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EMC-Rhumatologie Orthopédie 1 (2004) 64–93

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Biomécanique de l’os. Application au traitement


des fractures
Biomechanics of bones and treatment of fractures
P. Meyrueis (Ancien professeur du Service de Santé des Armées,
chirurgien des Hôpitaux) a,*,
A. Cazenave (Ancien chirurgien des Hôpitaux des Armées) b,
R. Zimmermann (Ancien chirurgien des Hôpitaux des Armées) a
a
64 rue de Metz, 83200, Toulon, France
b
Institut Calot, 1 rue du Docteur-Calot, 62600, Berck-sur-Mer, France

MOTS CLÉS Résumé L’os est un matériau anisotrope et viscoélastique. Il se forme et se résorbe en
Os ; fonction des contraintes mécaniques qu’il subit (loi de Wolff). Sa résistance varie en
Biomécanique ; fonction de la direction suivant laquelle la charge est appliquée. L’os est plus fragile en
Consolidation ; tension qu’en compression. L’activité musculaire modifie les contraintes supportées par
Ostéosynthèse les os in vivo. La consolidation osseuse est influencée par des facteurs mécaniques : la
statique ;
question la plus importante est le choix entre une fixation stable ou une fixation instable.
Ostéosynthèse
dynamique ;
L’ostéosynthèse est statique si sa raideur ne change pas pendant la durée de la consoli-
Ostéosynthèse stable dation. Si le foyer de fracture a été ouvert une ostéosynthèse statique doit être stable.
L’ostéosynthèse est dynamique quand on fait varier sa raideur pendant la consolidation,
pour améliorer la formation du cal ou pour réduire le risque de fracture itérative (clou et
fixateur externe). L’ostéosynthèse dynamique peut être relativement instable pendant
5 ou 6 semaines pour favoriser le cal périosté, et après cela stable jusqu’à la fin de la
consolidation. Le degré d’instabilité qui favorise la consolidation pendant les premières
semaines est encore inconnu. L’expérience montre qu’elle doit rester modérée.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Abstract Bone is a living anisotropic and viscoelastic material. Bone remodels in response
Bone; to the mechanical demands placed upon it (Wolff’s law). Bone strength varies according
Biomechanics; to the direction in which the load is imposed. Bone is weaker in tension than in
Fracture healing; compression. Muscle activity alters the in vivo stress pattern in bone. Bone healing is
Static osteosynthesis; influenced by mechanical factors. The most extensive question is the choice between
Dynamic stable or unstable fixation: the osteosynthesis is static if the stiffness never changes
osteosynthesis;
during the fracture healing. In an open fracture site a static osteosynthesis must be
Stable osteosynthesis
stable. The osteosynthesis is dynamic when its stiffness vary during the fracture repair in
order to improve the callus formation or to reduce the risk of refracture (nail and external
fixator). The dynamic osteosynthesis can be slightly unstable during 5 or 6 weeks in order
to enhance the periosteal callus and after that stable until the end of the fracture
healing. The amount of instability which improves the healing is still unknown. The
experience suggests that it must be moderate.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : jp.meyrueis@wanadoo.fr (P. Meyrueis).

© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.


doi: 10.1016/S1762-4207(03)00006-1
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 65

Introduction
Les fractures peuvent être traitées en suivant les
principes émis par certaines écoles renommées. Le
chirurgien doit cependant garder l’esprit ouvert
aux nouvelles idées, sans succomber aux modes
passagères. Il doit pour cela s’appuyer sur les no-
tions fondamentales concernant la consolidation
osseuse et ses bases mécaniques.
Les notions essentielles concernant la consolida-
tion osseuse ont été exposées dans un autre article 1 2 3
de ce traité.
Ce travail qui lui fait suite est consacré aux
caractéristiques mécaniques de l’os et à la biomé-
canique de la consolidation. Nous espérons que le
lecteur trouvera dans ces pages les règles qui gui-
deront ses choix thérapeutiques.

Biomécanique de l’os
Caractéristiques mécaniques des matériaux
4 5 6
Un bref rappel des notions de base est indispensable Figure 1 Différents types de charges et de force. 1. Tension ; 2.
avant d’envisager les propriétés mécaniques de l’os, compression ; 3. flexion ; 4. cisaillement ; 5. torsion ; 6. charge
tissu vivant de structure complexe, et celles des combinée torsion-compression.
implants utilisés pour l’ostéosynthèse des fractures.
conserverons donc ces unités. Le lecteur obtiendra
les résultats en MPa en multipliant les chiffres
Définitions
indiqués par 10.
Forces et contraintes peuvent être classées en
Force
tension (traction), compression, flexion, torsion et
Une force est une action ou une influence telle
cisaillement (Fig. 1).
qu’une traction ou une pression qui, appliquée à un
La tension tend à allonger le matériau et à le
corps libre, tend à l’accélérer ou à le déformer
rétrécir. Inversement, la compression le raccourcit
(force = masse × accélération). Elle se définit par son
et l’élargit. Les deux agissent perpendiculairement
point d’application, sa direction et son intensité.
à la surface du matériau.
Un newton est une force qui, appliquée à une
Le cisaillement (shear stress) agit parallèlement
masse de 1 kg lui donne une accélération de 1 m par
à cette surface.
seconde carrée.
La torsion provoque dans le matériau des
contraintes perpendiculaires à l’axe neutre de la
Contrainte
structure.
Une contrainte (stress) peut être définie comme la
résistance interne à la déformation, ou la force
Déformation relative
interne produite dans un matériau par l’application
La déformation relative que les Anglo-Saxons dési-
d’une charge extérieure.
gnent sous le terme de strain est la déformation
Contrainte = charge / surface d’application de la charge d’un matériau résultant de l’application d’une
Suivant le système international, les contraintes force ou d’une charge.
sont exprimées en newtons par mètre carré Il existe deux types de déformations relatives :
(1 N/m2 = 1 Pa), parfois en N/mm2 (1 N/mm2 = 1 mé- • les déformations en tension ou en compression
gapascal ou MPa). Toutefois, de très nombreuses qui s’expriment le plus souvent en pourcentage
publications expriment encore les contraintes en de la longueur initiale (DL/L) ou en centimè-
kilogrammes-force par millimètre carré (kgf/mm2). tres par centimètre (Fig. 2) ;
1 kgf/mm2 = 9,81 MPa, c’est-à-dire en pratique • les déformations en cisaillement qui représen-
10 MPa. tent le pourcentage de déformation angulaire
Une grande partie des mesures concernant l’os du matériau et qui s’expriment en radians
ont été effectuées en utilisant les kgf/mm2. Nous (Fig. 3).
66 P. Meyrueis et al.

Lo 1 2 3
Contrainte
(kg/mm2)
σB B
σD D C
σC

σA
A

Lo + L

F D'
O
εD εA εB εC
Déformation (%)

Figure 4 Courbe contrainte déformation d’un matériau. 1. Zone


Figure 2 Principe du test de résistance à la traction. d’élasticité ; 2. zone de déformation plastique ; 3. zone de
rupture.

L
l’éprouvette. On parle alors de la contrainte
(stress) nominale de traction : a = F/S, qui s’ex-
prime en (MPa) ou en kgf/mm2.
De la même façon, l’allongement DL est rapporté
à la longueur initiale L pour donner la déformation
(strain) linéaire DL/L, qui s’exprime en pourcen-
T tage.
T
On obtient ainsi la courbe
(contrainte/déformation) caractéristique du maté-
riau.
ϕ
En examinant un exemple de courbe
(contrainte/déformation) (Fig. 4), on observe trois
zones distinctes.

Zone d’élasticité (partie OA de la courbe)


Figure 3 Essai en torsion : u / L = T / GJ. L’angle de torsion φ est Cette partie de la courbe est assimilable à un
inversement proportionnel à la rigidité en torsion GJ. La rigidité segment de droite, c’est-à-dire que la déformation
en torsion dépend du module de cisaillement du matériau (G) et
d’un paramètre géométrique, le moment polaire d’inertie (J).
est proportionnelle à la contrainte exercée sur
T : force de torsion. l’éprouvette ou sur l’implant. C’est la loi de Hooke
(1676).
Essais en traction. Module de Young Le rapport : E = contrainte / déformation est une
La méthode la plus employée pour déterminer les constante appelée module d’élasticité en traction
caractéristiques mécaniques de base d’un matériau ou module de Young.
consiste à réaliser un essai de résistance à la trac- Il est exprimé en MPa ou en kgf/mm2, et il est
tion conformément à la norme ISO 6892. l’expression de la pente de cette partie de la
Une éprouvette de forme et de dimensions stan- courbe.
dardisées est taillée dans le matériau à étudier. L’élongation (A) est proportionnelle à la force (F)
Deux repères distants d’une longueur L sont pointés qui la provoque et inversement proportionnelle au
le long d’une génératrice de la partie cylindrique. module d’élasticité (E) : A = F / E.
L’essai consiste à enregistrer, au moyen d’une Le module de Young est d’autant plus grand que
machine de traction, l’évolution DL de la distance le matériau est plus rigide.
entre ces deux repères en fonction de la force F, Tant que l’on applique à un implant une
appliquée parallèlement à l’axe à chaque extré- contrainte inférieure à rA (qui est la limite élasti-
mité de l’éprouvette (Fig. 2). que ou yield stress du matériau), la suppression de
La courbe (force/allongement) obtenue dépend cette contrainte permet à l’implant de reprendre
du matériau, mais également des dimensions de ses dimensions initiales (la décharge s’effectue
l’éprouvette. Pour obtenir une courbe indépen- sensiblement sur le même chemin que la charge,
dante des dimensions de l’éprouvette, on rapporte c’est-à-dire suivant la partie OA de la courbe). La
usuellement la force F à la section initiale S de déformation est élastique.
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 67

eA est la déformation produite par rA ; c’est la Un matériau est cassant s’il se rompt rapidement
plus grande déformation élastique du matériau dès que sa limite élastique est atteinte. Sa plasti-
(yield strain). cité est faible ou nulle. C’est le cas du titane.
La ductilité ou malléabilité caractérise un maté-
Zone de déformation plastique (partie AB riau apte à se déformer dans la zone de plasticité,
de la courbe) comme par exemple le cuivre.
Au-delà du point A, la pente de la courbe diminue
jusqu’à s’annuler. C’est-à-dire qu’à une faible aug- Essais en flexion
mentation de la contrainte appliquée correspond
Il existe différentes techniques de tests en flexion.
une forte augmentation de la déformation.
Elles varient en fonction du mode d’appui [encas-
En outre, cette déformation n’est plus entière-
ment réversible. Si pour un niveau de contrainte rD trement ou appui simple du nombre d’appuis]
la charge est lentement réduite, il en résulte une [flexion trois points (Fig. 5) ou quatre points
décharge le long de D’D, pratiquement parallèle à (Fig. 6)] et du mode de chargement. Les éprouvet-
OA. Lorsque la contrainte est ramenée à zéro, il tes doivent être longues et portent dans ce cas le
subsiste une déformation résiduelle eD (on parle de nom de poutres. Nous ne pouvons pas entrer dans le
déformation plastique). C’est ce que le chirurgien détail de la théorie des poutres. Nous indiquons
réalise très souvent en modelant une plaque d’os- seulement quelques notions essentielles : en sou-
téosynthèse. C’est également le cas pour l’incurva- mettant une poutre (mais aussi l’os, un implant ou
tion d’un des deux os de l’avant-bras de l’enfant le composite os-implant) à des tests en flexion, on
lorsque l’autre os est fracturé. provoque une déformation de cette poutre. Sa face
Si l’on effectue une nouvelle mise en charge à supérieure devient plus courte que sa face infé-
partir du point D’, on constate une évolution élas- rieure. La face supérieure est en compression et la
tique le long de D’D, puis une évolution plastique le face inférieure en flexion. La poutre est en fait
long de DB. La limite élastique du matériau est soumise à un gradient linéaire de contraintes allant
maintenant rD (supérieure à rA) ; les propriétés du de la compression à la flexion. Il y a donc une zone
matériau ont donc été modifiées. On dit que le de la poutre dans laquelle les contraintes sont
matériau a été écroui ou qu’il a subi un écrouissage nulles. Cette zone correspond à un plan de symétrie
(strain hardening). horizontal appelé plan neutre de la poutre.
Écrouir un métal ou un alliage consiste donc à le
travailler sous des efforts supérieurs à sa limite
d’élasticité pour le transformer en un autre corps à
limite d’élasticité accrue, mais à domaine plasti-
que réduit.
L’écrouissage peut être obtenu en métallurgie
par forgeage, étirage ou laminage à froid. Le ré-
chauffement à forte température de ce métal
écroui lui rend ses qualités initiales. C’est le phé- F
nomène du recuit. L’usinage d’un implant entraî-
nant des écrouissages locaux, il est assez souvent
recuit pour lui rendre ses propriétés initiales.

