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7-007-B-20

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 7-007-B-20


Conduite à tenir devant une cytolyse
chronique
F Lainé
D Guyader

Résumé. – Une élévation chronique des transaminases est un motif fréquent de consultation en hépatologie.
Après avoir écarté une cytolyse d’origine musculaire ou un complexe macroenzymatique, il convient de vérifier
la chronicité de la cytolyse et de rechercher l’existence de signes cliniques de maladie chronique du foie. La
recherche de la cause de la cytolyse nécessite un interrogatoire précis et un examen clinique complet qui
permettront le plus souvent d’orienter le bilan étiologique. Même si de nombreuses causes sont décrites, cinq
étiologies représentent la majorité des cytolyses chroniques. La ponction-biopsie hépatique, si elle est parfois
inutile, reste le plus souvent indispensable, non pas tant dans un but étiologique que pour préciser le
retentissement fibrogène de la cytolyse. L’absence de parallélisme entre l’intensité d’une cytolyse et la gravité
du retentissement fibrogène hépatique associé oblige à une prise en charge rigoureuse de toute cytolyse quel
qu’en soit le niveau.
© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : transaminases, virus, alcool, stéatose, biopsie hépatique.

Introduction partir de cohortes de volontaires sains, en excluant les extrêmes.


Ainsi, il existe des malades ayant des transaminases comprises dans
La cytolyse hépatique correspond à l’élévation de la concentration la partie haute de la normale qui ont en réalité une cytolyse. C’est le
sérique des transaminases : aspartate aminotransférase (ASAT) cas notamment des patients ayant une hépatite chronique C où, dans
et/ou alanine aminotransférase (ALAT) [21]. Le caractère chronique une proportion non négligeable de cas, il est mis en évidence, malgré
est défini arbitrairement par sa persistance pendant plus de 6 mois. la normalité des transaminases, une activité histologique réelle [29].
Cette chronicité ouvre un éventail diagnostique différent de celui En cas de doute, il faut répéter les dosages et bien souvent les
des cytolyses aiguës et pose le problème clé de l’évaluation d’une contrôles ultérieurs permettront de mettre en évidence une élévation
fibrose hépatique éventuelle. L’enquête étiologique est compliquée des transaminases dépassant la limite supérieure des valeurs
par la multiplicité des causes possibles puisque la quasi-totalité des normales. De plus, il est conseillé de corriger les valeurs de
maladies hépatiques chroniques peuvent être en cause. Après un normalité des transaminases en fonction du sexe mais aussi de
bilan qui doit être systématique pour ne pas méconnaître une cause l’index de masse corporelle [37, 40] ce qui en pratique n’est pas fait.
rare mais de diagnostic facile, il faut discuter l’indication de la
biopsie hépatique. Le cheminement diagnostique se fait en plusieurs
étapes. ÉTUDIER LE RAPPORT ASAT/ALAT
Le profil de la cytolyse peut être un élément utile à l’orientation du
diagnostic. La richesse en ALAT des hépatocytes explique que la
Reconnaître la cytolyse plupart des cytolyses hépatiques prédominent sur cette enzyme. La
prédominance en ASAT de la cytolyse, à condition d’avoir écarté au
NE PAS NÉGLIGER LES CYTOLYSES CHRONIQUES
préalable une atteinte musculaire, est un argument en faveur de
DE BAS NIVEAU l’étiologie alcoolique de l’atteinte hépatique [30] et s’explique par le
biais d’une carence induite par l’alcool en pyridoxal-5’-phosphate,
Elles peuvent en effet (le meilleur exemple en est l’hépatite
métabolite de la vitamine B6, qui touche plus la synthèse des ALAT
chronique virale C) s’accompagner de lésions hépatiques sévères car
que des ASAT [15]. Un rapport supérieur à 2 a été retrouvé dans 70 %
la corrélation entre l’importance de l’élévation du taux sérique des
des maladies alcooliques du foie, contre 4 % des hépatites virales, et
transaminases et la gravité de la fibrose hépatique est mauvaise. Il
8 % des hépatites d’autre nature [12] avec une spécificité pour le
faut donc prendre en considération les élévations de transaminases
diagnostic de foie alcoolique de 90 %. Ceci a été confirmé dans un
quel qu’en soit le niveau.
travail récent signalant l’utilité de ce marqueur en cas d’hépatite
Le problème est compliqué par la définition de la norme des stéatosique pour différencier les causes alcooliques ou non
transaminases. Celle-ci, propre à chaque laboratoire, est établie à alcooliques [41]. Il faut toutefois interpréter ce rapport avec beaucoup
de précautions. En effet, il est bien démontré que la part respective
d’ASAT augmente au fur et à mesure que la fibrose progresse. Ainsi,
Dominique Guyader : Professeur des Universités, praticien hospitalier. Service des maladies du foie et
un rapport ASAT/ALAT supérieur à 1 doit faire suspecter une
Inserm U 522, centre hospitalier universitaire Pontchaillou, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex, cirrhose. Ceci a été bien étudié dans l’hépatite chronique virale C [34]
France.
Fabrice Lainé : Assistant-chef de clinique. Service des maladies du foie, CHU de Pontchaillou, rue Henri-Le-
et dans l’hépatite stéatosique [41] mais peut s’observer quelle que soit
Guilloux, 35033 Rennes cedex, France. l’étiologie de la cirrhose. Enfin la cytolyse secondaire à une

