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NOURRIR SA TÊTE

SANS AFFAMER
SON CŒUR
Erik Giasson

NOURRIR SA TÊTE
SANS AFFAMER
SON CŒUR

Six questions pour trouver l’équilibre


Je dédie ce livre à mon père qui m’a donné
un modèle de réussite tant sur le plan humain
que sur le plan professionnel.

Je le dédie aussi à mes six enfants


et au septième à venir, je l’espère, bientôt.
Introduction

Mon parcours atypique a de quoi marquer les esprits. J’ai d’abord été fils et
petit-fils de médecins pratiquant à Saint-Vincent-de-Paul (Laval). Dès mon
plus jeune âge, j’ai dû assumer un rôle d’hyperperformant où le succès passe
par le regard des autres et un rôle où, pour exister et être heureux, il faut
posséder un statut social élevé et n’être rien de moins que le meilleur.
Diplômé de HEC Montréal, mon ascension fulgurante dans le monde de
la finance me mènera de Montréal à New York, en passant par Toronto. À
seulement 26 ans, je deviens cambiste sénior d’une grande banque
canadienne. Puis, à 28 ans, je décroche un poste de vice-président chez
Morgan Stanley, à Wall Street, une des plus grandes firmes de courtage au
monde. Huit ans plus tard, je suis chef des placements et vice-président
sénior d’une importante firme de placement. J’ai également été un actionnaire
important, gestionnaire et administrateur de cette firme. À 43 ans, je réalise
finalement mon rêve ultime: travailler pour le plus gros fonds spéculatif
macro de la planète.
Je vis alors dans l’abondance et la richesse lorsque, en 2008, lors de la
crise financière, je perds mon emploi, mon rôle, et que tout s’écroule. Les
épreuves de la vie s’accumulent. À travers mes souffrances, j’ai entrepris une
transition de vie et j’ai découvert le yoga, ce qui me sauvera assurément d’un
suicide. Le yoga me permettra non seulement de survivre, mais aussi de
devenir qui je suis maintenant.
Dans les épreuves d’un cancer, de pertes d’emploi et de séparations de
couple, j’ai appris à revoir mes priorités. En 2010, j’effectue un virage à 180
degrés et deviens le parfait yogi, faisant plusieurs voyages en Inde, à Maui
(Hawaï), et séjournant dans des ashrams, des temples, à la recherche de ma
vérité.
Au fil des années, j’ai voulu transmettre mes apprentissages avec intégrité
et authenticité, soit par l’entremise de mes livres, de mes conférences, ou
encore par le coaching que j’exerce auprès de gestionnaires, de
professionnels et d’entrepreneurs.
Une des bases de mes apprentissages, dont je parle dans mon premier
livre, Le courage de réussir, mais aussi dans les diverses conférences que je
donne, ce sont les cinq grandes leçons de vie que j’ai apprises, qui visent à
mieux combler nos différents besoins. Celles-ci peuvent, selon moi,
s’appliquer à toutes les sphères de l’activité humaine. Je les ai regroupées
sous l’acronyme ALVAC (pour Acceptation, Liberté, Vérité, Action et
Confiance). Rapidement, je vous les présente:

– L’acceptation permet d’accueillir toutes les choses dont on n’est pas


maître. Ce qui ne veut pas dire être d’accord ou abandonner; il s’agit
plutôt de ne pas se battre contre le côté naturel de la vie, entre autres
le fait que rien n’est permanent. Lorsque nous réussissons à accepter
de façon intuitive, nous comblons notre besoin de sécurité.
– La liberté, c’est savoir se libérer du besoin du regard des autres. Nous
cherchons trop souvent l’approbation des gens, ce qui peut expliquer
que nous allions parfois à l’encontre de nos vraies valeurs pour être
estimés par les autres. La seule et unique liberté que nous possédons
est celle d’être qui nous sommes vraiment et d’agir selon notre cœur
et notre conscience dans le respect de nos valeurs et de notre essence
propre. Lorsque nous agissons de la sorte, nous comblons notre
besoin de reconnaissance.
– La vérité se manifeste lorsque nous décidons de ne plus vivre dans
l’illusion. La vie est souvent comme un diaporama et nous nous
retrouvons à projeter nos peurs et nos désirs sur la vie au lieu de
permettre à la vraie vie – sans filtre! – de traverser nos yeux. À partir
du moment où nous comblons nos besoins de sécurité et de
reconnaissance, nous nous rendons compte que la vérité, ce n’est plus
à propos de nous, mais à propos de ce qui se trouve devant nos yeux.
Dans cette vérité qui traverse nos yeux, nous pouvons voir nos réels
besoins, et ce, dans toutes les sphères de la vie humaine. C’est
uniquement dans cette vérité que l’on comble notre besoin de
connexion et d’amour.
– L’action consiste à agir à partir de notre liberté afin de combler notre
besoin de vérité. Il ne s’agit plus de réagir pour se sécuriser ou
recevoir de la reconnaissance dans l’illusion, mais de s’engager dans
toutes les sphères de notre vie; amoureuse, personnelle,
professionnelle et même économique, écologique, sociale, politique et
autres. C’est seulement lorsque nous créons un lien entre notre liberté
et la vérité que nous comblons notre besoin de réalisation de soi.
– On réussit à faire confiance lorsqu’on a assimilé les quatre premières
leçons d’ALVAC et que l’on comprend qu’on ne peut contrôler le
fruit de nos actions, mais seulement nos actions et notre intention.
Faire confiance signifie vivre au-delà de la polarité succès/échec en
redéfinissant les résultats comme une occasion d’apprentissage. Bien
qu’un succès soit toujours plus agréable qu’un échec, il faut, dans les
deux cas, y trouver une leçon, une façon de grandir et de devenir une
meilleure personne humaine. Le paradoxe est qu’on a besoin de
sécurité, mais si on pouvait toujours tout savoir et tout maîtriser, la
vie serait vraiment ennuyante. Nous avons besoin de variété, de défis!
Quand on réussit à faire confiance à la vie, on comble ce dernier
besoin humain.

Au-delà de ces considérations, je me suis mis à réfléchir aux


insatisfactions qui minent notre vie professionnelle et qui finissent par se
répercuter sur notre vie personnelle. En effet, nous consacrons souvent à
notre travail les plus belles heures de la journée ainsi que les plus belles
années de notre vie. Pourquoi ces moments au travail engendrent-ils autant de
réactions négatives, de la souffrance, de la dépression, du stress, de l’anxiété?
Pourquoi consacrer autant d’heures à quelque chose qui nous vide plutôt que
de nous combler? Qu’est-ce qui nous éteint au lieu de nous éclairer?
Nous nous servons souvent de notre travail pour assurer notre sécurité,
mais aussi pour recevoir de la reconnaissance. Et, chaque fois que nous en
manquons, nous travaillons plus fort pour en avoir davantage. C’est une
course sans fin, un problème insoluble. Si nous sommes en manque de
sécurité et de reconnaissance, il n’existe rien sur le plan professionnel qui
puisse combler cette faim insatiable. Nous seuls avons le pouvoir de la
satisfaire.
C’est pourquoi chaque humain doit trouver sa mission. Cette mission, qui
est propre à chacun, est ce que nous devons accomplir ultimement, ce qui
nous comblera véritablement. Être sans mission, c’est errer sans but, c’est se
construire une vie idéale tout en demeurant vide, alimenté par ses peurs au
lieu d’être nourri par qui on est véritablement.
Sans mission, ou avec la mauvaise mission, on se retrouve rapidement
malheureux sur le plan professionnel. On a beau avoir choisi un métier qu’on
aime, on finit par critiquer le patron, l’entreprise, les clients, l’industrie tout
entière. On va donc souvent se mettre à la recherche d’un changement à
l’extérieur de nous.
J’ai moi-même commis cette erreur en pensant, à une certaine époque,
que devenir un yogi parfait me mènerait au bonheur ultime. J’avais fait table
rase de ma carrière en finance, même si c’était un domaine dans lequel j’avais
beaucoup de talent. En devenant yogi, j’avais l’impression d’accomplir ma
mission. Et j’avais tort… Je nourrissais mon cœur, mais j’affamais ma tête!
Lorsque j’étais arbitragiste, c’était tout le contraire: je nourrissais ma tête,
mais mon cœur n’était pas rassasié…
Trouver sa mission n’est pas une mince tâche. Pour y arriver, il faut se
défaire de certaines croyances, il faut comprendre réellement qui on est et
quels sont nos valeurs, nos talents, et comment ces valeurs et talents peuvent
contribuer à mieux nous définir. Au-delà de nos plus belles heures et de nos
meilleures années, je crois que nous sommes sur la terre pour une raison:
donner à partir de ce que nous avons à donner afin de combler un ou
plusieurs besoins pour le bien commun. Incarner sa mission peut passer aussi
bien par le bénévolat que par le travail, mais comme nous consacrons
beaucoup de temps au travail, pourquoi ne pas aligner notre travail sur notre
mission? Pourquoi ne pas être en union avec le professionnel et la personne
humaine derrière ce dernier?
J’ai choisi de vous présenter six questions essentielles. Celles-ci risquent
de vous bousculer, de vous forcer à réfléchir, mais aussi de vous inciter à
faire le point sur votre vie. Les réponses à ces questions vous permettront de
déterminer votre mission et la façon de l’accomplir. Une fois que vous y
arriverez, vous éprouverez un sentiment de bien-être, de réalisation de soi, de
paix et de sérénité. C’est comme si le travail professionnel s’accomplissait à
travers nous, comme une expression naturelle de la vie. Vous allez travailler
sans avoir l’impression de vous fatiguer.
En réfléchissant à la façon dont chacun peut accomplir sa propre mission,
j’ai pensé qu’il pourrait être intéressant de connaître le point de vue de gens
que j’admire et que j’apprécie, qui sont pour moi des modèles de réussite.
Certains d’entre eux ont connu bien des mésaventures, mais ont triomphé au
bout du compte et sont devenus de ces personnages que la presse économique
qualifie d’«émergents», c’est-à-dire des gens qui, partis de loin, s’imposent
de manière spectaculaire dans leur domaine.
Toutes les personnes inspirantes que j’ai interviewées auraient pu choisir
de se limiter! Et en cela, ils ne sont pas différents de nous: ce que nous
faisons avec nos échecs professionnels peut véritablement déterminer notre
réussite. Ces personnes auraient pu s’arrêter dès les premières difficultés et
faillir à leur mission, mais elles ont plutôt décidé de se donner le pouvoir et
de se responsabiliser pour accepter leur mission. Elles aussi, elles ont
répondu aux six questions du livre et nous révéleront tout au long du livre ce
qu’elles y ont appris.
Namasté. Salutations.
Chapitre 1
Êtes-vous conscient de vos croyances?

Tout au long de notre vie, nous assimilons toutes sortes de croyances. Le


fondement de nos croyances repose souvent sur le milieu de vie dans lequel
nous grandissons. La communauté, la famille, les figures d’autorité multiples
transmettent des valeurs, un système de pensées et des croyances qui
constituent un modèle. Ainsi, ce qui nous a été transmis, la plupart du temps
avec de bonnes intentions, dicte notre façon d’être, d’agir et de réagir. Et,
selon notre conditionnement social et familial, plusieurs croyances
s’immiscent dans notre vie au quotidien. Par exemple:

– Pour réussir, il faut être sérieux;


– Si on travaille fort, on réussit;
– S’informer, c’est se donner du pouvoir;
– Mal aimer, c’est mieux que de ne pas aimer;
– Si on veut, on peut.

Certaines de ces phrases résonnent en vous. Vous trouvez qu’elles «ont


du bon sens», qu’elles sont vraies? Parfois, elles paraissent si vraies qu’elles
en viennent à limiter vos actions. C’est ce qui m’est arrivé. Pour travailler
dans le domaine de la finance, j’étais convaincu qu’il fallait être un dur à
cuire, un though. Dans certaines situations, il aurait été plus naturel pour moi
d’être conciliant et à l’écoute de l’autre, mais je préférais nourrir cette
croyance que je devais être un dur à cuire à tout prix. Les croyances de ce
type, je les nomme croyances limitantes parce qu’elles imposent une règle à
laquelle on ne veut jamais déroger, même parfois au péril de notre bonheur.
Ce sont des idées préconçues fondées sur des associations passées à partir de
moments clés. Souvent, ces croyances vont nous empêcher d’agir et nous
limiter l’accès à nos talents, à nos passions, à nos forces.
Les croyances limitantes
Au cours de ma carrière comme arbitragiste, une de mes croyances limitantes
était que, pour réussir, je devais toujours tenir les plus grosses positions et
apparaître comme un joueur important dans les marchés. J’ai grandi à Laval
en tant que fils et petit-fils de médecins. Dans ma jeunesse, je me sentais
valorisé par le statut professionnel de ma famille dans la communauté. Cela a
fait partie de mon conditionnement, et j’ai longtemps cherché à recevoir
l’attention des autres. Je me suis donc créé un certain type de personnage
dans les marchés, celui du garçon capable de prendre plus de risques ou me
positionner mieux que n’importe qui. Bref, comme le dit plaisamment une
vieille chanson, je tenais en quelque sorte à passer pour «un dur, un vrai, un
tatoué».
Dès le début, alors que j’étais arbitragiste sur le marché des devises pour
une petite banque canadienne, j’aimais bien me comparer aux plus gros
joueurs de ce domaine. Les grandes banques, comme la Banque Royale du
Canada, recevaient un flux de commandes internes et de clients qui devait
être de cinq à dix fois plus important que le mien, mais je ne me laissais pas
abattre par cela. Je trouvais toutes sortes de moyens pour repousser mes
limites de risque (ou de position) afin de me retrouver à la table des grands.
Plus tard, évoluant désormais sur le marché monétaire, une fois de plus, je
pensais que, pour réussir, il fallait être important et prendre beaucoup de
place. Pour attirer des clients, j’avais décidé de réduire le plus possible l’écart
entre le prix dit vendeur et le prix dit acheteur. Par le fait même, je réduisais
aussi mes profits potentiels. Je me trouvais donc à la merci des clients et des
marchés sans aucune marge de manœuvre, et tout cela afin de pouvoir dire à
tout le monde que j’étais un joueur important. En agissant ainsi, j’augmentais
mon stress uniquement pour prouver aux autres que j’étais meilleur.
Bien qu’ayant toujours été un très bon arbitragiste et ayant généré
beaucoup de profits dans ma carrière, il m’aurait été impossible d’être
vraiment excellent, parce qu’en m’imaginant être un gros joueur je ne me
donnais pas pleinement accès à mon vrai talent et aux bonnes occasions dans
les marchés. Mon intention n’était pas alignée sur ma mission. Je nourrissais
uniquement mes croyances. Au lieu d’utiliser mon talent à remplir ma tâche
d’arbitragiste pour une banque et ses clients, je gaspillais mes précieuses
forces et mon pouvoir pour assurer la survie de mon rôle social.
Il n’y a aucun problème à vouloir être agressif pour augmenter le volume
de transactions. Mais comme c’était devenu une de mes croyances, je pensais
devoir constamment agir de la sorte, toujours être le plus brave et le plus fort.
C’est justement ce qui différencie un bon d’un excellent arbitragiste. Ce
dernier est capable de refuser certaines transactions lorsque le moment n’est
pas opportun. Certains clients augmentent leur rendement en profitant de
l’excès de liquidités donné par des mainteneurs de marché comme je l’étais.
Toutefois, à certains moments de haute volatilité et de manque de liquidités,
il est tout à fait insensé d’acheter ou de vendre de grosses sommes
d’obligations sous prétexte que tel est votre rôle. Seul un robot emprisonné
prendrait tout le temps de «grosses positions».
C’est effectivement une qualité. S’il n’est pas un robot, un arbitragiste
doit être capable de saisir les occasions des marchés avec tous les risques
afférents au moment opportun. Toutefois, se tenir constamment à sa limite de
risque, et cela même quand il n’existe que peu d’occasions favorables, voire
aucune, ne témoigne pas d’une bonne gestion du risque. Certes, il est
important de faire des profits, mais il est également important de savoir
combien nous risquons pour les réaliser. Si je vous dis que vous avez gagné
1000$, vous vous féliciterez à coup sûr, mais si je vous précise que vous avez
risqué d’en perdre 10 000$ pour réaliser ce profit, vous ne pourrez que
constater que vous l’avez échappé belle. Il y a des moments pour jouer le tout
pour le tout et d’autres pour s’abstenir, mais je ne connaissais qu’une seule
sorte de conduite: en sixième vitesse et le pied au plancher…
J’ai cultivé également toutes sortes d’autres croyances qui me limitaient.
Pour plusieurs raisons, j’entretiens de piètres relations avec les ordinateurs,
les chiffriers et les logiciels de toutes sortes. Au milieu des années 1980, au
début de la croissance fabuleuse de l’informatique, j’avais suivi un cours en
cette matière à HEC et avais presque échoué à l’examen. Depuis ce temps, je
revendique sans cesse ma nullité dans cette discipline. Seulement voilà: si on
se répète des milliers de fois la même chose, celle-ci se transforme en une
réalité. Du coup, on se coupe d’un talent et d’un pouvoir potentiels. J’ai eu la
chance de devenir patron assez rapidement dans ma carrière. Je pouvais donc
demander à mes employés de me construire des modèles et des chiffriers sous
prétexte que je n’étais pas doué dans ce domaine ou que mon temps pouvait
être mieux employé ailleurs. C’est un peu dommage, parce que j’ai toujours
été vraiment intrigué et fasciné par la programmation et le développement des
modèles informatiques destinés à faciliter le travail des arbitragistes.
Un peu plus tard dans ma carrière, toujours inquiet de ma prétendue
incapacité à gérer ou à créer des modèles informatiques, mais préoccupé par
la gestion des risques pour bien évaluer la grosseur de mes positions, j’ai
travaillé pour un gestionnaire de portefeuille pour qui j’ai essayé de
développer des modèles d’opérations préventives, d’analyse technique et
d’attribution de performance. L’association erronée que j’avais faite à HEC,
selon laquelle l’informatique n’était pour moi que source de douleurs ou
d’échecs, était comme un boulet que je traînais constamment.
En raison d’une autre de mes fausses convictions liées au fait que mon
français n’est pas parfait ou à mon embarras devant les logiciels, je ne me
croyais pas capable d’écrire un livre tout seul. Il y avait longtemps que je
désirais consigner mes observations et expériences et j’étais prêt à engager un
rédacteur. Environ un an plus tard, une de mes élèves arrive au studio et me
propose de me prêter sa plume sans même savoir que je cherchais justement
quelqu’un pour faire ce travail. J’ai vu là un signe du destin. Nous avons
travaillé un peu ensemble pendant deux mois, puis elle m’a annoncé que ce
projet ne l’intéressait plus, que ce n’était pas le genre d’histoire qu’elle
voulait raconter. Pour moi, ce fut comme une défaite et j’ai abandonné l’idée
jusqu’au décès de mon père sur son lit d’hôpital. J’avais rencontré deux
éditeurs pour leur parler de mon projet, mais aucun n’avait semblé emballé.
J’aurais pu, de manière restrictive, me convaincre que mon histoire
n’intéresserait personne et que mon livre était inutile. Mais, à la mort de mon
père, j’ai trouvé le courage d’aller voir un autre éditeur, de lui expliquer mon
projet, et il a su bien me guider. Il m’a demandé d’écrire un ouvrage portant
sur l’acronyme alvac. J’avais déjà composé un texte de 1500 mots sur le sujet
et je ne voyais pas comment j’aurais pu en écrire 50 000. J’ai également
pensé à rédiger une sorte d’autobiographie. En tel cas, j’aurais pu également
me charger de pensées limitantes et donc inutiles.
Puis, à l’été 2016, j’ai écrit 60 000 mots en 8 semaines. Mon éditeur en a
retranché environ la moitié, et cela a donné mon premier livre, qui connaît un
franc succès. À ma grande surprise, tout seul, même si mes textes ont été
révisés, j’ai réussi à mener ce projet d’écriture à terme. Non seulement cela
s’est bien passé, mais ce fut pour moi une thérapie incroyable: j’ai aimé
l’expérience et j’ai acquis la conviction de me responsabiliser. Le présent
ouvrage est la preuve que j’ai encore beaucoup de choses à dire. Je n’ai plus
cette croyance limitante et je viens de la remplacer par une croyance qui me
responsabilise: je suis un auteur.
Et vous?

Quelles sont vos croyances limitantes?


Qu’est-ce que vous pensez être incapable de faire?
D’où vous vient cette croyance?

Les croyances génériques


Il existe aussi des croyances que je qualifie de génériques, que nous
possédons probablement tous, peu importe notre âge, notre contexte social et
notre profession. Les croyances génériques sont des portes de sortie jugées
socialement acceptables par plusieurs pour ne pas admettre que nous seuls
sommes responsables de nos succès ou insuccès. Des exemples:

– Je ne suis pas capable;


– Je n’ai pas le temps;
– Je n’ai pas le talent;
– Ça ne vaut pas la peine;
– Je n’ai pas la volonté;
– Je n’en ai pas envie;
– Je n’ai pas ce qu’il faut, je ne comprends pas, je ne le mérite pas;
– Je suis né(e) pour un petit pain.

Soyez aussi attentif aux adverbes que nous ajoutons inconsciemment:


jamais, toujours, tout le temps, tout le monde, et ainsi de suite. Les histoires
deviennent de vraies prisons où l’on se dit: «Je n’aurai jamais la volonté»,
«Tout le monde pense que je n’aurai jamais ce qu’il faut pour réussir», «J’ai
tout le temps eu peur de l’échec». Je vous laisse compléter…
J’ai aussi des croyances génériques positives, telles que: Je produis des
résultats, je suis un être humain, je vais apprendre beaucoup de choses, cela
va être intéressant.
Une de ces croyances m’est venue en découvrant ce vieux dicton: «Le
mieux est l’ennemi du bien» (Better done than perfect en anglais). Ce dicton
nous rappelle qu’il faut commencer quelque part pour atteindre notre objectif
et ensuite apporter au projet les améliorations nécessaires.
J’ai longtemps vécu en essayant d’atteindre la perfection, mais, comme
chacun sait, celle-ci n’est pas de ce monde. Elle nous limite trop souvent et
nous entraîne à répéter les mêmes erreurs. Nous sommes captifs de notre
karma au lieu de vivre notre dharma, notre mission.

Et vous?

Quelles sont vos croyances génériques?


D’où proviennent-elles?
Quelles formulations employez-vous?
Pourquoi ces croyances sont-elles fausses?

Les fausses croyances positives


Il existe aussi de fausses croyances positives. Celles-ci nous attribuent de
faux pouvoirs et nous font vivre dans l’illusion. Elles nous empêchent
d’apprendre à devenir meilleurs et d’accomplir notre vraie mission.
Au primaire et au secondaire, mes bonnes capacités intellectuelles et ma
personnalité charismatique furent longtemps suffisantes pour obtenir de très
bonnes notes, mais, à ma grande surprise, vers la fin du secondaire, je me suis
retrouvé dans les derniers de classe et j’ai presque échoué à certains de mes
examens. L’arrivée au cégep fut un désastre. Cramponné à mes fausses
croyances positives, j’ai échoué à tous mes examens de mi-session. J’ai dû
abandonner mes études collégiales. Je pensais encore, à tort, que ma
personnalité et mes capacités intellectuelles étaient suffisantes. Mon père
avait très mal réagi. Pour me punir, il m’a interdit de conduire la voiture
familiale. Insulté, je lui ai dit que, s’il faisait cela, il devrait s’attendre à ce
que je quitte la maison; il n’a pas bronché d’un cil. Je l’ai d’ailleurs remercié
sur son lit de mort, car cela m’avait permis de chasser de fausses croyances
positives qui me faisaient procrastiner, paresser, et qui m’empêchaient de
travailler. Je pensais à tort que d’y mettre les efforts n’était pas nécessaire.
Cet épisode m’a amené à me constituer de nouvelles croyances, qui sont
authentiques et qui m’ont responsabilisé pour le reste de ma vie.
Le journaliste Malcom Gladwell soutient, dans son livre Outliers, que le
fait de répéter et d’apprendre est souvent plus important que le talent lui-
même et il fournit beaucoup d’exemples. Même si nous avons appris une
leçon, cela ne nous empêche pas de reproduire souvent la même erreur. J’ai
dû réapprendre cette leçon à la dure à l’occasion de mon premier triathlon
Ironman. J’étais sans conteste sous-entraîné et c’est alors que j’ai heurté un
obstacle.
Ce fut une leçon de vie incroyable, car c’est à ce moment-là que j’ai
compris que l’intelligence et la personnalité ne pouvaient être garantes de
tout. Il fallait travailler, et surtout, répéter. Je me suis à nouveau
responsabilisé. Bien que ma personnalité et mon intelligence soient des atouts
et représentent mon caractère, le fait de mal les exploiter me nuisait.
Lorsque je suis retourné aux études – cégep et, plus tard, université –,
j’avais bien compris que je devais obtenir une maîtrise ou m’inscrire au
programme de cours en vue de la certification CFA (Chartered Financial
Analyst®), et c’est ce que j’ai fait. Ayant trouvé un travail tout de suite après
mon bac en finance à HEC, même si j’avais été accepté à la maîtrise en
gestion, section finance, j’ai décidé de suivre la formation CFA, un rigoureux
programme de certification en investissement sanctionné par un examen
annuel que l’on passe trois années de suite. Les études se font à la maison
avec le matériel recommandé par le corps enseignant.
Fort de la leçon que j’avais tirée durant les cinq mois qui précédaient
l’examen, j’étudiais au moins de six à huit heures les samedis et les
dimanches, et ce, même si j’avais des enfants en bas âge. Ma femme
comprenait et me laissait tout l’espace nécessaire. Au moment de mon
troisième examen, nous avions quatre enfants et nos week-ends étaient
vraiment très occupés. À cette époque, nous vivions à Toronto. J’arrivais au
travail vers 6 h 30 le matin et, comme je ne pouvais pas étudier les week-
ends, je me levais vers 3 h 30 les matins de semaine pour étudier quelques
heures avant de me rendre au bureau.
J’ai été de nouveau piégé par mes fausses croyances quand j’ai suivi ma
formation de professeur de yoga Kula à New York, avec Schuyler Grant, une
personne exceptionnelle dans le domaine du yoga, une figure emblématique
dans ma vie et dans ma carrière. Nous devions enseigner à un groupe
d’élèves. Même si j’avais suivi plusieurs formations auparavant et que
j’enseignais déjà depuis deux ans, ce style de yoga est très complexe et exige
d’y investir un maximum d’efforts sur les plans de la compréhension, de
l’anatomie et de l’intelligence de la séquence.
Une fois de plus, j’ai omis de consentir tous les efforts nécessaires. Nous
étions un petit groupe composé de 13 femmes et 2 hommes. Tout le monde
était très chaleureux et je me sentais très bien et apprécié par tous. Je
remarque que chacun travaille le soir, le matin et le jour sur sa séquence, mais
moi, je prends des raccourcis et mise un peu trop sur ma personnalité. Le
moment venu d’enseigner à ma classe, je décide de mettre de la musique, ce
que personne n’avait encore fait, et je suis certain de m’en tirer avec une
pirouette. Je parle fort et d’une voix claire, je donne de bons rajustements,
mais ma séquence est déplorable.
Après la classe, Schuyler est assise dans la position du lotus à côté du
foyer, le regard baissé. Elle me demande d’un ton assez sec si je pratique
dans un certain studio bien connu à New York qui ne tient pas compte de
l’anatomie et des enchaînements sécuritaires pour le corps, une pratique
complètement à l’opposé de ce que nous venions d’apprendre. Même si je
m’étais rendu quelques fois dans ce studio, je lui réponds que non. Elle me
dit alors: «Tu me sembles intelligent, mais tu ne t’es évidemment pas
beaucoup servi de ton intelligence pour préparer cette séquence. Cependant,
s’il te plaît, n’abandonne pas…»
Ouah! En pleine face! Et pourtant, c’était la vérité. Je n’avais pas exploité
toutes mes ressources pour préparer cette classe. Je pense que cela résume
parfaitement ce que sont les fausses croyances positives. Elles nous rendent
paresseux, nous font vivre dans un monde imaginaire et ne nous permettent
pas de bien nous accomplir. Il vous faut comprendre que la répétition et le
travail sont des éléments plus puissants que le talent et la personnalité. C’est
pour cela qu’il faut agir pour activer le pouvoir.
Une autre de mes croyances était que pour réussir dans la finance, il
fallait être «sérieux». Étant souvent inconsciemment habités par notre instinct
de survie selon lequel tout devient une question de vie ou de mort, nous
avons tendance à prendre la vie très (trop?) au sérieux, alors qu’elle n’est en
fait qu’une danse fluide. D’ailleurs, l’humoriste Emmanuel Bilodeau, dans
son spectacle One Manu Show, fait référence à cette réalité en citant son père
qui apostrophait ses enfants en ces termes: «Attention! Danger de mort!» Je
me suis reconnu. J’ai aussi reconnu mon père et mon grand-père.
J’ai le souvenir ému d’avoir vu, à six ou sept ans, mon père à sa clinique
médicale arborant une allure fière et posée. Au-delà de cela, tous mes
modèles – les bons arbitragistes que je connaissais ou bien le trésorier de la
banque – étaient également très sérieux. Je me souviens de l’époque où je
travaillais pour Morgan Stanley à New York, T. J., un cadre exigeant, qui
était chef arbitragiste des obligations américaines (un des postes les plus
prestigieux à l’époque), m’avait dit: «Erik, si tu étais pilote de course et si tu
te cramponnais de toutes tes forces au volant en grinçant des dents comme tu
sembles le faire, tu foncerais droit dans le mur…» Il avait tout à fait raison. Je
me souviens d’ailleurs d’avoir été tellement occupé à être sérieux à cette
époque que j’étais stressé et épuisé à un point tel que, lorsque le vendredi
midi arrivait, je commençais à avoir une migraine qui durait souvent jusqu’au
samedi soir.
Un peu plus tard, travaillant pour une grande banque comme arbitragiste
sur les marchés mondiaux, au début de la crise en 2007, je savais que des
circonstances vraiment opportunes se présentaient à nous. Je voulais en
profiter au maximum, mais surtout montrer à tout le monde que j’étais le plus
grand et le meilleur. Encore une fois, au lieu d’utiliser mon talent et mon
expérience dans la direction de ma mission ultime, j’ai laissé toutes ces
pensées inutiles m’encombrer. Dès le début de la crise sur le marché
immobilier, j’ai perdu presque 100 pour cent de mon budget annuel. J’ai été
forcé de faire une pause et de ne rien négocier pendant quelques semaines.
Lorsque j’ai eu la permission de négocier à nouveau, j’ai pris le maximum de
risques pour profiter du début de la crise. En quelques jours, j’avais récupéré
les pertes et, moins d’un mois plus tard, réalisé un profit d’environ 200 pour
cent du budget annuel.
J’étais passé du statut d’un zéro à celui d’un héros. J’aurais pu m’arrêter
là et obtenir un gros bonus: mais non. Obsédé par le désir d’être un «dur à
cuire», j’ai tout misé. Or les marchés ne vont jamais en ligne droite, et même
si j’avais raison concernant la crise, il y avait eu des rebonds. Et comme je ne
connaissais qu’une vitesse et que j’écrasais l’accélérateur, j’ai risqué le tout
pour le tout sur le rebond, perdu tous les gains et me suis retrouvé dans le
rouge. En quelques mois seulement, j’avais gagné et perdu plusieurs fois mon
budget annuel, de quoi donner des maux de tête à mes patrons et aux
gestionnaires de risques de la banque. Même si j’avais raison à long terme,
pour se rendre là où l’on veut, il faut franchir les étapes du court terme, d’où
l’importance de ne pas perdre de vue sa vraie mission, son intention, mais
surtout la capacité d’agir librement.
La même histoire s’est répétée de manière similaire lorsque je suis arrivé
chez Brevan Howard, un célèbre fonds macroéconomique. En une nuit
seulement, j’avais atteint mon objectif de profit annuel, ce qui m’avait valu
un appel du gestionnaire de risques de Londres le lendemain matin. Même si
j’avais réalisé un profit, il n’en demeurait pas moins qu’en matière de
volatilité les enjeux étaient démesurés. À partir de ce moment, je me suis
retrouvé sous la loupe du gestionnaire, même si mon patron, Alan Howard,
semblait très heureux de mes résultats. Tous les soirs, avant de fermer les
livres, je me demandais quels actifs, obligations ou actions je devais prendre
et vendre afin de respecter mes limites de risque, parce que je savais que la
crise qui se préparait constituait une occasion qui ne se présente qu’à
quelques reprises dans la vie d’un arbitragiste et que j’allais réaliser de 10 à
20 fois le profit annuel prévu; je serais reconnu comme un des meilleurs.
Quand est venu le temps pour Brevan Howard de réduire son effectif dans
les bureaux de New York, comme la crise échappait à tout contrôle et que les
liquidités étaient difficiles à trouver, plusieurs postes ont été abolis, y compris
le mien, même si je performais très bien au chapitre du profit. La direction a
gardé quelques bons arbitragistes au bureau de New York, d’autres ont été
mutés à Londres. Si j’avais eu le profil d’un arbitragiste moins téméraire, on
m’aurait peut-être gardé, mais même si j’étais un collaborateur très profitable,
on avait probablement jugé que je me montrais trop risque-tout dans les
circonstances.

