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COMM.

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er février 2011


Cassation partielle
Mme FAVRE, président
Arrêt no 87 FS-D
Pourvois no X 09-16.179
G 09-17.086
G 09-69.526
J 09-69.619 JONCTION

REPUBLIQUE FRANCAISE

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,


FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Statuant sur le pourvoi no X 09-16.179 formé par :

- le Crédit lyonnais (LCL), société anonyme, dont le siège social


est 18 rue de la République, 69002 Lyon, et le siège central 19 boulevard des
Italiens, 75002 Paris,

contre l'arrêt rendu le 2 juillet 2009 par la cour d'appel de Paris (pôle 5,
chambre 6), dans le litige l'opposant :

1o/ à la société Ciga Luxembourg, société à responsabilité limitée,


dont le siège est 26 boulevard Royal, 2449 Luxembourg (Grand Duché du
Luxembourg),
2 87

2o/ à la société Rasec office, société par actions simplifiée, venant


aux droits de la société Avelinvest, dont le siège est 11 rue de Téhéran, 75008
Paris,

3o/ à M. Michel de Guillenchmidt, domicilié 69 rue de Grenelle,


75007 Paris,

4o/ à la société Oléron participations, société par actions


simplifiée, dont le siège est 10 avenue George V, 75008 Paris,

5o/ à M. Hubert Lafont, domicilié 25 rue Godot de Mauroy, 75009


Paris, pris en qualité d’administrateur judiciaire,

6o/ à Mme Martine Carrasset-Marillier, domiciliée 96 rue de Rivoli,


75194 Paris cedex 04, prise en qualité de mandataire-liquidateur à la
liquidation judiciaire de la société par actions simplifiée Soparfi,

7o/ à M. Patrick Gentil, domicilié 18 rue Saint-Sauveur, 75002


Paris,

8o/ à M. Marcel Capelain, domicilié 751 rue de Molpas, 59710


Mérignies,

défendeurs à la cassation ;

II - Statuant sur le pourvoi no G 09-17.086 formé par :

- la société Ciga Luxembourg, société à responsabilité limitée,

contre le même arrêt rendu dans le litige l'opposant :

1o/ à M. Patrick Gentil,

2o/ à M. Marcel Capelain,

3o/ à la société Rasec office, société par actions simplifiée, venant


aux droits de la société Avelinvest,

4o/ à M. Michel de Guillenchmidt,

5o/ à la société Oléron participations, société par actions


simplifiée,

6o/ à M. Hubert Lafont, pris en qualité d’administrateur judiciaire,


3 87

7o/ à Mme Martine Carrasset-Marillier, prise en qualité de


mandataire-liquidateur à la liquidation judiciaire de la société par actions
simplifiée Soparfi,

8o/ au Crédit lyonnais (LCL), société anonyme,

défendeurs à la cassation ;

III - Statuant sur le pourvoi no G 09-69.526 formé par :

- la société Oléron participations, société par actions simplifiée,

contre le même arrêt rendu dans le litige l'opposant :

1o/ à la société Ciga Luxembourg, société à responsabilité limitée,

2o/ à la société Rasec office, venant aux droits de la société


Avelinvest,

3o/ à M. Michel de Guillenchmidt,

4o/ à M. Hubert Lafont, pris en qualité d’administrateur judiciaire,

5o/ à Mme Martine Carrasset-Marillier, prise en qualité de


mandataire-liquidateur de la société Soparfi,

6o/ au Crédit lyonnais (LCL), société anonyme,

7o/ à M. Patrick Gentil,

8o/ à M. Marcel Capelain,

défendeurs à la cassation ;

IV - Statuant sur le pourvoi no J 09-69.619 formé par :

- M. Hubert Lafont,

contre le même arrêt rendu dans le litige l'opposant :

1o/ à la société Ciga Luxembourg, société à responsabilité limitée,

2o/ à la société Rasec office, société par actions simplifiée, venant


aux droits de la société Avelinvest,
4 87

3o/ à M. Michel de Guillenchmidt,

4o/ à la société Oléron participations, société par actions


simplifiée,

5o/ à Mme Martine Carrasset-Marillier, prise en qualité de


mandataire-liquidateur de la société Soparfi,

6o/ au Crédit lyonnais (LCL), société anonyme,

7o/ à M. Patrick Gentil,

8o/ à M. Marcel Capelain,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse au pourvoi no X 09-16.179 invoque, à l'appui


de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi no G 09-17.086 invoque, à l'appui


de son recours, quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi no G 09-69.526 invoque, à l'appui


de son recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi no J 09-69.619 invoque, à l'appui de


son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code


de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 14 décembre 2010, où
étaient présents : Mme Favre, président, Mme Cohen-Branche, conseiller
rapporteur, Mme Pinot, conseiller doyen, MM. Albertini, Potocki, Gérard,
Mmes Riffault-Silk, Levon-Guérin, MM. Espel, Rémery, Mme Jacques,
conseillers, Mme Guillou, MM. Lecaroz, Arbellot, Mmes Robert-Nicoud,
Schmidt, conseillers référendaires, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Cohen-Branche, conseiller, les


observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat de la
société Crédit lyonnais (LCL), de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat
de la société Ciga Luxembourg, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la
société Oléron participations, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de
M. Lafont, de Me Bertrand, avocat de Mme Carrasset Marillier, ès qualités, de
Me Le Prado, avocat de M. de Guillenchmidt, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani
5 87

et Thiriez, avocat de M. Capelain, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat


de M. Gentil et de la société Rasec office, l’avis de M. Bonnet, avocat général,
à la suite duquel le président a demandé aux avocats s’ils souhaitaient
présenter des observations complémentaires, et après en avoir délibéré
conformément à la loi ;

Joint les pourvois no X 09-16.179 formé par le Crédit lyonnais,


no G 09-17.086 formé par la société Ciga Luxembourg, no G 09-69.526 formé
par la société Oléron participations et no J 09-69.619 formé par M. Lafont, qui
attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Capelain, dirigeant de la


société Hoyez, spécialisée dans la vente de menuiserie en aluminium, et qui
détenait la société Soparfi, holding à 100 % de la société Hoyez, a cédé ses
parts le 29 mars 1991 à la société Panorca, devenue ultérieurement la société
Final, détenue à 51 % par la société Edifia, dirigée par M. Gentil, et à 49 % par
une filiale de la banque Duménil-Leblé ; que la société Final, également dirigée
par M. Gentil, a obtenu, pour assurer le financement de cette acquisition, de
la banque Duménil-Leblé, un crédit relais de 110 000 000 francs
(16 769 391,90 euros) porté à 125 000 000 francs (19 056 127,15 euros) et ,
par acte du 31 mars 1992, a obtenu un prêt long terme de 125 000 000 francs
(19 056 127,15 euros), destiné à rembourser le prêt relais sous forme d’un LBO
(Leverage buy out), qui incluait une clause prohibant la cession d’actif par
l’emprunteur sans l’accord des créanciers ; que le 21 décembre 1995, la
créance de la banque Duménil-Leblé sur la société Final a été cédée à la
société Ciga Jersey ; qu’à la demande conjointe des sociétés Final et Soparfi,
M. Lafont, par ordonnance du président du tribunal du 26 février 1996, a été
désigné en qualité de mandataire ad hoc avec mission de rechercher un accord
avec les créanciers ; que M. Lafont a reçu une offre émanant de la société
Oléron participations (la société Oléron) d’achat des parts de la société Soparfi
dans la société Hoyez pour un prix de 65 000 000 francs (9 909 186,12 euros) ;
que la cession de ces parts est intervenue pour ce prix, le 14 juin 1996, le
Crédit lyonnais en assurant le financement au profit de la société Avelinvest,
aux droits de laquelle est venue la société Hosmoz puis Rasec office, détenue
alors par M. Capelain, au travers de la société Finavest à hauteur de 12 %, par
la société Aveline, à hauteur de 51 % et, à hauteur de 37 %, par la société en
participation M. de Guillenchmidt ; que cette société Aveline était elle-même
filiale à hauteur de 52 % de la société Oléron, la société en participation
M. de Guillenchmidt détenant les 48 % restant ; que le 1er juillet suivant, la
société Final a assigné la société Ciga Jersey pour lui contester son droit de
créancier au titre du contrat de prêt LBO ; que par arrêt du 16 avril 1999 de la
cour d’appel de Paris, devenu irrévocable, la société Final a été condamnée
à rembourser à la société Ciga Jersey la somme de 66 503 200 francs
(10 138 347,48 euros) outre intérêts ; que la société Ciga Luxembourg (la
société Ciga) venant aux droits de la société Ciga Jersey, par suite d’une
6 87

cession de créances en date du 11 décembre 2002, a déclaré sa créance au


passif de la société Final, mise en liquidation judiciaire le 17 février 2004, et a
été admise à ce titre à concurrence de la somme de 14 499 647,93 euros ; que,
pour obtenir le paiement des sommes restant dues, à titre de
dommages-intérêts, la société Ciga a, le 3 décembre 2003, fait assigner devant
le tribunal de grande instance les sociétés Soparfi, Avelinvest, Hosmoz, la
société Oléron, le Crédit lyonnais, MM. de Guillenchmidt, Gentil et Capelain,
en faisant appeler en intervention forcée M. Lafont, puis en appelant dans la
cause Mme Carrasset-Marillier nommée liquidateur de la société Soparfi mise
en liquidation judiciaire ;

Sur le premier moyen des pourvois no J 09-69.619, X 09- 16.179


et sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi no G
09-69.526, rédigés en termes identiques ou similaires, réunis :

Attendu que la société Oléron fait grief à l’arrêt d’avoir écarté la


fin de non-recevoir de l’action en responsabilité de la société Ciga et que
M. Lafont, le Crédit lyonnais et la société Oléron font grief à l’arrêt d’avoir dit
qu’ils avaient, in solidum, engagé leur responsabilité à l’égard de la société
Ciga et de les avoir condamnés, in solidum, à payer la somme de
6 000 000 euros à la société Ciga à titre de dommages-intérêts, alors, selon le
moyen :

1o/ que par l’acte de cession du 11 décembre 2002, la société


Ciga Jersey avait transmis à la société Ciga une créance d’un montant de
65 503 200 francs en principal, qu’elle détenait à l’encontre de la société Final,
créance née d’une condamnation prononcée par un jugement rendu par le
tribunal de commerce de Paris, ce dont il résultait, sans ambiguïté, que la
cession portait exclusivement sur cette créance judiciaire expressément visée
et désignée en détail à l’acte de cession, et non sur les droits nés du contrat de
prêt sur le fondement duquel ladite condamnation avait été sollicitée et
prononcée ; qu’en écartant néanmoins, pour en déduire que la société Ciga
était recevable en son action, qu’elle s’était vue céder le contrat de prêt et ses
accessoires, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de l’acte de
cession du 11 décembre 2002, en violation de l’article 1134 du code civil ;

2o/ que l’acte de cession du 11 décembre 2002 précisait que la


cession portait sur la totalité des créances (que Ciga Jersey) possède et sont
exigibles à l’encontre de la société anonyme Final pour les causes énoncées
ci-dessus, soit un jugement de la 2e chambre A du tribunal de commerce de
Paris en date du 16 décembre 1997 ayant condamné la société Final à payer
à la société Ciga la somme de 66 503 200 francs, et un arrêt de la cour d’appel
de Paris du 16 avril 1999 l’ayant confirmé et dit que cette somme sera abondée
de l’intérêt au taux légal ; que l’acte de cession ne faisait aucune référence au
contrat de prêt et encore moins à une quelconque action en responsabilité
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délictuelle qui en serait découlée ; qu’ainsi, la cession ne portait pas sur la


créance issu du contrat de prêt du 31 mars 1992 et ses accessoires éventuels,
mais sur les condamnations prononcées à l’encontre de la société Final au
bénéfice de la société Ciga Jersey ; qu’en décidant néanmoins que la cession
portait bien sur le contrat de prêt et sur ses accessoires, la cour d’appel a violé
les termes clairs et précis du contrat de cession et violé l’article 1134 du code
civil ;

