 m 75. Sa porte
T,ytd'l/ Ritagt
Ab.zan 1
Auga;dtl f;:, né/fie U:.d chambre n'OmZm
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\1 Tente, ~ /
'---1 /-
\ demontee Gr.n'Iel' -'"
1
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1 ,_ ... CorhelJle~
L.bit l/hzlII .--, 3,25
Aôg<F(ju ~ Ve:;libuie 1 \
1
1 r---\ I~---\ Grenier
1
1
1 , \ Pe~hee
\
'.../
1
FIG, 5.l - L" « logis" ou lw/rial'! comprend uno « piècc ccntrale)) éclairée par une haie, /a,~nun,
,wtour de 1,llj\ll:lIc sont disposées d'autI'es pièces utilisées conllne cuisine, et greniers.
d'entrée, (jl'i(>ntl~e vers l'Est, donne de plain-pied dans un vestibule oil l'on
a aC<:ruc!J(\ la tcnle il des ages (1) de CI';tlTlIe cnfollc<:\S clans les murs. A ctHé,
p(~le-mèle, des foul'ches ct des pelles il vanrwr.
Pal' ce vestiintie, Oll entre dans la plus grande pièce de la maison qui
en li(,cllpe la pal'tie centrale ct porte de ce fait le nom de : Oll/}JWS
II-CUir/Of'! « nlÏJieu de la maison )J. l':lle mesure: 11 mdres X ,1 mètres. Elle
prend jour par une petite baie la:;nun ('2), de forme carrée, percée au
milieu du plafond. La pil'ce est ainsi plong'(:~e dans une demi-oiJscurité. Elle
est (l'apparence soignée, presque propre. La (~!Jarpente, en bois de cèdre, se
compose de quatre montants (3), supportant des poutres (4), sur lesquelles
repose le plafond correctement établi. Le parquet est d'un béton de terre
fortement battu. Cette pièce, vaste et presque vide, comporte, pour tout
(1) ~agu~{a imasscn, - (2) Mis pour ~am(ln~. - (:JI fallol pour failal~. - (4) asa~ül'.
[121J L'HADJTATIÜN CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAnOC CENTItAL 111
(1) sellü.m. - (2) Voir infra, p. 192. - (3) aLwtn n-omzin. - (4) sellet, pl. sllil. -15) tataqt.
112 E. LAOUST [122]
et obliques, établis à la base du mur et qui peuvent jadis avoir servi d'entrée
de ruche.
Ainsi, autour de la pièce c:entrale, en plus du vestibule, on compte
quatre piëces longues, étroites, réservées au logement de la famille et des
récoltes, mais non des animaux.
Ceux-ci possèdent des locaux indépendants, étables ou écuries (1), bâtis
it la suite du corps de logis. Ils sont éclairés et aérés par des ouvertures (2)
rectangulaires ménagées au-dessus des portes. Les bétes s'y trouvent très il
l'étroit, dans une boue infecte, mais à l'abri des mouches et des taons. Il
suffirait cependant de daller le sol d'un béton de pierres et d'y répandre
quelque litière pour rendre ces locaux suffisamment habitables.
Les petits bâtiments adossés au mur Est constituent une série de pièces
moins spacieuses, prenant jour par la porte entr'ouverte. On les utilise au
logement du jeune bétail, veaux et agneaux. L'un d'eux abrite une cuisine
d'été, kuSina. On y peut voir le p~tit dôme du four (3) il, cuire le pain.
Sur la façade Sud s'alignent d'autres petites pièces. Dans l'une, sorte
de hangar (4), sont jetés pèle-méle : charrues, socs, bâts, liens de tirage.
Dans une autre, des métayers ont établi une misérable demeure.
On acci,de it la tour d'angle par un escalier aux marches de terre. Deux
pièces la divisent en sa hauteur. Celle du rez-de-chaussée, basse et obscure,
sert d'abri il de jeunes animaux; celle du haut, garnie d'un mauvais tapis et
démunie de tout mobilier, de logement aux hôtes ou aux étrangers. Le pro-
priétaire nous indique en outre que, par les petites ouverture:" prenant jour
sur la campagne, il domine ses terres et surveille son monde au travail. On
y peut voir les moissonneurs dans les orges et les laboureurs ensemen(.;ant le
maïs.
Toute l'animation de la ferme se concentre dans la grande cour il
l'heure de la rentrée du bétail. Quel que soit le temps, le gros bétail y passe
la nuit: les ânes, mulets et chevaux attachés il une entrave (5) fixée au fond
de la cour, dans la partie appelée areMi, opposée il l'asqff, pri:s de l'entrée;
les bŒufs, les vaches séparées de leurs veaux, et parfois quelques moutons
et quelques chèvres, parqués pèle-méle au centre, tandis que les chiens,
toujours en éveil, font bonne garde.
On devine l'aspect de cette cour, encombrée d'immondices, d'excréments
(1) IT(la ou ITugg"a liJahtm. - (2) fnl'ria(it. - (3) afcI'I'cïn ugl'üm. - (4) lbi~ iballâsen.
(5) rbâ(,lliJahim, longue corde fiJi;èe 4 des piquets, ~auwust, pl. ~ig"sirL
PL, XVIII
CI
(1) faljel'raàif'
114 E. LAOUST [124]
4 CLnes,
6 chameaux,
200 bovins,
2.000 moutons (1),
170 mouds de blé, soit environ 68 hectares,
150 mouds d'orge, soit 42 hectares,
15 mouds de maïs, soit 10 ilectares.
Ces chil1'res sont également it relever. Le propriétaire passe pour pos-
s(~der ]e plus grand nombre de bètes de somme de la trillll, mais non de
brebis. On connaît des éleveurs, propriétaires de troupeaux de 3.000 il
4.000 tètes. On notera le nombre élevé de chameaux figurant dans le décompte
ci-dessus. Les riches seuls en possèdent: la bète est un luxe et n'est guère
utilisée qu'au transport de la tente du maître. Sa p['(~sence dans le convoi
rappelle sans doute les temps renl1us de la transhumance saharienne qu'ont
jadis pratiquée les pasteurs actuels avant leur venue dans la montagne
berbère.
L'ensem ble de ces moyens et gros propriétaires consti tue une bourgeoisie
. relativement aisée, sinon riche. Avant notre arrivée, elle exerçait un rôle
de premier plan dans la tribu et ses conseils'. Aujourd'hui, comme hier, se
pose pOUl' elle le mème problème de la main-d'œuvre. Nous avons résolü
celui de la sécUl'ité des personnes et des biens, non moins aussi important
que celui de la recherche de bras nombreux.
L'organisation familiale et sociale du transhumant téllioiglit (].. ce
double souci d'assurer, avec la sécurité, les ocuvres de solidarité du travail.
L'exploitation du bien familial nécessitera le concoUl's de tous les
fils: mariés, ceux-ci vivent sous le même toit comme sous la même tente
dans une commune association. La famille agnatîque est en effet l'élément
essentiel de la société berbère. La conservation du patrimoine exigera
l'exclusion des filles de l'héritage paternel. Le transhumant demandera à
l'association ct il, l'entr'aide les moyens de mener ~t bonne fin des entreprises
qu'un outillage et des pratiques archaïques compromettent chaque année
avec le retour des saisons pastorales ou agricoles. Ii aura recours aux prati-
ques bien connues de la tiwi,:;i, ou fera usage d'un de ces contrats d'asso-
Il) I.e cours des aniulaux, '"u avril 1982, était l'arliculii;relllent bas. Un lliouton valait de
50 il 60 francs; une chèvre, de 40 à 70; une jument, de ·100 à 800; un Illulet, de 800 à 1200.
[12:>] L'HABITATION CHEZ LES THANSHUMANTS DU MAHOC CENT HAL 115
***
La maison du transhumant, de condition inférieure il celle d'Azourar
décrite ici comme un type qu'on retiendra, n'est généralement pas isolée au
milieu des cultures. On la trouve, au contraire, attenante à d'autres habi-
tations toutes pareilles, ou ne différant entre elles f)ue par les dimensions
ou le nombre de pièces, groupées il l'intérieur d'un ighrem clos d'un rempart.
De ce fait, elles sont dépourvues de dépendances. Le cheptel, peu nombreux,
se loge aisément dans la cour de l'ighrem ou it l'intérieur de la maison,
où l'on a partout multiplié le nombre des mangeoires.
Les figures 54 et 55 donnent le plan de deux maisons de l'ighrem des
Aït- Yahya ou Alla, situé dans le voisinage de la ferme d'Azourar, il
10 kilomètres d'Azrou. Les propriétaires appartiennent également it la
tribu des Irklaouen. Les occupants ne sont, en fait, que des gardiens, gens
assez méprisés et désignés sous le nom de Iqebliyin (1). Parmi eus, se
trouvent des ksouriens du Gheris. D'autres sont les mé1ayers clcs transhu-
mants. D'autrcs SOIÙ charbonniers ou bùe!Jcruns; également étrangers au
pays, ils vivent surtout de l'exploitation de la forêt.
Ces deux tacldal't sont conçues sur un mêm() plan: une salle (( cen-
traIe)) (2), éclairée par une ta:;nut de grandes dimensions: 3 In. x 2 m., et
an tour d'elle, di verses chambres sans corn 111 unication en tre elles. On en tre
par une porte, large et haute, lm. 90 xl m. 70, qui laisse aisément passage
au gros bétail et aux animaux dlargés. Le fronton de l'une d'elles est orne-
menté d'un décor modelé dans l'argile, que le vent et la pluie ont fortement
ef-Tacé, La mème maison comporte une chambre d'hôtes (1), qu'éclairent
Rez - de - C hausô ee
~ fflznut
Moulin Azreg
~ ~ ~
8 ZUt
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hznllt fO'l~r c2>
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• Ale",";'
~mnnâh'. 'f)
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banquette
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E.cLlri~ • e.5erlem
Lb;! I7I17ej'ÔùtI;.
Chambre
-
Rrua.
des
hôtes
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n.'"èlddart
de la malôon
FI(~, 54, -
Il
Plan d'une taddal't observée dans lïghrem des Aït·Yahya ou Alla,
tribu des Irklaoun II3eni-Mguilcl).
une petite lucarne et une étroite fenètre (2), donnant sur le couloir d'entrée.
La pièce qui lui fait face sert d'écurie.
Rez de ChôLl~sée
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I1ange ire
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Ltable ~ - __ \
\ \
uAan 'J\s~bU\e .
Lb/! \ " .. fcurle
\ Gel Lb/p:Ln.
Rigole d purin
\ \
FIG. 5;>. - 'J'adda,.t chez les Aït-Yahya ou Alla.
où sont un col1're (1) à grains, des corbeilles (2); de hangar où sont remisés
dmrrues, socs, jougs, traits, colliers, tellis, saes, etc.
La richesse d'une maison se mesure au nombre de pièces, de corbeilles
où sont les réserves d'orge, de blé et de maïs. Ces corbeilles ont près de
deux mètres de haut, un môtre de large
(fig. 56) ct sont cM pourvues de fonel. Elles
reposent il même le sol. Par un trou (3),
ml'nag('~ il la base, on tire les provisions au
Rez - de - Chau,s<5ée
Coffre ci cerl'.àll'.'i
tcurie
TaQZ€fI(
RrUél
Lbtl Ibàh'fl7
Lbit
~
Coffre
en bOIS ~znLlt
Taznut
Ttariflô
escalier
vennum n.mermait
/.3,30 - - - - - -
FUi. 57. - Rez-de-chaussée d'une taddart observée à Azl'ou.
Elle comporte un rez-de-chaussée surmonté d'un étage (fig, 57). Elle est
couverte d'une terrasse plate et débordante, formant une sorte d'auvent (1)
(1) aokjaJ.
'::
t'"'
x
....
X
Mais ons à Azro u
hillie en bord ure d"un e ruel le
a vais temp s doit être prot égée '" la mais on qu"on a choi sie est
... la fa,a de expo sée au III jJlan ches de cèdr e ...
li
eneO lll bree d.e neig e ...
par un coffr age de
[131] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 121
qui protège le haut des murs de l'action dégradante des pluies d'hiver.
Sa façade mesure G m 50 de long, 7 mètres de haut. Sa porte est établie
sur le côté. Une petite fenêtre est aménagée au-dessus. Ce sont lit les seules
ouvertures visibles de la rue, si l'on ne tient pas compte de quelques trous
ronds ou carrés qui ventilent la pièce du bas servant d'écurie.
Elle repose sur un plan rectangulaire de 13"1 50 de long et GIII GO de
large. Les dimensions sont donc dans le rapport de 1 it 2; la superficie cou-
verte, soit 90 mètres carrés, est occupée par la famille, les animaux et les
biens matériels. L'élévation intérieure, du sol au plafond du rez-de-chaussée,
est d'environ 3 III 50, ce qui donne un volume d'air d'autant plus suffisant
que le mode d'éclairage, au moyen de lucarnes rarement bouchées, assure
une ventilation constante.
Cette maison ne possède ni cour, ni dépendances séparées ou accotées
au bùtimcnt principal. Elle abrite it la fois gens, animaux et récoltes réunis
dans des locaux distincts tenant lieu de logis, d'écurie, de grenier ou de
hangar.
On entre de plain-pied dans un étroit vestibule (1) où sont lcs esca-
liers (2) qui conduisent it l'étage. A gauche, une porte basse donne clans une
petite écurie (3) : on y abrite des ùnes. Plus loin, une autre ouverture mène
dans la pièce la plus spacieuse que sc réserve la famille. Elle mesure 8 mètl es
de long et 4 de large. Elle occupe la partie centrale de la maison. Elle
porte, de ce fait, le nom de ammds n-addal't, le « milieu de la maison)) par
analogie avec le p:ltio de la maison arabe dont l'équintlent est l!0'~ erjrjâr.
Elle présente, en autre particularité, celle de recevoir le jour par une unique
°
Ou\'crture de 1 III 20 sur III 80, appelée taznut ou taznunt, ménagée au
milieu du plafond.
Cette pièce « centrale)) s'ouvre sur deux au tres pièces, longues et étroites,
sans communication entre elles. L'une est aménagée dans le sens de la lar-
geur, et sert de grenier (4) et d'abri à des instruments aratoires. L'autre,
dans le sens de la longueur, sert de ch:unbre it coucher, et, au besoin, de
débarras ou de grenier. Elles sont éclairées toutes deux par une taznünt, de
si minuscules dimensions qu'elles sont pratiquement plongées dans des
demi-ténèbres.
Au total, le plan du rez-de-chaussée, logiquement conçu, comprend une
(1) ta.5qijt. - (2) .5ennilm n-nûfnnait. - (3) l'I'!!a ou lbit lbahim. - (4) IbU imenni.
9
122 E. LAOUST [132]
pièce « centrale)) autour de laquelle sont disposées, sur trois côtés, trois
autres pièces plus petites: une écnrie iL l'entrée, deux greniers dans le fond.
Il s'agit donc bien d'une maison il l'usage d'un paysan, cohabitant ayec ses
animaux, cultiyant et possédant des réserves de grains pour l'année.
L'ÉTAGE (fig. 58). - Un escalier constrnit dans le couloir d'entrée mène
il l'unique piùce (1) de l'étage. Il est établi selon les règles de l'art, en dépit
de ses marches de terre irrégulières et dégradées, que renforcent sur les
Etage
• T(Jznul
.. .
Ü diïn Terravi3e
~
Tèlznut
~ 7âznut
bords des traverses de hois plus ou moins branlantes. Une double porte
ferme son issue i1 la partie la plus Imute : l'nne conduit il la t~['rasse, l'autre
il. la tamënnait.
Cette pièce occupe la superfkie du couloir ct de l'écurie au-dessus
desquels elle est IJùtie. Elle reçoit le jour par une petite fenêtre (2), percée
dans le mur de fa(:ade, au-dessus de la porte d'entrée. Aucun meuble ne
l'agrémente. Sur son sol de terre battue, on étale quelque natte les jonrs
de réeeption. Dans un coin, un petit foyer; dans l'encoignure de l'escalier,
une sorte de réduit inutilisé, mais tenant la place des latrines dans le plan
primitif.
On re(~oit il l'étage les invités, les hôtes de passage, et on y héberge,
(1) Cf. P. Ricard, l'our comprendre l'art musulman; A. Bel, La populatio/l lIl1lfmlllwne de
Tlemcen lext. de la Rcwe des Etude.• ethnographiques, 1908, p. 34; G. Marçais, Manuel d'art
musulman, t. 11, p. 553 ss. et 717; A. Bernard, Enquête sur l'habitation l'urate des Indigène.~
de l'Algérie, p. 117; etc.
(2) temdild. - (3) ab/Ür. - (1) anemssi. - (5) arc(!bi.
[135] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTrtAL 125
toiture n'est pas spécial au pays des transhumants. Il parait même plus
familier aux constructions des régions sahariennes où cette baie se trouve
partout en usage sous les appellations les plus diverses: tintbba, Aït-Izdeg
- aznu, Talsint, Aït-Seghrouchen du Sud - znûna, Midelt (juif et arabe)
- ta/!s.uyt, Tounfit - ta/leoit, !tzer - tit n-tgemmi, « œil de la maison n,
Ouarzazat, Drâ et son correspondant arabe: f.ain eddâl', Tanlalt. - abbn,
Bfmi-Mguild de la Moulouya. -- ararj, Aït-Bououlli. - bu zewwà/, Beni-
Iznacen. - tara/lbit, Aït-Messaçl- ra(7bet, Siwa.
Ses dimensions varient aussi d'une région à l'autre, et même à l'intérieur
d'un même district, mais celle de la chambre centrale se distingue toujours
par des proportions plus grandes. L'ouverture est parfois barrée de morceaux
de bois, ou recouverte d'arceaux de laurier-rose entrelacés, sur lequel les
jours d'été on jette des étoffes formant un velum. On atténue aussi l'inten-
sité de la lumière et on éloigne les mouches (Ksar Essouq, Tanlalt).
La maison du transhumant, établie dans la haute montagne, n'est ainsi
que très imparfaitement abritée dcs pluies violentes de l'hiver. Pour la pré-
server de l'inondation, le constructeur a songé à recueillir les eaux dans une
cavité creusée au-dessous de la taznunt. Ce peut être un hassin correctement
bâti (Pl. XX, Engil, Aït-Seghrouchen); ou un trou dallé de pierres où
s'accumule aussi le purin (Azrou, Aïn-Leuh, Aït-Ouirra). Dans la grande
majorité des cas, ce bassin n'existe pas, mais la partie de la pièce située sous
l'ouverture est légèrement creusée et en contre-bas (Timhadit, Pl. XX,
Doulman, Aït-Youssi, etc.). Les femmes se tiennent de préférence dans
eette aire bien éclairée; elles y installent leur moulin; elles dressent sur le
côté le métier iL tisser sur lequel la IaznunI déverse sa lumière. A Ksar
Essouq (ksar d'Ibaghaten), on dépose les cruelles d'eau en cet endroit. Au
TanIal t (A bouâm), cet espace porte le nom de saharii, c' e~t-it-dire « bassin)) ;
mais on n' y voi t aucune trace de bassin. Dans les maisons du Drà (Ouarzaza t,
Tamenougalt, Tamegrout, etc.) - pays aux pluies rares - ce bassin existe
sous l'aspect d'une fosse iL fumier autour de laquelle on attache des animaux
devant leurs mangeoires. Et, comme en ces régions, les habitations sont
dépourvues de latrines, cette fosse en tient lieu. On la nomme aquiii.
Il est certain que, sous la tazl2unI, plus ou moins largement ouverte vers
le ciel, le plan primitif prévoyait un bassin destiné iL recevoir les eaux pluviales
et aussi, sans doute, un système d'égout pour les évacuer. Les rigoles à
purin qui traversent la maison et dont la présence à juste titre est sujet
126 E. LAOUST [136)
La construction
LES MURS. - Les murs (1) sont de « pisé ), de terre pilonnée à l'aide
d'une (( dame ) (2), dans un coffrage (3) de bois. Ils reposent sur des fonda-
tions (4) peu profondes, cOllsii tuées par un li t de grosses pierres, prélevées,
le plus souvent, du lit de quelque torrent. Leur épaisseur moyenne est
de Om 50; leur hauteur est dèterll1inèe par le nombre de moules que
nécessite leur édification: Om 80 il Om 90 par moule.
Le coffrage (5), de moc1de bien connu (Pl. XXIII), est bàti sur trois
rondins reposan t sur l'èpaisseur du m ur en construction. Après le démon-
tage du moule, il reste à leur place des trous (6) carrés ou ronds qu'on
rebouche en partie de terre et d'une pierre plate. Les murs prèsentent ainsi
leur surface criblée de petites cavitès régulièrement espacées.
On recouvre le pisé d'un enduit d'argile mêlée il de la paille Im('llt'~\·. de
couleur jaune, fouge ou marron qui prene!, avec le temps et sous le soleil,
des colorations les plus ridles. On ne blandlit jamais les murs, ni il j'exté-
rieur, ni il l'int('rieur, ce qui, en d'autres régions, est une preuve de la
sécheresl'e du climat. On protège la crète des murs de clù1ure au moyen de
planches disposèes sur des madriers ct recouvertes de terre il la façon de la
terrasse.
La pierre est rarement employée. Elle paraîtrait cependant 1'e seul
matériau résistant il utiliser. A Azrou, pourtant, on peut voir quelques murs
de pierres mêlées au pisé, d'autres, de pierres non taillées, assemblées sans
mortier, et disposées en assises reposant sur des poutrelles de bois selon un
Il) [fulit, aylirlll'. - (2) ImUl'ke::5. - 13) llü(l. - (41 lsas.
(5) Voir notamment: H. Maunier, /,ct Con.~tl'u"tion (:olleetine de la maison en fÙtbylie, in
Tl'al". et Mèm. de {'11I8t. d'Et/In., p. 42.
(6) sMI, pl. i:;!!:.r1I.
•
.......-
r
(1) Cl. H. Maunier, Les ,'ite8 de eon.'tn'''t,;on en Ka/Jylie, Reeuc de {,HiMoire des Religions,
1\l2~.
~
t""
x
... les murs de la maison sont de terre pilonnée dans un
colIrage de bois ('l'alilalt).
... il l'entrée du ksar d'Abomam est un pnits couvert d'une
petite construction oü défilent sans anèt des femmes vêtnes
--
X
......
(1) a.<atilr. - (2) taflallit. - (3) (","sis. - (4) iû;;rn. - (5) aflUli.
(6) asnus; ou encore: tasii;it (c calotte)J, Aït-Ouirra; taUùa.t li cheville, coin)J, Aïn-Leuh,
130 E. LAOUST [140]
Son rôle rappelle celui du chapiteau des coloooes régulières d'uo art moins
rudimen taire.
Dans la plupart des maisoos sahariennes (KeITanclo, Ksar Essouq,
Ta fi lalt , D6t), les piliers de bois font place ü des piliers ü section carrée ou
octogonale, faits de toubs entassés et recouverts d'un enduit. Ils sont inva-
riablement au nombre de quatre et régulièrement disposés en carré autour
de la t((~nllt. Ils donnent à la maison l'aspect d'une construction hypostyle
et achèvent ainsi de caractériser le type auquel on s'intéresse ici.
Malgré des modifications de détail, le mode de couverture, tant en
pays de transhumance qu'en région pré-saharienne, s'établit d'après une môme
technique Ü laqnelJe le constructeur demeure immuablement attaché. Les
seules variantes proviennent de la terminologie et du matériau qu'imposent
au surplus les ressources du pays.
Dans la Haute-Moulouya, ct surtout dans le val de Rich, dans le Tiàl-
lalin et le Moyen-Ziz, le peuplier fuurnit il, peu près seul le bois de cons-
truction. Dès Ksar Essouq, au Talilalt, clans le Drà ou it Figuig. c'est le
palmier. Mais de son tronc aux fibres grossières on ne tire que des poutres
flexibles, sans résistance, qui s'incurvent sous le poids de la terrasse. De
sorte que la terrasse du Saharien s'avère aussi défectueuse que celle du
transhumant. Quant au couvert, le laurier-rose (Talsint); le djéricl, ou extré-
mité des palmes (Figuig, Tafilalt); le roseau (Kerrando, Drâ), l'alfa (Midelt},
le palmier nain ou doum, le diss, constituent, selon les régions, la matière
recherchée.
A l'encontre de la terrasse de'la maison citadine, aucun parapet n'llJdique
de séparation avec la terrasse des maisons voisines. On la construi t légère men t
en pente du côté où doit s'etrectuer l'évacuation des eaux de pluie que des
gouttières de bois (1) recueillent et déversent dans la rue. Et telle est la force
des traditions, que ces appareils figurent dans la maison saliarienne bien
qu'ils soient superflus par suite de la rareté des pluies.