Zone de rupture (partie BC de la courbe)


Au-delà du point B, la pente de la courbe devient
négative. La rupture a lieu pour la contrainte rC. 1
rC est appelée contrainte de rupture (ultimate
Compression
stress ou fracture stress) du matériau.
eC est la déformation produite par rC. C’est la
déformation pour laquelle la rupture a lieu (ulti-
mate strain).
rB est appelée résistance à la traction (tensile
strength). C’est la contrainte nominale maximale
du matériau. C’est cette valeur qui est générale-
ment donnée pour caractériser la résistance d’un Traction
métal. Pour les métaux utilisés en orthopédie, elle
est très voisine de la contrainte de rupture rC. Figure 5 Essai de flexion trois points.
68 P. Meyrueis et al.

l/2 l/2 Charge


(kg/mm2)
a a
P P

Limite de
fatigue
δ = P a (312 - 4a2)
EI 24 Nombre de cycles à la rupture
e
EI = P a (312 - 4a2) Figure 7 Courbe de Woehler.
L
δ 24
connue, on relève le nombre de cycles pour lequel
Figure 6 Essai de flexion quatre points. La flexion d est inverse- la rupture de l’éprouvette survient. La courbe
ment proportionnelle à la rigidité en flexion EI. La rigidité en (charge/nombre de cycles à la rupture) obtenue est
flexion dépend du module d’élasticité (E) du matériau et du appelée courbe de Woehler.
moment d’inertie (I), qui dépend lui-même des dimensions de En examinant un exemple de courbe de Woehler
l’éprouvette rectangulaire. EI : rigidité en flexion ; E : module (Fig. 7), on constate généralement que :
d’élasticité du matériau de la poutre ; I = Le3 / 12.
• le nombre de cycles que supporte un matériau
Essais en torsion avant rupture diminue quand la charge appli-
Un cylindre subit une contrainte en torsion lorsque quée augmente ;
ses extrémités sont soumises à un couple (forces • il existe une valeur de la charge en deçà de
parallèles travaillant dans des directions opposées) laquelle, quel que soit le nombre de cycles la
dont le plan est perpendiculaire à l’axe du cylindre. rupture ne se produit pas.
Les contraintes de torsion se manifestent en spira- Cette valeur de la charge est appelée limite de
les continues tout le long de l’objet. fatigue ou limite d’endurance. Pour les alliages
Si on applique un couple de torsion (Fig. 3) aux habituellement utilisés en orthopédie, elle varie
extrémités d’une éprouvette, on observe sur la autour de 50 % de la charge de rupture.
courbe (couple appliqué/angle de torsion) un com- Soumis à une charge supérieure à la limite de
portement identique à celui obtenu lors de l’essai fatigue, le matériau casse inéluctablement après
en traction. La courbe présente une partie linéaire un certain nombre de cycles. Soumis à une charge
élastique, puis une zone plastique non linéaire inférieure à la limite de fatigue, il ne casse pas.
jusqu’à rupture. L’endurance d’un implant augmente avec le taux
Si en traction, pour une section circulaire de d’écrouissage. Un implant recuit, très plastique, a
l’éprouvette, la contrainte dans celle-ci est inver- une limite de fatigue basse.
sement proportionnelle au carré du diamètre, en Compte tenu des charges qu’ils supportent, une
torsion elle est inversement proportionnelle au plaque d’ostéosynthèse ou un clou centromédul-
cube de ce diamètre. laire sont au-dessous de la limite de fatigue lors-
Pour un cylindre creux et pour une même sec- que la fracture est consolidée. Dans ces conditions,
tion, ce cylindre est d’autant moins contraint en ils ne cassent pas. Ils cassent en revanche obliga-
torsion que le diamètre extérieur est important. toirement pour un nombre de cycles prédéterminé
si la fracture ne consolide pas, car l’implant tra-
Essais en fatigue vaille au-dessus de sa limite de fatigue.
Un matériau peut se rompre sous une contrainte On estime habituellement à 2 millions le nombre
inférieure à sa limite élastique s’il est soumis à des de cycles de contraintes supportés par un implant
du membre inférieur en 1 an.
contraintes cycliques : c’est le phénomène de fati-
Le lecteur intéressé peut trouver plus de détails
gue.
sur les caractéristiques mécaniques des matériaux
Un des essais les plus pratiqués pour déterminer
utilisés pour la fabrication des implants destinés à
le comportement en fatigue d’un matériau consiste
l’ostéosynthèse, dans notre article de l’Encyclopé-
à soumettre une éprouvette à un essai en torsion
die Médico-Chirurgicale.42
alternée et flexion rotative. Afin que les fibres du
matériau soient successivement comprimées puis Caractéristiques mécaniques de l’os
tendues, l’extrémité de l’éprouvette est soumise à
une rotation cyclique, tandis qu’une charge est La connaissance des caractéristiques mécaniques
appliquée à l’autre extrémité. La charge étant de l’os est indispensable pour la compréhension du
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 69

mécanisme des fractures et pour le choix des tech- Matériau composite


niques thérapeutiques. L’os est un matériau composite comportant deux
Un jour de 1866, au cours d’une réunion de phases, la matrice qui est essentiellement colla-
naturalistes, Herman von Meyer présentait une sec- gène et l’os minéral.
tion frontale de l’extrémité supérieure du fémur.59 Le collagène n’a aucune résistance en compres-
Parmi les auditeurs se trouvait Culmann, ingénieur sion mais a une grande résistance à la traction. Pour
et mathématicien de renom. Celui-ci fut frappé par Zioupos et Currey,68 la diminution des propriétés
la disposition trabéculaire ordonnée de l’os. Cette mécaniques de l’os avec l’âge est due à des modi-
extrémité osseuse avait les mêmes caractéristiques fications du collagène.
qu’une grue de type Fairbain dont les lignes de La partie minérale est plus résistante en com-
contraintes maximales étaient connues. Ces lignes pression qu’en traction.
correspondaient au système de travées osseuses. L’os tire sa résistance en traction de son compo-
Culmann proposa aux biologistes une loi à confir- sant collagène et sa résistance en compression de
mer : le squelette est élaboré de manière à suppor- son composant minéral. L’arrangement des cristaux
ter le maximum de charge avec le minimum de d’apatite en petites unités protège l’os de la pro-
matériel 25. pagation des cracks.
L’idée fut acceptée et en 1870 Wolff64 énonçait La raideur de l’os augmente avec son degré de
sa fameuse loi selon laquelle l’os se forme en
minéralisation. Au fil de l’évolution elle s’est adap-
fonction des contraintes auxquelles il est soumis.
tée aux contraintes. Destinés à propager les sons,
les osselets de l’oreille moyenne sont très minéra-
Moyens d’étude
lisés.
Ce n’est que depuis la Deuxième guerre mondiale
La forme et la structure tubulaire de l’os ne sont
que les caractéristiques mécaniques de l’os ont fait
pas un caprice de la nature. Son architecture en
l’objet de nouveaux travaux.
anneau est parfaitement adaptée à la résistance
Différentes techniques ont été utilisées :
• tests mécaniques tels que ceux que nous avons aux contraintes. Il suffit pour s’en convaincre de
évoqués à propos des matériaux ; prendre une feuille de papier. Il faut très peu
• technique des « vernis craquelants » par obser- d’effort pour la plier. Si on la roule en forme de
vation des déformations du revêtement d’un os tube, en revanche, il devient plus difficile de la
au cours de l’application de charges ; courber. La forme cylindrique est celle qui donne la
• jauges de contraintes ; plus grande résistance pour une quantité donnée de
• photoélasticité : technique qui utilise les modi- matière.
fications de la diffraction de la lumière dans
certains plastiques en fonction des contraintes Résultat des tests
qu’on leur fait subir. Cette technique que les Les caractéristiques mécaniques de l’os révélées
auteurs ont utilisée à de nombreuses reprises, par les tests, varient en fonction de nombreux
a encore un intérêt didactique ; paramètres tels que le mode de conservation, l’hu-
• modèles mathématiques complexes ; midité, l’orientation du prélèvement... La dessic-
• plus récemment, analyse par éléments finis qui cation augmente la raideur (rigidité) de l’os. L’os
permet de prévoir les contraintes dans une mort est plus résistant que l’os vivant58 mais il est
structure complexe. Rohlmann et al.55 ont dé- plus cassant.
montré que cette technique peut donner des – Résistance en traction
renseignements sur des données simples telles L’os est élastique et suit la loi de Hooke. Il
que la distribution des contraintes résultant de s’allonge proportionnellement à la contrainte en
l’application d’une force isolée. Elle reste en traction qu’il subit. Dès 1847, Wertheim évaluait le
revanche très approximative dans des condi- module d’élasticité (module de Young) de l’os frais
tions physiologiques, en particulier sur le plan entre 1 819 et 2 638 kgf/mm2. En 1876, Rauber51
quantitatif ; l’estimait entre 1 982 et 2 099 kgf/mm2. Jusqu’à
• techniques de microscopie acoustique très per- une époque très récente, on a considéré que le
formantes pour définir les différentes constan- module d’élasticité de l’os cortical était d’environ
tes élastiques de l’os dans les différents plans 2 000 kgf/mm2 (20 000 MPa) et celui de l’os spon-
de l’espace. gieux de 650 kgf/mm2 (6 500 MPa). Nous verrons
plus loin que les choses sont beaucoup plus comple-
Résultats xes et que le module de Young varie fortement d’un
Ces recherches ont abouti à des conclusions à peu point de la corticale à l’autre.
près identiques que nous pouvons résumer comme En 1967, Bonfield et Li10 ont découvert que l’os
suit. de bœuf avait un module d’élasticité extrêmement
70 P. Meyrueis et al.

Pour Marique,33 celle du fémur est de


12,5 kgf/mm2. Evans19 l’évalue en moyenne entre
6,35 et 10,57 kgf/mm2.
Contraintes

La contrainte de rupture de l’os cortical se situe


donc classiquement aux environs de 10 kgf/mm2.
Elle augmente pour l’os sec.
En 1967, Comtet et al.15 ont constaté sur des
radius frais une résistance en traction de
20 kgf/mm2.
À titre de comparaison, celle de l’acier est d’en-
A B C viron 100 kgf/mm2 ; celle du cuivre de 13, du chêne
de 10, du pin de 6 et du béton de 2. La résistance en
traction de l’os est donc supérieure à celle du bois
et à celle du béton.
Déformations
La résistance en traction (P) d’un os entier est
Figure 8 Les trois types de cycles de chargement-déchargement donnée par la formule simple : P = SK (S étant la
de l’os (d’après Bonfield et O’Connor). A : phase élastique ; B : surface de section de l’os et K la contrainte de
boucle en hystérésis fermée ; C : boucle en hystérésis initiale- rupture de l’os en traction).
ment ouverte et qui se ferme avec le temps à contrainte O.
Il est ainsi simple de calculer la charge à la
bas, de 3 MPa soit 0,3 kgf/mm2. Ce niveau est rupture des os du squelette, qui est de 1 500 kg pour
dépassé en permanence dans les activités quoti- l’humérus et de 2 300 kg pour le fémur. Mais comme
diennes. Au-delà de cette limite, l’os a un compor- le soulignent Comtet et al.,15 il serait faux de croire
tement anélastique et sa déformation met une que cela représente la véritable résistance en trac-
dizaine de minutes pour disparaître. tion de ces os. En effet, la ligne idéale passant par
En 1978, Bonfield a repris ces expériences avec le centre de gravité des sections n’est pas rectili-
O’Connor.9 Ils ont retrouvé un module d’élasticité gne et l’os a à supporter non seulement des
très bas de 8 à 12 MPa (0,8 à 1,2 kgf/mm2) (Fig. 8) : contraintes de traction mais également des
• pour des contraintes très faibles en dessous de contraintes de flexion. On obtient donc la rupture
la limite élastique, l’os a un comportement pour une charge bien inférieure à la valeur calculée
élastique linéaire classique (courbe A) ; ci-dessus. Burstein et al.12 ont mesuré une défor-
• quand la limite élastique vient d’être dépas- mation osseuse de 4,6 % (± 1,2 %) au moment de la
sée, les courbes de charge et de décharge rupture, sur une série de fémurs.
coïncident seulement aux nivaux de contrainte Des études micromécaniques réalisées par As-
maximum et minimum. La courbe (B) a un cenzi et Bonucci2 sur des ostéons isolés de l’os
aspect de boucle fermée en hystérésis. Cet cortical ont révélé que la courbe contrainte-
aspect avait déjà été signalé par l’un des déformation dans les ostéons est très fortement
auteurs en 1976 ;67 dépendante de l’orientation des paquets de fibres
• pour des contraintes élevées, les courbes de de collagène.
charge et de décharge ne coïncident pas sous – Résistance en compression
forme d’une absence de contrainte lors de la Lorsque deux forces s’appliquent sur un corps en
décharge. Elles laissent persister une déforma- directions opposées, dirigées l’une en direction de
tion résiduelle et un aspect de boucle ouverte l’autre, le corps est en compression. Il devient plus
en hystérésis (courbe C). La déformation non court et plus large et finit par s’écraser.
élastique a disparu lentement après la dé- La formule applicable est la même que pour la
charge, à condition d’attendre assez long- résistance en traction soit P = SK, mais cette fois K
temps (jusqu’à 40 minutes). est la charge de rupture en compression, différente
Les os de l’enfant ont un module plus bas que de celle en traction. La contrainte de résistance en
ceux de l’adulte et ils absorbent plus d’énergie compression de l’os cortical varie suivant les
avant de se fracturer.16 Il existe chez l’enfant une auteurs de 12,56 à 25 kgf/mm2 soit deux fois plus
large zone de déformation non élastique. que le bois. Nous retiendrons une moyenne de
Le module d’élasticité varie avec le degré de 15 kgf/mm2. La charge de rupture en compression
minéralisation de l’os. de l’humérus est ainsi de 2 200 kg, celle du fémur
La contrainte de rupture de l’os cortical est très de 3 450 kg avec les mêmes réserves que celles que
proche de sa limite élastique. Selon Rauber,51 cette nous avons énoncées pour la charge à la rupture en
contrainte de rupture varie entre 9,25 et traction. L’os résiste donc mieux à la compression
12,41 kgf/mm2. qu’à la traction.
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 71

