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Module 4 :

Diagnostic Différentiel et Traitement de


la Dépression

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Table de matières

Objectifs

1. Introduction
2. Diagnostic Différentiel
3. Traitement
4. Quand l'hospitalisation est-elle nécessaire?
5. Cas cliniques
6. Références
7. Terminologie
8. Résumé

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Objectifs

Après avoir complété ce cours, vous devrez pouvoir:

1. Elaborer le traitement requis selon la gravité de la dépression.


2. Adapter le choix de l’antidépresseur selon les patients.
.

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1. Introduction

Très chers collègues de la profession médicale,


Bienvenue à ce cours sur la Dépression.

Nous aborderons dans le module 4 le diagnostic différentiel ET le


traitement de la dépression.

La première partie sur le diagnostic différentiel sera brève mais


néanmoins elle est très importante car en éliminant les autres conditions qui
peuvent ressembler à une dépression, nous améliorons la prise en charge de la
maladie ainsi bien que son pronostic.

Je voudrais bien attirer votre attention ici encore une fois à ne pas
confondre les périodes de tristesse qui sont normales avec une dépression. Une
tristesse ou une déprime n’a besoin ni de soins médicamenteux et ni d’une
psychothérapie. Une tristesse est un trouble émotionnel passager qui survient à
l’occasion des évènements stressants. La dépression, quant à elle, est une
véritable maladie qui a besoin d’être traitée. Les antidépresseurs, comme leur
nom l’indique très clairement, sont destinés à traiter la dépression. Mais ne
faisons pas erreur ici car il y a aussi d’autres traitements autres que les
antidépresseurs. Nous aborderons tout ça ici.

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2. Diagnostic Différentiel

Pour confirmer le diagnostic de la dépression, d'autres diagnostics


potentiels doivent être pris en compte, comme la dysthymie, le trouble de
l'adaptation avec humeur dépressive, ou le trouble bipolaire.

1) La dysthymie est un trouble de l'humeur léger et chronique durant


lequel le patient montre presque quotidiennement une baisse d'humeur pendant
au moins une durée de deux ans. Les symptômes ne sont pas aussi importants
que ceux de la dépression, bien que les patients diagnostiqués de dysthymie
soient sensibles à une seconde dépression (ce qui est souvent nommé « double
dépression »).

2) Le trouble de l'adaptation avec humeur dépressive est un trouble


de l'humeur, caractérisé par une réponse à un événement identifiable ou
stressant, dans lequel les symptômes comportementaux et émotionnels sont
significatifs mais qui ne rencontrent pas le critère de la dépression.

3) Le trouble bipolaire, également désigné sous le terme de « trouble


maniaco-dépressif », est une maladie durant laquelle les phases dépressives
alternent avec des périodes de manie ou d'hypomanie. La dépression étant
catégorisée en tant que trouble à part, des débats se déroulent encore sur
l'expérience de symptômes hypomaniaques chez les patients dépressifs,
indiquant un continuum dans les troubles de l'humeur.

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4) Autres : D'autres troubles doivent également être pris en compte
pendant le diagnostic de la dépression. Ceux-ci impliquent une humeur
dépressive causée par d'autres maladies non psychiatriques, la prise de
médicaments et de substances.

La dépression liée par une maladie non psychiatrique est caractérisée


comme trouble de l'humeur pour cause de condition médicale générale. Cette
condition est déterminée par l'histoire de la maladie, grâce à des tests cliniques
et examens physiques.

Lorsque la dépression est causée par l'ingestion de drogues, de


médicaments ou par l'exposition à une toxine, elle est diagnostiquée en tant que
trouble de l'humeur induit par une substance. Dans ce cas, la substance est la
cause du trouble de l'humeur. Par ailleurs, au décours de l'arrêt de certains
traitements antidépresseurs, la réapparition de la maladie peut être confondue
avec le syndrome de discontinuation associé aux antidépresseurs qui a des
symptômes ressemblants.

3. Le traitement

La prise en charge de la dépression repose sur deux piliers


complémentaires: la psychothérapie et les traitements médicamenteux.
Comment se passe le suivi ? Les approches sont-elles différentes en fonction du
syndrome dépressif et de sa gravité ? Quelle est la place des approches
naturelles et des médecines douces ? Toutes les réponses ici.

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3.1 La Psychothérapie : Qu’est-ce que c’est? A quoi ça sert?

Les antidépresseurs seuls, s'ils sont une aide souvent indispensable, ne


suffisent pas pour vaincre la dépression. Une psychothérapie est nécessaire
pour aider à identifier les causes de la dépression et accompagner la guérison.

La psychothérapie est un traitement toujours pertinent en cas de


dépression, quel que soit le type de dépression, son niveau de sévérité ou son
ancienneté. Elle peut être utilisée seule (dans le cas d’épisodes dépressifs
d’intensité légère) ou conjointement aux médicaments antidépresseurs ou à
d’autres traitements. En cas de dépression sévère en phase active, un soutien
psychologique sera proposé, mais le travail de psychothérapie ne pourra
débuter qu’une fois l’intensité de la souffrance diminuée par le traitement
médicamenteux.

Pendant un épisode dépressif, la psychothérapie permet de mieux gérer la


maladie, de réduire ses symptômes et leurs conséquences, de donner du sens à
ce que l’on vit et de pouvoir envisager de nouveaux projets. Ses premiers effets
(un soulagement lié à une écoute adaptée) peuvent se faire sentir
immédiatement, les changements durables interviennent au bout de quelques
semaines.

Après la guérison d’un épisode dépressif, la psychothérapie sert aussi à


prévenir la réapparition des symptômes.

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Comment ça marche?

Il existe différentes méthodes de psychothérapie privilégiant des formes


particulières d’intervention. Mais quelle que soit la méthode utilisée, la
psychothérapie est avant tout fondée sur un échange de personne à personne qui
s’instaure grâce à l’écoute, la bienveillance, l’absence de jugement et la
compréhension du praticien. Celui-ci est par ailleurs tenu au secret
professionnel. La qualité de la relation, le sentiment d’être accueilli et compris
dans ce que l’on vit et ressent sont des éléments déterminants de toute
psychothérapie. Découvrons quelques différentes approches :

(1) Les thérapies comportementales et cognitives (TCC)


Les thérapies comportementales et cognitives vont notamment
permettre de diminuer les sentiments d'auto-dévaluation et réduire la
vision négative de l'environnement. Elles vont également intervenir sur le
sommeil, la pratique d'activités plaisantes, etc. L'efficacité de cette
approche dans la dépression est aujourd'hui bien démontrée, notamment
associée à des antidépresseurs. De plus elle permet de diminuer fortement
le risque de rechute.