(1) ImizâiJ.
[141] L'UAllITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 131
règle constante; près d'un angle. Servant aussi de passage aux animaux, elle
est remarquable par ses grandes dimensions: 1 ru 50 X 1 ru 90 (Azrou), L'ex-
pression : iflli n-tadda,.l, ou aqmu n-adclart, désigne 1'« entrée)) de la
maison; le mot: hatebet, le « seuil)) ct aussi le (1 linteau supérieur)), l'un
et l'autre constitués par deux ou trois fortes traverses encastrées dans le
mur. Une ou deux autres perches, formant montants, complètent l'encadre-
ment ainsi fait de quatre parties indépendantes, et non ajustées, comme
dans le cadre des portes européennes.
La porte, lourde et massive, est d'un seul battant de planches épaisses,
clouées verticalemen t sur leur face in tél'Ïeure à trois ou quatre fortes traverses.
Ces planches laissent entre elles des fentes qu'on ne masque par aucun arti-
fice. L'une d'elles, plus longue que les autres, e::5t entaillée it ses deux extré-
mités de manière iL former les deux pivots mobiles dans des cavités creusées
dans le seuil et dans le li:llc;lU supérieur. La porte s'ouvre en dedans. Quand
on la tire à soi pour la fermer, elle vien t se heurter au seuil ct au lin teau. On
peut l'immobiliser dans cette position au moyen d'un système de fermeture
entièrement de bois, fixé sur sa face extérieure.
Le système comporte, comme pièces maîtresses, une sorte de boîte dans
laquelle joue un verrou mobile qu'on déplace à l'aide d'une réglette de bois
munie de chevilles, On introduit cette
sorte de clé par une ouverture ronde
percée dans la porte ou dans le mur,
Le système a déjà fait l'objet de
maintes descriptions (-1). II est d'un
usage courant dans tout le Maroc,
mais il ne lui est pas particulier: son Q,J~
ai rc d'ex tension occupe presque tou te
l'Afrique et méme une partie dEI]' Asie.
La porte est encore pourvue d'un
anneau de fer, cloué dans sa partie
haute, it l'instar des belles portes des FIG, 60. - Anneau de porle d'f'lItrèe d'ulle
tadda!'t ob,ervèe il Kerrando (Tiâllalin).
maisons citadines (fig. 60), 11 sert ù
tirer la porte à soi, et peut, Ù la rigueur, tenir lieu de beurtoir. C'est le
(li Voir notamment: Van Gennep, Les système.' de j'enHeture, in Recue d'Ethnographie et
de Sodologie, janv.-févr. 1914; Laonst, Mots et choses vero., p, 15; Marcel Mercier, La cicilisa-
tion urbaine au Mzab, p. 155.
132 E. LAOUST [142]
seul objet de fer il signaler dans une maison il l'éclilication de laquelle parti-
cipent uniquement la terre et le bois.
La porte est l'œuvre d'un menuisier professionnel, ('tabli dans un de
ces nombreux villages ele montagne au voisinage de la forèt. Il la pose lui-
rnèmeavec l'aide de maçons. Il ne l'ag['(~ll1ente rarement d'ornements incisés
ou peirrts selon un usage fort en faveur en d'antres contrées. Son prix est
assez élevé pour une bau t'SC berbère . .Taelis, au cours de razzia, il était courant
d'enlever les portes des maisolls pillées et de les emporter dans le butin.
La pose de la porte marque l'achèvement de la maison. On saerine, en
ce moment, sur le seuil, un mouton ou un bOLlc. On renouvelle parfois ce
sacrifice li la prise de possession de la maison. Un repas réunit alors les
membres de la famille et les ouvriers qui ont concouru ~'l son édification. Au
cours de la.latfta (1) qui le clôt, on prononce des vœux et appelle les béné-
dictions du ciel. Ce repas sc nomme irncnsi n-addal't (2).
Les objets propltylactiques signalés dans la tente (3), ct qu'il est
d'usage de suspendre li l'un de ses montants, font également partie de l'ar-
senal magiq ue de la maison. Certai ns figuren t en bonne place sur la porte :
fer il, cheval, clous, amulettes, nouets cie terre de marabout, pierres trouées,
et exceptionnellement cornes de bœuf ou de gazelle; d'autres sont habile-
ment dissimulés, li l'intérieur, dans des recoins ou sous des poutres du
plafond.
Dans nombre de maisons de transhumants, un usage, fort en faveur,
consiste il, appliquer dans une bouse fraiche, collée au mur pri's de la porte,
les écailles d'œufs d'une couvée nouvellement éclose. La maisull l'st, de ce
fait, à J'abri de certains dangers, mais il semble que la pratique passe sur-
tout pour assurer la bonne venue de la jeune couvée et la présener des
serres de l'oiseau de proie (P1. XXVIII).
On ferme la porte la nuit ou quand le travail appelle les gens aux
champs ou il la forêt. Enautres temps, elle reste toujout's il demi entr'Ollyerte,
en raison des maux qu'on risquerait d'encoUl'ir s'il en était autrement (4).
Selon une croyance générale, on attribue au seuil de la maison les
(1) Appel de vœux fait à l'issue d'une cérémonie laïque ou religieuse; célébration de fian-
çailles, repas en commun à la mosquée, touim, inauguration d'un travail agricole, etc.
(2) Litt, ; « le souper de la maison n. La prise de possession d'une maison donne toujours
lieu il la célébration d'une cérémonie d'ordre magico-religieuse; cf. Mots et "hoses berb., p. 25.
(31 Voir sc/pra, p. 207.
(4) Sur la répugnance il fermer les portes durant le jour, voir; R, Maunier, Le eulte domes-
tique en Kabylie, Revue d'Ethnographie et des traditions populaires, 1925, n" 3-4, p, 253.
[143) L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 133
malheurs et les joies de la famille. On peut voir des gens abandonner une
maison dont le seuil ne leur fut pas propice; d'autres y renouveler des sa-
crifices que semble réclamer quelque génie.
Le seuil se trouve, de la sorte, associé à de nombreuses pratiques mpers-
titieuses. La plus connue, renouvelée des Grecs et des Romains, veut que la
non velle mariée pénètre dans la maison de l'époux sans en toucher le seuil
de ses pieds, portée dans les bras du mari ou d\:n servant. C'est ainsi
également que la jeune transhumante fait son entrée dans la tente maritale.
Le mobilier
(1) De nH~me modèle que le « four ) signalé dans Mots et dwses bel'b., p. 62, en usage dans
la région de Demnat.
(i) [issi. - (3) sril'. - (4) asgaidu ou al'u, tarukt; pour leur description, voir supra.
134 E. LAüUST [144]
(1) ddukkan.
(145] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 135
!-"",.
r
~
~.,
......
<:
il Nalout, les le//lirlal wnt édifiés au sommet d'une falaise .. ' il l'intérie ur du bhtilllen t s'étagcù t des chambre s snper-
eSl:arpé e,. , posées auxquel les on accède par des pierres ell<:astrées dans
le lllur (Tripolit aine).
/
1
1
[147] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 137
L'ornementation
Il) lemdüd. - (2) alïm. - (3) fasaff. - (4) a1:tdmlül. - (5) sabdlîl}e!',
10
138 E. LAüUST [148]
Yahya ou -Alla, Itzer. 13oulman, Engil, l1g. 61), se détachent en léger reHef
d'informes figures, triangles et parallèles, efj'acées par le teml>s; à Aïn-Leuh,
figurent trois croix ;'" grandes branches symétriquement disposées, l'une
au milieu, les deux autres de chaque clHé, et séparées par une ligne de
triangles. C'est Ht l'œuvre d'un ma-
Il ):( Il ):< Il >X Il >X Il h':..'<J I)XJ1
(;on saharien de la région d'Erfoud
(fJg. 62).
La croix à grandes branches,
exceptionnellement obserYée dans le
Maroc central, (Igure, en efret, il, pro-
A,90
fusion dans le décor actuellement fort
en faveur dans la vallée du Ziz, de
nidl au Tafilalt. Il est certain qu'on
f----
le signalera en d'autres régions voi-
-+oI.I------"'d.....Z.""~"_ ·I- sines. A Ksar Essouq, a Erfoud, on
POl"te
l'a mul ti pliée sur les constructions
FI<;. 51. - Des'tls de porte d·entrée. récentes, httties, dans le style local,
par les soins d(~ l'autorité militaire. Mais on n'a fait que l'emprunter aux
constructions 1Jel'!lères. On la relève avec fréquence sur le fronton des mai-
+1
FH;. 63. - Dessus de porte orné
d'une croix gravee dans l'en·
FIG. 64. -- Dessus de porte il Abouâm (TaOlalt) : croix duit Ilghl'elll dlsso11Illlllour
gravées il l'intérieur d'un rectangle. Tiàllaliuj.
(1) Notamment, dans l'Atlas de Blida, chez les Beni-~alal.l, les Beni-Messasoud; et aussi en
Tripolitaine, dans le Djebel Nefousa, à l'entrée des demeures de troglodytes.
12) Sur des monuments de l'Égypte antique (temples de Louqsor, d'Isis à Philœ, etc.), des
croix coptes ont été gravées, après coup, et, par la suite, mutilées et détruites par les Musul-
mans.
[151] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 141
1:
FIG. 66. - Portes décorées relevées dans une taddart de Kerrando; la première est une porte d'entrée,
les ;Pltres, de clitnensions plus petites, donnent accès à des greniers établis à rétage.
142 E. LAOUST [152]
Dans les ksour, les portes d'entrée des maisons riches, parfois aUSSI
celles des cham bres de J"étage) son t orn~s it l 'i mi ta tion des belles portes
il arcade des maisons (·itadines. Un maùllem maladroit les a encadrées de
colonnettes dég['()ssios dans des masses d'argile, aux chapiteaux cle terre à
demi et'fac('~~;,;, Il les a surmontées d'arcatures en relief, de lucarnes rectan-
gulaires) agi'(~rnentées de denticules, de corniches de bois ou de briques
ajustées (Iig. GG). L'<~nseIllhle est grossier, gauehe; [aplomb douteux. Tel
quel, le décO!' int<\ressE'ra l'arch<\ologue qui en déterminera aisément le style
et l'époque.
On ne relôve le motif de décor universellement connu au Maghreb
sous l'appellation de « main cle Fatma », ni chez les transhumants, ni chez
les ksouriens du Ziz, alors qll'il est ff<)quent dans le Drà, le Todghout,
le Dads, les Mgouna et Skoura) comme dans toute la région de Marra-
kech. A Ouarzazat (Taourirt), il affecte la forme d'une palmette à cinq
branches portées sur un court péclon-
cule (fig. 67). On le grave en creux
clans l'encluit des murs de la tighremt,
ou au-dessus cles portes. On le répète
parfois en cle nom breux exemplaires
alignés le long cles murailles il la ma-
nière d'une corniche d\m elfet déco-
ratif assez heureux. On le signale sous
FIG. 67. ~ La « main de Fatma)) affecte la
forme d'llll<è palilletle il cinq hrarw!tes por- cette forme au Tafilalt) ap"liqll('~ al'ec
rées SlIr lin cOllrl pèdoncille (Onarzazat,
Talilalt, etc.). bonheur sur cl es construetiom; cle
style Makhzl'n, dont la kasba, sise près du tombeau de Moulay 'Ali
Cheri f) cons ti tlle je plus bel ornemen t. Quant :'t l' ornemen ta tion in térieure
cles habitations, elle est pratiquement nulle chez les transhumants, rare
chez les ksolll'iens. Dans une maison de Kerrando) on relève dans le foncl
d'un vestibule) au-dessus de la fosse d'aisanecs) une niche (1), sUl'montée
de tmis poi nts disposes en triangle il la façon des meurtrières cles tours de
kasba (fig. 68).
Dans une maison VOlsme, et clans la cmsme, on obscrve un grand
clécor (2) en relief encadrant une niche ménagée clans le mur Est. C'est
visiblement la réplique de l'encadrement d'une porte monumentale d'ighrem.
f
FIC;, 68. -- Fond de vestibule décoré d'une
niche agrémentée de points à la fa(;on nes FIC;, 69. --. (;rand décor en l'elief
menl·tri(~res des tours de kasba (maison de cncadrant unc nicbe à l'intérieur
Kerrando). d'unc maison (Kerrando).
pellent it s'y méprendre les columbal'ia antiques ainsi que toutes ces niches
si fréquentes dans le& maisons étrusques et romaines ».
On les signale aussi dans les rues des ksour, notamment à Ouargla (2),
où elles sont consacrées à une foule de santons. La femme, qui s'est insti-
tuée la « servante» d'un de ces saints, y allume le jeudi soir une mèche
imbibée d'huile. Et les passantes de s'arrêter pour baiser le mm de la
niche.
Cet usage rappelle peut-être l'antique coutume romaine d'élever près
de l'entrée de la maison un édicule ou une niche, ara, munie de statuettes,
de lampes, où l'on priait le matin, où l'on offrait souvent des sacrifices au
dieu domestique (3).
(1) Elle y est groupée dans des ksour construits sur le modèle des ksour sahariens qu'on
observe'ellcore dans les plaines de la Sghina, de Talemmaght, caractérisées pour le climat et la
végétation des steppes de la Haute-Moulouya; cf ..1. Célérier, Le Mm'oc, p. 75.
(2) Cf. Mots et choses bel'b., p. 1.
[157J L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 147
o
6,00 n·WlJ/im
Ahflnu n.u//;
(1) Cf. de la Chapelle, Le sultan iVloulay IsmaCel et les Berbères .5anbadja du Maroc cen-
tral, in Arcitices marocaines, p. 47, note 9.
(~) Communication de l'Officier interprète Rabia.
(3) faddarf n-inebgawen. - (4) lcalu. - (5) elmuca~lil. - (6) essellüm, - (7) faddarf n-lu:a,-
.~ün. - (8) a{lanu n-uUi. - (9) a(umu n-walim,
[159] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 149
par une lucarne de petites dimensions: 0.40 X 0.20, ménagée dans le plafond,
tal!!..uyt.
Devant la porte d'entrée, un enclos épineux: (1) qu'on ferme au moyen
d'un buisson (2). L'été, moutons et chèvres y passent la nuit. L'hiver, ils
n'y Séjournent que le matin, au solfil. avant leur départ au pâturage, à
l'heure de la traite, et le soir au retour, avant de les enfermer dans la
bergerie.
Maison de montagnard cohabitant avec ses animaux, mais il est facile
d'y retrouver les éléments essentiels de la maison du transhumant.
r Ttnihb(1
coffre a
grains
,
0
A~ml1s 0 0 OPilier
r - (
ChQmbr-e
"., .......
......JPLlit05
)Anu -
V 711 Al5qif
/11
FIG. il. - Tadrlar( dans la région de Midelt.
comprend une entrée (1) dont une moiti(~ est occupée par des cscaliers et
un puits (2); une seule chambre d'habitation, agensa n-taddal't, éclairée
par une lucarne de 0.70 X 0.40, appelée tiniMa, et su pportée par dcux
piliers, asmàs. Pièce essentielle du mobilier; un coffre ù grains, ,~(jn(ll1q
n-imendi.
La maison appartient il de pauvres gens ne possédant pas d'animaux.
Les plus riches en habitent de plus spac:icuses, composées de plusieurs pièces
et d'un étage. Le fait nouveau est ici fourni par un changement de termino-
logie.
~O~ 5.00
'. EJ
Ahanu
n-'Wa/im
~ mangeoire
~
CoUre
Ahanu lebzln
1=-
Abanu
lm/zab
Ib6hirn
GouttièrQ .
ecurl0
~ A3en,s LI no tadder!
lnYân
linibba
'--
~
foyer
étagèrco/
Chambr'e.
~
~
~
~
Cour
B1u'ge.rie
1
t -- r-- r-
Vache Cheval
AtS C1if-
• tinibJxj
-....- A.JentJu
fO~
la
FIG. 73. -
t Taddart chez les Aït-Izdeg (lghrem des
Aït- Boua-Lahssen).
avec une mangeoire (4), occupée par une jument bien soignée; dans le fund,
une chambre pour la paill~ (5).
Des escaliers conduisent à la terrasse (6). Au sommet, sur un angle, un
pot noir renversé.
L'intérieur de cette habitation frappe par l'ordre et la propreté qui y
règnent. La maîtresse jeune et belle s'occupe activement des soins du mé-
nage; elle a deux jeunes cnfants bien tenus. Une petite aisance règne visi-
blemen t dans cette famille heureuse, grâce au salaire régulier que touche le
(1) tiS8i. - (2) .~on<luq n-imendi. - (3) aM,nu lbahim. - (4) lemdüd. - (5) abanu n-walim.
(6) .wlüb.
152 E. LAüUST [162]
RICH. - Les ksour occupent les deux rives du Ziz en aval et. en amont
. du poste militaire. On cesse de les observer à proximité de Mzizel, dans le
territoire des Ait-Hadiddou où la ta}u'!nd71l't isolée est le type noqnal d'Im-
bi tation. Son aire de réparti tion s'arrête il la frontii~['(~ des Aï t - \1 .. 1g-J w\ et
des Aït-Izdeg. On en préeisera les limites par une ligne qui, partant de
l'Imedghas, pass8 entre l'Amedghous et l'assif Melloul entre l'oued Sidi
Mohand ou Youssef et l'Isellaten, s'inflécllit vers le Sud, englobaut la plaine
d'Ikhf aman, remonte au Nord vers le Foum Takkat, non loin de Mzizel,
et aboutit entre la Zaouïa de Sidi Hamza et Tamgrift (3). Ail delà, la faycur
reste à l'arehitecture ksourienne.
d'été ...
... \ln bivac de transhum ants en occupe les beaux pâturage s
[163] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 153
individu de moyenne aisance et répondant it un type comant et complet
(fig. (4). Plan rectangle de 17 m 60 sm 10. comprenant un rez-de-chaussée (1)
et un êtage.
Grand vestibule (2) d'entrée donnant accès à la pièce (( centrale 1) (3)
~.... ....
r-...N ~ L.--
Abd/?J
, Tarruf (Ltagère)
A~lmu
1
V oAlem.:Ji'
o (j ,foyer
\.)OAd~r /blihi"
\) , Etnble ft'lang'wire
~ (:j<::>Murette
Lemdud
Tlfl"f 5po ~
-
Ve"ti ule
"I_t"ln ~ ~ @
AgenoSu n-tadc(art
l~ab Patio
III
-• ,10,00
Im/ n-taddârt
FIG. 74. - Taddal't chez les Aït-Izdeg (Ighrem des Aït-'A\\o, région de Kerrando).
par une porte ménagée près de l'entrée, pièce de grandes dimensions: lon-
gueu!' : 10 mètres; largeur: 6; hauteur: 3,50, divisée en deux parties:
le foyer et une étable: ad/jar lba!u'm, séparée du reste par une mmette en
pierres sèches. Le foyer (4) est formé d'un bourrelet de terre décrivant un
cercle de ÜIll 70, au centre duquel repose le trépied de fer (5). f~clairage
par une tinibba. Terrasse (6), portée par trois piliers de bois (7), suppor-
tant une forte pièce (8) très courte, sur laquelle reposent les poutres (9). Sur
les solives (10), un lit de roseaux (11), et, par-dessus, une couche de terre (12)
(fig. (5).
A l'étage, trois pièces (tjg. (6). La première, réservée aux hôtes, porte
un nom nouveau: amidal; il retiendra longuement notre attention. C'est,
(1) Taddal't n-uûdem n-uwasal- - (2) ta"I1')'t. -- (:J) agellsu Il-tadcla,.t. - (4) almessi. _
(5) illyan.- (6) .5,,(üiil. - (7) asemmas. - (8) asnu8 n-tcaMfmmas_ - (9) lqendert. - (la) tiyei-
dit, pl. tiyzda. - (ll) iganîmen. - (12) asal-
11
154 E. LAOUST [164]
1 __ AnUô n
wà.!emm.o •
Cmrpen!e
Etage
r Gouttiere LmizlJh
~ ~ll
frden ble.
ddlYJ Orge
1-- 1 Lgrofl 7imzin ~ lucarne MClis
tjiuu Carotte.
Ljroj'f
/mend/
\ -
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Amidu/
- klJuSf!!?
th"mbre 0,90 ~
Lucarne.
M
9 ,0 o
de.:)
hôt~s g •
0,0
7imbh (Lucarne)
~rô;na
c!y<!ub (Ter r ô-05ô e ) L:line-
provisi~n@AI"m"i Effets
d~ bOl':> Foyer 9';'00 2.60 -40
FIG. 76. - Étage de la ladrlarl observée à l'ighrem des Aït-cAlto (région de Kerrando).
(li .Uols et "hases iJe,.b., p. 5, - (21 ibûna. n-walrm. - (3) asqif. - (4) lames,.';t. - (5) ta-
scllûmin. - (61 Il)/:ut li!!JJin. - (7) la·5(1i.î(!.
[167] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 157
(1) ~<l<{b.
(2) Communic&tion de l'Officier interprète André&.
158 E. LAOUST [168J
LE FIGUIG. - Lt maison de Talsint et des ksour voisins, avec ses trois
chambres superposées, parait une forme sch(:matisée de la maison de Figuig.
Celle-ci nous est connue depuis longtemps (1). Quoi qu'on en ait dit,
elle ne constitue pas lm type d'exception. Tant par son arcilitecture que par
sa terminologie elle se ramène au type etudié. Tout au plus s'en distingue-
t-elJe par une plus grande c\lévation. Elle se developpe, s'agrandit dans le
sens vertical, all reboms de œlle du transilumant qui s'étale en largeur.
Opposition de deux genres de vie: celui du ksourien sédentaire, bourgeois,
jardinier et arboriculteur, et celui du transhumant, pasteur et agriculteur.
Au rez-de-cha uss(le, saF(~g, une porte assez large pour laisser passage il
un animal chargé. Un vestibule, abrid; dans le fond, l'escalier, essellum, et
dans la cage, des cabinets, tesqibt; à droite, le patio, ammas n-tiddert, en-
touré sur deux côtés par cles chambres. Des piliers, ssirit) portent une ter-
rasse. Celle-ci est percée d'une ouverture carrée en son milieu, et recouYre
les bas-côtés de manière il. former un portiCjue, asqU; devant les chambres.
L'un de ces bas-côtbi sert d'etable et d'écurie: on l'appelle tawnt.
Au premier étage, sual'i) lIne chamhre de réception, tamesrit, à l'issue
de l'escalier; un grenier-magasin, mab~en; une ou plusieurs chambres sans
autre ouverture que la porte: et parfois une pièce hypostyle, aqsal', pres-
que carrée, éclairée par une oll\'erture ménagée dans le plafond, à la fois salle
de réception, grenier et pièce d'habitation, surtout l'hiver. Tout autour, une
galerie couverte, asqij; olt la famille se tient de préférence, et où est bâti
le foyer, tq/,qunt, clans un coin.
Au second, sdoriah, une ou plusieurs véranda, lbul'i, IlHlnkes sur
piliers, es posées au Sud. On y pend les r('gimes de dattes; on y passe les
nuits d'été; on s'y c!laulTe au soleil, l'hiYer. La terrasse de cette véranda
prolonge celle de la maison voisine. Les maisons sont en ollet bù,ties sur une
pen te déclive du sol. Les terrasses s'écilelonncn t ainsi en gradins. Vues cl·un
peu loin, les véranda, ouvertes au midi, font comme les alyéoles d'une
ruche ct donnent aux ksour - surtout iL celui de Maiz - un aspect parti-
culier qu'on a maintes fois décrit.
Pourtant, cette véranda, ou cc portique couvert, constitue un élément
caractéristiCjue de l'architecture ksourienne. On rappellera l'aspect des
paraît 6tre assez en concordance avec ee que l'on sait des populations mPlées
de Berhères hlanes et de Baratin, actuellement réparties dans sept ksour
- l'un a mi'me gardé le nom de Zenaga - (~tahli" il la base du Djorf, d'où
ruissellent les 1-iourecs.
KSAft ESSOUQ, LE RETEG, LE TIZIMI. - On revient, après un long
détour, dans la val1(le du Ziz, qu'on a abandonnée au Tiàllalin. Au delà, il la
foyerO Veranda
Alrn~.si
Ve'rondô
d'itJ
d 'hjv~,..
0 ü ;VVdn
Nord •• .3ud
1
. Se//um oS.sduh
., • of ,
c;jr~nie,..
FI", 71'1. - j::tag-e d'lIlle taddarl ,jsitc,e ail ksar de Targa (Ksar Essollql,
sortie du Kheneg (herb. {((fjl((, {((fjlt) corn mence le district de Ksar Essouq,
formé d'nne dizaine de ksour dissimin(',s sur lcs herges de Lt rivii;re. On est
encore chez les Aït-Izdeg.