Mais attendu, d’un côté, que M. Lafont et le Crédit lyonnais n’ont


pas contesté à la société Ciga sa qualité à agir en responsabilité à leur
encontre, que le grief de dénaturation, en ce qu’il vise à contester la qualité à
agir de la société Ciga en tant qu’émanant de M. Lafont et du Crédit lyonnais,
est nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable ;

Attendu, d’un autre côté, que l’arrêt retient, sans dénaturation,


que la cession de créance portait bien sur la créance résultant du prêt; que le
moyen, en ce qu’il émane de la société Oléron, n’est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi no G 09-69.526, pris en ses


deuxième et troisième branches :

Attendu que la société Oléron fait le même grief à l’arrêt, alors,


selon le moyen :

1o/ qu’en tout état de cause, la cession de créance transfère au


cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la
créance cédée et, notamment, sauf stipulation contraire, l’action en
responsabilité, contractuelle ou délictuelle, qui en est l’accessoire, fondée sur
la faute antérieure d’un tiers, dont est résultée la perte ou la diminution de la
créance, qu’en l‘espèce, la faute reprochée à la société Oléron était d’avoir
participé à l’acquisition, en connaissance des obligations pesant sur la société
Final en vertu de l’article 8.2.4 du contrat de prêt du 31 mars 1992, par la
société Avelinvest de la société Hoyez par la société Soparfi, qu’une telle faute
n’entraîne ni la perte, ni la diminution de la créance de la banque
Duménil-Leblé ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a donc violé
les articles 1615 et 1692 du code civil ;

2o/ que, subsidiairement encore, deux cessions de créances


étaient successivement intervenues, la première consentie par la banque
Duménil-Leblé à la société Ciga Jersey, la seconde conclue entre les société
Ciga Jersey et la société Ciga ; que la recevabilité de l’action en responsabilité
engagée par la société Ciga était subordonnée à une transmission de cette
action en responsabilité délictuelle contre des tiers dans chacune des cession,
que dans ses conclusions, la société Oléron exposait que la société Ciga avait
invoqué à l’encontre de la société Final, dans le procès clos par l’arrêt de la
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cour d’appel de Paris du 26 avril 1999, la violation de l’article 8.2.4 du contrat


de prêt et que, néanmoins, l’acte de cession du 11 décembre 2001 ne faisait
pas mention des actions en responsabilité ; qu’elle en déduisait que les parties
n’avaient pas eu la volonté de transmettre à la société Ciga le bénéfice des
actions en responsabilité susceptibles de naître d’une violation des
engagements contractuels de la société Final et de la complicité alléguée de la
société Oléron ; qu’en s’abstenant néanmoins de rechercher si les parties à
l’acte du 11 décembre 2002 n’avaient pas entendu exclure les actions en
responsabilité du champ de la cession, la cour d’appel a privé sa décision de
base légale au regard des articles 1615 et 1692 du code civil ;

Mais attendu que l‘arrêt retient que la créance transmise à la


société Ciga Jersey est la créance résultant du prêt et relève que la volonté
d’opérer novation ne résulte pas de l’acte de cession ; que la cour d’appel, qui
a procédé à la recherche prétendument omise, a exactement déduit de ces
appréciations que la société Ciga avait qualité à agir et que la fin de
non-recevoir devait être rejetée ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi no J 09-69.619, pris en ses


quatre premières branches :

Attendu que M. Lafont fait grief à l’arrêt d’avoir dit qu’il avait,
in solidum avec les sociétés Soparfi, Oléron et Crédit lyonnais, engagé sa
responsabilité à l’égard de la société Ciga et de l’avoir en conséquence
condamné in solidum avec ces sociétés à payer à la société Ciga la somme de
6 000 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1o/ que le mandataire ad hoc, qui n’est tenu que d’une obligation
de moyens, ne saurait être tenu d’accomplir des diligences qui excèdent la
connaissance de l’entreprise qu’il est chargé d’assister et sont imposées par
des informations qu’il ne détenait pas, qu’en reprochant à M. Lafont d’avoir
affirmé à tort que l’accord des créanciers n’était pas nécessaire pour procéder
à l’opération envisagée, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée par
M. Lafont, s’il avait connaissance de la clause prohibant la cession visée sans
l’accord du prêteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard
de l’article 1382 du code civil ;

2o/ que le mandataire ad hoc, qui n’est tenu que d’une obligation
de moyens, peut inciter le débiteur à conclure un acte conforme aux objectifs
assignés à sa mission ; qu’en reprochant à M. Lafont d’avoir oralement affirmé,
lors d’une réunion de négociation, pouvoir “imposer la vente” aux parties, et en
en déduisant que le mandataire ad hoc avait outrepassé sa mission, sans
rechercher si cette affirmation purement orale, formulée au cours d’une réunion
de négociation, ne correspondait pas à l’influence que le mandataire pouvait
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prétendre exercer, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard


de l’article 1382 du code civil ;

3o/ qu’en toute hypothèse, l’auteur d’une faute ne saurait être tenu
de réparer un dommage qui se serait produit, même en l’absence de faute, et
qui n’en est, partant, pas la conséquence ; qu’en affirmant que la faute de
M. Lafont était la cause du préjudice consécutif à la cession des parts de la
société Hoyez, dès lors qu’il avait fait croire au Crédit lyonnais qui avait financé
cette acquisition, qu’il avait obtenu l’accord des créanciers, bien qu’elle ait,
elle-même, relevé que cet établissement financier avait sciemment prêté les
fonds en violation de la clause contractuelle, ce qui établissait sa détermination
éclairée à financer l’opération et, partant, l’absence de toute influence des
informations qu’il était reproché au mandataire ad hoc d’avoir transmises, la
cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;

4o/ qu’en toute hypothèse, la contradiction de motifs équivaut à


leur absence ; qu’en affirmant, d’une part, que M. Lafont ayant donné son
accord à la vente au Crédit lyonnais, celui-ci a pu légitimement croire qu’il avait
obtenu l’accord des créanciers et, d’autre part, qu’il appartenait à la banque de
se renseigner pour savoir si cet accord (celui de M. Lafont) faisait suite à
l’accord des créanciers, et que le Crédit lyonnais a donc sciemment prêté les
fonds en violation de la clause contractuelle prévoyant l’accord des créanciers,
la cour d’appel s’est contredite en violation de l’article 455 du code de
procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir constaté que


M. Pouget, avocat, avait indiqué dans un compte-rendu de négociation avec
le Crédit lyonnais, le 20 mars 1996, que M. Lafont avait souligné qu’il pouvait
imposer la vente de la société Hoyez dès lors que le prix n’était pas discutable
et qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir l’accord des créanciers de Final qu’il
serait du reste illusoire d’escompter, l’arrêt relève que la faculté d’imposer la
vente n’entrait pas dans les pouvoirs du mandataire qui devait se contenter si
possible de trouver un accord avec les créanciers, accord qu’il ne pouvait
ignorer ne pas avoir obtenu ; que la cour d’appel, qui a fait ressortir l’existence
d’un dépassement fautif de mandat, a, par ces seuls motifs, légalement justifié
sa décision ;

Attendu, en second lieu, que l’arrêt, après avoir relevé qu’il


résultait des protocoles d’accord que ceux-ci seront résolus faute d’accord de
M. Lafont, en déduit que le rôle de ce dernier a été déterminant dans la mesure
où le Crédit lyonnais a, en l’état de cet accord, prêté les sommes qui ont permis
à la société Oléron d’acquérir la société Hoyez ; que par ces seuls motifs,
abstraction faite de ceux surabondants critiqués par les griefs des troisième et
quatrième branches, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
10 87

D’où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses


première, troisième et quatrième branches, n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi no G 09-69.526 :

Attendu que la société Oléron fait grief à l’arrêt d’avoir dit qu’elle
avait engagé sa responsabilité à l’égard de la société Ciga, alors, selon le
moyen :

1o/ que toute personne qui, avec connaissance, aide autrui à


enfreindre les obligations contractuelles pesant sur lui commet une faute
délictuelle à l’égard de la victime de l’infraction ; que la connaissance requise
est celle des obligations contractuelles méconnues ; qu’en l’espèce, la cour
d’appel s’est bornée à relever que les parties avaient conscience de la
nécessité d’un accord des créanciers pour la vente de la société Hoyez dans
le cadre de l’exécution d’un mandat ad hoc, sans en indiquer le fondement ;
qu’en s’abstenant de rechercher si la société Oléron connaissait
personnellement l’existence de l’article 8.2.4. du contrat de prêt, qui constituait
la clause que la société Oléron aurait sciemment aidé la société Final à violer,
la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du
code civil ;

2o/ que dans ses conclusions récapitulatives, la société Oléron


soutenait que la société Ciga Jersey, informée par M. Lafont du projet de
cession de titres Hoyez , avait négligé d’exercer son droit de s’y opposer et de
rappeler tant à son débiteur qu’aux acquéreurs pressentis que son
consentement à la cession était nécessaire en vertu de l’article 8.2.4 du contrat
de prêt ; qu’elle ajoutait que cette négligence fautive était la cause exclusive du
dommage allégué par la société Ciga ; qu’en omettant de répondre à ce moyen
tendant à dégager la société Oléron de toute responsabilité, la cour d’appel n’a
pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l’arrêt constate que, le 19 mars 1996, M. Gentil


a adressé à M. Lafont un compte-rendu de réunion à laquelle participait
M. Clément, se présentant comme l’avocat de M. Bergé, d’YSL et de la société
Oléron, qui rappelle l’interrogation suivante en ces termes : “Soparfi a-t-elle le
droit de vendre Hoyez, son principal actif, avec le concours de M. Lafont, alors
même qu’aucun accord n’a été trouvé avec les créanciers de Final et Edifia,
holdings endettés qui contrôlent Soparfi ?” et qui conclut en ces termes :
“l’investisseur (P. Bergé, YSL et A. Minc) et son banquier (le Crédit lyonnais)
ont pleine conscience que l’on ne fait pas une bonne manière aux créanciers
(qui certes ont détourné quelques 50 millions de francs des caisses d’Hoyez
hors dettes LBO) mais ils n’aimeraient pas que l’on aille chercher leur
responsabilité tant sur le plan commercial que pénal” ; que l’arrêt relève que
M. Bergé avait manifestement un rôle dans la société Oléron puisque, le
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24 mai 1996, la société Soparfi a écrit à la société Oléron, “sous couvert de


M. Bergé” ; que l’arrêt relève encore que M. Pouget a indiqué dès le
22 mai 1996 que les créanciers s’opposent à la vente de la société Hoyez pour
un prix de 65 millions de francs et que ce dernier poursuit dans la note
adressée à M. Lafont et à M. Gentil qu’après différents contacts avec
l’acquéreur, la proposition de la société Oléron est améliorée sur le plan
financier, tant en termes de montants que de délais de paiement ; qu’il relève
enfin qu’il résulte de cette note que la société Oléron a nécessairement été
informée des difficultés liées à l’absence d’accord des créanciers, puisqu’à la
suite de cette note, elle a modifié sa proposition pour les satisfaire ; que l’arrêt
en déduit que la société Oléron savait qu’en acquérant la société Hoyez, elle
agissait au mépris de l’accord des créanciers, accord dont elle savait depuis
l’origine qu’il était essentiel ; que la cour d’appel, qui a ainsi répondu en
l’écartant au grief invoqué par la seconde branche, a pu décider que la société
Oléron avait commis une faute en signant l’acte d’achat en connaissance de
cause et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur la cinquième branche du second moyen du pourvoi


o
n J 09-69.619, le troisième moyen, pris en sa branche unique, du pourvoi
no G 09-69.526, rédigés en termes similaires, et sur le quatrième moyen du
pourvoi no G 09-17.086, pris en ses deux branches, réunis :