Quand les utiliser ?


• Les thérapies cognitivo-comportementales sont indiquées dans
tout état dépressif d’intensité légère ou moyenne :
• pour lequel le diagnostic est posé et le traitement antidépresseur
mis en route,

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• dès lors que le patient adhère à ce type de psychothérapie et
qu’il a trouvé… un psychothérapeute avec lequel il puisse
s’entendre.

Avantage: les TCC s'étalent sur des durées plus courtes que les
psychothérapies. Elle est relativement brève : 12 à 26 séances sont
généralement prescrites.

(2) Les thérapies interpersonnelles


Ces thérapies, qui existent beaucoup aux Etats-Unis, sont encore
assez peu répandues en France. Elles sont basées sur la résolution des
problèmes relationnels qui sont la cause de la dépression. Notamment, elles
vont s'attaquer aux problèmes de couple ou aux difficultés professionnelles,
à l'aide de jeux de rôles, de conseils de communication, etc. il s'agit en
quelque sorte de "mini-psychanalyses" focalisées sur une situation donnée.
Elles seraient efficaces pour les dépressions d'intensité modérée.

(3) La psychanalyse et ses dérivés


Le principe de base repose sur les découvertes de S. Freud, la
reviviscence et la compréhension de conflits psychiques infantiles non
résolus, réactivés lors de l'accès dépressif, à l'occasion d'un évènement
traumatique (une expérience de perte). L'accès à ces expériences
traumatiques infantiles, à l'aide des libres associations d'idées durant la
séance, permet d'en diminuer l'influence sur les schémas de pensée et de
comportement.

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Quand les utiliser?

Les thérapies d’inspiration analytique peuvent être utilisées comme


accompagnement dès le début du traitement médicamenteux :
• à condition que le patient soit prêt à faire un travail sur lui-même
pour comprendre l'origine de son état
• surtout lorsque le patient présente des traits de personnalité dits
«névrotiques» tels que : hyperémotivité, insécurité affective,
symptômes phobiques.
• Avantage : ce travail psychothérapique peut apporter davantage de
sécurité intérieure et limiter la vulnérabilité à d’éventuelles
récidives dépressives.

3.2 En général sur les psychothérapies

En général, les psychothérapies sont donc une aide précieuse, non


seulement pour la guérison, mais pour éviter les récidives de dépression. Avec
des formes plus chroniques et complexes de dépression, un mélange de
médicaments et de thérapies peut s'effectuer.

La forme de psychothérapie la plus étudiée pour la dépression est la TCC


qui apprend aux patients les moyens de lutter contre les pensées (cognitions)
négatives et persistantes pour ainsi changer les comportements contre-
productifs.

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La psychothérapie se révèle efficace aussi chez les individus plus âgés.
Une psychothérapie bien effectuée peut réduire considérablement la récurrence
de la dépression même après qu'elle est terminée ou remplacée par des séances
de rappel.

Les TCCs peuvent se révéler efficaces chez les adolescents dépressifs,


bien que son efficacité sur des épisodes sévères de dépression reste à prouver.
Plusieurs facteurs prédisent le succès des TCCs chez les adolescents: haut
niveau de pensées positives, sentiments d'échec diminués, pensées négatives et
distordues diminuées. Les TCCs sont également efficaces dans la prévention
contre les rechutes. Chez les patients âgés de moins de 18 ans, selon la National
Institute for Health and Clinical Excellence (NICE), la prise d'un médicament
doit être effectuée conjointement avec une thérapie psychologique comme la
TCC, la thérapie interpersonnelle et la thérapie familiale.

3.3 Antidépresseurs : Comment agissent-ils

Les médicaments antidépresseurs sont des molécules qui agissent au


niveau du cerveau, plus précisément sur les extrémités des neurones (appelées
synapses), à travers lesquelles les neurones communiquent les uns avec les
autres. Cette communication entre neurones se fait sous forme de « messages »
chimiques appelés neurotransmetteurs ou neuromédiateurs (par exemple, la
sérotonine ou la noradrénaline).

Les médicaments antidépresseurs agissent par divers mécanismes. Aucun


médicament ne mobilise à lui seul tous ces mécanismes. En fonction des

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symptômes de la dépression, de l’efficacité ou de l’échec de tel ou tel
médicament antidépresseur prescrit dans le passé, le médecin peut proposer un
traitement antidépresseur dont le mode d’action est le plus adapté à chaque
situation.

Les médicaments antidépresseurs peuvent avoir un ou plusieurs


mécanismes d’action en commun, tout en ayant des effets indésirables très
différents les uns des autres. Un médecin qui décide de changer de traitement
parce que son patient présente des effets indésirables peut donc proposer un
antidépresseur dont l’effet thérapeutique est similaire mais dont les effets
indésirables sont différents.

Figure 1 : Transmission chimique chez le neurone

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Figure 2 : Le mécanisme d’action des antidépresseurs

La pharmacologie des antidépresseurs (mécanisme d'action) est basée sur


l'hypothèse d'un déséquilibre chimique en monoamines. La plupart des
traitements aux antidépresseurs augmentent les taux d'une ou de plusieurs
monoamines: la sérotonine, la noradrénaline et la dopamine dans la fente
synaptique localisée entre les neurones. Certains traitements agissent
directement sur les récepteurs des monoamines. Certains antidépresseurs
augmentent directement les niveaux de noradrénaline, tandis que d'autres
augmentent les niveaux de dopamine.

En raison de la complexité des mécanismes d’action des antidépresseurs,


il faut souvent attendre quelques semaines (généralement 3 ou 4, parfois un peu
plus) avant d’en ressentir les effets bénéfiques.