Et vous?

Possédez-vous de faux pouvoirs?


Si oui, quels sont-ils?
Comment vous ont-ils berné(e) dans le passé?
D’où proviennent-ils?
Les croyances responsabilisantes
Toutes les croyances n’ont pas le mauvais rôle. Certaines peuvent nous
assurer un cadre où nous pouvons grandir et nous réaliser. Ces croyances
responsabilisantes sont une façon de penser qui est plus puissante que la
pensée positive, car elles ne sont pas des pensées magiques, elles s’appuient
sur des faits réels. Elles se fondent sur nos vrais talents, sur nos expériences
positives, sur nos forces, nos passions. Elles nous outillent pour que nous
accomplissions notre mission.
Pour qu’une croyance soit responsabilisante, elle doit nous permettre
d’accéder à nos pleins pouvoirs. C’est bien plus qu’une simple pensée
positive comme «Je suis capable», car cette dernière ne repose sur rien, n’est
qu’un vœu pieux. À partir d’un moment clé où nous avons réussi à accomplir
une tâche, à obtenir un résultat, à fournir un effort, nous avons la capacité de
définir une façon de penser qui nous donne la capacité d’utiliser nos
pouvoirs.
Par ailleurs, ces croyances responsabilisantes peuvent nous guider vers un
certain succès, sans pour autant nous permettre de comprendre la véritable
intention derrière notre mission. Acquérir des croyances qui nous
responsabilisent est souvent nécessaire, mais ce n’est pas suffisant, d’où
l’importance de se les répéter dans un rituel. J’y reviendrai à la fin du livre. Il
faut consciemment se remémorer notre succès ou notre victoire, se le répéter
pour créer une nouvelle façon de penser.
À la suite de mon départ du cégep et de la réaction de mon père, je suis
donc parti habiter chez un ami, mon petit matelas sur le toit de sa voiture. En
1982, les taux d’intérêt étaient très élevés pour stopper l’inflation, et le taux
de chômage était plutôt haut. J’ai quand même réussi à trouver du travail
dans une boutique de vêtements du centre-ville de Montréal. J’étais timide et
je manquais vraiment de confiance en moi. Après quelques semaines à peine,
on m’a congédié. Je me suis retrouvé chômeur, comme environ 13% de la
population à cette époque. Incapable de décrocher un autre emploi stable, j’ai
fait des ménages et gardé des enfants. Ce fut toute une expérience pour un fils
de médecin qui avait toujours bénéficié des services d’une femme de ménage
à la maison familiale. Je mangeais des tartines de beurre d’arachides et
j’arrivais difficilement à joindre les deux bouts. À un moment donné, on nous
avait même coupé l’électricité…
Durant cette triste période, je fréquentais une «fille de bonne famille»,
comme on dit. C’était une petite famille parfaite, unie, les parents étaient des
amours de jeunesse. Cette maison respirait le succès, le travail, le bonheur.
Cette fille avait une maman à la maison qui jouait au tennis, un papa
médecin, une sœur qui étudiait en sciences et qui fréquentait un étudiant en
droit. Ma copine était forte en maths. Tout semblait réussir à cette famille qui
était si rangée, si sérieuse et si travaillante. Pour moi qui venais d’une famille
reconstituée et qui avais quitté la maison paternelle à 17 ans, me retrouver
dans cette maison était comme atteindre une oasis de paix et de bonheur, et
reproduire quelque chose de semblable devint rapidement l’un de mes
objectifs. Une croyance responsabilisante était née! Je venais d’associer le
travail intensif avec le bonheur, le confort, la paix, et une vie aisée à la clé.
Quelque temps après, je me suis trouvé un emploi comme serveur dans un
bar. J’ai acheté une voiture et j’ai décidé de retourner à l’école. Mais au lieu
de me placer dans la dernière rangée et de faire le fou avec mes camarades,
j’ai choisi de m’asseoir au premier rang et de travailler d’arrache-pied pour
devenir un bon élève.
Comme je l’ai mentionné, je suis maintenant convaincu que le travail est
un meilleur gage de réussite. Grâce à cette expérience, j’ai compris
l’importance des connaissances et du savoir. Même après avoir terminé ma
formation CFA, je lisais continuellement. Le moment clé s’est produit au
début de ma carrière, à la fin des années 1980, lorsqu’un de mes collègues à
la banque, qui trouvait que je n’employais pas bien mon temps, m’a désigné
du doigt une directrice sénior, très brillante, qui me semblait menaçante. Elle
lisait tout ce qui passait sur l’économie et les marchés. Comme j’avais
récemment compris l’importance des connaissances et du savoir, c’est pour
cette raison qu’elle me semblait si menaçante, car elle ne cessait de se
renseigner. Fort de mes leçons de vie, je venais d’acquérir une autre croyance
responsabilisante: il est nécessaire de continuer à apprendre, de donner de
l’importance au savoir. J’ai par la suite occupé tous les moments libres de
mes journées, mes soirées et mes fins de semaine à lire de la documentation
financière et j’aimais vraiment cela. Le matin, je consultais le Globe and
Mail, le Wall Street Journal, le Financial Times; les week-ends, c’étaient The
Economist et Businessweek, en plus de toutes les études publiées par les
grandes firmes de courtage et de recherche ainsi que par les banques.
Je pense que cette association avec les connaissances des autres m’a aidé
à bien faire mon travail, à performer et à réussir ma mission. Ce processus est
devenu un rituel, une façon de vivre, de la nourriture pour mon intellect et
mon âme. C’était peut-être aussi une façon de me sécuriser. Je me souviens
même d’avoir fait du vélo stationnaire dans mon garage, lorsque je
m’entraînais pour une compétition Ironman, tout en lisant une pile de
documentation professionnelle. Cette incessante quête de savoir faisait partie
de moi à un point tel que, lorsque j’ai perdu mon emploi et que j’ai décidé de
devenir professeur de yoga, j’ai suivi environ sept formations différentes dans
ce domaine, au Canada, à New York, à Hawaï, en Inde, et ainsi de suite. Je
continue d’ailleurs à participer à des ateliers et à approfondir ma
compréhension de cette discipline spirituelle et corporelle.
Cette nouvelle croyance a été utile dans ma quête spirituelle afin de
comprendre la conscience ou mon inconscience. Le premier livre que j’ai lu
après avoir perdu mon emploi a été Le moine qui vendit sa Ferrari (de Robin
S. Sharma); comme si j’avais le pressentiment que j’allais devoir, moi aussi,
me débarrasser de ma Ferrari, ou que je savais intuitivement qu’un autre
chemin s’ouvrait à moi. J’avais compris que cette voiture inutilement
coûteuse représentait ce qu’il y avait de plus laid dans l’image que je me
faisais de ma personne. C’est comme si j’avais su que je ne devais plus
travailler dans la finance. Inconsciemment, j’avais donc enclenché une
transition; c’est peut-être ce que je voulais au plus profond de moi, mais que
je n’avais pas le courage de m’avouer.
Toujours est-il que j’ai dévoré le livre de Sharma. Je me suis reconnu
dans le rôle d’un professionnel au bout du rouleau, épuisé par la vie au lieu
d’être alimenté par celle-ci. J’ai compris et ressenti le bien-être que pouvait
apporter le fait d’être moine. C’est alors qu’avec la même énergie que j’avais
déployée à essayer de comprendre la macroéconomie j’ai tenté de
comprendre ce qui m’était arrivé, ce qui se passait dans ma tête et dans mon
âme. J’ai multiplié les lectures, écouté des documentaires audio et des kirtans
de Krishna Das. Il s’agit de «Prières à Dieu» dans différentes traditions de
l’Inde et du Bangladesh. Tout cela mettait du baume dans mon âme. C’était la
nourriture qui me manquait. Je me suis aussi intéressé à la spiritualité
traditionnelle hindoue et bouddhiste; je me suis également plongé dans la
psychologie, la neuroscience et ainsi de suite. Tous les jours, je passais de
une à trois heures à lire pour comprendre ce qui m’était arrivé et ce qui arrive
à plusieurs d’entre nous.
Bien que tout ce que j’ai énuméré ait joué un rôle crucial dans mon éveil
et dans mon développement personnel, ce sont Ram Dass et Tony Robbins
(vous trouverez plus de détails sur eux à la fin du livre) qui m’ont le plus
marqué. J’ai évidemment lu plusieurs livres de Ram Dass, mais c’est avec ses
enregistrements audio, écoutés des centaines de fois, que j’ai parcouru le plus
grand chemin intérieur. J’étais obsédé par l’idée de comprendre. Il parlait de
choses que personne n’aborde et, d’une certaine façon, son histoire ressemble
à la mienne. En fait, nos histoires se ressemblent toutes. J’ai eu la chance et le
privilège de le rencontrer deux fois en personne, dont une fois à sa résidence
de Maui (Hawaï). Je voulais tout savoir. C’est grâce à ses enseignements que
j’ai compris que mon équilibre se situait entre ma tête et mon cœur, entre
Wall Street et le yoga, ce qui fait de moi celui qu’on surnomme aujourd’hui
le «yogi de Wall Street».
Une autre de mes convictions responsabilisantes est que j’ai un certain
talent pour parler en public. Dès le primaire, je lisais bien et j’ai été un des
premiers de ma classe à être capable de lire devant les autres. J’aimais ça, car
je recevais de la reconnaissance, un précieux cadeau pour plusieurs d’entre
nous. Un peu plus tard, au secondaire, on m’avait demandé de faire un
exposé oral, mais je ne trouvais pas de sujet intéressant. En visite chez une
tante mariée à un Italien, alors que nous jouions à la scopa (le balai), un jeu
de cartes populaire en pays transalpin, mon oncle m’a suggéré de faire mon
exposé oral sur ce passe-temps peu connu chez nous. J’ai trouvé l’idée
originale et j’ai acquiescé. Le jour de l’exposé arrive. Je maîtrise bien mon
sujet, j’ai confiance et j’y mets beaucoup d’énergie et d’humour. L’auditoire
apprécie et s’amuse beaucoup. Instantanément, une nouvelle association se
forme, qui me donne le pouvoir de communiquer, de parler, de contribuer à
l’éveil d’autrui au-delà de ma personne.
Cette croyance m’a évidemment beaucoup aidé à l’époque où je
travaillais comme chef des placements pour un gestionnaire de portefeuille,
alors que j’avais souvent à exposer nos stratégies d’investissement à nos
clients potentiels. Grâce à cette croyance, j’étais aussi en mesure de bien
mener toutes les rencontres que nous avions à l’intérieur de la firme, et elle
m’a permis de fréquenter régulièrement les studios de radio et de télévision
pour communiquer le point de vue des professionnels sur les marchés et
l’économie en général.
Mais c’est en tant que conférencier que je profite le plus de cette croyance
qui me donne du pouvoir aujourd’hui. C’est grâce à ma capacité de
m’exprimer devant de petits, de grands ou de très grands groupes que je peux
communiquer aux autres toute mon expérience de vie. C’est un immense
privilège que de pouvoir donner, transmettre, provoquer une prise de
conscience et outiller les autres pour qu’ils se responsabilisent et réussissent
leur vie. Riche de mes découvertes, de ma compréhension, de mon rituel
quotidien, de mes cinq leçons de vie résumées par l’acronyme alvac, j’aide
les gens, par mes conférences, à retrouver le courage et le pouvoir de réussir.
J’ai aussi compris que j’adore parler en public et que j’ai le charisme et le
talent nécessaires, ce qui ne me dispense pas de préparer soigneusement
chacune de mes conférences-formations et d’assurer un suivi avec les
participants pour avoir leur avis et, au besoin, pour rectifier le tir à l’occasion
des prochains événements.
On pense souvent que mon message consiste à conseiller aux gens de
quitter leur emploi, de m’imiter et de devenir yogi, de faire confiance à la vie
pour que tout aille bien pour eux, mais c’est faux. Mon message vise à
amener tous ceux que je rencontre à bien comprendre leur mission, à se
libérer de leurs fausses croyances, de leurs peurs, à trouver leur cœur, à
passer à l’acte en comprenant bien l’intention derrière les actions. Bien sûr,
parler en public m’apporte beaucoup de reconnaissance, mais je ne le fais pas
pour cette raison. Je le fais pour aider, et quand les personnes viennent me
voir à la fin d’une conférence avec des larmes dans les yeux pour me dire à
quel point je les ai touchées et je les aide, elles me donnent le sentiment
profond d’accomplir ma mission.

Et vous?

Entretenez-vous des croyances responsabilisantes qui vous


donnent du pouvoir?
Quelles sont-elles? D’où proviennent-elles?
Quelles nouvelles croyances aimeriez-vous acquérir?

Les neuro-associations
Tout comme le travail est supérieur au talent, la répétition de nos croyances
responsabilisantes est l’essence même de la réussite. En coaching, mes clients
me disent souvent qu’ils ont compris quelles sont leurs croyances
responsabilisantes. Cependant, comprendre n’est pas suffisant. Il faut qu’elles
nous habitent. Il faut recréer des chemins de pensée.
Même les décisions les plus positives peuvent entraîner le rejet de
certaines parties importantes de notre identité pour nous éviter de la douleur
et y substituer le plaisir. Il est nécessaire d’avoir des croyances
responsabilisantes, mais pour qu’elles nous soient vraiment utiles, nous
devons créer de nouvelles façons de penser, des neuro-associations. Nous
devons nous exercer à penser d’une façon qui nous responsabilise au-delà de
la croyance.
Une croyance peut aussi provenir d’associations neurologiques que nous
avons faites dans le passé, très souvent à la suite d’un événement clé qui nous
a marqués. Dans ces moments-là, un lien s’établit entre l’événement et le
plaisir, ou la douleur, selon la situation. C’est ainsi que, par exemple,
lorsqu’un événement semblable se produit, nous faisons inconsciemment une
association, positive ou négative. Avant même de nous donner la peine de
considérer l’événement comme un nouvel événement, nous avons déjà
associé une émotion à ce qui se passe sans avoir pris le temps de vraiment la
vivre. À titre d’exemple, si un ancien patron m’a déjà menti, puis injustement
congédié, il est possible que j’aie établi une association entre patron, douleur
et menteur. Dans un nouvel emploi, j’aurai tendance à me méfier
automatiquement de mon patron et j’aurai peut-être peur chaque fois qu’il
m’appellera dans son bureau. Tout ça sans prendre le temps d’analyser la
situation, en accordant une confiance aveugle à ces associations. Une bien
mauvaise idée!
En tant qu’adultes, notre travail sur nous-mêmes consiste donc à
comprendre les associations du passé et à nous en libérer. Nous pourrons
ensuite en créer de nouvelles qui seront alignées sur notre intention ultime,
tout cela dans le but de nous responsabiliser et de bien nous outiller, grâce à
tous nos talents.
Par mon conditionnement social et familial, j’ai créé des neuro-
associations. En effet, mon père était un médecin qui réussissait très bien, un
être un peu excentrique dans sa façon de se vêtir, un amateur de belles
voitures et de bons repas. Ces souvenirs de mon enfance, mes réminiscences
du modèle qu’était mon père, ont forgé en moi des associations, m’ont placé
un filtre devant les yeux et fourni des façons de voir la vie.
Nous prenons des décisions à chaque instant, et ce, sans savoir que
certaines de ces associations (réussite, plaisir, échec, douleur, etc.) orientent
fortement plusieurs aspects de notre vie. Quand nos croyances reposent sur
un moment important à partir duquel nous avons créé une association, ce
moment devient un «moment clé». Les décisions qui découlent de ces
moments sont extraordinairement puissantes, car elles commandent et
guident d’autres décisions que nous prenons dans notre vie. Les moments
clés offrent des pistes pour comprendre comment nous agissons et pourquoi
notre mission est si souvent impossible.
J’ai longtemps pensé ne pas pouvoir ouvrir un studio de yoga par moi-
même, je veux dire sans l’aide d’un professeur d’expérience. Je ne croyais
pas en moi ni en mes connaissances techniques, si bien que je me persuadais
de ne pas en avoir la capacité. Mais je l’ai fait en 2012, alors que je pratiquais
le yoga seulement depuis 2008 et ne l’enseignais que depuis 2010. J’ai une
associée au studio Wanderlust, Geneviève Guérard, dont le parcours est
semblable au mien, mais avec une solide carrière dans la danse et dans les
médias. Ni elle ni moi ne sommes donc de vrais yogis. De toute façon, on se
demande ce qu’un «vrai» yogi peut bien manger en hiver, pour reprendre
l’expression populaire…
À un moment donné, ma conjointe de l’époque, qui comprenait bien que
l’équilibre de notre couple dépendait de mon équilibre personnel et
professionnel, s’est lassée de me voir trouver des excuses pour ne pas ouvrir
de studio. Par une journée maussade, elle me tire hors de la maison en me
disant: «Allons visiter des locaux. Rêve à ce qu’il y a de plus beau…» Après
une heure de marche seulement, nous avons trouvé le local parfait. Voilà
maintenant 6 ans que nous sommes là, et nous y serons au moins de 5 à 10
ans encore.
Non seulement j’ai surmonté la croyance selon laquelle Geneviève et moi
n’étions pas capables de nous mesurer aux «vrais» yogis, mais notre studio
est devenu l’un des plus populaires à Montréal. En plus, nous venons d’en
ouvrir un deuxième, même si je pensais que je ne trouverais jamais le
financement pour ce projet. Et il y en aura sûrement d’autres. Le succès de
nos studios m’a permis d’acquérir une autre croyance responsabilisante: je
comprends à présent que je suis un bon gestionnaire. J’ai géré un pupitre
d’obligations à 32 ans, une firme de placements à 40, et maintenant je gère
des studios de yoga. Bref, j’ai quelque chose à offrir, je reviendrai là-dessus
un peu plus loin.
Des expériences passées découlent des associations auxquelles on doit
s’attarder. S’agit-il de souvenirs de plaisir ou de douleur? Comme notre
instinct de survie nous porte à éviter à tout prix la douleur, si elles sont
chargées de préjugés, ces convictions deviendront notre perception de la
réalité. Cette association détermine notre intention et le potentiel de nos
gestes lorsque ces derniers consistent en des actions ou des réactions et que
les résultats s’intègrent ou non dans la gérance de notre mission de vie. Il est
important de bien comprendre les moments clés qui ont mené à ces
convictions et de forger de nouvelles associations.
Je considère vraiment Hélène, la femme de mon père, comme ma vraie
mère, car c’est elle qui m’a élevé et elle a joué un grand rôle dans ma vie en
me permettant de prendre de l’assurance. Elle a toujours cru en moi et en ma
réussite. Le moment clé est venu à l’âge de 20 ans, lorsque j’ai emménagé en
appartement avec ma petite amie d’alors, qui deviendra plus tard ma femme
et la mère de mes quatre filles.
Nous avions demandé un prêt de 5000$ à la banque pour nous acheter des
meubles, mais celle-ci avait refusé de nous accorder un prêt, même si nos
parents nous cautionnaient. C’est alors qu’Hélène a déclaré au banquier: «Ce
garçon-là va si bien réussir que, dans peu de temps, vous allez lui courir après
pour lui prêter de l’argent…» Ce fut là un «moment clé». Malgré les petites
difficultés, je venais de créer une association positive. J’ai pris conscience
que j’avais tout pour réussir à condition, bien sûr, d’y mettre du travail et de
l’amour.

Et vous?

Avez-vous vécu des moments clés qui ont marqué votre vie?
Quelles croyances y sont liées?
À quels sentiments les associez-vous?

Les rôles qui nous limitent


Si quelqu’un m’avait dit, à l’époque où je travaillais dans la finance à New
York, à Toronto ou à Montréal, qu’un jour je serais dans le rôle d’un
professeur de yoga, j’aurais déclaré sans hésiter que cette personne, selon
l’expression consacrée, «en fumait du bon». Et cela pour deux raisons: la
première, c’est que je ne pensais pas être capable d’évoluer ailleurs que dans
le monde de la finance, et la seconde, que je croyais que les professeurs de
yoga se déplaçaient à vélo, qu’ils portaient des sandales du genre
«gougounes», des jeans troués, un cafetan loqueteux, et qu’ils peinaient à
payer le loyer de leur minuscule logement. Même si, d’une certaine façon, il
peut y avoir dans ma perception une part de vérité, en général, lorsque nos
pensées nous empêchent de percevoir la réalité à cause de notre
préconditionnement, on peut dire que ce sont nos croyances ou convictions
limitatives, appelées couramment «limitantes» dans notre milieu, qui nous
éloignent de la vraie vie et jouent le rôle de freins.
Notre rôle est une enveloppe extérieure qui sert à combler un besoin de
reconnaissance. Ce rôle, cette enveloppe vient avec un guide d’utilisation,
une manière de se comporter, avec des façons de penser et des croyances
diverses. On y trouve, à titre d’exemple, le métier, le statut social ou familial,
les avoirs, le corps, la nationalité, la religion. Mais ce qui prime souvent, du
moins ça l’était pour moi en début de carrière, c’est le titre professionnel, qui
détermine le rôle principal. Il semble naturel et un peu normal de nous
identifier à notre métier, puisque nous lui consacrons nos plus belles années
et les meilleures heures de notre journée.
J’ai longtemps cru que, pour être professeur de yoga, il fallait jouer le rôle
de ces ascètes hindous que l’on nomme yogis. Je me souviens précisément
d’un mariage auquel j’assistais en 2010, juste avant de terminer ma formation
de professeur. J’étais vêtu d’un complet de ville comme ceux que je portais
lorsque je travaillais dans la finance. J’ai demandé à mon père, qui était
également présent à la réception: «Papa, quand je vais être un yogi, comment
vais-je devoir m’habiller pour assister à un mariage?» Il m’a répondu que
j’étais bien «niaiseux». Et il avait tout à fait raison.
J’aurais dû l’écouter, mais j’étais convaincu que, pour survivre dans la
société, il fallait se cantonner dans un rôle. Après avoir terminé ma
formation, j’ai opté pour le rôle du yogi parfait: cheveux longs, barbe,
colliers, vêtements traditionnels hindous, régime végétarien, abstinence
d’alcool et d’activité sexuelle comme recommandé dans la Brahmacharya,
un recueil de textes sacrés. Tout cela dans le but d’être finalement alimenté,
dynamisé spirituellement par la vie. En fin de compte, ce n’était qu’une autre
prison, même si elle semblait bien noble: une prison avec des règles rigides et
strictes qui ne nous donnent pas accès à l’éventail de talents et de forces qui
nous habitent.
Le problème, c’est que plus nous réussissons (sans nécessairement être
heureux) dans un domaine ou un autre, plus nous recevons de reconnaissance.
Or, comme c’est notre rôle qui la reçoit et qui, d’une certaine façon, en
accuse réception, nous nous trouvons restreints à celui-ci. Il nous emprisonne
et nous empêche de déployer la diversité de nos forces. Inévitablement,
plusieurs diront qu’un yogi ne peut pas se comporter comme un arbitragiste à
Wall Street. Nous sommes donc contraints à agir selon un rôle social défini
afin d’obtenir des autres l’estime qui nous revient. En témoignent les
observations qui suivent.
Les étudiants en médecine ou en droit ne tardent guère à porter le
costume de leur profession et à s’appeler entre eux «docteur» et «maître»,
bien qu’ils ne soient encore que des novices. Imaginez un médecin, un
avocat, un professeur de yoga, une personne qui travaille dans la construction
ou encore un vendeur. Vous vous attendez à les voir vivre, agir et parler
d’une certaine façon, non? Et si vous croisiez un professeur de yoga qui jure
constamment ou un médecin qui mange des chips pendant ses consultations?
Nombre d’entre nous condamneront probablement de tels comportements
considérés comme peu convenables. Sachant cela, ceux qui tiennent ces rôles
choisiront, souvent inconsciemment, de s’attacher à leur rôle afin d’éviter de
se soumettre au jugement des autres. Dans votre propre rôle, que vous
interdisez-vous de faire?
En tant que yogi de Wall Street et en tant personnalité publique, on
s’attend aussi à ce que j’adopte un certain comportement. Par exemple, si je
suis en costume-cravate, on est surpris de savoir que j’enseigne le yoga, et
quand je suis habillé pour pratiquer le yoga, on est étonné d’apprendre que
j’ai travaillé dans le milieu de la finance. Mais, dans le fond, le yogi de Wall
Street, c’est un rôle de rien, en d’autres termes, le rôle d’un humain à l’école
de la vie.
Et c’est un peu cela, le problème: notre rôle est une prison. Notre
personnage social, avec les croyances qui s’y rattachent, nous impose une
conduite de laquelle il ne faut pas dévier, sous peine d’être jugé, ou de nous
juger nous-mêmes.
En effet, nous associons des expériences d’ordre professionnel et
personnel à la réussite ou au plaisir, tandis que d’autres sont assimilées à
l’échec, à la douleur, à la souffrance et à toutes sortes d’émotions négatives.
Notre instinct de survie nous encouragera à répéter les expériences relatives
au plaisir et à fuir les autres. Comme nous sommes habités par notre mode
par défaut, c’est-à-dire notre instinct de survie qui cherche à éviter la douleur
à tout prix, certaines décisions entraînent souvent des conséquences négatives
et ont des répercussions tout au long de la vie adulte, même si ces décisions
semblent anodines et même si nous en sommes inconscients.
Nous sommes loin d’exploiter tous nos pouvoirs, loin d’agir de façon à
donner le meilleur de nous-mêmes. Je peux en témoigner, ayant été moi-
même préoccupé dans ma vie professionnelle de répéter des expériences que
je croyais positives et d’en éviter d’autres que j’estimais négatives, ce qui
m’empêchait de vivre ma vie pour ce qu’elle est véritablement.

Et vous?

Avez-vous tendance à répéter les mêmes cheminements?


Avez-vous conscience du ou des rôles que vous vous êtes créés?
Qui prend les décisions: vous ou votre rôle?
Avez-vous l’impression d’avoir accès à tous vos pouvoirs?

Dans ce chapitre, j’ai présenté plusieurs types de croyances afin que vous
puissiez vous-même répondre à la question «Êtes-vous conscient de vos
croyances?» Demandez-vous quelles croyances vous avez associées à des
sujets qui peuvent être très délicats. Par exemple, si vous venez d’une famille
modeste, vous avez peut-être passé une partie de votre vie à mépriser les
riches et leurs biens et ainsi établi une association négative avec l’argent.
Vous devez comprendre les blocages qui vous nuisent et créer de nouvelles
associations positives.
Je rencontre trop souvent, en coaching, des professionnels qui se
sabordent à leur insu. Des croyances limitantes ou faussement positives sur le
succès ou l’échec guident souvent leurs décisions dans une direction opposée
à leur mission. Une prise de conscience, un questionnement sur nos façons de
penser constituent souvent un pas vers l’éveil et la réalisation de notre
mission.
De plus, nos croyances limitantes ne comblent pas nos besoins de façon
optimale. Pour changer, il faut comprendre que, d’une certaine façon, nous
sommes prisonniers, prisonniers des croyances que nous nous sommes
imposées. Cette prise de conscience se produit souvent à la suite d’un échec,
d’une leçon de vie ou d’un autre événement clé. À ce moment-là, on
découvre le plaisir de se tourner plutôt vers des croyances qui nous donnent
du pouvoir et nous libèrent. Il faut alors créer de nouvelles associations,
comprendre que les anciennes nous emprisonnent et que les nouvelles nous
délivrent, puis répéter le processus aussi souvent que possible.

«ÊTES-VOUS CONSCIENT DE VOS CROYANCES?»


La réponse de Pierre-Yves McSween

Pierre-Yves McSween est né en 1979. Ce comptable professionnel


agréé, prof de cégep, animateur et auteur, croit en une économie
prospère, mais s’inscrit en faux contre les aspects les plus artificiels de
la société de consommation, dont les achats inutiles. Il recommande de
ne pas s’endetter pour simplement épater la galerie, de ne pas jouer au
«voisin gonflable», mais d’employer son argent à des projets plus
constructifs. Son slogan a pris la forme d’un livre à succès au Québec,
En as-tu vraiment besoin?
Pierre-Yves McSween a longtemps cru qu’il était peu brillant et
dénué de talent. De plus, le manque d’argent occasionné par son souci
d’économiser l’empêchait de se payer quelques petites gâteries
d’étudiant, comme voyager. C’est pour ces raisons, entre autres, qu’il ne
se donnait pas le droit de changer le comportement qui le poussait au
déséquilibre. Il recherchait les excès et sentait le besoin de se mettre en
valeur. Mais, une fois ses croyances limitantes décodées, il a pu
avancer. Passionné par ce qu’il fait, il est maintenant conscient de sa
valeur. Par ailleurs, la peur de vivre dans la pauvreté le pousse à
travailler fort et à économiser.
Le fait de considérer l’argent comme un outil et non comme un
objectif ou une fin en soi me donne pouvoir et flexibilité, au lieu de
m’amener à me retrouver, comme beaucoup d’entre nous, limité à me
définir par mon compte en banque. Mais, sans aucun doute, la croyance
qui me donne le plus de pouvoir, c’est de me demander si j’ai vraiment
besoin de telle ou telle chose, et cela, pour toutes les décisions que je
peux prendre dans ma carrière et dans ma vie, aime-t-il rappeler.
Chapitre 2
De quoi avez-vous peur au juste?