Attendu que M. Lafont et la société Oléron font grief à l’arrêt


d’avoir dit qu’ils avaient in solidum avec les sociétés Soparfi et le Crédit
lyonnais, engagé leur responsabilité à l’égard de la société Ciga et de les avoir
en conséquence condamnés, in solidum avec ces sociétés, à payer à la société
Ciga la somme de 6 000 000 euros à titre de dommages-intérêts, et que la
société Ciga fait grief à l’arrêt d’avoir limité la condamnation indemnitaire
prononcée à l’encontre de la société Oléron, de M. Lafont et du Crédit lyonnais
en sa faveur à la même somme et pareillement limité à cette même somme son
admission au passif de la société Soparfi, alors, selon le moyen :

1o/ qu’en toute hypothèse, ne peut être indemnisée la perte d’une


chance purement hypothétique ; qu’en retenant que la société Ciga avait perdu
une chance de recouvrer sa créance qui devait être indemnisée à hauteur de
6 000 0000 euros, quand elle constatait que la société Ciga, qui ne disposait
d’aucun droit de gage sur le produit de la cession, n’établissait ni pouvoir
récupérer une somme supérieure ou même équivalente au prix de cession, ni
que les dividendes de la société Hoyez auraient pu permettre à la débitrice de
régler la totalité de sa dette, ce dont il résultait que le dommage invoqué par la
banque était purement hypothétique, la cour d’appel n’a pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations en violation de
l’article 1382 du code civil ;
12 87

2o/ que la faute éventuellement commise par une partie à un


contrat envers un tiers ne peut entraîner sa responsabilité délictuelle envers ce
tiers que s’il en est résulté un préjudice en lien de causalité avec cette faute ;
que la cour d’appel a constaté qu’il n’était pas démontré que les dividendes de
la société cédée en méconnaissance des obligations contractuelles de la
société-mère du cédant auraient pu permettre de désintéresser les banques,
qu’elle a également constaté qu’il n’était pas établi qu’une somme supérieure
à celle payée par la société Oléron aurait pu être appréhendée par la société
Ciga qui, en outre, ne disposait d’aucun gage sur les titres litigieux, qu’en
condamnant cependant la société Oléron à payer à la société Ciga, prétendant
venir aux droits de la société Ciga Jersey, la somme de 6 000 000 euros au titre
de la perte de chance d’obtenir en remboursement du prêt la totalité de la
valeur des actions de la société Hoyez, sans préciser comment la société Ciga
aurait pu percevoir tout ou partie de cette valeur si les actions n’avaient pas été
acquise par la société Oléron, la cour d’appel a privé sa décision de toute base
légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

3o/ qu’en sa qualité de cessionnaire de la créance de la banque


à l’encontre de la société Final, la société Ciga faisait valoir dans ses
conclusions que le fardeau de l’endettement de la société Final à son égard
aurait pu être allégé par la voie d’un rééchelonnement conventionnel de sa
dette, conformément aux propositions que la banque avait faites dans une lettre
restée sans réponse du 13 décembre 1995 et aux termes mêmes de
l’ordonnance du 26 février 1996 ayant confié à M. Lafont la mission de
“rechercher un accord de paiement avec les créanciers”, en sorte qu’il n’existait
aucune fatalité à la revente d’Hoyez, seul actif frugifère de l’emprunteur
susceptible de contribuer au remboursement de sa dette ; qu’en affirmant
néanmoins que le préjudice subi par la société Ciga du fait de la cession
d’Hoyez à des tiers intervenue sans son consentement ne pouvait s’analyser
que dans “la perte d’une chance d’obtenir en remboursement du prêt la totalité
de la valeur des actions de la société Hoyez”, sans préciser, ainsi qu’elle y était
invitée, les raisons qui auraient rendu cette cession des actions de la société
Hoyez inéluctable, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard
des articles 1149 et 1382 du code civil ;

4o/ que la société Ciga faisait valoir dans ses conclusions que les
actions de la société Hoyez, acquises le 14 juin 1996 pour 65 000 000 francs
par la société Avelinvest, avaient ensuite été valorisées au 31 décembre 1998,
dans le cadre d’un traité de fusion-absorption conclu avec une société
dénommée Partition, aujourd’hui Rasec office, pour une somme de
150 000 000 francs, qui aurait été amplement suffisante pour permettre
l’apurement total de sa créance demeurée impayée à hauteur de 14 499 647
euros ; qu’elle soulignait que cette substantielle plus-value réalisées par les
acquéreurs d’Hoyez ne pouvait en aucun cas s’expliquer par un redressement
de l’entreprise, dont le chiffre d’affaires et le résultat avaient au contraire
13 87

diminué entre ces deux événements ; qu’en justifiant sa décision de limiter à


hauteur de 6 000 000 euros la condamnation indemnitaire prononcée en faveur
de la société Ciga, par ce motif que le préjudice de cette société ne pouvait
s’analyser que comme la perte d’une chance d’appréhender la valeur des
actions de la société Hoyez en remboursement de sa créance et qu’il n’était pas
établi qu’une somme supérieure à 65 000 000 francs aurait pu être récupérée
par la société Ciga, sans répondre au moyen péremptoire des conclusions
susvisées, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de la procédure civile ;

Mais attendu que l’arrêt, après avoir relevé qu’il n’était pas
démontré que les dividendes de la société Hoyez auraient pu permettre à la
société Final de régler la totalité de sa dette à l’égard des banques,
contrairement à ce que prétend la société Ciga, retient que le préjudice de la
société Ciga ne peut être que la perte d’une chance d’obtenir, en
remboursement du prêt, la totalité de la valeur des actions de la société
Hoyez ; que pour fixer ce préjudice à la somme de 6 000 000 euros, l’arrêt
relève que la société Hoyez a été vendue pour la somme de 65 000 000 francs
(9 909 186,12 euros) en précisant qu’il n’est pas établi qu’une somme
supérieure ou même équivalente à cette dernière somme aurait pu être
récupérée par la société Ciga ; qu’ayant ainsi apprécié souverainement la
mesure de la chance perdue, ce qui rend inopérants les griefs invoqués par les
deux dernières branches du moyen, la cour d’appel a légalement justifié sa
décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que les deuxième et troisième moyens du pourvoi


o
n G 09-17.086 ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen du Crédit lyonnais, pris en sa sixième


branche :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire que le Crédit lyonnais avait, in solidum


avec les sociétés Soparfi et Oléron, et avec M. Lafont, engagé sa
responsabilité à l’égard de la société Ciga et le condamner in solidum avec la
société Oléron et avec M. Lafont à payer à la société Ciga la somme de
6 000 000 euros à titre de dommages-intérêts, l’arrêt retient, d’un côté, que
M. Lafont ayant donné son accord à la vente au Crédit lyonnais, celui-ci a pu
légitimement croire qu’il avait obtenu l’accord des créanciers et, de l’autre, que
M. Lafont ayant donné son consentement à la vente, au Crédit lyonnais, il
appartenait à la banque de se renseigner pour savoir si cet accord faisait suite
à l’accord des créanciers ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel s’est prononcée par


des motifs contradictoires et a méconnu les exigences du texte susvisé ;
14 87

Et sur le premier moyen du pourvoi no G 09-17.086, pris en sa


deuxième branche :

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour juger prescrite l’action engagée par la société


Ciga à l’encontre de MM. Gentil et Capelain, l’arrêt, après avoir relevé que la
société Ciga faisait valoir que ces derniers n’étaient pas poursuivis comme
administrateurs ou dirigeants, mais pour avoir agi à titre personnel comme
étant bénéficiaires de l’opération de vente, et avoir encore relevé que la société
Ciga soutenait que le fait qu’ils aient été dirigeants avait facilité la fraude à
laquelle ils avaient participé mais qu’elle les poursuivait à titre personnel, en
leur qualité d’acquéreurs, retient qu’ils ne se sont pas portés acquéreurs et qu’il
n’est pas démontré qu’ils ont agi à titre personnel ;

Attendu qu’en statuant ainsi, sans examiner, même


sommairement, les documents présentés par la société Ciga à l’appui de ses
prétentions, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres
griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné le


Crédit lyonnais in solidum à payer la somme de 6 000 000 euros à la société
Ciga Luxembourg, et, en ce qu’il a, confirmant la décision du tribunal, dit que
l’action de la société Ciga Luxembourg à l’égard de MM. Gentil et Capelain
était prescrite, l'arrêt rendu le 2 juillet 2009, entre les parties, par la cour
d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les
parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit,
les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Oléron participations et M. Lafont aux


dépens afférents à leur pourvoi respectif ; laisse, s’agissant des pourvois
formés par la société Ciga Luxembourg et la société Crédit lyonnais, à chacune
des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les


demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de


cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la
suite de l'arrêt partiellement cassé ;
15 87

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale,


financière et économique, et prononcé par le président en son audience
publique du premier février deux mille onze.
16 87

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits -À L’APPUI DU POURVOI NO X 09-16.179- par la


SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils pour la
société Crédit lyonnais (LCL).

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR dit que le Crédit


Lyonnais avait, in solidum avec les sociétés Soparfi et Oléron Participations et
avec maître Lafont, engagé sa responsabilité à l’égard de la société Ciga
Luxembourg et d’avoir condamné le Crédit Lyonnais, in solidum avec la société
Oléron Participations et avec maître Lafont, à payer à la société Ciga
Luxembourg la somme de 6.000.000 i à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE messieurs Capelain et Gentil, la société Oléron


Participations exposent que la société Ciga Luxembourg n’est pas partie au
contrat du 31 mars 1992 et n’a donc pas qualité à agir aux lieu et place de la
banque Dumenil Leblé ; qu’il soutiennent que par l’acte de cession du
11 décembre 2002, la société Ciga Jersey a cédé à Ciga Luxembourg la
créance et non ses accessoires, ni le contrat de prêt ; que l’acte de cession
précise que « la société Ciga Luxembourg [lire : Ciga Jersey] déclare par les
présentes céder à la société Ciga Luxembourg qui accepte, la totalité des
créances qu’elle possède et qui sont exigibles à l’encontre de la société
anonyme Final pour les causes énoncées ci-dessus, sans exception ni réserve
» ; que les « causes énoncées ci-dessus » sont précisées en exposé du titre
II comme suit : « un jugement de la 2ème chambre 1 du tribunal de commerce
de Paris, en date du 16 décembre 1997, a condamné la société Final (…) à
payer à la société Ciga la somme de 66.503.200 F en principal, outre les
intérêts et accessoires conventionnels et 35.000 F au titre de l’article 700 du
code de procédure civile et les dépense de l’instance (…), un arrêt de la 15ème
section B de la cour d’appel de Paris, en date du 16 avril 1999, a confirmé le
jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a condamné la société Final à
payer la somme de 66.503.200 F et le réformant partiellement pour le surplus,
a dit que cette somme sera abondée de l’intérêt légal à compter du 9
septembre 1997 (…) Par ordonnance du 4 décembre 2002, la péremption de
l’instance ouverte sur la déclaration de pourvoi formulée le 5 juillet 1999 a été
constatée » ; que la banque Dumenil Leblé avait transmis à la société Ciga
Jersey sa créance résultant du prêt ; que si la créance transmise à la société
Ciga Luxembourg résulte des décisions de justice, celles-ci ont été rendues sur
le fondement du contrat de prêt litigieux ; que les décisions de justice n’ont pas
créé une créance nouvelle et la volonté d’opérer une novation ne résultant pas
de l’acte de cession, il s’ensuit que celle-ci porte bien sur le contrat de prêt et
17 87

sur ses accessoires ; que la société Ciga Luxembourg a donc qualité à agir et
la fin de non-recevoir doit être rejetée (arrêt, pp. 6 et 7) ;