Vi"itc du ksar de Targa. Les Imazigl}()n vivent de prtiférence il l'étage
de la maison (t); les Qebhala, cntass6s au rez-de-chaussée avec de petits
animaux, ancs, cllèvres, moutons, La picce (( centrale) rel,:oit le jour par
une tinibba, parfois barraucMe de bois, ou recouverte d'une sorte de velum
jeté sur des arceaux de bois. A l'étage (fig. i8), deux petites cham bres (2),
destinées aux p:ovisions de grains et de dattes, et deux \'éranda (3). L'une
s'oriente vers le midi et sert de cuisine d'hi\,er; l'autre, vers le nord, et l'on
s'y tient l'été: on y a bâti, dans un angle, le four il cuire le pain. Cette
véranda n'est en réalité qu'une sorte de portique léger fait d'une couverture
en branchages reposant sur des piliers.
Le palmier fournit le bois de charpente. L'arhrc fait son apparition il la
sortie du Foum Zsabel, dès le petit ksar de Tamerrakcht. On le trouve
associé il l'olivier lJui cst de fort belle venue et donne une huile estimée; au
tamarix articulata, en berbère tasailwut, dont la galle sert il la prépara tion
du cuir filali ; au peuplier, plus rare et qui pousse a la lisière des jardins.·
La terrasse de la pièce « centrale» repose sur une charpente composée
des éléments connus; des piliers (1) de bois, supportant une pièce courte (2)
de 0'" 80, laquelle soutient l'extrémité de deux poutres (3), des solives (4),
espacées de Ont 60, en tre lesqueI les s'éta le un treillis de roseaux, ct par-dessus,
de la terre (5) tassée au pilon.
Devant les portes des maisons gisent il terre, dans la rue, des pierres,
iselli n-i(;o5an, qu'on utilise au concassage des noyaux de dattes donnés en
nourriture aux animaux. Cc sont des appareils identiques il ceux qui servent,
dans le Tiàllalin, au pilonnage des navets secs. Avec une grande dextérité,
de jeunes enfants cassent les noyaux qui retombent sur la pierre, gràee à un
bourrelet de loques (6), fait à la façon du coussinet de téte des mitrons des
villes.
A noter dans nombre de maisons, des niches (7) il pigeons établies dans
les encoignures des m urs ct dans la cage d'escalier.
Ksar d'lbaghaten. - Les maisons paraissent plus grandes. Sons la
tinib6a, souvent largemet~t ouverte, on a construit un bassin destiné ft
recueillir les eaux de pluie. On y loge le porte-cruelles, lmâ/unil n-uq!Î!.
Ainsi, cc qui constitue les caractéristiques les plus nettes de la lad-
dari. il savoir: l'ouverture ménagée dans le toit et le bassin bàti au-dessous,
s'observent dans ces régions lointaines quels que soient les districts, ceux
des chorfa de Meski, des fractions Aït-'At(a d'Aoufous, des Arab-Schbah
d'Erfoud, de Guefifat, y compris le Tafilalt, où nous nous rendons.
,1) a,~(lmma,~. - (2) abuli. - (3) lq ,'!nde rt. - (4) tigeJda. - (5) "Sûl. - (6) taz;!üt.
(7) lrel.! n-ithircn. JI est l:Ii t conlillerce de pigeons dans les n,arches d Il Sud. On sait que
les lorgerolls, d·origine saharienne, établis dan,; les villes marocaines, ell élèvent aussi dans de'
niches qu il suspendent dans leur atelier. Leon l'f\{l'ù,ain, t. Il, p. 128, signale aussi que parmi
les gens de Fès « il y en a plusieurs qui se délectent merveilleusement de nourrir des pigeons,
au moyen de quoi ils en ont de forts beaux et de dÎverses couleurs ... ll.
162 E. LAOUST (172]
Il resterait il tenter pareille prospection vers l'Ouest, le long des vallées des
rivières sahariennes, nées du Haut-Atlas, dont le Ddt, la plus longue, la plus
riche.
A vrai dire, ces régions nous sont fermées, il l'exception des hautes
vallées qu'on a visitées, et sur lesquelles on a quelques renseignements.
La lacune est d'importance. Depuis de Fouc,wld, on sait que l'archi-
tecture de ces vallées, que caractérise une ornementation murale riche et
abondante, unique dans l'Afrique du Nord, constitue la vraie parure des
oasis, dont, i1 juste titre, les Berbères s'enorgueillissent.
Du Talilalt au Drù les pistes ne manquent pas, il travers la zone semi-
désertique où règnent les Aït-'At!a turbulents. On trouve des fractions de
MI)amid installées il la fois au Tafilalt ct dans le coude du Drù. Tamegrout et
sa zaouïa attirent de loin pèlerins et khouan.
Mais la route naturelle, sinon sûre ct à l'abri du Nomade, gardée de
ksour ct de tours, emprunte le Ghcris, le Ferkla, le Todghout, le Dads, et,
par les hauts passages de l'Atlas, gagne Marrakech, le Maroc du Makhzen.
Une grande animation règne, dès la bonne saison, sur les pistes qui, par le
Tizi n-Tichka, déversent sans arrôt dans les deux sens, caravanes, animaux,
piétons groupés et isolés. C'est aussi et surtout le chemin du Drà dont la
jonction avec celui de Tafilalt, dans le district d'Ouarzazat, fait de ce point
la plaque tournante du Sud.
D'autres passages, moins sUivis, le Tizi n-Fedghat, le Tizi n-Aït-Imi,
l'fzourar, mènent encore, parfois non sans danger, vers Demnat, Azilal, le
Tadla. Des tribus trarlshumantcs les ont souvent franchis. Les années de
disette amenaient en force dans ces parages certaines fractions d'Aït-'Atta
du Sahara, venues se ravitailler en grains jusque clans le Moyen-Atlas.
To LI te cette région des hau tes vallées cst cssen tiellemen t le domai ne de
la tighremt; ct dans les plus hautes altitudes, celui des demeures bal'ses et
demi-souterraines, isolées comme des grottes. La [addal't reste par excel-
lence la maison citadine des ksour et des gros villages de montagne. Mais
elle n'y est plus seule: elle y est associée i1 un type défini par un patio, non
couvert, à la façon des maisons des villes. Visiblement, on sc trouve ici dans
une zone de transition. Dans ces passages se sont heurtées des influences
diverses caractérisées par leur mode d'architecture.
Ouarzazat n'est donc pas un centre arbitrairement choisi pour l'étude
164 E. LAOUST [174]
de l'habitat. Il n'est pas indifférent non plus d'y ê1re normalement conduit
et d'y achever cette enquète.
Le district d'Ouarzazat doit son nom it la rivière qui le traverse et qui,
au delà, joint ses caux il celles du Dac1s pour former le Drà. On y compte
quelques ksour bàtis sur les berges d'un lit caillouteux, large de plusieurs
centaines de mètres, dans lequel s'insinuent des l1lets d'eau courante qui
r...---...----..l--l~
2,00 A~anll AfJanu
Tif/iut
foyer(!!) Ve-'ltibule.
7akat
2.00
.
Ahanu
lfeaf;a/
TafJanut
/zdor n~ tgemmi n-lX/dl/m
fertilisent au passage les cultures éparses dans l'oasis. Le climat y est chaud,
pénible, surtout à cause du vent violent qui se lève du Sud, chaque jour,
vers midi.
Les populations pauvres et paisibles se composent en grande majorité
de Baratin, de Berbères blancs et de Juifs, à la merci de quelques Seigneurs,
dont le Khalifa des Glaoua, Si Hammadi, lui-même frère aîné du Pacha de
Marrakech. Il a sa résidence au ksar de Taourirt, le plus important du dis-
trict. Sa magnifiq ue demeure domine à l'écart la masse des maisons de terre
[175] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 165
fauve, aux façades décorées, grou pées le long de ruelles étroites, et dans
l'ensemble, d'assez bonne apparence.
Le berbère est la langue familière. Il est clair, aux premières phrases
entendues, Clue le pader s'apparente ù la tasel/zit et non ù la tama:;ibt des
transhumants et des ksouriens du Ziz. II est clair aussi qu'il s'en rapproche
par nombre de particularités et que le Dril constitue, en gros, une démar-
cation linguistique.
Changement de terminologie. La maison se dit tigemmi, et non plus
taddart (fig. 79); la porte d'entrée, t(ftiut; le vestibule, lâlu; la pièce « cen-
traIe)), i:;dol' n-tgemmi, éclairée par « l'cei] de la maison ), tit n-igernmi.
Dans un angle, les escaliers, rJéskal; sur deux côtés, des chambres, aflanu,
1 lagendurl'
4(JëJnt, Pou/ailler
1
Ah8nu
t-
,.Q.. h/rat
~
0 . Vérc.'mda Il?
-- 7adu//
1-
~ -;';-lIOOl
-
1 •
1 lë rro-s,s e.
•n
1 -tfj'emm/ : pOl~r
1
V,drando
ffinl___ JI chevres
mouton.s
7ânu~J!t
1aduh'
Ter.. resse
geoire, asds, ét:t1)]ie entre deux piliers. Le plafond repOS(l SUl' quat re gros
piliers carrés, .~.~irit, de briques de terre, attu/J, endllits d(l IJ()ll<'. La dmr-
pente comprend des poutres de palmier, /qëndel't. des solin);;. i,qeida. un
couvert en roseau, a,(janim.
La famille vit à l'étage (fig. 80), clans de petites lJiôees qui COITCS-
pondent aux magasins du rez-de-chaussée, établis autour du trou de lumi('!rc,
et. de prMérencc, dans une sorte d'appentis formant galerie sur le devant de
ces pièee~. Ces cli:llnlH'es Jongues ct (Hroites se compartimentent en petits
réduits aux parois de roseaux. Les uns, tamullt, servent de cuisine, de
magasin, /'(iol:!t; un autre, tagëmjlll't, de poulailler. L'usage est de loger les
volailles il l'étage, ainsi que d'autres petits animaux, cbiwres et moutons,
plus à l'aise sur la partie de la tenasse, tadûli, non recouverte par des cons-
tructions.
La maison visitée s'agrémente à l'extérieur de motifs emprunt(~s il la
décoration des grandes kasba. Le plus souvent rappell~ est une maill de
Fatma, très stylisée, en forme de palmette il cinq branches (fig. (7). A j'in-
térieur, une innovation assez inattendue: « l'œil de la maison)) s'en(:adre
de quatre be1les fenêtres en forme d'arc outrepassé. L'une d'elles est fermée
par un entrelacs irrégulier de roseaux qui rar)pe]]e la grille de fer des
maisons citadines.
Dans Ulle maison voisine, on observe dans le vestibule une banquette de
terre portant deux moulins mis ainsi it la disposition des voisins. Dans la
grande pi('ce, au lieu d'un bassin, une fosse il fumier, aqllid, utilisl~e comme
feuillée. Lu mobilier, d'une indigence nulle part aussi grand.', ,~\) dis! iI1gue
par un moulin de grandes dimensions. Un mortier de bois, aJ(~l'du, et son
pilon, asrjel', également de grande taille. Des cruches au galbe régulier.
décorées d'une ligne de couleur brune qui en épouse les formes selon une mode
fort en faveur dans le pays du Sous, et la province de Demnat. Un foyer,
tokat, il forme intl)rieure de marmite, noyé dans un massif de glaise de
Om50 de liaut, fendu du côté où l'on introduit le combustible, au rebord
garni de trois aspérités rappelant la disposition en triangle du foyer pri-
mitif. Le plus curieux,]e poulailler disposé:'t l'étage, avec niches et pondoirs
superposés dans une construction de bouc et de torchis, et dont sont pour-
vues tou tes les maisons berb()res ou jui ves.
Il ne semble pas que les maisons des ksour, si nombreux dans la vallée du
Drâ, se distinguent du modèle ci-dessus. Toutes possèdent un « rez-de-
[177) L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 167
chaussée n, i,~drir n-tgemmi, surmonté d'un « étage Il, aifâlu, éclairé par un
« puits de lumière n, üt n-tgemmi, au pied duquel se trouve invariablement
une petite « fosse n, agurji, où l'on entasse le fumier et les immondices.
Parmi les expressions relevées, les unes dérivent de l'arabe; les autres
sont berbères et caractéristiques du parler tasell,tit. La plus suggestive
désigne ce « trou)) de lumière, qui éclaire l'intérieur de la maison. On l'a
signalée sous sa forme analogique arabe : ëain erjrjâr, à Midelt-Juif, au
Talîlalt. Le plus curieux, c'est qu'elle nous ramène, d'une manière assez
inattendue, au monde des transhumants.
On rappelle que, chez les Beni-Mtir, les Iguerrouan, tit n-(ijemmi
désigne le « douar 1), et chez les Aït-Sadden la « cour» carrée de la ferme,
,1\'ec son tas de fumier. Que tigemmi, ehez les Beni-Mguild, est également le
« douar J), le « centre du douar 1) chez les Aït-Seghrouchen, la « cour de
l'ig-hrem J) chez les Zayan, comme taddart cst le « centre d'un bivac» chez
les Zemmour.
La confusion entre ces expressions n'est qu'apparente, elle trahi t
l'origine saharienne des transhumants du Maroc Central, qui ont appliqué
au « bi \Oac n la terminologie de la « maison » saharienne.
'" les murs de l'enceinte sont parfois percés de petites portes qui donnent directement accès
vers j'extérieur.
'" contre le mur de sa maison une femme a plaqué dans de la bouse de vache des coquilles d'œufs d'une
couvée nouvcllement éclose qu'clle s'imagine protéger ainsi de la serre des oiseaux de proie, ..
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[179J L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 169
**li!
Il ne convient pas d'isoler la taddart du reste de l'Afrique du Nord,
bien que ce soit au Maroc où son aire d'extension est la plus vaste.
A l'Ouest du Drâ, dans le Sous, l'Anti-Atlas, le Bani, c'est le type à
grande cour ouverte, qui semble avoir la prééminence. Comme aussi vers
l'Est, dans les oasis du Touat, du Gourara, du Tidikelt. Mais le type réap-
paraît au Mzab, et, sans doute aussi, dans la lointaine Ghdamès.
La maison du Mzab est aujourd'hui bien connue. On lui a consacré une
étude complète (1). On se dispensera d'en refaire la description. On dira
seulement que les améliorations qu'elle comporte n'altèrent pas le plan tra-
ditionnel, ni le principe qui a présidé à son édification. Aussi, les conclusions
de l'auteur, au sujet de son origine, valent sans conteste pour la taddart
saharienne et marocaine.
La taddart est la réplique de la. maison romaine des premiers âges,
restée en terre berbère, dans sa simplicité archaïque et conforme aux besoins
d'un peuple de laboureurs et de soldats.
La famille se tient dans l'atrium (ammcis n-taddart), grande salle
éclairée par une ouverture rectangulaire, compluvium (tinibba, tit n-tgemmi),
percée dans le toit et entourée de cases. Au milieu est creusé un bassin,
impluvium (aMûr, agurji), destiné il, recueillir les eaux de pluies. C'est dans
cette salle ff qu'on dort et qu'on mange: bien des gens y soupaient encore
au temps d'Horace. C'est là aussi que travaille la maîtresse de maison ... ;
l'habitation romaine .n'a jamais compris d'appartements spéciaux pour les
femmes (2) ».
Cependant, comme la maison berbère, la romaine « distingue toujours
deux parties, l'une facilement accessible aux visiteurs, l'autre réservée stric-
tement à la vie de famille».
Les chambres latérales servent de magasins, de salle à manger ou de
chambres à coucher, car « les fils mariés continuaient souvent de loger chez
leurs parents, comme dans la famille de Caton Il.
Dans un coin de l'atrium ou d'une des pièces latérales, un escalier con-
(1) Marcel Mercier, La ciDili.•ation urbaine au Mzab, Alger, 1922. - Voir aussi, sur la maison
mzabite: A. Bernard, Enquête .•ur l'habitation rurale de l'Algérie, p. 40.
12) Cf. Oeremberg et Saglio, Dict. des Ant. grecques et "Qmaines, article domus, de P. Mon-
ceaux. - Gsell, Monuments antiques de l'Algérie, t. If, p. 15.
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170 E. LAOUST [180]
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FIG. 81. - Volubilis: la Maison au Chien (Échelle Oem 5 p. m.l. - Entrée vers le î':ord, sur la
place de l'Arc-de-Triomphe De chaque côté de rentrée, pièces donnant vers l'extérieur et
isolées de l'habitation (boutiques probablement): - Deux entrées. une pour piéton isolé,
J'autre pour litières I?I. - Atrium, avec bassin central bordé de colonnes - sur les côtés,
chambres et bains.
[181] L'HABITATION CHEZ LES THANSHUMANTS DU MAHOC CENT HAL 171
duit il, l'étage supérieur. Cet étage a des fenêtres sur la rue. Jusqu'à J'arrivée
des artistes grecs, la décoration des murs resta rudimentaire.
Telle fut la vieille habitation des Romains. Telle paraît avoir été dans
ce pays la « Maison du chien» de Volubilis (1) (fig. 81).
Telle est restée la maison berbère (2).
Mots arabes
(1) Cf. Dozy, Suppl. aux dict. arabes, p. 663 : ~~_, ordinairement, signifie « portique,
galerie couverte); ~;... « plancher, plafond n, passé en berbère sans doute par l'intermédiaire
de l'arabe, mais à identifier au latin scapha 1( esquif, barque », etc:.
(2) Marçais, Ta,!-yer, p. 249.
(3) id., p. 269; Mots et choses berb., p. 6.
(4) Dozy, p. 858, .:.,1);;"" « grande tente, tente de chef n; Marçais, Qg. obs.· sur le diet.
Mots berbères
expulser les ordures Il, p. 106. - Beaussier, Dicl., p. 411, donne de son côté : :l~ fj ({ bec de gar-
goulette, cie cafetière - petite gargoulette il fond étroit et dont le ventre est muni d'un bec Il.
(3) A rapprocher de tinippdt l( trou dans un mur Il, Dads, cf. S. Biarnay, Sim temtes du dial.
!Jerb. des Bel'aber de Dadès, p. 14.
(1) Même forme et même sens en ta~el{tit, cf. Destaing.
(5) Cf. a~mma~, en rifain; cf. Biarnay, ]j't. SUI' le ,liai. berb. du Rd, p. 41. - l'cmmris, pl.
8!1l17me.~ (( poutre transversale arqnée qui, dans la charpente, soutient la poutre longitudinale )J.
«. S. Colin, Pal'le,' al'. TaJa.
(6) Cf. H. Schuchardt, Die Romanischcn Lchnw6rtcl' im Bcrbcl'isclwfl, p. G4.
(7) Dans le Maroc du Nord, glÎl'cb, pl. gWlÎl'cb, désigne les (( deux petits lllurS qui supportent
le' pignons)) triangulaires d'une chambre, appelés qal'Mis chez les Senhadja des Sraïr : grec z",-
p"'v'o;; bas-latin ccll'àbll8 (( barque)). Il Y a parenté d'idées entre « charpente n et (( navire n ; cf.
G. S. Colin, li'l!!,//,. magl'':1I., p. 77.
(8) Le mot fladil' appartient certainement it la langue phénicienne, comme l'indiquent
Pline et Festus Avienus; il signifie (1 lieu clos n. S. Gsell, Histoire anciennc dc l'A/I'ique du
Nord, t. l, p. 404.
(9) Cf. G. S. Colin, EtYlnal. magribincs, n" 75.
(10) Cr. G. S. Colin, op. "it., p. 95 : dans l'Afrique du Nord, les mots (' cintre, arcade, voûte,
coupole») sont en grande majorité d'origine eurOpéenne. - Dozy) Suppl.) p. 412. - Marçais
T«I/ger, p. 294.
[185] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAHOC CENT HAL 175
***
On remarquera que les mots emprunt(~s au gréco-latin sont disséminés
dans la masse des parlers berbères de la Libye à l'Océan, qu'ils constituent
un ensemble complet d'expressions se rapportant il l'habitation telle qu'elle
pouvait exister en Berbérie avant l'arrivée des Musulmans.
On relève des mots relatifs il la « construction) : mur, seuil, cintre,
chambre, chambre d'hôtes, poutre. D'autres au «( mobilier) : lit, foyer,
four (1), sac, coffre à grains. D'autres aux «( dépendances)) : jardin (2),
fournil, grenier, poulailler, gerbier (:3), meule de paille.
Évidemment, ce regroupement, tout artiliciel, ne répond pas il l'état
actuel des choses. D'abord le vocabulaire de la maison étudié en région
saharienne et montagnarde ne comporte aucun nom latin. Ceux-ci figurent
en nombre de trois ou quatre en Tripolitaine, au Mzab, dans les massifs
littoraux de la Méditerranée, de la Kabylie à Tanger, c'est-il-dire dans des
régions dont les parlers s'apparentent à la -Jenatya. Et, il l'exception de la
maison du Mzab - conforme au type ksourien et transhumant - ils dési-
gnent des particularités propres il des types assez divers.
***
On se doit de constater le nombre élevé de termes arabf~:-;. "1 ,IIII-"i leur
importance au point de vue sémantique. Ils figurent, en majorité, dans la
maison ksourienne et y sont essentiels, par exemple: mur, porte. seuil,
fondation, terrasse, chambre, pilier, fenêtre, gouttière, égout. Mais on
ignore leur histoire, leur provenance, l' époq ue où ils se son t in trodui ts dans
le pays, quoique, de toute évidence, ils soient familiers iL toute l'Afrique du
Nord et caractéristiques du vocabulaire citadin.
Certains pourtant sont localisés, halu (Tounfit); $.5îwan (Ksar Essouq);
et la plupart, il consulter le Dictionnaire Dozy, étaient connus de l'Espagne
musulmane.
Le fait remarquable est qu'ils n'impliquent pas toujours l'importation
'" les bâtiments de nO'hrem Ou-Tnakrawin sont disposés autour d'une cour carrée et couverts
d'un toit de"planches où des cigognes ont curieusement bâti leurs nids ...
'" les larges planches de cèdre qui forment le couvert sont de longueurs inégales et débordent
le haut des murs qu'elles protègent ainsi. ..
[187] L'HABITATIaN CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 177
passent pour étre originaires des Aït- Yahya et des AH-Hadiddou, les
occupants actuels du versant Sud du Djebel elâyyacbi (1).
Or, les Aït-Hadiddou distinguent entre eux des Zoulit et des Afidoul
qu'ils ne considerent pas de méme race (2). Les premiers occupaient le
Tiàllalin. Ayant encouru la disgrùce de Moulay Ismael, ils furent dispersés
ou déportes, et leur pays, quelclue peu après, occupé par les Aït-Izdeg venus
du Todgha.
Les Aït-Hadiddou de Midoul forment, au contraire, une grande tribu
homogene qui occupe actuellement les hautes vallées du Ziz, de l'assif Mel-
loul, de l'Ametrous ct de l'Imetras. Une légende les fai t descendre d'un
certain Midoul, fils de Jalout, ancêtre des Berbères, qui eut encore d'autres
fils, dont Zoulit, Malou, 'Atta ct Baïbbi. A l'exception de cc dernier, dont
on ignore la postérite, les autres furent les fondateurs de grandes confédé-
rations de tribus.
En réalité, Midoul, comme AJalou, sont des noms communs (3), arabisés
par l'auteur de la lôgende qui en a fait des noms propres. lYJidoul, en
particulier, est signalé, comme ethnique ~t expression onomastique, en des
régions les plus diverses du Maroc. On trouve des Aït-Oumegdoul (ou
Oumegdal) près d'Ouaouizeght. Sidi j\!JefJdoltl est connu comme le patron de
Mogador. On relève, chez les Idaou Zal, un lieudit Amegdoul, siège d'une
zaouïa ou lieu de pèlerinage (4). Midelt, dans la haute vallée de la Mou-
louya, est le nom actuel et usurpé d'un poste et d'un centre de colonisation
en création. Le nom connu des indigènes est Outat n AH-el-Hadj:
"fide/t ôtant le nom d'une gara isolée et déserte (jui s'en trouve distante
d'une dizaine de kilomètres vers l'Ouest. On rétablira l'expression sous la
forme tamidelt ou temidelt.
Sous cet aspect, le mot nous reporte en Tripolitaine où il est familier
aux parlers zénètes des populations berbères du Djebel Nefousa (5), Nalout
et Fassâto, avec le sens, qu'on lui connaît au Maroc, de «( magasin, de
chambre à l'étage» et correspondant de l'arabe ~}. Il .Y a là une trop
grande conformité de sens et de forme pour croire, en raison de l'éloi-
gnement' à un rappo['t fortuit.