La plupart d’entre nous sont habités au quotidien par l’instinct de survie, qui
s’exprime dans la façon dont nous nous sentons psychologiquement et
émotionnellement lorsque nous sommes dans notre mode dit «par défaut»,
c’est-à-dire en mode survie, inquiet et apeuré. La neuroscience a récemment
découvert ce que plusieurs sages savaient depuis des milliers d’années: dès
que nous cessons une tâche cognitive, quelle qu’elle soit, s’active ce qu’on
appelle souvent notre «hamster». Cette petite bête fait en sorte qu’on demeure
toujours dans notre tête, à réfléchir, à angoisser.
Même s’il fut essentiel pour la survie de l’espèce humaine, ce mode par
défaut, qui engendre la peur, est tout à fait inutile s’il n’est pas maîtrisé en
vue d’assurer le bien-être et l’accomplissement de la personne humaine. Je
me suis moi-même retrouvé plus souvent qu’à mon tour sous l’emprise de ce
rongeur, à me préoccuper de la survie de mon identité sociale, à juger, à
douter, à critiquer, à me faire des peurs pour des choses inexistantes et à
trouver des solutions à de faux problèmes.
La science explique bien ce qui m’est arrivé et nous arrive à tous.
Lorsque nous sommes habités par nos peurs, coupés de notre cœur et de ce
qui nous nourrit essentiellement, nous nous vidons de nos forces, de notre
pouvoir et, plus précisément, de notre sérotonine (un antidépresseur naturel).
Dans mon cas, c’est ce qui explique pourquoi je me suis souvent senti
dépourvu devant les vrais problèmes de la vie humaine ou devant les défis
professionnels, pourquoi j’ai souffert de dépression et que cet état a duré
aussi longtemps. Je montrerai comment la peur au quotidien a orienté mes
décisions et marqué mes choix de carrière, et ce, de façon parfois douteuse.
Lorsque nous avons peur, nous perdons souvent notre pouvoir de réussite.
Nous avons tous la capacité d’accomplir ce à quoi nous sommes destinés,
mais la peur de l’échec, du succès, de ne pas être aimé – et surtout la peur de
la douleur – nous hante tous. Nous vivons dans la polarité: d’une part, il y a
la peur de mourir; de l’autre, le besoin de survie. Et presque rien entre les
deux. La réussite ou l’échec, le beau ou le laid. Comme nous nous identifions
à notre rôle, à ce que nous pensons être, nous sommes aussi préoccupés par la
survie de ce rôle.
Habités par cette peur, nous allons tout faire pour éviter de souffrir et
tenter tout ce que nos moyens nous permettent pour trouver le plaisir et
répondre à nos différents besoins humains. Mais comme la force dominante
est la peur, nous allons souvent satisfaire nos besoins d’une manière erronée,
sous-optimale et parfois même à l’encontre de nos valeurs profondes. Nous
nous contenterons de petits plaisirs, souvent sans voir ni comprendre le vrai
plaisir, c’est-à-dire celui de se réaliser, de contribuer à quelque chose au-delà
de nous, d’accomplir notre mission.
Lorsque nous avons peur, notre instinct animal, souvent, reprend le
dessus. Nous rougissons, notre cœur bat plus vite, nous sommes prêts à
attaquer ou à fuir afin de survivre. Si vous êtes sur la route et qu’un cycliste,
un enfant à pied ou une voiture vous coupe la voie, que se passe-t-il dans
votre corps? L’adrénaline monte et vous réagissez rapidement, sans réfléchir.
Parfois, j’ai l’impression que me sentais exactement comme ça lorsque mon
patron ou un gros client m’appelait. J’anticipais un désastre. Je me préparais
rapidement à avoir peur.
J’ai longtemps pensé que je ne devais pas ressentir la peur du tout et j’ai
alors compris comment utiliser ces réactions physiologiques. En étant plus
conscient que la menace n’existe pas, je vois maintenant que mon corps se
prépare à accomplir une grande tâche en vue de ma mission. Au lieu de
l’alimenter par la peur, je l’alimente par l’amour.
Chacun d’entre nous dirige son attention sur ce qui l’interpelle
précisément. À titre d’exemple, vous conduisez votre voiture dans une
tempête de neige et la voiture dérape tout à coup. Au bord de la route, il y a
un arbre, un seul, et c’est tout ce que vous voyez. Vous avez peur, vous ne
voulez pas le heurter, mais, dans la plupart des cas, la voiture le percutera.
Cela ressemble au coup classique de la tartine qui tombe immanquablement
sur son côté beurré.
En 2007, j’ai acheté une Porsche pour mon père et j’ai décidé de garder la
voiture à mon nom. Je lui avais dit: «On ne sait jamais ce qui peut arriver, si
jamais j’ai besoin d’argent, je la revendrai.» Même si je possédais une
fortune personnelle de plusieurs millions de dollars, j’avais peur de tout
perdre, et c’est précisément ce qui est arrivé moins de cinq ans plus tard.
Quand j’ai ouvert mon premier studio de yoga, ma situation financière était
devenue vraiment critique et j’ai dû vendre la Porsche de mon père. Chaque
fois que nous avons des peurs et que nous leur consacrons inconsciemment
toute notre énergie, elles finissent par se manifester d’une façon ou d’une
autre et nous empêchent d’avancer. Il y a un message important dans ces
peurs qui reviennent couramment.
Souvent, la peur est la raison pour laquelle nous temporisons. Nous
craignons la douleur que peut engendrer une action, sans voir le plaisir qui
accompagne le fait de nous accomplir. Il en va de même pour l’argent et le
succès. Je pense que si quelqu’un a moins d’argent qu’il ne le voudrait et ne
réussit pas, c’est peut-être parce qu’il a peur de souffrir et qu’il remet donc
tout au lendemain ou fait des choix pour se procurer de petits plaisirs sans
penser de façon plus globale. Ma situation financière est bien meilleure
qu’elle ne l’était en 2014 et si elle n’est pas meilleure en 2020, ce sera parce
que j’aurai eu peur de réussir.
Même si j’ai souvent affronté mes peurs et souvent arrêté d’avoir peur de
la peur elle-même, cela ne m’a pas empêché d’être habité par celle-ci au
travail. Caché derrière mon rôle, mon image, j’avais peur de ne pas être assez
compétent, peur de perdre le respect des autres s’ils me connaissaient mieux,
peur de ne pas tout savoir, et ainsi de suite. Depuis que je raconte mon
histoire dans mes conférences, dans mes écrits ou à l’occasion de mes
séances de coaching, je m’aperçois que mon parcours, bien qu’il soit
atypique, révèle des peurs qui sont souvent les mêmes que celles des gens au
parcours différent.
Comme nous nous servons de notre rôle pour combler notre besoin de
reconnaissance, ce n’est pas le vrai moi qui reçoit cette reconnaissance. C’est
pour cette raison que nous avons le sentiment d’être des imposteurs; nous
nous disons aussi que si les autres savaient que nous ne correspondons pas
vraiment au rôle que nous jouons, ils concluraient que nous ne méritons pas
d’être aimés.

Et vous?

Avez-vous des peurs qui se manifestent régulièrement?


Quelles sont-elles? Quelle en est la source?
Avez-vous les outils pour vous sécuriser ou pour les neutraliser?
La peur est-elle la source de votre procrastination?
Avez-vous peur d’être la personne que vous êtes vraiment?

La peur de ne pas avoir été aimé


Il est prouvé scientifiquement que le nouveau-né a besoin d’amour pour
survivre. Notre instinct de survie nous pousse souvent inconsciemment à
rechercher l’amour que nous avons reçu de notre mère au moment de notre
naissance, lorsque son organisme sécrétait de l’ocytocine, cette hormone de
l’amour. Le fait même d’être à la recherche de quelque chose envoie un
message à notre esprit pour le prévenir de ce manque. Cette recherche
d’amour ou cette impression de ne pas être aimé est souvent à l’origine de
nos peurs et attise notre besoin de survie.
J’ai certainement reçu ce genre d’amour lorsque je suis venu au monde,
mais ma mère avait 18 ans à l’époque, elle était encore dans l’adolescence.
Mon père, lui, était un jeune étudiant en médecine. Même si on ne lui a
jamais diagnostiqué une maladie mentale, ma mère a souffert de nombreuses
dépressions et a fait plusieurs tentatives de suicide, en plus d’avoir des
comportements qui s’apparentaient à ceux qui sont associés au trouble de
personnalité limite. Du temps que mes parents vivaient ensemble, nous
avions une nounou à la maison. Parmi mes souvenirs d’enfance, j’ai celui de
ma mère, à moitié droguée ou cuvant son vin, qui est étendue sur son lit et la
nounou me demande de ne pas la déranger.
Très instable, ma mère menaçait constamment mon père d’abandonner la
maison familiale et de le quitter. Mon père venait d’une famille très
catholique où le divorce était contraire aux valeurs familiales. Il faisait donc
tout en son pouvoir pour garder sa femme à la maison, quitte à accepter ses
amants. Voilà un autre exemple de quelqu’un qui déroge à ses valeurs pour
répondre à certains besoins. Je me souviens d’avoir vu ma mère (qui était très
belle), durant la journée, avec des hommes différents, dans la chambre de
mes parents. Il y a des choses qu’un jeune enfant de cinq ans peut
comprendre et trouver étranges. Je me rappelle aussi avoir vu mon père
discuter avec ces hommes. À l’occasion d’une crise d’hystérie de ma mère, il
avait même offert à l’amant de l’heure de venir habiter avec nous. Ce ne sont
pas des fabulations d’enfant. J’ai confirmé ces souvenirs avec mon père sur
son lit de mort.
Ma mère était trop occupée à prendre soin de ses pulsions et de ses
amants pour pouvoir aimer ses enfants de façon vraiment saine. Finalement,
après bien des hésitations, mon père a demandé le divorce. Au terme de
longues procédures, il a obtenu la garde exclusive de ma sœur, la seule, à
l’époque, et de moi. Nous ne voyions notre mère qu’un week-end sur deux.
Au début des années 1970, la garde partagée constituait une exception; le fait
que le juge a accordé à mon père la garde complète de ses enfants témoigne
que ma mère était sérieusement instable.
Après quelque temps, je ne voulais même plus aller chez elle un week-
end sur deux. Elle avait des problèmes de consommation d’alcool et
entretenait des relations amoureuses très houleuses. Il n’y avait rien de
vraiment invitant pour moi dans son monde faisandé. J’ai eu beaucoup de
chance, car mon père a refait sa vie avec une femme exceptionnelle, qui nous
a d’emblée adoptés et je n’ai jamais senti de différence dans l’amour qu’elle
nous portait, à ma sœur et à moi, et celui qu’elle avait pour ses propres
enfants, mon demi-frère et ma demi-sœur.
Mais ma mère était une grande manipulatrice, devenue experte dans la
pratique de l’aliénation parentale: elle rabaissait sans cesse ma belle-mère et
mon père, si bien que, même s’ils avaient beaucoup d’affection pour moi, je
ne leur ai pas permis de les laisser m’aimer. Je me suis protégé, non
seulement parce que je ne leur faisais pas confiance, mais aussi parce que je
ne voulais pas paraître vulnérable devant ceux que ma mère me dépeignait
comme de méchantes personnes.
Comme son comportement était malsain et manipulateur, j’ai arrêté de
voir ma mère vers l’âge de 25 ans et l’ai tenue à l’écart pendant au moins 20
ans, jusqu’à ce que j’apprenne que son état de santé se détériorait. Ayant
œuvré auprès de malades atteints de cancer, et ayant moi-même survécu à
cette maladie, je me suis dit que c’était peut-être un bon moment pour
reprendre contact avec la malheureuse qui se cachait derrière cette femme
souffrante et manipulatrice et que je pouvais, par la même occasion,
représenter mes autres frères et sœurs. Ma mère est morte d’un cancer du
poumon presque un an jour pour jour avant mon père. Elle avait eu quatre
autres enfants de deux autres unions.
Le soir de son décès, nous sommes allés souper au restaurant entre
membres de la même fratrie. Tout le monde y est allé de son apologie.
Pendant la vingtaine d’années où je n’avais pas vu ma mère, je m’étais
souvent demandé si j’allais assister à ses funérailles. Cette question me
tourmentait toujours, mais, enfin, j’ai tout de même fait acte de présence à ce
souper. Lorsque ce fut à mon tour de parler, j’ai déclaré que je me résignais à
ne jamais avoir eu de mère, à ne jamais avoir reçu cet amour maternel dont
nous avons tous besoin. Une de mes sœurs a très mal réagi.
Malheureusement, c’était vraiment ce que j’avais vécu.
Je n’avais pas encore tout à fait compris comment cette situation avait pu
m’affecter dans ma vie personnelle et professionnelle. Même si j’avais
consulté des coachs et des psys pendant sept ans, aucun d’eux n’avait abordé
la question. Je ne comprends pas encore toutes les répercussions qu’ont eues
ce manque d’amour maternel et le fait d’avoir refusé à mon père de m’aimer
pendant si longtemps.
Grâce à mes recherches et à mes études pour devenir coach, j’ai
approfondi le sujet, mais j’ai eu un flash lorsque je suis passé sur le plateau
de tournage de Banc public, avec Guylaine Tremblay. Avant le tournage,
nous devions parler pour d’autres prises de vues. Je suis toujours intéressé par
l’histoire des autres et j’adore que mes interlocuteurs se racontent. Guylaine
Tremblay, qui est une tête d’affiche aimée du grand public, venait de gagner
un autre prix pour son rôle dans Unité 9. Je lui demande donc si elle apprécie
ce qui lui arrive. Elle me répond sans hésitation par l’affirmative. Je lui
demande ensuite ce qui lui permet de savourer cette popularité au lieu de la
subir et de se retrouver vidée par autant d’attention. Guylaine m’explique
alors qu’elle a eu un très bon père, qui l’a aimée de façon inconditionnelle. Je
lui réplique: «Tu sais donc que tu mérites d’être aimée», et elle me répond
que c’est exact. Dans mon rôle de coach, je constate assez régulièrement que
l’impression que nous avons de ne pas mériter d’être aimés nous maintient
dans une peur constante. Rien de bien ne peut se produire lorsque nous
sommes habités par la peur. Toute décision prise sous l’influence de la peur
est mauvaise et nous empêche d’accepter notre vraie mission. Cet amour,
ainsi que la certitude d’avoir le droit d’être aimée, permet assurément à
Guylaine d’être encore meilleure dans ce qu’elle fait, mais aussi d’être
alimentée par sa vie et sa mission, au lieu de laisser la vie l’épuiser dans une
course sans fin.
Lorsque je sens que mes clients de coaching agissent par peur et que je
perçois cette quête d’approbation, ce besoin d’être aimé, je discute avec eux
de la relation qu’ils entretiennent avec leurs parents. S’ils me confient avoir
l’impression de ne pas avoir été aimés ni voulus, je leur demande souvent
d’aller confirmer cette perception auprès de leurs parents. Il n’est pas facile
d’être parent ni de savoir quoi dire à ses enfants. En tant que père, j’en sais
quelque chose! Mais si, à un moment donné, nous avons l’impression que nos
parents ne nous aimaient pas, nous aimaient peu ou moins que d’autres, tout
le reste sera interprété à partir de cette neuro-association. Je recommande
donc à mes clients d’aller vérifier auprès de leurs parents et de leur demander
s’ils ont été désirés, aimés, ou toute autre question de cette nature. Dans la
plupart des cas, les parents éclatent en sanglots et sont heureux de pouvoir
rassurer leurs enfants. Cela agit souvent comme un baume et représente un
moment-clé dans cette relation, qui va dès lors atteindre un autre niveau.
Alors que mes clients associaient la peur de ne pas être aimés au fait qu’ils
ont manqué d’amour, ils pourront, à la suite de cette discussion, créer une
nouvelle association positive, soit celle qu’ils sont aimés,
inconditionnellement, et qu’ils n’ont plus besoin d’avoir peur.
Lorsque je revois ces clients et qu’ils me font part de la réponse – presque
toujours positive –, je les incite à revoir tous les moments clés qu’ils ont
interprétés comme étant des signes d’un manque d’amour. Je leur demande
de repasser tous ces moments dans leur tête avec les deux mains sur le cœur.
Riches de l’amour de leurs parents, ils se retrouveront tout d’un coup dans un
état d’abondance émotionnelle.
Je leur donne un exemple de mon enfance: le jour de ma confirmation,
mon père n’avait pu être présent. J’avais interprété son absence comme un
manque d’amour manifeste, ce qui avait laissé un trou béant en moi. J’ai
appris plus tard que c’est justement parce qu’il m’aimait et qu’il pensait au
bien-être de la famille qu’il avait dû me faire faux bond: il avait été appelé
pour un accouchement. Je me suis alors senti rassasié, comblé par la vie, au
lieu d’être sous l’emprise d’un sentiment de vacuité.
Se peut-il que ce même sentiment se retrouve dans notre vie
professionnelle? Avez-vous le souvenir d’événements professionnels qui
vous ont déçu, que vous avez interprétés comme un manque d’appréciation
de la part de vos pairs ou de vos supérieurs? Avec le recul, il est possible de
comprendre que, malgré tout, vous avez été aimé et apprécié. Soudainement,
le fait de ne pas avoir eu la promotion souhaitée, le nouveau bureau, ou
d’avoir été renvoyé du siège social de l’entreprise, n’a plus la même
signification. Nous comprenons que nous ne sommes pas des victimes
injustement traitées et prenons pleinement conscience que c’était pour le bien
de tous, y compris le nôtre.
Quand vous êtes face à ce type de situation difficile, je vous suggère de
visualiser le reste de votre carrière professionnelle sachant que vous méritez
d’être aimé tel que vous êtes. Au quotidien, posez vos mains sur votre cœur,
fermez les yeux et répétez-vous des dizaines, voire des centaines, de fois que
vous avez été aimé et que vous méritez de l’être. Ainsi, vous allez créer de
nouvelles associations qui feront en sorte que, lorsque de prochains
événements ne se dérouleront pas selon vos attentes, votre première réaction
instinctive sera de penser que vous êtes aimé et que ce qui arrive arrive tout
simplement.
Lorsqu’une personne me confie ne pas avoir été aimée par ses parents, je
lui demande s’il y a quelqu’un d’autre qui l’aime. Ce peut être un ami, un
enfant, un frère ou une sœur, un oncle ou des grands-parents. Il est tout à fait
possible que nos parents ne nous aiment pas ou nous aiment très mal, comme
dans le cas de ma mère. Cela ne veut pas dire que nous ne méritons pas d’être
aimés tels que nous sommes. Nous refaisons ensuite le même travail.
Je vous invite à réfléchir concrètement à l’amour autour de vous en
répondant à ces questions:

Et vous?

Avez-vous été aimé?


Vous êtes convaincu que non? Allez vérifier.
Pensez-vous que vous méritez d’être aimé pour qui vous êtes
vraiment?
Votre vie personnelle et professionnelle serait-elle différente si
vous saviez que vous avez été aimé et que vous le méritez?

La peur du regard des autres


J’ai commencé à avoir peur du regard des autres assez tôt dans la vie. Au
collège, à la fin des années 1970, nous n’étions que deux dans la classe dont
les parents étaient séparés: mon ami Pat et moi. Ce n’est pas facile, à cet âge-
là, de se sentir différent. J’avais peur du jugement des autres à cause de cette
différence. C’est là que j’ai développé ma personnalité d’hyperperformant
dans tout. Quart-arrière au football, président de ma classe, la plus grosse
boule de cheveux frisés pour braver les frères du collège, le rôle de la bête
sauvage au basketball, les plus grosses fêtes d’étudiants, et ainsi de suite.
Tout ça, c’était de la fuite, parce que j’étais habité, comme bien des gens, par
cette peur constante. Je voulais à tout prix être aimé des autres.
Durant toutes mes années dans la finance, alors que j’essayais d’être un
dur à cuire, j’étais mû par cette peur de ne pas être à la hauteur, d’être un
imposteur, de perdre le respect de mes collègues s’ils venaient à découvrir
qui j’étais réellement. Ainsi, lorsque je rencontrais mes collègues, je les
voyais d’abord comme une menace potentielle. Je demeurais distant, comme
étranger, à imaginer un scénario pour me défendre, tandis que mon
interlocuteur ne faisait qu’exprimer son point de vue. J’étais prêt à attaquer
pour ne pas être blessé. Ce faisant, je me privais de la richesse de son
commentaire. Au lieu de permettre à la vérité de traverser mes yeux sans
jugement, j’étais dans ma tête. Quand on vit dans sa tête, on est dans
l’illusion, on transforme la vérité et on se retrouve souvent à une peur et à
une pensée de la vie. C’est pour cette raison que l’on se sent souvent comme
un étranger sur la terre. Bloqué, coupé, il m’est impossible de bien faire mon
travail et d’accomplir ma mission. Nous ne pouvons pas mesurer ce que nous
avons quand, dans notre tête, nous nous perdons dans des scénarios inutiles
sur la survie de notre ego. Comme cette histoire d’un homme sur son lit de
mort qui raconte: «J’ai eu une belle vie, mais je n’en ai pas profité, car j’ai été
paralysé par toutes ces peurs qui ne se sont jamais matérialisées.» Un peu
dommage, non?
Au début des années 2000, je venais d’être nommé chef des placements
pour une firme de gestion de portefeuille qui gérait principalement des
actions. J’avais environ 12 ans d’expérience dans les marchés, surtout dans
les devises et les obligations, mais aucune expérience dans les actions. De
plus, j’étais gestionnaire depuis seulement deux ans. Étant jeune gestionnaire
et néophyte dans le milieu des actions, j’avais donc doublement le sentiment
d’être un imposteur et de ne pas être à la hauteur de la tâche. Par contre, une
de mes croyances responsabilisantes était que les principes de gestion utilisés
pour battre les différents marchés se ressemblaient beaucoup et que je devais,
pour réussir, les appliquer avec rigueur et discipline.
Je suis donc devenu le patron des gestionnaires et des analystes qui
s’occupaient des actions. Avec leur aide, j’ai établi une nouvelle philosophie
et un processus d’investissement. Mais constamment, j’avais cette voix en
moi qui doutait, qui ouvrait la porte au jugement des autres. Je me souviens,
par exemple, du gestionnaire des actions internationales, un professionnel fort
intelligent ayant des idées originales, un atout très précieux dans ce domaine.
Comme il n’hésitait pas à se montrer différent des autres, il ne se gênait guère
pour défier mon autorité ou souligner mon manque d’expérience et de
connaissances. C’est du moins ce que ma peur m’amenait à ressentir. Pour
moi, il était une menace. Pas un atout, une menace.
Chaque vendredi, nous avions des rencontres avec le comité
d’investissement. Ce matin-là, j’étais, comme d’habitude, parti chercher mon
café au rez-de-chaussée de l’édifice et je me suis rendu compte que j’avais
peur… Je me demandais si j’allais pouvoir savourer mon café en paix ou non
et si ma matinée allait être gâchée par ce gestionnaire aux idées
innovatrices… C’est simple, j’avais peur de la peur, et quand nous focalisons
notre attention sur quelque chose, nous y engageons également toute notre
énergie, bien malgré nous. C’est comme si je vous disais que vous pouvez
obtenir tout ce que vous voulez, sauf si vous pensez à un éléphant vert. Votre
réaction sera certainement de vous efforcer de ne pas penser à une telle
absurdité. Et vous risquez de dépenser beaucoup d’énergie à éviter d’y
penser.
Au lieu de prendre plaisir à remplir ma mission et à travailler avec ce
professionnel innovateur et intelligent, de l’accepter tel qu’il était, de lui
accorder un espace pour s’exprimer, de lui faire sentir qu’il était aimé et
apprécié et de me libérer du besoin d’affirmer mon autorité, je sortais épuisé,
vidé, de ces réunions. J’ai perdu mon temps, mon énergie et ma capacité de
présenter tout ce que j’avais à offrir pour bien gérer la firme et ses employés,
battre les marchés et augmenter les rendements et les avoirs de la maison.
Cela m’aurait été très profitable, puisque j’en étais le deuxième actionnaire en
importance. C’est un exemple parmi d’autres, mais nombreux sont les cas où
j’ai eu peur du jugement des autres au lieu de m’ouvrir et d’accueillir la
différence.
Et vous?

Au travail, avez-vous l’impression d’être attaqué?


Ces attaques sont-elles bien réelles ou sont-elles des projections
de votre sentiment d’insécurité?

La peur de perdre le contrôle


Un autre souvenir d’une situation où j’ai réagi dans la peur m’est revenu au
moment d’écrire ce livre. M’étant rendu au lave-auto pour doucher la «Volvo
du yogi», je remarque qu’une Lamborghini neuve me précède à la sortie,
prête à partir. Amateur de belles voitures, je m’approche. Le propriétaire me
regarde et me reconnaît, mais il feint de ne pas me voir et s’enferme dans son
véhicule. Je descends de ma voiture pour le saluer. Il me fait un signe de
politesse et démarre en trombe. Qui est cet homme? Il y a exactement 20 ans,
c’était un jeune homme qui débutait dans la gestion de portefeuille. Il
travaillait pour une firme avec laquelle nous venions de fusionner. Moins
d’une semaine après la fusion, il était parti pour aller travailler pour un
gestionnaire montréalais de fonds spéculatifs. Avant son départ, il était venu
me voir et m’avait dit: «Monsieur Giasson, j’aurais vraiment aimé travailler
avec vous, mais je dois saisir cette occasion…»
Environ quatre ans plus tard, alors que je suis chef des placements et
habité par cette peur de ne pas être à la hauteur, nous sommes en train
d’évaluer un projet de partenariat avec un autre gestionnaire. Un de mes
associés me propose cette firme de Montréal, dont l’homme à la Lamborghini
était devenu partenaire. Je me dis que cette firme est plus évoluée que la nôtre
dans la gestion de ce type de fonds, que je ne serai probablement pas nommé
responsable et, pour ces raisons et toutes sortes d’autres considérations
futiles, je refuse de fusionner avec la firme concernée et nous en choisissons
une autre de New York.
Ce fut une décision déplorable. La firme de Montréal a connu un succès
incroyable et, à en juger par la voiture de l’homme en question – bien que ce
ne soit pas un gage de réalisation de soi –, les associés avaient bien réussi. La
firme de New York, elle, a connu des résultats désastreux. Par peur de ne pas
contrôler, par peur de déléguer du pouvoir à un associé qui me semblait
hostile et de donner du lest à deux personnes que je ne connaissais pas, j’ai
manqué à ma mission, pour moi, pour mes associés et, surtout, pour mes
clients.
Le talent sous-utilisé ou même mal utilisé engendre de la peur. Si vous
passez votre temps à vous protéger ou à défendre votre rôle, vous ne pouvez
pas offrir ce que vous avez. Vous ne serez donc pas alimenté par la vie et
serez malheureux. Pourquoi s’acharner à tenir un rôle qui ne vous est pas
destiné? Il est aussi possible que vous ne soyez pas la bonne personne pour le
rôle. Si tel est le cas, bien que ce soit une déception pour l’ego, au plus
profond de vous, vous serez libéré par cette constatation. En coaching, ce que
je recommande c’est de donner tout ce que nous avons à donner par plaisir de
nous réaliser. Si cela fonctionne, bravo! Nous accomplissons notre mission.
Si cela ne fonctionne pas et que nous nous retrouvons à la porte, eh bien!
encore bravo! C’est sûrement un soulagement. Nous trouverons ailleurs un
autre poste pour remplir notre mission. Il est important de tenir compte de ce
que nous avons à offrir de différent et de le donner sans craindre le résultat.
Si je ne suis pas fait pour être chef des placements et que j’ai tout donné par
plaisir de me réaliser, tant mieux, je donnerai ce que j’ai à offrir ailleurs, là où
ma mission sera acceptée.

Et vous?

Utilisez-vous votre talent uniquement pour vous défendre?


Refusez-vous d’abandonner parce que vous voulez toujours
contrôler et vous donner l’impression d’être en sécurité?
Même quand c’est à votre désavantage?

La peur de ne pas être à la hauteur


J’ai quitté Morgan Stanley par peur, entre autres, de me faire mettre à la
porte. Ma sous-performance, mais aussi le fait de ne pas avoir été nommé
responsable permanent du pupitre, m’incitait à croire qu’on allait bientôt se
débarrasser de moi. Lorsque Mike, mon patron à l’époque, est retourné
travailler à New York pour un gros fonds spéculatif, je me suis retrouvé
responsable du pupitre par intérim, en attendant que la firme trouve
quelqu’un. Comme une de mes croyances limitantes était que je devais jouer
au dur à cuire dans les marchés, je jouissais d’une forte réputation. Je voyais
ceux qui passaient en entrevue et je les trouvais inférieurs. Je me sentais
humilié. Pourquoi ne pas me donner le poste à moi?
Lorsque vous êtes arbitragiste à un pupitre d’obligations, votre mission
est de maximiser les opportunités d’arbitrage pour vous-même, pour la firme
et pour vos clients, et non pas d’être un dur à cuire. Si j’avais bien saisi et
apprécié ma mission, j’aurais vu les avantages et le plaisir de travailler avec
un nouveau talent, qu’il soit ou non le patron. C’est à ce moment que je me
suis mis en quête d’un nouvel emploi. Même si Morgan Stanley avait, avant
mon départ, arrêté de chercher un candidat et que j’étais maintenant dans
mon siège de responsable du pupitre pour de bon, appuyé par d’excellents
résultats, il était trop tard. J’avais créé une association, une croyance qui me
limitait et m’empêchait maintenant de réaliser ma mission. C’est souvent ce
qui se produit. Nous pensons qu’une bouffée d’air frais nous fera du bien,
mais sommes incapables de nous responsabiliser. Nous blâmons notre patron,
son entreprise et ainsi de suite, mais, malgré le changement d’air, nos
croyances et nos peurs persistent.
J’étais blessé et je devais partir, ce qui s’est concrétisé environ neuf mois
plus tard. Si j’étais resté à mon poste, je serais sûrement devenu directeur au
siège social et j’aurais pu accomplir ma mission et continuer ma fructueuse
carrière. D’ailleurs, le président de Morgan Stanley est un ancien collègue et
vendeur d’obligations avec qui je travaillais au quotidien et avec qui j’avais
une belle complicité. Cette peur qui ne reposait sur rien, qui était une illusion
que je m’étais créée, a fait en sorte que je n’ai pas pu accepter et terminer ma
mission au sein de cette entreprise.
La même chose s’était produite avant que j’aille travailler chez Brevan
Howard. J’avais quitté le poste de gestionnaire de portefeuille à la suite d’un
congédiement déguisé. Je me retrouvais souvent dans ma tête, en train de
gaspiller mes forces et de m’inventer des peurs sans fondement. J’étais en
mode réaction, les nerfs à fleur de peau et très souvent désagréable avec mes
collègues. Étant donné ma situation de deuxième actionnaire et de chef des
placements, il était devenu très difficile pour eux de gérer la compagnie avec
moi, car j’avais une vision bien différente de la leur. J’avais déjà planifié un
changement de statut à l’intérieur de la compagnie six mois avant de partir. Je
voulais me libérer de mes actions et de mes fonctions à l’échelon de la
direction de l’entreprise pour gérer seulement les portefeuilles. J’avais
élaboré un plan détaillé, que je n’ai jamais présenté au président, par peur ou
par manque de courage.
La peur de ne pas être à la hauteur aux yeux des autres et le fait d’aller à
l’encontre de ses valeurs pour combler des besoins – en l’occurrence celui de
sécurité – engendrent des situations qui ne peuvent que mener à l’échec. Le
moment du congédiement déguisé venu, on m’offrait précisément le plan que
j’avais élaboré six mois auparavant. Toutefois comme ce n’était pas ma
décision, par peur d’être jugé, de ne plus être aimé et respecté, j’ai refusé ce
qui était pourtant mon choix au départ. Chaque fois que nous prenons une
décision dictée à notre insu par la peur, nous sabotons notre vie.
En 2008 et en 2009, après avoir perdu mon emploi chez Brevan Howard
en raison de la crise financière, je n’ai pas cherché activement d’emploi, et
ce, par crainte du ridicule, de l’humiliation et pour bien d’autres raisons liées
à mes peurs. Figé, je temporisais. J’attendais les appels, craignant de
demander de l’aide, de me montrer vulnérable et d’avouer que je n’étais pas
vraiment un dur à cuire. Cela peut sembler incroyable, mais l’idée d’appeler
quelqu’un ou de demander de l’aide m’apparaissait plus effrayante que la
perspective de demeurer sans emploi pendant des années. Je manquais de
perspective, incapable de voir qu’il est bien plus effrayant de ne jamais
travailler dans la finance que de faire un petit geste qui me rapprocherait de
ma mission.
Je me souviens d’un moment où j’avais trouvé le courage d’appeler un
ami, Jean-François Courville, à l’époque où il travaillait pour Manulife – il
est maintenant président de Wealthsimple –, pour lui demander de m’aider. Il
s’est informé si j’avais des problèmes d’argent et moi, par peur de me
montrer vulnérable, plutôt que de lui répondre honnêtement, je lui ai dit que
non et que, de toute façon, j’avais beaucoup d’actifs à vendre, faisant allusion
à mes maisons, mes Porsche et ma Ferrari. Il a quand même agi en
gentilhomme qu’il est naturellement et m’a permis de passer quelques
entrevues à sa firme, mais si je lui avais clairement exprimé mes vrais
besoins, le résultat aurait peut-être été différent.
Une fois qu’on est sorti du monde de la finance, il est très difficile de
revenir en arrière. Tout va si vite qu’on devient rapidement une sorte de has
been. C’est effectivement ce qui m’est arrivé. Je ne suis jamais retourné
travailler dans ce milieu, même si j’aimais vraiment cela et que j’avais
quelque chose à offrir dans ce domaine. Si j’avais bien saisi l’intention de ma
mission, agi par plaisir de la remplir et donné de ma personne plutôt que
d’être tétanisé par la peur, j’aurais certainement pu accomplir ma mission
dans le monde de la finance et des valeurs mobilières.

