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Module intégré C Néphrologie Hyponatrémie: Orientation diagnostique

Néphrologie HYPONATREMIE Orientation diagnostique


Objectif
♦ Devant un sujet en hyponatrémie, savoir conduire l'enquête étiologique sur des arguments
anamnestiques, cliniques et biologiques.
ECN: 219. Troubles de l’équilibre acido-basique et désordres hydroélectrolytiques.
Plan de cours
I- Circonstances de découverte et critères ............................................................ 2 II-
Eliminer les causes d’erreur................................................................................ 2 II.1- L'erreur
de laboratoire ...............................................................................................2 II.2- Vérifier que
la glycémie est normale ........................................................................3 II.3- Vérifier que la
protidémie et la lipidémie sont normales ........................................3 III- Hyponatrémie
découverte au cours d’un état aigu .......................................... 4 IV- Hyponatrémie
chronique.................................................................................... 5 IV.1- Il existe des anomalies
associées...........................................................................5 IV.2- Le sujet prend un
médicament ................................................................................5 IV.3- Lorsqu'on ne trouve
rien..........................................................................................6
Document. COMMENT SE CONCOIT UNE STRATEGIE DIAGNOSTIQUE
Définir une “conduite diagnostique” comporte deux étapes: - réfléchir à partir des connaissances acquises; - élaborer
un plan d’action.
Avant tout, rester clinique. Partir de l’interrogatoire et de l’examen, ce qui n’exclut pas de se baser aussi sur un
raisonnement physiopathologique. A chaque étape, envisager: - le diagnostic positif (confirmation); - le diagnostic
différentiel (causes d’erreur), ce qui relance l’enquête; - le diagnostic étiologique.
Penser en premier aux causes fréquentes et évidentes. L’important est l’aptitude, non tant à évoquer des maladies
exceptionnelles que l’on n’observera sans doute jamais, mais à concevoir une démarche claire, logique et
économique.
Evaluer les examens en fonction de leur rentabilité, de leur coût et de leur accessibilité. A titre d’exemple, il est peu
utile de proposer -du moins d’emblée- un dosage de l’ADH, s’il ne se fait que dans deux villes de France.
Dans une démarche diagnostique, si le trouble repéré est biologique, le critère principal est le résultat d’un dosage.
Les signes cliniques sont trop variables pour être autre chose qu’une présomption et ne constituent que des signes
d’orientation.
Une valeur de référence reconnue doit servir à définir le trouble. Avant de déclencher l’enquête, tenir compte de la
marge d’erreur de la mesure et des variations physiologiques éventuelles qui encadrent la normalité.
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Mai 2006
J. Fourcade
Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes
Module intégré C Néphrologie Hyponatrémie: Orientation diagnostique

I- Circonstances de découverte et critères


Dans quelles circonstances une hyponatrémie peut-elle être découverte ?
La détermination du taux des électrolytes plasmatiques (bilan ionique) est: - orientée par une
préoccupation clinique; - ou effectuée dans le cadre d’un bilan systématique.
♦ Découverte à l’occasion de troubles cliniques
Les signes cliniques liés à l’hyponatrémie ne sont pas spécifiques. Sauf en cas de contexte, ils sont peu
évocateurs. Ils dépendent: - de l’intensité du trouble; - de sa rapidité d’apparition.
- Signes d’alerte: troubles digestifs. Souvent absents en cas de survenue aiguë. - Signes neurologiques:
en principe plus tardifs, et pour des natrémies plus basses. Ils peuvent
culminer en crise convulsive ou coma.
♦ Bilan systématique en l’absence de troubles cliniques
Des hyponatrémies même profondes (<110 mmol/l) peuvent rester asymptomatiques.
L’absence de tout signe clinique ne réfute pas l’existence d’une hyponatrémie.
Quel est le critère caractérisant une hyponatrémie ?
♦ Une natrémie <135 mmol/l.
Quelles que soient les circonstances, le diagnostic repose sur la constatation d’une anomalie biologique.
Ce seuil n'a pas été choisi arbitrairement, mais établi en se référant à la signification d’une “normalité”.
Une normale de 142 ± 2 mmol/l signifie que 95% des sujets dits normaux ont une natrémie
comprise entre 138 et 146 mmol/l (m ± 2 SE).