ALORS QUE par l’acte de cession du 11 décembre 2002, la société Ciga


Jersey avait transmis à la société Ciga Luxembourg une créance d’un montant
de 66.503.200 F en principal, qu’elle détenait à l’encontre de la société Final,
créance née d’une condamnation prononcée par un jugement rendu par le
tribunal de commerce de Paris le 16 décembre 1997 confirmé par un arrêt
rendu le 16 avril 1999 par la cour d’appel de Paris, ce dont il résultait sans
ambiguïté que la cession portait exclusivement sur cette créance judiciaire
expressément visée et désignée en détail à l’acte de cession, et non sur les
droits nés du contrat de prêt sur le fondement duquel ladite condamnation avait
été sollicitée et prononcée ; qu’en retenant néanmoins, pour en déduire que la
société Ciga Luxembourg était recevable en son action, qu’elle s’était vu céder
le contrat de prêt et ses accessoires, la cour d’appel a dénaturé les termes
clairs et précis de l’acte de cession du 11 décembre 2002 et violé l’article 1134
du code civil et le principe d’interdiction faite au juge de dénaturer l’écrit qui lui
est soumis.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR dit que le Crédit


Lyonnais avait, in solidum avec les sociétés Soparfi et Oléron Participations et
avec maître Lafont, engagé sa responsabilité à l’égard de la société Ciga
Luxembourg et d’avoir condamné le Crédit Lyonnais, in solidum avec la société
Oléron Participations et avec maître Lafont, à payer à la société Ciga
Luxembourg la somme de 6.000.000 i à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE la société Hoyez, dirigée par monsieur Capelain, était
spécialisée dans la vente de profilés d’aluminium et dans la vente et la pose
de cloisons en aluminium ; que la société Soparfi, détenue par monsieur
Capelain, était la holding à 100% de la société Hoyez ; que monsieur Capelain
était également dirigeant de la société Ligne M, spécialisée dans la vente de
meubles de bureaux ; que le 29 mars 1991, monsieur Capelain a cédé ses
parts dans les sociétés Soparfi et Ligne M à la société Panorca, devenue
ultérieurement Final, société détenue à 51% par la société Edifia, dirigée par
monsieur Gentil, et à 49% par la société Lancereaux Finances, filiale de la
Banque Dumenil-Leblé ; que pour financier l’acquisition du capital de Soparfi
et de ligne M, la société Final a obtenu de la Banque Dumenil-Leblé la mise en
place d’un crédit-relais de 110.000.000 francs, porté à 125.000.000 francs et
par acte du 31 mars 1992, la Banque Dumenil-Leblé et la Midland Bank ont
consenti à la société Final un prêt long terme de 125.000.000 francs, destiné
à rembourser le crédit-relais, sous la forme d’un LGBO, Leverage Buy Out ;
que le 21 décembre 1995, la créance de la Banque Dumenil-Leblé sur la
société Final a été cédée à la société Ciga Jersey ; qu’à la demande conjointe
18 87

des sociétés Edifia et Final, d’une part, et de la société Soparfi, d’autre part,
maître Lafont a été désigné par ordonnance du président du tribunal de
commerce de Paris du 26 février 1996 en qualité de mandataire ad hoc avec
mission de rechercher un accord de paiement avec les créanciers ; que dans
le cadre de ce mandat, maître Lafont a reçu une offre émanant de la société
Oléron Participations d’achat des parts de la société Soparfi dans la société
Hoyez pour un prix de 65.000.000 francs ; que c’est ainsi que la société Soparfi
a vendu ; le 14 juin 1996, à la société Avelinvest, filiale de la société Oléron
Participations, sa participation dans la société Hoyez grâce à un financement
du Crédit Lyonnais ; que par acte du 11 décembre 2002, la société Ciga
Luxembourg a acquis la créance de Ciga Jersey sur la société Final ; que le 17
février 2004, la société Final a été mise en liquidation judiciaire (arrêt, p. 3) ;
que la société Ciga Luxembourg demande réparation du préjudice qu’elle a
subi à la suite du non-paiement par la société Final de sa dette, dans la mesure
où ce défaut de paiement résulte directement de la vente frauduleuse de la
société Hoyez, à laquelle ont sciemment participé les parties au présent litige,
tout en sachant que la vente d’Hoyez, cible du LBO, mettrait la société Final
dans l’impossibilité de régler sa dette ; que la société Ciga Luxembourg expose
que la vente est intervenue au mépris de l’article 8.2.4 du contrat de prêt qui
imposait l’accord des créanciers ; que cet article dispose que "l’emprunteur
s’engage, tant en ce qui le concerne qu’en ce qui concerne les sociétés du
groupe, à ne pas céder ni consentir sur l’un quelconque de leurs actifs existant
au 31 mars 1991 de privilèges, sûretés ou charges de quelque nature que ce
soit (…) sans l’accord préalable écrit des banques" (arrêt, p. 8) ; que maître
Lafont ayant donné son accord à la vente au Crédit Lyonnais, celui-ci avait pu
légitimement croire qu’il avait obtenu l’accord des créanciers ; que son rôle a
été déterminant, dans la mesure où le Crédit Lyonnais a prêté les sommes qui
ont permis à la société Oléron Participations d’acquérir la société Hoyez ; que
le Crédit Lyonnais connaissait l’existence de la clause contractuelle, puisqu’il
a écrit le 5 avril 1996 à la société Oléron Participations pour l’informer de son
accord pour mettre en place le financement d’acquisition de la société Hoyez,
sous réserve de l’accord de maître Lafont "nommé afin de rechercher un
accord avec les créanciers de la société Final" ; que le 19 mars 1996, une
réunion s’est tenue entre monsieur Gentil, l’avocat d’Oléron Participations, le
directeur Acquisition du Crédit Lyonnais, le directeur juridique du Crédit
Lyonnais et l’avocat de Soparfi ; qu’il est indiqué au procès-verbal de cette
réunion que "le Crédit Lyonnais est d’accord pour financer l’opération pour
autant que certaines incertitudes soient levées : 1) Soparfi a-t-elle le droit de
vendre Hoyez, son principal actif, avec le concours de maître Lafont, alors
même qu’aucun accord n’a été trouvé avec les créanciers de Final et Edifia,
holdings endettées et qui contrôlent Soparfi ?, 2) Les créanciers de Final et
Edifia peuvent-ils remettre en question cette cession et éventuellement
rechercher la responsabilité des acheteurs et de leur banquier ? Conclusion :
L’investisseur (P. Bergé, YSL et A. Minc) et son banquier (le Crédit Lyonnais)
ont pleine conscience que l’on ne fait pas une bonne manière aux créanciers
19 87

(qui certes ont détourné quelques 50 millions de francs des caisses d’Hoyez
hors dette LBO), mais ils n’aimeraient pas que l’on aille chercher leur
responsabilité tant sur le plan commercial que pénal" ; que même si le
procès-verbal de la réunion du 20 mars 1996 qui s’est déroulée entre maître
Lafont et les représentants du Crédit Lyonnais relate que maître Lafont a
indiqué qu’"il n’est pas nécessaire d’avoir l’accord des créanciers de Final qu’il
serait du reste illusoire d’escompter", il résulte de la pièce précédente que le
Crédit Lyonnais savait que l’accord des créanciers était indispensable ; que
cette pièce contestée n’est pas frappée de faux par le Crédit Lyonnais ; qu’en
conséquence, lorsque maître Lafont ayant donné à la vente par courrier du 3
juin 1996 adressé au Crédit Lyonnais en ces termes : "ladite cession ayant mon
acceptation", il appartenait à la banque de se renseigner pour savoir si cet
accord faisait suite à l’accord des créanciers, d’autant que si ceux-ci avaient
accepté la cession, maître Lafont aurait indiqué tout simplement que les
créanciers avaient donné leur accord à la cession ; que le Crédit Lyonnais a
donc sciemment prêté les fonds en violation de la clause contractuelle et a
engagé sa responsabilité envers les créanciers (arrêt, pp. 11 et 12) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QU’un tiers à un contrat n’engage sa


responsabilité délictuelle à l’égard des parties audit contrat que s’il est
démontré qu’il a sciemment aidé l’une d’entre elles à ne pas respecter ses
engagements contractuels ; qu’en l’état de conclusions (notamment pp. 6 et 8)
par lesquelles le Crédit Lyonnais avait fait valoir que le contrat de prêt consenti
le 31 mars 1992 par les banques Dumenil-Leblé et Midland à la société
Panorca devenue par la suite Final, auquel le Crédit Lyonnais n’était pas
partie, ne lui avait jamais été communiqué avant la conclusion du prêt distinct
et nettement postérieur qu’avait sollicité auprès de lui la société Oléron
Participations, la cour d’appel, sans caractériser une remise effective du contrat
de prêt du 31 mars 1992 au Crédit Lyonnais, s’est fondée, pour retenir la
prétendue connaissance par ce dernier de la clause de ce contrat exigeant
l’accord des prêteurs à toute cession, par l’emprunteur, d’un actif de son
groupe, sur les termes d’un courrier du Crédit Lyonnais exprimant sa
connaissance de la nécessité d’un accord de maître Lafont, mandataire ad hoc
des créanciers de la société Final, à la cession envisagée d’une participation
détenue par une filiale de celle-ci ; qu’en statuant ainsi, au visa d’un élément
relatif à la mission générale du mandataire ad hoc désigné plusieurs années
après la conclusion du prêt du 31 mars 1992 et donc étranger à une éventuelle
connaissance par le Crédit Lyonnais de l’existence et du contenu de ce dernier
prêt, la cour d’appel s’est déterminée par un motif inopérant, et a privé sa
décision de base légale au regard des articles 1165 et 1382 du code civil ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE le Crédit Lyonnais faisait également valoir


(conclusions, p. 8) avoir interrogé maître Lafont, par deux fois, sans succès, sur
les conditions dans lesquelles l’opération pouvait être conclue ; qu’en ne
recherchant pas comment le Crédit Lyonnais aurait pu se trouver informé de
20 87

l’existence et du contenu du contrat de prêt conclu le 31 mars 1992 entre les


banques Dumenil-Leblé et Midland à la société Panorca devenue par la suite
Final, la cour d’appel a de plus fort privé sa décision de base légale au regard
des textes susvisés ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE le compte-rendu de la réunion du 19 mars