Et vous?

Avez-vous tendance à vous déresponsabiliser?


Avez-vous tendance à reproduire les mêmes comportements,
même après un changement?

Après la peur, le plaisir


La peur n’est pas entièrement mauvaise. Il m’est déjà arrivé, sans le
comprendre, d’utiliser la peur pour me dépasser. Le stress est souvent dû à
des peurs qui ne sont pas accueillies ni acceptées, mais une peur bien gérée
peut devenir un stress favorable. En décembre 1996, alors que je travaillais
chez Morgan Stanley, nous avons vécu une des plus grosses crises sur le
marché obligataire, du jamais vu! Qui dit crise dit peur et stress, mais si la
phase critique est bien gérée, on peut également parler de circonstances
opportunes. C’est un peu le même phénomène qui se manifeste lorsque se
produit un événement terrifiant dans un stade bondé. Les spectateurs sortent
en panique, se piétinent, tout ça dans le but de survivre.
Lorsque des crises surviennent dans les marchés, nous pouvons vivre le
même effet. Mais ici, il s’agit évidemment de la survie du rôle d’investisseur.
Il y a une occasion d’investissement intéressante, mais il ne faut pas laisser la
peur ambiante nous contaminer. En même temps, ce n’est pas le moment de
prendre des risques de désespérés.
Si nous laissons la peur nous envahir, nous pouvons aussi rater une
occasion incroyable: le légendaire «coup de Bourse» fumant, qui permet de
réaliser le profit d’une année en une seule journée…
Or, le matin même, mon cœur battait la chamade. J’étais rouge, stressé,
tiraillé entre l’idée d’atteindre mon budget et celle de perdre mon emploi. Je
n’avais que deux choix: la survie ou la mort… professionnelle. Rien entre les
deux. J’ai voulu acheter des obligations parce qu’elles étaient vraiment bon
marché et très en deçà de leur vraie valeur. Le marché était alors en chute
libre et, dans ce contexte de crise, c’était risqué et je redoutais d’être mis à
pied. J’ai regardé Mike, mon patron. Il m’a fixé dans les yeux: «Tu ne seras
pas remercié si tu achètes.»
La réalité est autre. Si nous avions subi une grosse perte, Mike n’aurait
probablement pas pu empêcher ses supérieurs de me virer allègrement, mais
ses paroles m’ont fait comprendre l’importance de ne pas laisser la peur me
placer dans une position d’inaction. Cette fois, j’ai réellement accepté ma
mission. J’ai alors pris ce qu’on appelle dans le métier la «grosse position», et
ce fut la meilleure journée de ma vie d’arbitragiste chez ce courtier. En un
jour, nous avions réalisé la moitié du budget annuel. Il y a un coût immense à
vivre dans la peur et une satisfaction incroyable à vivre dans le plaisir
d’accomplir sa mission.
Je venais aussi de créer une association responsabilisante. C’était le
moment opportun pour bien utiliser ma peur et mon stress et pour me servir
de ce bon stress par plaisir de me réaliser, de contribuer à quelque chose,
d’offrir ce que j’avais à offrir. Il y a certes des moments où nous devons être
très patients, par exemple, quand la situation est instable, mais je n’ai jamais
eu peur de prendre de bons risques par la suite. Il est très important de bien
gérer la position en fonction de la volatilité, de nos limites et des objectifs
que l’on vise.
Je comprends maintenant ce qui est arrivé. Désormais, je sais que, lorsque
mon cœur bat parce qu’il ressent l’intensité de la situation, il est mon allié, il
est là pour m’appuyer. Accepter que la peur ne soit pas à craindre, cela exige
du courage et du cœur. Et tout ça me rappelle qui je suis: un être humain en
mission.
Tout comme ce qui concerne les bonnes actions et les mauvaises
réactions à la peur, la différence entre le bon et le mauvais risque réside dans
notre intention et dans les émotions derrière cette intention.
Aujourd’hui, je me libère et accepte mes peurs avec courage pour accéder
à la globalité de ma vie. Pour y arriver, je me remémore des moments
émouvants passés près du lit de mort de mon père. J’évoque son souvenir, je
sens l’amour qu’il avait pour moi et je revois ma vie entière, sachant que j’ai
été aimé et que je le mérite. Riches de cet amour, sans avoir à faire table rase
du passé et à changer de carrière, simplement en décidant d’arrêter de nous
laisser manipuler par la peur, nous comblons notre besoin de sécurité – un
des besoins humains – au lieu de nous vider de notre énergie à tenter de
trouver des solutions à des problèmes imaginaires (créés par notre mode «par
défaut»).
Par exemple, le moment du décollage en avion est souvent marqué par la
peur. En nous remémorant les scénarios catastrophes du cinéma et de la télé,
nous craignons parfois de périr à ce moment crucial. Mais lorsque nous
traversons la couche de nuages, nos épaules se détendent et nous cessons
d’avoir peur. Avec un nouveau regard, nous remarquons les gens qui nous
entourent, la couverture nuageuse, le soleil au loin; tout devient plus clair.
Même la dimension du temps change: tout semble aller au ralenti.
C’est exactement le même phénomène qui se produit lorsque nous
arrêtons d’avoir peur pour devenir conscients dans notre vie professionnelle.
Ainsi, aucun changement de cap n’est nécessaire. Il suffit de comprendre nos
peurs, d’en connaître l’origine et de les accepter, puis de rediriger notre
attention sur ce que nous pouvons maîtriser et, enfin, d’accepter ce qui est
indépendant de notre volonté. Ce qui veut dire qu’après avoir accueilli la
peur, nous utilisons ses effets sur notre corps pour le plaisir d’accomplir notre
mission, qui est sans doute un des besoins humains les plus importants. Cela
devient une nouvelle façon de vivre: un peu comme un paradoxe, notre désir
profond, notre intention profonde, nos émotions vont tous dans la direction
du plaisir de nous réaliser par peur de l’échec, mais pas n’importe quel échec:
celui de ne pas nous réaliser. Les autres échecs sont des leçons, des
apprentissages de la vie qui nous rapprochent de notre mission.
Toutes les personnes que j’ai interviewées en écrivant ce livre connaissent
la peur. C’est une réaction normale, mais aucune d’elles n’utilise la peur
comme défaite ou comme raison pour ne pas accomplir sa mission. La vie est
souvent une série d’épreuves redoutables quand elle ne se présente pas selon
le modèle que nous avions imaginé. C’est ce que nous faisons plus tard qui
détermine la qualité de notre existence et qui nous permet de nous réaliser au
lieu de passer à côté de la vie.
Il y a toujours des peurs potentielles pour un entrepreneur. J’en ai moi-
même expérimenté avant d’ouvrir un deuxième studio. Comme nous avions
perdu plusieurs milliers de dollars la première année suivant l’ouverture de
notre premier établissement, j’aurais pu être terrorisé et penser ne plus jamais
en ouvrir un autre. Maintenant que nous avons pris la décision d’aller de
l’avant, mon attention est dirigée sur le plaisir d’accomplir ma mission.
Comme je le disais plus haut, si je me concentre sur la peur de perdre 300
000$, c’est comme lorsque nous perdons la maîtrise de notre voiture et qu’il
n’y a qu’un seul arbre en vue au bord de la route. Vous connaissez la suite…
Si vous essayez très fort de ne pas penser à une chose, de ne pas la faire
resurgir ou la ressentir, vous allez manifester cette chose. C’est une loi de
l’univers, car votre énergie va dans la direction de votre attention.
Avant d’ouvrir le deuxième studio, Geneviève Guérard et moi avons
voulu en acheter un qui existait déjà. Juste avant de conclure la transaction, le
vendeur a choisi un autre acheteur. Geneviève, qui portait encore les
douloureux souvenirs des résultats financiers décevants, aurait très bien pu
m’annoncer qu’elle voulait abandonner le projet. Mais elle m’a plutôt dit:
«Oui, je sais que ça va être du travail, mais j’ai bien plus peur de ne pas
ouvrir de studio dans ce secteur de la ville que d’aller de l’avant.»
Moins d’une semaine après avoir perdu le studio convoité, nous avons
trouvé un local plus beau et mieux situé. Si nous étions demeurés coincés
dans la peur ou la colère, cela aurait eu le même effet que de ne pas accepter
notre mission.
Il est certain que Geneviève et moi ressentons la peur de l’échec et celle
de perdre de l’argent, mais, tout comme Nicolas Duvernois, Pierre-Yves
McSween et les autres, nous utilisons cette peur et cette énergie
physiologique pour offrir le meilleur yoga à Montréal. Geneviève, qui a une
énergie débordante – tout comme lorsqu’elle était première danseuse des
Grands Ballets canadiens –, s’assure tous les jours que tout est parfait. Elle se
sert de l’énergie de la peur par plaisir de s’acquitter de sa mission. Tout
comme moi d’ailleurs. Je suis sur place presque chaque jour, je conçois les
planifications stratégiques et financières et gère le personnel, dont plusieurs
professeurs. La seule chose vraiment affolante et le seul échec possible, c’est
de ne pas réaliser tous nos projets. Cela devient un plaisir, une façon de faire,
de vivre, de voir les choses, une autre définition. On ne peut pas souvent
changer les aléas de la vie, mais on peut redéfinir ce qu’ils représentent pour
nous en transformant un échec possible en occasion de réussir.
Un an après l’ouverture du second studio, la peur est toujours présente,
car l’achalandage n’est pas au rendez-vous. Je me sécurise dans cette peur et
je comprends qu’elle me prépare à accomplir ma mission. Au lieu de rester
figés, nous passons à l’action. Je choisis de regarder les bonnes occasions et
d’élever mon intention. Il est certain que si j’entre dans une classe à mon
nouveau studio et que je me focalise sur le fait qu’il manque 10 élèves pour
atteindre mon seuil de rentabilité, je serai au service de ma peur au lieu de
l’utiliser pour m’accomplir.
Je décide aussi d’anticiper le plaisir de me réaliser comme gestionnaire,
vu que notre seuil de rentabilité n’est pas encore atteint. Cette peur que je
ressens est un cadeau qui m’est offert pour prendre conscience de la situation
et pour me dépasser. Le secteur de Griffintown est bien différent de celui du
Mile End, où se trouve notre premier studio. Il s’agit d’un quartier tout neuf
où les condos poussent comme des champignons. Il n’y a pas encore de vie
de quartier et les besoins de la clientèle sont différents. Cela me force à
innover, à modifier les horaires, à proposer de nouvelles classes, de nouveaux
professeurs. Je comprends aussi que le domaine du yoga change et que, bien
que mon premier studio ne cesse de croître, viendra un jour où nous serons
mis au défi. Par conséquent, ce qui se passe au studio de Griffintown et cette
peur que je ressens m’indiquent que tout cela me prépare à vivre une
transition éventuelle des besoins de nos élèves. Bien que cette perspective ne
soit guère réjouissante, j’y vois le plaisir de m’accomplir et de remplir ma
mission.
Je me sécurise dans ce que je maîtrise et non dans ce que je ne maîtrise
pas, tel que le flux des élèves ou ce que font mes concurrents. J’organise des
événements et des ateliers dans les nouveaux locaux, je travaille sur la
publicité. J’ai apporté des changements relativement aux gérants et à leurs
tâches. Nous mettons l’accent sur le service aux élèves et sur le suivi des
nouveaux clients.
Je sais pertinemment que nous avons tout pour réussir et je ne laisserai
pas la peur m’empêcher d’accomplir ma mission. Je me focalise sur ce que je
maîtrise, mais je suis habité par le souvenir de la réussite et je me souviens
que ce n’est qu’après beaucoup de travail que le succès est venu à notre
premier studio. Je suis donc habité par le succès et non par la peur de l’échec.
Au-delà de la peur, par suite du succès qu’a obtenu notre premier studio, j’ai
créé en moi une association de réussite. Je le sais et même plus: il s’agit d’un
credo et celui-ci me laisse entrevoir le plaisir de cette situation, pourtant
difficile à première vue.
Ma mission comme entrepreneur est encore d’ouvrir plusieurs studios et
je ne permettrai pas à mes peurs de nous faire obstacle. Par contre, nous ne
pouvons nier la réalité financière. Nous devons donc être un peu plus patients
avant d’envisager l’ouverture d’un troisième studio, sans nous empêcher pour
autant de progresser. Mais nous apprenons, nous avançons et, pour faciliter le
flux pécuniaire de l’entreprise, le troisième établissement verra sûrement le
jour grâce à l’acquisition d’un studio existant déjà rentable.
D’un point de vue personnel, au lieu de paniquer parce que le revenu que
les studios m’assurent est moins élevé que prévu, je me sécurise dans ce que
je maîtrise. Entre autres choses, nous avons diminué nos dépenses.
Avant de donner une conférence ou lorsque j’enseigne le yoga dans le
cadre des festivals Wanderlust devant de grandes foules ou que je coache une
personne intimidante ou impressionnante, je suis souvent en proie à des
réactions physiologiques. Mon mode par défaut me commande d’avoir peur,
car il existe certainement un danger imminent. Au lieu de me battre contre
ces réactions, je les accueille et prends conscience du fait qu’elles se
manifestent pour me rappeler que je suis un être humain en mission. Je me
rends compte de la chance que j’ai de faire partager mon expérience et de
pouvoir aider les participants à se libérer et à trouver leur propre mission dans
ces différentes activités.
Il est certain que c’est mon gagne-pain et que je dois m’assurer de
répondre à un besoin. Mais je fais ce que je peux pour être dans l’action, pour
le plaisir de ce qui me rapproche de ma mission, et non avec la peur de
l’échec ou de l’imperfection. Je produis des résultats, je fais confiance et je
rajuste le tir.
Il y a un monde entre la perfection et l’échec, et ce qui les sépare, c’est le
plaisir d’être dans l’action avec l’intention d’accomplir sa mission. C’est là
que je loge émotionnellement et psychologiquement, parce que j’ai le plaisir
de produire des résultats, quels qu’ils soient. Je ne suis pas figé par la peur ou
dans l’attente d’une hypothétique perfection. C’est par plaisir que j’écris ce
livre. Évidemment, j’aimerais qu’il obtienne un succès monstre et que le yogi
de Wall Street en connaisse tout autant, mais je l’écris avant tout par plaisir
de donner. S’il y a lieu, j’adapterai pour ma mission ce que j’ai à donner. Il
s’agit aussi d’apprendre à satisfaire notre besoin de variété, un autre besoin
humain d’importance, faute de quoi la vie serait pour le moins ennuyeuse.
Il est primordial de se rappeler que le talent qui ne se réalise pas devient
de la souffrance. La douleur n’est pas une option dans la vie humaine, mais la
souffrance peut l’être. Celle-ci fait souvent suite à notre incapacité d’accepter
nos douleurs. C’est aussi ce qui contribue à me faire entrevoir le plaisir au
bout du chemin, et ce, même dans les moments pénibles. Parlez-en à
n’importe quel entrepreneur et il vous dira qu’il y a un plaisir immense à
relever des défis, que ces derniers sont des occasions de se dépasser, de
devenir meilleur, de s’accomplir dans ce que nous faisons. Comme je l’ai dit
précédemment, ce sont des cadeaux et il faut les utiliser en harmonie avec
notre mission.

Et vous?

Si vous agissez sous l’emprise de la peur, quelles émotions vous


dominent?
Vos gestes cherchent-ils à vous assurer de la sécurité ou de la
reconnaissance?
Pouvez-vous percevoir le plaisir de vous accomplir?
Pouvez-vous trouver l’équilibre émotionnel entre la peur et la
perfection?

«DE QUOI AVEZ-VOUS PEUR AU JUSTE?»


La réponse de Nicolas Duvernois

Nicolas Duvernois est né en 1980 et est diplômé en sciences politiques


de l’Université de Montréal. Après avoir remarqué que l’on ne
fabriquait pas de vodka au Québec, il se lance, avec des associés, dans la
fabrication de cet alcool. Contre vents et marées, sa création, Pur
Vodka, a reçu cinq fois le titre de meilleure vodka au monde, du World
Vodka Masters de Londres. Très engagé dans l’aide entrepreneuriale, il
est un nouveau dragon à l’émission Dans l’œil du dragon.
Comme de nombreux entrepreneurs, Nicolas Duvernois a souvent eu
peur de l’échec et a toujours cru dans l’importance de prévoir un plan de
secours (un «Plan B» ou «Plan C») au lieu de s’en remettre à
l’improvisation. Il a continué à travailler dans un hôpital après avoir
démarré son entreprise Pur Vodka et s’assurait ainsi un peu de sécurité.
C’est dans ses craintes viscérales qu’il a puisé le courage de réussir. De
plus, il a utilisé sa peur de l’échec pour travailler plus fort, et ce, même
après avoir essuyé de nombreux refus d’aide.
Après avoir connu ses premiers succès, il a éprouvé la peur de se
faire juger par les autres et de ne plus être accepté dans son groupe à
l’hôpital, car il avait l’impression que ses collègues jugeraient
négativement son succès. Dans la pensée judéo-chrétienne, le succès est
souvent mal vu, ce qui le rend difficile à accepter.
Une autre peur venait d’une de ses croyances limitantes. En effet, il
se croyait, à tort, peu intelligent. Maintenant, il dit qu’il a prouvé aux
autres que c’était loin d’être le cas. Il peut donc travailler pour le plaisir
de se réaliser et d’accomplir des choses, en dépit des journées difficiles
et des risques, car telle est la vie d’un entrepreneur. Il canalise son stress
dans le plaisir de se réaliser, bien que la peur de manquer de quelque
chose le pousse à réfléchir constamment. Il est continuellement à l’affût,
sans nécessairement savoir ce qu’il cherche, parce qu’il sait qu’il a
beaucoup à offrir.
Chapitre 3
Qui êtes-vous vraiment?

Les propos des chapitres précédents montrent que si nous ne savons pas ce
que nous voulons, c’est généralement parce que nous ignorons qui nous
sommes vraiment. Nous nous définissons souvent en fonction de notre rôle
professionnel, social ou familial. Si vous demandez à quelqu’un de se définir,
il répondra probablement quelque chose comme: «Je m’appelle Marc. Je suis
indépendantiste, végétalien, je vis dans le Mile End et je me déplace à
bicyclette.» Comme ces réponses m’intéressent peu, je ne pose jamais de
questions susceptibles de donner lieu à ce type de réponse. Toutes ces
précisions ne sont que des œillères qui deviennent de vraies prisons et nous
empêchent de voir véritablement qui nous sommes. Mais pour voir
réellement qui l’on est, il faut se connaître un peu mieux.
Si l’on m’avait demandé de me définir au milieu des années 2000,
j’aurais répondu: «Je suis père de quatre filles, chef des placements pour une
firme qui est un peu comme le vaisseau amiral de l’investissement, je suis un
participant au triathlon Ironman, suis en bonne forme, conduis de belles
voitures, ai une charmante conjointe, fréquente les meilleurs restaurants et
fais de beaux voyages.» C’est plus ou moins qui je pensais être, mais, dans
tout cela, il n’y avait rien que je contrôlais véritablement, presque rien qui
provenait de mon essence véritable et à peu près rien qui était vraiment mon
vrai cadeau, celui que je peux transporter. Je me définissais plus ou moins
comme une projection de mes babioles.
Vers la fin des années 1990, j’ai consulté un psychologue avant d’être
embauché comme gestionnaire de portefeuille. Il m’a écouté pendant deux
heures. À la fin de la séance, il avait bien compris que j’étais en prison, car je
me définissais à partir de tout ce qui n’était pas de mon ressort. Il m’a dit
ceci: «Si jamais quelque chose arrive à ta femme ou à tes enfants, tu ne
survivras pas.» J’étais effectivement enfermé dans une cage, et au lieu de
m’aider à m’en extraire et à me connecter à mon essence, il m’a surtout aidé à
la repeindre. Toutes les fois que nous nous définissons à partir de ce qui se
retrouve à l’extérieur de nous plutôt qu’à partir de nos valeurs, nos passions,
nos talents, notre essence, nous nous retrouvons en position de vulnérabilité,
ce que j’appelle la Loi des accidents.
En 2001, j’ai eu un cancer. L’année suivante, ma femme me quittait. Pour
mieux comprendre ce qui m’arrivait, et surtout pour trouver des solutions, je
me suis alors familiarisé avec le bouddhisme et la méditation et j’ai compris
qu’il existait un autre niveau de réalité, que j’existais au-delà de qui je
pensais être (de mon rôle) et que je pouvais me reconnecter avec mon essence
pour prendre conscience de mes forces, de mes valeurs et de mon pouvoir.
C’est comme si je retrouvais toute la force du Jedi en moi! La pratique de
pleine conscience favorise l’introspection et donne la possibilité de nous
reconnecter avec notre essence, nos valeurs et nos passions. Pour moi, la
seule et vraie liberté est d’agir en respectant ses valeurs avec conscience.
Cette force retrouvée en moi m’a probablement servi pour rester fidèle par-
dessus tout à mes valeurs et donc libre d’agir selon mon éthique personnelle.
Cela dit, les cinq années de consultation m’ont été tout de même
bénéfiques, parce que, lorsque ma femme est partie, je ne me suis pas
précipité du haut d’un pont, ce que j’aurais peut-être fait si je n’avais pas
consulté ce psychologue. J’ai eu recours à ses services de coaching dans un
contexte professionnel. Nous nous rencontrions une fois par mois et, entre les
rencontres, je devais noter, dans un cahier, les pensées ou les problèmes qui
survenaient. C’est bizarre, mais nous soulignons peu ce qui va bien, comme
si les croyances responsabilisantes ne pouvaient ni exister ni nous aider. Et,
de façon générale, le succès et le bonheur des autres nous ennuient parfois, et
nous nous montrons souvent jaloux ou peu intéressés. Bref, mon travail avec
lui se résumait à blâmer tel collègue ou tel événement, et j’envisageais de
changer d’entreprise, ce qui voulait dire changer le décor de ma prison. Une
déresponsabilisation totale.
Nous étions bien loin de la recherche à l’intérieur de soi pour trouver une
solution. C’est ce qui se produit la plupart du temps. Comme nous ne savons
pas qui nous sommes et que notre vision de nous fait souvent partie de
l’illusion – et s’accompagne de croyances limitantes –, nous nous croyons
meilleurs que nous ne le sommes en réalité. À l’inverse, nous pensons que
nous ne méritons pas d’être aimés si nous admettons une responsabilité et
nous finissons par tout reprocher à autrui et aux événements. Puisque nous ne
cherchons pas en nous la solution pour trouver notre vraie identité et notre
vrai pouvoir et que nous passons notre temps à critiquer ceux qui nous
entourent et les différents événements que nous vivons, nous ne nous
distinguons pas du reste de la société. Nous sommes donc dénués de pouvoir
et vulnérables et négligeons de nous responsabiliser pour être en mesure de
nous accomplir.

Et vous?

Attribuez-vous vos échecs aux autres?


Attribuez-vous vos échecs à des événements hors de votre
contrôle?
Vous apitoyez-vous sur votre sort après un échec?

Connaître ses valeurs


Pour mieux comprendre qui nous sommes, une bonne piste de départ consiste
dans nos valeurs. Celles-ci sont bien souvent ancrées en nous depuis un
certain temps et peuvent nous donner accès à une façon de voir le monde qui
nous est propre. Voici deux anecdotes qui illustrent bien comment l’intégrité
est devenue une valeur majeure pour moi.
Un jour, à l’âge de cinq ans, je suis allé dans un magasin de jouets avec
ma mère. Il y avait là un G.I. Joe qui me plaisait, mais ma mère refusait de
me l’acheter. J’ai alors décidé de prendre la figurine et de m’enfuir du
magasin. Je pense que ma mère a voulu me donner une leçon, car elle a laissé
le propriétaire du magasin courir après moi. Humilié, honteux, j’ai dû rentrer
dans la boutique pour me faire gronder. Je m’en souviens comme si c’était
hier. À cela s’ajoute mon conditionnement familial, mon père étant un
homme droit et intègre comme on en rencontre peu. Cette expérience et mon
conditionnement ont fait en sorte que je n’ai jamais été capable de voler, de
tricher et de mentir. L’intégrité est ancrée en moi à tout jamais.
Des années plus tard, le gérant du bar où je travaillais pendant mes études
à HEC me demande de remplacer un employé parce qu’il soupçonne que ce
dernier le vole. Et il n’a pas tort, car le suspect me confie, quelques jours plus
tard, qu’il met un peu d’argent dans sa poche et qu’il le partage avec les
autres portiers. Je lui réponds que je serais incapable de faire ce genre de
chose. Ce qui devait arriver arriva: démasqué, l’employé malhonnête est
renvoyé et je suis désigné pour le remplacer. Quelques jours après, je reçois
un appel téléphonique chez mes parents. C’est le père de mon ex-compagnon
de travail. Il me menace. Je m’en souviens comme si c’était hier. Je reviens à
la table familiale, blême comme un drap, des sueurs froides dans le dos.
Le soir même, je retourne travailler au bar, et cet homme se présente
accompagné de cinq ou six gorilles au regard rageur. Ils sont là, devant moi, à
la porte du bar, où des dizaines de clients font la queue pour entrer. Ces
hommes inquiétants me traitent de tous les noms, m’engueulent comme du
poisson pourri et tentent de m’humilier. Je reste très zen (le yogi en moi était
déjà là!), sans bouger, et je reçois cette vague de haine et de méchanceté dans
le respect de mes valeurs profondes. Ils sont repartis et je ne les ai jamais
revus. Cette expérience venait ni plus ni moins de renforcer l’importance de
l’intégrité en moi. Je me sentais bien de m’être respecté. Recevoir de la
reconnaissance, mais aller à l’encontre de ses valeurs, c’est, à mes yeux,
comme vendre son âme au diable. Cette intégrité m’a suivi tout au long de
ma carrière. En conférence, j’aime dire que, si j’ai parfois dérogé à mes
valeurs, jamais, au grand jamais, du temps que j’étais à Wall Street, à
Toronto ou à Montréal, je n’ai placé mon intérêt personnel avant celui de mes
clients. J’ai souvent eu à défendre cette intégrité, mes valeurs, car certains de
mes collègues n’avaient pas reçu la même leçon que moi. J’ai une intégrité
irréprochable et j’en suis vraiment fier.
Nous devons aussi estimer nos valeurs et les moyens par lesquels elles
sont respectées. Ma valeur la plus importante est celle de donner le maximum
dans tout ce que je fais. Je n’ai qu’une seule vitesse. J’ai longtemps donné
pour les mauvaises raisons. Maintenant, je donne depuis un endroit
d’abondance dans le but de contribuer au bonheur des autres au-delà de ma
personne. Pour y arriver, je me demande si j’ai fait tout ce qui est en mon
pouvoir sans pour autant me vider.
Pour moi, l’intégrité, qui est une de mes valeurs les plus importantes,
existe uniquement dans la vérité et l’honnêteté; elle ne peut cohabiter avec le
mensonge et la malhonnêteté. Sans le respect de l’autre et de tout ce qui
m’entoure, il m’est impossible d’être en union et donc de combler mon
besoin de connexion avec les autres, l’entreprise ou mes clients. Pour qu’il y
ait du respect, nous devons écouter et énoncer la vérité du cœur. Nous
pouvons argumenter avec les autres, mais sans jamais les attaquer
personnellement. Dans toutes mes relations professionnelles, je tente d’agir
selon mes valeurs, avec bienveillance, bien sûr, mais si je ne réussis pas, je
permets à ces mêmes personnes de me faire part de leur vérité pour corriger
mon comportement. Aller contre ses valeurs profondes, c’est vendre son âme,
peu importe le besoin que nous comblons.
À notre insu, à la suite de moments clés ou de neuro-associations, nous
avons une liste de règles qui gouvernent nos valeurs. À titre d’exemple, au
cours d’une séance de coaching, un cadre peut me dire que sa valeur première
est l’intégrité. Je lui demande ensuite ce qui doit arriver pour que cette valeur
soit respectée. Il me répondra quelque chose comme: «Mes employés me
doivent fidélité», ou encore que ces derniers ne peuvent parler à ses clients ou
à ses subordonnés, qu’ils doivent le saluer plusieurs fois par jour et ainsi de
suite. Il s’agit d’un exemple générique, mais qui se présente sous cette forme
ou sous une forme semblable tous les jours dans mon bureau de coach.
Nous avons pour la plupart des règles impossibles ou très difficiles à
appliquer pour que nos valeurs soient respectées. Dans de telles conditions,
nous sommes un danger en puissance, une bombe à retardement. Autrement
dit, nous sommes encore sous l’empire de la Loi des accidents. Nous n’avons
attribué à notre pouvoir et à notre capacité de voir nos valeurs respectées
qu’une très faible possibilité de réussite. Nous nous retrouverons donc
souvent déçus, avec l’impression d’entretenir des valeurs différentes de celles
de notre entreprise et de ceux qui nous entourent.

Et vous?

Quelles sont vos trois ou quatre valeurs les plus importantes?


Pourquoi les considérez-vous comme les plus importantes?
Par quels moyens vos valeurs sont-elles validées?
Les règles que vous vous êtes fixées pour respecter vos valeurs
les rendent-elles inatteignables?

Connaître ses besoins


Chaque humain, pour survivre, a besoin de plusieurs choses: de la nourriture,
de l’air, d’un abri, mais aussi de l’amour et de la reconnaissance. Dans cette
partie, nous allons aborder les différents besoins qu’il nous est nécessaire de
satisfaire pour être heureux. Un besoin qui n’est pas comblé peut nous
dominer, nous pousser à faire des gestes qui nous nuisent.
Plusieurs chercheurs ont défini une pyramide de besoins. Celle qu’on
connaît le plus est probablement la pyramide de Maslow: besoins
physiologiques, besoins de sécurité, besoins d’appartenance, besoins d’estime
et besoin d’accomplissement de soi. En reprenant certains des aspects de la
pyramide de Maslow, j’ai développé ma propre échelle des besoins, qui
intègre d’autres dimensions.