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Le traitement d’un épisode dépressif comporte deux phases :
• la phase aiguë, dont l’objectif est la disparition des symptômes, dure
de six à douze semaines ;
• la phase de consolidation, dont l’objectif est de stabiliser
l’amélioration des symptômes, dure entre quatre et six mois (en
fonction des symptômes et du nombre d’épisodes précédents). L’arrêt
du traitement pendant cette période critique fait courir un risque très
élevé de réapparition des symptômes. C’est pour cela qu’il est
indispensable de poursuivre le traitement, même après la disparition
des symptômes conformément à l’avis du médecin. On recommande
même un traitement pendant un an. Les personnes avec une
dépression chronique peuvent avoir besoin de prendre un traitement
indéfiniment pour éviter une rechute.

A. Classification des Antidépresseurs

Une classification basée selon la modulation de la transmission


monoaminergique est largement utilisée.

(1) La première catégorie comprend les antidépresseurs qui augmentent la


transmission sérotoninergique
- Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS): fluoxétine,
fluvoxamine, paroxétine, sertraline, citalopram, escitalopram.

(2) La seconde catégorie regroupe les antidépresseurs qui augmentent


principalement la transmission noradrénergique
- Inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline (IRNA): réboxétine.

(3) La troisième catégorie regroupe les antidépresseurs qui augmentent de


manière mixte les transmissions sérotoninergique et noradrénergique.

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a) Imipraminiques: imipramine, amitriptyline, clomipramine, dosulépine,
doxépine

b) Antagonistes alpha 2: mirtazapine, miansérine

c) Inhibiteurs de la Recapture de la Sérotonine et de la Noradrénaline (IRSNA):


venlafaxine, milnacipran, duloxétine

d) Mécanismes atypiques agissant indirectement en augmentant les


transmissions monoaminergiques: tianeptine, agomelatine

(4) Inhibiteurs de la recapture de la dopamine et de la noradrenaline: bupropion

(5) La quatrième categorie, la plus ancienne, inhibe la dégradation des


monoamines.
- Inhibiteurs de la Monoamine Oxydase (IMAOs): moclobémide iproniazide.

B. Autre classification

Classes d'antidépresseurs
Les classes d'antidépresseurs généralement utilisées sont les inhibiteurs
sélectifs de la recapture de sérotonine (ISRS) et les antidépresseurs dits
atypiques. En cas d'échec du traitement, des classes plus anciennes sont
utilisées.

a. Les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine


(ISRS)
Les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine (ISRS)
(antidépresseurs sérotoninergiques) ont été introduits au début des années 90.
Leur action augmente la quantité de sérotonine disponible entre les cellules
nerveuses.
Le premier antidépresseur de cette classe a été le fluoxétine en 1988.

b. Les antidépresseurs atypiques


Les antidépresseurs atypiques sont apparus vers la fin des années 90. Leur nom
vient du fait qu'ils ont des mécanismes différents les uns des autres (inhibition
de la recapture de différents neurotransmetteurs comme la sérotonine et la

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noradrénaline, etc.). Le venlafaxine, le mirtazapine, le bupropion, le buspirone,
le trazodone, le duloxetine et le milnacipran font partie de cette classe.

c. Les antidépresseurs plus anciens


Les antidépresseurs des classes plus anciennes sont parfois utilisés lorsque les
plus récents n'ont pas bien fonctionné. Ces classes sont les antidépresseurs
tricycliques et les inhibiteurs de la monoamine-oxydase (IMO).

d. Un antidépresseur mélatoninergique
Un nouvel antidépresseur, le agomélatine dont la mise en marché a été
autorisée en Europe au début 2009, est le premier de classe mélatoninergique
(agissant sur la mélatonine).

Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont les


premières substances médicamenteuses prescrites car ils possèdent relativement
peu d'effets secondaires et sont moins toxiques lors de surdosage (par
intoxication médicamenteuse volontaire notamment). Les patients qui ne
répondent pas aux ISRS peuvent avoir un autre antidépresseur et leur état
s'améliore alors dans presque 50 % des cas.

Une autre option dans les cas de dépression grave est d'utiliser un
antidépresseur atypique, le bupropion.

La venlafaxine, un antidépresseur qui agit différemment, est modérément


plus efficace que les ISRS. Cependant, la venlafaxine n'est pas un traitement
recommandé en première intention au Royaume-Uni car sa balance bénéfice
risque semble défavorable. Ce traitement est déconseillé chez les enfants et les
adolescents.

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Pour les adolescents dépressifs, la fluoxetine et l'escitalopram sont deux
choix recommandés.

L'efficacité des antidépresseurs n'est pas démontrée chez les enfants.

Il n'existe également aucune preuve concernant l'efficacité des


antidépresseurs dans les dépressions compliquant une démence.

Chaque antidépresseur peut entraîner une diminution du taux de sodium


dans le sang (hyponatrémie). Cependant, cette diminution est plus souvent
rapportée par ISRS.

Il n'est pas rare que les ISRS causent ou aggravent une insomnie.
L'antidépresseur mirtazapine peut être utilisé dans ces cas-là.

Les inhibiteurs irréversibles de monoamine oxydase, une plus ancienne


classe d'antidépresseurs, ne sont plus beaucoup utilisés car ils peuvent entraîner
des intoxications due à certains régimes alimentaires et interactions
médicamenteuses. Ils sont encore rarement utilisés, bien que des traitements
plus récents et plus efficaces de cette classe aient été développés. Le profil de
sécurité est différent avec les inhibiteurs réversibles de la monoamine oxydase
comme le moclobemide avec lequel l’interaction avec le régime alimentaire est
négligeable et les restrictions alimentaires sont moins strictes.

Les termes de «dépression réfractaire» et « dépression résistante au


traitement » sont utilisés pour décrire les cas qui ne répondent pas à une

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évolution habituelle d'au moins deux types d'antidépresseurs. Dans de
nombreuses et importantes études, seulement environ 35 % des patients
répondent bien au traitement médicamenteux. Il est difficile pour un médecin
de déterminer chez un individu une dépression résistante aux traitements ou si
le problème est lié à un autre trouble coexistant, fréquent parmi les patients
souffrant de dépression majeure.

