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CARDO-TORGIA: la garnison torréenne

« Cardo-Torgia (Cardu, Torghja en Corse) est un petit village français, situé dans le département
de la Corse-du-Sud et la région de Corse ».
C’est ce qu’on lit sur le site http://www.annuaire-mairie.fr/ où l’on a le nom « officiel » toscan repris
avec quelques « aménagements » (trait d’union) par l’administration française, mais aussi la forme
« corsisée » : Cardo est devenu Cardu (facile !) et Torghja arbore le <ghj> corse. En effet les mots avec
<gi> ou <ge> sont d’importation toscane récente, ils sont aujourd’hui présents dans toute la corse (geniu)
mais plus nombreux dans le Nord (girà/ghjirà).
La forme Torghja est la plus fréquemment citée y compris par les organismes officiels comme la
Collectivité Territoriale de Corse (http://www.corse.fr/Double-toponymie-les-communes-en-langue-
corse_a2722.html).
C’est Wikipedia (!) qui donne la forme appropriée, Cardu è Turghjà : « Cardu-Turghjà hè
una cumuna di u dipartimentu di a Corsica suttana » (https://co.wikipedia.org/wiki/).
Il est surprenant que les publications «corsistes» plus ou moins officielles ne donnent pas la forme
accentuée sur la dernière syllabe (Turghjà) mais oscillent entre Torgia (INSEE 1987) ou Torghja (Coti
1984, Agostini 1990, cesitcorsica.org). Dans la région du toponyme en question le site du « Portail officiel
du tourisme et des vacances en Corse » mentionne « A Turghja » (tour génoise).
La forme Turghjà est présente dans la littérature : par exemple C.Giovoni, Annu Corsu 1934 ou chez
Paulu Matteu della Foata (1817-1899), «bon auteur» notoirement incontournable mais largement méconnu.
Ses « Poesie giocose » rappellent que Cardu et Turghjà étaient deux villages « unis », que ce dernier
tombait en ruines, et que les habitants de Turghjà sont les Turghjanacci (Turgianacci en graphie de
l’époque, l’ouvrage cité de Coti&Graziani donne Cardulacci).
Turghjà peut donc être issu d’une forme avec le suffixe habituel –anu (ou –ana, –ani...) et formé sur
un nom de personne (toponymes « fonciers », cf. en Italie Torgiano sur TORSIUS : Gasca 1990).
A la base on peut avoir aussi TURRIS «tour». Les turrighjani sont historiquement (16° siècle) les
gardiens des tours génoises (http://www.educorsica.fr/storia_di_a_corsica/epoque_moderne4.html).
Le passage de Turrighjani (cf. Torrigiani, nom d’un cardinal de l’époque de Pasquale Paoli) à
Turghjà s’explique aisément par les mécanismes habituels:
Turrighjani > Turghjani (syncope) > Turghjà (apocope).
Jean Chiorboli
linguacorsica@gmail.com

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