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lainé F et Guyader D. Conduite à tenir devant une cytolyse chronique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Hépatologie,
7-007-B-20, 2003, 5 p.

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insuffisance cardiaque ou un syndrome de Budd-Chiari prédomine hépatocytaire des acides biliaires. Nous n’envisageons pas ici ces
également en ASAT, du fait de la prédominance centrolobulaire des situations. Cependant, il faut garder à l’esprit que ces affections
lésions d’ischémie et de congestion. peuvent comporter des formes de passage avec une hépatite
chronique active auto-immune (classiques syndromes de
« chevauchement » ou overlap syndrome). Il n’y a pas de niveau de
Affirmer son caractère chronique transaminases permettant de séparer ces deux situations. Toutefois
dans la cirrhose biliaire primitive, il a été proposé d’évoquer un
Cette étape est importante. En effet, les cytolyses aiguës ne doivent syndrome de chevauchement lorsque les transaminases dépassent
pas, en règle, conduire à réaliser une biopsie hépatique. Le délai de 5 fois la limite supérieure de la normale [11]. Dans la même optique,
6 mois permettant de retenir le caractère chronique de la cytolyse a une définition permettant de classer le type d’atteinte hépatique a
été fixé de façon arbitraire. Bien qu’aucune étude n’ait démontré été proposée dans les hépatites médicamenteuses [13]. En exprimant
qu’il s’agissait du bon seuil de discrimination, il est cependant les valeurs enzymatiques en multiples de la limite supérieure de la
consacré par l’usage. Lorsque la cytolyse fait suite à un épisode aigu, normale (N), on définit dans ce cadre :
c’est la surveillance qui permettra d’établir la persistance de – une hépatite cytolytique quand il existe une élévation isolée des
l’élévation des transaminases. Il est donc important d’avoir des transaminases à plus de 2N ou un rapport ALAT/phosphatase
critères stricts de guérison pour ne pas méconnaître un passage à la alcaline = 5 ;
chronicité. Le problème peut être compliqué lorsque l’épisode – une hépatite cholestatique en cas d’élévation isolée > 2N de
d’allure aiguë correspond en fait à une réactivation aiguë d’une l’activité des phosphatases alcalines ou de rapport
maladie chronique, ce qui se voit essentiellement dans l’hépatite ALAT/phosphatase alcaline < 2 ;
chronique virale B à un stade tardif de son évolution (phase 3 de – une hépatite mixte lorsque les activités des deux enzymes sont
réactivation) et dans les maladies auto-immunes. Lorsque la cytolyse élevées et que le rapport est compris entre 2 et 5.
est de découverte fortuite, il faut s’enquérir du résultat d’éventuels
dosages antérieurs des transaminases. Chez un patient peu EN CAS D’ÉLÉVATION PRÉDOMINANTE
symptomatique et dont l’examen hépatologique est négatif, il faut DES TRANSAMINASES
prendre un recul suffisant afin d’éviter la réalisation d’examens On retrouve cinq étiologies principales. Elles représentent la majorité
invasifs inutiles. À l’inverse, lorsque l’examen clinique met en des causes de cytolyse chronique et doivent donc être évoquées
évidence, dès la prise en charge, des signes de maladie chronique systématiquement.
du foie (fermeté du foie à la palpation, signes d’insuffisance
hépatocellulaire tels que des angiomes stellaires ou un érythème ¶ Hépatites chroniques virales
palmaire, signes d’hypertension portale tels qu’une circulation La recherche à l’interrogatoire de facteurs de risque de
veineuse collatérale, une ascite ou une splénomégalie), il faut contamination est essentielle (transfusion, toxicomanie intraveineuse
d’emblée situer la cytolyse comme chronique et réaliser les examens ou par voie nasale, comportement sexuel à risque, tatouages ou