1996, cité par la cour d’appel, indiquait, d’une part, que le Crédit Lyonnais avait
fait connaître à l’acquéreur, au vendeur et au mandataire ad hoc ses
incertitudes sur la possibilité pour le vendeur de céder ses parts sans l’accord
des créanciers des sociétés Final et Edifia, d’autre part, que le Crédit Lyonnais
se préoccupait de l’éventualité d’une remise en question de la cession par les
créanciers de ces dernières sociétés et d’une recherche de sa propre
responsabilité ; que s’il en résultait sans ambiguïté que le Crédit Lyonnais
s’interrogeait sur les limites de la mission confiée à maître Lafont en qualité de
mandataire ad hoc des créanciers, notamment, des sociétés Final et Edifia,
cette incertitude était expressément liée au risque potentiel d’une remise en
question de l’opération de cession par l’ensemble des créanciers de ces
sociétés, et ce document ne comportait donc aucune mention faisant état,
même implicitement, de la connaissance par le Crédit Lyonnais d’un risque
particulier de remise en cause par les banques créancières au titre du prêt
consenti à la société Final le 31 mars 1992 ; qu’en retenant néanmoins qu’il
résultait de ce compte-rendu que le Crédit Lyonnais avait connaissance de la
clause concernée de l’acte du 31 mars 1992, la cour d’appel a dénaturé ledit
compte-rendu et méconnu l’interdiction faite au juge de dénaturer l’écrit qui lui
est soumis ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE la contestation de la valeur probante


d’une pièce n’équivaut pas à l’affirmation de son caractère falsifié et ne
suppose donc la formation d’un incident de faux ; qu’en retenant que le
compte-rendu de la réunion du 19 mars 1996 n’avait pas fait l’objet d’un
incident de faux, pour s’abstenir de statuer sur la contestation par laquelle le
Crédit Lyonnais (conclusions, pp. 6 et s.) déduisait des termes de ce
compte-rendu que l’acte de prêt du 31 mars 1992 ne lui avait jamais été remis,
cependant que cette contestation avait trait à la force probante du
compte-rendu et non à son caractère falsifié, la cour d’appel a violé, par fausse
application, l’article 299 du code de procédure civile ;

ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QUE la cour d’appel, qui avait cru devoir
déduire des termes du compte-rendu de la réunion du 19 mars 1996 la
connaissance par le Crédit Lyonnais de la nécessité d’un accord des
créanciers des sociétés Final et Edifia à la cession, a par ailleurs constaté
qu’en l’état de l’accord donné à la cession par maître Lafont en sa qualité de
mandataire ad hoc des créanciers desdites sociétés, le Crédit Lyonnais avait
pu légitimement croire que ce dernier avait obtenu l’accord des créanciers, ce
dont il résultait que le Crédit Lyonnais n’avait pu avoir conscience de concourir
21 87

à une opération conclue en méconnaissance des droits contractuels de l’un de


ces créanciers ; qu’en retenant néanmoins la faute du Crédit Lyonnais, la cour
d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé
l’article 1382 du code civil ;

ALORS, EN SIXIEME LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU’en retenant


tout à la fois, d’une part, que l’accord à la vente exprimé par maître Lafont avait
pu donner légitimement à croire au Crédit Lyonnais que celui-ci avait obtenu
l’accord des créanciers, d’autre part, qu’il aurait incombé à la banque, en l’état
des termes de la lettre d’accord de maître Lafont, de se renseigner pour savoir
si cet accord faisait suite à l’accord des créanciers, la cour d’appel a statué par
des motifs contradictoires et violé l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QU’en retenant, pour en déduire que le Crédit Lyonnais aurait
dû se renseigner sur l’existence d’un accord donné par les créanciers
préalablement à l’accord exprimé par maître Lafont, que « si ceux-ci avaient
accepté la cession, Me Lafont aurait indiqué tout simplement que les créanciers
avaient donné leur accord à la cession », la cour d’appel s’est déterminée par
un motif hypothétique et a violé l’article 455 du code de procédure civile.
22 87

Moyens produits -À L’APPUI DU POURVOI NO G 09-17.086- par la SCP Célice,


Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Ciga
Luxembourg.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR dit que l’action de la société
Ciga Luxembourg à l’encontre de Messieurs Patrick Gentil et Marcel Capelain
était prescrite et de l’en avoir déboutée ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. Capelain a vendu le 29 mars 1991 ses


parts dans la société Soparfi, qui détenait 100 % du capital de la société
HOYEZ, tout en restant dirigeant de la société Soparfi ; que c’est donc à ce
titre qu’il a signé la requête tendant à la désignation de Me Lafont, mandataire
ad’hoc ; que l’article L.225.254 du Code de Commerce précise que l’action en
responsabilité du dirigeant se prescrit par trois ans à compter de la survenance
du fait dommageable ; que le fait dommageable est ici la cession de la société
Hoyez, qui est en date du 14 juin 1996 ; que l’action à son encontre est donc
prescrite depuis le 14 juin 1999 ; qu’il est reproché à M. Gentil de n’avoir pas
demandé l’accord de Ciga Jersey avant la vente de la société Hoyez, en
application de l’article 8.2.4 du contrat de prêt ; que la société Ciga
Luxembourg a eu connaissance de la vente dès l’assignation de la société
Final du 1er juillet 1996 qui indique précisément que les actions de la société
Hoyez ont été vendues le 14 juin 1996 ; que la prescription est donc de trois
ans à partir de cette connaissance, soit le 1er juillet 1999 ; que la société Ciga
Luxembourg réplique que M. Gentil et M. Capelain ne sont pas poursuivis
comme administrateurs ou dirigeants, mais pour avoir agi à titre personnel
comme étant bénéficiaires de l’opération de vente ; qu’elle soutient que le fait
qu’ils aient été dirigeants a facilité la fraude à laquelle ils ont participé, mais
qu’elle les poursuit à titre personnel, en leur qualité d’acquéreurs ; que ni M.
Capelain ni M. Gentil ne se sont portés acquéreurs et qu’il n’est pas démontré
qu’ils ont agi à titre personnel ; que l’assignation ayant été diligentée contre M.
Capelain et M. Gentil en décembre 2003, l’action est prescrite à leur égard » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU’ « aux termes de l’article


L.225-254 du Code de Commerce, l’action en responsabilité contre les
administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit
par trois ans à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé de sa
révélation ; que M. Capelain et M. Gentil invoquent la prescription de l’action
intentée contre eux par la société Ciga Luxembourg ; que la demanderesse
oppose la faute détachable ; que ces deux défendeurs répliquent que ce texte
est applicable quel que soit le fondement sur lequel la responsabilité est
recherchée ; qu’il est constant que le fait dommageable, objet du litige, est la
cession des actions de la société Hoyez et qu’il est intervenu le 14 juin 1996,
qu’il n’a pas été dissimulé, que le point de départ de la prescription triennale
23 87

est donc le 14 juin 1996, que l’action devait en conséquence être introduite
avant le 14 juin 1999 ; que cette prescription ne s’applique qu’aux
responsabilités, en particulier celles pour faute, commise par les dirigeants au
cours de la vie sociale, sous réserve qu’ils se trouvent dans l’exercice de leurs
fonctions ; qu’elle a pour objectif de concentrer dans un laps de temps
relativement bref, la période d’incertitude dans laquelle se trouvent les
dirigeants sociaux exposés à une action en responsabilité introduite par la
société, les associés ou parfois un tiers ; qu’une action en responsabilité
fondée sur les dispositions de l’article 1382 du Code Civil motivée par les griefs
invoqués à l’encontre des administrateurs s’analyse en une action en
responsabilité pour faute de gestion soumise à la prescription triennale ; que
quel que soit le fondement sur lequel l’action en responsabilité est engagée à
l’encontre des dirigeants, celle-ci est soumise à la prescription triennale ; que
M. Capelain a été attrait dans la procédure en qualité de Président Directeur
Général de la société Soparfi ; que le délai de prescription triennale lui est
donc applicable ; qu’en ce qui concerne M. Gentil, il était Président du Conseil
d’Administration de la société Final ; qu’à supposer qu’il ait commis une faute
et qu’il ait agi dans son intérêt personnel, la loi n’opérant pas de distinctions
sur ce point, la prescription triennale lui est également applicable ; qu’il résulte
de l’ensemble des éléments qui précèdent que l’action engagée par la société
Ciga Luxembourg par assignations délivrées le 12 décembre 2003 à M. Gentil
et le 15 décembre 2003 à M. Capelain, pour des faits réalisés le 14 juin 1996
est prescrite à leur égard » ;

1. ALORS QUE la prescription triennale des actions exercées contre les


dirigeants d’une société anonyme instituée par l’article L. 225-254 du Code de
commerce est sans application aux actions en responsabilité délictuelle
engagées par des tiers à l’encontre des dirigeants ; qu’en jugeant le contraire,
la Cour d’appel a violé le texte susvisé par fausse application ;

2. ALORS, en toute hypothèse, QUE la prescription triennale instaurée par


l’article L. 225-254 du Code de commerce est sans application aux actions
engagées à l’encontre de personnes physiques ayant la qualité de mandataires
sociaux, lorsque leur responsabilité délictuelle est recherchée pour des actes
qu’ils ont commis non pas ès-qualités, mais en leur nom personnel et dans leur
intérêt propre ; qu’en l’espèce, la société Ciga Luxembourg ne reprochait pas
tant à MM. Patrick Gentil et Marcel Capelain d’avoir approuvé, en leurs qualités
de dirigeants des sociétés Final et Soparfi, la cession de la société Hoyez au
profit de la société Avelinvest, que d’avoir pris un intérêt patrimonial personnel
dans le rachat de cette société réalisé en fraude aux droits des créanciers du
groupe cédant, en se joignant eux-même de manière occulte au tour de table
d’investisseurs réunis derrière la société Avelinvest pour acquérir la société
Hoyez (conclusions de Ciga Luxembourg, p. 52) ; qu’à l’appui de ses
allégations, la société Ciga Luxembourg versait aux débats les statuts de la «
société en participation Michel de Guillenschmidt », constituée le 22 mai 1996
24 87

de manière occulte entre M. de Guillenschmidt et Mme Patrick Gentil, ainsi


qu’un protocole d’accord conclu le 29 avril 1996 entre la société Oléron
Participations et M. Capelain, « agissant tant en son nom personnel qu’au nom
des autres managers de la société Hoyez qui pourraient être associés à
l’opération de reprise », desquels il ressortait que MM. Gentil et Capelain
figuraient parmi les principaux actionnaires indirects de la société Avelinvest,
constituée pour l’acquisition de la société Hoyez ; qu’en se bornant, pour
déclarer prescrite, par application de l’article L. 225-254 du Code de
commerce, l’action en responsabilité délictuelle engagée contre MM. Gentil et
Capelain, à affirmer qu’il n’était pas démontré que ceux-ci aient agi à titre
personnel dans la reprise d’Hoyez, sans se prononcer sur les pièces susvisées
desquelles résultait la preuve de leur intérêt patrimonial personnel, la Cour
d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile.