(1) A Bernard, Enquête sur l'habitation rurale de l'Algérie. - E.-F. Gautier, Les siècles
obscurs du Maghreb, p. 217.
182 E, LAOUST [192]
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au toit pointu de planches de cèdre domine tout le pays que l'on voit à perte
de vue couvert de moissons qui mllrissent et de fermes dissiminées
(PI. XXV). Altitude: 1.250 mètres.
L'enceinte est un carré de pisé d'une vingtaine de mètres de côté, bas-
Il) Effectuee en compagnie du Cl Ayard, du Service des Affaires Indigènes, région d'Aïn-
Leuh.
PL. XXX
des maisons à double toit de planches ou de chaume s'observent dans toute la vallée
du Haut OUlll er-Rebiâ ...
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tionné aux angles de petites tours basses, dégradées, couvertes d'une terrasse
plate et débordante (fig. 82). La porte est percée dans le mur ouest, pro-
tégé des pluies par un revêtement de branchages feuillus. A l'intérieUl',
les maisons au nombre de huit sont disposées par moitié de chaque côté
d'une cour, are~lbi encombré de détritus et de fumier, où le gros bétail
parque la nuit.
Les maisons, taddal'{, toutes du même modèle, occupent une même
superficie couverte, et se composent uniformément de deux chambres. La
premiôre, ;'1 laquelle on accède de plain-pied, est de forme carrée :
5 mètres X 5 mètres. de plafond élevé, et prend jour uniquement par la
porte entr'ouverte. Aucune taznunt ou fenêtre ne l'éclaire, aucune ouver-
ture ne laisse d'issue à la fumée qui recouvre un peu plus chaque jour les
murs et les choses d'une couche noire de suie. Le foyer est en efl'et établi
dans cette pièce encombrée de corbeilles il, grains, d'objets accrochés aux
murs, de récipients de toutes sortes répandus à terre dans un pôle-mêle
inex tricable.
La deuxième chambre, bàtie à la suite, fait avec la précédente un con-
traste complet. Utilisée comme pièce de repos ou de réception, elle est
presque propre et gaie, avec sa natte étendue et son service il thé. Une
porte basse, perct"e dans le mur d'enceinte, la met en communication avec les
jardins établis aux abords de l'ighrem et lui apporte, avec la lumière, l'air
pur du dehors.
Les oceupants sont des transhumants, sauf un qui est menuisier. On
nous donne eet « ighrem_)) comme ancien et représentatif d'un type assez
courant, abritant Je sort de quelques familles unies par le sang.
(1) asqif.
[197] L'IIABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 187
On l'édifie, en même temps que la maison, sur des piliers de bois qui
supportent, par l'intermédiaire d'un sommier, une couverture faite de pou-
tres, de solives, de branchages ou de planches.
L'enceinte est carrée; les angles sont pourvus de tours basses légère-
ment pyramidales, protégées dans la partie haute par la terrasse formant
auvent. Le pisé, surtout sur la face Ouest, est fortement dégradé, et porte
partout les traces de réparations maladroites faites à l'aide de pièces
maçonnées de pierres et de madriers de cèdre ancrés dans les parties crou-
lantes (Pl. XXI). La porte s'ouvre vers l'Est.
Les propriétaires transhument; ils campent actuellement dans le Jbel
où sont les moutons. Quelques étrangers ont élu leur domicile à l'ighrem ;
un Chleuh ya même ouvert une boutique où il vend des bougies, du sucre
et du thé.
Cet ighrem est typique du genre. A l'époque de la transhumance
d'hiver ses gens forment un seul douar. II se compose de quatre l'ij}' consti-
tuant une ti,riest, exceptionnellement un igs complet. D'une manière générale,
l'igs se répartit en deux, trois et même quatre igherman autour desquels
sont les taggurt ou parcelles de terre.
La répartition des familles dans le douar et dans l'ighrem est d'autant
plus remarquable que la cour de l'ighrem bordée de maisons rappelle la
disposition des tentes dans le douar. Cette cour porte du reste le même nom:
tiyemmi (Ait-Arfa du Guigou), isûwen, pluriel de aslln (Zayan). Comme
le douar, l'ighrem a son nom propre qui est celui d'une grande famille,
précédée imariableIpent du mot art « fils ).
Mais il y a aussi dans le monde des transhumants une hiérarchie sociale
reposant sur les fortunes qui s'expriment en troupeaux et en terres. Le
paysan riche et même simplement aisé s'évade des sujétions qu'impose la
vie en collectivité en possédant son « ighrem » qui porte son nom. Ce sera
l'ighrem de Driss, de Bou-cAzza, de Ral,ll,lo, de Mol,land-ou-Bamou, etc.
Ce qui frappe dans l'ighrem des Aït-ben-cAHo, c'est justement le
nombre de maisons vides, abandonnées ou en ruines. Les propriétaires se
sont installés plus loin dans leurs champs. Mais leurs tentes reviendront se
'grouper aux autres pour un temps, quand les douars reprendront le chemin
de l'azaghar.
Quant aux familles que la pauvreté parque encore dans la cour de
l'ighrem, il est visible qu'elles font effort pour en sortir. Elles ont percé les
188 E. LAOUST [198]
lui seul. Les pauvres se groupent en familles de même sang. L'ighrem, clans
ce cas, compte des bàtiments plus nombreux, mais plus petits. L'ampleur
de l'édifice est différemment affectée selon les facultés et les besoins des
occupants.
La répugnance des femmes à vaquer aux travaux domestiques dans des
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FIG. 84. - fgrem chez les Aït-Sgougou (occupé par une famille et un ou deux fils mariés).
(1) këf";,w (( cuisine Il, également 11 Tanger et 11 Fès; 11 Rabat : ko.~.~;na, du mot espagnol
(( cocina 1); ilalien : Gucina, cf. Brunot, op. cif., p. 124. .
(2) a~Jà! ii~,.em. - (3) W'e1ttîn, pl. de Ujlüt. - (4) fâëa,
190 E. LAOUST [200]
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FIG.
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FIG. 86. - Plan de lïgrem ou-Tnakrawin aux bâtiments couverts d'un toit
à double pente (Aït-Sgougou).
occupe au milieu de bonne8 terres un emplacement sur une pente qui domine
le fond d'lll1e vallée aux flancs tapissés de cèdres. En contrebas, coule le
petit canal sinueux amenant de la rivière l'eau nécessaire à l'irrigation des
champs de maïs. Un métayer confie ses semences au sol au moment de notre
wnue - mi-juin - pour ne récolter qu'en octobre (PI. XXXI).
On entre par un porche orienté vers le levant, surélevé d'un grenier
auquel on accclde par une échelle fixée dans un coin (fig. 86). A l'in-
térieur, lIne grande cour, liyemmi, olt sc trouve dressée une tente d'àzih,
où jouent péle-méle des enfants demi-nus et vaquent iL leurs travaux, des
femmes de translwmants. L'une d'elles trait une vacbe (Pl. XXXI).
Autour de cette cour, sur les quatre oMés, quatre bittiments pareils, longs,
bas et étroi ts, curieusement recou verts de larges planches de cèdres, dont
les bouts inégaux dépassent et protègent le haut des murs. Cette dispo-
sition empécbe d'accoler les bàtiments les uns aux autres: un espace vide
sépare nécessairement le grand côté de l'un du pignon qui lui fait face.
Ces bàtiments - laddarl - se composent d'un rez-de-chaussée légère-
ment en contre-bas et surélevé d'un grenier. Ils mesurent 15 mètres de
long, 2 ln 50 de large, mais ils sont assez bas de plafond. On y pénètre par
deux portes. Dans la partie de droite on note le foyer, un coffre it grains (1),
un filet pour les vêtements et les tapis (2), l'appareil a battre le beurre (3).
L'angle opposé est tout entier occupé par une grande ttal'ma. Le plafond
qu'on touche presque de la main sert de plancher, tal'sis, au grenier. Il est
correctement établi au moyen de belles planches reposant Sil!' d..s s,)lives
encastrées dans les murs.
Quant au grenier, il recouvre entièrement la taddart dont il a les
mèmes dimensions. On y monte de l'extérieur par une é<:helle qu'on applique
umtre le rebord d'une porte (4) étroite ct basse laissant tout au plus passage
;'1 un homme courbé. On y répand le grain sans sc soucier de J'enfermer
dans quelque réci pien t, mais on en tient les portes soigneusemcn t fermées
d'un double cadenas.
L'usage du toit it double pente apporte une modification dans la cons-
truction des murs transversaux formant les deux pignons. Ils sont nécessai-
rement il, pans obliques et supportent it leur sommet pointu la poutre mai-
Il) ~,'on(lO.q imëndi. - (2) sl'îr iqiiûiilfn. - 13) issënda, voir infra.
(4) lalr'l!;â~t, diminutif de li!1H1!J (c porte J), d;UlS lequel se trouve inclus le résidu 1 de l'ilrticle
aralle.
[203] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 1~3
***
Ce dernier type de maison terminera pour nous l'étude de l'habita-
tion du tranRlmmant. On peut maintenant sc demander s'il est tellement
différent de l'autre type que caractérisl{ sa terrasse plate, et RanR diRcuter
la question de son origine, rechercher il, la suite de quelle influence on le
trouve localisé Ht-Il est probahle que nOR curiosités resteront non satisfaites.
Mais, il établir, en dehors du Maroc Central, l'aire de dispersion géographi ...
que de la taddaJ'l ( rurale n et ( villageoise n, ainsi qu'il a ùt(~ fait pour la
tC/rida,., « (~itadine \l. et « ksourienne ll, il est possihle de dégager des ensei-
gnements utiles it la question de l'habitat rural, it ses modes d(: dispersion
et de grou pemen t en régions l'es tées berhères.
Toulal
(1) lmi'fl'za.
(2) Et aussi cbez les J3eni-M~ir.
194 E. LAOUST [204]
même nom. Elles sont bilingues; leur parler berbère présente toutes les
particularités des parlers du Sud. A travers leurs tribulation;;;, il peut être
intéressant de voir dans quelle mesure elles ont modilîé leur habitat.
Du ksar ou de l'ighrem saharien, Toulal a l'enœinte de pisé, bastionnée
sur ses quatre faces de « borcljs II bmnlants, entourée ~t l'intérieur d'un
boulevard circulaire; une porte monumentale orientée vers l'Est; une
mosquée bàtie près de la porte et d'un lieu de réunion appelé amidûli;
Cour ectu'll?
LM
1/
1/
Il
.,lI
N4)'ii7:P/","/; /
qrande //,,/Cour(mrr:Jt1J
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(1) Iw'z(!,
[205] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENT HAL 195
Mais, telles qu'on les a bâties, en murs de pisé reposant sur des assises
de pierres, ces chaumières - faddal't ou IMt - se distinguent de la maison
du transhumant montagnard par ses dimensions et le mode de construction
de sa toiture, différences imputables à la pauvreté ct au genre de vie des
occupants, comme à la rareté d'un matériau - le bois - cher et importé.
Une terrasse ordinaire tient lieu de plafond, le chaume remplace les belles
planches de cèdre. La charpente se compose de chevrons reposant sur la
crète des longs murs, et sur la poutre maîtresse qui constitue le faîte du·
toit. Mais il est visible que la construction des pignons a mis la technique
du maçon à une pénible épreuve: il a le plus souvent éludé la difficulté
en dressant sur la terrasse un simple pilier de pierre.
La maison de Toulal est aussi pourvue d'un grenier, aé.aril;, auquel
on monte au moyen c1\me écbelle, et où l'on conserve des légumes et des
provisions. Elle n'offre, p~~r ::illeurs, aucun décor, hormis des traits verti-
caux de couleur, au nombre de einq, comme les doigts de la main, séparés
ou réunis par une ligne: vague rappel de la (( main de Fatma », stYlisée en
palmette, en pays ksourien.
Cette demeure se rapproche de la (( nouala 1) à base quadrangulaire avec
laquelle, cependant, on ne saurait la confondre. Dans la hiérarchie des
habitations, elle constitue un type plus élevé, et, semble-t-il, caractéristique
des pays pluvieux du Nord, Hif, Jbala, Haouz de Tanger (1). C'est dans ces
régions que notre enquête devrait se poursuivre: mais on en restera là.
On ajoutera seulement que la « nouala» est actuellement inconnue des
transhumants bien que, de son temps, Léon l'Africain ait pu appeler leur
pays, le pays des « nouail ». Mais elle prévaut, aujourd'hui, au Sud de Fès,
en direction de Sefrou, groupée en mechta, habitée par des populations
séc1en taircs qui y vi ven t avec leurs animaux. Sa terminologie est arabe, à
l'exception du mot iss ((corneiJ, qui en designe le sommet du pignon, le faite
du toit. Dans une association de (( nouala», il importe gue cette (( corne» ne
soit pas dirigée vers ce seuil de la construction voisine, car ce serait désircr la
destruction de ses occupants. On a signalé une croyance identique il propos
de l'installation des tentes dans le douar. On peut même sc demander si la
(1) Sur l"habitation en ces régions, voir Michaux-Bellaire. La ~rtddart de Toulal est aussi a
rapprocher de lhabitation des r('gions Abda-Doukkala, é,~alement constituée par un ou plusieurs
bâtiments longs et étroits, cou verts d'un double toit de chaume et enclos dans une enceinte fer-
mée. Mais les murs sont en pierres sèches, et plus larges à la base qu'au sommet. - Carleton
Stevens, Tl'ibes 0/ the Rif, in Harvard A/I'ican Studies, vol. IX, p. 67-73.
H1G E, LAOUST [206]
Ils ont vécu longtemps dans des nouala (2) de roseaux, encloses dans une
enceinte de pierres sèches (3), qu'ils délaissaient au printemps pour aller
faire paitre leurs troupeaux et fuir, en môme temps, les puees qui pullulent
il la belle saison. Chaque famille avait clone sa tente (Ll) où elle vivait jusqu'à
la ehute des fortes pluies d'hiver qui obligeaient alors hôtes et !yens ;'l
reg,lgncr la nouala. La tente avait encore cet avantage pr'~l'i"lI \ dt' leul'
permettre de s'enfuir devant les razzia des Aït-Ouaraïn.
Ils possèdent aujourd'llUi des ahris moins précaires dont les éléments
essentiels peuvent avoir été emprunÎ<is da.ns le pays môme. En plus de la
tente et de la nouala qu'ils ont eonservées, ils construisent des ighrem et des
bil.timcnts d'importance moindre -- laddar/ - qu'ils agenœnt diversement,
selon Jeur ridwsse, (m më,sta et en tiyëmmi.
(1) Les renseignements nous ont été fournis par un de nos élèves, M. Ben Yakhlef, qui a
séjourné plusieurs années dans la région.
(~I inülan, pl. de anu,u:al. - (3) (d!J(Ïf', pl. iS!J('il'f'. - (4) a6am.
[207] L'HABITATION CHEZ LES TnANSHUMANTS DU MAROC CENTHAL 197
prenan t jour par une ou plusieurs fenêtres (1) et qu'on nomme taddal'l ou
16ft (fig. 88). Les deux noms paraissent ici en concurrence, quoique les Ait-
Imloul (2) réservent le premier à toute chambre eouverte d'un toit de
chaume, et le seeond il la eonstruction couverte d'une terrasse. On sc; trouve
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FIG. 88. -
(ent";e)
Tiyitmmi chez les !\ït·Sadden.
A}m~~i . foyer
(11 ta!!aqt.
(2) Fraction des Aït-Sadden.
(3) Le (1 seuil ») s'appelle rrttiZ i!lbdb
(41 Voir infra.
(5) .~r;li'iJ.'.
(6) 19aiza.
198 E. LAOUST [208]
111 "";'1'111, pl. laS/Ulm n-ssûbl'a. - (2) iganîmen. - (31 tiyitz(ll'nt, - (4) alitH.
(;;) tamala(tt, le mot est arabe, mais le berbère s'est conservé sous la forme amezIN7g qui
l'enferme l'idée de (( rouge» dans le parler arabe de la région de Taza, cf. G, S. Colin, p. 105.
(6) taIJabbaf·
(i) lasifmlÎllla, même expression chez les Beni·Snous (cf. Destaing).
(8) ta/'wa.
(9) aJ/'îb, fait d'une haic de jujubier sauvage appelée al,'ay, dans laquelle on ménage un
passage qu'on peut boucher au moyen d'une brassée de branchages, tasifffa.
(10) On y trouve le lieu, asecldi, Ol! l'on passe la tête des agneaux au mOIllent de la traite
des mères, et l'entrave, sslebt, tendue entrf~ deux piquets, tmcu'ust, pl. ~iwwusin, pour les ânes
ct les mulets.
[209] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 199
étable pour jeunes veaux; lbit inebyaun, chambre d'hôtes; lbit u/tandir,
petit abri utilisé comme cuisine les jours de mauvais temps. La cuisine,
anyal, a~e"îs, ou asett71r, est une petite construction légère et indépen-
dante, bâtie en roseaux et couverte de doum, qu'on adosse à la chambre
servant de logis. Les femmes y installent le foyer et le moulin. Elles aiment à
se réunir pour fIlel', cardet' on causer en tre elles dans une construction simi-
laire, bâtie devant la chambre des hôtes, et où l'invité entrave son cheval.
Le mobilier ne comporte aucun olJjet nouveau. Le lit (1) établi dans un
coin de la chambre à coucher est une banquette de terre, au ras du sol ct
au pied de laquelle s'allonge une pièce de bois (2) qui la sépare d'une :wtre
couche (3). Des bâtons arqués (4) et encastrés dans les encoignures servent
d'étagères pour les oreillers et les couvertures. Au-dessu3 du lit, dans une
sorte de soupente (5) on range des caisses, des pots de beurre, des vêtements
et parfois aussi des objets de li terie.
Pour le logement des grains, on utilise, avec les mêmes noms, les réci-
pients déjà signalés; des corbeilles (6) d'alfa, au col étroit, de la conte-
nance d'nn moud; des silos (7) creusés dans la cour ct tenant en réserve la
grosse partie de la récolte; de grandes corbeilles (8) sans fond ni anse, en
forme de tonneaux pouvant contenir jusqu'iL dix quintaux de grains et dépas-
ser la hauteur d'un homme: on y met le grain destiné à la vente ou aux
semences, ou encore des légumineuses, fèves, lentilles et pois cl liches que
l'on a en quantité relativement faible.
La tiyemmi a1Jri te une ou plusiems familles alliées, généralemen t
composées des fils mariés et d'aisan~e moyenne. Elle a tendance a ùlgréger
à d'autres groupemetîts du même type formant plutât un gros hameau qu'un
village désigné par le pluriel tiwûmma.
(1) ~is8/; waJella. - (~) rarèJât. - (S) tissl wadda. - (4) Iqalls.
(,J)erraf. - (6) askel, voir infra. - (7) tasJ'a)'t. - (8) ssett, pl. "slat, voir infra.
(9) Par extension, c'est encore toute construction « isolée ,), fût-cc un igrem.
200 E. LAOUST [210]
même une poule. est répandu sur les fondations et sur la première pierre scellée.
C'est aussi sur l'azilal qu'à l'achèvement des travaux, se situe un autre
sacrifice, mais les lustrations s'accomplissent sur le seuil de tous les bâti-
ments nouvellement eonstruits, et plus partieulièremellt du logis.
Dans l'établisse men t de son plan, le propriétaire oriente de préférence
vers l'Est ou le Sud l'azilal de sa future construction. Si, par exception, il
choisit l'Ouest. c'est que la situation de ses terres et de ses jardins est, dans
ce cas, le facteur déterminant. La position de la mosquée fixe parfois aussi
son choix; pour des raisons de piété superstitieuse, on se tourne vers elle,
ou, tout au moins, on ne lui tourne pas le dos. Des familles en désaccord
évitent d'orienter leur azilal du même côté ann de raviver le moins possible
le souvenir des vieilles rancunes.
Les petites fermes, les tiwûmma se groupent en ordre assez lùche sur
une hauteur, parfois à proximité d'un marabout. On choisit une élévation
pour dominer le plus d'horizon possible, être au milieu de ses terres de
culture dont on s'assure ainsi une meilleure surveillance. La répartition des
terres joue un rôle d(Herminant dans le mode d'association des Aït-Sadden.
On cède des parcelles éloignées i1 des étrangers contre d'autres plus rap-
prochées de l'habitat de manière i1 constituer un domaine plus compact.
Ce groupement, village ou hameau, porte le nom berbère de ti(;est,
c'est-à-dire de « petit os n. Le mot, des plus suggestifs, évoque dans la
structure sociale des Berbères un groupement de familles assez étroitement
apparentées et se réclamant de mêmes ancêtres. Le nom du village ou du
hameau - comme celui du douar - sera le nom de cette famille, les Aït-
Hassaïn, les Aït-Abdallah, etc. Cette onomastique spéciale, basée sur des
liens du sang, est tout au rebours de la nôtre.
***
Un coup d'œil sur le vocabulaire des Aït-Sadden va maintenant nous
fournir d'autres données sur leur habitat. Leur parler s'apparente à ceux
des grandes tribus transhumantes du Maroc Central. On a déjà signalé la
présence du mot tamîdulit pris dans une acception spéciale, mais caracté-
ristique de la langue des Imidoulin dont le berceau paraît avoir été sur le
versant Sud du Haut-Atlas. Des mots se rapportant à l'habitat comme
abendi" « dépendance servant de cuisine n, tigest « hameau composé de
14
202 E. LAOUST [212]
mômes familles \), ont pour correspondants a(œnrjuf' « maison)) chez les Aït-
Hadiddou, (rjs « maison et hameau)) chez les Mgouna. Et c'est bien approxi-
mativement dans ces régions qu'il faut situer les Aït-Sadden aux premiers
temps de la reconquête sanhadjienne (1).
On remarquera d'autre part que les Aït-Sadden font usage de mots
empruntes à la terminologie de la tente et du douar pour désigner les partits
essentielles de leur maison. Ils ont, entre autres:
tiuëmmi « groupement de bâtiments divers dans une cour fermee)), corres-
pondant a (1 cour de l'ighrem carré 1) Aït-Sgougou, Beni-Mguild, et à
« douar) 13eni-Mtir, Beni-Mguild, etc.
tit n-tgëllifni « cour fermée)) du précédent, et (1 centre du douar» Beni-
Mtir; « cdl 1), baie ménagée dans le plafond pour l'éclairage de la
maison» Ouarzazat, Drà.
a~i!(j[ « passage, porche d'entrée de la ti[Jëmmi 1) et « passage entre les
tentes du douar» Beni-Mguild, etc.
tagrJul'l « de\,lI1t de porte; petite cour devant la porte du petit bâtiment
appelé tar!r!al't); et « devant de tente» Zayan; « parcelle de terre,
bien-fonds» Aït-'Atta du Sahara.
a[u.im « tento il et sous sa forme plurielle: i[uÎmën « maisons, village, lieu
d'habitation»; c'est encore le nom de la « tente» chez les transhumants;
colni « du petit corps de logis ne comprenant qu'une seule chambre »
auurim, maison, Beni-Iznacen, Kabylie.
taddart « petite maison d'une seule chambre couverte d'un toit ou d'une
terrasse»; « village» Grande Kabylie; et « eentre du dou;Il~» Zemmour.
L'examen de ces mots fait ressortir une fois de plus la parfaite identité
du vocabulaire du pasteur et du sédentaire, nonobstant l' opposi tion de leur
genre de vie. Mais la remarque est d'ordre plus g(~neral. Ce qui est établi,
en ce qui concern(~ le paysan berbère, vaut egalement pour le fellah arabe
qui appliqne le nom de sa « tente », [iêlma ou bit, à sa chaumière, et celui
du « douar» à sa petite ferme isolée, plus rarement au (( hameau ) ou au
(1 village», Dans les deux cas, la fixation au sol du transhumant ou du semi-
(1) On signale des Aït-Sadden il Tazrouft, près de Sidi-Hamza, vers le milieu du XVI' siècle,
avec des fracliolls de Zellllllour, lchqirn, Izroufen, Jmelouan, Aït-Lias, Aït-Ayyach et des Juifs
islamisés (Communication du L' Lecomte),
[213] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 203
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dans ce fait, puisque no tre enq udu est l'estée cantonnée j usq u 'ici dans le
pays des ~ani.Jadja.
L'habitation qu'on décrira (1) se trouve chez lus Oulad-Lbali; elle est
habitée par une famille composée du père et de son nIs marié (fîg. 89).
L'élément essentiel est un long b;itiment (9 m X 2 m 50), couvert en
terrasse et ne comprenant qu'une seule chambre, auquel on donne le nom
de aUulm, qui est encore celui de la « tente)J. Une série de bâtiments iden-
tiques disposés autour d'une cour carrée, close d'un mur, constitue une
maison d'habitation il usage de ferme appelée tiddal't.