∆ l = 1,25·10-3 mm/mm
l
Contraintes

Déformation
A
N
C. a j T.

i
Contraintes

b
c g h
d e f

B Déformation ∆ l = 0,7·10-3 mm/mm


l
Figure 9 Courbes contraintes-déformation du fémur (d’après
Burstein et al.). Figure 10 Variations de la microdureté (d’après Blaimont).
A. Traction. Déformations pour P = 100 kg. La dureté diminue presque
B. Compression. Noter l’absence de phase plastique en compres- linéairement de l’endoste au périoste.
sion.
– Résistance en flexion
L’os spongieux a une résistance en compression La résistance en flexion de l’os cortical varie de
beaucoup plus faible. Elle est de 1 kgf/mm2 aux
10 à 20 kgf/mm2. Elle augmente avec le moment
condyles fémoraux et de 2 à 3 kgf/mm2 dans cer-
d’inertie de l’os. Celui-ci augmente avec la dis-
taines zones de l’extrémité supérieure du fémur.
tance qui sépare la masse osseuse de l’axe neutre.
Dans l’ensemble, l’os spongieux est dix fois moins
Cela explique l’élargissement du canal médullaire
résistant en compression que l’os cortical61. C’est
du sujet âgé qui donne une résistance équivalente
donc en son sein que se produisent les fractures en
avec moins de masse osseuse. Cela explique égale-
compression. Cette résistance diminue encore avec
l’âge. Le rôle principal de l’os spongieux semble ment les constatations de Blaimont8 lorsqu’il a
être l’amortissement des contraintes. L’arthrose mesuré la microdureté des diaphyses. Celle-ci dimi-
pourrait être due à une diminution de son élasti- nue de l’endoste vers le périoste. La partie la plus
cité. dure est logiquement la plus éloignée de l’axe
En 1972, Burstein et al12 ont montré que l’os a un neutre (Fig. 10).
comportement plastique en traction mais pas en L’os n’est donc pas homogène mais son hétéro-
compression. Pour ces auteurs, la présence d’une généité est organisée.
zone de déformation plastique en tension est com- – Résistance en torsion
parable à celle que l’on observe avec les polymères Pour Rauber,51 la résistance à la torsion de l’os
et correspond à la création de vides. Pour d’autres, varie entre 4 et 9,3 kgf/mm2, avec une moyenne de
elle est due à la formation de microfractures dans 7 kgf/mm2 sur éprouvettes. Comtet15 ne trouve que
la corticale. En compression la courbe reste li- 5 à 6 kgf/mm2 sur l’os entier. Il attribue cette
néaire, c’est-à-dire que l’os se rompt brutalement différence aux microdéfauts de surface qui existent
sans déformation plastique (Fig. 9). sur l’os. En torsion, la rupture se produit suivant
– Résistance au cisaillement une hélice, conformément à la théorie qui enseigne
Le cisaillement survient lorsqu’un groupe de for- qu’une sollicitation en torsion est équivalente à
ces tend à faire glisser une partie du corps sur une traction et à une compression s’exerçant à
lequel elles sont appliquées, sur la partie voisine. 45 °. La formule des contraintes en torsion que nous
La résistance au cisaillement varie suivant les avons vue à propos des matériaux nous apprend que
auteurs de 7 à 11 kgf/mm2 pour l’os cortical et de plus l’os est long, moins il est résistant en torsion.
0,10 à 0,5 kgf/mm2 pour l’os spongieux. En gros, Cela explique que les fractures spiroïdes survien-
l’os cortical est 20 fois plus résistant en cisaille- nent sur les os longs. Plus l’os a un gros diamètre,
ment que l’os spongieux. moins il est vulnérable. Si le bras de levier est long,
72 P. Meyrueis et al.

A B

˚
30
Contraintes

˚ N N
60

Déformations

N N
A A
Déformation

Figure 11 Anisotropie de l’os. Tests en traction dans quatre


directions sur de l’os cortical fémoral : traction longitudinale Contraintes
(L), à 30° de l’axe de l’os, à 60°, et traction transversale (T)
(d’après Frankel et Burstein).
A A
comme par exemple un humérus tordu par l’inter-
Figure 12 Le module d’élasticité de la corticale diminue de
médiaire de l’avant-bras, la force nécessaire pour
l’endoste vers le périoste. Les zones osseuses les plus déformées
rompre l’os est moindre (fractures au cours de sont aussi les plus déformables, et les contraintes intraosseuses
concours de « bras de fer »). Le site des fractures en tendent vers l’égalisation. L’élasticité osseuse s’adapte aux
torsion ne coïncide pas avec le siège d’application sollicitations (d’après Blaimont).
de la torsion. A. E constant.
B. E variable.

Anisotropie Viscoélasticité
Matériau composite élastique, l’os a de nombreuses L’os vivant est viscoélastique. Ses propriétés méca-
autres caractéristiques. En 1958, Evans19 a montré niques varient avec la vitesse d’application de la
qu’il est anisotrope, c’est-à-dire qu’il n’a pas les charge. Il perd en partie cette propriété à l’état
mêmes propriétés dans tous les plans. Les résistan- sec. Grâce à cette caractéristique, il résiste mieux
ces en traction que nous avons indiquées sont celles aux efforts rapides qu’aux efforts lents. La viscoé-
qui s’appliquent suivant l’axe longitudinal de l’os. lasticité de l’os lui permet de mieux s’adapter aux
Transversalement ou obliquement, cette résistance contraintes :58
est plus faible (Fig. 11). • si on applique une charge sur un os, il se
La résistance et la raideur de l’os sont maximales déforme instantanément ; si la charge est
dans les directions correspondant aux contraintes maintenue, l’os continue à se déformer pen-
les plus élevées. En 1975, Reilly et Burstein52 ont dant 55 jours ;
présenté la première étude systématique de l’ani- • après 55 jours, la déformation atteint 153 % de
sotropie de l’os. Ils ont montré que le module celle qui avait été obtenue après les 2 premiè-
d’élasticité longitudinal était en moyenne 50 % plus res minutes.
élevé que le module transversal. Konirsch26 a mon- Le serrage d’une vis illustre bien cette viscoélas-
tré, grâce aux extensomètres électriques à grande ticité. Après l’avoir serrée à fond, il est toujours
amplification, que le module d’élasticité varie no- possible de donner un quart ou un demi-tour après
tablement suivant la face de l’os et suivant qu’on quelques minutes.
l’étudie en traction longitudinale, en compression
ou en flexion. Il diminue de l’endoste au périoste, Autres propriétés
ce qui tend à égaliser les contraintes intraosseuses Tissu vivant, l’os a en outre deux propriétés consi-
(Fig. 12) : dérables qui le distinguent des autres matériaux :
• à proximité de l’endoste : 2 600 kgf/mm2 • en réponse à des demandes fonctionnelles, il
(26 000 MPa) ; peut changer ses propriétés mécaniques loca-
• sous le périoste : 1 400 kgf/mm2 (14 000 MPa). les et les adapter aux contraintes. Il existe une
L’os étant plus résistant en compression qu’en « fenêtre de contraintes admissibles » ; si l’os
traction, c’est de préférence sa face soumise à des est soumis à un excès de contrainte, il va
contraintes en traction qu’il faut renforcer lors s’adapter en augmentant de volume et en mo-
d’une ostéosynthèse. Fort heureusement, les mé- difiant sa texture. Si les contraintes devien-
taux utilisés comme implants pour l’ostéosynthèse nent excessives, il se nécrose ou se fracture
possèdent une bonne résistance en traction. (fractures de fatigue). Si au contraire il est
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 73

soumis à un niveau de contrainte insuffisant, il F Y I2


va s’amincir et devenir plus fragile. C’est le
phénomène du stress-shielding que l’on ob- Tension
serve au contact de prothèses massives très
rigides parfaitement et directement fixées à
l’os. Ce phénomène est également préoccu- ∆Y
pant en mission spatiale de longue durée ; A A
I1
• l’os a la possibilité remarquable de se réparer
lui-même.
Ces propriétés sont le résultat de l’action com- Compression X
binée de processus biologiques et mécaniques com-
plexes.
Nous allons voir plus loin à propos du fémur et du
radius que l’os est beaucoup plus résistant que le
calcul mathématique et les essais en traction sur Figure 13 Mise en charge axiale longitudinale d’un os courbe.
éprouvettes isolées ne le laissent supposer. Elle entraîne des contraintes de compression longitudinales
Les mesures de Burstein ont montré qu’avec auxquelles s’ajoutent des contraintes de flexion, en raison de
l’âge se produit une diminution de la déformation l’excentricité de l’application de la charge. Le résultat est la
mise en tension du côté convexe et en compression du côté
maximum avant rupture, atteignant 5 % tous les
concave (d’après Lanyon et Baggott28).
10 ans au niveau du fémur et 7 % tous les 10 ans pour
le tibia. tension du côté convexe (Fig. 13). Les contraintes
de compression sont deux fois plus importantes que
Contraintes supportées par les os les contraintes de tension. Le calcul théorique basé
sur la mise en charge d’une poutre chargée excen-
Les connaissances dans ce domaine sont récentes et triquement prédisait des chiffres comparables. La
demeurent limitées. Dans l’activité quotidienne, pathologie des affections statiques ne peut être
un ensemble complexe de forces est appliqué sur bien comprise qu’en prenant en compte la distribu-
les os. L’application de ces forces provoque des tion des contraintes dans l’os. En 1968, Blaimont7,8
déformations microscopiques. Ces déformations commençait ainsi un de ses articles : « La connais-
dépendent de l’importance des contraintes, de la sance des contraintes osseuses et leur distribution
géométrie de l’os, c’est-à-dire de sa longueur, de est un élément presque entièrement ignoré de la
ses courbes, de son diamètre et de ses propriétés physiologie du système de soutien ». Cette connais-
mécaniques. sance est pourtant d’un grand intérêt pour l’ostéo-
Chez l’homme, le centre de gravité du corps est synthèse, car elle permet une adaptation du maté-
situé devant la deuxième vertèbre sacrée. La posi- riel aux conditions mécaniques qui lui sont
tion latéralisée des membres inférieurs par rapport imposées.
au centre de gravité produit des forces additionnel-
les asymétriques qui s’ajoutent au poids du corps. Fémur
Le squelette des membres inférieurs est ainsi sou- Il est incontestablement l’os qui a été le mieux
mis à une compression asymétrique. Il en résulte étudié. On sait depuis Pauwells que la charge qui
des contraintes en flexion qui sont en tension sur le s’exerce sur la tête fémorale est considérable. En
côté convexe et en compression du côté concave. position unipodale, le poids du corps excentré
La forme des os est adaptée pour diminuer les exerce sur la tête fémorale une charge de près de
contraintes en flexion. Les os sont courbes, de telle 300 kg, susceptible d’augmenter en fonction des
sorte qu’ils sont dans l’axe de la résultante des efforts et des mouvements (Fig. 14). En montant
forces qui agissent sur eux. Cette courbure aug- des escaliers, cette charge peut atteindre 5 fois le
mente les contraintes de compression qui sont les poids du corps et en marchant rapidement jusqu’à
mieux tolérées et diminue en revanche les 7,6 fois car dans ce cas les forces d’accélération
contraintes de flexion. s’ajoutent à la charge statique. Bergmann et al.,5
Le travail de Lanyon et Baggott28 avec des jauges reprenant l’expérience de Rydell,57 ont publié en
de contraintes sur des radius de mouton a montré 1990 leurs résultats après mise en place in vivo de
que la mise en charge axiale de cet os courbe prothèses de hanche équipées de jauges de
produit des contraintes longitudinales mais aussi de contraintes chez deux patients. Les contraintes
flexion, en raison de la position excentrique de la mesurées étaient pour un sujet de 370 % du poids du
charge. Il existe de ce fait des contraintes de corps en montant les escaliers, de 416 % en les
compression du côté concave et des contraintes de descendant et de 369 % en marchant à plat. Pour
74 P. Meyrueis et al.