1. Besoin de sécurité et de certitude. Il s’agit de notre besoin de


survie, d’avoir un toit, de manger, de prévoir et de contrôler.
2. Besoin de reconnaissance. Il s’agit du besoin d’exister dans le
regard des autres, de se sentir important.
3. Besoin d’amour et de connexion. C’est notre besoin
d’appartenance, celui d’être en union avec notre entourage, qu’il
s’agisse des humains qui nous entourent ou de notre environnement.
4. Besoin de réaliser sa mission. C’est une loi de l’univers. Tout ce qui
ne contribue à rien et qui ne croît pas meurt physiquement ou, du
moins, spirituellement, ce qui, selon moi, est le plus dommageable.
5. Besoin de variété. Le paradoxe, c’est qu’au-delà de tout savoir, si
nous pouvions tout prédire, notre vie serait ennuyeuse. Nous avons
aussi besoin de nous faire surprendre.

Pour chaque personne, les besoins et leur importance varient grandement.


Même si tout le monde croit que le besoin de reconnaissance est très
important, il est possible que, pour vous, ce ne soit pas d’une importance
cruciale. Pour savoir quels sont vos besoins les plus importants, classez-les
selon l’importance qu’ils revêtent pour vous. Vous pourriez même comparer
votre classement avec celui de votre conjoint ou d’un ami. Il est intéressant
de constater que, pour certains, la variété prime, alors que, pour d’autres,
c’est le besoin d’amour. Quant à moi, je place le besoin de me réaliser au
premier rang.
La personne qui privilégie la sécurité plutôt que l’amour, la réalisation de
soi ou la variété est bien différente de celle qui privilégie la réalisation de soi
plutôt que la sécurité. Je pense que, pour accepter et réussir sa mission, le
besoin de sécurité ne peut être dominant. Comme je l’ai mentionné
auparavant, étant donné notre mode par défaut qui nous met dans un état de
survie, le besoin de sécurité est trop souvent le besoin dominant, et c’est
fréquemment ce qui nous empêche d’avancer, de prendre des risques et de
réussir. Bien que ce ne soit pas le sujet du livre, le besoin de sécurité est aussi
un frein à notre besoin d’amour, car l’amour existe dans la vulnérabilité. Si
nous voulons tout diriger sans jamais nous mettre en danger, nous ne pouvons
combler notre besoin d’amour. Par contre, le sujet du livre concerne la façon
de rendre notre mission possible alors que, pour plusieurs, elle ne l’est pas.
Pourquoi? Parce que l’on comprend mal l’emprise qu’exercent certains
besoins sur notre vie.
Je rencontre fréquemment des entrepreneurs ou des cadres qui se
sabordent eux-mêmes sans le savoir alors que tout va bien. En effet, ils font
d’une certaine façon l’association selon laquelle ce sentiment de bien-être
fera bientôt place à la douleur de l’avoir perdu. Ils appréhendent la perte de
quelque chose au lieu d’accepter l’impermanence de tout. Il s’agit d’une
simple nuance, mais tellement importante pour rester responsable et maître de
sa mission. Pour reprendre un semblant de contrôle, ils tenteront à tout prix –
et ce, souvent à l’encontre de leurs valeurs – de combler leur besoin de
sécurité. L’entrepreneur procédera peut-être à une acquisition, à une vente ou
à une mise à pied. S’il se sent menacé, un employé voudra quitter son emploi
pour retrouver une impression de contrôle. Tout cela, parce que ces personnes
ne valorisent pas suffisamment leur besoin de se réaliser et leur besoin de
variété. Évidemment, c’est aussi ce qui arrive dans les couples. Si un des
partenaires a associé le bien-être à une peine éventuelle, pour se sécuriser il
ou elle sabotera le couple avant que l’autre ne le fasse.
Comme nous sommes peu conscients des besoins que nous devons
satisfaire et que notre mission de vie dépend de ces besoins, nous les
comblerons souvent de façon inconsciente et sous-optimale, peut-être en
allant à l’encontre de nos valeurs et de nos principes. Ainsi, même si nos
besoins semblent comblés, nous ne pouvons pas être nourris par la vie et
réaliser notre mission.
Ces besoins dictent notre vie, nos gestes, et nos décisions sont plus fortes
que nous. Il faut absolument prendre conscience de leur existence et
comprendre comment nous les comblons tout en nous assurant que nos
valeurs sont respectées.
Je vous propose un petit exercice. Attribuez, sur une échelle de 1 à 10,
une note qui exprime le niveau auquel vos différents besoins sont comblés
dans le cadre de votre vie professionnelle. Par exemple, si votre travail
répond à votre besoin de sécurité, vous pourriez donner une note de 9, mais si
votre besoin de réalisation est peu comblé, vous pourriez donner une note
plus basse.
Vous avez donné en moyenne 7, 8 ou même 9 à plusieurs des besoins?
Félicitations! Ce n’est pas facile de trouver un travail qui comble nos besoins.
Cependant, il est tout de même possible que vos besoins soient comblés sans
que vous soyez satisfait ni heureux dans votre travail. Pourquoi? Parce que,
parfois, on s’attarde à des petits irritants sans voir que nos besoins sont
réellement comblés. J’ai moi-même été trop souvent dans cette situation.
J’avais un emploi de rêve qui répondait à mes besoins et respectait mes
valeurs, mais je ne m’en rendais pas compte. J’ai même refusé de travailler à
Brisbane, en Australie, parce qu’on n’y offrait pas de yoga chaud! Si vos
besoins sont comblés, je vous encourage à cultiver la gratitude et
l’appréciation.
Si vos besoins ne sont pas comblés par votre emploi, plusieurs raisons
sont possibles. Vous devez d’abord vous interroger sur votre perception de la
réalité: est-ce simplement une impression ou vos besoins ne sont-ils
réellement pas comblés? Parfois, pour se déresponsabiliser, on a aussi
tendance à jeter le blâme sur les autres ou sur les circonstances au lieu de
réfléchir sur sa propre attitude. Avez-vous déjà entendu (ou dit vous-même):
«Mon besoin de reconnaissance n’est pas comblé parce que mon patron ne
m’apprécie pas»?
Pour qu’un client ou une cliente reprenne le pouvoir sur sa vie, j’essaie de
démanteler cette perspective limitante, cette peur, en lui demandant si son
patron lui a déjà dit clairement qu’il ne l’appréciait pas (un peu comme on
pense que nos parents ne nous aiment pas). La plupart du temps, la réponse
est non. Je lui demande alors ce qui l’amène à penser cela. J’entends des
choses comme: «Il ne m’a pas regardé dans une réunion, je n’ai pas eu de
courriel de sa part, je n’ai pas été invité à l’occasion d’un voyage d’affaires»,
et ça continue. Je fais comprendre à la personne que tout cela ne vient
aucunement confirmer ses dires. Je l’invite ensuite à me parler de son
quotidien, de ses responsabilités, de ses promotions. Souvent, elle vient de
recevoir une promotion assortie d’une forte augmentation et de nouvelles
responsabilités, mais comme son attention est dirigée par sa peur de ne pas
être aimée, elle n’est jamais tout à fait rassurée. Je lui demande alors de se
concentrer uniquement sur ses nouvelles responsabilités ou sa promotion et
de me dire, sur une échelle de 1 à 10, à quel point son besoin de sécurité est
comblé. Tous répondent généralement 8 ou plus.
La même approche s’applique pour tous les besoins. Si vous sentez que
vous n’êtes pas comblé, efforcez-vous de vérifier si vos perceptions sont
exactes. Concentrez-vous votre attention sur un détail en particulier, sans
prendre en considération l’ensemble de la situation? D’où l’importance d’être
conscients pour avoir une perspective élargie sur notre vie et de trouver un
équilibre entre l’esprit rationnel, qui a peur et a besoin de reconnaissance, et
le cœur, qui veut tout donner. Notre besoin de connexion sera comblé
uniquement dans la vérité libre d’illusion. Une façon simple de le satisfaire
est de garder notre attention centrée sur les êtres humains qui nous entourent.
Ce ne sont pas seulement des rôles, des clients et des patrons, mais des
personnes qui ont un cœur et des besoins, comme chacun de nous. Le seul
fait de rediriger notre attention nous permet de nous reconnecter avec eux.
Nous pouvons aussi provoquer les rencontres et prendre le temps de voir et
d’écouter la personne derrière le rôle, de lui parler.
Parfois, quand nos besoins ne sont pas comblés au travail, qu’on n’est pas
heureux, on a tendance à avoir envie de changer de travail. Et ça peut être une
solution, mais il reste que l’on continue à chercher une solution à l’extérieur
de soi. Si on ne modifie pas sa façon de percevoir la situation, on risque de
répéter le même scénario d’insatisfaction, mais dans un autre emploi. Parfois,
en changeant notre perception, en nous connaissant mieux, mais aussi en
acceptant notre mission, nous nous rendons compte que nos besoins sont plus
comblés que nous ne l’imaginions. Vous seul pouvez combler vos besoins et
vous assurer que toutes les conditions sont réunies pour que votre mission
réponde à vos besoins!

Et vous?
Que devez-vous faire pour donner la première place au besoin
de réalisation de soi?
Pouvez-vous voir, à partir d’une autre perspective, comment vos
différents besoins sont comblés au travail?
Est-ce que les besoins de votre entreprise (ou de votre
employeur) sont en harmonie avec vos propres besoins?
Quels gestes pouvez-vous faire aujourd’hui pour combler vos
besoins?

Connaître son cadeau


Après nous être outillés pour combler nos besoins, nous devons maintenant
comprendre ce que nous avons à offrir. Nous possédons tous quelque chose
d’unique qui nous distingue des autres, une sorte de cadeau. Comme il s’agit
de quelque chose d’unique, pour faire partie d’un groupe, on a tendance à
faire fi de sa différence, à l’enfouir. Comme nous avons tous besoin de
reconnaissance, du soutien des autres, nous préférerions avoir un «cadeau»
qui cadre mieux avec notre rôle. En coaching, on vient me voir pour changer,
pour se transformer. Je ne guide jamais mes clients dans cette direction. Le
fait même de vouloir changer envoie le message à votre esprit qu’il vous
manque quelque chose pour être «normal». Et pourtant, vous l’êtes! Tel que
je l’ai dit dans le chapitre sur la peur, c’est exactement du contraire que nous
avons besoin. Nous avons besoin d’aimer notre personne, d’accepter nos
différences, notre essence, nos valeurs et nos passions. Nous devons aimer
notre cadeau et non essayer de nous en fabriquer un à partir de valeurs et de
rôles qui ne nous ressemblent pas.
Si nous réussissons à bien saisir ce qui nous distingue des autres sans
avoir besoin de nous comparer, nous aurons la capacité d’appliquer cette
valeur ajoutée sous plusieurs formes. Si on choisit de mettre en valeur son
cadeau, de l’offrir aux autres dans une intention d’abondance et de don de
soi, on a des chances de récolter du bonheur et de la légèreté, pas de la peur et
de l’angoisse.
Pour comprendre notre vraie valeur ajoutée, il est important de découvrir
notre moi profond, qui se trouve en équilibre entre notre tête et notre cœur. Il
faut déterminer nos forces et nos intentions réelles, lesquelles inspirent notre
mission de vie et notre intention ultime, et ce, en nous interrogeant sur nos
passions, nos talents et nos forces. La pratique de pleine conscience nous
permet notamment de faire de l’introspection. Cette observation et cette
analyse de nous-mêmes, en toute conscience, sont ce qui nous reconnecte
avec notre vrai talent et nos vraies passions. C’est ce qui nous donne notre
pouvoir ultime.
Durant une grande partie de ma vie, je me suis défini à partir de certains
aspects de ma personne et de mon entourage avant de trouver mon identité
propre, celle qui émane de mon intérieur, de mon essence. Comme beaucoup
de gens, j’ai longtemps pensé que j’étais mes croyances limitantes, mes
peurs, mon corps ou certains traits physiques de celui-ci, que j’étais mes
amis, mes amies, mes enfants, mes activités, mes biens, mes titres, mes
voitures… Une de mes phrases favorites était: «Dis-moi ce que tu conduis et
je te dirai qui tu es…» Tel était mon comportement bling-bling de l’époque.
Pour découvrir son cadeau, on doit arriver à se libérer de ses croyances
limitantes. Il faut écouter son cœur et sa tête, ceux-ci nous diront qui nous
sommes vraiment.
Tel que je le mentionnais précédemment, en 2000, à la suite de
l’éclatement de la bulle technologique, je me suis retrouvé presque ruiné et
théoriquement en faillite. Puis, en 2001, j’ai été atteint d’un cancer et peu
après ma femme m’a quitté. En très peu de temps, je venais de perdre une
grande partie de la personne que je pensais être. C’est durant cette période
que j’ai compris que j’existais au-delà de mon image corporelle et des
différents rôles que j’assumais. J’ai aussi intuitivement compris qu’il y avait
un autre niveau de réalité. J’ai commencé à méditer, à me familiariser avec le
bouddhisme et je me suis connecté avec mon cœur et mon essence sans trop
comprendre rationnellement qui j’étais vraiment.
Grâce, entre autres, à la méditation, j’ai pu me reconnecter avec moi-
même. Dans mon cœur, dans la pratique de pleine conscience, j’ai trouvé le
courage et l’aide nécessaires pour rebâtir la compagnie. Je me suis refait une
santé et une amie, qui est restée avec moi jusqu’à la crise suivante.
Cette suite de crises m’a appris à me définir au-delà de la dimension
matérielle, de mon corps ou de mes relations. J’ai compris que je possédais
un cadeau. Et c’est souvent ce qui arrive. Les crises sont des moments
propices pour reprendre contact avec notre être véritable, parce que la
personne que nous pensons être, comme je l’ai expliqué, est du matériel, des
choses, des titres, mais ce n’est pas nous. Notre essence véritable est
beaucoup plus étendue, vaste et noble que n’importe quelle élogieuse
définition de notre personne.
Tout comme mes souffrances, la pratique de la pleine conscience m’a fait
comprendre que j’existais bien au-delà de tout cela, que j’avais quelque chose
d’unique, un code de valeurs personnel, des talents, des forces et des passions
qui me sont propres. Grâce à la pleine conscience, je peux me libérer de mes
titres, de mes images sociales et de mon enveloppe extérieure. Le fait de me
reconnecter avec mon unicité me permet de trouver en moi un pouvoir sans
limites afin de réussir selon mon propre modèle et non selon celui de la
société avec son lot de préjugés. Surtout, je le fais sans avoir peur du
jugement des autres. Se connaître et découvrir son unicité sont des conditions
essentielles pour déterminer nos intentions ultimes et ainsi profiter de notre
plein potentiel professionnel.
Plusieurs personnes exercent leur métier tout simplement parce que cela
fait partie du conditionnement qu’elles ont subi. Elles doivent découvrir leur
cadeau. Il s’agit de nous questionner et de vérifier si nous sommes au bon
endroit pour offrir ce que nous avons à offrir ou si nous pouvons redéfinir
certaines tâches de notre travail afin d’y offrir notre pouvoir illimité et de
combler un besoin au-delà de nous-mêmes.

Et vous?

Qu’est-ce qui vous rend unique?


Quel cadeau avez-vous que vous cachez, par crainte d’être jugé?

Connaître ses talents


Personnellement, je me suis trouvé désorienté pendant un certain temps, entre
2010 et 2011. J’ai alors été à l’encontre de mon talent et incapable d’offrir à
mes semblables ce que j’appelle mon «cadeau», ma «valeur ajoutée». Un
talent que l’on bride, qui ne se concrétise pas, se transforme en souffrance.
Pendant cette période où j’ai été uniquement enfoui dans mon cœur pour
repousser mon talent, je ne me suis pas réalisé en tant que personne humaine
et je ne me suis développé que sur le plan professionnel.
Pour continuer à comprendre ce que nous avons à offrir, il importe de
reconnaître nos talents. Sachez qu’un talent qu’on laisse dormir engendre de
la souffrance. Je crois que le travail est souvent plus important que le talent,
mais il faut absolument reconnaître notre talent pour le nourrir, le faire
travailler et le faire avancer. Car sans le travail, le talent n’est rien. Nous ne
sommes pas identiques et chacun a quelque chose de différent à offrir. Je
pense que je suis intelligent et que je possède une excellente capacité
d’analyse, mais, sans le travail, cela ne fait pas de moi un bon gestionnaire ni
un bon coach, un bon conférencier ni un bon professeur de yoga.
Un de mes talents, je pense, c’est d’avoir compris l’importance de trouver
l’équilibre entre la tête et le cœur, ce qui fait de moi un meilleur gestionnaire.
Je suis capable de prendre des décisions et d’agir. Mon esprit de synthèse et
ma capacité à garder le cap sur la mission et sur l’action m’empêchent de
trébucher dans les fleurs du tapis ou de me faire emporter par les vagues de la
vie. Je suis résilient, positif, toujours prêt à recommencer. Je suis passionné,
dévoué, curieux, flexible et droit. Je suis un bon patron, j’aime enseigner et
aider les autres à se responsabiliser. Bref, vous êtes venu au monde avec
quelque chose à offrir.

Et vous?

Nommez un talent que vous avez pour lequel vous êtes reconnu.
Nommez un talent que vous avez de la difficulté à assumer.
Utilisez-vous pleinement ces talents?

Connaître ses passions


Pour savoir ce que l’on a à offrir, il est aussi important de comprendre ses
passions. Lorsque vous vous passionnez pour votre travail, vous n’avez pas
l’impression de travailler, car le travail arrive à travers vous. C’est comme
une expression parfaite de l’univers, et c’est souvent là que nous acceptons
pleinement notre mission. Une de mes passions est de comprendre. Une fois
que j’ai compris comment quelque chose fonctionne, je me passionne pour
son application ou son exécution. Lorsque je travaillais dans la finance, je
lisais tout ce que je pouvais pour bien saisir ce qui se passait dans l’économie
et les marchés. Appliquer ce que j’avais appris sur la gestion des portefeuilles
et bien comprendre toutes les stratégies possibles et toutes les façons de
prendre et de mesurer des risques me passionnaient. Je ne me sentais
aucunement forcé. Je faisais le travail parce que c’était ce que j’avais décidé
de faire.
Je n’ai pas changé. Aujourd’hui, j’ai les mêmes passions, mais le
domaine est différent. Je me passionne surtout pour la compréhension du
cheminement de l’éveil de la conscience, de l’équilibre entre la tête et le
cœur, de la neuroscience, de la psychologie, de la spiritualité et du coaching.
J’aime apprendre. Tous les jours, j’écoute des textes en baladodiffusion ou lis
sur un sujet ou un autre et, chaque fois, j’ai l’impression d’entendre quelque
chose de différent. Je me demande ensuite comment faire pour appliquer ces
enseignements.
J’aime apporter ma contribution, faire partager mes connaissances, mes
acquis, mon expérience, et donner. J’ai été patron à 26 ans. Déjà, des
collègues plus jeunes relevaient de moi. Bien que je n’aie pas toujours su
trouver l’équilibre entre la tête et le cœur, j’aimais aider les jeunes à réussir,
transmettre ce que j’avais acquis et donner de moi-même à mes clients ou à
mon employeur du moment. Aujourd’hui, c’est la même chose, que ce soit
avec mes clients de coaching, au cours de conférences, dans mes livres, au
yoga ou quand je parle avec mes élèves. Je suis animé par la passion d’aider
les gens à remplir leur mission et à se sortir de l’illusion et des souffrances
qui l’accompagnent.

Et vous?

Quelles sont vos passions?


Vous passionnez-vous pour votre travail?
Permettez-vous à vos passions de contribuer au bonheur des
autres?
Une fois que nous avons récupéré notre pouvoir, il s’agit de voir où nous
pouvons offrir notre cadeau pour accomplir notre mission. Pour ma part, je
l’offre partout, dans tout ce que je fais. Je suis maintenant dans les affaires,
avec mes deux studios de yoga et le développement personnel. Je sais ce que
j’ai à offrir et je pourrais l’offrir n’importe où: dans une grande banque, une
grande société, dans un centre de bien-être, dans une école, peu importe. Cela
se transporte, cela m’appartient, et je le sais. En nous posant ces questions
simples et en y répondant de façon spontanée, nous pouvons accéder à notre
vrai moi et y retrouver tout notre courage et notre pouvoir.

«QUI ÊTES-VOUS VRAIMENT?»


La réponse de Marilyne Gagné

Née en 1978, diplômée des HEC, Marilyne Gagné a fondé la première


clinique Dermapure en 2009 à Sherbrooke. Sa société compte
aujourd’hui 10 cliniques de dermatologie esthétique, de Montréal à
Vancouver. Elle souhaite pouvoir déployer, d’ici trois à cinq ans, son
concept à l’extérieur du pays.
Marilyne Gagné pourrait se décrire comme femme, entrepreneur à
succès, mère, mais non. Elle dit: «Je me définis comme gestionnaire,
comme quelqu’un qui sait mener par l’exemple. Je veux être un
catalyseur du changement, je suis quelqu’un qui influence les autres
humains afin de les responsabiliser pour agir.» Souvent, l’inaction vient
du manque de confiance. Marilyne Gagné inspire par sa confiance et son
énergie et pousse les autres vers l’épanouissement personnel. «Je tiens à
donner l’exemple. C’est dans cet esprit que je responsabilise toutes
celles et tous ceux qui travaillent pour moi. Ces personnes doivent
trouver leur passion et leurs talents afin de les mettre au service des
clients et de notre entreprise. Je tiens à ce que nos employés et nos
clients soient traités de façon humaine», m’explique-t-elle.
Elle a le feu sacré et elle le sait. C’est son cadeau, et cela se
transporte n’importe où. Elle pourrait très bien gérer une société
pharmaceutique ou une entreprise de détail dans n’importe quel secteur,
et bien d’autres choses encore.
Chapitre 4
Quelle est votre mission?

Plusieurs d’entre nous n’utilisent pas de façon optimale leur travail et leur
carrière pour satisfaire leurs besoins. Nous gagnons notre vie en étant notre
rôle professionnel, emprisonnés dans nos croyances et nos peurs, en étant
uniquement dans notre tête et sans avoir compris qui nous sommes et ce que
nous avons à offrir. Il est donc tout à fait normal de ne pas comprendre notre
intention derrière notre mission et, par le fait même, de ne pas accepter celle-
ci.
Au travail, les gestes que nous faisons et les attitudes que nous adoptons
sont souvent des réactions plutôt que des actions. Nous comblons nos besoins
en réaction à la peur, au lieu de faire des gestes en harmonie avec qui nous
sommes. Nous voulons à tout prix combler nos besoins, qu’il s’agisse des
besoins de sécurité, de variété, de reconnaissance, d’amour ou du besoin de
réalisation de soi. J’ai longtemps accepté ou refusé des emplois sans
comprendre ce qui motivait mes décisions. En fait, je ne connaissais pas mes
valeurs, mes vraies passions, mon intention ultime et, surtout, je ne discernais
pas mes vrais besoins. J’étais sans repères et sans boussole, comme plusieurs
d’entre nous.
Nous nous réalisons – ou réussissons – uniquement lorsque nous sommes
en mesure de créer un lien entre ce que nous avons à offrir et nos vrais
besoins. Pour satisfaire notre besoin de réalisation de soi, il faut clarifier nos
objectifs et notre intention. Trop souvent préoccupés par nos besoins
inférieurs, nous cherchons à acquérir de la notoriété, de la reconnaissance ou
de la sécurité, à gagner de l’argent, peut-être dans le but de rendre heureux la
famille, les clients ou même l’entreprise. On veut prendre, mais pas trop
donner.
Dans notre vie, le but ne devrait pas être de «prendre». Cette politique du
grab and run («saisir, puis prendre la fuite»), comme l’appellent les Anglo-
Saxons, peut se traduire par une vie apparemment plaisante, mais en réalité
lamentable. Lorsque vous avez l’intention d’accaparer quelque chose, le
message que reçoit votre esprit, c’est que cette chose vous manque. Il est
donc normal de se sentir continuellement vide sur le plan professionnel. Tant
que nous cherchons à prendre, l’objet de notre convoitise ne saura combler ce
trou laissé béant. D’où l’importance d’être en abondance d’un point de vue
émotionnel.
Pour se «remplir», pour enrichir sa vie, il faut plutôt envisager de donner.
Donner, un peu comme le soleil, source illimitée de vie. Cet astre ne se
«tarit» pas, il brille toujours. Il faut donner à partir de ce que nous avons à
offrir, à partir de notre cadeau.
Mais le soleil répond à un besoin: il réchauffe la terre et nous permet d’y
vivre. D’ailleurs, à peu près tout ce qui existe sur la terre doit contribuer à la
satisfaction des besoins des autres. Les plantes contribuent à répondre aux
besoins des insectes, qui, eux, vont contribuer à nourrir les oiseaux et les
animaux, et ainsi de suite. Ce n’est donc pas tout de trouver ce que nous
avons à offrir, car, pour vraiment contribuer à combler des besoins dans la
société, quels qu’ils soient, au-delà des nôtres, nous devons y aspirer. Bien
que d’offrir ce que nous avons à offrir vise, ultimement, notre réalisation
personnelle, la motivation première doit être altruiste et non égoïste. Le but
premier d’une entreprise, c’est de répondre à un besoin, faute de quoi elle est
vouée à l’échec. C’est exactement la même chose pour notre carrière. On me
demande souvent si je serais encore capable de travailler dans la finance.
Lorsque je dis «oui», les gens rétorquent parfois, selon leurs croyances
limitantes: «Si tu veux travailler pour une banque qui fait autant de profits,
c’est que tu n’es pas un vrai yogi.» Or les banques et les agents financiers
répondent à un besoin très important dans la société: ils servent
d’intermédiaires entre les épargnants et les investisseurs. Sans ces acteurs,
notre société ne serait pas aussi développée sur les plans de la science, de la
médecine, de l’éducation, du transport, et ainsi de suite.
Bien qu’il soit fort utile d’avoir des spécialités ou des rôles secondaires,
un avocat, un médecin, un gestionnaire ou un chef cuisinier définiront
souvent ce qu’ils aiment de façon bien précise, en se fondant sur de vieilles
associations liées à des gains de plaisir et de reconnaissance ou en voulant
repousser la douleur à tout prix. D’autres se spécialisent à la suite d’un choix
conscient afin de remplir leur mission. Sans un choix conscient, nous
chercherons à notre insu à repousser des expériences dites «négatives» et à
reproduire des expériences dites «positives». Il devient dès lors impossible de
s’acquitter de sa mission, et c’est souvent ce qui arrive à la plupart de nos
semblables, qui n’ont pas clarifié leur réelle intention. Nous voulons réussir à
tout prix sans comprendre les enjeux et notre vraie mission. C’est pour cela
que, pour plusieurs d’entre nous, réussir leur vie représente un problème
souvent insoluble puisque, à la base, ils ne savent pas quelle entité en eux
tient à réussir – leur rôle ou leur véritable moi. Parfois, nous ne savons même
pas ce que nous voulons réussir au juste!
Voici un autre exemple, peut-être banal, mais vraiment éloquent. Je suis
dans un magasin grande surface pour acheter un truc pour le nouveau studio.
Je remarque deux commis qui se plaignent d’un de leurs collègues. L’un
d’eux semble vraiment très fâché. Du coin de l’œil, il voit que j’attends de
l’aide. Il s’approche à regret et, au lieu de son désir de me rendre service, tout
ce que je perçois, c’est la colère qu’il dégage. Je pense qu’il s’aperçoit que je
ressens ces ondes négatives. Son intervention est médiocre et, à la fin, je
repars sans l’article que je cherche. Voilà quelqu’un qui n’avait pas trouvé sa
véritable mission. Dommage!
Toutes les questions auxquelles vous avez répondu jusqu’à maintenant
vous seront utiles pour déterminer votre mission. Je me permets d’en ajouter
quelques-unes à votre introspection:

• Réussissez-vous votre vie?


• Que voulez-vous réussir au juste?
• Quel est votre objectif?
• Qui veut réussir? Vous-même ou votre rôle?
• Vos spécialités sont-elles des prisons ou vous rapprochent-elles de
votre objectif?