La terrasse porte le nom assez inattendu de ta,;eqqa, qui est en Kabylie
le nom d'une « maison de pierres ». Elle repose sur des chevrons disposés
par paires, tous les vingt centimètres, dans le sens de la largeur, laissant
entre eux des intervalles qu'on bouche au moyen de planchettes de 0 01 :30
de long, Om 10 de large, ou de tiges sèches d'une plante analogue au jonc et
appelée !a,;a. Sur le COll vert, e!!el'J'{i/t, on étale un lit de feuilles de pal-
mier-nain (2), puis une couche de terre qu'on bat fortement.
La construction incombe ü des maçons de profession qu'on embauche il
Oudjda ct qui travaillent il la tâche ou il la journée. Dans les deux cas, le
propriétaire est astreint il leur hébergement ct aux corvées d'eau.
Dans le bùtimont que se réserve la famille on aménage le lit (3) dans
un angle, et le métier à tisser (4) au milieu. Deux petites lucarnes l'éclai-
rent, l'une au-dessus du lit, l'autre dans le fond de la pièce. Parfois un
étage (5) surélève la petite construction. Le foyer tafqont est bàti il part,
dans un abri léger, ta~e,s,sÎlet, au plafond percé d'un trou, bll-,~t[r(l'I/! (Ii) qui
sert d'issue il la fumée. Un fagot (7) d'(~pines bouche l'entrée de cette sorte
de hutte démunie de porte. Les femmes vaquent i1 leurs occupations dans
un portique couvert, asqU: attenant il cette cuisine et bùti contre le bâti-
ment renfermant les provisions.
Celles-ci possèdent leurs récipients appropriés : la farine dans des
musettes (8) en peau de mouton, curieusement suspendues it des traverses
de bois (9); les grains, les figues, les fèves, dans des grands sacs (10) en alfa
il quatre anses et suspendus il quatre piquets plantés en terre; l'IlUile dans
des outres (11); le miel et le beurre dans des pots (12).
(1) Communication de M. Ben Yakhef.
(i) ilw,,/ân. - (3) Lefttu du aLe!J:.tu, cf lat. Leeiu8. - (i) a~ëtta. - (5) Igor/t. - (6) Iw-iü,n'iL,
che;, les Beni-Snous (cf. Destaing). - 17) n!s.lJlÎn. - (8) taiLut, pl. tilleLa-Ln.
(9) i:m,rjen, pl. de <éLZ, - (10) faC(cuuat, pl. fiqel)ua(lin. - (11) a/d,lido - (12"1 luus.
[215] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 205
***
On a marqué yers le Nord l'aire d'extension de la (((dda"[ (( rurale n,
JI resterait il en marquer la limite vers le Sud. En gros, ce pourrait être le
Hau t- Atl:: s, au pied dUCjuel son t dissémin(~es de peti tes fermes isolées ou
group(~es en petits hameaux dont nous avons c1l\jit donné (2) quelque
description intéressant plus particuliôrement l'habitat de la région de
nemnat. Enclose dans une haie de jujubier, parfois de eactus, ou dans une
eneeinte en pierres sèches, la {adda,.( y est essentiellement la demeure
du pauvre. Le paysan de moyenne aisance vit dans des (( tighremt n dont
c'est ici le domaine.
Au total, la [addarl semble être un type de maison fort répandu
dans la petite et la moyenne montagne, ou mieux dans le (( Dir n, et son
nom, en maints endroits, reste associé il eelui de la tente. D'autres enquêtes
renseigneront avec plus de précision sur son domaine et peut-t'tre sllr son
origine.
Conclusion
Fellat. Avec son double toit de planches fortement incliné, elle représente
jusqu'ici le type le mieux adapté au pays, le seul qui s'harmonise vraiment
avcc la grandeur sévère de la haute montagne berbi~re.
C'est, maintenant, par l'étude toute particulière de l'i,(jl'clIl, c'est~à-dire
du mode de groupement des divers types d'habitations passés en revue ici
qu'on clôturera cette enqu(~te.
(A suIv/'c.) E. LAOUST.
L' II ABIT ATION CHEZ LES TRANSHUMANTS
DU MABOe CENTRAL(l)
(Suite et Fin)
III
L'lGERM
une aire particulièrement vaste dans les parlers berbères du Sud où il est
synonyme de c( qsar». Le pluriel uniformément relevé est irjerman.
L'idée de lieu cc clos» et c( fortifié» par une c( muraille» est contenue
dans le mot. Cependant il designe un village c( ouvert» ou un « hameau»
formé de maisons groupées ou éparses du genre taddal't (Aït-Yahya) ou
tiMndar (Aït-Hadiddou), et parfois même une maison, comme chez les
Aït-Ouirra. Le pluriel désigne alors un village ou un hameau.
La forme diminutive tirjcrmt, pluriel ti,rjcl'lnât/n répond it un type
d'habitation que l'image a popularisé depuis longtemps, et qui est, comme
son nom l'indique, un irjcrn1 en réduction. Cette habitation sert de demeure
au paysan riche, Aït-Yahya, Aït-Messad, Aït-'Atta, etc.. Sous des formes
réduites, elle est un type courant d'habitation chez les Ntifa, les Inoultan,
etc .. Isolée au sommet d'un piton ou d'un lieu difficilement accessible, elle
sert de grenier collectif à tout un village bù,ti au pied ou à une fraction qui
transhume.
Ce sens de cc grenier» s'observe encore, sous la forme igerm, chez les
tribus montagnardes du Haut-Atlas à l'Ouest du Tizi n-Tichka : Glaoua,
Souktana, Aït-Ouaouzguit, tribus du groupe linguistique chleuh, qui utilise
plus communément la forme agadil' avec la même acception.
Du reste, le vocabulaire de la tachelhit n'ignore pas i{;crm. L'ancienneté
même du mot est attestée par de nombreux toponymes. Des villages chez
les Guedmioua portent ce nom. Chez les Aït-Ouaouzguit, un toponyme
igerm désigne cette sorte de vaste cercle tracé par les vallées entourant le
Siro ua et constituant un refuge naturel bien fait pour justilier SOlI nllm de
cc forteresse ). Pratiquement, le mot se rapporte au (1 mur de soutènement
d'une terrasse cultivée» et par extension à toute c( planche de culture)
établie sur la pente déclive d'une montagne (Idaou-Zal, Idaou-Zikki). Pour
les Haha, c'est une c( murette de tir» derrière laquelle le guerrier ou le
chasseur se tiennent à l'abri, quoique le mot plus communément connu
ailleurs soit asbar (1).
Le fait à noter est que dans tous les cas tgcl'm désigne un « mur )
grossier, Mti en pierres sèches, bas et légèrement penché. La preuve que
(1) Sur l'étymologie du mot, cf. Simonet, Glosal'io de coces iberir,as y latinas uswlas entl'e
los Mozarabe,., p, 598. Le mot désigne un «créneau )), Hi!. une « Illurette en pierres sèches établie
devant l'entrée d'une nouala et servant d'enclos pour quelques chèvres ou moutons)) Beni-Saddell;
une (1 murette de tir)) dans le parler arabe de la région de Taza, cf. G. S. Colin.
[111] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 211
l'idée de (( pierre sèc!w )) se trouve incluse dans le terme, c'est que là, où il
désigne une ( planche cultivée l), le mur de soutènement s'appelle imiri,
mot qu'on rapprochera de imirÉ « tas de pierres, kerkour) et surtout de
tamri, Aït-Ouarain timrit, Zouaoua (e pierre »).
On signale l'existence du mot au-delà des pays marocains. En Algérie,
agrem désigne une « ville )) dans le parler des Beni-Mzab (1), dont Ghardaïa
constitue le meilleur type. En Touareg, le mot a toutes les acceptions déjà
rapportées de ( cité, ville, bourg, village, château, hameau» (2). Il a
disparu en Tripolitaine de l'usage courant devant gasru (3) identifié au
latin castrum, mais son souvenir a prévalu en toponymie (4). De même en
Libye, où dans le groupe d'oasis de Siwa, agormi (5) est le nom d'un ksar
perché sur le rocher qui abrite les derniers vestiges du Temple de Jupiter-
Ammon.
Le mot semble survivre, chez les Zenaga du Sénégal (6), sous la forme
irmi et le sens de « ville)). Les Guanches des Canaries l'ont connu sans
doute aussi. Dans la topographie de la Grande Canarie on relève un mot
rama, comme étant celui d'une ( maison avec d'énormes murailles sur
laquelle les Espagnols édifièrent un fort)) (7).
Au total, igerm et sa variante agel'm est resté particulièrement vivant
dans les régions sahariennes de Siwa à l'Atlantique. Mais c'est au Maroc
qu'il possède la plus grande extension, dans les parlers du Sud comme dans
ceux du Maroc Central où vivent les dernières grandes tribus transhu-
mantes. Dans les parlers du Nord il a disparu de l'usage courant, mais on
(1) Par exemple che;" les .Jebala, dans la région de Chechaoun, on relève un village répondant
au nom de i{;cl'man. Che;" les Beni lznassen, Henisio signale les ahel a{;l'em, Él. SUI' les dial.
ueru. des Beni !zna88CI1, dll Rif, etc., p. 2. Dans la région de Nédroma, R. Basset: Aïn A{ram;
Dai' age l'un ; D,li' ti{;cl'll1adel1 (sans doute pour tigel'matin) ; E}aoru{a de Sidi Djama' Agarem,
c'est-à-dire source, maison de la ville, ou tombe de Monseigneur (de) la mosquée de la ville,
cf. Nédl'omah et les 1'ral'a,', pp. 117 et 135. En Kabylie, tigel'emt (Deni Mansour); igl'am
(Commune d·Akbou). Dans le Chenou a, 1'igarmil1, nom d'une fraction.
(2) Cf. Lévi-Provençal, Doc. il1l;dit8 d'hist. almo/wdc, op. cit., p. 146.
(3) Cf. Massignon, Le Maroc dans les premir'/'es années du X\'!' siède, p, 189, n. 2.
(4) S. Gsell, HI'l'odote, p. 148.
(5) Le Sahara algérien, tome l, p. 163.
[113] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU lvlAROC CENTRAL 213
des vieilles ruines éparses dont los plus intéressantes sont perchées au
sommet d'une falaise. « Elles sont en pierres sèches, dit il, tandis que les
constructions actuelles sont en pisé. Toutes ces ruines ont un nom, et il en
est de significatifs; ainsi celui de agl'em bu :Jukk:et, le nom de aÛI'em n'a
survécu aujourd'hui, dans l'usage courant, que chez les Touaregs n. On sait
que le mot possède une aire d'extension plus considérable et que des ruines
de ce genre abondent au Maroc au sommet de lieux escarpés. Il existe
même encore dans les régions froides et montagneuses de l'Amedghous et
des Aït-Messad, des constructions identiques, mais intactes et habitées,
entièrement bâties de pierres sèches. Mais il est oxact que les constructions
actuelles se font en pisé et occupent de préférence le fond des vallées.
On ne saurait situer l'époque il laquelle s'étendit au Maghreb l'emploi
du pisé. On sait seulement que le mot qui le désigne: tabit et tabut en
berbère, tabia en arabe, correspond à l'espagnol tapia, au portugais taipa,
ql;l'on a identifié à un mot du bas latin (1). Ibn Khaldoun (2), dans son cha-
pitre relatif à l'art de construire, donne le mot tabia et décrit avec minutie
la façon de bàtir en utilisant la forme à pisé. Celle-ci est connue en Afrique
sous le nom de lafJ « planche ) et celui de tapial dans la péninsule.
On est donc fondé à croire de l'ensemble de ces considérations que le
« mur ) de pierres sèches de l'antique emporium berbère, dont le mot irjerm
perpétue le souvenir avec le sens actuel de « qsar ), ait jadis constitué pour
les Africains un mode de défense et de protection de leur habitat dispersé.
connue; les autres le sont moins, tazeqqa) tagraut, aql'al') agl'ul', asudel,
tisegdalt ..
Agadir
(1) Sur les constructions de ce nom réservées à cet usage, voir de Foucauld, Rcconn. au
Mw'oc, p. 62, etc.. L' Dupas, Note SUl' les maga~ins col/eetit'" du Haut-Atla~ occidental, in
Rcspél'is, 4' trim. 1929 et surtout Montagne, Un maua.'in colle(,tij' de l·Anti-Atla~.
(2) De Foucauld, Diet., t. l, p. 280.
(3) Laoust, Siwa, t. l, p. 264.
(41 Nehlil, Le dial. de Ghat, p. 180.
(5) Colin, OfJs. sur un ·/loeab. maritime IJer'bère, in He"l)(;l'i~, 1924, fasc. Il, p. 175.
(6) S. Gsell, Rist. an,c. de l'AJri~ue du Nord, t. l, p. 319, n. ~.
[115) L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 215
Tazeqqa
(1} Notamment: a'irjir (( ville de 1.000 feux)) signalé par Mouliéras, Le Ma,.oc inconnu, p. lOt.
azdi,. et tazdirt, chez les Beni Ouriaghel ; a'idi,., chez les Beni Mengouch, signalés par Renisio,
op. ,;it., pp. 6 et 3. aiJdir, daus la région de Nédroma, signalé par R. Basset, op. cit., p. 135.
(2) Chez les Beni Iznassen, les Beqqoïcn, cf. Renisio, of'. ât., p. 351.
(3) Cf. Huyghe, Diet. Kabyle-Français, p. 17.
(4) Voir infra, fase. Il, t. X, p. 183.
216 E. LAüUST [116]
Tagraut
Agrur
Il semble que tagraut a subi le même sort, quoique en sens inverse,. que
agrar, signalé en Touareg Ahaggar (6) comme le nom d'un «( enclos en
pierres sèches)), mais relevé en Guanche de Ténérit'l'c (7) sous la forme
(1) Huyghe, Dict., p. 434.
(2) Cf. Biarnay, Étude sur le dial. berb. du R\f, p. 71.
(3) Op. cit., p. 71. .
(4) Cf. Chi! Y Naranjo, Estudiol! histol'ieol!, elimatoloVicof' !J patologicos de las Islas
Canal'ias, t. J, p. 70.
(5) S. Gsell, Histoire ancienne de l'Afrique du NOI'r!, t. I. p. 323, n. 7, el ReClle Tunisienne,
X, 1903, p. 489.
(6) De Foucauld, Diet., t. J, p. 345.
\Il Cf. Alonso de Espinosa; S. Berthelot; J. Abercromby, op. cil" p. l02,
[117] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL . 217
(1 peti t enclos percé d'une porte ». Une forme a1;rul', pl. iltUl'al' a encore
en tachelhit le sens de « masure» (8).
Aqrar et tagrart
Asudel
J Ilsqu'ici le mot n'a été relevé que dans le parler des Beni-Snous (6).
Destaing lui donne le sens de « mur. ) On le rapportera à une racine UDL
qui marque l'idée d'être «( entouré ou enveloppé n. La forme verbale simple
est généralement ettel, et la forme factitive sûdel et ssûtel. On considérera
Tasegdalt
relevés, par exemple tissigdelt qui désigne à une dizaine cie kilomètres de
Mzizel un vaste terrain de forme elliptique, entouré de monts, au centre
duquel viennent camper des Aït-Hadiddou il certaines époques de l'année-
tissidilt, au sud d'Imiter entre le Dads et le Todghout - tarjbalut
n-tisslldal, au Sud-Ouest de Tilouggit n-Aït-Isha, dans le Moyen-Atlas.
Enfin, voici le mot personnifié sous la forme lalla Taserldelt devenue le
nom d'un prétendu marabout chez les M touga, perche sur un rocher et
entouré d'une enceinte de pierres sèches.
Agdal
***
Au total, il appert de ces considérations que le terme (cjerm,
actuellement en usage pour désigner l'établissement des transhumants et
des sédentaires des vallées pré-sahariennes, est employé conjointement avec
d'autres expressions marquant l'idée de lieu fortifié par une enceinte ou
magiquement interdit et protégé. On ne peut être que frappé du nombre
élevé de ces expressions qui se rapportent dans leur ensemble il l'habitat
dispersé.
Pour être complet, en elfet, aux termes étudiés ci-dessus, il
conviendrait d'en ajouter d'autf(~s tels que q(T'ag, ifrig, afarra et de
signaler en outre les emprunts faits il l'arabe, tels que qaha, q$ar, qasba,
qsabi, qsiba, etc., qui ont fourni à l'onomastique africaine et espagnole - il
l'instar de (rjerm - un nombre imposant de représentants.
Tout i,rjerm possède en plus son appellation particulière. On vient de
voir que cette appellation est souvent un doublet. Elle rappelle, dans la
plupart des cas, le nom du propriétaire ou celui de la famille ou de l'ikhs
qui l'IJabi te. l\l ais, c'est parfois encore par une particularité géographique
qu'on le dénomme. L'étude systematique de cette onomastique présente un
intérêt linguistique considérable; on ne peut que le souligner au passage.
Exemple : Almis est le nom d'un irjef'm dans le Moyen-Atlas, près
duquel coule le Guigou. On rapprochera le mot de oulmès, chez les Aït-
Faska, qui est le nom d'un lieu d'où sourd une source importante; de
ougmès, hameau au bord d'une belle rivière que traverse la piste d'Azrou
il Ifran; de talmest (1), forme féminine, qui désigne des lieux les plus divers
chez les Chiadma et dans le l\loyen-A tlas; de tillnessa, forme du pluriel,
fréquent en pays Saharien pour désigner des points d'eau. On comprend
que la toponymie berbère se soit emparée de ce mot en raison même de
son importance. Mais, si on le signale ici comme un cas particulier, c'est
qu'il permet sans doute d'expliquer l'origine encore énigmatique de
Slj'ilmassa qui fut, en son temps, l'igherm berbère le plus fameux dont
l'histoire ait consigné le souvenir.
'" au delà du Tii\llalin, le Zi? roule ses eaux limoneuses de hautes crues dans le (1 kheneg ,)
étroit et profond '.'
•
Les igerman de la vallée du Ziz. Le Tiâllalin
Au-delade Rich, dans la région du Ti{tllalin occupée par des Aït-Izdeg,
s'égrènent sur les rives du Ziz une série d'ig;erman parmi lesquels, prés de
Kerrando, ceux des Aït-'Atto, Aït-Brahim, Ijâbouben, Tawahit, Tigermet
n- 'Omar et Ighrem Amoqran. On a étudié, par ailleurs, leur type de
maison qui s'apparente à la taddal't des transhumants. Ils sont loin de
revêtir la beauté architecturale des grands (( qsour)) ornementés du Gheris,
du Ferkla ou du Dads. Mais en raison même de leur exiguïté et de leur
simplicité, ils offrent plus aisément a l'analyse leurs caractéristiques les
plus saillantes.
Le Ziz, arrivant de Rich dans le Tiâllalin, coule dans une vallée assez
large, a 1.200 d'altitude, entre les chaînons dénudés du Bou-Quandel orien-
tés Ouest-Est, avant-derniers plissements du Haut-Atlas orienta!. Un peu
au-delit, il tourne brusquement vers le Sud en une large courbe et poursuit
sa course en roulant ses eaux limoneuses des hautes crues dans le (I kheneg ))
étroit et profond d'où il s'évade vers la hammada, qu'à quelques lieues de
Ksar-Es-Souq (Pl. XXXII). Région semi-désertique, au climat sec, brù!ant
l'été, froid l'hiver, au poi.nt de retarder la végétation. Toute vie y est tribu-
taire du fleuve; encore n'y est-elle possible qu'a ses abords immédiats.
Au-delà s'étale à l'infini la hammada pierreuse, où, dans les dépressions
d'oueds asséchés, poussent l'alfa et quelques touffes buissonneuses dont se
nourrissent les troupeaux du Nomade Saharien.
Tout l'effort industrieux du ksourien fixé dans la vallée se tourne impé-
rieusement vers l'appropriation de l'eau. A ce travail il se montre particu-
lièrement expert. L'hydraulique agricole, qu'il s'est ingénieusement créée,
lui amène l'eau captée du fleuve vers les cultures géométriquement découpées
en un damier de verdure aux abords mêmes de son lieu d'habitat -
l'ighrem - où derrière de hautes murailles s'abritent la famille, les ani-
maux et les greniers.
L'ighrem édifié dans la vallée même, et non sur quelque sommet de la
montagne toute proche, occupe, à la limite des cultures, la partie concave
de la courbe du fleuve - là s'étale, en effet, la plus grande superficie de
terre utilisable. A ses pieds, coule le grand canal issu du fleuve, où se mirent
les hauts peupliers et dont les eaux, par gravitation, vont se perdre dans les
carrés de verdure par un enchevêtreluent infini de séguia (Pl. XXXIll). Il
224 E. LAOUST [124]
est construi t de boue pressée, de couleur jaune ou ocre, qui est celle d\) la
terre et du paysage dans lequel il s'intègre, car il en a toute la brutalité. En-
clos d'enceintes bastionnées, il a toujours l'aspect rébarbatif d'une place
forte. Ses gens, néanmoins, sont de mœurs paisibles et de condition misé-
rable. Mais la crainte de dangers communs les contraint à vivre groupés le
plus étroitement possible, protégés par des moyens de défense empruntés à
l'architecture militaire. L'ennemi, dans ces régions, est essentiellement le
transhumant ou le nomade berbère, c'est-à-dire le pasteur qui ne saurait
vivre dans la steppe sans venir périodiquement se procurer, de gré ou de
force, les ressources agricoles du sédentaire ksourien.
L'ighrem est par définition un bourg fortifié: « il n'y a pas une seule
agglomération qui ne soit une forteresse, on dort chaque nuit sous les
verrous, gardé par des sentinelles, ce qui implique à la fois une grande
insécurité et quelque prétention à l'autonomie)) (1). De sorte que les fac-
teurs déterminants du mode d'habitat du ksourien sont de toute évidence et
par ordre d'importance: l'eau et le besoin de sécurité. C'est en vain qu'on
chercherait dans la steppe saharienne une habitation isolée, si modeste soit-
elle, en dehors des remparts protecteurs du ksar.
Ces conditions d'existence du ksourien, com~ celles du nomade, sont
du reste par trop familières, pour qu'on puisse y insister autrement. Ce
qu'on connaît moins, c'est l'agencement urbain d'un ighrem, l'organisation
et la vie sociale de ses gens: on' se propose de les étudier ici en décrivant
par le détail le petit ighrem des Aït-Atto. On montrera, par la suite,
comment les transhumants du Maroc Central ont introduit dans la montagne
conquise par eux les genres d'habitat ct de vie des régions pré-sahariennes
dont ils sont originaires, et comment, sous l'influence de conditions géogra-
phiques différentes, ils les ont modifîées au point que, libérés de l'habitat
collectif, ils recherchent aujourd'hui l'isolement, l'éparpillement de leurs
habitations, au milieu de lenrs terrains de culture.
~
•.. au pied de l'igerm coule le canal, issu du fleuve, où se ~
... de ce canal, les eau, vnnt par gravitation se perdre
~
mirent de hauts peupliers (Aït-'AHo). dans les carrés de verdure par un enchevêtrement infini ....
....
de segllia (Q.,ar de Talllnollgalt, Mezgita, Dr,î). ....
[125] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 225
hautes tours formant saillant sur deux côtés et agrémentée d'une porte
bastionnée à la façon des portes des grandes cités.
Le rem part, haut de 5 mètres, épais de 0 m 80, est de pisé non endui t. Il
ddur
dr/ur
2: 117'/ n;gr~m
Entre ~ du Kôar
Are~bi
TI:Jel/1 Ibôrud {;]
a la couleur de la terre qui a servi il, son édification et qu'on a extraite sur
place dans des excavations que le ksourien utilise comme écuries.
Les tours, il, base carrée, au nombre de quatre, se dressent s\'eHes et
9
226 E. LAOUST [126]
Ig'erm des \ït-'Atto il est clos d'[mB double enceinte llan(juée aux angles de hautes
tours
formant saillant sur deux cotés .. ,
***
228 E. LAOUST [128]
t"'
><
· .. la porte de la première enceinte est construite selon les ." celle de la seconde enceinte reproduit le plan de la ><
règles d'un art militaire périmé à la façon des portes première et n'en dil1'ère que par sa décoration empruntée, ><
monumentales des villes ... elle aussi, il l'art musulman ... ~
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[129] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 229
note cependant, chez les AIt-Bou OulIi (1), qui habitent le versant Nord du
Grand-Atlas, près de Demnat, cette même forme tasi:;ukt pour désigner le
long «( couloir» qui dessert à chaque étage cie la tighrel)1t les chambres
utilisées comme greniers. Stumme (2) identifie le mot ù l'arabe suq «( marché».