3. ALORS, en toute hypothèse encore, QUE la prescription triennale instaurée


par l’article L. 225-254 du Code de commerce étant sans application aux
actions engagées à l’encontre de personnes physiques ayant la qualité de
mandataires sociaux, lorsque leur responsabilité délictuelle est recherchée
pour des actes qu’ils ont commis en leur nom personnel et dans leur intérêt
propre, la Cour d’appel n’aurait pu, sans violer le texte suvsisé, adopter les
motifs par lesquels les premiers juges avaient affirmé que la circonstance que
Messieurs Patrick Gentil et Marcel Capelain aient pu agir dans leur intérêt
personnel dans la reprise d’Hoyez n’était pas de nature à écarter le jeu de la
prescription triennale.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR mis hors de cause la société
Rasec Office, venant aux droits de la société Avelinvest,

AUX MOTIFS QU’ « il n’est pas contesté que la société Avelinvest a été créée
pour l’opération, ce qui n’implique pas nécessairement qu’elle avait
connaissance de l’existence de la clause litigieuse ; que faute pour la société
Ciga Luxembourg d’établir les fautes qu’elle a commises et la connaissance
qu’elle avait du prêt LBO, elle doit être mise hors de cause » ;

ALORS QUE le tiers acquéreur qui prête sciemment son concours à la violation
d’un engagement contractuel de ne pas vendre souscrit par le cédant au
bénéfice de ses créanciers engage sa responsabilité délictuelle à leur égard ;
qu’en l’espèce, la société Ciga Luxembourg faisait valoir que la faute reprochée
à la société Oléron Participations, auteur de l’offre d’acquisition d’Hoyez,
pouvait identiquement être imputée à la société Avelinvest, sous-filiale qu’elle
s’était substituée dans le bénéfice de cette offre ; qu’après s’être fondée sur le
compte rendu d’une réunion préparatoire du 19 mars 1996, aux termes
desquels il avait été écrit que « l'investisseur (P. Bergé, YSL, A. Minc) et son
25 87

banquier (le Crédit Lyonnais) ont pleine conscience que l'on ne fait pas une
bonne manière aux créanciers (…) mais ils n'aimeraient pas que l'on aille
chercher leur responsabilité tant sur le plan commercial que pénal », pour juger
que la société Oléron Participations savait pertinemment dès cette date que le
consentement préalable des banques était un préalable indispensable à la
cession d’Hoyez et avait engagé sa responsabilité délictuelle en décidant de
passer outre, la Cour d’appel a néanmoins décidé d’écarter toute responsabilité
de la société Avelinvest, en se bornant à relever qu’il n’était pas établi que
cette société ait eu connaissance des dispositions du contrat de prêt LBO
subordonnant la cession d’Hoyez au consentement des banques ; qu’en se
déterminant par ce seul motif, sans répondre aux conclusions par lesquelles
la société Ciga Luxembourg faisait valoir que M. Alain Minc, Président
d’Avelinvest et associé de la société Oléron Participations, avait été lui-même
représenté lors de la réunion susvisée du 19 mars 1996 et rendu destinataire
de son compte rendu, ce dont il s’évinçait qu’Avelinvest disposait d’une
information aussi complète sur les droits des créanciers que celle de la société
Oléron Participations, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de
procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR mis hors de cause Monsieur
Michel de Guillenschmidt ;

AUX MOTIFS QUE « que le 29 avril 1996, M. de Guillenschmidt a conclu avec


la société Oléron Participations un protocole par lequel cette dernière se
propose de prendre le contrôle de la société Hoyez, le capital de cette société
étant lui-même acquis par la société Sofinvest, dont le capital est détenu pour
partie par la société Aveline ; qu’il est convenu à l’acte que la société Oléron
Participations et M. de Guillenschmidt se répartissent le capital de la société
Aveline comme suit : 130.000 francs pour la société Oléron Participations et
120.000 francs pour M. de Guillenschmidt ; qu’il est également convenu que
le capital de la société Aveline doit être augmenté, la société Oléron
Participations souscrivant 1.430.000 francs et M. de Guillenschmidt 1.320.000
francs à cette augmentation ; que l’article 2 précise encore que le Crédit
Lyonnais qui doit financer la prise de contrôle de la société Hoyez réclame une
caution bancaire et qu’à cet effet, M. de Guillenschmidt s’oblige à contre
garantir la société Oléron Participations à hauteur de 1.320.000 francs ; qu’il
est enfin stipulé que le protocole sera résilié de plein droit au cas où Me Lafont,
dans le cadre de sa mission de mandataire ad hoc de la société Soparfi, ne
donnerait pas son accord à la cession ; que M. de Guillenschmidt expose qu’en
tout état de cause, il ignorait la clause contractuelle du prêt portant sur l’accord
des créanciers à la cession ; que la société Ciga Luxembourg n’établit pas que
M. de Guillenschmidt avait effectivement connaissance de la clause litigieuse ;
qu’il ne suffit pas que M. de Guillenschmidt et son épouse aient créé une
26 87

société en participation ayant pour objet de prendre toute participation dans la


société Avelinvest, ou qu’il ait été l’avocat de la société Final, comme il
l’indique lui-même dans un courrier du 9 juillet 1996, pour en conclure qu’il
avait une connaissance certaine du contrat de prêt signé par sa cliente ; que
faute d’établir les fautes commises par M. de Guillenschmidt, celui-ci doit être
mis hors de cause » ;

1. ALORS QUE la société Ciga Luxembourg faisait valoir dans ses conclusions
d’appel qu’il résultait des termes mêmes d’un protocole d’accord du 29 avril
1996 conclu entre la société Oléron Participations et M. de Guillenschmidt que
celui-ci avait connaissance de ce que le prêt contracté par la société Final était
destiné au financement d’un LBO (leverage buy out) dont Hoyez était la cible
réelle et qu’à défaut d’accord des créanciers, la cession d’Hoyez priverait
inévitablement la société débitrice des ressources indispensables au service
de sa dette, en sorte qu’à supposer même que M. de Guillenschmidt, avocat
et Professeur de droit, ait ignoré la clause du contrat de prêt subordonnant la
cession d’Hoyez au consentement des banques, il n’en aurait pas moins
engagé sa responsabilité en négligeant de se renseigner sur les dispositions
contractuelles prises en faveur des banques ; qu’en se bornant, pour écarter
la responsabilité délictuelle de M. de Guillenschmidt à l’égard de la société
Ciga Luxembourg, à relever qu’il n’était pas établi que celui-ci ait effectivement
eu connaissance de la clause du contrat de prêt subordonnant la cession
d’Hoyez au consentement des banques, sans répondre aux conclusions
susvisées, la Cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;

2. ALORS, de surcroît, QU’EN se déterminant par ce seul motif, sans


rechercher, ainsi qu’elle y était invitée par les conclusions de la société Ciga
Luxembourg (p. 57), si la conscience de M. de Guillenschmidt de porter
préjudice aux prêteurs de deniers de la société Final ne ressortait pas
suffisamment de la circonstance que celui-ci ait constitué une société en
participation occulte avec Mme Patrick Gentil ayant pour objet de dissimuler
aux yeux des créanciers l’intérêt patrimonial personnel pris par le Président de
la société débitrice dans le rachat de la société Hoyez, la Cour d’appel a privé
sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué


d’AVOIR limité la condamnation indemnitaire prononcée à l’encontre de la
société Oléron Participations, de Maître Lafont et du Crédit Lyonnais, en faveur
de la société Ciga Luxembourg, à la somme de 6.000.000 i et d’AVOIR
pareillement limité à cette somme de 6.000.000 i l’admission de la société
Ciga Luxembourg au passif de la liquidation judiciaire de la société Soparfi ;

AUX MOTIFS QUE « la société Ciga Luxembourg demande à la Cour le


paiement de sa créance totale à titre de dommages et intérêts, dans la mesure
où la société Hoyez constituait la seule société opérationnelle susceptible de
27 87

permettre à la société Final de faire face à son passif ; Mais considérant qu’il
n’est pas démontré que les dividendes de la société Hoyez auraient pu
permettre à la société Final de régler la totalité de sa dette à l’égard des
banques ; que le préjudice de la société Ciga Luxembourg ne peut être que de
la perte d’une chance d’obtenir en remboursement du prêt la totalité de la
valeur des actions de la société Hoyez ; que dans le cadre du redressement
judiciaire de la société Final, la créance de la société Ciga Luxembourg a été
admise pour la somme de 14.499.647 i ; que la société Hoyez faisait partie de
l’actif de la société Final et a été vendue dans le cadre de la cession litigieuse
pour la somme de 65.000.000 francs (9.909.186,12 i) ; qu’il n’est pas établi
qu’une somme supérieure ou même équivalente aurait pu être récupérée par
la société Ciga Luxembourg, d’autant qu’elle ne disposait pas de gage sur les
titres de la société Hoyez ; (…) que la Cour estime disposer des éléments
suffisants pour fixer à 6.000.000 i les dommages et intérêts alloués à la
société Ciga Luxembourg » ;

1. ALORS QU’EN sa qualité de cessionnaire de la créance de la Banque BDL


à l’encontre de la société Final, la société Ciga Luxembourg faisait valoir dans
ses conclusions (p. 76) que le fardeau de l’endettement de la société Final à
son égard aurait pu être allégé par la voie d’un rééchelonnement conventionnel
de sa dette, conformément aux propositions que la BDL avait faites dans une
lettre restée sans réponse du 13 décembre 1995 et aux termes mêmes de
l’ordonnance du 26 février 1996 ayant confié à Maître Lafont la mission de «
rechercher un accord de paiement avec les créanciers », en sorte qu’il
n’existait aucune fatalité à la revente d’Hoyez, seul actif frugifère de
l’emprunteur susceptible de contribuer au remboursement de sa dette ; qu’en
affirmant néanmoins que le préjudice subi par la société Ciga Luxembourg du
fait de la cession d’Hoyez à des tiers intervenue sans son consentement ne
pouvait s’analyser que dans la « perte d’une chance d’obtenir en
remboursement du prêt la totalité de la valeur des actions de la société Hoyez
», sans préciser, ainsi qu’elle y était invitée, les raisons qui auraient rendu cette
cession des actions de la société Hoyez inéluctable, la Cour d’appel a privé sa
décision de base légale au regard des articles 1149 et 1382 du Code civil ;

2. ALORS, en toute hypothèse, QUE la société Ciga Luxembourg faisait valoir


dans ses conclusions que les actions de la société Hoyez, acquises le 14 juin
1996 pour 65 millions de francs par la société Avelinvest, avaient ensuite été
valorisées au 31 décembre 1998, dans le cadre d’un traité de fusion absorption
conclu avec une société dénommée Partition (aujourd’hui Rasec Office), pour
une somme de 150 millions de francs, qui aurait été amplement suffisante pour
permettre l’apurement total de sa créance demeurée impayée à hauteur de
14.499.647 i ; qu’elle soulignait que cette substantielle plus-value réalisée par
les acquéreurs d’Hoyez ne pouvait en aucun cas s’expliquer par un
redressement de l’entreprise, dont le chiffre d’affaires et le résultat avaient au
contraire diminué entre ces deux événements (conclusions de la société Ciga
28 87

Luxembourg, pp. 26-27 et p. 77) ; qu’en justifiant sa décision de limiter à


hauteur de 6.000.000 i la condamnation indemnitaire prononcée en faveur de
la société Ciga Luxembourg, par ce motif que le préjudice de cette société ne
pouvait s’analyser que comme la perte d’une chance d’appréhender la valeur
des actions de la société Hoyez en remboursement de sa créance et qu’il
n’était pas établi qu’une somme supérieure à 65 millions d’euros aurait pu être
récupérée par la société Ciga Luxembourg, sans répondre au moyen
péremptoire des conclusions susvisées, la Cour d’appel a violé l’article 455 du
Code de procédure civile.
29 87

Moyens produits -À L’APPUI DU POURVOI NO G 09-69.526- par la SCP Piwnica


et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Oléron participations.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir écarté la fin de non-recevoir
opposée par la société Oléron à l’action en responsabilité de la société Ciga
Luxembourg faute pour celle-ci d’être partie au contrat de prêt du 31 mars
1992, et d’avoir dit que la société Oléron avait engagé sa responsabilité à
l’égard de la société Ciga Luxembourg ;