100 100 calcul mathématique des contraintes sont erronées


dans leur application à l’os, soit parce que les
épreuves de résistance à la traction sont entachées
d’erreur ». Blaimont a montré que les deux expli-
cations s’associaient pour expliquer le paradoxe :
• la dureté de l’os diminue presque linéairement
de l’endoste au périoste. Le module d’élasti-
h cité est nettement plus élevé au voisinage de
Z l’endoste que dans la zone périostée. La diffé-
rence est importante ; Comtet trouvait sur le
10 radius un module de 2 600 kgf/mm2 à proximité
de l’endoste, et de 1 413 kgf/mm2 sous le
D 110 périoste. Si la totalité de la section osseuse
présentait une égale dureté, les contraintes
D 10 évolueraient suivant le modèle utilisé pour le
calcul mathématique des contraintes. Dans la
flexion fémorale, le périoste est plus déformé
que l’endoste. Les zones déformées sont donc
les plus déformables. Il s’ensuit une tendance à
l’égalisation des contraintes (Fig. 12) ;
• Comtet a montré que les épreuves de traction
Figure 14 Le fémur peut être comparé à une potence, dont la
charge excentrée engendre des contraintes de traction (Z) et
sur éprouvettes peuvent être entachées d’er-
des contraintes de compression (D). Si une charge identique reurs systématiques par défaut. Elles donnent
était appliquée dans le grand axe d’une poutre verticale de de la résistance osseuse une idée trop pessi-
même dimension, elle y produirait des contraintes de compres- miste.
sion axiale de moindre intensité (d’après Pauwels in Blaimont7). Les causes d’erreur peuvent neutraliser ou cu-
l’autre sujet, atteint d’une maladie neurologique muler leurs effets et conduire à des erreurs sur la
entraînant des troubles de la marche, ces contrain- contrainte de rupture estimées à 60 %.
tes étaient respectivement de 552 %, 523 % et La répartition des contraintes sur le fémur est
413 %. Les contraintes sur le fémur en dessous du bien connue depuis les travaux de Blaimont7 en
petit trochanter sont donc très élevées. 1968. Lorsque cet os est mis en charge, la partie
Blaimont et al.6,7 après Comtet15 ont attiré l’at- externe de l’os subit des contraintes de tension (T)
tention sur un aspect « mystérieux et paradoxal » alors que sa partie interne subit des contraintes de
de la résistance osseuse : le calcul des contraintes compression (C). « Les deux zones T et C s’enrou-
aboutit à des valeurs qui sont en contradiction avec lent l’une autour de l’autre, en spirale, du haut en
les résultats de la mesure expérimentale de la bas de la diaphyse » (Fig. 15). Le fémur se fléchit
résistance osseuse. Blaimont a ainsi testé un fémur donc sur toute sa hauteur. « Les plus grandes défor-
qui a résisté à une charge céphalique de 900 kg, ce mations s’observent dans le haut du fémur puis
qui correspond à une contrainte en tension de la vont en diminuant jusqu’à 20 cm. À partir de ce
corticale externe sous le grand trochanter de niveau, les déformations de compression présen-
22,5 kgf/mm2. Une éprouvette prélevée au même tent une nouvelle élévation tandis que les déforma-
niveau et testée en tension se fracturait pour une tions de traction continuent de baisser » (Fig. 16).
charge de 8,5 kgf/mm2. Le fémur aurait dû se Les contraintes supportées par le fémur sont impor-
fracturer à ce niveau pour une charge céphalique tantes, même lorsque le sujet en décubitus soulève
de 340 kg. simplement le membre du plan du lit. Diehl17 les a
Comtet et al. ont observé la même anomalie : évaluées compte tenu du poids du membre et du
une diaphyse radiale soumise expérimentalement à bras de levier qui correspond à la distance du
un effort de traction présente une fracture lorsque centre de gravité au foyer. Le moment de flexion, à
la charge atteint une valeur qui suppose une la hauteur de la région sous-trochantérienne est de
contrainte moyenne de 23,5 kgf/mm2. Or au niveau 440 cm/kg . Dans les mêmes conditions, ce chiffre
où se produit la rupture, la résistance en traction chute à 10 cm/kg au niveau de la métaphyse distale
sur éprouvettes isolées n’excède pas 14 kgf/mm2. du tibia (Fig. 17).
L’os est donc beaucoup plus résistant que le calcul
mathématique et les essais en traction sur éprou- Tibia
vettes isolées ne le laissent supposer. « Ce para- Les études de Lanyon et al.27 et celles de Carter13
doxe peut s’expliquer soit parce que les bases du ont montré la complexité des contraintes suppor-
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 75

T C
0
C T

10

15

20

25

Figure 16 Variations diaphysaires des maxima de déformation.


Les plus grandes déformations s’observent dans le haut du
M
fémur. À chaque niveau, la valeur maxima de la compression (C)
excède celle de la traction (T) (d’après Blaimont).
Figure 15 Contraintes supportées par le fémur (d’après
Blaimont). Sous l’effet de la charge P qui s’exerce sur la tête
fémorale, le fémur est soumis à des contraintes de traction T et
à des contraintes de compression C. « Les deux zones T et C
s’enroulent l’une autour de l’autre, en spirale, du haut en bas de
la diaphyse ». Le fémur se fléchit sur toute sa hauteur.

tées par la face antéroexterne du tibia au cours de


la marche et de la course. Pendant la marche 10 kg
150 kg
(Fig. 18), les contraintes sont en compression pen-
dant l’appui du talon, en tension pendant la phase 350 kg
d’appui plantaire, puis à nouveau en compression
440 kg
au moment de l’appui en pulsion sur l’avant-pied et
le gros orteil. Des contraintes en cisaillement appa-
Figure 17 Moments de flexion (en cm/kg) produits par la simple
raissent pendant la dernière partie du pas, indi- élévation du membre inférieur au-dessus du plan du lit (d’après
quant une rotation externe du tibia à ce moment. Diehl).
Pendant la course (Fig. 19), il existe des contraintes
modérées en compression au moment de l’appui du
gros orteil suivies de contraintes très élevées en tie plus faible. Les contraintes en cisaillement à la
tension. Les contraintes en cisaillement sont fai- partie distale du tibia sont le double de celles qui
bles. s’exercent sur la partie proximale. Cela explique la
La face postérieure du tibia est en tension lors- raison pour laquelle les fractures en rotation du
que le pied est posé à plat. tibia se produisent essentiellement à la partie dis-
Grâce à sa forme tubulaire, le tibia résiste bien tale de l’os.
aux contraintes en flexion. Comme le souligne Poitout,47 le tibia peut être
Compte tenu de son plus large diamètre à sa considéré à la coupe comme un « prisme triangu-
partie supérieure et de ce fait de son plus grand laire ». Si un « prisme triangulaire » métallique mis
moment d’inertie à ce niveau, il résiste mieux aux en compression perd de sa hauteur et s’élargit, le
contraintes en torsion que la partie distale, dont le tibia au contraire voit ses faces se rapprocher sous
petit diamètre s’accompagne d’un moment d’iner- l’influence d’une charge croissante. L’influence
76 P. Meyrueis et al.

4 Tension des muscles sur ses faces contrebalance cette dé-


Compression formation.
Cisaillement (rotation externe)
3
Fibula
2
Il a une courbure inversée par rapport à celle de la
Contraintes (MN/m2)

1 face postérieure du tibia et joue un rôle fondamen-


tal dans la transmission des contraintes en rotation.
0 La membrane interosseuse à une action essen-
1
tiellement mécanique.

2 Membre supérieur
C’est aux faces postérieures de l’humérus et des
3 deux os de l’avant-bras que siègent généralement
les contraintes de traction.
4
HS FF HO S
HO TO Résistance globale des os
Figure 18 Contraintes sur la corticale antéroexterne du tibia
Elle a été étudiée par Yamada.66 Le Tableau 1
pendant la marche (1,4 m/s). HS : appui du talon ; FF : appui donne un résumé de ces résultats.
plantaire ; HO : soulèvement du talon ; TO : soulèvement du gros
orteil ; S : déplacement du pied soulevé. Poutres composites os-muscle
Comme l’ont souligné Rabischong et Avril en
12 1965,49 os et muscles s’associent pour augmenter la
résistance d’un segment déterminé à des efforts
10 parfois considérables. Ils forment ensemble une
poutre composite beaucoup plus résistante que les
Tension
8 Compression os isolés. Les poutres composites sont l’association
Cisaillement (rotation externe) de deux matériaux différents unis solidairement et
Cisaillement (rotation interne)
qui partagent les contraintes en fonction de leur
Contraintes (MN/m2)

oooooo

6
module d’élasticité et de leur moment d’inertie.
Reprenons l’exemple de Rabischong, c’est-à-dire
4
les contraintes qui s’exercent sur les deux os de
l’avant-bras lorsqu’une charge de 20 kg est placée
2
dans la main. Si l’on considère que le coude est
oooooooo
maintenu plié à 90° par les fléchisseurs du coude
oo ooooo
0 o

comme les câbles d’une grue, les contraintes de


o
o

traction- compression dans les deux os de l’avant-


2 bras sont de 2,5 t, ce qui est très supérieur à la
résistance du squelette. Les muscles n’agissent
4 donc pas sur les leviers squelettiques à la façon des
TS TS-TO
câbles d’une grue, mais forment avec eux une
Figure 19 Contraintes sur la corticale antéroexterne du tibia poutre composite. Le muscle en contraction modi-
pendant la course (2,2 m/s). TS : appui du gros orteil ; TO : fie ses dimensions et son module de Young. Il vient
soulèvement du gros orteil.
se plaquer étroitement sur le squelette. La ligne
neutre se déplace. Le plan osseux passe en arrière

Tableau 1 Résistance globale des os entiers d’après Yamada66 rapporté par Sedel58.
Os Charge de rupture Résistance à la Déflexion Charge de Résistance à Angle avant
en flexion (kg) rupture en flexion (mm) rupture en la rupture en rupture
(kg/mm2) torsion torsion (degrés)
(kg/cm) (kg/m2)
Fémur 250 19,3 11,1 1400 4,62 1,5
Tibia 262 20,1 9 1000 4,43 3,4
Péroné 40 20,1 14,3 116 4,01 35,7
Humérus 136 19,3 8,8 606 4,95 5,9
Radius 53 21,3 9,3 208 4,55 15,4
Cubitus 64 21,3 9,4 190 4,48 15,2
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 77

d’elle et travaille en compression. Le calcul indique Fractures et niveau d’énergie


alors une contrainte qui n’est plus que de
1,30 kgf/mm2, ce que l’os peut parfaitement sup- On peut classer les fractures en trois catégories,
porter. basées sur la quantité d’énergie libérée à leur
Les muscles se comportent également comme niveau :
des haubans comparables à ceux qui tiennent un • fractures à basse énergie : ce sont les fractures
mât de bateau. En agissant ainsi, ils augmentent les survenues à la suite d’une chute banale ;
forces de compression dans l’os, ce qui est favora- • fractures à haute énergie : elles se produisent
ble, puisque nous avons vu que c’est en compres- à l’occasion d’un accident de la route et sont
sion que l’os est le plus résistant. comminutives avec lésions des parties molles ;
• fractures à très haute énergie : causées par un
projectile de guerre à grande vitesse, elles
Biomécanique des fractures correspondent à de véritables explosions os-
seuses avec pertes de substance des parties
Nous ne pouvons pas entrer dans le détail de cette molles.
question qui justifierait un article isolé. Nous nous
limitons donc à quelques notions générales. Fractures sur défectuosité osseuse

Contraction musculaire La création d’une perte de substance osseuse fragi-


lise considérablement l’os.
Elle joue un rôle très important dans la prévention Burstein11 a montré que le simple fait de forer un
des fractures.59 On peut illustrer ce rôle par trou et d’insérer une vis dans le fémur de lapin
l’exemple de la chute en skis vers l’avant. Le tibia diminue de 70 % sa capacité d’absorber l’énergie.
du skieur vient s’appuyer en avant sur le bord de la Huit semaines plus tard l’effet a disparu, mais
chaussure avec un effet de flexion. La corticale l’ablation de la vis diminue à nouveau de 50 % cette
postérieure du tibia est soumise à des contraintes possibilité de l’os.
de traction très élevées qui ont de fortes chances La création d’une fente osseuse sur une diaphyse
d’entraîner une fracture. Heureusement, la crée une section ouverte. Dans ce cas, la résistance
contraction réflexe du triceps va provoquer des à la fracture est diminuée de 70 %. Le prélèvement
contraintes de compression postérieures qui vont d’un greffon cortical fragilise donc beaucoup l’os.
neutraliser les contraintes de traction, protéger le
tibia et éviter la fracture. La contraction muscu- Fractures et contraintes
laire automatique au cours d’une chute protège le
squelette. Chez le vieillard en revanche, la rapidité La survenue d’une fracture est en fait une question
de la réaction musculaire n’est plus suffisante. Les de distribution de contraintes et d’énergie mécani-
troubles de la vue, de l’ouïe et de l’équilibre sont que. L’énergie nécessaire pour fracturer un tibia
des facteurs aggravants. humain normal est seulement le 1/10 000e de
l’énergie cinétique d’un skieur de 80 kg se dépla-
Fractures de fatigue çant à 45 km/h.50 Le désastre survient seulement
quand l’énergie cinétique est brutalement concen-
Une fracture peut survenir si la contrainte suppor- trée et convertie en travail pour déformer le tibia.
tée par l’os est supérieure à la résistance maximum Les fractures sont le résultat de contraintes exces-
de l’os, mais elle peut également survenir à la suite sives en tension. Celles-ci ne sont en général pas
de l’application répétée de contraintes beaucoup causées par des forces de traction mais plutôt par
plus basses. Ce sont les fractures de fatigue. Elles des forces de flexion ou de torsion. Les fractures en
font l’objet d’un article particulier.32 Elles survien- « bois vert » sont pour Radin50 la combinaison de
nent soit après application peu fréquente de microfractures de la corticale d’un os peu calcifié à
contraintes élevées, soit après application très fré- bas module d’élasticité.
quente de contraintes relativement faibles. La fré-
quence des sollicitations joue également un rôle, Fractures en traction
car le remodelage osseux peut aller plus vite que le Elles surviennent généralement dans l’os spon-
processus de fracture spontanée et éviter celle-ci. gieux. La fracture de la base du cinquième méta-
La fatigue musculaire intervient dans la survenue tarsien par traction du court péronier latéral et
des fractures de fatigue en supprimant la protec- celle du calcanéum par traction du tendon d’Achille
tion du squelette. sont de bons exemples.
78 P. Meyrueis et al.