De fait, en maintes occasions, surtout la veiJle des fêtes, de petits marchés
se tiennent dans ce passage. Mais on peut tout aussi bien songer, sinon il,
l'arabe ~ « chemin» qu'à un dérivé possible du berbère ek « passer».
Les parlers marocains ignorent la forme a,rjlad et ses variantes familières
aux ksouriens du Mzab, d'Ouargla, du Nefoma et de Ghat. Les mots arabes
zanqa et zqaq ne leur sont guère connus non plus. D'autre part, des dé-
rivés d'une racine berbère zl'i «( passer)), tels azel'l'uy «( rue » dans le Guir;
aZl'ay « passage » dans le Sous; a;;ug, Rif et aZl'ug «( rue» Zouaoua, ne pré-
sentent pas, au point de vue particulier où nous nous sommes placés (3), le
même intérêt que le mot lwlu.
En effet, ce mot vient grossir la liste des expressions arabes qu'on
relève dans la terminologie relative à la structure du ksar berbère (4). On
les rappelle: lbari, tour d'angle; 0''?UI' et ddul', muraille d'enceinte; 1Mb,
porte bastionnée; al'e!Jbi, avant-cour servant d'écurie ou de fondouk. On
peut ajouter le nom de la mosquée Uamaf. ou timez,qida, celui de la maison
taddal't, des chambres supérieures l[jo/Ji. Seul un mot berbère subsiste,
mais il est cl 'importance capitale, c'est i[jel'm.
La mosquée de l'igerm
Il
Rez _ de - Chaussee ,
mlàC7
, 1Aherhi.s.
bllMin
1 l ~n~
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. 78r fi ole 1f7t(>lYIb
Im/ n·/grem
t Entree du K6ar
E.S T
FIG. 91. - Mosquée des Aït-'Atto.
(11 abel'bii;. - (21 adgal' n-wqfa. - (3) tana.-t. - (4) lmiw,li. - !5) II/:t eiiah. - (6) anu,
"C"
~
la rue axiale forme en son milieu une rigole qui sert de • " elle est parfois en partie couverte par des constructions X
passage aux animaux et de collecteur d'égoùt ". disposées de manière à laisser entre elles des vides d'où ~
tombe du ciel, comme dans un puits, une lumière aveuglante. <
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L'HABI TATION CHEZ LES TRANS HUMAN TS DU MAROC
CENTR AL 231
[131)
ordi-
prend jour par le plafon d perce d'une ouvert ure comme une maison
l'épais seur
naire. Le mihrab en arc il fer il cheval se niche grossiè remen t dans
pierres des-
du m ur orienté vers la qibla. Des nattes sur le sol; çà et là des
tinées aux ablutio ns sèches ; des planch ettes corani ques a des
croche ts de
bois.
e où
Dans une encoig nure du vestibu le, des gradin s mènen t à la terrass
'Ouest
...
FIG. 92. - Aït-lsso ummour .
logem ent au
s'entas sent diverse s petites pièces (1). L'une d'elles sert de
taleb, une autre de magas in ou de salle de classe.
et,
Le person nel de la mosqu ée ksouri enne est des plus réduit. Au compl
ction du
il compt e un (( taleb» ou un « fqih » chargé des prières et de l'instru
(1) tily.erbisin.
232 E. LAOUST [132]
(1) IIlHldden.
(2) Sur la mosqnée des transhumants et le rôle qui incOlube au (1 lqih)), voir infra. 1. X.
fasc. Il, p. 236.
[133] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 233
t Esl
FIG. 9·1. - Igerm ti n-'Aomar.
***
[135] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 235
~së
Nord
Oues[
-
.sud
FIlJ. 96. - Igerm amoqran.
se conformaient aux mêmes lois d'orientation. Les Musulmans, qui les trou-
vèrent intactes à leur arrivée, purent s'en inspirer dans l'édification de leurs
établissements. Sfax (1), le premier créé, avait son cardo et son decuma-
nus. La mosquée se dressait au carrefour, là ou était jadis le Forum. Ce plan
devait subir par la suite divers aménagements, mais la règle de l'orientation
demeura d'application impérieuse: la mosquée orientée vers la qibla décida
du plan de la cité. L'aménagement actuel de l'ighrem berbère est sans con-
teste d'inspiration islamique. Mais on y décerne, à coup sûr, des survivances
de créations urbaines antérieures. Si l'on sc souvient que la maison ksou-
rienne n'est que la réplique de la maison romaine, on suggèrera avec quelque
vraisemblance que son agencement dans la cité a pu s'opérer selon le plan
de la cité romaine. On en aurait la preuve dans la disposition géométrique
de l'ighrem, la symétrie parfaite de son plan qui, il juste titre, sont sujets
d'étonnement. Quoiqu'il en soit, ce qui importe de noter, c'est le « caracti~re
extraordinairement urbain) (2) des moindres agglomérations ksouriennes.
La vie à l'igrem
(1) D'après G. Marçais, Anatomie des t'ilie.~ mu.~ulmruws de l'A/I'ique du NOl'd, conférence
faite à l'Institut des Hautes Études Marocaines.
(2) Cf. E.-F. Gautier, Les siècles obscurs du Maghreb, p. 217.
238 E. LAOUST [138]
(1) Cf Celui ljlIi pénètre dans le 'Isar par-dessus la muraille et autrement que par la porte ou
qui introduit dans le ljsar ou en fait sortir toute autre chose au moyen d'une corde: deux douros
d'amende li (A;;;/"ej' de Taouzl_
PL. Xxxvrt
sur les quatre côtés de lïgerm s'étalent des aires i\ battre, entourées de muretteS basses;
au centre: la perche d'attache des bêtes employées au foulage ... (Aït-'AHo) .
•.. en autre temps désertes. elles s'animent d'une vie intense à l'époque heureuse des
dépiq'lages ." (Qsar de Targa).
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[139] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 239
(1) leJssa; on en fait dix à douze coupes par an. Les racines sont aussi données en
nourriture aux animaux.
240 E. LAüUST [140}
(1) aj'l'acl, de l'j'l'l'Cl (( balayer Il. On vend aux enchères les ordures et le fumier de la tame$rit
U::maËt et de l'arefl.bi.
(2) taburzuit. - (3) tibw1a.
(4) tanagut; parmi les autres plantes: u'ai;fsu (mortelle aux bestiaux), ame::'i1ug n-ugiul,
ti.<emlin, afwl'is, zuma.
(5) En berb., alI/un; le travailleur se protège les jambes à l'aide de bâtonnets reliés par des
ficelles, ti!JoliaDin.
(6) tayuza.
(7) Sur ce mot, voir iJ!fl'a, t. X, fase. Il, p. 178. Le mot s'est arabisé sous la forme taggura
et le sens de (( lots de palmiers)) Bou Denib.
[141] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 241
à son gré. Mais, comme dans toute communauté islamique il est fait en
touteil choses la part des pauvres, celle de l'eau est plus particulièrement
respectée.
Pour la répartition de l'eau d'irrigation, le ksourien dispose de
moyens difTérents selon qu'il se propose de jauger le volume d'eau où de
mesurer le temps pendant lequel il a l'usage de l'eau. Il se sert dans ce
dernier cas de la tanast ou sablier d'eau et, dans le premier, de dispositifs
compliques et, pour la plupart, connus. Dans le Gheris, le système porte
le nom de l'bas n-waman (Pl. XXXVIII); il est constitué par de petites
vannes disposées sur le canal collecteur et les canaux secondaires : ces
vannes permettent de dériver dans chaque seguia la part d'eau qui lui
revient. Le jardinier dirige cette eau, à son gré, dans des rigoles peu pro-
fondes, qu'il obstrue à ['aide de mottes de terre.
L'étude des modes d'aménagements de l'hydraulique agricole du
ksourien, de leur insufl1sance et de leur amélioration, ainili que la con-
naissance juridique des réglements coutumiers concernant l'irrigation,
s'imposent avec d'autant plus de force iL l'attention de nos administrateurs,
que des oasis se meurent faute d'eau et que les hommes, pour vivre,
doivent s'imposer les rigueurs de l'exil. Ces questions sont hors du cadre
de ce travail.
MARCHÉ. - Il n'existait pas de marché avant notre venue dans le
pays des Aït-Izdeg. Depuis, on en a créé un il Ksar es-Souq où s'échan-
gent, deux fois par semaine, les produits du pays: dattes, huile, gale de
tamarix, contre des cotonnades, du thé, du sucre. Mais les ks()urièll.~. gens
de grande misère, n'ont guère de besoins. A chaque retour de saison, le
potier, le colporteur, le forgeron s'arrêtent à la porte de l'ighrem et y font
un court séjour. Dans le Tiâllalin, le petit commerce cst détenu par des
Juifs groupés il Kerrando, près du caïd, qui les couvre de sa protection.
Ils ont de curieuses boutiques où, dans ~es coffres leur servant de comp-
toir, ils entassent leurs marchandises: bougies, sucre, thé, étoffes, foulards
de tête et parures de verroteries, objet des con\'oitises' des ksouriennes.
CIMETIÈRE. - Les Aït-'Atto enterrent leurs morts dans un cime-
tière (1) qu'ils ont en commun avec d'autres ksour du Ti{dlalin, dans la
partie désertique attenante il l'ighrem de Ti n-'Aomar. Les tombes sont
des tumulus délimités par des stèles (2) de schiste et couverts de petites
(1) isemr!al. - (2) limenzit, pl. Ünwn::w.
PI.. XXXVI li
dans cles dépendances attenantes il l'igerm est logé le lourd matériel servant il l'extraction
de l'huile d'oh ve (Targa).
'" pour la répartition de j'ean d'irrigation, les ksonriens du Gheris font. usage d'un s~'stèll1e
de vannes qui leur permet. de jauger le volume d'eau (Guelmima).
[143] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 243
(1) Le cheikh du qsar est élu au choix par les Brabers, pour un an (Azref de Bou Denib.
Cf. Nehlil, L"a:sr~f des tribus et qsour berbères du Haut· Guirl. Si le cheikh, arrivé au terme
de son mandat, manifeste le désir de se retirer, les me:sarig Ipl. de me;wagl sont tenus de lui
faire rendre des comptes. Celui d'entre eux qui s'oppose ft cette reqdition de comptes; 10 metqals
(id.). En ce qui concerne le cheikh nouveau, s'il y a désaccord sur le choix ft faire, le chérif
Moulay Ahmed bel Larbi examine lequel doit titre désig1!é. Si l'un des me:sarig n'est pas de
l'avis général, il doit néanmoins s'incliner (id.).
(2) Sur ce mot, cf. E. Laoust, Pêcheurs berbères du Sous, p. 3i.
244 E. LAOUST [144]
Il) Le cheikh de ladjemâa et les retfad doivent s'occuper de toute affaire exposée devant
eux par un homme quelconque de la tribu (Azref des Aït-A;I,aghou).
(2) Si le chéikh se retire au cours d'une réunion de la djemâa sans y être invité par
l'assemblée: 1 metqal. (Azref de Taouzl. Si Je cheikh entreprend un voyage et néglige de se
faire remplacer par quelqu'un durant son absence, une amende d'un demi réal lui est intligée
par la djemâa (id.).
(3) Le cheikh de la qaliba doit tenir un compte des dépenses et des recettes du qsar (ici.).
(4) Nehlil, op. cil..
[145] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 245
Cet homme veille encore il ce que les animaux laissés en libre pàture
ne s'égarent pas sur les terres cles voisins. Lesdélits de pacage sont de son
ressort. Il détermine la période, qui va de la récolte des orges aux labours
de maïs, pendant laquelle il est strictement interdit de mener paître aux
champs quelque bête que ce soit, Les jardins, entourés de murs et verroui1lé~
comme les maisons, n'échappent pas non plus à sa garde. Il sanctionne ses actes
d'autorité par des amendes qui frappent les délinquants selon un barême
connu de tous: quatre réaux pour être surpris à manger des fruits en temps
d'interdiction; vingt pour un vol commis clans un jardin. Le mot izmaz (1),
dont il se sert pour désigner ses pénalités, est connn des ksouriens comme des
transhumants. C'est le pluriel de azemz qui signifie « époque, temps, délai ».
Etymologiquement, izmaz veut dire (( périodes)) pendant lesquelles les cul-
tures sont frappées d'interdit; par extension le mot traduit « interdictions»
et « amendes ».
Quand l'igherm est important au point d'occuper toute une mezraÔ., le
chef des cultures cumule ses fonctions avec celles du cheikh de la qbila,
amgar n-teqbilt. Il concentre ainsi tous les pouvoirs: il est le chef connu
sous le nom de (1 chef de l'herbe) amgar n-tuga, que désignaient jadis les
tribus dissidentes qui revenaient, avec leurs libertés reconquises, à l'orga-
nisa tion tribale traditionnelle. C'était le chef de guerre.
A l'amghar incombe encore la mise en état de défense du ksar menacé par
les nomades ou les voisins. Par ses soins les gens armés sont prêts à répondre ~t
toute alerte,fzaê ou ta,guyul. En tout temps, il fait garder la porte d'entrée
par un portier, ad:uwab, un individu il, gages, qui laisse passer le jour les
gens connus et verrouille rentrée la nuit venue. En temps de guerre, il établi t
des tours de garde (2) et organise des rondes pour s'assurer que les sentinelles
sont à leur poste. Il punit d'amende les négligents et les déserteurs. Parfois,
c'est du haut des tours (3), dressés sur cles points culminants et au milieu
(1) Cf. E. Laoust, Cours de bel'b. mar., Dialectes du Maroc Central, p. 265.
(2) Les sentinelles sont tenues d'exercer leur surveillance du bout de la tame.~l'it à l'autre
hout du g,.al' et jusqu'au puits situé à l'entrée du village (Agref de Bou Denih), - Les gardiens
de jour et les gardiens de nuit sont fournis par chaque maison du gsal' (Azref de Taouz). -
Le proprié'taire d'un fusil qui ne se présente pas pour prendre la garde: cinq ouqias d'amende
(Taouz). - Si une sentinelle manque sa garde: 20 metqal. En outre, le cheikh invite les parents
du délinquant à l'assurer eux-mêmes pendant huit jours ITaouz). - Le gardien qui quitte son
poste pendant le jour: 5 ouqias. - La ronde est faite par le cheikh où bon lui semble.
(3) Ces tours de guet portent le nom de a!Judim ou de Ci!Jeddim. On n'en signale pas dam
le Tiâllalin. L'usage en paraIt spécial au Dads, au Todghout, au Ferkla et à certains districts du
Drâ. Cl. de Foucauld, Reconn. aq, Maroc, p, 214, Le pluriel est igedman. Une forme aidem, pl.
246 E. LAOUST [146]
des cultures, qu'il contraint des guetteurs, af.iaw(!f, il exercer leur veille
attentive.
Les azl'~j' trahissent cette crainte d'attaques inopinées et le soin qu'on
apporte à les prévenir. Tout étranger, fut-il l'hôte d'une famille, ne doit pas
pénétrer avec ses armes dans le ksar. Au printemps et à l'automne, quand
les nomades se rapprochent des ksour, les précautions se font plus sévères.
On tient rigoureusement closes les issues du ksar et les portes des maisons.
Pour plus de sûreté, on remet ses clefs à la jemà. On assigne des points de
campement que les nomades ne pourront franchir. Un article de l'azref de
Bou-Denib déclare formellement que les nomades doivent se tenir en deçà
d'une limite indiquée par le 1Jal'ra{; et que l'autorisation de s'y installer
n'est accordée qu'à ceux d'entre eux qui ont combattu avec les habitants
pour la défense de la cité (1).
aidman est signalée dans les parlers arabes de la région de Taza (cf. G, S. Colin, p. 105) avec le
sens de (1 talus bordant un chemin ou existant entre deux champs d'altitudl's différente3 »). Une
forme synonyme gdem existe dans les mêmes parlers et désigne la (( surélévation du sol d'une
chambre par rapport au sol extérieur Il, p. 108.
(11 Nehlil, op. eit., AZl'ef de BOll Denib, p. 13.
(2) L'histoire des grandes tribus transhumantes est à faire. Les données relevées (,'à et là à
travers les auteurs arabes sont encore par trop insuffisantes. Les traditions relevées dans le pays,
quoique sujettes à caution, fournissent d'utiles indications. En plus des ouvrages classiques, on
s'est servi de la notice du I.ieut. Lecomte, des Affaires Indigènes, sur l'histoire des populations
dans le Haut-Atlas Oriental et de l'étude F. de La Chapelle, E'squisse d'une /Iüloi,.e du Sahara,
Oeciçlent«ll in Hespüis, t. XI, rase. l, IL .
[147} L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 247
(1) Appelés comme dans le Guir : igezdu. Aux divers sens déjà donnés à ce mot (voir inJra)
on. ajoutera celui de « razzia» observé à Tlit. Cf. E. Laoust, Cours de berb. Mal'. (taehell:tit),
p. 18l.
(2) Sur le tracé de cette piste impériale, voir G. S. Colin, Un voyage de Fès au T'~filalt en
1787, in Bull. Soc. Géog. du Maroc, janvier 1934. Les étapes signalées dans ce trajet sont encore
en usage de nos jours.
(3) De la Chapelle, Le Sultan Moulay Isma'il et les Berbères Sanhadja du Maroc Central,
in Arch. Ma,.., t. XXVlII, p. 26, n. 2.
(4) Marlllol, l'Aj/-ique, t. Il, p. 305.
248 E. LA OUST [148)
(1) Sur la formation de ce leff, cf. de la Chapelle, Histoil'e du Sahal'a occidental, p. 88, n. 5.
12) Et ~u~si les Ajt-'Alaw'In, les Aït-'Aissa ime~l.in. CL de la Chapelle, oP: (~it:, p. 19, n. ~,
[149] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 249
dence saharienne et les derniers vaincus d'une lutte où ils furent bravement
farouches et dignes de leur réputation de guerriers.
Des Arabes M'aqil, petit à petit chassés ou vassalisés par eux, il survit
aujourd'hui les Beni-Mhammed du Drà et du Tafilalt, les Sebbah, les Roha
et les 'Arib du Haut-Drà, les Idaou Blal du Bani, les Doui Menià qui noma-
disent entre la Zousfana et le Tafilalt, et çà et là quelques ksour perdus
en maintes oasis.
La (( reconquête» sanhajienne des vallées sahariennes est contempo-
raine du mouvement qui pousse à la conquête des plaines atlantiques les
Sanhaja montagnards qui s'infiltrent, peu il peu, avec leurs troupeaux dans
les défilés du Moyen-Atlas. Là, ils vont reprendre contact avec leurs
anciens frères dont ils ont été séparés par l'invasion des Arabes M'aqil.
Ceux-ci font irruption au Maroc au XIIe siècle. Ils arrivent de l'Est,
du Touat qu'ils ont pris aux Zénètes. Ils poussent leur marche jusqu'à
l'Océan, coupant ainsi la ligne de transhumance en direction d II Moyen-
Atlas et séparant le groupe des Sanhaja au (( litham» qui regagnent le
désert, des Sanhaja du Haut et du Moyen-Atlas, la majeure partie des
transhumants actuels. Peu à peu, ils pénètrent dans les hautes vallées
sahariennes où sont les Zénètes, et par le Ziz gagnent la Moulouya jusqu'au
Garet, coupant les relations entre les Zénètes installés à Fès de ceux de
Tle'IDcen (1). Ils deviendront, par la suite, humbles vassaux des Mérinides,
nomades comme eux, venus du Touat et d'où, par une extraordinaire for-
tune, descendent les sultans du Maroc. Inséparables alliès des Zénètes, les
ennemis traditionnels des Sanhaja, ils commettront, sous leur protection,
toutes sortes d'exactions.
Quant aux Zénètes (2), ils occupent le pays saharien depuis près de
quatre siècles, quand les M'aqil se présentent. Venus en nomades, leurs
tribus chamelières s'infiltrent jusque dans les hauts passages de l'Atlas. Par
la suite, nombre d'entre elles se fixent et se sédentarisent. A leur arrivée,
Sijilmassa était déjà fondée en 757 par des Meknasa, parents des Zénètes,
venus du Nord et dIam pions du kharedjisme au Maghreb.
Aussi haut que remonte 1'histoire de ce pays, les documents attestent
donc la présence des Zénètes, qui, éliminés aujourd'hui du Maroc saharien,
aux Sanhaja, aux Berabers des confins: ce qui justifie l'emploi du mot
pour discriminer les parlers du groupe talllazi/)t qu'on oppose couramment
il taselbit. Mais le groupe des parlers dits berabel's englobent encore les
transhumants du Maroc Central, qui sont aussi des Sanhaja. Il s'agit lit au
fond d'un groupe de parlers plus homogènes qu'on ne le croirait, séparés
essentiellement par des variations phonétiques. Certains parlers du Nord
utilisent notamment les interdentales d et t inconnues de ceux du Sud,
cbez lesquels on note avec assez de constance l'affaiblissement du If en 8, le
passage de g il Y et i et exceptionnellement la permutation de l à n,
Gheris, Guelmima. Les parlers berabers du Sud sont plus chuinchants et
c'est là une caractéristique des parlers zénètes, notamment ceux du Mzab,
d'Ouargla, du Touat, du Gourara. Autrement dit, les parlers sanhaja, de
tou te évidence, on t été dans une certaine mesure influencéS par les parlers
zénètes, comme ils l'on t été par une forte invasion de mots arabes. Mais on
ignore les parlers arabes de ces régions: ils n'ont fait l'objet, jusqu'ici,
d'aucune étude. Les mots relevés ici et considérés comme d'origine arabe,
sont des mots de civilisation et appartiennent au vocabulaire urbain. On
peut douter que leur introduction dans le vocabulaire berbère soit contem-
poraine de l'arrivée des M'aqil. Les Zénètes, leurs devanciers dans le pays,
. peuvent avoir été tout aussi bien les artisans de ce travail.
Quant aux ksouriens, la plupart sont bilingues. On compte cependant
encore nombre de berbêrophones purs, à côté de gens ne parlant que l'arabe.
Cette diversité linguistique ajoute encore quelque confusion dans l"agen-
cement des ksour et constitue un sérieux obstacle à l'établissement d'une
carte linguistique quelque peu exacte.
SijUmassa
Il) Sur 1 histoire de ce petit royaume, cf. G. S. Colin, in En"ydol)(!die de l'Islam, art.
Sidjilmassa, livr. G, 1927.
(~i Cf. Lévi'Provençal, art. Maroc, in Encycl. de l'lsl(J,m.
252 E. LAOUST [152]
(1) Sur les populations des hour, cf. Coursimau!t, Notice géolll'aphique et ethnographique
sur l'avant-pays de Ksar es-Souk, in Bul. de la Société de Géog. du Maroc, 1" trim. 1922.
254 E. LAOUST [154]
assure la vie des moutons et des chèvres. Avec le retour des moissons et
de la cueillette des dattes, leu rs ten tes s'installent dans le voisinage des
ksour où leurs khammès cultivent pour leur propre compte. Ils possèdent
en etlet des ksour, soit qu'il les ait jadis enlevés de haute lutte, soit qu'il
les ait achetés ou fait construire. Ils en tiennent d'autres sous leur dépen-
dance où, selon des stipulations passées avec les populations vassalisées,
ils prélèvent chaque année une part plus ou moins grosse des récoltes.
Mais un grand nombre se sont sédentarisés dans le Haut-Dads, le
Haut et Moyen-Gheris. Quand le transhumant abandonne la vie pastorale,
il se fixe de préférence seul dans un igerm de petites dimensions, avec sa
famille, ses gens, ses khammès, qebbala et harratin, ses animaux, groupés
autour de lui et abrités dans la même enceinte. Ainsi s'explique le nombre
de petits ksour qu'on relève surtout dans les hautes vallées sous le nom de
tigel'met ou de q.~ibet. Il s'agrège ainsi à cette bourgeoisie ksourienne
essentiellement composée de propriétaires qui, entre autres caractères,
présente celui d'avoir pour toute occupation manuelle le plus souverain
mépris.
+ Le travail, surtout le travail de la terre, reste le sort d'une plèbe
nombreuse dont la misère hiérarchisée en classes, sous l'appellation de
ftal'I'al', qebbala, ftarratin, constitue le fond du peuplement ksourien.
Contrairement il leur nom, les }:ta 1'1' al' ne représentent pas une rare
pure et noble d'origine arabe, mais plutôt un conglomérat de Mâqil, de
Zénètes fondus sur place à des débris de tribus arabes et berbères disloquées
ou anéanties par des guerres perpétuelles. Ils vivent généralement groupés
en gros ksour de plusieurs milliers d'habitants, mêlés souvent à des Qebbala
et des Harratin, de. condition plus misérable encore. Leurs ksour sont
parfois indépendants; le plus souvent ils ne profitent d'une liberté relative
que grâce au bon caprice du Nomade et moyennant certaines redevances.