nécessaires. En effet, le recul évolutif est alors inutile et parfois piercing réalisés dans des conditions d’hygiène défectueuse). Le
dommageable notamment lorsqu’il s’agit d’une hépatite auto- dépistage est assuré par la recherche des anticorps anti-HBc et
immune qui nécessite un traitement rapide. antivirus de l’hépatite C (VHC). Le diagnostic est confirmé par la
mise en évidence de l’antigène HBs associé à l’acide
désoxyribonucléique (ADN) viral B ou par la présence sérique de
Rechercher la cause l’acide ribonucléique (ARN) du VHC. L’hépatite virale A n’est pas
une cause de cytolyse chronique, même si de rares cas d’élévation
persistante des transaminases au-delà de 6 mois ont été décrits au
ÉCARTER LES CYTOLYSES NON HÉPATIQUES cours de cette infection [ 1 ] . En dehors des situations
OU LES COMPLEXES MACROENZYMATIQUES d’immunodépression (comme un syndrome de l’immunodéficience
Il faut suivre la même démarche diagnostique que lors de la mise en acquise [sida] compliquant une infection au virus de
évidence d’une cytolyse aiguë [21], sachant bien entendu que seules l’immunodéficience humaine [VIH]), il n’y a pas lieu, dans le cadre
des pathologies chroniques doivent être évoquées. Il faut : du bilan systématique d’une cytolyse inexpliquée, de recourir à la
recherche systématique de l’ADN du VHB et de l’ARN du VHC du
– écarter une cytolyse musculaire ou cardiaque : les fait de l’excellente sensibilité des tests enzyme-linked immunosorbent
aminotransférases sont présentes au sein des cellules musculaires assay (Elisa) de dépistage actuellement utilisés. L’indication de ces
lisses ou striées, leur élévation sérique peut donc refléter une recherches doit être discutée lorsqu’il y a des antécédents évocateurs
myolyse. Il s’agit habituellement d’élévation modérée des et si l’histologie hépatique met en évidence un tableau d’hépatite
transaminases. L’attention est attirée par l’existence de myalgies, chronique active qui ne peut être étiqueté.
d’une amyotrophie, ou la notion d’efforts physiques intenses avant
La réalité d’hépatites chroniques virales non liées au virus B ou C a
le prélèvement. La prédominance en ASAT de la cytolyse, en dehors
été démontrée en cas d’hépatites post-transfusionnelles. Il s’agit en
de tout contexte alcoolique, est un élément d’orientation. Il faut
règle de maladies peu actives. La responsabilité de nombreux agents
toutefois remarquer que d’authentiques myopathies ont été révélées
a été évoquée (GB virus, virus de l’hépatite G, TT virus [transfusion
par une cytolyse chronique prédominant sur les ALAT [31] . Il
transmitted]) mais reste à établir d’autant que ces virus ont une
convient donc de doser systématiquement les créatines
prévalence importante dans la population générale et en cas
phosphokinases (CPK) en cas d’élévation modérée des
d’antécédent transfusionnel même en l’absence d’hépatite.
transaminases [25] ;
– évoquer un complexe macroenzymatique : une élévation isolée ¶ Hépatite alcoolique
des ASAT doit faire rechercher les exceptionnels cas de L’interrogatoire, la prédominance de la cytolyse en ASAT, son
macroASAT [21]. association à une macrocytose et à une élévation des
gammaglutamyl-transpeptidases (GGT) sont des éléments
d’orientation. On rappelle que du fait de la demi-vie plus courte des
IDENTIFIER LES CYTOLYSES ACCOMPAGNANT ASAT que des ALAT, il peut exister, en cas de sevrage récent, une
LES CHOLESTASES CHRONIQUES
prédominance en ALAT de la cytolyse.
Les cholestases chroniques telles que celle des cholangites
chroniques (cirrhose biliaire primitive, cholangite sclérosante, ¶ Hépatite médicamenteuse ou toxique
cholangites chroniques médicamenteuses, ductopénie L’interrogatoire devra rechercher soigneusement toute prise
idiopathique...) peuvent entraîner une cytolyse du fait de la toxicité médicamenteuse, sans oublier les prises vitaminiques (intoxication