Fractures en compression nada qu’un foyer de fracture est considéré comme


Le meilleur exemple est réalisé par les fractures- stable si aucun mouvement interfragmentaire n’est
tassements des vertèbres. décelable à l’œil nu sous l’influence des contrain-
tes (forces par unité de surface ou stress des Anglo-
Fractures en cisaillement Saxons) qu’il subit.
On les rencontre habituellement dans l’os spon- Inversement, un foyer est instable s’il persiste
gieux en particulier aux condyles fémoraux ou aux des mouvements visibles entre les extrémités frac-
plateaux tibiaux. turaires sous l’influence des contraintes.
La question fondamentale du traitement des
Fractures en torsion fractures est de savoir si l’immobilisation orthopé-
Les contraintes de tension les plus élevées sont à dique ou chirurgicale doit stabiliser le foyer ou
45° des contraintes de cisaillement. Le trait de laisser persister une instabilité.44
fracture suit un plan en spirale pour suivre cet Pour savoir si on a réalisé une ostéosynthèse
angle. Il n’y a pas de meilleur exemple que la stable ou instable, il est essentiel de mobiliser
fracture spiroïde du skieur. vigoureusement le membre avant de refermer la
voie d’abord. Il est ainsi encore parfois possible de
Fractures en flexion modifier le montage pour atteindre le degré de
Les fractures diaphysaires transversales ou en « aile stabilité recherché. Une ostéosynthèse stable à la
de papillon » relèvent de ce mécanisme. La frac- mobilisation peropératoire par le chirurgien et à la
ture commence sur la surface convexe, sur les mobilisation postopératoire par le malade peut de-
fibres les plus extérieures qui supportent le plus de venir instable à la reprise de l’appui. On dit qu’il
contraintes en tension. S’il existe sur cette face existait seulement une stabilité de mobilisation.
une entaille ou une rainure, la fracture commence Inversement, si l’ostéosynthèse reste stable non
à ce niveau. seulement à la mobilisation mais aussi à la reprise
totale de l’appui, on parle de stabilité de charge.
Biomécanique de la consolidation
Raideur
Depuis les temps les plus reculés, l’homme utilise Les implants et les montages associant plusieurs
les facteurs mécaniques de la consolidation en im- implants utilisés pour fixer un foyer de fracture se
mobilisant les membres fracturés. L’ostéosynthèse caractérisent par leur résistance à la déformation
apparue au début du XXe siècle perturbe les fac- désignée par les Anglo-Saxons sous le terme de
teurs biologiques en évacuant l’hématome fractu- stiffness. La meilleure traduction en français est
raire et modifie la mécanique de la consolidation. probablement « raideur »35. Cette raideur varie de
La connaissance des conditions mécaniques idéa- la rigidité à son contraire, la flexibilité. Par défini-
les, avec ou sans ostéosynthèse, est donc d’une tion, un corps est rigide s’il se déforme difficile-
importance fondamentale. La stabilité et la raideur ment. Inversement, il est flexible s’il se déforme
idéale des ostéosynthèses sont discutées depuis facilement. La raideur d’un implant dépend de ses
longtemps. Le symposium de la Société française de dimensions et du module d’élasticité du matériau
chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot) dans lequel il est fabriqué.
en 1982 fut consacré à cette question.23 Son titre Nous avons pris la mauvaise habitude de parler
était : « La fixation d’une fracture doit-elle être de rigidité à la place de raideur.
rigide ou élastique ? » (I. Kempf, J.-P. Meyrueis, S.
Perren). Il aurait été préférable de l’intituler : « La Élasticité et plasticité
fixation d’une fracture doit-elle être stable ou ins- L’élasticité est la propriété d’un corps, donc d’un
table ? ». À cette question fondamentale, il implant, de retrouver sa forme et ses dimensions
convient maintenant d’en ajouter une nouvelle : initiales après sa déformation. La plasticité est
« Cette fixation doit-elle être statique ou dynami- l’inverse, c’est-à-dire la propriété d’un corps de
que ? ». Faire le point sur les facteurs mécaniques conserver une partie ou la totalité de la déforma-
de la consolidation osseuse exige donc de commen- tion.
cer par un rappel des définitions de base. Lorsque le chirurgien déforme un implant, par
exemple une plaque d’ostéosynthèse pour l’adap-
Définitions ter à la forme de l’os, cet implant va passer par
trois phases successives, comme nous l’avons vu
Fixation stable et fixation instable dans le premier chapitre :
Lors du symposium de la Sofcot en 198223 il a été • dans un premier temps, pour des contraintes
convenu avec les représentants de l’AO et du Ca- modérées, l’implant a un comportement élas-
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 79

tique, c’est-à-dire que lorsque la contrainte d’une fracture est de savoir s’il doit réaliser une
cesse il reprend sa forme et ses dimensions fixation stable ou une fixation instable élastique. Il
initiales ; ne viendrait en effet à l’esprit de personne de
• dans un deuxième temps, pour des contraintes défendre une fixation instable plastique avec la-
plus importantes, son comportement devient quelle les contraintes entraîneraient une déforma-
plastique, c’est-à-dire qu’il reste déformé. La tion résiduelle permanente dans le foyer de frac-
limite entre la zone élastique et la zone plasti- ture.
que est la limite élastique ; Dans une récente conférence d’enseignement,46
• si les contraintes augmentent encore, l’im- P.-E.Ochsner utilise le terme de « stabilité rela-
plant entre dans la zone de rupture, c’est-à- tive » pour désigner la fixation élastique instable.
dire qu’il casse. Nous ne sommes pas favorables à cette appellation,
Un implant modelé en salle d’opération est donc qui remet en question un consensus toujours diffi-
relativement fragilisé. Il est préférable d’utiliser
cile à obtenir.
des implants prémoulés ayant subi en usine un
Pendant les trois premiers quarts du XXe siècle, la
temps de recuisson qui leur a redonné leurs pro-
majorité des ostéosynthèses recherchaient la stabi-
priétés métallurgiques initiales.
lité du foyer de fracture, le plus souvent sans y
parvenir. Cette ostéosynthèse stable fut ensuite
Fixation statique et fixation dynamique
remise en cause. Pour discuter du bien-fondé de ces
Il est de bon ton depuis une dizaine d’années de
parler de fixation dynamique. Pourtant, la défini- attitudes contradictoires, nous devons revenir un
tion de l’ostéosynthèse dynamique reste imprécise. moment sur le rôle des facteurs mécaniques dans
Pour l’AO, une fixation dynamique est celle qui les mécanismes de la consolidation.
utilise les forces musculaires pour stabiliser le
foyer, comme le fait par exemple un hauban. Biomécanique du cal
D’autres au contraire utilisent ce terme pour dési-
gner la remise en charge précoce des foyers de Tableau de Mac Kibbin
fracture transversaux encloués sans verrouillage ou En 1978, Mac Kibbin31 a parfaitement mis en évi-
verrouillés d’un seul côté. Tous les auteurs utilisent dence le rapport entre la mobilité du foyer de
le terme de dynamisation pour désigner la dérigidi- fracture et la formation d’un cal par les différentes
fication des fixateurs externes en cours de traite- couches osseuses. La connaissance de son tableau
ment. La recherche d’un consensus sur le sens est indispensable à la compréhension de l’ostéosyn-
même des termes utilisés était devenue indispen- thèse (Tableau 2).
sable. Après une courte phase de formation du cal
En l’absence de définition internationale pré- primaire, périoste, corticales et médullaire vont
cise, l’un des auteurs a donc proposé il y a quelques participer à la formation du cal de façon très diffé-
années35,41 de convenir que : rente.
• une fixation est statique lorsque sa raideur Le périoste forme rapidement un cal volumineux
reste constante du début à la fin du traite- qui ponte le foyer de fracture et l’immobilise pro-
ment ; gressivement. Ce cal est susceptible de combler de
• elle est dynamique lorsqu’on fait varier sa rai- larges pertes de substance. Il nécessite le respect
deur dans le temps et de ce fait les contraintes des tissus mous qui entourent l’os. Le cal périosté
qui passent dans le foyer, pour favoriser la est stimulé par une mobilité du foyer de fracture.
formation du cal ou pour le renforcer : déver- La stabilité de ce foyer empêche au contraire sa
rouillage des clous, dynamisation des fixateurs formation. La formation de cal par le périoste est
externes. par ailleurs limitée dans le temps, ce qui, nous le
verrons, a des conséquences dans le concept d’os-
Fixation stable ou fixation instable élastique
téosynthèse dynamique. Le cal externe est le mé-
La question fondamentale que doit se poser le canisme de consolidation le mieux connu et le
chirurgien avant de commencer le traitement moins controversé.

Tableau 2 Différents types de cal d’après Mac Kibbin (1978).


Type de Vitesse Comblement d’un Tolérance à Tolérance à la Importance des
consolidation espace l’instabilité stabilité absolue tissus mous
Cal périosté +++ +++ +++ - ++++
Cal cortical + - - ++++ -
Cal médullaire ++ ++++ lent ++ +++ -
80 P. Meyrueis et al.

Foyer fermé
Pendant des millénaires, les fractures fermées se
sont consolidées avec une immobilisation précaire.
C’est toujours le cas avec un plâtre, une extension
continue ou avec la technique de Sarmiento qui
réalisent une immobilisation instable.
Une ostéosynthèse réalisée à foyer fermé par un
fixateur externe, comme le préconise Burny, res-
pecte le périoste et l’hématome fracturaire. Un
montage élastique instable est alors justifié pour
stimuler le périoste. C’est le cal formé par celui-ci
qui va stabiliser le foyer. Les montages réalisés sont
l’équivalent d’un plâtre, avec l’avantage d’une
Figure 20 Cal médullaire à 6 semaines. Lorsque le foyer a été mobilisation articulaire précoce, mais les risques
stabilisé par le cal périosté ou par ostéosynthèse, le cal médul- septiques non négligeables que font courir les fi-
laire s’infiltre entre les fragments de corticale. ches.
Une fixation légèrement instable élastique cons-
titue un bon moyen d’immobilisation d’une frac-
La consolidation des corticales peut se produire
ture fermée.
« per primam » lorsque le contact entre les frag-
ments est parfait. Ce fut la base de la technique
Foyer ouvert
AO. Le plus souvent, il persiste des zones de Les choses sont totalement différentes lorsque le
contact imparfait, et l’ossification se fait non par foyer de fracture a été ouvert soit par le trauma-
passage direct des ostéons mais par ossification tisme, soit par le chirurgien. Celui-ci doit certes
venue du voisinage (gap healing). Dans les deux penser à la mécanique de son ostéosynthèse mais
cas, le cal cortical exige une stabilité absolue du aussi à la biologie de la consolidation.
foyer de fracture. Il est inhibé par la mobilité à son
niveau. Ostéosynthèse à foyer ouvert d’une fracture
Le cal venu de la médullaire est de formation fermée
assez lente. Il est peu sensible à la mobilité dans le Elle doit se faire avec un respect maximum des
foyer de fracture. éléments ostéoformateurs :
• l’évacuation de l’hématome fracturaire et du
Nouvelles études histologiques pouvoir ostéo-inducteur qu’il acquiert en
4 jours perturbe fortement la formation du cal.
Il y a quelques années, nous avons repris l’étude de
C’est en effet dans cet hématome que sont
ces cals.41 Ce travail nous a montré que le rôle du
libérées dans les premières 48 heures les sub-
cal médullaire a été jusqu’ici sous-estimé. Ilizarov
stances mitogènes puis les facteurs ostéo-
insistait déjà sur son importance. En site stable, les
inducteurs biochimiques tels que la bone mor-
cellules précurseurs de la moelle forment à 6 se-
phologic protein (BMP), les transforming
maines un disque biconcave d’os immature qui s’in- growth factors (TGF), etc. Il contient égale-
filtre entre les fragments de corticale (Fig. 20). La ment les cellules précurseurs indifférenciées,
pénétration du cal médullaire entre les fragments en cours de multiplication sous l’influence de
de corticale pour consolider celle-ci exige une sta- ces facteurs. Il est cependant possible de pré-
bilité parfaite du foyer. À 12 semaines, de nou- lever en début d’intervention le caillot fractu-
veaux systèmes de Havers se sont formés dans le cal raire et de le mettre en attente dans du sérum
périosté et dans les corticales. Ces systèmes sont additionné d’antibiotique. Il est ensuite remis
orientés dans tous les plans de l’espace suivant les en place autour du foyer avant fermeture ;
contraintes locales, conformément à la loi de • l’ouverture du périoste diminue ses propriétés
Wolff. Pour plus de détails, nous renvoyons le lec- de formation du cal. Il doit donc être ouvert a
teur intéressé à notre article sur la consolidation minima et les extrémités d’une plaque peuvent
osseuse dans le même traité. Le processus naturel parfaitement être placées sur un périoste res-
de consolidation passe par la formation rapide d’un pecté ;
cal périosté, stimulé par une immobilisation impar- • le curetage de la cavité médullaire est un geste
faite. Ce cal stabilise le foyer, qui est ensuite à proscrire absolument si la fracture était fer-
comblé par un cal venu de la médullaire. Le remo- mée avant son ouverture chirurgicale.
delage reconstitue ensuite progressivement les cor- Malgré ces précautions, à foyer ouvert, avec
ticales. ouverture du périoste, il ne faut plus compter sur le
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 81

cal périosté pour stabiliser le foyer. Il reste à faire


Plâtre complémentaire
appel au cal cortical per-primam ou au cal cortical
venu du cal médullaire. Ces cals nécessitent une
stabilité absolue du foyer. Les études expérimenta-

Raideur du montage
les de Wu et al. de la Mayo Clinic65 confirment cette
notion. Elles ont en effet prouvé, en étudiant la
consolidation d’ostéotomies de chiens immobilisés
par des fixateurs de raideurs différentes, que la
consolidation et le remodelage d’une fracture sont
d’autant plus longs que le fixateur est plus flexible.
À foyer ouvert, une ostéosynthèse statique doit

Ablation
impérativement être stable.