Les Qebbala, en berbère iqebliyin, (1) en nombre plus considérable,
et par définition «gens du Sud)), autrement dit des «(Sahariens)), sont en
réalité des métis de blancs et de noirs lîxés depuis des siècles dans ces
régions déshéritées. Il semble bien que dans leur race survit un « lambeau
de préhistoire et d'une préhistoire soudanaise, nègre )l. Types d'une
humanité inférieure et subordonnée qui peuple le Nord du Sahara berbère
(1) Au sing. : aqebli; fétU. : tageblit, pl. : tiqeiJliyin Le mot désigne toujours un individu
originaire du Sahara (leqbel).
[155] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 255
tradition veut que certains d'entre eux soient les descendants d'une
chrétienne nommée Touaibt.
En fait, les occupants actuels les considèrent comme des étrangers,
bien qu'on doive, avec quelque raison, les considérer eux aussi comme des
Sanhaja. EI-Baïdaq classe les Qebbala parmi les « Sanhaja du Midi) : ce
qui justifierait leur appellation actuelle.
Quant aux populations qu'on désigne sous le vocable de Haf'ratin, elles
ne se confondent pas avec les Qebbala. Ce sont essentiellement des nègres
et des descendants de nègres originaires du Soudan, vendus comme esclaves,
installés aujourd'hui dans le pays où ils vivent généralement attachés à une
famille en qualité de serviteurs ou d'esclaves. Le mot /Jartani, singulier du
précédent, se prononce ab·ardan en berbère et désigne un « esclave noir 1).
Son correspondant touareg a.~af'dan(l), avec le sens de « mulâtre)J, montre
pour le moins que l'étymologif'l proposée pour expliquer le mot par l'arabe
.!:..J.;--
labourer l) est d'autant plus douteuse que les ksouriens ne «( labou-
«(
rent» pas la terre en s'aidant d'une charrue, mais la «( retournent» il la houe.
De ces populations, les Juifs restent les plus méprisés. Une colonie
importante, 1.200 individus environ, actuellement réfugiée à Erfoud, habi-
tait jadis le Tafilalt. On en signale d'autres, dissiminées dans les ksour du
Guir, du Ziz, du Gheris, à Ksar es-Souq, Kerrando, Rich, Midelt, Bou-
Denib. Elles vivent, parquées il l'écart de la population musulmane, dans
des quartiers fermés par de hautes murailles et de sombres couloirs, où elles
se livrent a~lx pratiques de leur culte sans être autrement inquiétées.
Certains Juifs possèdent des jardins, des champs, des parts d'eau. mais
ils ne cultivent pas eux-mêmes, laissant ce soin à des khammès. A Erfoud,
c'est un Juif qui détient tout le trafic des dattes avec l'Oranie. La plupart
vivent de petits métiers; ils sont menuisiers, savetiers, forgerons, bijoutiers,
vendeurs d'étoffe. Leurs femmes travaillent la laine pour le compte des
musulmanes auxquelles elles procurent à l'occasion, des fards, des parfums}
des objets de parure. Elles portent il Ksar es-Souq, il Erfoud, un vétement
de couleur rouge et une coiffure qui est une sorte de hennin d'où retombe
de chaque côté du visage, souvent fort beau, un voile également de couleur
rouge.
Le Juif, en tant qu'intermédiaire, joue dans ces pays un rôle écono-
mique important, Il détient;1 peu près tout le eommerce. Des eheikhs, des
notables influents, des Berbères transhumants le prenaient souvent sous
leur protection, non sans profit pour eux, surtout quand les nécessités des
afi'aires l'obligeait à de longs déplacements. Toute demande de me~l'a9
s'accompagnait d'un sacrifice accompli en présence des gens de la djemâ.
Les stipulations du pacte figuraient par écrit dans une sorte de contrat gue
le Berbère se faisait un point d'honneur de respecter.
La situation des Juifs, il notre arrivée, était dans ses régions aussi
lamentable qu'ailleurs. Considérés comme impurs, soumis à toutes sortes de
vexations, c'était pour eux, par exemple, risquer la mort que de s'introduire
dans un ksar habité par quelque chérif. Ils n'allaient pas au combat, ne
participaient à aucune harka, étant indignes du noble métier des armes,
mais ils faisaient les frais des réconciliations et contribuaient comme les
Berbères aux amendes de guerre. Aujourd'hui, un grand nombre de Juifs
cherchent à se libérer de la tyrannie musulmane. Ils quittent le ghetto
empuanti des ksour pour se fixer dans les villes nouvelles qui se créent il
Midelt, à Ksar es-Souq, à Edoud, sous la protection des autorités militaires.
L'arrivée des Juifs en ces parages reste un problème de l'histoire. Sans
doute ils vinrent de l'Est par petits essaims, des oasis sahariennes du Touat
notamment où, au XVe siècle, s'éteignait le dernier royaume juif du Maghreb.
En 1492, Sijilmassa est le théâtre d'un massacre général des J nifs à la suite
d'une violente propagande religieuse d'un agitateur, EI-Maghil. On s'accorde
pour observer la présence des Juifs à la sui te des Zénètes. Si l'on se sou vient
que ceux-ci ont exercé une prééminence dans les régions pré-sahariennes
pendant plusieurs siècles, il est permis de leur attribuer quelques succès
dans le développement de leur foi et de croire que nombre de Berbères
professaient la religion judaïque. Les ksour de Tabia, dans le Haut-Ziz,
d'Amalou dans le Guers, sont des ksourde renégats. Ighejd n-Oussammeur,
aujourd'hui ruiné, était habité par des Juifs. TaZl'ouft, près de la zaouïa de
Sidi Ramza également. Le ksar des Aït-Taddert, dans l'oued Isellaten, en
pays Aït-Radiddou, est habité par des convertis. Les Aït-Ba-ÀJi ou Ahmed
et les Sidi Youssef, Qebbala blancs qui occupaient, il y a un siècle, le
Ferkla et le Gheris, seraient d'origine juive. Tamalout, de l'Ansegmir, éga-
lement.
Au surplus, cette judaïsation partielle de la montagne berbl~re semble
Il
258 E. LAOUST [158]
***
Ces indications ne sont pas neuves. Elles aident Qependant à percer le
mystère de la vie ksourienne, iL expliquer surtout l'inflnie variété d'agen-
cement des groupements humains en région pré-saharienne. La vie nomade
appartient au Sanhaja de race, transhumant et pasteur. La vie sédentaire
aux chorfa, aux marabouts, à des populations éparpillées en familles peu
nombreuses d'anciens occupants arabes ou berbères submergés par les
invasions, détruits par des guerres per.pétuelles, aux khammès, Qebbala,
Harratin, à quelques colonies juives, éléments plébéens et impurs, vassalisés
par le Berbère,
Et encore tout ce monde vit-il dans une sorte de compartimentage de
clans rigoureusement cloisonnés, isolés dans cles ksour autonomes, ou parqués
sans se môler, dans des ksour communs, dans des rues, des quartiers spé-
ciaux, iL l'abri de hautes murailles de terre. On y évite ainsi le mélange des
races et du sang. La prééminence demeure sallS conteste iL l'Amazigh blanc,
le Sanhaja, le dernier conquérant.
Or, il se fait que cette aire est particulièrement vaste. Elle s'étend le
long des lignes d'eau que constituent les grands oueds et les hautes valléess
et, en dehors d'elles, là où l'eau des sources et des nappes souterraine.
permet la création d'une palmeraie au prix'de gros efforts de creusement de
puits et de khottara. Les ksour (1) groupés en 110ts, parfois largement
espacés, s'égrènent ainsi dans les vallées du Ziz, du Gheris et la cuvette du
Tafilalt, dans les vallées du Ghir, de la Zousfana, puis celle de la Saoura
jusqu'au Touat et le Gourara, et surtout dans la vallée du Drù et de ses
affluents du bassin supérieur, l'Assif Ouarzazat, le Dads qu'une ligne de
verdure relie au Todghout et au Ferkla. Et au-delà, vers l'Ouest, quelques
districts dans l'Anti-Atlas et la ligne d'oasis du Bani jusqu'au Noun. Mais
déjà, dans ces régions, les ksour ne répondent plus qu'imparfaitement aux
caractéristiques du type étudié ici.
La limite Nord, en bordure du Haut-Atlas dans sa partie orientale, reste
difficile à fixer. Avec le voisinage de la haute montagne, l'architecture se
modifie. Ainsi la partie basse de l'Imedghass, occupée par les Aït-'Atta, est
parsemée de ksour. On en compte un peu moins dans la partie moyenne
occupée par les Aït-Morghad et ils y sont déjà mêlés à des groupements
ouverts. Ils ont disparu dans la partie haute, où vivent les Aït-Hadiddou,
pour faire place à des hameaux ou de petits villages de maisons éparses Olt
groupées autour d'une tighremt servant de grenier collectif. En s'élevant
dans la montagne on peut observer la tendance du Berbère à s'évader .de
l'habitat collectif. Plus à l'Est, on relève encore quelques ksour dissiminés
dans la partie SU? du Tizi n-Telghemt. Ils se reconstituent en îlots com-
pacts dans la région de Midelt. On en compte encore un grand nombre dans
la Haute et Moyenne-Moulouya et ses affluents supérieurs, notamment
l'Ansegmir. Ils s'espacent de plus en plus vers le Maroc Oriental. Figuig
marque leur extrême limite vers l'Ouest. On en observe e11.fin sur le versant -'l': ~ 'r
Est du Moyen-Atlas, au débouché des passages, jusqu'à une assez haute alti-
tude : !tzer se perche à 1.800 mètres. A partir de là, sous l'influence de
conditions nouvelles de vie et de climat, le groupe humain encerclé dans les
murailles du ksar, manifeste lui aussi la tendance vers l'atl'ranchissement de
l'habitat.
(1) Sur la question, les renseignements abondent. Cf. notamment, de Foucauld, op. cit ..
Suzanne Nouvel, Nomades ct Sédentaires au Mar'oe; Celérier. Le Maroc, p. 76 et suiv., et d~
nombreux articles dans le Bulletin de la Société de Géographie du Maroc.
260 E. LAOUST [160]
celle du qsar d'El-Hart (Gheris) avec ses hauts piliers supportant un balcon a aussi
quelque allure ...
[161] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHU1IANTS DU MAROC CENTRAL 261
(Cliché Lecomte)
... Dans la Haute-Moulouya la porte conserve .. , les murs de pisé de la tigermt ne résistent
ses grandes dimensions, mais elle est dépour- pas aux intempéries, force est de les recouvrir
vue de tout ornement (Nit-Iloussan). . d'un revêtement de pierres sèches (Tigremt
n-Aï! Ou Sta, à Iboukhennan),
NORD
1/
OU t6T
Co ur '-_ _II
Ibori
~ Ecuries
11IIIIIIII
. .. 11
Iml n 'grem _ _18
SUD
•. , l'igerm des Aït-Iloussan dans la Haute-Moulouya est bâti sur le modèle d'un qsar saharien.
[165] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 265
leur forme la plus parfaite les beaux spécimens du genre. Certains sem-
blent avoir subi l'influence du style « makhzen \) : tours et bastions sont
moins élancés, plus massifs, plus carrés. Le ksar d'Abou-Am, notamment,
donne au premier abord l'impression d'une véritable ville proprette et bien
entretenue. Il faut faire el-l'ort pour se représenter la vie précaire <]u'y
menaient ces gens, il y a quel<]ues mois encore. Une photographie, prise par
avion, montre d'une maniere suggestive la répartition qua:-i géométrique
de ksour dissiminés dans l'immense palmeraie en voie d'appauvrissement,
où 30.000 individus luttent péniblement contre la faim. A noter que nombre
de ksour ont gardé des noms berberes.
Plus au Nord, dans le GIJeris, dans le district de Goulmima, voièÎ le
ksar d'El-Hart, dont on a déjü signalé la belle porte au caractère curieux.
Au centre, un bastion carré ü demi-ruiné, petit ksar fort ancien, entouré
d'un fossé profond, large de quelques metres, et d'lm chemin bordé de
hautes maisons récemment construites et encloses dans une seconde enceinte
presque neuve (fig. 98). En réalité, il y a là deux ksour bâtis à des
époques différentes. Le fossé du premier a son histoire. Il rappelle le souvenir
où les gens assiégés lui durent leur salut. Ils le creuserent profondément;
ils en renforcèrent les bords de grosses pierres af1n de préserver le rempart
d'un effondrement fatal. L'ennemi, en détournant l'eau des séguia au pied
des murailles, avaient usé de cette astuce af1n de déliter le béton des fon-
dations et d'avoir raison de la résistance des défenseurs. ~\Ialgré la fragilité
de leurs murs, les ksour sUl'ent parfois, fort honorablemcnt, subir cles sièges
très longs. Le ksac voi,;in de,; Aït- Ya!Jya bcn Othman résista cin<] ans,
dit-on, il l'assaut des Aït-'A(!a; et ce vers 1847.
Les ksour du DJ'ù (1) l'appellent davantage ceux du Ziz que ceux des
affluents de son bassin supérieur, le Dads et l'Assif Ouarzazat. Ils se pressent
nombreux et peuplés sur d'étroits espaces souvent réduits par l'étran-
glement cles falaises entre les<]uelles le fleuve s'insinue. Comparativement à
la longueur totale de la vallée, le Drâ n'est, à vrai dire, habitable que dans
une minime partie de son cours, celle <]ui s'étend du débouché de sa cluse il
travers le massif Tifernin-Saghro jusque vers le coude qu'il fait en direction
de l'Atlantique. Gros collecteur des eaux du Haut-Atlas, il forme un magni-
Il) L' Spillillann, Descl'ip. Geogr. de la Haute Vall,ie du Dra, in Rerue de l;eofJ .•~Ial'o('a;ne,
juin 1930, et Cap. J'ennès et LI Spillmann, Les pa,l{" in,al"'I'ssibles du flaut /)raa, op. cir.,
W' 1 et 2, 1929,
266 E. LAOUST (166)
fique réservoir d'eau qui ne tarit jamais, en dépit des multiples seguias qui
le saignent et dont certaines sont si larges qu'on leur donne le nom d'oueds.
Il est infranchissable en temps de crues. Il mesure alors, par endroits, un
la ligel'liIl npparaît au bont d'nne piste roclleuse, bor,lée de pierres amoncelées qui délimitent
des jardins de figuiers et d'amandiers en !leurs (Assif n-Oumersid),
et large vallee qu'il s'est creusée dans des âges géologiques révolus. Toute
vie ksourienne y est devenue impossible. Des tribus chamelières de grande
valeur guerrière, Aït-Oumribet, Idaou-Blal, Reguibat, parcourent seules
son lit toujours à sec où poussent épars des faux-gommiers et des tamaris.
Il s'intègre à la hammada saharienne au point qu'il ne constitue pas une
limite entre le monde des nomades et des sédentaires Chleuhs (1). Cette
frontière se reporte plus au Nord, au pied du Bani, où sont les ksour de
Tissint, de Tat(a, d'Aqqa, d'Icht etc., uniformement bâtis au débouche des
gorges étroites des rivières drainant vers le Drâ, les eaux de l'Anti-Atlas.
Et cette ligne extrême des ksour, en bordure de la première marche saha-
rienne, se double de ksour groupés en arrière, au pied de l'Anti-Atlas, là,
où s'épanouissent les vallées.
Certains de ces établissements, Aqqa, Tissint, ont connu jadis une
véritable ère de prosperité, au temps où un commerce caravanier y amenait
du Soudan des marchandises diverses et des noirs vendus comme escla-
ves (2). A cette déchéance s'ajoute aujourd'hui le souci constant de se pré-
munir contre les dangers que constitue le voisinage des grands nomades.
Le délabrement des ksour, les ruines qui s'y accumulent disent assez la
grande détresse des choses et des hommes, qui comptent parmi les plus
misérables de ce pays.
Dans le Haut-Drâ - on appellera ainsi le bassin supérieur formé des
gros affluents originaires du Haut-Atlas - l'agencement des ksour of1'rent
des particularités nouvelles. Cela tient sans doute à la plus grande variété
de types de maisons et surtout à la préscnœ de la tighremt, qui donne au
paysage un aspect nouveau.- Le ksar groupe dans une même enceinte des
maisons hautes ou basses, tigllfemt et taddart. Et du fait que la tighremt,
avec ses hautes tours, constitue déjit un élément sérieux de défense, le rem-
part s'y montre généralement de construction plus négligée. Il n'existe
même pas toujours: les murs des maisons qu'on juxtapose de manière à
laisser entre elles un ou deux passages étroits, forment eux-mêmes l'en-
ceinte. Le ksar de Tifoultout dans le district d'Ouarzazat, dans une moindre
mesure celui de Taourirt où se dresse la kasba monumentale de Si Ham-
madi, et surtout celui des Aït-ben-Haddou au débouché de l'Oued Mellah
(l} cr. Il. Montagne, La limite du Maro" et du Sahara Atlantique, in He"l'ét'is, fase. l et Il.
1930.
(2) Sl!f Cei3 régions. cf. qe FQQca,ulq, Reeonn. ecu MC/I'uc, pp. 121, 127, 137.
268 E. LAOUST [168]
le qsar de Tiloultout (Ouarzazat) gr')u]Je dans la IllL\me enceinte des maisons du genre
tigel'mt et tadâal't . ..
anciens.
Sur l'abandon de ce mode d'habitat, il, coup sùr on peut retenir ced (1) :
« Les Indigènes se souviennent que l'abandon des hauteurs fortifiées par la
masse de la population est en relation avec les progrès de l'islamisme et
l'extension de la culture arabe. Et cela est tout naturel, car ces nids de
troglodytes ont bien un caractère berbôre. Les kelâas de pierres sèches
représentent le village berbère, les ksar modernes, Je village arabe, un plus
haut degré de culture islamique. »
Tout ce qui a été dit ici à ce suj~t ne peut que renforcer l'hypothèse du
savant éminent - hypothèse formu!()e il une époque où le Maroc IlOsti-
lement fermé à ses investigations auraient otrert i1 sa perspicacité des élé-
ll1üats d'informations plus décisifs encore.
***
On quitte le pays des ksour par le Tizi n-Telghemt ou le Tizi Itguel,
dans la région de Tounfit: celui-ci iL la préférence des Indigènes, car il
conduit directement dans la vallée de la Haute-Moulouya (2). Le pays
change d'a~pect. Par comparaison avec l'aridité qu'on laisse derrière soi, il
apparaît presque verdoyant. Vert l'Est, c'est la grande steppe alfatière qui
commence. Vers l'Ouest, c'est la longue et étroite vallée de la Moulouya
bordée de belles montagnes bleues; on aperçoit dans le lointain le Bou-
Iblan tout étincelant de neige sous les feux du soleil. Le Haut-Atlas pelé
et dénudé sur ses pentes Sud, se couvre sur son versant Nord de thuyas
rabougris, assez denses dans les creux, et d'un maigre tapis végétal dont se
con ten ten t les ehèvres et les mou tons. Dans sa partie Ouest, où domine le
sommet neigeux de l'Ari el-' Ayyachi, la forêt de cèdres fait une grande tache
sombre qui justifie le nom d'Amalou «( ombre)) que les Berbères aiment à
donner à leur montagne.
La Moulouya, Melouyt en berbère, et ses affluents dont l'Assif
n-Oudad qui traverse les pays des Aït-Ouafella, l'Ansegmir où sont les
Aït-Ayyach et les Aït-Bougman, occupent l'arrière-pays et collectent les
eaux vives et claires venues des monts. Elle ne reçoit guère du Moyen-
Atlas, au-delà, dans sa p,trtie moyenne, que quelques torrents sans
im portance aux lits asséchés et eaillouteux. Elle roule de moins en moins
d'eau à mesure qu'elle s'approche de la mer. Les ksour sont ici, dans le
Imut-pays, vers 1.500 mètres d'altitude moyenne; Midelt est ~t 1.600;
Hwr à 1. 800.
La earact<'lristique de la région est fournie par son climat qui rappelle
celui des hauts-plateaux algériens, rude l'hiver, chaud l'été. Le Moyen-
Atlas dresse une haute muraille qui forme écran contre les vents d'Ouest.
Il garde pour lui les pluies, la neige, les beaux p~tturages, les forêts et les
rivières. A Midelt, il tombe tout au plus 20 jours de pluie par an. La neige
pourtant fait son apparition sur les haut sommets et y séjourne de longs
mois. L'air y est sec; les ven ts violen ts et fréq uen ts son t forts préj udiciables
il la végétation déjil très en retard en raison du froid. Le peuplier est ici
l'arbre familier; depuis El-Hajeb, il sillonne les routes et signale les
groupements humains. Le palmier a disparu du paysage déjà depuis le Kheneg.
Ces conditions climatiques différentes ont leur répercussion sur J'éco-
nomie du pays. Les sédentaires fixés là où se trouve l'eau donnent une plus
grande extension à la culture des céréales, celle du maïs notamment, et
réduisent d'autant l'importance des vergers. Les pasteurs, limités dans leurs
terrains de parcours, sont moins riches, moins aventureux et turbulents. La
plupart de ceux qu'on trouve établis au pied du Moyen-Atlas doivent
même demander à l'agriculture un complément de ressources. Ils conservent
leurs tentes pour leur déplacement à la suite des troupeaux; mais ils
possèdent des ksour bâtis il proximité de la rivière ou d'une seguia, où sont
les bonnes terres. Ils font partie de la grande famille des transhumants que
chaque hiver ramène de l'autre côté de la montagne, dans l'azaghar, les
plateaux de Tellt et de Ment.
PL. XLIV
Cette bàtisse se dresse sur un rocher, sur la rive gauche du Dads à proximité de son confluent
avec l'Assi! Ouarzazat (Dar Si Allal, Ouled Merzouk) .
.. . dans le district de Skoura, les habitations sont généralement d'aspect considérab le et presque
toujours abondamment décorées .••
[1711 L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 271
Est
FIG. 98b/:s. - Igerm des Aït-Oual'ella.
Estas::
: Su. cl
FIG. 99. - Tajilalit.
d'une. Celle qui s'oriente vers l'Est, en direction des ehamps, n'est plus
qu'une entr<~e secondaire. La principale fait face au Sud; elle donne accès
à une terrasse rocheuse où eoule la séguia et où, pour plus de commodité,
on a établi les aires à battre.
La pratique qui consiste il, multiplier les ouvertures vers la campagne,
va désormais s'observer fréquemment. Le ksar de Tajilalit en eompte deux;
d'autres en ont trois ou quatre. Elles ont été faites après coup, car une
seule est bastionnée et rappelle avee moins de prétention la porte
monumentale d!'s ksour du Sud.
[173] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTltAL 273
entre
.
autre intérêt
'
celui de nous l'amener au monde'i
des transhumants. !
(11 Sur cette région, voir Ch. Eisenmerger,in Bull. SOI'. GI;og. du Mi.U·OI', rase. 4,1920 et
Benaehenhon, Le.,; Oulcui pl-Hadj et la tl'ansitumctn(·p dans le /lo/mlJl, in B'Il/. . .Srll'. d" G,;o,/. dll
Marol', juillet 1934. Leur,; campements portent le Hom de dw·. . ,
12
274 E. LAOUST [174]
La tighremt
(1) i\otamlllent de Foucauld, Recon. au Maroc, of!. eit., p. 62. E. Laoust, Mot.~ et Cho.~e8
/ICl'b., p. ;, et sui\' _. P. Ricard, A u pays des /wshas, in Bul. Soc. Géo~. du Maro,', fasc. 4, 1923.
Suzanne Nouvel. op. cit.. Célérier, Le A/aroe, p. 69. D'A. Paris, Documents d·arch. uerbpre.
Terrasse et Hainaut, Lcs A rts décoratifs au Maroc, p. 4 et 18.
278 E. LAOUST [178]
(1) Sur le pays occupé par ces tribus, voir C' Tarrit, Htwle .<ur le front chleuh, in Bull.
Sociét. GéOfi. du Maro", fase. 5, 1923.
12) C' Martin, En pay.s Ait Ahhé.s et Ait Rou Guemmez, in Recue de GéOfi. mw·oclïiIW. n" 3,
1927.
(3) E.-F. C,autier, Les eacerne.s du Dil', in He.'prit'i." ,je trilll., 192;.,
i4) E. L~oust, Mot.s et C/JO,'C8 bCl'bèl'es, p. 448,
[179] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 279
.- ,..