II- Eliminer les causes d’erreur


II.1- L'erreur de laboratoire
Comment dépister une erreur de laboratoire ?
Avant tout en étant logique.
L’erreur de laboratoire est devenue: - exceptionnelle sur la mesure (automatisée); - de plus en plus rare
sur la retranscription (informatisée).
Mais l’erreur reste possible. - Bien lire le bilan ionique. Toute discordance biologique est suspecte. - Au
besoin, mesurer le pH plasmatique et l'osmolarité. - En cas de doute, nouveau bilan ionique (surtout si la
valeur est limite).
La natrémie doit être égale à la somme: chlore + bicarbonates.
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1 Seule exception: en cas d’acidose accompagnée d’un trou anionique (présence d’un anion inconnu).
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Mai 2006
J. Fourcade
Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes
Module intégré C Néphrologie Hyponatrémie: Orientation diagnostique

II.2- Vérifier que la glycémie est normale


Quand faut-il évoquer une hyponatrémie factice ?
En cas d’hyperglycémie majeure.
On constate dans ce cas, si on la mesure, une hyperosmolarité paradoxale, et non la diminution attendue
de l’osmolarité.
L’hyponatrémie est la conséquence d’un appel d’eau intracellulaire, en réponse à l’hyperosmolarité.
Seule une élévation considérable (30 à 100 mmol/l) est à prendre en considération. Ces taux sont
observés dans le coma hyperosmolaire du diabétique, qui résulte d’une déshydratation extracellulaire par
perte d’eau et de sel, avec hypovolémie marquée.
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Toute hausse de 5 mmol/l de la glycémie entraîne une baisse de 2 mmol/l de la natrémie.
II.3- Vérifier que la protidémie et la lipidémie sont normales
Comment s’explique une pseudohyponatrémie (ou fausse hyponatrémie) ?
Par l’existence d’un autre désordre biologique.
L’occupation de l’espace plasmatique de dilution du sodium par une quantité excessive d’une substance
non dissoute fausse la mesure de la natrémie.
L’excès en question doit être massif:
♦ Hyperprotidémie >100 g/l: observée dans les gammopathies monoclonales : - myélome; - maladie de
Waldenström.
♦ Hypertriglycéridémie >20 mmol/l.
Pour en savoir plus. L’ARTEFACT CREE PAR LES SUBSTANCES EN SUSPENSION On
exprime habituellement la concentration des substances dissoutes en mmol par litre de plasma. Ce faisant, on
néglige le fait qu’une partie de ce volume (normalement 70 ml) est occupée par des substances non dissoutes, en
suspension (lipides et protéines). L’espace de diffusion réel des substances dissoutes n’est donc que de 930 ml, et
non d’un litre. En conséquence, on devrait théoriquement diviser le résultat obtenu par litre de plasma par 0,93 pour
obtenir la concentration réelle de ces substances par litre d’eau plasmatique.
En pratique, on n’applique cette règle qu’en cas d’hyperlipidémie ou d’hyperprotéinémie considérables, au cours
desquelles la diminution apparente de la concentration des substances dissoutes est significative. Elle permet dans
ce cas d’identifier l’artefact, et de réfuter l’hyponatrémie.
Osmolarité réelle = osmolarité calculée x 100 = osmolarité calculée x 100_______________
contenu en eau du sérum {99,1 — (0,073 x protidémie en g/l) — (0,103 x lipidémie en g/l)}
2 Dans le coma cétoacidosique, la glycémie atteint des valeurs moins élevées.
Mai 2006
3 J. Fourcade
Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes
Module intégré C Néphrologie Hyponatrémie: Orientation diagnostique

