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Amylases et lipases
Re sume
How to interpret Le seul dosage utile est celui de la lipas emie qui n’est pas plus cou ^teux que celui
amylase and lipase de l’amylas emie. Il est le plus sensible et surtout le plus sp
ecifique. Ce dosage ne
dosages? doit ^etre fait qu’en cas de suspicion clinique de pancr eatite aigu€
e. La lipas
emie
ne doit pas ^etre dos ee dans le cadre d’un check-up, de d epistage de pancr eatite
ou de cancer du pancr eas ou pour evaluer la gravit e d’une pancr eatite. La
lipasemie doit donc ^ etre dos ee une fois, le plus souvent aux urgences d’un
vy
Philippe Le
^pital Beaujon, Po
^le ho^pital.
DHU UNITY Ho
des Maladies de l’Appareil Digestif, Service s : lipase, amylase, pancreatite aigu€e, pancreatite chronique
n Mots cle
de Pancr
eatologie-Gastroenterologie,
92118 Clichy Cedex, France
Abstract
e-mail : <philippe.levy@bjn.aphp.fr> The only dosage useful is that of lipasemia which is not more exensive than that
of amylasemia. Lipasemia is more specific and sensistive than amylasemia. The
only circumstance in which lipasemia has to be measured is clinical suspicion of
acute pancreatitis. It is not useful for check-up, pancreatitis or pancreatic cancer
screening and to evaluate pancreatitis severity. Lipasemia should be measured
once, when arriving at emergency ward.
n Key words: lipase, amylase, acute pancreatitis, chronic pancreatitis
‘‘
Je ne tiens jamais le dosage de l’amylas emie et de la
compte des résultats d’un lipas
emie sont respectivement co ^t
es
examen que je n’aurais pas 2,16 s et 2,43 s. Il serait int
eressant
demandé ^ts induits
de connaı̂tre le total des cou
Jean-Pierre Benhamou, par ces deux dosages et de les
chef de service du Service comparer aux services rendus et aux
d’Hépatologie, Hôpital effets collat
eraux.
’’
Beaujon, Clichy
‘‘
Il serait intéressant
de connaitre le total
il est vrai que nous creusons
S’ notre tombe avec nos dents, il
des cou^ ts induits par
les dosages de l’amylasémie
est aussi exact que nous creusons et de la lipasémie et
le trou de la S ecurit
e sociale avec de les comparer aux services
des prescriptions inutiles d’examens
’’
rendus
compl ementaires voire suppl emen-
taires. Ces examens sont parfois
peu chers a titre individuel mais Nous allons tenter de l’illustrer par ce
leur rep etition et leur multiplication court cas clinique.
a l’
echelon national augmentent sen- Mme W., 62 ans, vient consulter un
siblement les d epenses de sant e sans professeur de gastroent erologie dans
doi: 10.1684/hpg.2013.0918
et Oncologie digestive
Pour citer cet article : Philippe L. Amylases et lipases. Hepato Gastro 2013 ; 20 : 650-655. doi :
10.1684/hpg.2013.0918
Tir
es
a part : P. Levy
‘‘
affections pancr eatiques. Elle a comme ant ec
edents Le seuil de trois fois la normale
signifiant une chol ecystectomie il y a 10 ans pour lithiase pour la lipasémie est retenu dans tous
asymptomatique, une dyspepsie et des troubles fonction- les consensus comme étant significatif
€
’’
nels sur un mode de constipation chronique. Dans sa pour le diagnostic de pancréatite aigue
famille, un cousin au second degr e est d ec
ede d’un
adenocarcinome pancr eatique d’embl ee m etastatique a
l’^age de 72 ans. Il n’y a aucun autre ant ecedent familial
signifiant.
L’amylase
A la question de la raison de la chol ecystectomie, il est L’amylas emie s’e le
ve dans les heures suivant le debut des
repondu que, d eja
a l’epoque, elle avait les enzymes sympto ^mes et se normalise rapidement en moins de
pancreatiques a un niveau tr es elev
e et que cela pouvait 5 jours. Des taux normaux d’amylase peuvent ^ etre not
es
a
^etre tres grave, dit-elle. Depuis, il lui est prescrit entre 5 et l’admission jusque dans 19 % des cas [1, 2], en particulier
10 fois par an un bilan sanguin comportant les dosages de en cas de pancr eatite alcoolique, les malades retardant
l’amylasemie et de la lipas emie. Ces deux valeurs sont souvent leur ni eme admission.