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à la vitamine A) ou de préparations à base de plantes [35]. Le lorsque le niveau de transaminases dépasse deux fois la limite
diagnostic sera établi sur des arguments chronologiques (disparition supérieure de la normale, il faut rechercher un cofacteur
ou diminution rapide de la cytolyse à l’arrêt du médicament en hépatotoxique. En fait, beaucoup plus souvent le diagnostic
cause) et l’absence d’autre cause d’hépatotoxicité [13]. Certains d’hémochromatose génétique est évoqué par excès car les cytolyses
médicaments induisent la formation d’autoanticorps pouvant chroniques, quelle que soit leur cause, sont responsables d’une
faussement orienter vers une hépatite auto-immune [19, 27]. augmentation des variables sériques de charge en fer,
Dans la même optique, il faut s’enquérir d’éventuels toxiques indépendamment de toute surcharge en fer, prédominant sur la
industriels [16] et rechercher un lien chronologique avec l’activité ferritine mais pouvant perturber également le fer sérique et la
professionnelle. Ceci est rare du fait des mesures de prévention saturation de la transferrine. Dans les cas difficiles, si la saturation
prises par la médecine du travail. de la transferrine est supérieure à 45 %, la recherche de la mutation
C282Y du gène HFE est utile.
¶ Hépatite stéatosique non alcoolique
Autres maladies héréditaires de surcharge
Ce diagnostic est évoqué en présence d’un ou plusieurs des éléments
Les déficits enzymatiques rencontrés au cours des glycogénoses ou
du syndrome d’insulinorésistance (indice de masse corporelle élevé,
des sphingolipidoses (maladie de Gaucher...) [ 2 4 ] peuvent
élévation du rapport tour de taille sur tour de hanche, diabète ou
s’accompagner de cytolyse chronique. La présence d’hépatocytes
intolérance au glucose, dyslipidémie). La stéatose, repérée en
surchargés à l’examen de la biopsie permet le diagnostic.
échographie, est un élément orientant mais non spécifique. La
cytolyse prédomine classiquement en ALAT sauf au stade de
Porphyries
cirrhose, où le rapport ASAT/ALAT peut devenir supérieur à 1.
L’association fréquente à une hyper-GGT peut alors faussement faire La porphyrie cutanée tardive est souvent associée à une cytolyse
porter le diagnostic d’intoxication alcoolique chronique et ce chronique. La présence de bulles cutanées associée à un excès de fer
d’autant plus que, à ce stade de cirrhose, la surcharge pondérale et oriente le diagnostic qui est assuré par le dosage des porphyrines
la stéatose peuvent avoir disparu [10]. Le diagnostic reste donc un urinaires [8].
diagnostic d’élimination. De façon idéale, la régression de la cytolyse
parallèlement à la correction des anomalies du syndrome Syndrome de Turner
d’insulinorésistance permet de confirmer le diagnostic (une perte de Une cytolyse chronique est fréquente. Ce diagnostic est évoqué à
poids de 1 % fait baisser les transaminases de 8 %) [33]. Il faut l’inspection de la malade [26].
rappeler ici l’existence d’hépatites stéatosiques après chirurgie de
dérivation intestinale ou consommation de certains médicaments [39]. ¶ Causes endocriniennes
¶ Hépatite auto-immune Dysthyroïdies
Le terrain féminin, l’existence d’une « ambiance dysimmunitaire » L’hyper- mais surtout l’hypothyroïdie sont des causes non rares de
(dysthyroïdie, syndrome de Raynaud...) sont des éléments cytolyse chronique. Celle-ci prédomine classiquement en ASAT
d’orientation. La présence d’autoanticorps antimuscle lisse de type mais, en cas d’hypothyroïdie, celle-ci peut entraîner une
actine ou, plus rarement, antimicrosomes (anti-LKM) ou anti-soluble hypercholestérolémie et donc une stéatose, elle-même pouvant
liver antigen (SLA) est un critère diagnostique majeur ainsi que la induire une cytolyse en ALAT. L’examen clinique (pouls...) associé
présence d’une hypergammaglobulinémie prédominant en au dosage systématique de la thyroid stimulating hormone (TSH)
immunoglobulines (Ig)G. Dans les formes de diagnostic difficile, il permet le diagnostic [5].
peut être utile de se référer aux critères de diagnostic proposés par
le Groupe international d’étude de l’hépatite auto-immune [2]. Insuffisance surrénalienne
Rare, elle est évoquée devant les signes cliniques de maladie
AUTRES ÉTIOLOGIES d’Addison (amaigrissement) et l’existence d’une hyponatrémie [7].