III- Hyponatrémie découverte au cours d’un état aigu


La constatation d’une hyponatrémie vraie (dosages précédents normaux) fait évoquer plusieurs
hypothèses, selon que ce trouble est: - attendu et recherché; - constaté fortuitement lors d’un bilan.
La démarche diagnostique est orientée avant tout par le contexte clinique.
Que signifie une hyponatrémie authentifiée, au cours d’un état aigu ou d’une urgence ?
Une hyponatrémie aiguë est le plus souvent d’explication évidente. Elle s’observe dans un
contexte précis, dont elle complique l’évolution: - Exemple: Diarrhée aiguë (perte d'eau
prédominante)
Des états aigus sont également connus pour entraîner un déréglement temporaire des récepteurs
et/ou des centres cérébraux commandant la sécrétion d’ADH.
♦ Atteinte encéphalique (exemple: traumatisme crânien) → Bilan neurologique. ♦ Atteinte
thoracique (exemple: pneumopathies aiguës) → Radio thoracique.
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A quoi faut-il penser en cas de découverte d’une hyponatrémie au cours d’une réanimation ?
L’erreur de réanimation est une cause évidente à évoquer en premier. - Cas habituel: Sujet en
déshydratation extracellulaire, qui reçoit trop d’eau (excès relatif) et/ou pas
assez de sel.
→ Vérifier les prescriptions des derniers jours.
Quelle cause évoquer en cas de constatation simultanée d’une hyponatrémie et d’une
hyperkaliémie ?
Une insuffisance surrénalienne aiguë est à rechercher en priorité.
- Perte d’eau proportionnellement plus faible que la perte sodée (d’où l’hyponatrémie). - Signes de déficit
sodé (collapsus cardiovasculaire).
Quand faut-il évoquer la prise de certaines substances exogènes ?
En cas d’anamnèse et/ou de signes cliniques d’orientation coexistant avec une hyponatrémie,
mais avec glycémie normale.
La présence anormale dans le plasma d’une substance à forte activité osmotique entraîne une
hyponatrémie dont le mécanisme est analogue à celui de l’hyponatrémie factice par hyperglycémie.
◆ Cause évidente: perfusion de mannitol. ◆ Banal, mais y penser: intoxication aiguë par l’alcool.
◆ Sinon, rechercher un toxique exogène (glycérol, éthylène-glycol, méthanol).
→ Contexte clinique; interrogatoire. → Dosage de l’alcoolémie → Confirmation de
l’hyperosmolarité.
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3 Avec parfois la (mauvaise) surprise de tomber d’emblée sur une tumeur bronchique, ce qui télescope les étapes
menant au diagnostic d’un syndrome paranéoplasique (voir plus loin).
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Mai 2006
J. Fourcade
Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes
Module intégré C Néphrologie Hyponatrémie: Orientation diagnostique