AUX MOTIFS QUE la Banque Duménil-Leblé avait transmis à la société Ciga


Jersey sa créance résultant du prêt ; que si la créance transmise à la société
Ciga Luxembourg résulte des décisions de justice, celles-ci ont été rendues sur
le fondement du contrat de prêt litigieux ; que les décisions de justice n’ont pas
créé une créance nouvelle et la volonté d’opérer une novation ne résultant pas
de l’acte de cession, il s’ensuit que celle-ci porte bien sur le contrat de prêt et
sur ses accessoires ;

1) ALORS QUE l’acte de cession du 11 décembre 2002 précisait que la


cession portait « sur la totalité des créances (que Ciga Jersey) possède et qui
sont exigibles à l’encontre de la société anonyme Final » « pour les causes
énoncées ci dessus », soit « un jugement de la 2ème chambre A du tribunal de
commerce de Paris en date du 16 décembre 1997 ayant condamné la société
Final à payer à la société Ciga la somme de 66 503 200 F (…) » et un arrêt de
la cour d’appel de Paris du 16 avril 1999 l’ayant confirmé et dit que cette
somme sera abondée de l’intérêt au taux légal ; que l’acte de cession ne faisait
aucune référence au contrat de prêt et encore moins à une quelconque action
en responsabilité délictuelle qui en serait découlée ; qu’ainsi la cession ne
portait pas sur la créance issue du contrat de prêt du 31 mars 1992 et ses
accessoires éventuels, mais sur les condamnations prononcées à l’encontre
de la société Final au bénéfice de la société Ciga Jersey ; qu’en décidant
néanmoins que la cession portait bien sur le contrat de prêt et sur ses
accessoires, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat
de cession et violé l’article 1134 du Code civil ;

2) ALORS QUE en tout état de cause, la cession de créance transfère au


cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la
créance cédée et, notamment, sauf stipulation contraire, l’action en
responsabilité, contractuelle ou délictuelle, qui en est l’accessoire, fondée sur
la faute antérieure d’un tiers, dont est résultée la perte ou la diminution de la
créance ; qu’en l’espèce, la faute reprochée à la société Oléron était d’avoir
participé à l’acquisition, en connaissance des obligations pesant sur la société
Final en vertu de l’article 8.2.4. du contrat de prêt du 31 mars 1992, par la
société Avelinvest de la société Hoyez détenue par la société Soparfi ; qu’une
30 87

telle faute n’entraînait ni la perte, ni la diminution de la créance de la Banque


Duménil-Leblé ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a donc violé
les articles 1615 et 1692 du code civil ;

3) ALORS QUE subsidiairement encore, deux cessions de créances étaient


successivement intervenues, la première consentie par la Banque
Duménil-Leblé à la société Ciga Jersey, la seconde conclue entre les sociétés
Ciga Jersey et Ciga Luxembourg ; que la recevabilité de l’action en
responsabilité exercée par la société Ciga Luxembourg était subordonnée à
une transmission de cette action en responsabilité délictuelle contre des tiers
dans chacune des cessions ; que dans ses conclusions, la société Oléron
exposait que la société Ciga Jersey avait invoqué à l’encontre de la société
Final, dans le procès clos par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 avril
1999, la violation de l’article 8.2.4. du contrat de prêt et que, néanmoins, l’acte
de cession du 11 décembre 2002 ne faisait pas mention des actions en
responsabilité ; qu’elle en déduisait que les parties n’avaient pas eu la volonté
de transmettre à la société Ciga Luxembourg le bénéfice des actions en
responsabilité susceptibles de naître d’une violation des engagements
contractuels de la société Final et de la complicité alléguée d’Oléron ; qu’en
s’abstenant néanmoins de rechercher si les parties à l’acte du 11 décembre
2002 n’avaient pas entendu exclure les actions en responsabilité du champ de
la cession, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard des
articles 1615 et 1692 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que la société Oléron avait
engagé sa responsabilité à l’égard de la société Ciga Luxembourg ;

AUX MOTIFS QU’il résulte d’un compte-rendu de réunion établi par M. Gentil
que la société Oléron savait dès le 19 mars 1996 que l’accord des créanciers
était un préalable indispensable à la vente d’Hoyez ; que l’avocat de la société
Oléron participait d’ailleurs à la réunion ; que le compte-rendu de cette réunion
précise que « l’investisseur et son banquier ont pleine conscience que l’on ne
fait pas une bonne manière aux créanciers » ; que, le 29 avril 1996, la société
Oléron a formulé une offre d’achat auprès de la société Soparfi, offre valable
jusqu’au 31 mai 1996 ; que Me Pouget a indiqué, dès le 22 mai 1996, que les
créanciers s’opposent à la vente de la société Hoyez pour un prix de 65
millions de francs ; qu’il résulte de cette note que la société Oléron a
nécessairement été informée des difficultés liées à l’absence d’accord des
créanciers, puisqu’à la suite de cette note, elle a modifié sa proposition pour
les satisfaire ; qu’il résulte de toutes ces pièces que la société Oléron savait
pertinemment qu’en acquérant la société Hoyez, elle agissait au mépris de
l’accord des créanciers, accord dont elle savait depuis l’origine qu’il était
31 87

essentiel ; qu’ainsi elle a commis une faute en signant l’acte d’achat en


connaissance de cause ;

1o) ALORS QUE toute personne qui, avec connaissance, aide autrui à
enfreindre les obligations contractuelles pesant sur lui, commet une faute
délictuelle à l’égard de la victime de l’infraction ; que la connaissance requise
est celle des obligations contractuelles méconnues ; qu’en l’espèce la cour
d’appel s’est bornée à relever que les parties avaient conscience de la
nécessité d’un accord des créanciers pour la vente de la société Hoyez dans
le cadre de l’exécution d’un mandat ad hoc, sans en indiquer le fondement ;
qu’en s’abstenant de recherche si Oléron connaissait personnellement
l’existence de l’article 8.2.4. du contrat de prêt, qui constituait la clause que la
société Oléron aurait sciemment aidé la société Final à violer, la cour d’appel
a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;

2o) ALORS QUE dans ses conclusions récapitulatives d’appel (p. 47), la société
Oléron soutenait que la société Ciga Jersey, informée par Me Lafont du projet
de cession de titres Hoyez, avait négligé d’exercer son droit de s’y opposer et
de rappeler tant à son débiteur qu’aux acquéreurs pressentis que son
consentement à la cession était nécessaire en vertu de l’article 8.2.4. du
contrat de prêt ; qu’elle ajoutait que cette négligence fautive était la cause
exclusive du dommage allégué par la société Ciga Luxembourg ; qu’en
omettant de répondre à ce moyen tendant à dégager la société Oléron de toute
responsabilité, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455
du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné in solidum la société
Oléron à payer à la société Ciga Luxembourg la somme de six millions d’euros
à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QU’ il n’est pas démontré que les dividendes de la société Hoyez
auraient pu permettre à la société Final de régler la totalité de sa dette à
l’égard des banques ; que le préjudice de la société Ciga Luxembourg ne peut
être que la perte d’une chance d’obtenir en remboursement du prêt la totalité
de la valeur des actions de la société Hoyez ; que la créance de la société Ciga
Luxembourg a été admise pour la somme de 14 499 677 i ; que la société
Hoyez faisait partie de l’actif de la société Final et a été vendue dans le cadre
de la cession litigieuse pour la somme de 65 000 000 F (9 909 186,12 i) ; qu’il
n’est pas établi qu’une somme supérieure ou même équivalente aurait pu être
récupérée par la société Ciga Luxembourg, d’autant qu’elle ne disposait pas
de gage sur les titres de la société Hoyez ; que la cour dispose des éléments
suffisants pour fixer à 6.000.000 i les dommages-intérêts alloués à la société
Ciga Luxembourg in solidum par la société Soparfi qui a engagé sa
32 87

responsabilité contractuelle et par la société Oléron Participations, Me Lafont


et le Crédit Lyonnais qui ont engagé leur responsabilité délictuelle ;

ALORS QUE la faute éventuellement commise par une partie à un contrat


envers un tiers ne peut entraîner sa responsabilité délictuelle envers ce tiers
que s’il en est résulté un préjudice en lien de causalité avec cette faute ; que
la cour d’appel a constaté qu’il n’était pas démontré que les dividendes de la
société cédée en méconnaissance des obligations contractuelles de la société
mère du cédant auraient pu permettre de désintéresser les banques ; qu’elle
a également constaté qu’il n’était pas établi qu’une somme supérieure à celle
payée par la société Oléron aurait pu être appréhendée par la société Ciga
Jersey qui en outre ne disposait d’aucun gage sur les titres litigieux ; qu’en
condamnant cependant la société Oléron à payer à la société Ciga
Luxembourg, prétendant venir aux droits de la société Ciga Jersey, la somme
de 6 000 000 d’euros au titre de la perte de chance d’obtenir en
remboursement du prêt la totalité de la valeur des actions de la société Hoyez,
sans préciser comment la société Ciga Jersey aurait pu percevoir tout ou partie
de cette valeur si les actions n’avaient pas été acquises par la société Oléron,
la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article
1382 du Code civil.
33 87

Moyens produits -À L’APPUI DU POURVOI NO G 09-69.619- par la SCP Boré et


Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. Hubert Lafont.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que Monsieur LAFONT avait, in
solidum avec les sociétés SOPARFI, OLERON PARTICIPATION et CREDIT
LYONNAIS, engagé sa responsabilité à l’égard de la société CIGA
LUXEMBOURG et de l’AVOIR, en conséquence, condamné, in solidum avec
ces sociétés, à payer à la société CIGA LUXEMBOURG la somme de
6.000.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE Messieurs Capelain et Gentil, la société Oléron


Participations exposent que la société Ciga Luxembourg n’est pas partie au
contrat du 31 mars 1992 et n’a donc pas qualité à agir aux lieu et place de la
banque Dumenil Leblé ; qu’il soutiennent que par l’acte de cession du
11 décembre 2002, la société Ciga Jersey a cédé à Ciga Luxembourg la
créance et non ses accessoires, ni le contrat de prêt ; que l’acte de cession
précise que « la société Ciga Luxembourg [lire : Ciga Jersey] déclare par les
présentes céder à la société Ciga Luxembourg qui accepte, la totalité des
créances qu’elle possède et qui sont exigibles à l’encontre de la société
anonyme Final pour les causes énoncées ci-dessus, sans exception ni réserve
» ; que les « causes énoncées ci-dessus » sont précisées en exposé du titre
II comme suit : « un jugement de la 2ème chambre 1 du tribunal de commerce
de Paris, en date du 16 décembre 1997, a condamné la société Final (…) à
payer à la société Ciga la somme de 66.503.200 F en principal, outre les
intérêts et accessoires conventionnels et 35.000 F au titre de l’article 700 du
code de procédure civile et les dépense de l’instance (…), un arrêt de la 15ème
section B de la cour d’appel de Paris, en date du 16 avril 1999, a confirmé le
jugement du tribunal de commerce en ce qu’il a condamné la société Final à
payer la somme de 66.503.200 F et le réformant partiellement pour le surplus,
a dit que cette somme sera abondée de l’intérêt légal à compter du 9
septembre 1997 (…) Par ordonnance du 4 décembre 2002, la péremption de
l’instance ouverte sur la déclaration de pourvoi formulée le 5 juillet 1999 a été
constatée » ; que la banque Dumenil Leblé avait transmis à la société Ciga
Jersey sa créance résultant du prêt ; que si la créance transmise à la société
Ciga Luxembourg résulte des décisions de justice, celles-ci ont été rendues sur
le fondement du contrat de prêt litigieux ; que les décisions de justice n’ont pas
créé une créance nouvelle et la volonté d’opérer une novation ne résultant pas
de l’acte de cession, il s’ensuit que celle-ci porte bien sur le contrat de prêt et
sur ses accessoires ; que la société Ciga Luxembourg a donc qualité à agir et
la fin de non-recevoir doit être rejetée ;