¶ Causes génétiques ¶ Causes inflammatoires ou systémiques


La plupart des maladies inflammatoires, via le retentissement des
Maladie de Wilson cytokines inflammatoires sur le foie, peuvent s’accompagner de
Les dosages de céruloplasmine, de la cuprémie et de la cuprurie cytolyse même si généralement la cholestase prédomine. Il en est de
permettent le plus souvent le diagnostic [17]. même pour de nombreuses maladies systémiques (lupus,
périartérite noueuse...). La cytolyse est souvent satellite de
Déficit en alpha-1 antitrypsine manifestations viscérales extrahépatiques prédominantes. Il apparaît
licite de rechercher systématiquement une inflammation biologique
Ce diagnostic est évoqué devant une baisse de l’alpha-1 globuline à lors du bilan d’une cytolyse [3, 9].
l’électrophorèse des protides [18] ou dans un contexte personnel ou
familial d’emphysème pulmonaire. Le taux sérique d’alpha-1 ¶ Causes néoplasiques ou infiltratives
antitrypsine est abaissé mais ce dosage doit se situer en dehors
d’une pathologie inflammatoire qui peut être responsable de faux Il est rare, du fait de l’évolutivité propre à ces pathologies, que l’on
négatifs car cette protéine est augmentée par le syndrome soit confronté au diagnostic de pathologies tumorales [ 2 8 ] .
inflammatoire. Le diagnostic est confirmé par la mise en évidence L’envahissement du foie par des cellules tumorales (lymphome...)
du génotype PiZZ et par la mise en évidence histologique des peut entraîner, via une destruction des hépatocytes ou un
globules PAS positifs dans le cytoplasme des hépatocytes. envahissement vasculaire, une cytolyse chronique. Le contexte
d’altération de l’état général est marqué. L’amylose peut également
Hémochromatose génétique se révéler par une élévation chronique des transaminases.
Un coefficient de saturation de la transferrine supérieur à 45 %, en
¶ Causes vasculaires
l’absence de consommation alcoolique, doit faire évoquer ce
diagnostic. La cytolyse est rare dans cette maladie, elle survient Les causes d’ischémie chronique du foie, tels les syndromes de
toujours en situation de surcharge majeure, et est un élément Budd-Chiari ou l’insuffisance cardiaque chronique, peuvent être
prédictif de cirrhose qui impose la réalisation d’une biopsie responsables d’une cytolyse chronique. L’examen échographique de
hépatique [22, 32]. Il ne s’agit jamais d’une cytolyse importante et, la veine cave et des veines sus-hépatiques oriente le diagnostic [20, 44].

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– de porter l’indication d’un traitement spécifique.