IV- Hyponatrémie chronique


IV.1- Il existe des anomalies associées
Comment expliquer une hyponatrémie chez un sujet ayant des signes d’hyperhydratation
extracellulaire ?
Par l’existence d’une hyperhydratation globale (excès de sodium avec excès relatif d’eau).
Cette constatation inhabituelle traduit une rétention d’eau supérieure à la rétention sodée.
♦ Etats œdémateux prolongés: - Insuffisance cardiaque - Cirrhose. ♦ Insuffisance rénale chronique en
phase avancée (risque d’hyponatrémie favorisé par des
boissons occasionnellement excessives).
L’excès d’eau est le substratum commun à toutes les hyponatrémies.
A quoi penser en cas de polyurie associée à une hyponatrémie ?
A une affection curieuse mais rare: la polydipsie d’origine psychogène, ou potomanie.
Il s’agit dans ce cas d’un excès brutal d’apport d’eau (prise de boisson compulsive) dépassant
temporairement les possibilités d’élimination de l’eau.
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→ Interrogatoire; enquête psychiatrique. → Epreuve de la soif.
IV.2- Le sujet prend un médicament
Quelle est la première cause médicamenteuse d’hyponatrémie ?
La prise au long cours d’un diurétique est une cause banale à évoquer systématiquement. Encore
faut-il penser à interroger le sujet.
La survenue (non obligatoire) d’une hyponatrémie est due dans ce cas à la constitution d’une
déshydratation extracellulaire avec excès relatif d’eau (perte d’eau plus faible que la perte de sel).
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D’autres médicaments peuvent-ils être incriminés ?
Certains sont connus pour déclencher occasionnellement une hyponatrémie: - par stimulation de
la sécrétion d’ADH; - ou par potentialisation des effets de l’ADH. Voir le cours: Désordres de l’eau
4 Contrairement aux apparences, la mesure de l’osmolarité est tout sauf facile. Ce n’est pas un examen de première
intention, ni un dosage qu’on demande à l’interne de garde! Ne le demandez qu’à bon escient.
5 Une prise importante de boissons (par habitude sociale ou sur prescription médicale (prévention d’une lithiase)
entraîne certes une polyurie physiologique, mais n’atteint pas la prise d’eau massive (10 à 20 litres par jour)
nécessaire pour pouvoir engendrer une hyponatrémie. Celle-ci ne s’observe que dans le contexte psychiatrique de la
potomanie. Les autres causes de polyurie (diabète sucré, diabète insipide) entraînent une tendance, non à
l’hyponatrémie, mais à l’hypernatrémie. La perte hydrique précède en effet la soif, et la prise de boissons est
correctrice, et non primaire).
6 Explication à rechercher en priorité, à cause de sa fréquence. Aller des causes évidentes aux causes plus
compliquées.
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Mai 2006
J. Fourcade
Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes
Module intégré C Néphrologie Hyponatrémie: Orientation diagnostique
Le tout est d’y penser, car on ne peut pas tout savoir. Consultez le Vidal, Internet et vos livres, ou
appelez un confrère.
Et si le médicament que prend le sujet n’est pas réputé donner cet effet ?
Un effet encore méconnu peut toujours être découvert.
Félicitations ! Vous êtes le premier (si, si, si, ça s’est déjà produit). - Prouvez-le (sevrage thérapeutique,
contre-épreuve à discuter selon ses
dangers). - Faites-le savoir (pharmacovigilance, revue médicale). - Mais avant, cherchez quand
même une autre cause.
IV.3- Lorsqu'on ne trouve rien
Quelle conduite tenir en cas d’hyponatrémie isolée, sans diagnostic évident ?
Une sécrétion tumorale à activité polypeptidique pseudo-ADH doit être évoquée.
Aucun signe d’orientation, aucune circonstance caractéristique ne sont repérés. C’est le moment de
penser plus loin.
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♦ Confirmer l’existence d’une hypoosmolarité.
♦ Recherche de signes généraux ou locaux évocateurs d’une néoplasie (en premier lieu
bronchique).
♦ Examens de principe, guidés par la fréquence des affections causales. Les plus rentables sont: -
radiographie thoracique; - échographie ou tomodensitométrie abdominale; - bronchoscopie.
♦ Epreuve de la charge en eau. A conduire avec prudence. L’impossibilité de positiver la clairance de
l’eau libre (hypoosmolarité persistante) prouve indirectement l’existence d’un stimulus antidiurétique.
Y a-t-il des cas où une hyponatrémie demeure inexpliquée ?
Il existe des hyponatrémies « essentielles ».
♦ Dans un petit nombre de cas, l’enquête demeure infructueuse. On conclut dans ce cas à un
“reset” des osmo-récepteurs. ♦ Rester cependant vigilant et maintenir une surveillance.
Une hyponatrémie franche (< 130 mmol/l) a toujours une explication.
7 Même si la démarche est un peu caricaturale, évoquer en dernier les diagnostics les plus “fins”, qui réclament un
effort de réflexion et une recherche “construite”. On trouve une affection d’autant mieux qu’on sait ce qu’on cherche
(syndrome du réverbère).
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Mai 2006
J. Fourcade
Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes

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