Chez les enfants, les adolescents et probablement les jeunes adultes entre
18 et 24 ans, il existe un risque plus élevé d'idéations et de comportement
suicidaire quand ils sont traités par ISRS. Une étude ne montre aucun lien entre
les ISRS et l’augmentation du risque suicidaire chez les patients âgés entre 25
et 65 ans et quant à une une autre étude, elle montre une augmentation du
risque. Des données épidémiologiques démontrent que la diffusion généralisée
des antidépresseurs dans la « nouvelle ère des ISRS » est associée à une
diminution significative des risques suicidaires dans la plupart des pays dont le
taux de décès par suicide y est habituellement élevé. La causalité de cette
relation est complètement incertaine. Une indication est appliquée en 2007 aux
États-Unis sur les boîtes d'ISRS et autres antidépresseurs à cause de
l'augmentation du risque de suicide chez les patients âgés de moins de 24 ans.

Le lithium semblerait diminuer et lutter contre les tendances suicidaires


chez les patients atteints de trouble bipolaire ou de dépression unipolaire à un
taux proche de ceux dans la population générale.

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3.4 Effets indésirables et contre-indications

D’une manière générale :


a. Il importe de ne pas considérer comme effet indésirable ce qui est
symptôme de la dépression (idées suicidaires, anxiété, insomnie ou
constipation par exemple). A ce titre, la chronologie d’apparition
des symptômes et leur évolution sous traitement et avec
l’amélioration du trouble doivent être considérées avec attention.
b. Les effets indésirables sont, pour leur majorité, dose-dépendants.
c. Les effets indésirables sont, pour leur majorité, transitoires,
surviennent en début de traitement, et régressent ensuite.

Les taux d’arrêt de traitement constituent un reflet global mais partiel de


la tolérance des médicaments.

Cinq méta-analyses comparant les imipraminiques aux ISRS d’une part


et aux antidépresseurs plus récents d’autre part ont trouvé un taux d’arrêt
précoce de traitement supérieur pour les imipraminiques par rapport aux autres
antidépresseurs. Une autre méta-analyse ne met pas en évidence de différence
entre les ISRS et les IRSN ou antidépresseurs de la classe « autres
antidépresseurs » pour ce qui est des taux d’arrêts précoces de traitement.

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A. Effets bénins les plus fréquents

Les effets indésirables les plus fréquents des imipraminiques sont : les
effets anticholinergiques (troubles de la vision, bouche sèche, constipation,
rétention d’urine (effets périphériques) ET confusion (effets centraux), les
effets antihistaminiques (somnolence, prise de poids), et les effets sexuels. On
rappelle que les effets anticholinergiques (risque de glaucome par fermeture de
l’angle, hypertrophie bénigne de la prostatie) sont à l’origine de certaines
contre-indications des imipraminiques.

Les effets indésirables les plus fréquents des ISRS sont : les nausées, les
vomissements, la diarrhée, l’hypersudation, les céphalées, l’agitation,
l’insomnie, la somnolence, les vertiges, les tremblements, l’asthénie et les
symptômes sexuels.

Les effets indésirables les plus fréquents des IMAO sont l’insomnie et
les troubles de la vigilance.

B. Effets cardiovasculaires

Du fait de leurs effets « quinidine-like », anticholinergiques, et


antagonistes adrénergiques alpha-1, les antidépresseurs imipraminiques
peuvent induire : une tachycardie, une hypotension orthostatique souvent
modérée, des troubles du rythme auriculaire et ventriculaire et des troubles de
conduction qui sont favorisés par l’existence de cardiopathies préalables et de
troubles métaboliques (kaliémie).

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Les imipraminiques doivent donc être utilisés avec prudence en cas de
troubles de la conduction.

L’intoxication aiguë par les imipraminiques est potentiellement grave du


fait du risque cardiaque. Les antidépresseurs imipraminiques seraient impliqués
dans 80% des tentatives de suicide médicamenteuses létales par prise
d’antidépresseur. Dans des conditions de surdosage, des troubles cardiaques à
type de tachycardie ou de troubles du rythme ou de la repolarisation peuvent
être observés avec les ISRS.

Les IMAO non sélectifs engendrent une hypotension permanente et


posturale. Celle-ci est moins fréquente avec les IMAO-A sélectifs.

La venlafaxine, pour des posologies élevées (≥ 150-200 mg/jour), peut


induire des hypertensions artérielles dose-dépendantes.

C. Effets psychiques

Il s’agit ici de symptomatologie suicidaire, effets cognitifs, risque de


virage maniaque et risque d’accélération des cycles thymiques.

• Symptomatologie suicidaire
Du fait de leur effet antidépresseur, les antidépresseurs diminuent les
idées suicidaires et le risque de comportements suicidaires chez les
patients déprimés.

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Plusieurs études épidémiologiques réalisées dans des pays différents ont
montré que l’augmentation des prescriptions d’antidépresseurs s’est
accompagnée d’une diminution du taux de suicide Ainsi, Isacsson a
estimé que le risque suicidaire est de 141/100 000 par an en population
générale et de 259/100 000 par an chez les déprimés non traités.

Des résultats de méta-analyses d’études cliniques vont dans le même


sens : la symptomatologie suicidaire s’améliore sous traitement
antidépresseur. Ce résultat est également retrouvé chez le sujet âgé traité
par antidépresseurs.

Quelques rares travaux ont suggéré un risque modéré d’idées suicidaires


et de tentatives de suicide (sans aucun suicide documenté) chez des
patients traités par antidépresseurs. Ainsi, le risque de syndrome de levée
d’inhibition lié à l’amélioration du ralentissement psychomoteur alors
que l’humeur demeure dépressive est classiquement signalé. Par ailleurs,
chez l’adulte, des études de cas ont rapporté une émergence ou une
aggravation des idées suicidaires sous fluoxétine

En terme de symptomatologie suicidaire, les bénéfices des


antidépresseurs excèdent largement leurs éventuels risques, qui ne sont
pas confirmés aujourd’hui chez l’adulte. Quoi qu’il en soit, tous les
éléments sont réunis pour recommander de mettre en place une
surveillance particulière du risque suicidaire, avec des consultations plus
fréquentes chez les patients déprimés traités par antidépresseurs,en

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particulier en début de traitement ou lors de la survenue de symptômes,
tels qu’une insomnie, une irritabilité, une anxiété, une hyperactivité et a
fortiori des idées suicidaires. Un avis spécialisé ou une hospitalisation
peuvent être nécessaires.