Je donnais récemment une conférence devant un groupe qui travaille pour


une grosse compagnie d’assurance vie et de retraite. En route pour la
conférence, j’entends Paul Arcand à la radio qui parle avec un des membres
du syndicat de la Société des alcools du Québec (SAQ), qui vient de
déclencher une grève éclair. L’animateur dit à son interlocuteur que cette
décision a un gros impact sur nos vies, parce que «vous êtes presque un
service essentiel». Je rigole, car je suis un peu d’accord, puis je me mets à
penser au groupe qui va assister à ma conférence, ces personnes qui
travaillent pour la compagnie d’assurance. Celles-ci, si elles font bien leur
travail et peuvent élever leur niveau d’intention, offrent un service plus
qu’essentiel pour les bénéficiaires et pour la société. Bien qu’on parle de
retraite et d’assurance vie, elles sauvent des vies, du moins la qualité de vie
de ceux qui restent. Elles ont un impact incroyable sur la communauté et dans
la société. Plusieurs familles vivent de grands drames et de grands stress au
moment de la retraite ou du décès d’un conjoint, si tout cela est mal planifié.
J’ai la chance d’avoir un branding en tant que yogi de Wall Street et j’ai
encore des relations dans le monde des affaires. Je dînais récemment avec le
numéro deux d’une grande institution financière. Je lui expliquais ma vision
du rôle, essentiel, selon moi, que son institution joue dans la société. Il m’a
déclaré: «Erik, ça me touche, ce que tu dis, parce que les gens oublient que
nous sommes une entreprise dans un domaine très compétitif, mais qui offre
un service essentiel dans la société dans laquelle nous vivons. On oublie
souvent que les hauts dirigeants ont aussi un cœur.» Il me faisait par ailleurs
remarquer qu’au-delà des objectifs de rentabilité, d’amélioration de la
technologie, pour lui, c’est l’humain avant tout. En voilà un qui a trouvé
l’équilibre entre la tête et le cœur. Il a compris sa mission. Il cherche à
contribuer tant à la cause des actionnaires qu’à celle des humains qui
travaillent avec lui et de leurs clients.
Nous sommes tous ici pour remplir notre mission ultime, mais, souvent,
en raison de nos convictions erronées, de nos peurs, de notre manque de cœur
et de l’incompréhension de nos talents ou de la mauvaise interprétation de
notre intention, nous manquons de courage pour accepter notre mission et
réussir notre vie. Le talent non exploité engendre de la souffrance, alors que
réussir, c’est vivre. Non seulement je l’ai compris pour moi, mais aussi je
l’enseigne. Le fait de le dire aux autres et de le répéter agit comme un mantra
et me permet notamment de contribuer à quelque chose au-delà de ma
personne et, en plus, de bien l’ancrer en moi. Je suis à la fois l’enseignement
et l’enseignant. Écrire, comme je le fais maintenant, est à la fois une thérapie
et une discipline.
En qualité d’arbitragiste et d’investisseur, j’avais quelque chose à offrir:
mon expertise en finance et ma passion. Mais mon absence prolongée de ce
milieu a rendu ma prestation moins pertinente. De plus, en 2008, il y a eu
environ 500 000 pertes d’emplois dans le domaine de la finance, et ce, juste à
New York. Depuis, toutes sortes de réglementations pour limiter la
spéculation ont vu le jour, de sorte que les emplois ne sont pas revenus. Par
exemple, chez Morgan Stanley, au milieu des années 1990, il y avait une
dizaine d’arbitragistes au pupitre des obligations américaines. Ils ne sont plus
que deux en ce moment, et c’est ainsi dans plusieurs secteurs.
Si je n’accepte pas ce fait et que je tienne à travailler comme arbitragiste,
il me sera impossible, bien que j’aie des croyances responsabilisantes et un
cadeau, que j’utilise mes peurs à bon escient, que j’aie trouvé l’équilibre entre
la tête et le cœur, de remplir ma mission. Parce que ce que j’ai à offrir est
moins demandé et que, malgré mon talent, je ne suis plus nécessairement à la
hauteur des attentes du milieu. Au lieu de m’attrister sur la situation, je
constate qu’elle existe, je reconnais que cela me permet de regarder plus loin,
ailleurs, histoire de voir si je ne peux pas combler d’autres besoins à partir de
mon cadeau. Au-delà de ce qu’une entreprise peut offrir à un employé, il faut
aussi voir comment, en tant qu’employé, on peut apporter sa contribution à
une entreprise, ou à la société, si on veut généraliser.
La magie opère quand nous réussissons à mettre notre cadeau au service
des autres et à répondre à certains besoins de la société. Par ailleurs, comme
nous comblerons nos besoins dans le cadre de ce même processus, nous
serons nourris. Notre cœur et notre tête seront donc rassasiés.
Même si je comprenais beaucoup mieux ce qui m’était arrivé, comment
être une personne humaine et laisser la vie suivre son cours, il me manquait le
déclic pour passer à l’action ainsi que le savoir me permettant de réussir dans
ma mission, ma nouvelle carrière et ma vie. Dans mon premier livre, Le
courage de réussir, je relate ce moment où je confie à mon père que je n’ai
pas l’impression de bien accomplir ce pour quoi je suis venu au monde. Et
c’est là que Tony Robbins m’a beaucoup aidé. J’avais déjà lu ses livres,
écouté ses enregistrements. J’ai par la suite terminé ma formation de coach
avec lui, même si j’exerçais ce métier depuis déjà un certain temps. Cela m’a
permis de peaufiner mes techniques. Ma formation de coach, les
enseignements de Tony ainsi que tout mon passé atypique et mes
connaissances ont façonné le plan d’action à suivre pour accepter ma mission
et réussir ma vie et ma carrière.
Réussir dans sa mission est à la portée de tous, peu importe notre titre. Il
s’agit avant tout de bien comprendre notre intention et de la définir. Si
l’intention est d’offrir à partir d’un endroit d’abondance, à partir de notre
«valeur ajoutée», nous comblons un besoin et notre mission devient possible.
Si nous utilisons constamment des formules défaitistes ou des excuses
pour nous enlever du pouvoir, il est clair que notre mission deviendra
effectivement impossible. Des phrases du genre: «Je ne suis pas assez
intelligent», «Je ne suis pas placé assez haut dans la hiérarchie de
l’entreprise», «Chaque fois que j’ai essayé quelque chose de différent, j’ai
échoué», et ainsi de suite, constituent des croyances limitantes qui rendent
notre mission impossible.
Il nous arrive aussi de ne pas comprendre notre intention ultime ou d’en
réduire l’importance à un stade primaire. Quand j’ai demandé à Pierre-Yves
McSween s’il savait qu’il avait une mission plus grande que son livre, ses
critiques et son émission de télévision, il m’a répondu: «Je ne suis pas et je ne
veux pas être un gourou.» Je lui ai dit qu’il ne s’agissait pas de cela, mais que
chacun d’entre nous venait sur terre et dans la société pour accomplir son
dharma, quel que soit son métier. Et il est bien d’accord. Bien que nous nous
entendions pour dire qu’il ne s’agit pas d’être un gourou, il m’a affirmé que
son livre, En as-tu vraiment besoin?, lui a procuré une grande satisfaction.
Au-delà des ventes de plusieurs milliers d’exemplaires et de la notoriété
accrue, il a l’impression de jouer son rôle social. Pour moi, cet homme
incarne véritablement l’idée de donner, qui prime celle de prendre. Inspirant!
Souvent, le seul fait de diriger notre attention sur ce que nous donnons et sur
les besoins qui existent au-delà de nous-mêmes favorise le regain d’énergie,
l’inspiration, la passion, l’action. C’est l’inverse de la volonté de simplement
accaparer. Quand on donne, notre esprit rationnel reçoit un message
d’abondance. Il se sent comblé, nourri.
Je demande toujours à ceux qui souhaitent changer de carrière de revoir
leur intention. Peut-elle être compatible avec leur carrière actuelle? Si oui, je
les encourage à se fixer des objectifs à atteindre pour savoir dans quelle
direction aller, mais en focalisant leur attention sur ce qu’ils font et donnent.
Lorsque nous concentrons notre attention sur ce que nous avons à offrir, nous
nous responsabilisons, nous gardons notre pouvoir et nous nous libérons.
Au besoin, nous réévaluerons la situation et corrigerons le tir, mais, en
attendant, nous continuons de donner ce que nous avons à donner et de
combler un besoin. Tout comme je dois le faire au jour le jour pour mes
studios, j’évalue les rendements et je garde le cap sur mes objectifs sans
douter, mais avec flexibilité. Si, pour vous, l’important, c’est de rendre la vie
meilleure à ceux qui vous entourent, peu importe votre travail, celui-ci peut
tout de même vous combler. La vie est tissée de ces petits moments, et c’est
quand nous réussissons à les rendre importants que nous acceptons notre
mission et que nous permettons à cette même vie de nous nourrir.
Je coache beaucoup de monde du domaine de la finance à Montréal, dont
d’anciens collègues. La plupart s’attachent uniquement aux chiffres de fin
d’année, aux actifs qui augmenteront ou domineront, ou encore aux bonus.
J’ai moi-même longtemps pensé en ces termes, mais ce n’est pas une façon
de vivre! Tous les jours, nous nous battons, jusqu’au 31 décembre, et, une
fois l’année terminée, nous avons à peine le temps de célébrer nos succès que
déjà nous pensons au 31 décembre de l’année suivante. C’est ce qu’on
appelle le rat race, la course à la performance. Il est impossible d’être nourri
par cette vision du travail. Il faut prendre le temps de célébrer nos réussites,
sans toutefois nous endormir sur nos lauriers. Cette association positive
favorisera un esprit de gagnant.
Je demande à ces gens de bien comprendre leur cadeau, les besoins de
leurs clients, ceux de leur employeur et de leurs collègues, et de se fixer des
objectifs et des stratégies de placement, en fixant leur attention sur ce qu’ils
donnent et non sur le résultat. Il y a plusieurs impondérables qui échappent à
notre contrôle dans les résultats, ce qui nous place sous la Loi des accidents,
mais nous sommes maîtres de nos actions et de ce sur quoi nous nous
focalisons. Un gestionnaire de portefeuille que je connais bien et qui est un
des meilleurs au monde dans son domaine a connu pour une rare fois une
année difficile en 2016. Quand je lui ai demandé s’il en avait perdu le
sommeil et s’il trouvait cela pénible, il m’a répondu que non. Il m’a expliqué
que la victoire de Donald Trump a créé une forte montée dans les titres de
moins bonne qualité. Il était par conséquent tout à fait normal que son
portefeuille s’en tire moins bien. Il a continué à donner, puis a tout récupéré
ce qu’il avait perdu après seulement quelques mois.
On peut dire qu’un tel gestionnaire contrôle parfaitement sa mission. En
plus d’avoir atteint à nouveau un haut degré de performance, il a reçu
d’autres mandats et augmenté ses actifs sous gestion. S’il avait perdu de vue
son intention ultime pour performer à n’importe quel prix, dans le but de
prendre, il aurait perdu de vue sa mission. Je parie que ce changement de
stratégie et d’intention ne lui aurait probablement pas permis d’obtenir de
nouveaux clients. J’aimerais préciser que cet homme a eu un père incroyable.
Il sait donc qu’il a été aimé et qu’il mérite de l’être, ce qui lui procure cette
confiance en lui. Il ne cherche pas à combler ses besoins humains de façon
sous-optimale. Plus que son talent, ce sont son détachement et sa confiance
en sa mission qui constituent sa plus grande force.
J’ai aussi l’exemple d’un avocat qui travaille pour un grand cabinet et qui
réussit très bien. Il a terminé l’année avec brio: nouveaux clients, dossiers
importants, et ainsi de suite. Comme pour ceux qui travaillent dans la gestion
de portefeuille, le 1er janvier, le compteur repart à zéro. À la mi-janvier, il
vient me voir, un peu anxieux, parce qu’il n’est pas occupé et qu’il doute de
pouvoir répéter les exploits de l’année précédente. Je lui demande comment
avait commencé sa dernière année, et il me répond qu’elle avait débuté de la
même façon, ce qui est un peu normal, car tout le monde était en vacances. Je
lui demande ensuite de garder son attention sur ce qu’il donne. Que peut-il
faire qui est de son ressort en ce moment pour se positionner? Faire du
réseautage à l’externe ou à l’interne? Se rapprocher de sa clientèle? Publier
des textes sur des décisions juridiques? Mieux vaut pour lui de rester
concentré sur ce qu’il a à faire et à donner et sur les besoins qu’il peut
combler, et non sur la fin de l’année.
Même dans ces moments, on ne doit pas perdre de vue sa collaboration à
une œuvre commune et l’on doit faire des gestes, agir et se donner des
objectifs de croissance, de visibilité et de contribution. La semaine suivante,
il est revenu me voir pour m’annoncer qu’il avait reçu un mandat qui
l’occuperait pendant la moitié de l’année et rendrait celle-ci plus profitable
que la précédente. Comme on devrait toujours vivre dans l’ici et le
maintenant, le mieux à faire, c’était de faire des gestes concrets qui avaient
un impact.
Il y a une croyance dans certaines cultures selon laquelle si vous n’avez
pas d’amour en vous lorsque vous cuisinez, vous empoisonnerez ceux qui
mangeront le repas. Ce genre de situation est décrite dans un film mexicain
de 1992, Les épices de la passion, d’Alphonso Arau, d’après le roman
Chocolat amer, de Laura Esquivel. Une jeune fille, cadette de sa famille, doit
s’occuper de sa mère et se résigner au célibat. Troublée par sa peine et sa
douleur, cette Cendrillon communique avec son amant à travers la nourriture.
Nous-mêmes utilisons l’expression «C’est fait avec amour» lorsque nous
mangeons au restaurant, peu importe qu’il soit grand ou petit. Cela veut dire
que le repas est préparé avec passion et sans effort, comme une expression
parfaite de l’univers. La personne qui prépare le repas a accepté sa mission.
Et c’est ainsi dans tout. Si vous offrez à partir d’un endroit d’abondance
émotionnelle, qui se trouve dans le cœur et dans la gratitude, vous avez
trouvé votre mission. S’il n’y a pas de but, d’amour, de passion dans ce que
l’on offre, cela se ressent; c’est la mort de l’âme.
Faire de l’argent est probablement la pire des intentions, à moins que
votre situation ne soit très précaire et que vos besoins primaires ne soient pas
comblés. J’ai rencontré des gens qui ont choisi leur métier pour le salaire. Si
un dentiste ne pense qu’à changer les mags de sa Porsche au lieu de répondre
aux besoins de ses patients, il n’y a aucune Porsche ni aucune roue dernier cri
qui combleront l’immense vide qui se sera creusé en lui. Si vous avez choisi
d’être enseignant parce que vous voulez profiter de deux mois de vacances,
les dix autres mois seront certainement vécus comme un enfer.
Même si l’intention de départ n’était peut-être ni noble ni angélique, il y a
moyen, dans ces deux exemples, d’accepter sa mission en changeant ce sur
quoi nous dirigeons notre attention. Le dentiste a une mission très importante,
soit celle de soulager et d’aider une personne humaine qui a besoin de son
aide à cause de maux de dents. La mission de l’enseignant est l’une des plus
belles au monde, soit de vivre au quotidien avec des jeunes, de les aider à se
responsabiliser et de leur apprendre à se préparer pour la vie. C’est là-dessus
qu’il faut diriger son attention, pas sur deux mois de vacances ni sur une jolie
voiture.
Prenons le cas de Zaza, la gardienne de mon fils Marcus. Elle a veillé sur
lui de son 12e à son 24e mois. Dans la soixantaine, cette femme, assistée de
son mari retraité, a compris toute l’importance de sa mission dans sa garderie
en milieu familial. Je n’avais jamais vu cela: la maison était impeccable, mon
fils mangeait toujours tout son repas et ses vêtements n’étaient jamais
souillés. De plus, elle enseignait les bonnes manières aux enfants avec une
énergie et une passion incroyables. Zaza avait compris sa mission, soit d’être
auprès de jeunes enfants et d’aider leurs parents, en faisant tout ça avec son
grand cœur.
Nous serons plusieurs à dire que le travail du concierge, qui nettoie des
toilettes et des planchers, n’est certainement pas le plus enthousiasmant ou
qu’il doit sûrement être difficile d’accepter une telle mission. Si nous allons
au travail pour le chèque de paye ou les vacances, voilà une corvée que peu
d’entre nous voudraient faire. Mario, le concierge de la bâtisse où est situé
mon studio à Griffintown, travaille là-bas depuis un peu moins de 30 ans.
L’immeuble date de 1880, avec des planchers et des plafonds vétustes. Il a
une superficie de 13 000 mètres carrés, abrite plus de 40 entreprises
différentes et renferme plus de 18 salles de toilettes aussi propres, et peut-être
même plus, que dans les prestigieux immeubles du centre-ville. J’ai visité
plusieurs maisons, restaurants et hôtels qui auraient beaucoup à envier au
1600, rue Notre-Dame Ouest. Mario accomplit son travail avec amour et
passion. En plus de garder cet endroit propre, il a toujours le sourire et est
prêt à ouvrir une porte, à servir, bref, à aider les gens. Je sens sa présence et
son énergie, sa bonne humeur et, par-dessus tout, son amour dans tout ce
qu’il entreprend. Connecté à son intention, il est heureux, épanoui, et il fait
du bien autour de lui. Cet homme sans prétention change ma vie et celle de
tous les locataires.

Comprendre ma vraie mission


En ce qui me concerne, j’ai eu une carrière remplie de certains succès
professionnels et financiers, mais j’ai refusé longtemps ma vraie mission, ce
qui m’empêchait de me réaliser. Le succès sans la réalisation de soi est un
échec. Comme je l’ai mentionné plus haut, tous les autres échecs sont des
façons d’apprendre, de grandir, de devenir une meilleure personne humaine,
mais ne pas se réaliser, c’est l’échec ultime, l’échec d’une vie, que ça soit la
première ou la dernière, comme dans le cas d’Isabelle Hudon. Après la mort
de mon père, j’ai eu des doutes et des questionnements sur ma carrière
professionnelle. Je gérais l’un des plus importants studios de yoga à
Montréal, avec une quinzaine de professeurs. Cependant, j’avais l’impression
de ne pas me réaliser comme professeur de yoga, propriétaire de studio,
conférencier et coach. Comme je l’ai déjà dit, mon expérience de travail est
assez riche et atypique. J’ai géré un pupitre de négociation à l’âge de 32 ans
et une firme de placement à 40 ans. Maintenant, que devais-je faire?
Je me suis rendu à l’évidence: j’étais un bon gestionnaire, et cela, peu
importe le domaine. C’était un de mes talents. Comme j’avais l’impression de
ne pas en faire assez, de ne pas être nourri ni épanoui dans mon métier de
professeur de yoga et de gestionnaire d’un seul studio, et comme j’avais ni
plus ni moins promis à mon père de faire avancer ma carrière pour remplir
ma mission, j’ai décidé de me lancer dans le réseautage et de rencontrer des
gestionnaires et des investisseurs.
Je me présentais comme un gestionnaire à succès, qui a touché à tout et
qui sait réussir grâce à sa détermination. Quelques-uns de ceux que j’ai
rencontrés m’ont demandé de définir ce que j’étais, d’expliquer ce que j’avais
à offrir et ce que je voulais. Or je n’avais pas bien défini mon cadeau.
Néanmoins, j’ai rencontré des gens qui m’ont parlé des projets sur lesquels ils
travaillaient pour savoir si cela pouvait m’intéresser: une entreprise de
poteaux de téléphone, une entreprise de pisciculture consacrée à l’élevage de
truites et de saumons, un centre de bien-être à Hawaï, une exploitation
aurifère. On m’a même parlé d’un retour en gestion de portefeuille, et j’en
passe. Même si ce livre n’était pas encore écrit, j’avais bien compris
l’importance de l’intention derrière les gestes.
Je me suis alors demandé quelle était mon intention pour chacun de ces
projets: prendre ou donner? Encore récemment, on m’a proposé d’être
président d’une compagnie qui va uberiser un secteur de service. Celui qui
m’en parle me fait miroiter les millions, voire les milliards, potentiels dans
cette aventure. Mais qu’est-ce que j’ai à offrir dans ce domaine? Cela faisait-
il vraiment partie de ma mission? Allais-je encore une fois obtenir des succès
parce que je suis un bon gestionnaire, discipliné et rigoureux, qui travaille
dans l’équilibre de la tête et du cœur? Finalement, aucun de ces projets ne
correspondait à ma mission à ce moment-là. J’ai donc refusé ou n’ai tout
simplement pas relancé les différentes personnes concernées.
J’ai ensuite pensé à un autre projet: créer un gros centre Wanderlust dans
le local laissé vacant par l’ancien restaurant Thaï Grill, situé juste sous notre
studio, à l’angle de l’avenue Laurier et du boulevard Saint-Laurent. Le siège
social de Wanderlust venait d’ouvrir un grand centre à Hollywood. Ce sont
plus de 900 mètres carrés qui abritent un resto avec permis d’alcool et trois
salles de yoga. Bref, c’est Byzance!
Inspiré par ce que je pense être ma mission et par ma visite de ce
magnifique centre, j’entame des discussions avec mon propriétaire, des
partenaires potentiels et les fondateurs de Wanderlust pour louer le local du
rez-de-chaussée et en faire un resto-microbrasserie Wanderlust. Un endroit où
l’on aurait pu présenter des spectacles de musique tels que nous en voyons
dans les festivals. Geneviève, mon associée inconditionnelle, manifestait
certaines réticences, mais elle appuyait tout de même l’initiative.
Nul doute que nous aurions réussi grâce à mes talents de gestionnaire et à
ma personnalité, mais était-ce vraiment ma mission d’ouvrir une
microbrasserie? La réponse est non. L’intention aurait été de prendre et non
de donner. Oui, bien sûr, nous aurions fait beaucoup d’argent, mais de
l’argent vide de sens et, pour moi, c’est un échec. D’ailleurs, quelques mois
plus tard, la microbrasserie Siboire, de Sherbrooke, a loué le local. Elle est
ouverte depuis mai 2017, et les propriétaires ont déjà une petite mine d’or
entre les mains. Mais Antoine, le jeune qui est le partenaire principal,
travaille sans relâche. Il est là tôt le matin et tard le soir, mais il garde
toujours le sourire. Nous voyons assez rapidement qu’il est véritablement
«sur son X».
Le siège social de Wanderlust m’avait aussi proposé d’acheter un studio à
Toronto et de le gérer comme je gérais celui du Mile End. Bien que très flatté
par cette proposition et qu’une fois de plus je pense que nous aurions connu
du succès, ce n’était pas l’étape suivante de ma mission, mais ça fera partie
de ma mission. C’est ensuite que j’ai compris ma vraie mission et l’intention
derrière celle-ci.
Nous connaissons un succès incroyable avec notre studio du Mile End, et
pas seulement sur le plan financier. Nous nous réalisons à travers ce projet.
L’entreprise est maintenant très rentable, et ce, dans un domaine où très peu
de studios réalisent des profits. Pour Geneviève et moi, c’était vraiment
important d’offrir du yoga de qualité non seulement dans la salle, mais aussi
à l’extérieur de celle-ci, ce qui veut dire que nous sommes en union dans nos
interactions avec nos élèves, nos employés, nos professeurs, nos partenaires,
nos voisins et tous ceux qui participent de près ou de loin au bon
fonctionnement du studio et qui ainsi contribuent à changer le monde.
Les élèves nous remercient d’avoir créé un endroit où ils se sentent chez
eux, en plus d’y trouver le meilleur yoga à Montréal. Je gère les studios avec
une poigne de fer et un cœur de velours, dans l’équilibre entre ma tête et mon
cœur. Je suis le vrai yogi de Wall Street. Le temps est révolu où les
professeurs de yoga peuvent exploiter des studios sans être des gestionnaires
aguerris. En effet, les studios ferment les uns après les autres, même s’ils sont
associés à de grands noms et à de grandes personnalités.
Chez nous, les élèves se sentent accueillis, respectés, soutenus, et plus
encore. Pour ce qui est de mes professeurs, ils vivent une expérience que
plusieurs d’entre eux n’ont jamais vécue auparavant. La plupart possèdent
davantage de connaissances et d’ancienneté en enseignement que moi, en
plus d’avoir une meilleure pratique, mais c’est moi qui les guide. Avec mon
cadeau, je les encourage, leur lance des défis. Ils ont tous trouvé cela très
difficile au début. Certains sont partis, mais ceux qui ont décidé de travailler
ont compris et grandi.
Chaque fois que j’assiste à une classe au studio, je rencontre ensuite le
professeur et lui présente une liste de points positifs et négatifs. Je lui donne
le pouvoir de réussir en mettant l’accent sur ce qu’il contrôle pour que la
magie puisse opérer. Mes professeurs qui enseignent ailleurs me disent que,
dans la plupart des autres studios, on leur demande s’ils ont une expérience
d’enseignant. Quand l’un d’eux répond par l’affirmative, on lui dit: «C’est
beau, dans le fond, tu peux enseigner avec très peu, sans avoir aucun suivi ni
aucune rétroaction sur la qualité de ton enseignement.» Oui, mais voilà, yoga
veut dire «union» dans tous les sens du terme. Si le professeur enseigne pour
lui, sans prêter attention aux élèves ni à la qualité de son enseignement, il n’y
a pas de yoga et il ne peut se réaliser, donc il refuse d’accepter sa mission.
Je travaille avec tous mes professeurs, dont certains ont 10 ans
d’expérience de plus que moi, dans l’enseignement ou dans la pratique de
cette discipline. Je travaille de façon constructive afin que tous puissent
accomplir leur mission. Un débutant m’a dit un jour en pleurant que son
salaire lui assurait son pain quotidien, mais que mes commentaires
nourrissaient son âme et la faisaient grandir!
Récemment, j’ai reçu les témoignages de mes deux professeurs les plus
expérimentés et assurément parmi les meilleurs à Montréal. Séparément, les
deux m’ont remercié d’avoir créé cet endroit qui permet à tous de se
dépasser, d’aller plus loin et de grandir ensemble. Je les ai remerciés, mais je
leur ai fait remarquer que j’avais joué mon rôle – je dirais même ma partie,
comme si c’était une danse ou une pièce de théâtre et que j’en étais le
directeur. J’ai toutefois ajouté que, sans leur participation et leur acceptation
de ma partie, rien de cela n’aurait été possible.
Un autre de mes plus populaires professeurs, très présent, est conscient de
sa popularité. Après avoir assisté à une de ses classes, je lui adresse des
commentaires positifs, mais lui souligne aussi beaucoup de points à
améliorer, et il est forcé d’admettre que j’ai raison. Il n’est pas content du
tout, grogne, se ferme comme un mollusque et quitte le studio, visiblement
offusqué. Le lendemain, je le vois en train de discuter avec plusieurs de ses
pairs et je comprends que je suis le sujet de la conversation. Ma professeure
principale vient me voir pour me faire part de commentaires et me révèle
qu’il explique aux autres à quel point il est motivant de travailler dans un
endroit où le directeur soutient ses professeurs et les pousse à se dépasser.
Après une première réaction négative, il avait compris que mes remarques
n’avaient rien à voir avec l’exercice aveugle d’une sorte d’autorité juvénile
de cour d’école. Vous vous souvenez certainement de ces jeunes qui disaient
toujours avant de jouer: «C’est moi le chef!» ou «C’est moi qui mène…»
C’est là aussi ce que j’ai à donner. En plus de proposer à mes élèves le
meilleur yoga en ville dans une ambiance chaleureuse et respectueuse, j’offre
aux professeurs un endroit où grandir, s’épanouir et évoluer. Comme je l’ai
déjà mentionné, il est très difficile de bien gagner sa vie à titre de professeur
de yoga. Or je tiens à rémunérer nos professeurs correctement, non pas parce
que je suis uniquement dans mon cœur, mais parce que mon côté rationnel
comprend aussi qu’ils seront plus heureux et plus efficaces si leur besoin de
sécurité est comblé grâce à un salaire décent. Cela permettra en outre
d’augmenter l’achalandage et les profits et d’assurer une certaine pérennité,
car les résultats auront été obtenus avec amour et on se passera du poison,
comme dans le film Les épices de la passion.
Étant donné que l’industrie du yoga est fragmentée et que la plupart des
studios sont mal gérés et non rentables, j’ai vite compris que ma mission était
d’être un consolidateur de ce secteur d’activité. Au cours d’une rencontre que
j’ai eue avec Jacques Francisque sur le sujet de ce livre, il m’a confié qu’il
venait de racheter sa compagnie avec l’aide d’un partenaire financier. Je lui ai
demandé de nous mettre en contact – ce qu’il a fait –, et cet homme d’affaires
et moi nous sommes tout de suite bien entendus. Trouver du financement au
privé pour ouvrir un studio de yoga est à peu près impossible. Mais comme
c’est ma mission, je n’allais pas invoquer cette difficulté comme excuse ni
laisser une croyance limitante m’arrêter.
J’ai bien expliqué mon plan à mon éventuel partenaire financier, et il a
tout de suite vu une équipe gagnante en Geneviève et en moi. Il a accepté de
financer le studio de Griffintown. Et si les conditions le permettent, nous
ouvrirons de trois à cinq autres studios dans la région de Montréal, et ensuite
nous étendre dans le reste du Canada. Dans chacun de ces studios, il y aura
un ou une copropriétaire qui assumera aussi la codirection, à l’exemple de ce
que Geneviève et moi faisons au Mile End. Mon intention est de proposer un
environnement de yoga contemporain qui soit ouvert à tous ainsi qu’une
gamme de produits diversifiés pour que chacun puisse trouver son dharma
comme il le veut. C’est aussi de donner à mes professeurs des studios de yoga
qui les appuient et qui leur permettent de se perfectionner et de gagner leur
vie raisonnablement. J’apporterai aussi mon soutien aux futurs associés dans
l’expansion d’autres studios. J’aide à améliorer et à changer la vie dans ma
communauté, ce qui rend ma mission possible.
Je ne peux pas tout faire ni être de toutes les missions. Je dois en choisir
une. De là m’est venu mon questionnement lors du décès de mon père, à
savoir si j’étais entrepreneur ou professeur de yoga. Il est essentiel pour moi
de continuer à enseigner, mais, comme professeur, je n’ai pas la même
passion et le même cadeau qu’en tant qu’entrepreneur, conférencier, coach et
auteur, ni que certains professeurs de carrière. La compréhension du corps et
son application dans les postures et les classes de yoga sont infinies. Cela
exige une formation continue. Si je me force à poursuivre dans cette voie, ma
mission sera impossible. J’ai compris que j’ai besoin d’être appuyé par des
professeurs qui se passionnent pour l’anatomie et pour son rôle dans une
séquence de yoga. Une de mes croyances responsabilisantes, c’est que je suis
intelligent, mais humble aussi. Je permets donc à tous ces professeurs d’être
mes guides. Je reçois ainsi continuellement de l’enseignement qui vient d’eux
et de mes élèves sans avoir à courir aux quatre coins du monde pour suivre
des formations. Grâce à mon esprit rationnel, je suis capable de comprendre,
d’analyser et de mettre en pratique l’information.
Mon intention comme professeur n’est pas de disséquer toutes les facettes
du muscle ilio-psoas par mes instructions et les postures que je commande. À
la lumière des différentes discussions que j’ai eues, ainsi que selon ma propre
interprétation et mon analyse, mon intention est plutôt de créer des classes
qui feront voyager mes élèves. Je veux les sortir de leur quotidien pour leur
permettre d’explorer leur dharma, comme eux seuls savent le faire. Je
souhaite les libérer de leur prison et de leur esprit rationnel et les faire
respirer afin qu’ils soient en communion avec leur cœur et leur esprit. Je
désire enfin créer l’union dans la salle entre les élèves et moi. C’est d’ailleurs
ce que namasté veut dire: «Je salue cet endroit en toi où, quand tu t’y trouves
et que j’y suis, nous ne sommes qu’un.» C’est faire respirer tous les
participants ensemble et les faire voyager. Quand cela arrive, il y a de la
magie dans l’air et on la ressent.
Malgré qu’être professeur de yoga ne soit pas ma mission principale, je
comprends le bien immense qu’apporte la pratique de cette discipline. Je le
sais, car c’est ce qui m’a sauvé la vie et libéré de mes pensées limitantes et de
mes peurs. C’est également grâce au yoga que j’ai trouvé l’équilibre entre la
tête et le cœur. Ma confiance en moi et ma personnalité me permettent aussi
de bien guider une classe pour favoriser la manifestation de la magie. Ainsi,
lorsque j’entre dans la salle, je connais ma mission et l’intention derrière
celle-ci, c’est-à-dire donner. Mon intention est d’être le canal qui permet de
voyager et à la magie de se produire. Je contribue à changer ma communauté
et le monde grâce à mon cadeau.
Mon intention ultime est de transmettre les expériences et les leçons du
yogi de Wall Street, qui sont en fait très semblables à ce que tous les autres
humains sur cette terre vivent au quotidien. Il est certain que mon parcours
atypique attire l’attention et me donne une certaine crédibilité, du pouvoir.
Cette attention me confère une responsabilité, celle d’élever mon niveau
d’attention. Tout comme Ram Dass, le yogi de Wall Street a une mission
importante à accomplir.
En réalité, on se moque un peu de mon parcours. Ce qui est intéressant
dans mon histoire, ce sont les leçons que j’ai réussi à en tirer. Nous avons
tous des croyances limitantes et d’autres paralysantes. Nous sous-utilisons
nos croyances responsabilisantes et avons tous peur. Nous sommes trop dans
notre tête et insuffisamment dans notre cœur. Nous sommes aussi dans
l’incertitude par rapport à qui nous sommes vraiment, par rapport à notre
mission et à son intention. Enfin, nous n’avons pas foi en notre mission.