constamment elevees, la plupart du temps entre 2 et 4 L’amylase a un poids mol eculaire de 50 000. Elle hydrolyse
fois la normale (N). A une occasion, le dosage de les liaisons internes alpha-1,4 des sucres, r esultant en la
l’amylase a atteint 10 N. Le laboratoire a appel e le production de maltose et d’oligosaccharides. L’amylas emie
prescripteur qui a fait hospitaliser Mme W. Elle a alors eu est le reflet de la balance entre la production d’amylase par
un dosage des deux enzymes tous les jours pendant les 5 tous les organes qui en contiennent et son catabolisme ou
jours de l’hospitalisation. Un scanner abdominal, fait son epuration du plasma.
apres trois jours de jeu ^ne, s’est r ev
ele normal. Les L’amylase pancr eatique peut gagner le plasma via trois
enzymes pancr eatiques etant redescendues en dessous voies theoriques :
de 2 N, elle a et
e autoris ee a manger selon un r egime
a) par le biais des acini ou des ductules directement dans
progressif puis a sortir.
les vaisseaux perfusant le pancr eas ;
La pancreato-IRM et l’ echoendoscopie r ealis
ees apres sa
b) par la circulation lymphatique ;
sortie etaient normales. Un dosage de l’ elastase fecale au
c)
a partir de la lumi ere intestinale dans les vaisseaux
decours d’une gastroent erite etait a 548 mg/g de selles
perfusant la muqueuse. La constatation d’un taux
(normale > 250 mg/g de selles) traduisant une fonction
d’amylas emie tr es diff
erent (20-40 %) entre l’affluent
exocrine normale. Apr es son hospitalisation, Mme W. a
arteriel et l’effluent veineux pancr
eatiques est en faveur
demande et obtenu un dosage mensuel des enzymes
d’un passage direct dans les vaisseaux sanguins
pancreatiques qui oscillent toujours entre les m^ emes
peripancreatiques.
valeurs, comme avant et apr es la cholecystectomie, avant,
pendant et apr es l’hospitalisation, et ce, ind ependamment Chez les malades n’ayant pas de pancr eatite aigu€e,
des sympto ^mes fonctionnels. Il lui a et
e propos e une la concentration de l’amylase dans le canal thoracique
nouvelle echoendoscopie et une sphinct erotomie endos- est a peine sup erieure a celle du plasma, rendant
copique dans l’hypoth ese d’une dysfonction du sphincter l’hypoth ese d’un passage lymphatique peu probable
d’Oddi. Pour que son dossier soit complet, Mme W. arrive chez le sujet sain. Plusieurs travaux utilisant de l’amylase
avec un nouveau scanner, normal. marqu ee a l’iode radioactif ont montr e que la
Ce cas clinique peut ^etre juge caricatural. Il ne l’est pas tant r
eabsorption intestinale de celle-ci etait tr
es faible chez
que cela, raison pour laquelle il etait important d’aborder l’homme sain. La premiere hypoth ese semble donc la plus
a nouveau ce probl eme du dosage des enzymes vraisemblable, du moins en dehors d’une pouss ee de
pancreatiques dans une session de formation m edicale pancr eatite aigu€e.
continue. Dans un mod ele de pancr eatite exp erimentale chez
le chien, il apparaı̂t que la voie sanguine directe est
predominante au stade initial de la pouss ee mais qu’une
Petits rappels physiopathologiques voie lymphatique et p eriton
eale se met en place dans les
jours suivants.
En cas de pancr eatite aigue€, de nombreuses enzymes La demi-vie plasmatique de l’amylase est br eve (1 a
acinaires sont largu es dans le s
erum. Les deux principales 2 heures chez le babouin et 1 heure et demi chez le lapin).
sont l’amylase et la lipase, et leur concentration elevee est De ce fait, le d
ebit de production doit ^
etre
eleve pour que le
un des criteres diagnostiques utilis
es. Le seuil de trois fois la taux serique se maintienne. Compte tenu du volume de
normale est retenu dans tous les consensus comme etant distribution plasmatique, de sa demi-vie et de son taux
significatif. Toute el
evation inf
erieure a ce seuil doit ^ etre normal, on peut calculer que la production d’amylase chez
consideree comme non signifiante. l’homme doit ^ etre de l’ordre de 100 U/h.