• Effets cognitifs
Du fait de leur effet antidépresseur, les antidépresseurs améliorent
globalement les fonctions cognitives, excepté les imipraminiques chez
les sujets âgés en raison de leurs propriétés anticholinergiques.

Ainsi les imipraminiques ont des propriétés anticholinergiques qui


contrebalancent les effets antidépresseurs sur la cognition des sujets âgés.

• Risque de virage maniaque


Tous les antidépresseurs sont susceptibles d’induire des virages
maniaques de l’humeur.

Ce risque est plus élevé dans les troubles bipolaires que dans les troubles
dépressifs majeurs unipolaires. Le risque de virage maniaque est par
ailleurs plus élevé chez les patients bipolaires avec les imipraminiques
qu’avec les autres antidépresseurs.

Dans l’étude de Peet, le pourcentage de virages maniaques chez les


patients bipolaires est de 11,2% avec les imipraminiques, 3,7% avec les
ISRS et 4,2% avec le placebo, alors que chez les patients unipolaires, la

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fréquence des virages maniaques est de 0,5% avec les imipraminiques,
0,7% avec les ISRS et 0,2% avec le placebo.

Chez les patients bipolaires, la fréquence des virages maniaques est


réduite si les antidépresseurs sont administrés en association avec un
thymorégulateur. Mais elle ne semble pas différente chez les patients
traités par thymorégulateur seul ou par l’association thymorégulateur et
antidépresseur.

Ainsi, dans l’étude de Prien, les virages maniaques sont plus fréquents
dans le groupe imipramine seule (53%) que dans le groupe lithium seul
(26%) et le groupe lithium-imipramine (28%).

• Risque d’accélération des cycles thymiques


Dans le cas du trouble bipolaire, les antidépresseurs en monothérapie
sont susceptibles d’induire la survenue de cycles rapides (au moins 4
épisodes thymiques par an). Celle-ci est en effet plus fréquente chez les
patients bipolaires traités par antidépresseurs que chez les bipolaires ne
recevant pas d’antidépresseurs.

D’une façon plus générale, sous antidépresseurs, le rythme des cycles


s’accélère chez un patient bipolaire sur deux et se ralentit dans un délai
moyen de deux mois après l’arrêt du traitement antidépresseur.

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En cas de survenue de cycles rapides, il est conseillé de diminuer et
d’interrompre le traitement antidépresseur et de proposer un traitement
thymorégulateur.

• Autres effets indésirables


D’autres effets indésirables ont également été décrits ; seuls certains
d’entre eux sont évoqués ici.

• Syndrome sérotoninergique

• Abaissement du seuil épileptogène


Il s’agit d’un effet indésirable principalement induit par les
imipraminiques. Ainsi, le taux de crises d’épilepsie avec les
imipraminiques varie de 0,1 à 0,6% contre 0,1% avec la paroxétine . Cet
effet est dose-dépendant. La clomipramine, la maprotiline et
l’amitriptyline risquent d’augmenter la fréquence des crises d’épilepsie
pour des posologies supérieures à 200 mg/jour.

• Prise de poids
Des prises de poids peuvent survenir par l’intermédiaire d’une
augmentation de l’appétence aux sucres. Pour les imipraminiques, cet
effet indésirable a été corrélé à l’intensité du blocage des récepteurs
histaminiques H1 centraux.

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• Symptômes sexuels
Les causes des troubles sexuels sont nombreuses : somatiques,
psychiatriques (notamment troubles dépressifs et anxieux) et
psychologiques, et médicamenteuses.

La prévalence des symptômes sexuels chez les patients déprimés est plus
élevée qu’en population générale.

Avant d’envisager un effet indésirable des antidépresseurs devant des


plaintes sexuelles, il faut savoir évoquer les autres causes de troubles
sexuels chez les patients déprimés : la dépression, la présence d’une autre
pathologie concomitante, les troubles sexuels primaires.

Les symptômes sexuels induits par les antidépresseurs sont en premier


lieu une diminution du désir et des troubles de l’orgasme. Tous les
antidépresseurs peuvent être impliqués dans la survenue de troubles
sexuels.

Les antidépresseurs qui entraînent le plus de symptômes sexuels sont les


ISRS. Ceux-ci surviennent chez environ la moitié des patients traités par
ISRS.

Les imipraminiques induiraient des troubles sexuels chez 30% des


patients, dont des troubles de l’orgasme chez 20% des hommes et 10%
des femmes.

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 26


La mirtazapine et la tianeptine induiraient moins d’effets indésirables
sexuels que les ISRS. Il en est de même pour le bupropion.

Cependant, compte tenu des qualités méthodologiques des études, ces


données sont encore à confirmer.

• Autres effets indésirables


Quelques rares cas d’hyponatrémie par sécrétion inappropriée d’ADH
sous ISRS, notamment chez le sujet âgé, ont été décrits.

Il existe un risque de saignements, gastro-intestinaux par exemple, lors


d’un traitement par ISRS ou venlafaxine.

Les autres effets indésirables des antidépresseurs sont peu spécifiques : il


s’agit par exemple de réactions allergiques, de toxicité dermatologique,
rénale, hépatique ou hématologique.

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 27


3.5 Médicaments antidépresseurs dans le traitement des troubles
dépressifs

Tableau 1 : Médicaments antidépresseurs dans le traitement des troubles


dépressifs

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 28


Aurélie, comédienne, 29 ans

Les médicaments, je dois dire que ça m’a aidée. Ça n’a pas résolu tous mes

problèmes, mais ça m’a permis de dormir, de tenir le choc physiquement,

d’écarter un peu mes peurs, mes idées noires.»

3.6 Autres médicaments

(a) Benzodiazépines et apparentés

Cette coprescription est plus fréquente en France (deux-tiers des


patients déprimés) que dans d’autres pays (un tiers des patients
déprimés).

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 29


La place des anxiolytiques et hypnotiques benzodiazépiniques est
une place accessoire, non systématique, et transitoire dans le traitement
des épisodes dépressifs caractérisés.