Tableau I. – Bilan étiologique d’une cytolyse chronique : examens
complémentaires. Dans un certain nombre de cas, l’étiologie reste indéterminée au
terme de l’enquête. Le problème essentiel est alors de discuter
Échographie abdominale l’indication de la biopsie hépatique, en tenant compte du fait qu’il
Anticorps anti-VHC, anticorps anti-HBc (compléter la sérologie virale si +) s’agit d’un examen invasif comportant un risque de complications
Autoanticorps antinoyaux, antimuscles lisses, antimitochondries, antimicrosomes
Électrophorèse des protéines (taux des alpha-1 et des gammaglobulines)
(notamment hémorragiques). Peu d’études permettent de répondre
Autoanticorps antiendomysium et antigliadine à cette question. Les séries publiées avant la découverte du VHC en
Rechercher un syndrome inflammatoire biologique (VS/CRP) 1990 faisaient état d’une fréquence non négligeable d’hépatite
Fer sérique, saturation de la transferrine, ferritinémie chronique active qui se sont révélées ultérieurement être dues au
Céruloplasmine VHC. Actuellement, dans la plupart des séries de la littérature, la
TSH stéatose prédomine [14]. C’est, en pratique courante, la situation très
CPK
fréquente où une hépatite stéatosique est suspectée. La biopsie
Glycémie à jeun, cholestérol total et HDL, triglycérides
hépatique de principe peut être alors discutée sur les arguments
VHC : virus de l’hépatite C ; VS : vitesse de sédimentation ; CRP : C reactive protein ; TSH : thyroid stimulating suivants :
hormone ; CPK : créatine phosphokinases ; HDL : high density lipoprotein.

– le diagnostic de certitude d’hépatite stéatosique reste


¶ Maladie cœliaque histologique ;
Parmi les sujets présentant une cytolyse chronique considérée – il n’y a pas de parallélisme complet entre le niveau de la cytolyse
comme inexpliquée, la prévalence de la maladie cœliaque, dépistée et l’intensité des lésions histologiques, notamment l’intensité de la
par la positivité des anticorps antigliadine et anti-endomysium, peut fibrose ;
atteindre jusqu’à 10 % [ 6 , 4 5 ] . Les patients sont souvent – plusieurs études retrouvent un taux non négligeable, allant de 7 à
asymptomatiques, le diagnostic est confirmé par les biopsies 16 % de cirrhose [39] parmi les sujets présentant une maladie
duodénales. Le régime sans gluten permet une normalisation des stéatosique ;
transaminases.
– quelques études ont proposé différents paramètres cliniques (âge,
¶ Café indice de masse corporelle) et biologiques (triglycérides, ALAT,
glycémie) [4, 38] comme éléments prédictifs de fibrose afin de mieux
La consommation de café non filtré a été décrite comme capable poser les indications de biopsie hépatique. On remarque toutefois
d’augmenter les transaminases [42, 43]. Il semble, à l’inverse, que la que sont exclus de ces études les sujets, pourtant très nombreux, qui
consommation normale (après filtration) de café ait tendance à sans être alcooliques, présentent une consommation dépassant les
baisser les taux de transaminases [23]. seuils recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Fumer augmente le risque de cirrhose en cas de consommation La prise en charge d’une cytolyse impose une surveillance évolutive
alcoolique excessive ou d’hépatite chronique virale C [36]. Cependant, qui, selon les cas, permet :
il n’est pas clairement démontré que la consommation de tabac
puisse être isolément, en l’absence d’association à un facteur – de vérifier sa disparition lors du traitement étiologique (correction
hépatotoxique reconnu, considérée comme une étiologie de cytolyse d’une maladie endocrinienne, arrêt de l’alcool, éviction des
chronique [37]. médicaments), ce qui permet une confirmation « a posteriori » du
diagnostic étiologique ;
– d’assurer un suivi clinique et biologique si le traitement
En pratique étiologique a été incomplet ou inefficace afin de dépister une
éventuelle aggravation de la maladie, principalement une
Au terme du bilan clinique et paraclinique d’exploration (tableau I), aggravation de la fibrose hépatique ;
le diagnostic peut être posé dans de nombreux cas. La poursuite du
– de réévaluer le diagnostic étiologique au vu des nouvelles
bilan dépend alors de l’étiologie retrouvée qui guide les indications
données de la littérature scientifique (on rappelle qu’avant la
de la biopsie hépatique dont l’intérêt peut être :
découverte du VHC, de nombreuses cytolyses chroniques restaient
– d’évaluer le retentissement hépatique en termes de fibrose ; inexpliquées...).

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