‘‘
De nombreux organes ou sécrétions du pancr eas ne soit visible ni en scanographie ni en per-
contiennent de l’amylase dont l’activité op eratoire. Ceci peut ^ etre d enomm e « pancr eatite
’’
est dosée par les kits commerciaux biologique » ou « r eaction pancr eatique », deux termes
tout aussi inappropri es dont le substratum anatomique ne
La distinction des contributions relatives du pancre as et correspond a rien.
des glandes salivaires est possible gr^ ace aux propri et
es En cas de perforation abdominale, d’occlusion ou d’infarctus
physicochimiques de ces diff erentes enzymes en fonction m esenterique, on peut noter une elevation generalement
de leur origine, en particulier leur migration sur des mod er
ee (< 3 N) des enzymes pancr eatiques plasmatiques
colonnes iso electriques. Leur poids mol eculaire (environ due a une absorption des enzymes a travers la paroi digestive
55 000 daltons) et leur composition en acides amin es dont la perm eabilit
e a augment e. Cette el
evation est le fait
(> 92 % d’homologie) sont grossi erement identiques. Les
de l’amylase pancreatique.
differences proviennent de modifications post-transcrip- Toutes les affections des glandes salivaires peuvent
tionnelles portant sur la d eamidation et la glycosylation. s’accompagner d’une el
evation de l’amylas emie. Il s’agit
L’amylase pancr eatique a une clairance r enale superieure alors de l’amylase salivaire. Ceci peut se rencontrer en cas
a celle d’origine salivaire. L’amylase ayant un point d’infection ourlienne, de tumeur, de traumatisme, d’irra-
iso-electrique a 7,0 est sp ecifique du pancr eas. On diation ou d’obstruction des canaux excr eteurs des glandes
considere ainsi qu’ a l’
etat normal, l’amylase pancr eatique salivaires.
represente 30 a 50 % de l’amylase sanguine. Ceci est Chez 10 % des malades alcooliques chroniques, on note
bien su ^r radicalement diff erent en cas de pancr eatique une el
evation de l’amylas emie d’origine salivaire qui est la
aigu€e. cons equence de l esions mod er
ees des glandes salivaires
provoqu ees par la prise de quantit es importantes d’alcool
(souvent associ ees au tabagisme). L’amylasemie d epasse
Variations physiologiques de l’amylasémie
rarement 3 fois la normale. Dans ce contexte, la prescrip-
L’amylasemie est faible chez les enfants et atteint son taux tion inappropri ee de ce dosage peut conduire a des erreurs
« adulte » a l’^
age de dix ans qui reste constant jusqu’a au diagnostiques.
‘‘
salpingites ou de kystes ovariens. L’insuffisance rénale est associée
Chez les malades ayant un ad enocarcinome pancr eatique, à une élévation des enzymes pancréatiques
on peut noter une el
evation des enzymes pancr eatiques, qui ne dépassent habituellement pas 3 fois
’’
la normale
peut-^etre due a une pancr eatite en amont de l’obstacle
tumoral. Il n’en reste pas moins que le dosage des enzymes
pancreatiques ne constitue un examen ni de d epistage, ni de La macroamylas emie re sulte d’une liaison entre l’amylase
diagnostic positif, ni de surveillance de ce type de maladie. serique et des prot eines s eriques sous la forme d’un
complexe de trop grand poids mol eculaire pour ^etre filtr
e
par les glomerules renaux. La taille des complexes prot
‘‘
Le dosage des enzymes pancréatiques eiques
ne constitue un examen ni de dépistage, va de 200 000 a 2 000 000 daltons. La nature de la prot eine
ni de diagnostic positif ni de surveillance li
ee
a l’amylase est vari
ee : il peut s’agir ou non d’immuno-
globulines. L’amplitude de l’hyperamylas emie d
’’
de l’adénocarcinome pancréatique epend du
pourcentage de celle-ci qui est li ea la prot
eine. Les valeurs
seriques sont oscillantes entre une et 20 fois la normale alors
Il faut noter le cas particulier des exceptionnelles tumeurs que la lipas
emie et l’amylasurie sont normales. En pratique,
du pancreas a cellules acinaires qui s ecretent habituelle- la recherche d’une macroamylas emie ne devrait plus avoir a
ment de tres grande quantit e d’enzymes pancr eatiques et ^
etre faite depuis la generalisation des dosages de lipas emie
qui peuvent se r ev
eler par un syndrome de Weber-Christian bien que de rares cas de macrolipas emie ont et
e decrits,
severe et un taux de lipasemie a plusieurs centaines de fois parfois de façon simultan ee a une macroamylas emie.
au-dessus de la limite sup erieure de la normale.
Certaines tumeurs non pancr eatiques sont susceptibles
La lipase
de contenir de fortes concentrations d’amylase. Il s’agit
des tumeurs pulmonaires, ovariennes, coliques, des La lipas
emie est plus sp
ecifique que l’amylas
emie. Elle peut
pheochromocytomes, des thymomes et des my elomes. cependant s’elever en cas d’insuffisance r
enale [3]. Des cas
Dans la plupart des cas, il s’agit d’une amylase de type de macrolipas emie ont ete d
ecrits dans de nombreuses
salivaire et les etudes histochimiques ont montr e que ces circonstances, notamment la maladie cœliaque [4]. Le taux
tumeurs etaient particuli erement riches en amylase. de lipas
emie peut rester plus longtemps elev
e que celui de
En situation postop eratoire et quelle que soit l’intervention, l’amylasemie [5].
une hyperamylas emie a ete notee dans 10 a 30 % des cas
et ceci a entraı̂n e des diagnostics abusifs de pancr eatite
‘‘
aigu€e. Cependant, dans la moiti e des cas, elle est de type La lipasémie est plus spécifique que
’’
^ l’amylasémie
salivaire. Il est vraisemblable que ceci est du a des l
esions
des glandes salivaires lors de l’intubation trach eale et
a la
stagnation salivaire pendant l’intervention.
L’insuffisance r enale est associ ee a une elevation des Une situation particulière : l’élévation
enzymes pancr eatiques qui ne d epassent habituellement chronique non pathologique des
pas 3 fois la normale. Dans un travail portant sur 47 enzymes pancréatiques
malades hemodyalis es, une hyperamylas emie et une
hyperlipasemie etaient trouv ees chez respectivement 68 Cette situation a
et
e appel
ee syndrome de Gullo en raison
et 62 % des patients avec une corr elation entre le du nombre incroyable d’articles publi
es par son principal
‘‘
Il ne faut pas doser les enzymes La r
eponse est ici clairement « oui »
a condition de r
eserver
pancréatiques chez un malade ce dosage au diagnostic positif de pancr eatite aigu€
e.
’’
asymptomatique !
Autrement dit, ce dosage ne devrait ^ etre fait qu’une seule
fois, au moment d’une douleur aigu€ e, pour affirmer le
Il n’y a aucune indication dans cette situation a chercher diagnostic de pancr eatite aigu€
e.
des anomalies g enetiques (CFTR, SPINK1, trypsinog ene
cationique [10, 15], ni a faire des examens d’imagerie
cou ^teux et anxiog
enes [7]. Faut-il aussi doser la lipasémie...
Faute de mieux, ces travaux nous permettent de donner
une explication « fond ee sur les preuves »
a nos malades et ...à plusieurs reprises au cours d’une
a nos correspondants inquiets. pancréatite aigue € ou pour en évaluer la
Apres ce bref rappel, revenons a notre cas clinique et gravité ? NON !
repondons simplement a quelques questions : La lipas
emie n’a aucun int er^
et comme el
ement de surveill-
ance ou d’appr eciation de la gravit
e d’une pancr
eatite aigu€
e.
Elle n’est sortie comme facteur ind ependant de la gravite de
Faut-il encore doser. . . la pancreatite aigu€e dans aucune etude.
. . .l’amylasémie ? NON !
...au cours de la pancréatite chronique ?
Rappelons que les conclusions du jury de la conf erence NON !
de consensus française sur la pancr eatite aigu€ e ont
Le dosage de la lipase mie au cours du suivi d’une
clairement enonc e que, pour le diagnostic de la
pancreatite chronique (en dehors d’une p
eriode d’acutisa-
pancreatite aigu€ e, le dosage de la lipas emie seule etait
tion) n’a aucun inter^
et.
superieur en termes de sensibilit e et de sp ecificit
e au
dosage de l’amylas emie, de l’amylasurie ou de toute
combinaison de ces trois dosages [18]. La sensibilit e et la
‘‘
Le dosage de la lipasémie au cours
specificite de la lipas
emie sont respectivement de 82-
du suivi d’une pancréatite chronique
100 % et 82-99 % [19]. Dans ces conditions, le dosage
(en dehors d’une période d’acutisation)
de l’amylas emie devrait disparaı̂tre de la liste des dosages ^t
’’
n’a aucun intére
possibles.
Références
T ake home messages Les r
ef
erences importantes apparaissent en gras.
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Si cette situation est malgr e tout cr
eee (!), la seule pr
ecaution 702.