En effet, cette coprescripition comporte un inconvénient principal :


le risque de dépendance aux benzodiazépines est non négligeable. De
plus, dans de rares cas, des réactions paradoxales à type d’impulsivité et
de risque suicidaire peuvent survenir. Enfin, aucun effet potentialisateur
n’est démontré dans la littérature.

Cette association peut être indiquée pendant une période brève


(pour éviter le risque de dépendance) en début de traitement
lorsqu’existent une insomnie et/ou une anxiété invalidantes. Elle doit être
interrompue dès que l’antidépresseur améliore significativement le
tableau thymique et que l’anxiété et l’insomnie se sont amendées. Chez
les patients naïfs de traitements anxiolytiques et hypnotiques, une durée
de 1 à 3 semaines est dans la plupart des cas suffisante dans cette
indication.

(b) Antipsychotiques

La coprescription antidépresseur-antipsychotique est recommandée


dans deux cas :
• dans les épisodes dépressifs majeurs avec caractéristiques
psychotiques (mélancolie délirante…) ;

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 30


• dans les formes sévères de dépression, même en l’absence de
caractéristiques psychotiques, afin de diminuer l’anxiété si son
intensité est sévère et si le risque suicidaire est élevé.

On privilégie alors des doses modérées de molécules sédatives.


Cette co-prescription doit être interrompue dès que les symptômes
dépressifs se sont suffisamment améliorés.

(c) Electroconvulsiethérapie

Aujourd'hui, l'ECT est essentiellement utilisée pour traiter les


dépressions les plus sévères et les plus résistantes. Dans un certain nombre de
cas, l'ECT agit plus rapidement que les médicaments. Elle peut être indiquée en
première intention lorsqu'il existe un risque suicidaire élevé ou des
manifestations somatiques pouvant menacer la vie des patients. Elle peut aussi
être proposée lorsque les médicaments ont échoué, ainsi que dans les troubles
bipolaires avec un effet régulateur de l'humeur.

Outre le risque de suicide, bien connu dans la dépression, il arrive en


effet que des malades ne s'alimentent plus et passent leur temps couchés avec,
parfois, un ralentissement extrême jusqu'à l'immobilité totale ( catatonie). Les
risques de dénutrition, déshydratation et complications cardiovasculaires sont
réels et demandent d'intervenir en urgence. D'autres malades sont véritablement
handicapés par leur dépression. Ils ne travaillent plus, sont éventuellement
hospitalisés, mais ne s'améliorent pas en dépit des multiples traitements.

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 31


Chez certains malades, l'ECT est mieux tolérée que les antidépresseurs,
notamment chez les personnes âgées. L'électroconvulsivothérapie est assez
rarement proposée dans d'autres indications que la dépression. Dans la
schizophrénie, elle peut être associée aux médicaments lorsqu'il existe des
délires ou une agressivité impossibles à juguler.

L'électroconvulsivothérapie (ECT) est une procédure durant laquelle des


impulsions d'électricité sont envoyées à travers le cerveau grâce à deux
électrodes, souvent une accrochée sur chaque côté de la tempe, pour provoquer
une convulsion pendant que le patient est sous anesthésie générale. Les
psychiatres hospitaliers recommandent l'ECT pour les cas de dépression
majeure sur lesquels les antidépresseurs n'agissent pas. L'ECT peut soigner plus
rapidement que les antidépresseurs, et peut ainsi être considérée comme un
traitement efficace lors de cas d'urgence comme la dépression catatonique dans
laquelle le patient néglige sa nutrition, ou lorsque le risque suicidaire est très
élevé. Lorsqu'une unique ECT est appliquée sur un patient, le risque de rechute
est très élevé et se situe dans les six premiers mois.

(d) Autres médicaments ou compléments alimentaires

Certains compléments d'huile de poisson qui contiennent des taux élevés


d'acide eicosapentaenoique et d'acide docosahexaenoique (EPA et DHA, des
oméga-3) pourraient être utilés dans la dépression majeure. Les oméga-3 ont
été mis en avant par plusieurs livres comme traitement de la dépression, en
particulier dans "Guérir" écrit par David Servan-Schreiber. La recherche ne
permet pas de trancher sur les effets réels des oméga-3. Les effets d'une

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 32


supplémentation en oméga-3 pourraient n'être liés qu'à la correction des
carences dans les populations-cibles.

Une supplémentation en vitamine D pourrait avoir un effet bénéfique252.


Les fabricants de compléments alimentaires mettent également en avant des
compléments alimentaires contenant du 5-HTP, souvent extrait de griffonia.

Dans certains pays, on prescrit communément des plantes ou extraits de


plantes pour lutter contre la dépression, comme le millepertuis, la valériane, la
passiflore, les échinacées, le tilleul et le pavot de Californie (Eschscholtzia).

(e) Alimentation et hygiène de vie

Certaines études laissent penser qu'un régime alimentaire de type


méditerranéen, ou bien la consommation élevée de fruits et légumes, pourrait
avoir un effet protecteur. D'autres produits pourraient avoir un effet légèrement
protecteur, comme le café (la caféine), les aliments fermentés et la
consommation d'omega-3.

La pratique d'exercices physiques d'intensité moyenne ou forte pourrait


avoir un effet bénéfique. L'exposition au soleil aurait un effet à travers une
production de sérotonine et de mélatonine plus proches des niveaux naturels, et
un effet indirect grâce à un meilleur sommeil. L'alcool, le tabac et les drogues
étant des facteurs de dépression, l'arrêt du tabac et la modération de la
consommation d'alcool sont également recommandés.

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 33


4. Quand l’hospitalisation est-elle nécessaire ?

La plupart des formes de dépression peuvent être soignées sans avoir


besoin d’une hospitalisation. L’hospitalisation peut cependant s’imposer en cas
de dépressions sévères, de traitements complexes nécessitant un suivi
médical particulier ou lorsque le patient est en danger et nécessite une prise
en charge (risque de suicide, perte d’autonomie…).

L’hospitalisation a par elle-même une vertu « soignante ». Espace


éloigné du contexte dans lequel s’est développée la dépression, le lieu
d’hospitalisation est un cadre dans lequel il est enfin « possible d’être malade »,
sans chercher à cacher sa maladie. La personne hospitalisée peut alors se
concentrer sur elle-même et sur son traitement.