Fractures largement ouvertes par le traumatisme


La stabilisation du foyer ne suffit généralement pas Temps
pour obtenir la consolidation. Le périoste grave- Figure 21 L’ostéosynthèse par plaque est statique. Sa raideur
ment endommagé n’a plus que de très faibles pos- ne varie pas pendant toute la durée de la consolidation.
sibilités de formation d’un cal périosté. Le parage
nécessite un curetage local de la cavité médullaire. L’enclouage verrouillé en haut et en bas est
Ce parage médullaire élimine une grande partie des également un montage statique qui ne varie pas
cellules ostéoprogénitrices dont la multiplication, dans le temps.
sous l’action des facteurs ostéo-inducteurs et des
substances mitogènes, aurait assuré la formation Fixation dynamique
d’un cal médullaire puis cortical. Ces cas difficiles À partir du début des années 1980, une série d’étu-
nécessitent un apport ostéogénique qui exige une des expérimentales a remis en cause le principe
stabilité du foyer. d’une fixation statique des fractures, mécanique-
ment identique d’un bout à l’autre du traitement.
Fractures de l’enfant
La consolidation d’une fracture de l’enfant se fait Études expérimentales
très facilement grâce à un cal périosté. La crois- En 1981, Wolf et al.63 observent une augmentation
sance corrige une partie des déformations résiduel- de la résistance d’ostéotomies de rats traitées par
les. La fixation instable élastique à foyer fermé est mise en charge cyclique. Cette amélioration n’était
donc chez lui un procédé de choix. La technique de évidente que de la 4e à la 6e semaine. Elle diminuait
l’enclouage élastique donne des résultats remar- à 8 semaines, quand l’os approchait de sa résis-
quables. Nous sommes en revanche en désaccord tance normale. En 1884, Rubin et Lanyon56 mon-
avec son appellation de « fixation élastique sta- trent que l’application d’un nombre limité de cy-
ble ». La mobilité du foyer est indiscutable et cles de charge sur l’os provoque une réponse
volontaire pour favoriser le cal périosté. La fixation ostéogénique susceptible de rétablir et de mainte-
est donc élastique instable suivant le consensus du nir la masse osseuse. En 1985, Goodship et Kenwri-
symposium de 1982. ght20 établissent que l’application quotidienne
d’une stimulation mécanique axiale de 360 N
Fixation statique et fixation dynamique (500 cycles à 0,5 Hz) commencée 1 semaine après la
fracture et terminée à la 12e semaine accélère la
Fixation statique consolidation par formation d’un cal périosté. Ces
L’ostéosynthèse par plaques est l’exemple de la études prouvaient qu’il est possible d’agir mécani-
fixation statique. La raideur du montage est fixée quement sur la consolidation.
une fois pour toutes sauf si les vis se mobilisent. Les résultats cliniques d’Ilizarov qui remettait
Lorsque des signes de mobilisation des vis sont ses patients en charge très précocement, et de de
perceptibles, il existe cependant une possibilité Bastiani qui débloquait axialement son fixateur
d’améliorer la stabilité du foyer : c’est la mise en vers la 5e semaine, confirmaient ces résultats expé-
place d’un plâtre complémentaire comme le re- rimentaux.
commandait M. Muller. Cette stabilisation supplé-
mentaire imparfaite suffit parfois pour que la Applications
consolidation rattrape la détérioration de l’ostéo- – Dynamisation de l’enclouage
synthèse et l’évolution vers la pseudarthrose L’école de Strasbourg a préconisé pendant des
(Fig. 21). années la dynamisation de l’enclouage verrouillé
82 P. Meyrueis et al.

par ablation des vis de verrouillage d’un côté du savons maintenant qu’il faudrait faire l’inverse,
foyer vers le 3e mois, lorsque le cal tarde à se c’est-à-dire une fixation légèrement instable au
développer. Pratiqué trop précocement, ce déver- début pour stimuler le cal périosté, suivie vers la 6e
rouillage risque d’entraîner un tassement du foyer. semaine quand les possibilités de ce cal sont épui-
Réalisé en revanche lorsque le foyer est suffisam- sées, d’une stabilisation pour favoriser la minérali-
ment englué, il n’entraîne pas de mobilité anormale sation du cal périosté ainsi que la formation du cal
mais une augmentation des contraintes dans l’os, cortical et éventuellement médullaire.
favorable au renforcement du cal suivant la loi de En dehors des fractures comminutives pour les-
Wolff. La majorité des auteurs réservent mainte- quelles le maintien de la longueur est primordial, la
nant le déverrouillage aux évolutions défavorables. dynamisation des clous devrait se faire dans l’ordre
Les résultats de cette technique de dynamisation inverse, c’est-à-dire en reportant à la 6e semaine
ont été décevants pour ceux qui cherchaient à l’éventuel verrouillage d’appoint ! Le déver-
obtenir la consolidation. Cette déception était pré- rouillage tardif pour renforcer le cal avant l’abla-
tion totale du matériel conserve son intérêt pour
visible. La technique préconisait en effet une fixa-
renforcer un cal déjà existant.
tion stable au début, devenant ensuite instable
– Dynamisation des fixateurs externes
pour favoriser la formation du cal (Fig. 22). Nous
La fixation externe est le moyen d’ostéosynthèse
idéal pour la fixation dynamique. Dès le début des
années 1980, nous avons été nombreux à préconiser
et à utiliser la diminution progressive de la raideur
des montages en fin de traitement, pour renforcer
le cal et limiter le risque de fracture itérative. Ce
Raideur du montage

n’est que plus tard, au milieu des années 1990, que


Déverrouillage

les expériences de Kenwright ont attiré l’attention


sur l’intérêt d’une fixation initiale légèrement ins-
table de façon intermittente.
En 1991, Kenwright et al.24 ont publié les pre-
miers résultats de mobilisation intermittente pré-
coce destinée à stimuler le cal périosté :
Ablation

Renforcement
du cal • dans une première série, des mouvements
axiaux de 1 mm ont été appliqués pendant
20 minutes chaque jour, en commençant avant
A Temps le 7e jour ;
• dans la deuxième série, le fixateur était bloqué
en position de neutralisation.
Raideur du montage

Globalement, les auteurs ont considéré que la


mobilisation axiale précoce améliorait de 20 % les
Déverrouillage

délais de consolidation.
Verrouillage

Dans une deuxième publication de 1995,54 les


mêmes auteurs se sont contentés d’une remise en
charge précoce avec un fixateur Orthofix bloqué en
position de neutralisation. La mobilité ainsi obte-
Ablation

Stimulation Renforcement nue dans le foyer variait de 0,2 à 0,9 mm, mais
cal périosté du cal
cette mobilité n’était pas purement axiale. Les
conclusions de cette nouvelle étude sont beaucoup
B 6 Temps
(semaines) plus prudentes, et se résument à préciser que de
nouveaux travaux sont souhaitables pour évaluer
Figure 22 Dynamisation de l’enclouage. l’importance, la fréquence et la direction des mou-
A. Au cours de la dynamisation classique, la raideur du montage
vements susceptibles d’influencer la consolidation.
est immédiatement à son maximum. Le déverrouillage vers le
deuxième mois ou plus tard ne peut plus stimuler le cal périosté. Ils ont pu constater, en effet, que la mobilisation
Il ne peut donc pas favoriser la formation du cal. Il peut en systématique prolongée d’une fracture complexe
revanche renforcer le cal si celui-ci existait déjà. aboutit le plus souvent à des impasses de la conso-
B. Le nouveau concept propose un enclouage initial non ver- lidation après épuisement du cal périosté. Les tra-
rouillé pour stimuler le cal périosté par une légère instabilité,
vaux de Noordeen et al.45 montrèrent la même
suivi d’un verrouillage vers la sixième semaine pour stabiliser le
foyer, et éventuellement d’un déverrouillage tardif pour renfor- année que la poursuite de micromouvements dans
cer le cal. Ce concept ne peut s’appliquer que si le rétablisse- le foyer au-delà de quelques semaines provoque la
ment de la longueur n’impose pas un verrouillage immédiat. formation d’une pseudarthrose.
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 83

Comment pouvons-nous envisager les choses à la effet positif sur la formation osseuse. Les expéri-
lumière de ces expériences ? mentations de Meadows et al.34 ne laissent persis-
Après 5 à 6 semaines, la mobilisation modérée du ter aucun doute à ce sujet. Mais la remise en charge
foyer par remise en charge intermittente précoce même limitée à 75 %, des foyers instables n’est pas
n’est plus susceptible de stimuler le cal périosté, envisageable avant le 50e jour au plus tôt.
dont les possibilités de formation s’épuisent avec le Quand enlever le fixateur ?
temps. Elle risque en revanche de détruire une La résistance du cal croît avec le temps, mais de
stabilisation précaire qui allait permettre la péné- façon assez brutale. Le foyer mobile se fige en
tration d’os immature entre les extrémités osseu- quelques jours. Les radiographies apprécient la
ses. La logique est donc en faveur d’un arrêt de la quantité de cal mais pas ses qualités mécaniques.
mobilisation du foyer à ce stade, avec au contraire Différents procédés ont été testés41 pour évaluer la
stabilisation permanente pendant les semaines de raideur du foyer. Nous citons celui publié en 1994 par
maturation du cal. Suivis par un certain nombre de Richardson et al.53 Ils évaluent la raideur du foyer :
confrères, nous avons proposé en 199641 de com- • soit directement en appliquant un goniomètre
mencer le traitement par une fixation élastique flexible de part et d’autre de la fracture ou sur
permettant la stimulation du cal périosté. À la 6e les fiches après ablation de l’appareil ;
semaine, lorsque les possibilités de formation de ce • soit indirectement par des jauges de
cal sont épuisées, le foyer est stabilisé pour favori- contrainte placées sur le fixateur en place.
ser les cals médullaire et éventuellement cortical L’ordinateur calcule la raideur de la fracture en
(Fig. 23). N/m/degré. À l’issue de cette étude, les auteurs
Comment obtenir cette stabilisation ? ont adopté la rigidité de 15 N/m/degré comme
Le déblocage axial du fixateur peut dans certains limite au-delà de laquelle le fixateur peut être
cas être utilisé pour améliorer la stabilité. En effet enlevé sans risque de fracture itérative. Le temps
dans l’immense majorité des cas, ce déblocage nécessaire pour atteindre cette rigidité a été en
axial n’entraîne paradoxalement pas d’augmenta- moyenne de 13 semaines pour les fractures stimu-
tion de la mobilité dans le foyer. La suppression de lées par micromouvements, et de 18 semaines pour
l’effet ressort des fiches provoque un léger tasse- les fractures immobilisées statiquement.
ment de celui-ci et de ce fait une amélioration de la Le fixateur peut être enlevé en une seule fois
stabilité1. Le plus souvent, la stabilisation est obte- lorsque le cal a atteint une rigidité suffisante. Il
nue en raidissant le montage. Lorsque celui-ci com- existe un risque certain de fracture itérative. Pour
porte plusieurs appareils, ils sont en général mis en éviter cette complication, nous préconisons depuis
place lors de la première intervention mais certai- 198023 la dérigidification progressive des montages
nes parties sont enlevées jusqu’à la phase de stabi- pour renforcer le cal encore fragile par un passage
lisation. La reprise de l’appui a par elle-même un progressivement croissant des contraintes, confor-
du fixateur
Rigidité

(Stade 3)
Greffe osseuse
précoce après cicatrisation parties molles

Stabilisation par déblocage axial (fractures simples)


ou rigidification du montage (fractures complexes)
B
Dérigidification
progressive
Lambeaux multidirectionnelle
musculaires
(avant 72 h)
Comblement des espaces
interfragmentaires par le
Mobilité
cal médullaire
du cal
Renforcement

interfragmentaire
= 1 mm A

Stimulation
cal périosté

6 Temps
(semaines)

Figure 23 Fixation externe dynamique.


84 P. Meyrueis et al.

mément à la loi de Wolff. Plutôt que de se conten-


ter d’une dérigidification axiale qui ne rétablit dans
l’os qu’une partie des contraintes, il est préférable
d’adopter une dérigidification du montage dans
toutes les directions, comme le suggère l’étude
histologique des canaux de Havers en évolution
dans le cal. À quelques jours d’intervalle, tout en
poursuivant un appui total, les différentes pièces
du fixateur sont progressivement enlevées ou rem-
placées (Fig. 24). Une guêtre de protection est
ensuite appliquée systématiquement pendant quel-
ques semaines. Kenwright( in 18) suit la même évo-
lution, et insiste sur l’absolue nécessité d’une sta-
bilisation totale du foyer de fracture après la phase
de stimulation initiale du cal périosté par des mi-
cromouvements. La dynamisation de la fixation ex-
terne est à l’heure actuelle très largement utilisée
dans le monde. Son efficacité est plus discutée sur
la formation du cal que sur la prévention des frac-
tures itératives.

Applications au traitement des fractures


Traitement orthopédique

Depuis les débuts de l’humanité, les fractures ont


été traitées par immobilisation orthopédique,
c’est-à-dire par des attelles, puis plus récemment
par des plâtres ou par extension continue. L’immo-
bilisation ainsi réalisée est tout à fait relative, ce
qui n’empêche pas ces fractures de consolider en
général sans problème. Comme nous l’avons vu, la
formation du cal périosté est favorisée par l’insta-
bilité modérée du foyer. Au bout d’environ 6 semai-
nes, ce cal cesse d’évoluer mais il a immobilisé
complètement le foyer et la consolidation corticale
par pénétration du cal venu de la médullaire peut
s’effectuer. Compte tenu de ces remarquables ré-
sultats sur la consolidation, il pourrait paraître
logique de s’en tenir à ce mode de traitement. Les
choses ne sont pas aussi simples et le traitement
chirurgical s’impose dans un grand nombre de cas.
Le traitement orthopédique nécessite en effet une
immobilisation prolongée des muscles et des arti-
culations qui entraîne une amyotrophie et un risque
Figure 24 Dérigidification multidirectionnelle pour renforcer
notable de raideur articulaire. Par ailleurs, les frac-
progressivement un cal déjà existant.
tures épiphysaires et articulaires sont difficiles ou
impossibles à réduire parfaitement et à contenir Ostéosynthèse par plaque
par un traitement orthopédique après réduction.
L’avantage du traitement chirurgical est de per- La mise en place d’une plaque d’ostéosynthèse se
mettre : faisant obligatoirement à foyer ouvert, il est indis-
• une réduction le plus souvent exacte qui limite pensable d’obtenir la stabilité du foyer de fracture.
le risque d’arthrose secondaire par déforma-
tion articulaire ou par désaxation ; Stabilité du foyer
• une fixation autorisant une mobilisation rapide Comment obtenir cette stabilité ? En augmentant la
qui évite amyotrophie et raideur articulaire. raideur de l’implant et celle du montage.
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 85

M plan mécanique. Après ostéosynthèse immédiate,


Taillard60 a observé 20 % de pseudarthroses avec les
plaques AO. Ce taux était de 16 % pour Piganiol.48 À
h la même époque, Lignac et l’équipe de R. Judet à
Garches29 ne constataient que 8,5 % de non-
consolidations, soit deux fois moins.
Matériau utilisé
d
E représente en effet le module d’élasticité ou
F
module de Young du matériau qui constitue l’im-
plant. Le E d’un alliage cobalt-chrome est d’envi-
Figure 25 Raideur en flexion d’un système os-implant.
ron 22 000 kgf/mm2 (220 000 MPa). Le E de l’acier
h = d·M2·F / EI.
inoxydable est à peu près de 20 000 kgf/mm2
Raideur de l’implant (200 000 MPa). Le E des alliages de titane est
– Évaluation approximativement de 11 000 kgf/mm2
La raideur en flexion d’une plaque peut être (110 000 MPa). Le E du carbone-carbone est au
évaluée39 par la flèche « h » que présente un voisinage de 4 000 kgf/mm2 (40 000 MPa). Le E de
système os-implant sous l’action d’un moment flé- l’os cortical enfin, est en moyenne de
chissant donné. Soit M la longueur du bras de levier, 2 000 kgf/mm2 (20 000 MPa). Ces notions un peu
F la force appliquée, d la largeur du foyer de rébarbatives ont des conséquences pratiques. Pour
fracture comminutif et I le moment d’inertie de une fracture comminutive, à dimensions égales,
l’implant. Une formule suffisamment approchée une plaque titane laisse persister dans le foyer de
donne pour la flèche : h = (d M2 F) / EI (Fig. 25). fracture une mobilité double de celle obtenue avec
Pour une fracture comminutive et une force don- une plaque en acier ou en alliage cobalt-chrome.
née appliquée de façon identique, la flèche est Les plaques en carbone, non malléables, n’ont ja-
d’autant plus faible et la raideur d’autant plus mais dépassé le stade expérimental. Avec elles,
grande que EI est élevé. dans les mêmes conditions, la mobilité résiduelle
– Facteurs aurait été multipliée par 5. L’utilisation de ces
La raideur d’une plaque dépend de ses dimen- implants risque donc d’entraîner une instabilité
sions et du matériau utilisé. inacceptable dans le foyer. Ayant toujours en tête
Dimensions qu’à foyer ouvert une ostéosynthèse doit impérati-
Le moment d’inertie I dépend en effet des di- vement être stable, les utilisateurs de plaques en
mensions de l’implant. titane doivent se souvenir que celle-ci doit avoir
Pour une plaque, si L est sa largeur et e son une épaisseur supérieure de 25 % à la plaque cor-
épaisseur : I = Le3 / 12 respondante en acier, afin d’obtenir une stabilité
Comme on peut le constater, l’épaisseur d’une
équivalente du foyer. À une certaine période, il
plaque constitue le facteur fondamental de sa rai-
était courant d’entendre réclamer des implants à
deur puisqu’elle intervient par son cube. Doubler
module d’élasticité égal à celui de l’os. Avec une
l’épaisseur d’une plaque a pour effet de multiplier
plaque ou un clou de ce type, la mobilité d’un foyer
par 8 sa rigidité. La mobilité dans le foyer de
comminutif serait 10 fois plus importante qu’avec
fracture est diminuée d’autant. Il aurait fallu mul-
le même implant en acier. L’instabilité serait
tiplier la largeur par 8 pour obtenir le même résul-
énorme et la pseudarthrose assurée.
tat (Fig. 26). Les statistiques cliniques confirment
Ce n’est que dans les fractures simples que l’on
ces notions mécaniques. Les plaques d’ostéosyn-
peut, après vissage du foyer, envisager avec pru-
thèse destinées au fémur présentent de grandes
dence des implants dont le module d’élasticité est
différences de raideur. Les plaques AO sont beau-
coup moins raides que les plaques de Judet et que inférieur à celui de l’acier ou des implants d’une
les plaques Maconor 2 qui s’en sont inspirées sur le épaisseur plus faible.

I = Le 3 I = D 4 -d 4 Raideur du montage
12 64
Elle dépend de la raideur de la plaque mais aussi de
la qualité et des performances de la fixation de
e celle-ci à l’os, c’est-à-dire des vis et des contacts
d
os-plaque et os-vis.
L – Vis
D
Le nombre de vis indispensables pour fixer une
Figure 26 La raideur de l’implant dépend de ses dimensions. plaque à l’os dépend de la taille et du poids du
86 P. Meyrueis et al.

montré qu’un serrage excessif des vis entraîne


des modifications de structure à type d’écrase-
ment osseux ou de fissures, pouvant aboutir à
une destruction de leur ancrage. L’os qui est
beaucoup plus élastique que la vis va se com-
primer au cours du vissage comme un ressort.
Ce ressort exerce ensuite une contrainte per-
manente sur le filet de la vis, tendant à chasser
celle-ci vers le bas et à plaquer sa tête contre
la plaque. Cette dernière exerce une force de
rappel dirigée en sens inverse. La plus grande
Figure 27 Les deux types de contraintes au niveau des vis. partie des contraintes dues au vissage s’épui-
sent en frottement entre la tête de vis et la
sujet mais surtout de la localisation. On considère plaque. Si un serrage excessif entraîne une
qu’il faut en moyenne prendre sept corticales de nécrose de la zone d’appui du filet osseux, le
chaque côté du foyer pour le fémur et le tibia, six ressort se détend, les contraintes de vissage
pour l’humérus et cinq pour les deux os de l’avant- sont annulées et le blocage de la vis est sup-
bras. Pour que l’ostéosynthèse reste stable pen- primé. Celle-ci va se dévisser. Ce sont les
dant le temps de la consolidation, il faut que ces vis contraintes de vissage qui assurent le blocage
restent efficaces. Or, sous l’effet des contraintes de la vis ;
qu’elles subissent, ces vis peuvent se rompre, se • les mouvements du membre. Ils provoquent
dévisser ou s’arracher par destruction du filet os- soit des contraintes de cisaillement, soit des
seux. Si cela se produit, l’ostéosynthèse devient contraintes longitudinales de traction–com-
instable et la consolidation ne se fait pas. pression. Ces dernières s’ajoutent algébrique-
Les contraintes supportées par les vis doivent ment à celles du vissage :
donc être analysées. L’étude que nous avons consa- C si les contraintes dans l’os, au contact de la
crée à cette question en 197938 à la suite de la vis, se font dans le même sens que les
thèse d’un des auteurs (Cazenave), nous a montré contraintes de vissage, elles augmentent
qu’elles sont de deux types (Fig. 27) : celles-ci. La pression du filet osseux sur le
• des contraintes de cisaillement qui tendent à filet de la vis peut devenir considérable et
rompre la vis au niveau de la jonction plaque- entraîner une nécrose ou un écrasement os-
os ; seux. La vis peut alors s’arracher sans être
• des contraintes longitudinales ou de traction- dévissée ;
compression qui tendent à l’arracher. C si les contraintes dans l’os se font en sens
Que ces contraintes soient d’un type ou de inverse, elle diminuent les contraintes de
l’autre elles ont trois origines (Fig. 28) : vissage et peuvent les annuler. La vis est
• le vissage. Il provoque des contraintes longitu- alors débloquée. La poursuite des mouve-
dinales dans l’os au cours du serrage. Ces ments va entraîner un effet de matage,
contraintes visibles en photoélasticimétrie ont c’est-à-dire de petits mouvements verticaux
été bien étudiées par Blaimont et al.8 Ils ont qui écrasent l’os. Ces mouvements sont
automatiquement transformés en rotation
dans le sens du dévissage. La vis se dévisse et
devient inefficace. C’est alors sa voisine qui
supporte les contraintes et va subir le même
sort, à moins qu’un plâtre ou la consolidation
arrêtent le processus ;
• la mise en compression du foyer. Elle produit
des contraintes de cisaillement élevées et
transforme une grande partie des dangereuses
contraintes de traction-compression en
contraintes de cisaillement supplémentaires.
Nous allons voir que ces contraintes peuvent
être divisées par 3 en créant des aspérités sous
Figure 28 Origine des contraintes supportées par les vis. 1. la plaque.
Contraintes dues aux mouvements ; 2.contraintes de vissage ; 3. Les mesures et la photoélasticimétrie (Fig. 29)
effet ressort. nous ont montré67 que les vis les plus sollicitées
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 87

Figure 30 Contraintes en bout de plaque. La brutale rupture


d’élasticité en bout de plaque est atténuée par l’amincissement
de l’extrémité de la plaque et par la mise en place d’une vis
courte. Cette association minimise le risque de fracture à ce
niveau en cas de chute. Les contraintes sont matérialisées par
les multiples franges colorées qui se concentrent autour de la vis
courte et à la partie supérieure des deux vis voisines.

• le deuxième groupe de couples, très intenses,


est situé lorsque le foyer de fracture est large,
sur les vis proches du foyer de fracture. Il est
Figure 29 Contraintes sur les deux vis situées de part et d’autre
indépendant de la forme de la plaque et dispa-
d’un foyer large. Étude en photoélasticimétrie. Le fragment du
haut est poussé en flexion vers l’arrière (vers la pointe des vis). raît lorsque l’os est consolidé.
Les contraintes sont visibles sous la forme de franges colorées Les plaques à flexibilité variable n’ont malheu-
rouges, oranges et vertes. Plus ces franges sont nombreuses, reusement pas pu être commercialisées en raison
plus les contraintes sont élevées. Dans ce cas, les contraintes de leur prix de revient.
sont localisées (en forme d’oreilles) sur les vis situées de part et
d’autre du foyer. Les vis suivantes ne subissent que des contrain-
Le dévissage des vis de fixation de la plaque sous
tes minimes. l’influence des contraintes est donc la cause prin-
cipale d’échec.
sont celles qui sont proches du foyer. Il existe à ce – Contact os-plaque
niveau deux couples de forces intenses surtout lors- En recherchant un moyen de minimiser les ris-
que le foyer est large. Lorsque celui-ci est simple- ques de dévissage, c’est-à-dire en fait les contrain-
ment impacté, les contraintes de traction sont par- tes de cisaillement, nous avons abouti en 1977 au
tiellement transformées en contraintes de principe des plaques adhérentes.36 C’est un pro-
cisaillement. Les vis des extrémités de la plaque cédé simple pour diminuer ces contraintes suppor-
sont également sollicitées en raison de la brutale tées par les vis. Il suffit pour cela de créer des
discontinuité élastique entre l’os sain et l’os rigidi- aspérités sur la face de la plaque qui est en contact
fié par l’implant. L’amincissement des extrémités avec l’os. Le coefficient de frottement entre une
de la plaque, c’est-à-dire la création d’une plaque plaque banale et l’os est faible. Sous l’action des
à flexibilité variable, suivant le dessin que nous mouvements du membre, la plaque a tendance à
avions proposé en 1978,37 diminue les contraintes glisser et à cisailler les vis. Une plaque dont la face
de traction et leurs variations dans les vis des osseuse est rugueuse a en revanche un coefficient
extrémités. Cette amélioration est si possible com- de frottement avec l’os très élevé (Fig. 31). Les vis
plétée par la mise en place d’une vis courte en bout servent alors surtout à appliquer la plaque contre
de plaque (Fig. 30). l’os. Les mouvements transmis à la plaque par un
Une étude théorique des contraintes de traction- fragment osseux sont transmis à l’autre fragment,
compression supportées par les vis de fixation non seulement par les vis mais aussi par la totalité
d’une plaque3,37 nous a montré qu’il existe deux de la plaque. Une étude expérimentale par photoé-
groupes de couples de force : lasticimétrie nous a confirmé que les contraintes de
• le premier, d’intensité moyenne, concerne les cisaillement supportées par les vis sont divisées en
vis des extrémités des plaques classiques, que moyenne par 3, ce qui diminue le risque de mobili-
l’os soit fracturé ou consolidé. Il disparaît dans sation des vis. L’expérimentation animale réalisée
les plaques à flexibilité variable ; par Comtet, Moyen et al.14 puis la pratique clinique
88 P. Meyrueis et al.

Figure 32 Fragilité des plaques à trous décalés. Lors de l’incli-


naison latérale d’un foyer large, les contraintes se localisent
dans la plaque au niveau du foyer, mais surtout dans la petite
portion de plaque qui sépare les trous du bord de la plaque. Il y
a là une concentration excessive de contraintes qui favorise la
corrosion, les fissures et la rupture de l’implant. Cette disposi-
Figure 31 Plaques adhérentes. A, B. Principe des plaques adhé-
tion des trous est à éviter.
rentes. Plaque normale (A). Les tractions sur la plaque cisaillent
les vis et les mobilisent. Plaque rugueuse (B). Les vis appuient la
Propriétés mécaniques de la plaque en fonction
plaque contre l’os. Le cisaillement est très fortement diminué.
C, D. Néovascularisation et os néoformé entre les aspérités. de sa forme
Zone mal vascularisée sous les plaques classiques (C). Formation En réalisant des copies en araldite des différentes
de nouveaux vaisseaux et d’os nouveau entre les aspérités (D). plaques et en les étudiant en photoélasticimétrie, il
est possible de déterminer les contraintes qu’elles
ont montré que ce principe, né d’un concept méca- subissent dans différentes circonstances. C’est ce
nique, était plus intéressant encore sur le plan qu’a fait dans sa thèse en 1976 un membre de notre
biologique. Les aspérités évitent en effet la dévas- équipe, R. Zimmermann.67 Il a ainsi pu montrer :
cularisation qui survient sous les plaques classi- • la fragilisation des plaques à trous décalés par
ques. Elles entraînent par ailleurs la formation, la concentration de contraintes que provoque
entre les pointes ou les saillies, d’un os nouveau le décalage latéral des trous lors de certains
hypervascularisé. Ce concept a été à la base des mouvements (Fig. 32). La distribution des trous
implants Maconor 2 et Epiunion, et fut ensuite dans l’axe de la plaque est mécaniquement
repris par les Suisses sous le terme de plaques à meilleure ;
contact limité (LC). • la nécessité d’une courbure transversale de la
– Contact plaque/vis plaque adaptée à la convexité de l’os. Ce point
Plus récemment, P. Surer a mis au point un est particulièrement sensible au niveau du fé-
excellent principe de blocage des têtes de vis dans mur, dont la diaphyse est très convexe. Une
la plaque, évitant ainsi définitivement tout risque plaque plane posée sur elle ne s’appuie que sur
de dévissage des vis. C’est le système Surfix®. une ligne axiale et s’avère facilement instable
Cette technique, qu’il serait idéal de coupler avec en rotation.
des aspérités sous l’implant pour les raisons vascu- Cette expérience illustre par ailleurs des notions
laires que nous venons d’indiquer, assure le main- connues :
tien de la stabilité initialement choisie pour le • le déchargement des contraintes sur l’implant
montage. Il existe déjà de nombreuses variantes de que produit l’adjonction d’une deuxième pla-
ce principe de blocage. que ;
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 89

D A

X X = DxA

Y F
D
2

A
Y = DxA
Figure 33 Étude photoélasticimétrique de la compression. La 2
compression est asymétrique. Les contraintes sont très élevées
au niveau du foyer sous la plaque et nulles du côté opposé. Ce Figure 35 Avantage de la position du clou. Par sa position au
phénomène peut être diminué en courbant la plaque. La vis du niveau de l’axe neutre, le clou divise par deux la possibilité de
tendeur subit d’énormes contraintes. mouvement angulaire.

ment de la corrosion sous tension, des fissures


et la rupture de l’implant (Fig. 34).

Plaques posées à foyer semi-fermé


Les longues plaques de pontage des foyers commi-
nutifs, recommandées par R. Judet et reprises ré-
cemment avec des améliorations par l’AO, ne sta-
bilisent pas parfaitement le foyer, en raison de la
longue portion sans vis. Elles donnent toutefois de
bons résultats, car elles sont posées en respectant
les muscles et une grande partie du périoste dans la
partie comminutive. Ces conditions se rapprochent
du foyer fermé. Dans ce cas la fixation élastique
légèrement instable qu’elles réalisent est favora-
ble.
La réduction nécessite un distracteur ou l’utili-
sation d’une table orthopédique. Parfaitement jus-
tifiée dans les fractures comminutives, cette tech-
nique peut être discutée dans les fractures simples.
La réduction est assez souvent imparfaite, et un
certain nombre de résultats qui sont présentés
comme des cas-modèles sont incontestablement
des cals légèrement vicieux qui ont probablement
Figure 34 Trou sans vis au niveau du foyer. Les contraintes se
un retentissement à long terme.
concentrent à son niveau. Le risque de rupture rapide de la
plaque est élevé. Ostéosynthèse par clou
• le caractère asymétrique de la compression 22

qui provoque de très fortes contraintes dans L’observation du clou de charpentier a permis à
l’os sous l’implant. La vis du tendeur de plaque Kuntscher d’élaborer le principe de l’enclavement
subit d’énormes contraintes qui la fragilisent. solide intramédullaire par l’emploi de clous spé-
Il est préférable de la jeter après usage ciaux à rainures en forme de feuille de trèfle, et
(Fig. 33) ; élastiques dans le sens du diamètre.
• la concentration des contraintes dans les vis On sait depuis longtemps qu’en fait l’appui se
proches du foyer et dans la partie centrale de fait en trois ou quatre points seulement, malgré
la plaque lorsque le foyer est large (Fig. 29) ; l’alésage. Par sa situation sur la ligne neutre, le
• le danger que représente un trou sans vis au clou ne permet que deux fois moins de mouvements
niveau d’un foyer large. Les contraintes angulaires du foyer qu’un implant identique qui
convergent à son niveau, provoquant rapide- serait vissé à la surface de l’os comme une plaque
90 P. Meyrueis et al.

(Fig. 35). Comme pour les plaques, on obtient la avec les clous de Russel-Taylor à 41 % avec les clous
stabilité du foyer en augmentant la raideur de AO.21 De 2 % à 5 % des clous se sont rompus. Ces
l’implant et celle du montage. complications mécaniques ont nécessité une re-
prise une fois sur deux.
Raideur du clou
La raideur du clou varie dans des proportions consi- Ostéosynthèse par fixateur externe
dérables suivant la présence ou l’absence d’une
fente. Les expérimentations montrent que la rigi- Les indications de la fixation externe concernant
dité en torsion est 20 fois plus élevée lorsque le clou essentiellement les fractures ouvertes, le chirur-
gien doit chercher à obtenir la stabilité du foyer.
n’est pas fendu, alors que la rigidité en flexion est
comparable. Pour un clou, si D est le diamètre
Fixateur simple, unilatéral
extérieur et d le diamètre intérieur :
En 1980, nous avons entrepris de chiffrer expéri-
I = (D4 - d4) / 64. mentalement l’influence mécanique des différents
Le clou est d’autant plus raide que le diamètre paramètres de la fixation externe, tels que le dia-
extérieur est plus grand et le diamètre intérieur mètre des fiches, leur écartement, leur position
plus petit. Cette formule n’est valable que pour un par rapport à la peau ...41. Les résultats de ce
clou non fendu. travail ont été repris, confirmés par d’autres publi-
cations et sont devenus « classiques ». Le lecteur
Raideur du montage intéressé les retrouvera en détail dans l’article de
La raideur d’un clou n’est à prendre en compte que Lortat-Jacob.30 Résumons-les en disant que, pour
s’il est parfaitement fixé aux fragments osseux. stabiliser le foyer, il faut choisir des fiches de gros
Deux techniques sont susceptibles d’améliorer diamètre, écartées au maximum. L’appareil doit
cette fixation du clou à l’os : l’alésage et le ver- être placé le plus près possible de la peau. La
rouillage. Sans alésage et sans verrouillage, un clou stabilité augmente de quatre fois en passant de
d’alignement ne stabilise pas la fracture en rota- 5 cm à 2 cm de la surface osseuse, et de sept fois en
tion. La série multicentrique de Benoit et al.4 rap- passant de 5 cm à 1 cm (Fig. 36).
portait 29 % de pseudarthroses avec cette techni-
que, réalisée à foyer ouvert, au niveau du fémur. Montages associant plusieurs fixateurs
Avec alésage et toujours à foyer ouvert, le pourcen- Dans une fracture transversale simple, la majorité
tage d’échec tombait à 5,5 %. Sans méconnaître le des contraintes passent dans l’os grâce au contact
rôle biologique des débris osseux produits par l’alé- des corticales. Les contraintes sur les fiches peu-
sage, il est certain que celui-ci agit essentiellement vent être réduites de 97 %. Un montage simple est
en stabilisant une grande partie des fractures alors suffisant pour obtenir l’indispensable stabi-
diaphysaires. La nécessité de stabilisation d’un lité. Le fixateur sert essentiellement à protéger le
foyer ouvert ne se discute donc pas. foyer réduit des contraintes extérieures.
Dans une fracture comminutive avec perte de
La technique de l’enclouage verrouillé a encore
substance osseuse, en revanche, toutes les
amélioré la stabilisation et de ce fait les résultats.
contraintes passent dans le fixateur. S’il est impos-
La série de Wiss et Stetson à Los Angeles publiée en
sible d’obtenir une stabilité absolue, il faut cher-
199562 rapportait 2 % de pseudarthroses dans l’en-
cher par tous les moyens à limiter l’instabilité en
clouage du tibia à foyer fermé avec alésage et
augmentant au maximum la rigidité du montage43.
verrouillage. Ce pourcentage passait à 15 % si la
De nombreuses études mécaniques comparatives
fracture était ouverte mais pour des raisons non
entre les fixateurs et entre les montages de fixa-
mécaniques. Le verrouillage stabilise le foyer, une
teurs ont été publiées au cours des 20 dernières
importante partie des contraintes passant grâce à
années40. Nous ne pouvons pas les reprendre ici, et
lui dans le clou et dans les vis de verrouillage. En
nous renvoyons le lecteur intéressé au volume n °58
compensation, clou et vis sont exposés aux ruptures
des cahiers d’enseignement de la Sofcot « Fixation
en fatigue car les contraintes qu’ils supportent sont
externe du squelette »41.
supérieures à la limite de fatigue de l’alliage dans
lequel ils ont été réalisés. Ces complications sont
surtout fréquentes lorsqu’il s’agit de clous pleins, Conclusion
de petit calibre, verrouillés, mis en place sans
alésage. Toutes les contraintes passent alors dans L’os est un matériau composite vivant hétérogène,
le clou et dans les vis de verrouillage. Dans ce cas, anisotrope et viscoélastique beaucoup plus com-
suivant les séries, les vis de verrouillage se sont plexe que les matériaux sur lesquels les ingénieurs
rompues dans un pourcentage de cas variant de 9 % travaillent habituellement.
Biomécanique de l’os. Application au traitement des fractures 91

A L B
d
O

F 5 cm

2 cm
1 cm
F = 13 PL3 I ~ 0,05d4
EI x1 x4 x7
P

Figure 36 Biomécanique de la fixation externe unilatérale. Le diamètre de la fiche joue un rôle primordial, ainsi que la distance
os-fixateur qui intervient par son cube. En partant de la rigidité-témoin d’un fixateur placé à 5 cm de l’os, on multiplie cette rigidité
par 4 en l’approchant à 2 cm et par 7 en le mettant à 1 cm. Les fiches doivent être espacées au maximum sur chaque fragment. Pour
trois fiches (A, B, C) de la figure C, la meilleure disposition est celle qui est représentée en C

Compte tenu de ses propriétés mécaniques et de en effet être modifiée dans le temps pour favoriser
la biomécanique de la consolidation, on peut rete- la formation du cal ou pour le renforcer. Favoriser
nir quelques règles fondamentales : une ostéosyn- la formation du cal nécessite une fixation légère-
thèse est statique lorsque sa raideur ne varie pas ment instable pendant 5 à 6 semaines, suivie d’un
pendant toute la période de consolidation. On peut retour à une stabilité totale. Renforcer le cal exige
au contraire modifier volontairement cette raideur une dérigidification progressive du moyen de fixa-
au cours du traitement. C’est le nouveau concept tion, afin que le cal soit soumis à une augmentation
de fixation dynamique ; à foyer fermé (traitement progressive des contraintes pour minimiser le ris-
orthopédique ou ostéosynthèse), la fixation d’une que de fracture itérative.
fracture peut laisser persister une très légère ins-
tabilité du foyer pour stimuler le cal périosté. La Ces notions sont le résultat d’observations clini-
formation de ce cal stabilise le foyer, ce qui permet ques. Les mécanismes cellulaires et moléculaires
à la consolidation de se compléter ; à foyer ouvert, de l’action de ces facteurs mécaniques sont encore
au contraire, une ostéosynthèse par plaque qui est inconnus. On évoque d’éventuels mécanorécep-
obligatoirement statique doit être stable. teurs de la membrane cellulaire. Les facteurs mé-
Le concept de fixation dynamique peut être ap- caniques agissent probablement en produisant un
pliqué lors des ostéosynthèses par clou ou par fixa- signal électrique qui entraîne la production de fac-
teur externe. La raideur de ces ostéosynthèses peut teurs ostéo-inducteurs.
92 P. Meyrueis et al.

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