La mission du yogi de Wall Street est de provoquer un


éveil
Pour partager mon expérience, je m’y prends de plusieurs façons. J’ai déjà
mentionné les deux premières, soit ouvrir des studios pour permettre aux
gens de se libérer et enseigner avec la même intention. J’aime raconter mon
histoire en conférence, j’aime rire de mon parcours, me montrer vulnérable et
discuter des leçons que j’en ai tirées et des questions qui s’y rattachent.
Je n’ai pas tout compris et ne suis pas guéri de tous les défauts qui
affligent les êtres humains. Mais en affichant ma vulnérabilité et mon
humilité, plutôt qu’en prêchant que, pour être heureux dans la vie, il suffit de
faire comme moi, je réussis à rejoindre les gens sans les menacer ni les
culpabiliser. De toute façon, c’est maintenant comme cela que je vis:
vulnérable, humble, curieux, mais toujours avec courage.
Je ne recommande pas aux gens de quitter leur job stressant et de se
rendre au Népal pour méditer sur les hauteurs du massif de l’Annapurna,
contrairement à ce que plusieurs peuvent penser. L’intention derrière ma
mission est de provoquer un éveil chez une ou cinq cents personnes qui
assistent à mes conférences pour qu’elles puissent remplir leur mission. Trop
souvent, comme ce fut longtemps mon cas, les gens blâment tout ce qui est
autour d’eux de leur insuccès, de leur manque de bonheur et de leur
incapacité à se réaliser pleinement, alors que les solutions se trouvent à
l’intérieur même de leur personne.
Et c’est pour cela que notre mission est souvent impossible. Mon
intention est donc de provoquer ce questionnement et de montrer l’homme
qui travaillait à Wall Street pour le plus gros fonds spéculatif au monde, qui
roulait en Ferrari et en Porsche, mais qui n’avait pas compris sa véritable
intention, ce qui rendait sa mission impossible. Même si j’avais réussi à
empocher des millions, jamais je n’aurais été rassasié par la vie.
Lorsque je donne une conférence, je suis là pour les gens, avec leurs
attentes et leurs besoins. En respectant mes valeurs, mon éthique personnelle
et mon message, je suis là pour créer une union entre moi et tous ceux qui
assistent à la conférence. Je suis là pour donner et non pour recevoir, et le
moment où je préfère donner, c’est durant la période de questions. Aucune
question n’est refusée. Sans prétendre avoir tout compris ni détenir toutes les
réponses, je partage ma vérité pour le bien des autres. Je donne par amour,
pour aider, contribuer au bonheur des autres et sauver des vies émotionnelles,
psychologiques et spirituelles.
Si mon intention, quand je donne une conférence, était seulement d’être le
meilleur conférencier au Québec, d’impressionner les gens, de me faire payer
comme les célébrités, je pense que je n’obtiendrais pas autant de succès. Et
même si je connaissais du succès, je ne me réaliserais pas. Ma mission serait
tout simplement ratée.
Le coaching est un autre moyen que j’emploie pour communiquer mes
leçons et raconter mon histoire. Et, tout comme en conférence, je suis là pour
l’autre, pour donner selon le besoin. Je guide dans la vérité, l’intégrité, la
bienveillance, l’empathie et l’action. Je coache déjà depuis longtemps. Je me
suis retrouvé patron très tôt dans la vie, bien que mon intention n’ait pas
toujours été alignée sur ma mission. J’ai coaché dans bien des milieux,
notamment dans celui de la finance. Étant moi-même survivant du cancer,
j’ai eu l’occasion de m’adresser à des groupes de malades. J’ai toujours su
que de me rendre à ce stade de vérité me nourrissait et que certaines
personnes sont vulnérables et évitent la vérité, car elle est souvent terrifiante.
Étant donné que mes interlocuteurs sont habités par leur mode par défaut –
qui est un mode de survie –, ils cherchent à tout prix des solutions. Eux seuls
peuvent résoudre leurs problèmes, mais, souvent, ils ont seulement besoin
d’un espace sans jugement qui leur permette de vivre ce qu’ils ont à vivre. Je
les accueille et leur offre la possibilité de vivre, de s’exprimer, de pleurer, de
se révolter, de crier, tout en gardant mon cœur ouvert et sans jugement.
Je coache donc officieusement depuis longtemps et officiellement depuis
2014. J’ai terminé ma formation de coach d’intervention stratégique avec
Tony Robbins et Cloé Madanes. Je peux ainsi mieux aider les gens à trouver
des pistes de solution. Si je coache, ce n’est pas pour avoir raison, mais pour
guider le client, à partir de ses besoins humains, de ses valeurs et de ses
objectifs. Je ne décide pas, je fournis des outils au client pour qu’il puisse
agir et accomplir sa mission, quelle qu’elle soit. Si un client vient me voir et
m’annonce qu’il veut quitter sa femme ou son emploi, même si je n’ai aucun
parti pris, je l’aide à trouver les solutions en lui avant de l’amener vers le
changement. Il est trop facile de chercher des échappatoires et de se
déresponsabiliser. Je suis là pour mon client, pour donner à partir de mes
connaissances et de mon expérience dans la vérité. Par contre, je l’interroge,
le fais travailler, méditer. Je lui demande de revoir toutes les questions de ce
livre qui s’adaptent aussi dans sa vie personnelle et amoureuse. Quand il a
trouvé des réponses, nous mettons en place le processus nécessaire pour
l’aider à garder la foi en sa mission.
Je fais aussi du bénévolat, sans l’annoncer dans les médias. Et croyez-
moi, j’ai bien compris ma mission. Quand une personne qui a perdu tout
espoir, dans quelque domaine que ce soit, vient me voir, mon rôle est lourd
de responsabilités, mais je l’accepte de tout cœur. Je suis là pour l’autre et je
ne l’abandonnerai pas. Mon intention ultime en coaching est d’outiller mes
clients pour qu’ils puissent réussir leur vie et, à leur tour, aider d’autres
personnes.
Mes livres sont aussi un autre moyen de transmettre mes connaissances,
de rejoindre les gens et de changer des vies. Bien sûr, j’aimerais qu’ils se
vendent par dizaines de milliers, mais je les ai écrits d’abord pour moi, pour
m’aider. Et le fait de comprendre me permet de mieux communiquer et
d’aider encore mieux le grand public. Si ces livres se vendent, c’est qu’ils
répondent à un besoin. J’aurai ainsi réussi dans ma mission. On m’a fait
remarquer que, dans le monde des affaires, très peu de personnalités
masculines parlent de spiritualité. Après avoir réfléchi, j’ai compris que le
yogi de Wall Street, avec son expérience atypique, sa personnalité et son
cadeau, était le candidat idéal pour cette mission. Je l’ai donc acceptée.
Aucune mission n’est trop audacieuse si elle est la vôtre.
Si je peux inspirer, aider des dirigeants, des professionnels, des cadres ou
des syndiqués, des ouvriers et des travailleurs à accepter leur mission et à
créer ainsi une meilleure ambiance au travail, une vie meilleure, de meilleurs
résultats et une plus grande richesse tant sur le plan spirituel que sur le plan
financier, ma mission aura été remplie, et j’en comprends bien la
signification.
On pense souvent que la spiritualité est un concept ésotérique à l’usage
exclusif des yogis, des moines ou des fakirs. Rien n’est plus faux. Être
spiritualisé veut dire être connecté à son esprit, à son âme, à son cadeau.
Cette disposition d’esprit nous donne aussi le pouvoir de voir la vérité et,
donc, les vrais besoins.
Tous ceux qui sont connectés à l’intention ultime de leur mission, sans
nécessairement se dire spiritualisés, ont accepté leur mission et recueillent de
nombreux succès professionnels, en plus de se réaliser. Au-delà de leur
salaire et de leur réussite, tous ont bien compris l’intention de leur mission,
soit aider les gens à partir de ce qu’ils ont à offrir, c’est-à-dire de leur cadeau.
Dans ma propre vie, après avoir compris mon intention ultime, je me suis fixé
des objectifs et j’ai décidé des actions à réaliser afin de les atteindre.
L’intention ultime est de contribuer à quelque chose au-delà de soi, à partir de
son essence, à partir de l’abondance émotionnelle.

Et vous?

Quelle est votre intention? Que pouvez-vous accomplir?


Pourquoi avez-vous choisi votre emploi (ou votre profession)?

Et vous?

Que pourriez-vous faire, dans votre travail actuel, pour


contribuer davantage à la satisfaction des besoins des autres?
Avez-vous tendance à prendre plus qu’à donner?
Comment inverser les choses? Quelle contribution aimeriez-
vous apporter aux autres?

«QUELLE EST VOTRE MISSION?»


La réponse d’Isabelle Hudon

Après avoir été présidente et chef de la direction de la Chambre de


commerce du Montréal métropolitain, la femme d’affaires québécoise
Isabelle Hudon prend la direction de la firme publicitaire montréalaise
Marketel en 2008. En 2010, elle devient présidente de la Financière Sun
Life au Québec et, en 2017, elle est nommée ambassadrice du Canada à
Paris.
Dans certains jeux de société, jeux de cartes ou jeux d’enfant, nous
disposons d’un certain nombre de «vies». Chacune est très importante,
mais nulle ne l’est plus que la dernière. Comme Isabelle Hudon sait
qu’elle en est probablement à sa «dernière vie sur terre», selon la
croyance hindouiste, son intention est de tout donner, parce qu’elle ne
reviendra pas ici-bas. Elle sait intuitivement qu’elle est connectée à
quelque chose d’important qui peut être parfois difficile à comprendre
avec notre esprit rationnel.
Elle poursuit: «Pour ce qui est de l’intention de ma mission dans ma
vraie carrière professionnelle, c’est de convaincre les autres de la suivre,
d’atteindre les objectifs et d’ainsi faire évoluer les choses.» Je sais que
cela peut paraître simple, mais la nuance est importante: «Il ne s’agit pas
seulement de réaliser des profits et des ventes et d’assurer la croissance,
mais aussi de changer le monde», m’a-t-elle expliqué du temps où elle
était présidente de la Financière Sun Life. Isabelle Hudon se démarque
par son imposante présence, connectée dans l’ici et le maintenant. Pour
réussir dans sa mission, elle vise le plus haut possible et atteint les plus
hautes sphères, toujours trois ans d’avance sur ses projets. Elle a su
trouver son intention ultime pour remplir sa mission. On voit aussi
qu’elle a compris sa valeur ajoutée; qu’elle soit présidente de compagnie
ou ambassadrice, sa mission ne change pas, non plus que son intention
au sens large. Elle a un talent unique, une personnalité unique et une
chance unique dans cette vie d’apporter sa contribution, et c’est
précisément ce qu’elle fait.
Chapitre 5
Avez-vous trouvé l’équilibre entre la tête et
le cœur?

Il peut sembler paradoxal d’aborder le sujet de l’équilibre entre la tête et le


cœur dans un livre qui vise à vous aider à trouver votre mission
professionnelle. J’ai saisi l’importance de cet équilibre quand j’ai réalisé
qu’être un yogi retiré du monde ne me permettait pas de découvrir ma voie.
J’ai compris, après un peu plus d’un an de quête spirituelle, toute
l’importance de trouver l’équilibre entre le yoga et Wall Street. C’est à ce
moment que j’ai choisi, en pleine conscience, de laisser tomber toutes les
étiquettes que je m’étais jusqu’alors apposées, celle du riche financier comme
celle du parfait yogi, pour vivre dans la vérité et enfin remplir ma mission,
qui me comblera vraiment.
Je crois que le monde des affaires connaît une grande évolution afin de
faire place à la pleine conscience. En effet, un gros changement s’opère dans
ce milieu avec le Search Inside Yourself Leadership Institute de Google et
d’autres organisations qui proposent des programmes de méditation, comme
le programme MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction, «Réduction du
stress basée sur la pleine conscience»), et des cours de yoga en entreprise.
Pour être nourris par la vie, nous devons l’apprécier dans sa totalité et non
pas rester campés dans notre tête à repousser ce que nous n’aimons pas et à
attirer ce que nous pensons aimer. Notre esprit rationnel cherche à assurer
notre survie, à nous séparer des autres, à nous empêcher de nous ridiculiser.
Notre cœur, lui, veut nous garder unis et tout donner, tout le temps. Comment
trouver un équilibre entre les deux?
Comme nous sommes uniquement dans notre tête, nous pensons que la
vie doit toujours être sérieuse. Or tout n’est pas une question de vie ou de
mort! Afin de dédramatiser quelque peu la situation, on doit trouver son cœur
sans perdre la tête. Au lieu d’être sérieux pour éviter de mourir, on doit être
sincère dans son intention de vivre. Cette constatation est la même dans la vie
professionnelle aussi bien que dans la vie personnelle. Le cœur ou la
conscience (ce que j’appelle aussi le cœur conscient), qui se situe dans
l’équilibre entre la tête et le cœur, nous permet de trouver, en toute sincérité,
une certaine légèreté, un certain plaisir au travail. Le succès, le vrai, celui qui
passe par la réalisation de soi, dépend de cet équilibre.
C’est avec notre tête que nous créons nos croyances limitantes. Celles-ci
nous vident de nos forces, et, ultimement, nous dérobent notre pouvoir
d’accomplir notre vraie mission. De plus, le fait d’être emprisonné dans sa
tête comporte un coût immense. C’est que nous vivons dans l’illusion, coupés
de ce qui nous alimente, comme si, encore dans le ventre de notre mère, nous
nous séparions de notre cordon ombilical.
Cela dit, trouver l’équilibre entre la tête et le cœur peut être périlleux.
Mon premier conseil: être présent, où qu’on soit. Lorsque nous regardons
notre conjoint ou notre conjointe et nos enfants, il ne devrait y avoir que cela
qui compte. Il en va de même dans d’autres situations: par exemple, lorsque
nous nous trouvons devant le conseil d’administration, ce n’est pas le temps
de penser à notre tendre moitié et à nos enfants. La seule chose qui existe,
c’est l’ici et le maintenant.
Trouver l’équilibre ou le retrouver est un travail qui s’effectue au
quotidien. La méditation est un des outils que j’utilise pour réussir à
conserver l’équilibre.

Quand la tête domine


Lorsque nous passons notre vie dans notre tête, à penser, à gérer ou à
planifier, il est tout à fait normal d’être impulsif et de réagir souvent avec
colère et impatience, plutôt que d’agir consciemment dans la richesse du
moment. Ces réactions s’expliquent scientifiquement. Prisonniers de notre
esprit rationnel, nous nous vidons des choses qui nous nourrissent.
Lorsque je travaillais chez Morgan Stanley, à New York, je vivais au
Connecticut. Je me levais à 4 h 45 pour prendre le train de 5 h 30 et être au
bureau à 6 h 45. Le soir, je montais dans le train à 18 h 30 et arrivais à la
maison vers 20 h, et mes filles étaient déjà au lit quand je rentrais. J’avais
passé toute la journée à être une sorte d’ordinateur vivant. J’analysais les
marchés, je jouais à être le plus gros, à prendre le plus de risques,
accompagné et nourri par mes peurs. Le soir, faisant le trajet avec un
collègue, lui et moi repassions notre journée, nos bons et moins bons coups,
et nous pensions déjà à l’ouverture des marchés à Tokyo et au lendemain.
Comme de bons soldats, nous tâchions de prévoir tout ce qui pouvait se
produire, sans voir se dérouler la vraie vie. La nuit venue, je recevais des
appels de Tokyo et je devais prendre d’importantes décisions. Je n’avais
aucun répit: mon emploi prenait toute la place.
Devant mes enfants et devant ma femme – lorsque je les voyais –, j’étais
aussi trop souvent dans ma tête en train de travailler, ce qui explique
d’ailleurs probablement pourquoi elle m’a quitté un peu plus tard. Dans une
telle situation, on peut se demander où est le succès… Je me souviens d’un
épisode en particulier dont je ne suis pas très fier: ma femme était alors
enceinte de notre troisième fille, Tess, elle en était à 37 semaines de
grossesse. Pour mes autres filles, à l’approche de la date de l’accouchement,
j’avais toujours fait des démarches pour diminuer le risque de mes positions
en tant qu’arbitragiste pour pouvoir être là pour ma femme et le bébé. Mais,
au beau milieu de la nuit, trois semaines avant la date prévue, ma femme me
réveille et m’annonce qu’elle vient de perdre ses eaux. Au lieu de dire «oui!»
ou «bravo!» ou «enfin!» ou «j’ai hâte!» je lui lance: «Tu ne peux pas me faire
ça, je suis à découvert de 300 millions d’obligations!» Comme vous vous en
doutez, elle n’a pas apprécié. Étant donné que les moyens de communication
n’étaient à l’époque pas les mêmes que ceux que nous avons aujourd’hui et
que j’étais uniquement dans ma tête, je lui ai demandé de se rendre à l’hôpital
avec notre voisin tandis que j’irais au bureau à Manhattan pour fermer mes
positions. Il n’y avait aucun équilibre ici.
Dans ce monde des affaires, nous mangeons ce que nous tuons (You eat
what you kill, disent les Anglo-Saxons.); il ne faut donc pas se surprendre de
ne pas avoir de véritables amis dans un milieu aussi impitoyable. Vous êtes
un requin et vous en êtes fier. Un tel état d’esprit nous emprisonne dans nos
croyances avec toutes nos peurs. Pour s’en débarrasser, il faut continuer de
cultiver des croyances responsabilisantes et les répéter au quotidien. Cette
façon de faire a le même effet que la pratique spirituelle ou la récitation des
mantras et nous rapproche de notre cœur.
Si nous demeurons uniquement dans notre tête, il nous sera impossible
d’accomplir notre mission. Au sommet comme au creux de la vague, si nous
sommes uniquement dans notre tête, détachés de notre conscience et de notre
perspective globale, nous deviendrons victimes d’une de ces vagues
financières plutôt que de surfer comme un dauphin. Les marchés ont toujours
l’air plus favorables lorsqu’ils sont au sommet, et l’inverse est aussi vrai
lorsqu’au plus bas. Il faut donc du courage pour se retirer et suivre son
instinct, sans essayer de tout comprendre. Sans avoir saisi tout cela au
moment où je négociais des obligations sur les marchés, j’avais néanmoins
constaté que ma tête et mes peurs me jouaient de vilains tours. À l’époque,
les mots «cœur» et «instinct» n’étaient pas très populaires à Wall Street. Pour
ne pas être dominé par la peur au mauvais moment et pour tenter d’avoir ma
conscience même dans la tempête, j’élaborais des plans pour l’exécution de
notre stratégie, dont je faisais part à mes collègues pour m’assurer de bien les
exécuter.
Dans notre tête, dans l’illusion, coupés de la vraie vie, sans filtre, nous
pouvons difficilement saisir les occasions favorables et agir quand se
présentent des défis. Lorsque nous sommes constamment occupés à penser, à
prévoir ou à analyser, nous sommes occupés à «faire» et non pas à «être»,
nous nous tenons constamment à une pensée de la vie, gardant à distance ce
qui nous nourrit. Il n’est pas question ici de concept ésotérique ou
spiritualiste, mais bien d’un thème fondamental qui concerne tout le monde
dans le milieu professionnel. Plusieurs personnes pensent à tort que je suis
trop spiritualisé. Je ne veux pas d’une vie spirituelle uniquement dans mon
cœur, coupée de la réalité de la vie humaine, de ce qui nous sépare. Je ne
veux pas non plus d’une vie matérielle uniquement dans ma tête, coupée de la
nourriture de la vie.
Je veux plutôt être éveillé, ce qui, pour moi, signifie avoir une conscience
élargie et vivre avec la totalité de sa vie, ce qui implique de ne pas tirer sur
certains aspects de la vie ni de les repousser pour se libérer de l’illusion.
Vivre dans cet espace, difficile à décrire avec des mots, qui se situe entre le
spirituel et le matériel. Nous pouvons seulement vivre dans cet endroit
spacieux, doux, accueillant et réconfortant. Bref, c’est la vie. J’ai déjà trop
séjourné dans mon cœur, mais cela n’est pas être éveillé. C’est vivre à
Disneyland. J’en parlerai plus loin.
Notre tête cherche, au moyen de neuro-associations, à tirer sur ce qu’elle
pense aimer (les plaisirs) et à repousser ce qu’elle pense que nous n’aimons
pas (les peurs). Métaphoriquement, ce que nous vivons se présente dans des
boîtes munies d’une étiquette. Notre esprit rationnel est occupé à accumuler
des boîtes dites «aimées» et à rejeter celles qui sont associées à des douleurs
ou à d’autres situations désagréables. Le seul objectif de notre esprit est
d’amasser les boîtes sans même les ouvrir et d’en écarter d’autres de la même
manière. Nous entendons souvent des phrases du genre: «Tu vas avoir
beaucoup de difficulté à me convaincre de…» ou «Moi, les gens qui sont
comme ça…» Quand nous sommes dans l’illusion, nous ne voyons pas ce qui
se passe réellement.
Nous projetons ce que nous voulons voir. Nous projetons à partir de nos
peurs, de nos désirs, sans voir la vraie vie. Si nous nous levons de mauvaise
humeur, préoccupés par des soucis professionnels, tout ce que nous verrons
concernera les problèmes possibles. Nous nous coupons donc de la vraie vie
et des solutions, ainsi que de ce qui peut nous aider. Les problèmes viennent
toujours de la tête, alors que les solutions se trouvent presque toujours dans le
cœur conscient. Nous devenons ce que nous manifestons: si nous concentrons
notre attention sur les problèmes, nous aurons une vie remplie d’épreuves et
ne pourrons pas envisager de solutions. Si nous focalisons sur ce que nous
n’avons pas, nous envoyons un message de manque, de vide à notre esprit. Il
s’ensuit souvent que nous tenterons de combler ce vide en accumulant plus
de choses et en faisant des abus de toutes sortes – aliments, alcool, etc. Même
lorsque nous atteignons nos objectifs, ce vide laisse un trou tellement béant
que le manque, la faim persistent. Être éveillé veut dire être curieux et
flexible et danser avec la vie plutôt que de s’y opposer.
Comment pouvons-nous penser bien faire notre travail, nous épanouir et
combler un besoin susceptible d’évoluer si nous demeurons hermétiques?
Pour nous réaliser et accomplir notre mission, nous devons accepter celle-ci
avec notre conscience plutôt qu’avec notre intellect ou avec le cœur
seulement. Si nous voulons nous réaliser dans la vie, nous devons offrir ce
que nous avons à partager. Mais ce qui nous définit évolue constamment. Et
si nous restons dans notre tête uniquement, nous ne pouvons pas voir qui
nous sommes et ce que nous avons à offrir.

Et vous?

Au travail, êtes-vous toujours psychologiquement présent?


Quand vous revenez à la maison, êtes-vous présent avec les
vôtres?
Êtes-vous capable de ne pas tout analyser ou tout juger?
Êtes-vous fermé à voir la vie telle qu’elle est vraiment?
Et vous?

Vivez-vous dans un monde qui n’existe pas?


Êtes-vous capable de faire preuve de souplesse mentale?
Pouvez-vous être curieux?
Êtes-vous capable de ne pas tout définir?

Pour remplir sa mission, il faut l’accepter, mais pas seulement sur le plan
intellectuel. Il faut l’habiter dans son cœur conscient. Peu importe ce que
vous faites du point de vue professionnel, si vous dégagez des émotions
positives, vous changez votre vie et celle de vos collègues, de vos clients, de
vos employés ou de vos supérieurs pour le mieux et vous donnez ainsi à tous
une chance de se réaliser, et pas seulement d’avoir du succès.
Lorsque les gens me demandent si je travaillerais à nouveau dans une
banque ou une grande société dont les pratiques sont susceptibles de déplaire
à ceux qui sont uniquement dans leur cœur, qui soutiennent des opinions de
droiture qui sont les seules possibles, selon eux, je leur réponds que oui.
Absolument. Je retravaillerais dans une grande société, et cela même si elle
réalise des millions ou des milliards de profits, tant que ses actions ne vont
pas à l’encontre de mes valeurs et de mes principes.
L’économie a besoin de grandes banques et de grandes institutions. Si
vous en faites partie et êtes parvenu à cet équilibre si précieux entre la tête et
le cœur, imaginez combien vous pouvez, à vous seul, contribuer au succès de
cette entreprise, mais aussi à l’évolution de la société, et ce, simplement grâce
à votre énergie! Et si vous êtes plusieurs, dans une entreprise, à pratiquer la
pleine conscience, imaginez les bienfaits pour les investisseurs aussi: ce sont
assurément plus de profits, et de meilleure qualité.
Pensez-vous être capable de changer l’atmosphère de travail pour ceux et
celles qui vous entourent grâce à votre bonne énergie? Si la réponse est non,
essayez de le faire pendant une journée, une semaine ou un mois, et vous
m’écrirez pour me faire part de vos résultats. Vous serez vous-même surpris.
Toutefois, ce n’est pas parce que vous avez atteint cet équilibre ou que vous
en êtes conscient que vous le maintiendrez.
Il m’arrive encore de me retrouver uniquement dans ma tête avec un lot
d’émotions négatives et m’inventer une série de scénarios effrayants qui
n’ont rien à avoir avec la réalité. Je me rattrape en procédant à une bonne
auto-observation. Je possède deux commerces dans un domaine vraiment
compétitif, je gère environ 40 employés et travailleurs autonomes, j’ai six
enfants, des ex-conjointes, des dettes, bref, je vis au quotidien des problèmes
qui sont le lot de bien de gens.
Avant de parler à qui que ce soit sur le plan professionnel (ou personnel),
je me demande où j’habite. Suis-je dans un de ces quartiers de mon esprit où
je ne devrais jamais aller seul? Suis-je seul dans le Bronx?
Plusieurs de mes clients pensent que, pour sortir de leur tête ces pensées
noires, ils doivent les repousser. Que l’on tire ou que l’on pousse, nous
créons une relation et ces émotions gagnent en puissance et finissent par nous
envahir totalement. Ces émotions portent un message et il faut les écouter.
Hier, je parlais justement à un athlète professionnel qui venait de connaître un
cuisant revers et il est partout sur les réseaux sociaux à dire faussement qu’il
va bien. Mauvaise idée!
Quand la vie déroge du modèle prévu, il est normal d’éprouver un
sentiment de perte. Cependant, si j’éprouve ce sentiment, c’est parce que
j’étais attaché aux fruits de ces actions. Quand il m’arrive de ressentir de la
colère, de la déception, de l’envie, de la honte, de la jalousie, je me sens mal,
c’est comme si on m’avait empoisonné avec un venin. Ma pratique de pleine
conscience me permet de me rattraper et de me questionner sur la provenance
de ces sentiments.
Ces sentiments négatifs en moi me sont offerts en cadeau, ils m’indiquent
le travail que j’ai à faire pour me remettre dans le moment présent et garder
mon attention sur ce que je peux contrôler. Si je ne les attrape pas, ces
pensées négatives reviendront en boucle dans mon esprit et gagneront en
importance. Elles deviendront ma réalité et, par le fait même, me videront de
mon énergie vitale. Quand je serai face à un vrai problème de la vie, je serai
privé de mes forces. Si, par ailleurs, je repousse ces pensées négatives, je ne
peux comprendre le message.
Une fois que j’ai saisi le message derrière ces émotions, je les accueille,
les remercie, et je me donne le droit de vivre ce que j’ai à vivre. Je décide de
diriger mon attention sur ce que j’ai dans l’ici et le maintenant au lieu de me
sentir vide de ce que je n’ai pas eu. Nous passons trop souvent notre temps à
nous focaliser sur le fossé entre notre modèle de vie et notre vie actuelle au
lieu d’avoir de la gratitude pour tout le reste de notre vie.
Avoir de la gratitude pour mon corps, pour mes enfants, ma femme, le
père que j’ai eu, pour la chance que j’ai de vivre sur cette terre, est le meilleur
moyen que je connaisse pour sortir de ma tête et me rapprocher de mon cœur.
Encore une fois ici, la répétition est très importante. Je vais donc inviter mes
clients, dans leur rituel du matin, que nous aborderons plus en détail dans le
dernier chapitre, à chanter, à danser ou à courir pendant cinq minutes en
remerciant haut et fort ce pour quoi ils ont de la gratitude: leur travail, leurs
clients, leurs fournisseurs, leurs cadeaux, leurs valeurs, leurs familles, etc.
Par exemple, pour un athlète, cela peut signifier de se répéter à voix haute
les phrases suivantes: «Merci la vie pour ce corps, merci de m’avoir donné la
force et la résilience, merci pour tous ceux qui m’aiment.» Ensuite, il peut
reprendre ses tâches et continuer à accomplir sa mission dans l’équilibre de la
tête et du cœur. Comme notre mode de survie voudra, à notre insu, reprendre
le contrôle de notre esprit, nous devons effectuer cet exercice
quotidiennement et, souvent, plusieurs fois par jour. De cette façon, je viens
de créer une nouvelle façon de penser, qui n’est pas de la fausse pensée
négative, mais une façon de penser qui me rapproche de mon cœur et
m’outille pour affronter les défis de la vie professionnelle.

Et vous?

Avez-vous des émotions négatives qui reviennent


régulièrement? Sans les nier, pouvez-vous les invalider de
façon constructive?
Arrivez-vous à ressentir de la gratitude pour ce que vous avez?