La durée de l’hospitalisation nécessaire en cas de dépression dépend de


la gravité du trouble.

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 34


5. Cas Cliniques

Hyponatrémie symptomatique au cours d’un traitement par paroxétine chez la


personne âgée : à propos de deux cas cliniques

La prescription de traitement antidépresseur est de pratique courante en


médecine, notamment gériatrique. Parmi les classes thérapeutiques dont
disposent les cliniciens, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine
(ISRS) (paroxétine, fluoxétine, fluvoxamine, sertraline, citalopram) occupent
une place importante, en raison principalement de leur rapport bénéfice/risque
favorable, particulièrement chez la personne âgée [1-5]. Pour autant, leur
relative sécurité d’emploi ne doit pas occulter le fait que, dans de rares
situations, une hyponatrémie sévère et symptomatique peut être observée au
cours de leur utilisation. Cette hyponatrémie d’origine iatrogène secondaire à
un traitement par ISRS peut être reliée à un syndrome de sécrétion inappropriée
de l’hormone antidiurétique (SIADH).Cet article se propose, à travers
l’évocation de deux cas cliniques d’aborder la survenue d’une hyponatrémie
après utilisation de paroxétine.

Cas Clinique 1

Le premier cas rapporté concerne une femme âgée de 75 ans, admise à l’unité
de soins de suite pour une rééducation après fracture du bassin traitée
fonctionnellement par décubitus strict pendant 4 semaines. Cette patiente
présente comme antécédents : une hypertension artérielle, une anxiété, une
dépression et une artérite des membres inférieurs.
MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 35
À l’entrée, la patiente n’est pas désorientée. Elle présente essentiellement des
douleurs siégeant à l’aine droite. L’examen neurologique n’objective aucun
déficit. Il n’existe pas de troubles de la conscience ni de la vigilance. Sur le
plan cognitif, aucune plainte n’est signalée. Madame X nous précise qu’elle a
beaucoup de difficultés à accepter ce qui lui arrive, dit qu’elle ne remarchera
plus. L’humeur est globalement triste, la patiente se dit déprimée, elle
n’éprouve plus de goût à rien et son discours est envahi de propos morbides.
L’examen clinique et biologique ne retrouve aucune anomalie significative, en
particulier pas de trouble métabolique (natrémie à l’entrée chiffrée à 138
mmol/L), ni endocrinien, la fonction rénale est préservée (urée à 7,34 mmol/L,
créatinine à 88,4 μmol/L). La clairance de la créatinine, calculée selon la
formule de Cockroft et Gault [6] est à 54 mL/min. Le traitement de Madame X
comportait à son entrée : naftidrofuryl oxalate (Praxilène®) 200 mg, un
comprimé deux fois par jour, zolpidem 10 mg (Stilnox®) un comprimé le soir
au coucher, sulfate ferreux (Tardyferon® 80 mg), un comprimé matin et soir,
alprazolam (Xanax® 0,25 mg), un comprimé matin, midi et soir.

Le principal problème posé au cours de l’hospitalisation est celui d’une


symptomatologie évocatrice d’une dépression. Un avis spécialisé est demandé
qui conforte l’hypothèse d’une dépression. Afin de ne pas méconnaître un
processus démentiel, un mini mental test (MMS) est réalisé qui montre un score
normal de 29/30. Les différents bilans biologiques permettent de vérifier
l’absence de troubles métaboliques. Le diagnostic de dépression réactionnelle
est posé. Sur le plan thérapeutique, l’emploi d’un inhibiteur sélectif de la
recapture de la sérotonine est décidé, le choix se portant sur la paroxétine
(Deroxat®). Le dosage retenu est de 20 mg/j en une prise le matin compte tenu

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 36


de l’absence de trouble de la fonction rénale au regard de l’âge de la patiente.
Ce traitement améliore assez rapidement l’humeur de la patiente. Le bilan
biologique de surveillance montre une diminution de la natrémie à 128 mmol/L
sans autre anomalie. Au 10e jour de traitement, Madame X présente des propos
incohérents, une confusion majeure associée à des troubles de l’équilibre à
l’origine de deux chutes dans le service. Elle est devenue incontinente. Le
MMS montre un score effondré à 18/30. Devant cette altération brutale de son
état de vigilance, un examen clinique est réalisé qui ne met en évidence aucun
signe de focalisation, notamment neurologique. Un scanner cérébral en urgence
est réalisé qui ne montre aucune anomalie, en particulier l’absence de signe en
faveur d’un hématome sous-dural. Il n’y a pas d’élément déclenchant à
l’examen pouvant expliquer cette symptomatologie, notamment pas de troubles
vésico-sphinctériens (globe vésical, fécalome), pas de syndrome infectieux. Le
bilan biologique montre une hyponatrémie sévère à 115 mmol/L sans autre
anomalie (pas d’hypoglycémie, pas de syndrome inflammatoire, les constantes
tensionnelles sont stables et l’électrocardiogramme inchangé). Sur le plan
thérapeutique, devant cette hyponatrémie sévère, des mesures symptomatiques
sont prises : perfusion intraveineuse de soluté glucosé isotonique pour assurer
un apport hydrique suffisant (compte tenu des troubles de la vigilance) et
maintenir une voie d’abord, surveillance des bilans hydriques : calcul des
entrées (apports oral et parentéral) et des sorties (diurèse des 24 heures)
relevées quotidiennement, mise en place d’une restriction hydrique progressive
à 500 mL/24 heures. Ces mesures ne permettent pas de normaliser la situation
et l’arrêt de l’ISRS a été décidé. Après 48 heures, la situation clinique
s’améliore et le syndrome confusionnel a totalement régressé ainsi que les
troubles de l’équilibre. La natrémie de contrôle est à 135 mmol/L Après une

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 37


semaine, la situation s’est parfaitement normalisée. La paroxétine n’a pas été
réintroduite.