FIG. 101. - Zaouïa des marabouts Ahansal.
entre elles par une galerie circulaire. La terrasse recouvre la eonstruction
en entier et l'éclaire par une ouverture ronde aménag<~e au milieu. Cette
ouverture porte le nom de tal'abbit n-t,ljl'emt. On la reeOUHG d'un dispositif
fait de rameaux arqqés de lamier-rose il la façon de la hotte destinée au
transport des gerbes. On va d'un étage ~t J'autre au moyen d'une échelle
disposée dans les tours d'angle. Les murs s'élèvent de la terrasse de toute
une hauteur d'homme. Cette partie s'appelle Imestul'; elle est percée de
meurtrières derri(~re lesquelles les défensems group(~s sm la terrasse, afeLla
n-tril'emt, tenaient tête aux assaillants.
Des bâtisses identiques, construites en pierre et non en pisé, passent
pom être anciennes. Elles ne sont pas rares dans le pays On signalera la
zaouïa des marabouts d'Ahançal, sise dans une boude de l'Imdghas, chez
les Aït-Morghad, non loin du ksar des Aït-Ou-Attiq (Ilg-. 101). L'édifice
mesure 20 mètres au carré et 6 iL 8 mètres de haut. Ce qu'il olfre de remar-
quable, ce sont ses tours qu'on n'a pu monter qu'cn les asseyant sur une
base très large. Ce sont de véritables troncs de pyramide. La terrasse com-
284 E. LAOUST [184)
porte nnc dizaine de trous d'aération. On y accède par une rampe établie
dans une tour. En raison de son caractère d'établissement religieux qui la
met à l'abri de toute surprisc, cette construction ne possède ni meurtrières,
ni créneaux. Elle possède, par contre, comme tout ksar, le petit enclos,
araflbi, formant avant-cour devan t la porte d'en tree.
Néanmoins, c'est la construction de pisé qui prévaut. Mais soit qu'on
obéisse it des traditions qui donnaient jadis la préférence ~t la pierre, soit
qu'on ait des inquiétudes sur la solidité du pisé, on habille les murs d'un
revêtement de pierres sèches di:-:posées en assises parallèles, parfois de très
agréable manière. La tighremt de terre des Aït-Bou Sta, à Iboukhennan,
est ainsi recouverte du pied jusqu'aux trois quarts de sa hauteur, d'un
placage de cailloux curieusement alignés en arête de poisson (Pl. XL).
Dès qu'on se rapproche des régions pré-sahariennes, où l'insécurité est
plus grande, on constate que l'architecture des tighremt se complique
d'éléments défensifs, habituellement réservés à l'usage des ksour. Il en est
ainsi, chez les Aït-Hadiddou, qui ont leur habitat dans l'Assif Melloul -
sous-affluent de l'Oued el-Abid - le Haut-Ziz, le Haut-Gheris et le Haut-
Dads. Ces Aït- Hadiddou transhumaient jadis entre les sources de la
Moulouya, le Ziz, le Gheris et l'Oued el-Abid. La tighremt que possède
un de leurs am:iens chefs de guerre, un des derniers soumis, le nommé
Mouhmouch, est certes des plus caractéristiques du genre. Elle se trouve
dans le ksar des Ihodigen, clans le Haut-Imclghas (1). Sans se départir
d'une conception quasi illlmuable, le constructeur n'a pas moins réalisé une
Œuvre originale et de bon goùt (lig. 102).
La construction repose sur un plan rectangle de 8 mètres X 15 mètres.
Elle est flanqu(~e de trois bastions carrés et massifs et d'un borj, haut de
15 mètres, crénel(~ et décoré du type courant, mais renforcé d'une échau-
guette taéten::il't et d'un poste de vigie, tanmuttert, ce dernier établi sur la
terrasse. L'échauguette qui se trouve aussi il la même hauteur, dans l'angle
du borj et du Jllur de la bàtisse, est une petite construction de briques
bâtie sm un éehafaucl:ige de bois, dans laquelle on accède par une porte
ménagée dam; la tour. Son plancher, constitué par deux· pierres plates
espacées en leU!' milieu, 111(~nage une ouverture propre au jet de projectiles.
La pode de la jigllcnnt est elle-môme protégée par un abri couvert, ara!Jbi
magasins pour la paille; au premier étage, une grande pièce pour les récep -
tians et des réduits -rOUf le bois; au second, une chambre d'habitation où
est le foyer et un grenier a~wnll lel~zin où les grains sont jetés en vrac dans
les coins. D'autres chambres aménagées S~lr la terrasse et dans les tours
complètent cet ensemble. L'une porte le nom de tanei$rit la plus grande
J
•.• parfois il ne subsiste que deux tours) les autres sont remplacées par un mur pointu
à pans obliques •.
[187] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS bU MAROC CENTRAL 287
L'igerm du transhumant
." Aïn-Leu h, avec sc.' terrasses éla:-iées l'ait songe;!' à lin village
chleuh du Haut-At las ...
parfois les passages importants suivis par les caravanes: ce qui facilitait
à ses propriétaires la perception des droits de péage (1) (zettata).
Elle avait extérieurement l'aspect du ksar saharien, bien que de
proportions plus modestes. Elle était défendue par une ou deux enceintes
et une porte bastionnée. Mais à l'intérieur, les maisons, au lieu de s'aligner
en bordure des rues, s'adossaient contre le rempart de manière à ménager
une vaste cour pour le bétail. Des constructions identiques s'dendaient, à
notre arrivée, sur tout le pays occupé par les transhumants. Le canon les
a presque toutes démolies. Il en subsiste encore. L'igerm des kit-ben
tAtto, dans la vallée du Tigrigra, décrit par ailleurs, est un bon exemplaire
du genre. De même celui des Aït-Faska qu'on observe près d'Ougmès, dans
une région aux eaux abondantes et aux terres de nature volcanique particu-
lièrement riches (fig. 103). Les propriétaires - des transhumants - l'ont en
partie déserté. Les gens qu'on y rencontre sont des étrangers, des Qebbala,
des Sahariens, Aït- Merghad et Aït-Seghrouchen, affectés à la garde des
greniers. L'igerm des Aït-Yahya ou-Alla, dans le Tigrigra, est peut-être
plus curieux que les précédents; il paraît marquer la transition entre le
ksar saharien et l'igerm du transhumant. Il possède notamment une petite
mosquée logée dans la porte d'entrée, contrairement aux autres qui en
sont dépourvus. A l'intérieur une grande cour pavée, sillonnée de rigoles à
purin, rappelle 1'« arel,lbi)) du ksar. Les maisons s'alignent le long de
petites ruelles selon un dispositif relevé dans les ksour de la Moulouya ct
du Tiâllalin. Dans la partie Sud, les maisons sont même du type de la
« taddart)) ksourienne, mais modifiées de façon à multiplier le nombre' de
' .. lïg'erm d'Oug'mils (Aït-Faska) est ,l'un type particulier aux Beni-Mguild transhumants:
une enceinte carrée enserrant uue cour pour le b6tail.
.;. l"~nceinte reproduit celle de lïgerlll saharien, mais les vpnts et les pluies violentes de l'Ouest
la Soumettent à de dures épreuves ..•
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[191] L'HABITATION CItEZ L~S TRANSHUMANTS nu MAROC CENTRAL 291
CONCLUSION
La question de l'habitat chez les transhumants du Moyon-Atlas est
apparue il l'analyse d'une complexité beaucoup plus grande que ne le
laissait supposer un premier examen. Cette com~!~xité, qu'on observe dans
l'enchevêtrement des types.·d'habitations les plus divers, nous a même
entraîné à déborder le cadre géographique primitivement fixé et il étendre
notre enquête jusqu'au pays des confins. On n'aurait pu déterminer autre-
ment les caractéristiques d'une variété d'habitation qui est le type fonda-
mental des régions steppiques et pré-sahariennes et dont la présence dans
la haute montagne est en opposition avec les exigences du climat.
Les grandes tribus transhumantes sont en effet d'origine saharienne
... clans lig'erlll des AÏI.- Yahya Ou alla, les demeures des Qebbala et des étra~ger~se rangent en
dehors de l'enceinte, en bordure d'une rue où coule en zigzagant laségUia qu Il est de règle
de trou ver aux abords de tout qsar ...
(Cliché Flandrin)
". parvenu au dernier terme de son évolution, lïgerm saharien s'est transformé en une ferme
d'aspect paisible, isolée au milieu des terres du transhumant ainsi libéré de l'habitat collectif.
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[193] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 293
et c'est par le Sahara que doit s'expliquer une partie de leur histoire.
Elles n'occupent leur habitat actuel que depuis un temps relativement
court. Les pistes du Sud sont encore toutes jalonnées du souvenir de leur
passage. Les Beni-Mtir ont laissé des leurs il, Sidi Dou-Kil, dans le Haut-
Ziz (1). Les Aït-'Ayyach de l'Ansegmir ont un ksar à Taârart, dans la
montagne et une forte colonie dans la banlieue de Fès. Les Aït-Youssi
ont des représentants dans le Haut-Ziz, au ksar de Balit. Les Aït-Ioum-
mour sont dans la Haute-Moulouya vers 1650, puis dans le Moyen-Atlas,
dans le pays actuel des Ichqern; le gros de la tribu est finalement déporté
dans la région de Marrakech. Les Aït-Ouarain ont vécu dans la région de
Sidi Bou-Yakoub; un ksar porte encore leur nom dans le groupe de Ksar-
Es-Souq. Au XVIIe siècle, Tazrouft, près de Sidi-Hamza, était occupé par
des Zemmour, des Aït-Lias, des Aït-Sadden, des Aït-'Ayyach et des Juifs
islamisés. Des Zayan nomadisaient dans la plaine d'Ikhf-Aman vers
l'an 1004. Les Iguerrouan habitaient, avant le Xe siècle, les régions du
Tafilalt et du Reg. On les signale ensuite dans le Haut-Ziz, le Haut-Guir
et le Haut-Gheris. Au XVIIe siècle, ils s'établissent près de Meknès, mais
il leur reste quelques îlots dans le Haut-Ziz, à Aït-ben-Yahya et dans
l'Isellaten à Ou-Tarbat.
Dans leur migration lente vers les plaines atlantiques, ils ont eu
recours aux services de la tente qui, par sa mobilité, facilitait leurs mou-
vements. Ils ont édifié des constructions sur le modèle des ksour; ils les
ont utilisées d'abord comme réduits de défense, puis comme greniers. Ils
sont restés fidèles il, leurs habitudes ancestrales, à leur organisation poli-
tique et sociale (2). O-n peut même croire que les dangers et les risques de
la route n'ont fait que raffermir la cohésion du groupe. A certaines tribus
plus aventureuses, il est arrivé d'entrer en contact avec le Makhzen et d'en
subir l'influence. Mais c'est à leur antique organisation traditionnelle
qu'elles sont toujours revenues quand les circonstances s'y prêtaient.
L'état de « siba Il ou de dissidence n'avait nullement le caractère anar-
chique qu'on prétend. C'était le retour à un ordre différent. La société
berbère a toujours eu l'allure d'une petite république dotée de rudiments'
(1) Selon des traditions relevées en pays berbère par le L' Lecomte.
(21 Sur l'organisation tribale traditionnelle chez les transhumants, cf. Abès, Les Aïth Ndhir,
in An:hiccs Berbères, fase. 2, 1917. E. Laoust, Cours de berb. maroeain (Maroc Central) 1" éd.,
pp. 298 et suiv ..
294 E. LAOUST [194]
d'organismes peu compliqués. A la tête du groupe, un chef, amgar n-tllga,
désigné par les sufTrages des hommes libres, partageait l'autorité avec des
imasain ou chefs de fraction et des conseils ima'a. Son pouvoir était
déterminé par les prescriptions d'un droit coutumier, aZI'ej, qui fixait l'im-
portance des amendes, i:Jma:J. On retrouve là toute l'organisation politique
des ksour. Sauf peut-être en ce qui concerne les attributions de l'amghar
que des nécessités de conquête et de défense ont surtout fait un « chef de
guerre», le parallélisme est absolu. K-F. Gautier (1) signale que la plupart
des ksour de la Saoura avaient conclu, avant l'occupation française, des
conventions avec les tribus voisines. Ces conventions étaient de deux sortes,
la tata (2) et la Lwwa. Il est curieux de rapporter que les tribus du Moyen-
Atlas ont gardé très vivant le souvenir d'en avoir jadis conclu d'analogues:
elles ont substitué au mot IJawa, qui est arabe, le correspondant berbère
tagmat qui signifie « fraternité ).
Des raisons historiques expliquent que l'habitat et l'organisation tradi-
tionnelle de la tribu transhumante soient restés dans leurs traits essentiels
des répliques sahariennes. Mais il serait vain de nier que des facteurs
géographiques n'aient pu exercer leur emprise, notamment sur l'économie
du nouveau venu, en l'astreignant aux vicissitudes d'une double transhu-
mance d'hiver et d'été. Selon le versant et l'étage de la montagne, les
moyens de fortune employés pour soustraire l'habitation à l'action dégra-
dante des intempéries indiquent, sans autre commentaire, qu'elle est étran-
gère au pays.
Doit-on invoquer des raisons ethniques pour justifier la di\ursitt) des
types d'habitations que notre enquête a fait connaître? Assurément non
en ce qui concerne les régions pré-sahariennes où vi vent, plus ou moins
confondues. des populations aux origines les plus diverses : Zénètes et
Sanhaja, Arabes, Qebbala, Nègres et Métis de toutes couleurs, Juifs isla-
misés ou non. Le caractère impérieux d'un climat particulièrement sec
explique que l'habitat y soit dans l'ensemble homogène et étroitement
groupé aux abords immédiats des points d'eau. On sera aussi affirmatif en
ce qui concerne les populations du Moyen-Atlas qui, au rebours de celles
du Sud, constituent un groupe berbère Sanhaja plus compact, mais qui
possèdent, par contre, les types d'habitation les plus variés. On a cependant
(1) Cf. Le Sahara Algérien, p. 209.
(2) Sur le sens <:lu mot, cl. E. Laol.lst, Cours de bel'b. mal'. (Maroc Central), 1" éd., p. 339.
[195] L'HABITATION CHEZ LES TRANSHUMANTS DU MAROC CENTRAL 295
E. LAousT.
(1) G. Marçais, Manuel d'Art musulman, t. I, p. 56,
(2) Voir in/m.
INDEX DES MOTS ARABES ET BERBÈBES
taggurt, 85, 130, 187, takat, 29, 44, 166. tanagut, 240.
197, 200, 240, 283. talëQalJ.f, 192. tanakra, 52.
tagguri ulJilm, 9. talehrit, 218. tanala, 17.
tagmat, 294. talëmuttert, 22ft tanast, 29, 49,230,242.
tagnart, 49. talëzazt, 129. tanëmuttert, 226.
tagoror, 217. taliStut, 125, 134. tane'}rit, 285.
tagra, 49. talltiut, 134, 172, 226. tanëzdurjt, 81.
tagrart, 217,218. talkoit, 125. tannalt, 129.
tagraut, 216. tal~uyt, 125, 149. tanse/t, 157.
tagrirt, 217,218. tallal, 110. tanuat, 14.
tagust, 19. tallunt, 49. tanualt, 166.
tagahamt, 6. talsiut, 142. taüwust, 112.
tagazamt, 6. taluit, 50. taqbilt, 9.
tagëngayut, 157. talsalut, 228. taqdu!Jat, 49.
tagënzaut, 49. talsalut lbâb, 109. taqëbbat, 20·i.
tagërart, 68. tamadla, 14, 19, 51. taqëllalt, 49.
tagit, 160. tamagurt, 29, 30. tar~bbit, 42, 125,283.
Ait Hadiddou, 26, 83, 146, 152, 202, ,79, 85, 88, 91, 145, 179, 196,
210, 220, 259, 278, 280, 284. 209, 211, 273, 276, 292, 293.
Badiddou n-Zoulit, 250. Aït Ouaraïn-Cheraga, 3.
Bamou ou-Sâïd, 288. Ou-Attiq, 283.
Hanini, 178. Ougadir, 97, 276.
Faska, 222, 290. Ouirra, 39, 44, 80, 125, 129, 134,
Khebbach, 76, 81, 88, 240. 146,175,179,210,278,279.
KarkaÏt, 42, 49, 80, 85. Oumelbekht, 179, 279.
Idrasen, 78. Oumenasft, 97.
IlJand, 148. Oumribet, 267.
Iloussan, 274. Ouribel, 32, 39.
Imour, 148. ou-Tnakraouin,288.
Ioummour, 293. Qbal Larham, 276.
Isaffen, 34. Sadden, 8, 13, 23,26,27, 29, 39,
IslJa, 147. 43,44,45,47,48,49,52,80,85,
Issoummour, 232. 86,91,135, 167, 175, 179, ]96,
Izdeg, 9, 40, 42,43,44,47,81,82, 201,293.
125,135,148,152,157,160,173, Sedrat, 266.
174,228,240,242,246,250,271, Seghrouchen, 3, 4, 10, 16, 27, 28,
274. 32,39,44,45,49,50,75,78,79,
Lias, 293. 80, 81, 85, 88, 91, 125, 146,156,
Mançour,97. 157,167,179,209,228,276,290.
Mazigh, 146. Sgougou, 3,22,28, 28, 39, 76, 91,
Merghad, 29, 81, 82, 83, 152, 228, 93, 97, 136, 139, 175, 179, 182,
253, 259, 274, 283, 290. 188, 196, 202, 209.
Messaq, 10, 26, 27, 146, 156, 210, Shaq,179.
213, 278, 279, 281, 286. Sokhman, 146, 147,278.
Messaoud, 276. Snan, 255.
Mgilq, 8, 9, 39, 42, 78. Sri, 3, 146, 278.
Mgoun, 146. Taguella, 281.
Ml:tammed, 279. Taddert, 257.
Moussa ou-Daoud, 179. Wariaghel, 26, 27, 34.
Naâman, 35. Yahya, 147,211,274,278.
Ndhir, 4,8,9,39, 42,44,78. bou-Othman, 262.
Roboâ,179. Yahya-oualla, 115, 116, 117, 129,
Ouadanoust, 278. 138, 144, 290.
Ouafella, 150, 246, 270, 273. Yend,169.
Ouagrou, 175. Yousi, 3, 4, 23, 28, 45, 56, 78, 88,
Ouahi,39. 97, 125, 135, 146, 209, 276, 293.
Ouaouzguit, 210, 287. Zouggouat, 78.
\L{araïn, 4, 9, 10, 16, 44, 45, 78, Aksimen, 214.
- 308-
Tombouctou, 76, 260. Zayan, 3, 4, 16, 22, 26, 29, 33, 39, 40,
Touat, 169, 241, 250, 252, 257, 259. 41, 82, 88, 89, 91, 95, 128, 133, 135,
Toufsdelt,184. 136,167,175,179,182,202,209,293.
Tounfit, 125, 158, 159, 168, 176, 228, Zekkara, 32.
269, 277. Zemmour, 8, 13, 14, 16, 21, 22, 23, 29,
Touggour, 273. 32, 33, 39, 41, 43, 44,45,47, 49, 50,
Toulal, 44, 47, 86, 178,193. 53,57,78, 79, 80, 81,e3, 86, 88, 127,
167, 179,202,293.
v Zenaga, 7, 27, 33,42,74,160,211.
Volubilis, 171. Zénètes, 33, 78, 85, 94, 177, 182, 203,
209,241,246,249,250,251,254,256,
z 282, 294, 295.
Zad, 276. Ziz, 44, 123, 128, 138, 142, 152, 156,
Zaer,59. 160,162,165,193,212,223,239,250,
Zars,63. 252,253,254,255,256,259,260,284,
Zarzis, 27,64,65,67. 293.
Zaouïa d'Abou-Salim, 57. Zouaoua,4, 6,27,30,33,81,211,228,
Zaouïa des Aït-Ishaq, 146. 229.
Zaouiet echcbeikh, 146. Zouagha, 78.
Zaouïa de Sidi Hamza, 152, 257. Zousfana, 167,240,241,259.
TABLE DES FIGUHES
Pa~es Pages
Fig. 1. Tarselt............... 12 Fig. 28. Développement de la
2. Ahammar............ 12 tente des Oulad-Naïl.. 61
3. Adriq u1J,ammar . . . . .. 12 29. gentas 61
4. Développement d'une 30. Tente de l'Aurès....... 61
tente (Zemmour). . . . . . 15 31. Charpente de la tente
5. Croisement de triga ... 12 des Oulad-SEaid . . . . .. 64
6. A!Jrib................ 15 32. S u P P 0 r t de te n te
7. I!Jrîben............... 12 (Tunisie).. . . . . . . . . . . . 64
8. Disposition intérieure 33. Nouala à Zarzis... ..... 64
d'une tente (Zemmour). 20 34. Id. (coupe)............ 64
9. Id. (Beni-Mguild) . 20 35. gurtas (Zarzis) " 64
10. Id. (Zayan) 20
36. Une habitation du Sud-
11. A ru n-iduda.......... 40
Tunisien. . . . . . . . . . . .. 67
12. Aruku 40
37. Tente du Djebel Nefousa 67
13. Tasgaidut............ 40
38. Id. (développement)... 67
14. Inyan................ 40
39. tazlijt................ 69
15. lmezmar.............. 40
40. gra 69
16. Moulin (Taza)......... 40
41. Support de tente (Homs) 69
17. Id. (Aït-Sadden) .... '" 43
42-43. gurtas (Djosc)...... 69
18. Taidurt.............. 43
19. lmaEunt............... 43 41. Charpente de la tente
tri poli taine. . . . . . . . . . . 69
20. Aogra................ 43
21. Tahuwirt............. 43 45. zaber................. 69
22. Tagenburt............ 43 46. greba ... . . . . . . . . . . . .. 69
23. Ustensiles de cuisine 47. Tente des Oulad - <Ali
disposés dans une tente 46 (Libye) 71
24. Cruches à eau " 48 48. Disposi tif d'ancrage
25. Décor de moulin....... 48 (Libye).............. 71
26. Seau pour la trai te. . . .. 48 49-50. Développement de la
27. timratin u!Jam 48 tente des Oulad-<Ali. 71-73
- 316-
Pag-es Pages
Fig. 51. Faite d'une tente toua- Fig. 78. Taddart à Ksar es-Souq 160
règue ..... '" . .. . . . .. 73 79. Maison à Ouarzazat (le
52. Une ferme de transhu· rez-de-chaussée) 164
mant (Beni-Mguild) ... 109 80. Id. (l'étage) 165
53. Une taddart (Irklaoun). 110 81. La maison au Chien à
54-55. Id. (Aït- Yahya ou Volubilis 170
Alla 116 82. I(Jrem de Hamou ou
56. Corbeille à grains..... 118 SEaïd (Aïn-Leuh) .... 184
57. Une taddart, le rez-de- 83. 1(Jrem des Aït-ben·'Atto 186
chaussée (Azrou) 120 84-85. Jrjrem chez les Aït-
58. Id., l'étage 122 Sgougou 189
59. Une terrasse (Azrou) 129 86. Irjrem ou Tnakrîwin .. 190
60. Anneau de porte 131 87. Taddart à Toulal.. . .. 191
61 - 62 - 63 - 64. Décors de 88. Tiyëmmi chez les Aït-
portes " , 138 Sadden 197
65. Tatouages............. 139 89. Tiddari chez les Beni-
66. Portes décorées .. , .. '" 141 Iznacen 203
67. Palmette (Ouarzazat) .. 142 90. Jrjerm des Aït-'Atto 225
68. Décor de vestibule 91. Mosquée des Aït-'Atto. 230
(Kerrando) .. . . . . . . . .. 143 92. Aït- Issoummour . . . . .. 231
69. Décor à l'intérieur d'une 93. Ijâbouben 233
maison (Kerrando) 143 94. Igerm ti-n-'Aomar 234
70. Taddart à Tounfit. , 148 \ 95. Tawouhait. 235
71. Id. à Midelt 149.1r 96. Igerm amoqran 236
72. Id. chez les Aït- 97. Igerm de Targa 263
Ouafella , 150 "< 98. El-Hart 266
73. Taddart chez les Aït- 98 bis. Igerm des Aït-
Izdeg 151 " Ouafella 271
74. Taddart à Kerrando 99. Tajilalit 272
(rez-de-chaussée) " 153 100. Aït-Ilousan 273
75. Charpente de taddart 154 101. Zaouïa des Marabouts
76. Taddart à Kerrando Ahansal . . . . . . . . . . .. 283
(l'étage) 154 102. Ksar des 1hodigen .. " 285
77. iselli n-ta~fin . . . . . . . . .. 155 103. Igerm de transhumant. 291
TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE