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Les nitriles
Introduction
Généralités
On appelle nitriles les composés comportant le groupe cyano lié à une chaîne alkyle ou phényle.
Ils ont la formule générale suivante.
Puisque l'hydrolyse des nitriles fournit des acides, ils sont classés parmi les dérivés d'acides. On
peut également noter que l'atome de carbone de la fonction nitrile est au même degré d'oxydation
que celui d'un acide carboxylique.
Les nitriles étaient appelés naguère cyanures organiques. On peut considérer qu'ils dérivent
formellement du cyanure d'hydrogène par remplacement d'un atome d'hydrogène par un groupe
alkyle ou phényle. Cette manière de voir est illustrée par la nomenclature radicofonctionnelle qui
rappelle celle des dérivés halogénés. Il faut faire attention que l'analogie avec cette classe de
composés s'arrête la. Bien qu'ils donnent lieu à des réactions diverses et variées, les nitriles ne sont
pas des composés très réactifs comme en témoigne l'utilisation de certains d'entre-eux comme
solvants.
Etat naturel
• Mandelonitrile
• Ethanenitrile
• Benzonitrile
• Acrylonitrile
Nomenclature
Substitutive
C'est la nomenclature recommandée par l'UICPA. Le composé est nommé en ajoutant nitrile au
nom de l'hydrocarbure possédant le même nombre d'atomes de carbone. L'atome de carbone lié à
l'azote porte le numéro 1.
Ethanenitrile But-3-ènenitrile
Hexanenitrile Hexanedinitrile
Cyclohexanecarbonitrile 1,3,6-Hexanetricarbonitrile
Radicofonctionnelle
Les composés sont nommés comme des cyanures d'alkyle.
Beaucoup de nitriles sont nommés à partir de noms triviaux formés à partir de celui de l'acide
correspondant.
Propriétés physiques
Structure
La structure des nitriles possède une analogie marquée avec celle des alcynes. L'angle entre les
liaisons qui partent de l'atome de carbone du groupe cyano vaut 180°.
Puisque l'atome d'azote est plus électronégatif que l'atome de carbone, le groupe cyano est
polarisé. On peut rendre compte de cette polarisation par la méthode de la résonance. On remarque
l'analogie avec la structure du groupe carbonyle.
Constantes physiques
Du fait d'un moment dipolaire élevé, les nitriles ont des températures d'ébullition légèrement plus
grandes que celle des alcools de masse molaire comparable.
Spectroscopie
Spectroscopie infrarouge
Le spectre infrarouge ci-dessous est celui du pentanenitrile (valéronitrile).
La vibration d'élongation de la triple liaison carbone-azote apparaît dans la même zone que celle
de la triple liaison carbone-carbone des alcynes.
L'intensité est beaucoup plus grande que pour une triple liaison carbone-carbone du fait d'un
moment dipolaire important.
Spectroscopie RMN
Les protons voisins d'un groupe cyano sont pratiquement déblindés de la même façon que ceux
voisins d'un groupe carboxy d'acide carboxylique aux alentours de vers d = 3,5 ppm.
En RMN du 13C, le carbone du groupe fonctionnel sort entre 110 ppm et 125 ppm. Il est donc plus
déblindé que l'atome de carbone d'un alcyne qui sort entre 65 et 85 ppm. Cela vient du fait que
l'atome d'azote est plus électronégatif que l'atome de carbone et il draine une partie de la densité
électronique.
Réactions d'hydratation
Hydratation en amide
La déshydratation d'un amide sous l'action d'agents déshydratants comme PCl5, P4O10, SOCl2.
conduit à un nitrile. Inversement l'hydratation d'un nitrile fournit l'amide.
L'iminol se tautomérise en amide plus stable du fait de la grande énergie de liaison du groupe
carbonyle.
Avec les nitriles aromatiques, l'hydrolyse peut être arrêtée au stade de l'amide en opérant en
présence d'acide sulfurique concentré à une température suffisamment basse.
Une autre méthode d'hydratation sélective des nitriles en amides consiste à utiliser une solution
aqueuse d'eau oxygénée en milieu basique [1].
De même, l'hydrolyse des aminonitriles est utilisée dans la synthèse de Strecker des aminoacides.
Alcoolyse
L'alcoolyse s'effectue en traitant le nitrile par un alcool en présence de chlorure d'hydrogène. On
obtient un imidate (iminoéther).
Selon les conditions expérimentales, les imidates conduisent à plusieurs types de composés :
Réactions de réduction
Réduction en aldéhyde par Al(i-Bu)2H
Les nitriles sont réduits en aldéhydes par le bis (2-méthylpropyl) aluminium Al(i-Bu)2H
(diisobutylaluminium : DIBAL-H), un hydrure neutre, à - 78 °C. Une température basse est
importante afin de prévenir une réduction plus poussée. Le réactif est un réducteur neutre,
électrophile du fait de son caractère d'acide de Lewis.
Notons que NaBH4 n'est pas suffisamment réducteur pour donner ce type de réaction.
Cette réaction qui constitue une méthode de synthèse des cétones, possède une limitation dans le
cas où l'atome d'hydrogène situé sur l'atome de carbone en a de la fonction nitrile est trop acide. Il
est alors arraché par l'organométallique. De nos jours on utilise plus volontiers la réaction entre un
organométallique et un amide de Weinreb.
Organolithiens
L'exemple suivant concerne la réaction entre le phénylithium et l'éthanenitrile.
Cette réaction peut être suivie par RMN car l'atome de deutérium ne résonne pas pour la
même fréquence que l'atome d'hydrogène.
Ces réaction s'interprètent par l'existence d'un équilibre de tautomérie comparable à la tautomérie
céto-énolique catalysé par les acides et par les bases.
L'atome central est digonal comme dans un cétène.
Préparation de carbanions
La préparation de carbanions à partir des nitriles s'effectue de la même façon que la préparation
des ions énolate de composés carbonylés. On utilise une base très forte comme le LDA. Puisqu'il
n'y a qu'un seul atome de carbone en a, le problème de la régiosélectivité ne se pose pas.
Des carbanions stabilisés par une fonction nitrile sont utilisés dans des variantes de la synthèse
malonique.
Alkylation
Elle est comparable à l'alkylation sur l'atome de carbone en a des composés carbonylés.
L'éthanenitrile peut être déprotoné de façon quantitative par le LDA.
Dans l'exemple suivant, l'organolithien obtenu est alkylé par l'oxacyclopropane, le plus simple des
époxydes, ce qui provoque son ouverture. L'alcoolate obtenu est piégé sous forme d'éther silylé
par réaction avec le chlorure de triméthylsilyle.
On peut aussi utiliser comme base l'amidure de sodium dans l'ammoniac liquide.
Lorsque l'anion obtenu peut être stabilisé par résonance, on peut utiliser une base moins forte. La
réaction peut être réalisée dans des conditions douces en utilisant une catalyse par transfert de
phase. Le mode opératoire de la synthèse suivante est donnée par le chimiste polonais M.
Makosza l'un des inventeurs de ce type de catalyse [29].
Addition nucléophile
L'addition nucléophile d'un carbanion stabilisé par une fonction nitrile sur un groupe carbonyle,
ressemble à la réaction d'aldolisation. On obtient un b-hydroxynitrile qui après déshydratation
fournit un nitrile a, b-insaturé.
Les nitriles a, b-insaturés, sont des substrats utiles pour les réactions de Michaël. Un exemple de
réalisation expérimentale est donné à la référence [24].
Cyclisation de Thorpe
La cyclisation de Thorpe est une réaction de condensation des dinitriles. Elle consiste en l'addition
nucléophile d'un carbanion formé en a d'une première fonction nitrile sur une seconde.
L'imine non substituée formée est hydrolysée et l'on obtient finalement un composé carbonylé.
Cette réaction est à rapprocher de la cyclisation de Dieckmann.
Le céto-acide est décarboxylé. On accède ainsi à des composés carbonylés à grand cycle comme la
civétone.
Elle débute par l'addition nucléophile de l'azote du nitrile sur un carbocation généré dans le milieu
réactionnel à partir d'un alcool tertiaire ou d'un composé éthylénique.
L'hydrolyse de l'amide permet d'obtenir une amine. Lorsqu'elle est suivie d'une hydrolyse de
l'amide formée, la réaction de Ritter constitue une méthode de préparation des alkylamines
tertiaires. Celles-ci ne peuvent être préparées valablement par alkylation d'Hofmann de
l'ammoniac car on obtient un trop grand pourcentage d'élimination.
Ouvrages expérimentaux
[1] W. J. Hickinbottom, Reactions of Organic Compounds.3e éd., Longman.
[2] P. Rendle, M. V. Vokins, P. Davis, Experimental Chemistry (Edward Arnold).
[3] L. F. Fieser, K. L. Williamson - Organic Experiments (D. C. Heath and Company).
[4] R. Adams, J. R. Johnson, C. F. Wilcox - Laboratory Experiments in Organic Chemistry (The Macmillan Company,
Collier-Macmillan Limited).
[5] G. K. Helmkamp, H. W. Johnson Jr, Selected Experiments in Organic Chemistry (W. H. Freeman and Co).
[6] Vogel's Textbook of Practical Organic Chemistry (Longman).
[7] J. R. Mohrig, D. C Neckers, Laboratory Experiments in Organic Chemistry (D. Van Nostrand Company).
[8] R. Q. Brewster, C. A. Van der Werf, W. E. Mc Ewen, Unitized Experiments in Organic Chemistry (D. Van
Nostrand Company).
[9] F. G. Mann, B. C. Saunders, Practical Organic Chemistry (Longman).
[10] M. T. Yip, D. R. Dalton, Organic Chemistry in the Laboratory (D. Van Nostrand Company).
[11] Miller, Neuzil, Modern Experimental Organic Chemistry (DC Heath, 1982)
Liens
[20] Nomenclature des nitriles
[21] Propriétés physiques des nitriles
[22] Thorpe cyclisation The Organic Synthesis Archive
[23] (R)-(-)-2,2-diphenylcyclopentanol by Scott E. Denmark, Lawrence R. Marcin, Mark E. Schnute, and Atli
Thorarensen
[24] Cyclohexilideneacetonitrile and cinnamonitrile by Stephen A. Dibiase, James R. Beadle, and George W. Gokel
[25] Amygdalin Sigma Aldrich
[26] Thorpe Ziegler method
[27] Ritter reaction Organic Chemistry Portal
[28] a, a, dimethyl-b-phenetylamine by John J. Ritter and Joseph Kalish
[29] Phase Transfer Alkylation of Nitriles by M. Makosza and A. Jonczyk
[30] N-benzylacrylamide by Chester L. Parris
[31] The Sohio Acrylonitrile Process
[32] dl-a-amino-a-phenylpropionic acid by Robert E. Steiger
Articles
H. Baron, F. G. P. Remfry and J. F. Thorpe, J. Chem. Soc. 85, 1726 (1904)
J. J. Ritter and P. P. Minieri, J. Am. Chem. Soc. 70, 4045 (1948)
Ouvrages théoriques
A. Streitwieser Jr, C. H. Heathcock - Introduction to Organic Chemistry, Macmillan Publishing Co.
J. March - Advanced organic chemistry, Wiley Interscience.
F. A. Carey, R. S. Sunberg - Advanced Organic Chemistry, Plenum Press 1990.
V. Minkine - Théorie de la structure moléculaire, Editions Mir 1979.
N. T. Anh - Introduction à la chimie moléculaire, Ellipses 1994.
R. Brückner - Mécanismes réactionnels en chimie organique, De Boeck Université 1999.
P. Laszlo - Logique de la synthèse organique. Cours de l'Ecole Polytechnique, Ellipses, 1993.
P. Atkins - Molecular Quantum Mechanics, Oxford University Press 1983.
J. -L. Rivail - Eléments de chimie quantique à l'usage des chimistes, InterEditions du CNRS, 1989.
P. Chaquin, F. Volatron, Chimie organique : une approche orbitalaire de Boeck 2015