Cas clinique 2

Monsieur Y, âgé de 85 ans, a été hospitalisé dans le service de soins de suite


pour une rééducation après un accident vasculaire cérébral responsable d’une
hémiplégie droite totale et d’une aphasie sévère. Le bilan d’entrée ne montre
pas d’anomalie, la natrémie est à 134 mmol/L, la fonction rénale est
discrètement altérée avec une créatinine à 80 μmol/L et une clairance de la
créatinine calculée à 38,1 mL/min selon la formule de Cockroft et Gault [6].
Rapidement, compte tenu de l’humeur du patient, une consultation spécialisée
est demandée. Le psychiatre conclut à un syndrome dépressif important. Un
traitement par Deroxat® est introduit à la posologie de 20 mg/j. Au troisième
jour de traitement, lors du contrôle biologique de routine, une hyponatrémie
asymptomatique est découverte (128 mmol/L). La poursuite du traitement est
décidée sous contrôle systématique du ionogramme sanguin et surveillance
clinique, en associant une restriction hydrique à 750 mL/24 heures (pour lutter
contre un éventuel syndrome de sécrétion inappropriée de l’hormone
antidiurétique (SIADH)). Au 7e jour, la situation clinique reste stable, l’état
général est correct sans aucun trouble de la vigilance. En revanche, la biologie
confirme une hyponatrémie à 125 mmol/L. Nous décidons l’arrêt du Deroxat®
malgré l’absence de signes cliniques de mauvaise tolérance. Cet arrêt entraîne
moins de deux jours après une réaugmentation de la natrémie à 132 mmol/L.

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 38


Compte tenu des antécédents du patient (syndrome dépressif) et de la bonne
tolérance de cette hyponatrémie, la poursuite du traitement est demandée par le
psychiatre en remplaçant le Deroxat® par un autre ISRS, le citalopram
(Seropram®). Vingt-quatre heures plus tard, un nouveau contrôle biologique
montre une chute du taux de sodium à 128 mmol/L avec l’apparition d’une
fatigabilité jugée plus invalidante par le patient et l’équipe soignante qu’au
début de l’hospitalisation. L’arrêt définitif du traitement antidépresseur est
effectué avec là encore une normalisation des paramètres biologiques et
cliniques (disparition de la sensation de fatigue exprimée par le patient).

6. Références

1. American Psychiatric Association < Practice Guidelines for the


management of Depressive Disorder >. American Journal of Psychiatry
2000; 157(4): 1-45.
2. Benazzi F et Akiskal HS. The DSM-IV and ICD-10 categories of
recurrent major depressive and bipolar II disorders: Evidence that they
lie on a dimensional spectrum . Journal of Affective Disorders 2006; 92
(1); 2006: 45–54.
3. American Psychiatric Association, Diagnostic and Statistical Manual of
Mental Disorders, Fifth Edition (DSM-5), 2013 (ISBN 978-0-89042-
554-1), page 714
4. Thase, ME. When are psychotherapy and pharmacotherapy
combinations the treatment of choice for major depressive disorder?
Psychiatric Quarterly 1999; 70 (4): 333–346

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 39


5. Amick HR, Gartlehner G, Gaynes BN et al. Comparative benefits and
harms of second generation antidepressants and cognitive behavioral
therapies in initial treatment of major depressive disorder: systematic
review and meta-analysis. BMJ 2015; h6019: 351.
6. Cuijpers P, van Straten A, Smit F. Psychological treatment of late-life
depression: a meta-analysis of randomized controlled trials.
International Journal of Geriatric Psychiatry 2006; 21(12):1139–1149.
7. Weersing VR et Walker, PN. Review: Cognitive behavioural therapy
for adolescents with depression. Evidence-Based Mental Health 2008;
11(3):76.
8. Maat S, Dekker J, Schoevers R. Short Psychodynamic Supportive
Psychotherapy, antidepressants, and their combination in the treatment
of major depression: A mega-analysis based on three Randomized
Clinical Trials .Depression and Anxiety 2007:25 (7): 565.
9. Soldani F et Tsapakis EM. Efficacy of antidepressants in juvenile
depression: meta-analysis. Br J Psychiatry 2008; 193(1): 10–17.
10. Chanaka W. Treatment-resistant depression: Critique of current
approaches. Australian and New Zealand Journal of Psychiatry 2008;
42(9): 751–762.

7. Terminologie

Dépression réfractaire/ Dépression résistante : Dépression qui ne répond


pas à une évolution habituelle d'au moins deux types d'antidépresseurs

MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 40


8. Résumé

Dans cette unité vous avez étudié :

(1) les diagnostics différentiels et


(2) le traitement de la dépression.

Les conditions qui doivent être prises en considération comme


diagnostics différentiels sont notamment la dysthymie, le trouble de l'adaptation
avec humeur dépressive et les troubles bipolaires, et à ne surtout pas oublier
d'autres maladies non psychiatriques, la prise de médicaments et de substances
qui peuvent elles aussi déclencher une dépression.

Le traitement de la dépression comprend principalement :


(a) Psychothérapie
(b) Médicaments
(c) Electroconvulsiethérapie

La psychothérapie aide à guérir un épisode dépressif et sert aussi à


prévenir la réapparition des symptômes. Elle peut être indiquée seule comme
traitement dans les dépressions à sévérité légères. En cas de dépression sévère
en phase active, un soutien psychologique sera proposé, mais le travail de
psychothérapie ne pourra débuter qu’une fois l’intensité de la souffrance
diminuée par le traitement médicamenteux.
MIH/AUF : La Dépression – Module 4 : Diagnostic différentiel et traitement Page 41
La plupart des traitements aux antidépresseurs augmentent les taux d'une
ou de plusieurs monoamines: la sérotonine, la noradrénaline et la dopamine
dans la fente synaptique. Les antidépresseurs qui sont les plus couramment
prescrits et en premier instance sont les ISRS (inhibiteurs sélectifs de la
recapture de la sérotonine) car ils possèdent relativement peu d'effets
secondaires et sont moins toxiques lors de surdosage. L’ECT est indiquée
principalement pour traiter les dépressions les plus sévères et les plus
résistantes. Elle peut être indiquée en première intention lorsqu'il existe un
risque suicidaire élevé ou encore dans les cas où les malades ne s'alimentent
plus et dans des cas de dépression avec manifestations catatoniques.

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