ALORS QUE par l’acte de cession du 11 décembre 2002, la société CIGA


JERSEY avait transmis à la société CIGA LUXEMBOURG une créance d’un
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montant de 66.503.200 francs en principal, qu’elle détenait à l’encontre de la


société FINAL, créance née d’une condamnation prononcée par un jugement
rendu par le Tribunal de commerce de PARIS le 16 décembre 1997 confirmé
par un arrêt rendu le 16 avril 1999 par la Cour d’appel de PARIS, ce dont il
résultait sans ambiguïté que la cession portait exclusivement sur cette créance
judiciaire expressément visée et désignée en détail à l’acte de cession, et non
sur les droits nés du contrat de prêt sur le fondement duquel ladite
condamnation avait été sollicitée et prononcée ; qu’en retenant néanmoins,
pour en déduire que la société CIGA LUXEMBOURG était recevable en son
action, qu’elle s’était vue céder le contrat de prêt et ses accessoires, la Cour
d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de l’acte de cession du 11
décembre 2002 en violation de l’article 1134 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que Monsieur LAFONT avait, in
solidum avec les sociétés SOPARFI, OLERON PARTICIPATION et CREDIT
LYONNAIS, engagé sa responsabilité à l’égard de la société CIGA
LUXEMBOURG et de l’AVOIR, en conséquence, condamné, in solidum avec
ces sociétés, à payer à la société CIGA LUXEMBOURG la somme de
6.000.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE Me Lafont a été désigné par ordonnance du Président du


Tribunal de commerce de PARIS en date du 26 février 1996, aux fins de «
rechercher un accord de paiement avec les créanciers » ; que la société Ciga
Luxembourg lui reproche de s’être arrogé le pouvoir de vendre la société
Hoyez ; que Me Pouget a indiqué dans un compte-rendu de réunion qui s’est
tenue chez Me Lafont en présence de deux représentant du Crédit Lyonnais
le 20 mars 1996, don la teneur n’est pas remise en cause, que « Me Lafont
souligne qu’il peut imposer la vente dès lors que le prix n’est pas discutable »
et qu’ « il n’est pas nécessaire d’avoir l’accord des créanciers de Final qu’il
serait du reste illusoire d’escompter » ; que Me Lafont a encore indiqué au
Crédit Lyonnais le 3 juin 1996 qu’il donnait son accord à la vente ; que cette
faculté d’imposer la vente n’entrait pas dans le pouvoir du mandataire, qui
devait se contenter de trouver si possible un accord avec les créanciers,
accord qu’il ne pouvait ignorer ne pas avoir obtenu ; que Me Lafont ayant
outrepassé sa mission, il convient de savoir si son accord a été un élément
déterminant pour la signature du contrat de vente ; que s’il résulte des
protocoles d’accord que ceux-ci seront résolus faut d’accord de Me Lafont,
cette clause ne l’engage pas dès lors qu’il n’était pas signataire de ces actes ;
que, par contre, Me Lafont ayant donné son accord au Crédit Lyonnais, celui-ci
a pu légitimement croire qu’il avait obtenu l’accord des créanciers ; que son
rôle a été déterminant, dans la mesure où le Crédit Lyonnais a prêter les
sommes qui ont permis à la société Oléron Participations d’acquérir le société
Hoyez ; que le Crédit Lyonnais connaissait l’existence de la clause
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contractuelle, puisqu’il a écrit le 5 avril 1996 à la société Oléron Participations


pour l’informer de son accord pour mettre en place le financement d’acquisition
de la société Hoyez, sous réserve de l’accord de Me Lafont « nommé afin de
rechercher un accord avec les créanciers de la société Final » ; que le 19 mars
1996, une réunion s’est tenue entre monsieur Gentil, l’avocat d’Oléron
Participations, le directeur Acquisition du Crédit Lyonnais, le directeur juridique
du Crédit Lyonnais et l’avocat de Soparfi ; qu’il est indiqué au procès-verbal de
cette réunion que « le Crédit Lyonnais est d’accord pour financer l’opération
pour autant que certaines incertitudes soient levées : 1) Soparfi a-t-elle le droit
de vendre Hoyez, son principal actif, avec le concours de maître Lafont, alors
même qu’aucun accord n’a été trouvé avec les créanciers de Final et Edifia,
holdings endettées et qui contrôlent Soparfi ?, 2) Les créanciers de Final et
Edifia peuvent-ils remettre en question cette cession et éventuellement
rechercher la responsabilité des acheteurs et de leur banquier ? Conclusion :
L’investisseur (P. Bergé, YSL et A. Minc) et son banquier (le Crédit Lyonnais)
ont pleine conscience que l’on ne fait pas une bonne manière aux créanciers
(qui certes ont détourné quelques 50 millions de francs des caisses d’Hoyez
hors dette LBO), mais ils n’aimeraient pas que l’on aille chercher leur
responsabilité tant sur le plan commercial que pénal » ; que même si le
procès-verbal de la réunion du 20 mars 1996 qui s’est déroulée entre Me
Lafont et les représentants du Crédit Lyonnais relate que Me Lafont a indiqué
qu’ « il n’est pas nécessaire d’avoir l’accord des créanciers de Final qu’il serait
du reste illusoire d’escompter », il résulte de la pièce précédente que le Crédit
Lyonnais savait que l’accord des créanciers était indispensable ; que cette
pièce contestée n’est pas frappée de faux par le Crédit Lyonnais ; qu’en
conséquence, lorsque Me Lafont ayant donné à la vente par courrier du 3 juin
1996 adressé au Crédit Lyonnais en ces termes : « ladite cession ayant mon
acceptation », il appartenait à la banque de se renseigner pour savoir si cet
accord faisait suite à l’accord des créanciers, d’autant que si ceux-ci avaient
accepté la cession, Me Lafont aurait indiqué tout simplement que les créanciers
avaient donné leur accord à la cession ; que le Crédit Lyonnais a donc
sciemment prêté les fonds en violation de la clause contractuelle et a engagé
sa responsabilité envers les créanciers ; que la société Ciga Luxembourg
demande à la Cour le paiement de sa créance totale à titre de dommages et
intérêts, dans la mesure où la société Hoyez constituait la seule société
opérationnelle susceptible de permettre à la société Final de faire face à son
passif ; mais qu’il n’est pas démontré que les dividendes de la société Hoyez
auraient pu permettre à la société Final de régler la totalité de sa dette à
l’égard des banques ; que le préjudice de la société Ciga Luxembourg ne peut
être que la perte d’une chance d’obtenir en remboursement du prêt la totalité
de la valeur des actions de la société Hoyez ; que dans le cadre du
redressement judiciaire de la société Final, la créance de la société Ciga
Luxembourg a été admise pour la somme de 14.499.647 euros ; que la société
Hoyez faisait partie de l’actif de la société Final et a été vendue dans le cadre
de la cession litigieuse pour la somme de 65.000.000 francs (9.909.186,12
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euros) ; qu’il n’est pas établi qu’une somme supérieure ou même équivalente
aurait pu être récupérée par la société Ciga Luxembourg, d’autant qu’elle ne
disposait pas de gage sur les titres de la société Hoyez ; que s’il est reproché
à la société Ciga Luxembourg de ne pas avoir tenté de recouvrer la somme
représentant le prix de cession, cette négligence n’est pas fautive, dès lors qu’il
n’est pas démontré que la société Ciga Luxembourg a été informée de la vente
de la société Hoyez dès lors que celle-ci a eu lieu, et alors surtout qu’elle ne
disposait pas de droit de gage sur la somme ainsi versée ; que la Cour estime
disposer des éléments suffisants pour fixer à 6.000.000 d’euros les dommages
et intérêts alloués à la société Ciga Luxembourg in solidum par la société
Soparfi qui a engagé sa responsabilité contractuelle et par la société Oléron
Participations, Me Lafont et le Crédit Lyonnais qui ont engagé leur
responsabilité délictuelle ;

1o ALORS QUE le mandataire ad hoc, qui n’est tenu que d’une obligation de
moyens, ne saurait être tenu d’accomplir des diligences qui excèdent la
connaissance de l’entreprise qu’il est chargé d’assister et sont imposées par
des informations qu’il ne détenait pas ; qu’en reprochant à Monsieur LAFONT
d’avoir affirmé à tort que l’accord des créanciers n’était pas nécessaire pour
procéder à l’opération envisagée, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée
par l’exposant, s’il avait connaissance de la clause prohibant la cession visée
sans l’accord du prêteur, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au
regard de l’article 1382 du Code civil ;

2o ALORS QUE le mandataire ad hoc, qui n’est tenu que d’une obligation de
moyens, peut inciter le débiteur à conclure un acte conforme aux objectifs
assignés à sa mission ; qu’en reprochant à Monsieur LAFONT d’avoir
oralement affirmé, lors d’une réunion de négociation, pouvoir « imposer la
vente » aux parties, et en en déduisant que le mandataire ad hoc avait
outrepassé sa mission, sans rechercher si cette affirmation, purement orale,
formulée au cours d’une réunion de négociation ne correspondait pas à
l’influence que le mandataire ad hoc pouvait prétendre exercer, la Cour d’appel
a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;

3o ALORS QU’en toute hypothèse, l’auteur d’une faute ne saurait être tenu de
réparer un dommage qui se serait produit, même en l’absence de faute, et qui
n’en est, partant, pas la conséquence ; qu’en affirmant que la faute de
Monsieur LAFONT était la cause du préjudice consécutif à la cession des parts
de la société HOYEZ, dès lors qu’il avait fait croire au CREDIT LYONNAIS qui
avait financé cette acquisition qu’il avait obtenu l’accord des créanciers, bien
qu’elle ait, elle-même, relevé que cet établissement financier avait « sciemment
prêté les fonds en violation de la clause contractuelle », ce qui établissait sa
détermination éclairée à financer l’opération, et partant, l’absence de toute
influence des informations qu’il était reproché au mandataire ad hoc d’avoir
transmises, la Cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil ;
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4o ALORS QU’en toute hypothèse, la contradiction de motifs équivaut à leur


absence ; qu’en affirmant, d’une part, que Monsieur LAFONT « ayant donné
son accord à la vente au CREDIT LYONNAIS, celui-ci a pu légitimement croire
qu’il avait obtenu l’accord des créanciers » et, d’autre part, qu’il « appartenait
à la banque de se renseigner pour savoir si cet accord (celui-ci de Monsieur
LAFONT) faisait suite à l’accord des créanciers » et que « le CREDIT
LYONNAIS a donc sciemment prêté les fonds en violation de la clause
contractuelle » prévoyant l’accord des créanciers, la Cour d’appel s’est
contredite en violation de l’article 455 du Code de procédure civile ;

5o ALORS QU’en toute hypothèse, ne peut être indemnisée la perte d’une


chance purement hypothétique ; qu’en retenant que la société CIGA
LUXEMBOURG avait, du fait de la cession, perdu une chance de recouvrer sa
créance qui devait être indemnisée à hauteur de 6.000.000 euros, quand elle
constatait que la société CIGA LUXEMBOURG, qui ne disposait d’aucun droit
de gage sur le produit de la cession, n’établissait ni pouvoir récupérer une
somme supérieure ou même équivalente au prix de cession, ni que les
dividendes de la société HOYEZ auraient pu permettre à la débitrice de régler
la totalité de sa dette, ce dont il résultait que le dommage invoqué par la
banque était purement hypothétique, la Cour d’appel n’a pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations en violation de l’article
1382 du Code civil.

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