Être trop dans son cœur


Les scientifiques de l’Institut HeartMath (un centre de recherche clinique et
scientifique basé aux États-Unis) ont accompli un travail incroyable pour
mettre en lumière des phénomènes importants dans le domaine de la science
du cœur. Ils ont examiné comment notre cœur et notre cerveau
communiquent entre eux et comment cette relation intervient dans notre
conscience et notre perception du monde. Entre autres, leurs recherches ont
montré que le cœur d’une personne qui ressent des émotions comme la
gratitude, la compassion ou l’amour bat selon un champ électromagnétique
particulier.
Bien que ma tête ait du mal à accepter ce concept ou les résultats de cette
recherche, je dois reconnaître avoir été souvent touché par la bonne ou la
mauvaise énergie ou le champ magnétique émanant d’une personne; j’en
conclus que les autres sont également touchés par le mien. Dans le bon sens
comme le moins bon…
Les recherches de l’Institut HeartMath ont aussi révélé que le cœur
produit des champs électromagnétiques qui varient en fonction de nos
émotions; que le cœur humain possède un champ magnétique pouvant être
mesuré à plusieurs mètres du corps; que les émotions positives créent des
avantages physiologiques dans notre organisme; que nous pouvons stimuler
notre système immunitaire en évoquant des émotions positives; que les
émotions négatives peuvent créer le chaos dans le système nerveux, tandis
que les émotions positives font le contraire.
Pour être fâchés ou en colère contre quelqu’un, il faut d’abord avoir cette
colère en nous. C’est ce que nous dégageons. Un de mes patrons, à Toronto,
détestait cette ville et tous les matins, il arrivait au bureau contrarié d’avoir à
vivre au Canada et ne nous adressait pas la parole avant midi. Les autres
arbitragistes et moi étions terrorisés. Bien qu’il ait connu de francs succès
personnels à Toronto, s’il avait su trouver cet équilibre entre la tête et le cœur
et si nous n’avions pas été habités par cette peur constante, nos résultats
auraient été bien supérieurs.
Comme je l’ai mentionné, je me suis déjà pris pour un yogi, uniquement
dans mon cœur, coupé de mon esprit rationnel. J’avais été un vrai
commandant durant toute ma carrière, un homme de toutes les batailles, en
oubliant de trouver une légèreté à la vie et un certain équilibre. Vidé de mes
forces, de sérotonine, j’ai sombré dans une dépression profonde avec des
idées suicidaires. Cela me faisait du bien de me retrouver dans mon cœur.
C’était comme un retour à la maison, où je savais que j’existais. Mais je
n’avais jamais voulu y croire ni me permettre d’être si vulnérable et d’aller
ainsi à l’encontre de mes croyances limitantes, que je pensais être mes
valeurs.
La pratique du yoga m’a permis de me reconnecter avec mon cœur.
Toutefois, comme tout ce qui était relié à mon ancienne vie était maintenant
associé à de la souffrance, j’étais très occupé à tout repousser, y compris mon
intellect. Quand nous sommes uniquement dans notre tête, nous nous mettons
à tirer sur la vie pour qu’elle comble nos besoins humains. Quand nous
sommes uniquement dans notre cœur, nous nous employons à repousser ce
que nous pensons être une source de souffrances, puisque nos besoins ne sont
pas comblés, et prétendons que nous n’avons aucun autre besoin que l’amour.
Être conscient suppose d’exister à tous les niveaux de réalité. La conscience
élargie ne peut nous priver de notre cœur ni de notre intellect. Dans un cas
comme dans l’autre, nous sommes à côté de la vie au lieu d’être en symbiose
avec elle et il nous est impossible d’accomplir notre mission.
J’ai décidé de faire comme si je n’avais pas besoin de sécurité, de travail,
de réseau professionnel, ni même de me réaliser, de donner ou de contribuer
au bien de la communauté. C’était un monde parallèle, un autre niveau de
réalité. J’ai fait le tour du monde pour suivre plusieurs formations de
professeur de yoga, pour prendre part à des retraites de méditation et autres,
tout ça dans le but de repousser mes douleurs. J’ai eu un gourou, Ram Dass,
auteur à succès et figure spirituelle. J’ai eu l’occasion de le rencontrer à sa
résidence de Maui. Il venait de publier son nouveau livre, Be Love Now
(Polir le miroir en français) et m’a donné comme mantra «Je suis l’amour
conscient», à répéter plusieurs fois par jour, tous les jours. Comme la vie est
souvent une illusion, j’ai mal interprété les propos et le livre de Ram Dass et
j’ai décidé d’être un cœur ambulant dépouillé de mon esprit rationnel. Je me
suis autosaboté.
Durant ces années, je me suis pris pour un yogi. Je niais les problèmes et
les douleurs de la réalité humaine. J’étais tout à fait déconnecté de la réalité
économique et sociale. Notre cœur veut s’unir et tout donner, mais notre tête
nous désunit en protégeant notre ego. Si elle est seulement dans son cœur,
comment une infirmière peut-elle rentrer à la maison après son quart de
travail alors qu’il y a encore des malades dans le corridor? Et si elle est juste
dans sa tête, comment peut-elle avoir de l’empathie pour les malades? Pour
moi, c’était une grande source de réflexion.
Durant cette période où je reniais ma tête, je cherchais quand même un
emploi en finance, mais j’étais coupé de mon intellect et de ce qui m’avait
apporté du succès dans le monde des affaires. Cependant, j’avais appris à
laisser aller, à me détacher des fruits de l’action. Encore une fois, nous
comprenons souvent mal la signification de ce concept. Il faut apprendre à
laisser aller ce sur quoi nous n’avons aucune emprise, mais seulement après
avoir tout fait pour nous rapprocher de notre mission. Accepter ne veut pas
dire abandonner ni abdiquer, mais plutôt arrêter de se battre contre
l’impossible et garder tout notre pouvoir pour agir en fonction de notre
mission. Je me suis trompé. Je n’avais pas accepté ma situation et j’avais
abandonné. Du vrai sabotage de carrière et de vie…
À cette époque, j’ai eu la chance de passer des entrevues dans de grandes
entreprises en Australie, en Alberta, à New York, à Édimbourg, à San
Francisco et à Montréal. Je postulais des emplois de vice-président directeur,
de chef des placements ou d’autres postes du même type. C’est sans surprise
que j’étais convoqué en entrevue; Morgan Stanley et Brevan Howard
figuraient dans mon C.V. et j’avais déjà été chef des placements pour un
grand gestionnaire. Tout allait bien se passer… du moins, c’était ce que je
croyais.
Lorsque je me présentais en entrevue, j’étais uniquement dans mon cœur
et je faisais confiance à la vie. J’arrivais peu préparé et, au lieu de faire mes
devoirs, de me servir de ma tête, c’est-à-dire de me renseigner à fond sur la
firme qui me convoquait en entrevue et sur les marchés, j’étais habité par un
laisser-aller total et, donc, inconsciemment, par un esprit de défaite. Je me
disais avec fatalisme que si je décrochais l’emploi, c’était pour le mieux, et
que si je ne l’avais pas, je ne le méritais pas. C’était un abandon pur et dur
qui enlève le pouvoir et ne permet à personne de remplir sa mission. Avec le
recul, je comprends que ce comportement conduit à l’échec. Pourtant, étant
plutôt calé en finance, j’avais encore quelque chose à offrir, mais je n’avais
pas bien saisi l’importance de l’équilibre.
Si un dirigeant est seulement dans son cœur, il ne peut gérer son
entreprise et, ultimement, il ne rend service à personne; ni à lui, ni à sa
famille, ni aux actionnaires, aux clients et à la personne qui doit être
remerciée pour incompétence ou une autre raison. D’où l’importance de
trouver l’équilibre entre ces deux pôles.
Un géant australien, la Queensland Investment Corporation (QIC), un peu
l’équivalent de la Caisse de dépôt et placement du Québec, m’offre un poste
de vice-président directeur des placements à revenu fixe, à Brisbane. Je fais
trois entrevues par Skype, je remporte le poste, mais je ne l’accepte pas sur-
le-champ. Je réponds que je prendrai ma décision après avoir visité les
bureaux et la ville. La scène se passe tout de suite après la crise de 2008. La
finance mondiale avait probablement perdu un million d’emplois. Me faire
offrir un tel poste était une occasion incroyable pour moi de poursuivre ma
mission, mais je ne l’ai pas accepté. Je suis donc arrivé à Brisbane après 26
heures de vol, uniquement dans mon cœur, en faisant comme si je n’avais pas
besoin de travailler et leur faisais une faveur en les laissant me courtiser!
Complètement déconnecté de la réalité et de la vraie vie, j’ai assisté à une
réunion d’investissement. Le fait d’avoir travaillé pour Brevan Howard me
donnait énormément de prestige. J’attirais donc les regards et, comme j’allais
devenir le patron de la plupart des employés si j’acceptais le poste, tous
m’examinaient du coin de l’œil.
Pendant la réunion, le junior de l’équipe présente un exposé sur la partie
court terme du marché monétaire australien. Je connais bien ce marché, car
c’était une de mes responsabilités chez Brevan Howard. Ben – c’était le nom
de ce jeune homme – termine en recommandant un investissement dans cet
instrument, affirmant que les rendements seraient incroyables. Comme je suis
rationnellement absent, je lâche à ce moment une des pires idioties de ma vie
professionnelle, en tentant de démolir les arguments de Ben. Cependant, Ben
avait raison, et il me l’a fait remarquer. Mais c’était si gros, comme erreur!
Auparavant, si un membre de mon équipe avait énoncé ce genre de sottise, je
l’aurais congédié sur-le-champ! Assurément, ma tête n’était pas éveillée!
J’ai aussi demandé au service des relations humaines où je pouvais
trouver de bons studios de yoga. À l’époque, je pratiquais le yoga chaud, et,
comme Brisbane jouit d’un climat presque tropical, ce type de yoga ne s’y
pratique pas. Mes futurs collègues me demandaient comment se passait mon
séjour et si j’allais accepter le poste. Je répondais que je n’en étais pas
certain, parce que, dans leur ville, il n’y avait pas de yoga chaud. Sur quelle
planète vivais-je donc? J’ai finalement refusé le poste. Étant donné que j’étais
uniquement dans mon cœur, en train de repousser la réalité économique, je
me suis complètement coupé du domaine de la finance et il devenait
impossible que même des postes de niveau très inférieur me soient offerts.
Je me souviens d’une rencontre à New York avec Rick Rieder, qui était
chef des placements à revenu fixe chez Black Rock, un autre géant. Je
revenais d’une retraite de yoga à Omega, où j’avais passé la fin de semaine à
faire du yoga, à méditer et à chanter des kirtans. Ce n’est pas un mince
privilège que de pouvoir rencontrer ce grand patron en tête à tête dans son
bureau de Manhattan. Mais je n’ai pas saisi avec mon esprit rationnel, et
encore moins ma conscience, la chance qui m’était donnée ni l’importance de
cette rencontre pour ma mission. Je me revois devant lui avec mes bracelets
aux poignets, une moitié de moi en dépression et l’autre uniquement dans
mon cœur. Je n’ai pas su saisir le moment ni attirer l’attention de Rick. Il était
plus préoccupé de regarder les écrans et de surveiller les marchés que de
m’écouter. Je suis sorti de là en me disant que si je restais connecté à mon
cœur, je pouvais obtenir ce qu’il y a de meilleur, mais je me trompais. Je n’ai
pas été embauché. Travailler pour Black Rock aurait été une occasion
incroyable pour moi. Cette firme gère environ six trillions de dollars
d’investissements.
En 2012, juste avant l’ouverture du studio de yoga, on me met en contact
avec un chasseur de têtes qui cherche un chef des placements qui s’y connaît
bien en revenu fixe pour une grosse compagnie d’assurance dans la ville de
Québec. J’étais le candidat idéal pour ce poste. J’avais déjà assumé
exactement ce rôle avec brio. Au cours de mon entretien avec le chasseur de
têtes, ce dernier me signale qu’il semble y avoir une erreur dans mon C.V.
puisque mon dernier emploi remonte à 2008 et que nous sommes en 2012. Je
lui réponds que c’est exact, mon dernier emploi remontait bien à cette date. Il
me demande alors ce que j’ai fait durant ces années. Vous auriez dû voir
l’expression sur son visage lorsque je lui ai répondu que j’avais fait du yoga!
Même si j’étais le candidat idéal, comment aurait-il pu justifier la
commission importante qu’il pouvait demander à son client pour lui
recommander un candidat qui ne travaille plus dans le domaine financier
depuis quatre ans? Il ne m’a jamais permis de rencontrer l’employeur
éventuel.
Je croyais qu’être uniquement dans mon cœur me faisait du bien. J’avais
tort. Ce qui me faisait du bien était de ne pas être dans ma tête, mais l’éveil se
trouve dans l’équilibre. Même si je n’ai aucun regret, car la vie est une série
de leçons, j’ai saboté mon existence et ma carrière en me faisant accroire
qu’il y avait des éléphants roses, des arcs-en-ciel et des papillons partout.
Agir ainsi, ce n’est pas être en pleine conscience. C’est aussi une illusion qui
ne peut nous nourrir ni nous combler. Le travail, c’est se rapprocher de son
cœur, mais sans perdre sa tête.
Comme ma tête me semblait être une prison qui m’avait causé des
souffrances profondes, je ne voulais pas y retourner. Être uniquement dans
mon cœur me semblait sécurisant, et comme tous ceux que je côtoyais dans
mes retraites de yoga et ailleurs s’abreuvaient à la même fontaine, je pensais
être sur la bonne voie. Je suis donc allé à l’encontre de mes valeurs, de ma
petite voix, de ma conscience, pour combler mon besoin d’appartenance.
Tout le monde s’aime, ou du moins fait semblant de s’aimer. Je suis bien
désolé de vous l’apprendre, mais il y a autant de faiblesse humaine dans le
monde du yoga que dans celui du quotidien. Je me promène de formation en
formation à Hawaï, à New York et en Inde, avec ma barbe et mes colliers. Je
suis végétarien, je ne bois pas de boissons alcoolisées, pratique la chasteté et
repousse ce qui fait de moi un être humain.
J’ai passé près de trois mois en Inde, mais j’ai un souvenir précis de mon
séjour à l’ashram Sivananda, à Uttarkashi, ville de l’Himalaya sur le bord de
la rivière Bhagirathi, avec ma barbe et ma tunique. J’y étais avec ma copine
de l’époque, une optométriste de New York, elle aussi yogi. Elle dirigeait une
clinique d’optométrie pour les villageois. Nous avons vu environ 800 patients
en seulement cinq jours. Ce fut une expérience très riche d’un point de vue
humain. Ma copine était accompagnée de deux autres optométristes qui
recevaient les patients. Ils venaient ensuite me voir avec leur ordonnance, et
je leur montais des lunettes de style Gandhi. Comme je donnais des lunettes à
des gens qui n’avaient jamais eu une bonne vision, c’était un peu comme leur
donner la vie. Je me souviendrai à tout jamais de ces regards, de ces
expressions et de cette gratitude que j’ai reçue. Ce travail a été sans nul doute
enrichissant pour moi, mais il ne correspondait pas à ma mission.
Nous avons aussi passé environ deux semaines à l’ashram avec la gourou
Swami G. Tous les matins, nous faisions les prières et nous méditions. Après,
j’enseignais le yoga aux Occidentaux, puis, le soir, nous chantions des
kirtans, ces prières à Dieu, une musique dévotionnelle des traditions
spirituelles de l’Inde et du Bangladesh. Nous avions souvent les yeux remplis
de larmes tellement nous étions en communion avec ce que nous étions venus
chercher. Il m’arrivait souvent d’aller méditer sur le bord du Gange, avec les
imposantes montagnes comme panorama. Si on m’avait vu, on aurait
sûrement pu observer une sorte d’aura au-dessus de ma tête tellement j’étais
branché sur l’au-delà. Je croyais avoir découvert ce que je cherchais et ne
voulais d’aucune façon entendre parler de mon compte en banque, de mon
portefeuille d’investissement ou du besoin de me trouver un vrai travail pour
accomplir ma mission. Tout cela faisait partie de ma tête, me faisait souffrir
et sortir de mon nirvana illusoire. Être uniquement dans son cœur n’est en fait
qu’une autre sorte de prison. Je laissais aller toute forme de contrôle et ainsi
je donnais mon pouvoir, ce qui m’a empêché de m’accomplir et a engendré
chez moi de la vraie souffrance.
Sans bien saisir ni bien définir ma mission, j’ai décidé d’ouvrir des
studios de yoga, mais j’étais uniquement dans mon cœur et ne comprenais
pas l’intention derrière ma mission. Quand nous sommes uniquement dans
notre cœur, notre besoin humain principal, et probablement le seul, est notre
besoin d’amour. Je voulais me faire aimer à tout prix, mais quand nous tirons
sur l’amour, celui-ci nous repousse, en quelque sorte. Il me restait encore un
peu d’argent, n’ayant pas encore dilapidé toutes mes économies. Je me
cherchais un rôle et de l’amour; d’un autre côté, les professeurs de yoga
cherchent du financement pour ouvrir des studios. C’est alors que j’ai voulu
conclure des partenariats avec plusieurs personnes dans le but d’ouvrir des
studios un peu partout dans le monde.
Le problème, c’est que mon intention n’était pas d’accomplir ma mission,
mais de me faire aimer. Je faisais donc des propositions d’affaires qui
n’avaient aucun sens. J’ai proposé, par exemple, de fournir 50 pour cent du
capital en échange de seulement 15 pour cent des avoirs, ou bien d’investir
100 pour cent pour obtenir moins de 50 pour cent des parts, et ainsi de suite.
J’étais complètement à côté de ce qui m’avait servi en tant qu’homme
d’affaires. Même si mes propositions ne tenaient pas la route sur le plan
financier, mes différents associés potentiels trouvaient que je n’étais pas un
assez bon yogi et estimaient que je devrais prêter tout l’argent sans
contrepartie, tout ça par amour pour l’humanité. Durant cette période où je
voulais m’acheter de l’amour, on m’a menti, on m’a volé de l’argent et on a
abusé de moi.
J’allais à l’encontre de mes valeurs dans le but de combler mon besoin
d’amour et d’existence. J’ai voulu ouvrir une franchise d’une grande chaîne
de yoga. Comme je doutais en moi, j’ai choisi de m’associer à un homme que
la fondatrice de la chaîne avait ni plus ni moins adopté comme frère dans un
ashram. Désireux d’augmenter mes chances d’avoir une franchise, j’ai décidé
de m’associer à ce personnage sans le connaître, même si l’on m’avait
prévenu de me méfier de lui. Il jouait le rôle de la petite brebis égarée et avait
le don de se rendre pitoyable. Bien que je ne veuille pas minimiser les
horreurs de la vie, il arrive souvent que les gens comme lui se servent de
leurs douleurs passées pour combler leur besoin de reconnaissance et
d’amour. Il m’avait confié être gai et vouloir vivre à San Francisco. Comme
je voulais me montrer un bon yogi, sans le connaître davantage, j’ai décidé
avec lui de demander une franchise dans cette ville. Au dire du franchiseur,
nos chances étaient excellentes. Dans ce partenariat, je fournissais tout le
capital et nous étions actionnaires à un tiers avec une dame qui vivait à San
Francisco. Il est incroyable de constater que je prenais tout le risque financier
pour un tiers des parts seulement. Dans la vraie vie, le risque se paye. Il doit y
avoir absolument un gain potentiel lorsque nous nous exposons à perdre une
grosse somme d’argent.
Ce type est venu vivre chez moi tandis que je me trouvais en Inde avec
mes filles. Pendant mon voyage, il m’a demandé de lui prêter 2500$. Il jouait
au malheureux qui fait pitié. Coupé de ma tête, et comme je cherchais à être
un bon yogi, je lui ai prêté l’argent. Un mois plus tard, alors que j’étais
encore en Inde, il me redemandait la même somme. Après lui avoir bien fait
comprendre que ce n’était pas un don, mais un prêt, je lui ai envoyé l’argent.
Quelque temps après, il m’annonçait soudainement qu’il quittait ma maison
pour aller vivre chez une amie. Je ne comprenais pas, je me sentais comme
un mauvais yogi, et j’ai eu peur de ne plus l’avoir comme associé et de ne
plus être aimé.
Environ deux mois plus tard, j’ai été convoqué à une rencontre chez une
amie commune où se trouvaient la fondatrice de la chaîne de studios de yoga
et mon associé. Celui-ci m’a alors révélé avoir utilisé mon argent pour
s’acheter du crack! Sous l’effet de cette drogue, il avait fêté avec démesure et
devait maintenant se rendre dans un centre de désintoxication. Il nous
demandait de payer sa cure, chacun fournissant 25 pour cent, soit 2000$ par
personne. Je ne voulais absolument pas payer une telle somme. Je me sentais
trahi, et avec raison, mais comme je voulais être un bon petit yogi, même
devant cette comédie, j’ai accepté. Tous m’ont dit que j’étais effectivement
un bon yogi, mais que mon cœur était malade. Lorsque nous ne nous
respectons pas, peu importe si l’on fait du bien ou non, nous trahissons notre
âme. La seule vraie liberté, c’est d’agir dans la bienveillance selon ses
propres valeurs et son éthique.
Allez-vous à l’encontre de vos valeurs pour recevoir de l’amour?
J’étais catastrophé devant cette tragédie humaine et désolé de n’avoir pu
être là pour quelqu’un que je considérais comme un ami. J’entretenais un
sentiment de culpabilité, mais aussi un sentiment de trahison,
d’incompréhension. De plus, mon rêve d’ouvrir un studio venait de
s’écrouler.
Cet exemple illustre bien que, même si nous voulons bien faire et être
justes dans notre cœur, mais sans nous servir de notre tête, notre intention
n’est pas la bonne. L’idée qu’on peut aider quelqu’un à s’en sortir est parfois
une illusion. Une personne peut s’en sortir avec l’aide des autres, mais
seulement si tous ont la même intention. En coaching, je rencontre
généralement deux types de clients: ceux qui veulent s’en sortir et qui vont
utiliser ce que je dis pour se rapprocher de leur mission et ceux qui sont sans
espoir et se déresponsabilisent, qui se définissent comme des victimes et
cherchent à blâmer leur entourage. Je ne peux rien faire pour ces derniers tant
et aussi longtemps qu’ils ne décideront pas eux-mêmes d’agir. C’est un peu
comme nourrir des animaux sauvages dans la nature: plus on les nourrit,
moins ils sont de bons chasseurs et moins ils arrivent à bien chasser, plus on
doit les nourrir. C’est un cercle qui revient à se battre contre un processus
naturel. Cela ne peut jamais donner de bons résultats.
À la suite de ces événements, j’étais déboussolé. J’avais perdu mes
anciens repères, même si ceux-ci étaient erronés. J’ai choisi la fuite. Je suis
donc retourné dans une autre retraite spirituelle, avec Ram Dass et Krishna
Das, à Maui. Un an plus tard, presque jour pour jour, je me retrouvais de
nouveau avec mon gourou. En pleurant, je lui ai confié: «Ram Dass, j’ai
essayé d’être uniquement dans mon cœur, mais ça n’a pas marché et je ne
suis pas encore nourri par la vie.» Il m’a répondu: «Erik, tu as mal compris.
Tu es un être humain à l’école de la vie avec un cœur et une tête. Ton travail
est de te rapprocher de cet équilibre.»
Ce fut l’éveil qui m’a permis de comprendre que, dans la vie, il ne
s’agissait pas d’être uniquement efficace à Wall Street avec sa tête ni d’être
uniquement un bon yogi dans son cœur, mais de se maintenir entre ces deux
options, en symbiose et simultanément.
À vrai dire, le rôle de yogi parfait portant la barbe ne me convenait pas.
Déconnecté de la réalité économique et sociale, je n’étais pas nourri par la
vie. Je feignais d’être dénué de désir et, peu importe ce que la vie aurait pu
mettre sur mon chemin, je devais trouver cela parfait. Bien que l’on ne puisse
tout contrôler dans notre existence, nous pouvons agir sur plusieurs choses
afin de remplir notre mission personnelle. Et cette mission se manifeste dans
toutes les sphères de la vie humaine. Entre autres, il est primordial de
s’accomplir sur le plan professionnel.
J’en ai d’ailleurs eu la confirmation, qui prend la forme d’une drôle
d’anecdote. Après avoir quitté Maui, j’ai fait escale dans un aéroport de la
Californie et suis allé m’asseoir dans un restaurant relativement chic. Une
jolie femme s’est installée à côté de moi. J’ai essayé d’attirer son attention,
mais elle semble peu intéressée par un yogi portant tunique et barbe. J’ai tout
à coup eu l’impression qu’être uniquement ce yogi ne m’intéressait pas, moi
non plus. Du coup, je suis allé m’acheter un rasoir et de la crème à raser, je
me suis enfermé dans les toilettes et j’ai rasé ma barbe. J’avais décidé de tuer
le yogi classique pour devenir un être humain et, plus tard, cet être hybride
que l’on finira par surnommer le «yogi de Wall Street».

Et vous?

Avez-vous déjà saboté votre mission parce que vous insistiez


pour compter uniquement sur votre cœur?
Faites-vous semblant de ne pas ressentir de douleur?
Pensez-vous qu’accepter, c’est abandonner?

Trouver l’équilibre entre la tête et le cœur


Pour me servir de ma tête sans me couper de mon cœur, j’aime garder mon
attention sur mon intention. Il y a une multitude de choses que nous ne
pouvons contrôler dans la vie, mais, au quotidien, nous faisons des gestes qui
ont une incidence sur la qualité de notre vie. Notre vie est donc égale à la
qualité de nos actions, et elle est égale à la qualité de l’intention derrière ce
geste, et elle est égale à la qualité de nos émotions. Comme je décide de vivre
dans la gratitude de ce que j’ai, je suis en abondance émotionnelle. J’ai donc
la capacité d’élever mon niveau d’intention et surtout d’en être conscient.
Avant de faire un geste, quel qu’il soit, sur le plan professionnel, avec ma
tête, je me demande quelle est mon intention. Je me demande aussi si ce geste
est en phase avec mes objectifs professionnels et s’il est conforme à mes
valeurs et à celles de l’entreprise.
C’est tout un défi que de se servir un peu moins de son cœur dans le
monde du yoga ou dans le domaine du développement personnel. Certains
ont souvent envers moi des attentes irréalistes compte tenu du monde dans
lequel nous vivons. La vie est souvent une illusion, que nous créons à partir
de nos désirs ou de nos peurs relatives à la vraie vie. D’où l’importance d’être
en équilibre pour permettre à la vérité de traverser nos yeux, et cela sans
jugement. Certains projettent sur moi une image du yogi parfait qui n’a qu’un
cœur et qui doit tout accepter, mais mon banquier, lui, a une tête, et toute
une!
L’aventure de notre deuxième studio fut, et est encore, plus complexe que
prévu. Cela demande une gestion rigoureuse avec ma tête. Je ne peux pas,
pour le moment, offrir des augmentations de salaire que mon cœur voudrait
donner à certains qui le méritent et, en même temps, je dois leur demander un
plus grand engagement. Plusieurs me verront comme un mauvais patron qui
n’a qu’une tête et pas de cœur, mais si je ne gère pas avec mon esprit
rationnel, comment allons-nous faire pour apporter avec notre cœur notre
contribution à la société?
Ainsi, il m’arrive d’imposer des limites que ma tête accepte, mais que
mon cœur trouve difficiles à assumer. Cela signifie, par exemple, aider
quelqu’un en donnant un cadre à notre aide, en la balisant.
L’espace entre notre cœur émotionnel et notre esprit rationnel est la
pleine conscience, que j’appelle aussi le «cœur conscient». Notre tête est un
excellent serviteur, mais un mauvais maître. Si vaincre la peur et les
problèmes qu’elle engendre demande de nous rapprocher de notre cœur, il
reste que le secret se trouve dans l’équilibre.
Pour réussir ma vie, il est essentiel pour moi de me rapprocher de mon
cœur, sans pour autant y perdre ma tête. Les problèmes viennent toujours de
la tête ou de notre mode par défaut, tandis que les solutions émergent
toujours de notre cœur. Le cœur est ce qui nous reconnecte à notre vie, ce qui
nous nourrit vraiment. Le salaire nous donne un toit, de la nourriture; le titre
nous donne de la reconnaissance. Mais tout cela est futile si nous restons
emprisonnés dans notre tête. Dans l’étymologie du mot «courage», on trouve
le mot «cœur». La pratique de la pleine conscience nous permet de nous
rapprocher de notre cœur et de trouver le courage de faire ce qui doit être fait,
de réussir autrement, de ne pas être trop sérieux, mais d’être sincères (la
sincérité du cœur et de l’intention).
L’existence n’est pas uniquement une question de vie ou de mort, de
réussite ou d’échec; la vie, répétons-le, est un mouvement naturel et fluide
comme une danse, et le but de la danse n’est pas la fin de celle-ci, mais bien
la danse en elle-même. Plusieurs événements imprévisibles se produisent
dans la vie. Nous pouvons alors décider d’être une victime ou, à l’aide de
notre cœur, trouver le courage d’agir pour réussir, et ce, non pas en fonction
d’un modèle social, mais bien en harmonie avec notre propre mission, à partir
de ce que nous avons vraiment à offrir pour contribuer à la satisfaction d’un
besoin au-delà de soi.
La vie a un aspect ludique. Comme je l’ai mentionné, nos parents nous
ont entraînés à être sérieux. Toutes les personnes qui nous entourent sont
sérieuses aussi, et chacune a ses pensées limitantes ou effrayantes, lesquelles
lui bloquent le plein accès à ce qui se passe devant ses yeux, mais aussi à
l’intérieur d’elle-même. Ce qui est important pour réussir et s’épanouir, et ne
pas se vider, c’est d’être sincère plutôt que sérieux, de garder une certaine
légèreté, une spontanéité et de la souplesse d’esprit. Tout cela se trouve dans
l’équilibre entre la tête et le cœur et non dans notre esprit rationnel. Dans
notre conscience, nous voyons aussi ceux qui nous entourent comme des
personnes humaines et non comme des menaces à notre existence.
Cultiver l’équilibre ou le cœur conscient nous aide à combler notre besoin
de connexion avec ceux qui nous entourent, avec notre entreprise, et à voir
les défis et les occasions. Nous nous reconnectons alors à notre vie au lieu
d’être des étrangers dans notre propre existence. C’est cette nuance qui fait
que nous sommes nourris au travail plutôt que de nous y étioler. C’est dans
cet équilibre que nous comprenons de façon intuitive que ce qui est
important, c’est la sincérité de notre intention. Et bien que les résultats
puissent être moins satisfaisants que d’autres pour nous et pour l’entreprise
pour laquelle nous travaillons, nous sommes détachés des fruits de l’action,
car ils sont uniquement des leçons destinées à nous faire grandir en tant que
personnes humaines et professionnelles. La capacité de nous détacher des
résultats ne se trouve pas dans notre esprit rationnel, mais dans notre cœur
conscient. Le fait de nous juger favorablement ou défavorablement en
fonction des résultats nous vide de notre vrai pouvoir et nous détourne de
notre intention ultime.
Pour moi et pour tous ceux que j’ai interviewés, il n’est pas facile de
trouver cet équilibre et d’y rester. Tout comme pour l’équilibriste sur fil, c’est
un travail de tous les jours, de toutes les minutes, de toutes les secondes. Il ne
s’agit pas d’être des robots, mais plutôt de demeurer humains, de nous armer
d’une pratique spirituelle, d’un mécanisme d’auto-observation et de
recommencer, sans attentes et sans jugement, dans l’acceptation absolue, tant
que nous y consentons un effort.
«On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve», a écrit le
philosophe grec Héraclite. Le monde est en constante évolution: l’économie,
la démographie, le système géopolitique, les technologies et les besoins des
clients évoluent, et ce, peu importe où nous travaillons. Le but premier d’une
entreprise, même si elle est gouvernementale ou réglementée, est de répondre
à un besoin. Si ce n’est pas le cas, elle ne survivra pas bien longtemps.
Les gens qui travaillent avec vous changent et évoluent. Cependant, à titre
d’exemple, je sais que c’est très pratique et utile de définir tous les jours votre
collègue Germain comme étant Germain selon vos neuro-associations
passées. En fait, vous rencontrez chaque jour une nouvelle personne, car les
êtres humains changent. Si vous manquez de souplesse et ne vous permettez
pas de voir la vraie personne devant vous, avec ses possibilités actuelles,
vous n’utilisez pas toutes vos ressources, et il devient très difficile
d’accomplir votre mission. Vous risquez aussi de perdre vos précieux
employés, qui iront travailler chez un de vos concurrents, où ils verront leurs
conditions de travail s’améliorer et prendront du galon uniquement parce que
leur nouvel employeur les regardera sans filtre. D’ailleurs, si nous sommes
uniquement dans l’ego, dans la tête, dans ce qui nous sépare comme entités
des autres, nous ne pouvons pas combler notre besoin de connexion, qui est
un besoin fondamental par lequel passe également l’amour. C’est un peu pour
cette raison que l’on se sent souvent un étranger dans notre vie.
Si vous n’utilisez pas toutes vos ressources personnelles ou
technologiques, vous ne pouvez voir l’évolution de l’économie, des marchés,
ni celle de vos compétiteurs. Votre entreprise et vous-même serez dépassés
en très peu de temps. Même l’industrie du yoga évolue. Et pour nous
dépasser, mon associée et moi, il a fallu nous adapter.
Geneviève Guérard et moi avons introduit un concept innovateur à notre
studio de yoga, ou du moins il l’était il y a cinq ans. Je suis dans la
cinquantaine et elle, au milieu de la quarantaine (même si elle ne paraît pas
son âge!). Comme beaucoup de nos élèves sont dans la trentaine, nous nous
sommes entourés de jeunes qui sont à l’affût des besoins de notre industrie et
leur avons confié des postes importants. Il s’agit de voir et de comprendre les
tendances de nos concurrents et de nos clients. Je ne parle pas de nous lancer
dans toutes les directions comme des poules sans tête ni d’expérimenter
toutes les tendances pour le moins excentriques, comme le yoga pratiqué en
compagnie de chèvres ou dans un pub en buvant de la bière (incroyable mais
vrai)! Le travail consiste plutôt à évaluer les nouvelles tendances, les
compétiteurs, le yoga en entreprise, les nouvelles technologies qui pourraient
uberiser notre industrie. Le yoga chaud, le Pilates, le CrossFit, le yoga aérien,
les entraînements à haute intensité, les tarifs, les ressources financières de nos
étudiants, la démographie sont d’autres exemples. Cela concerne surtout
notre nouveau studio à Griffintown, où nous avons affaire à une concurrence
non traditionnelle qui nous vient principalement du domaine de la
gymnastique haut de gamme.
Geneviève et moi sommes conscients d’avoir joué un rôle essentiel dans
le développement de nos studios, et nous jouerons le même rôle pour les
studios à venir. Mais nous savons que la pérennité de notre entreprise sera
assurée seulement si nous nous adaptons et dansons avec la vie, qui est en
évolution. Selon notre plan, dans 5 ans nous aurons au moins 5 studios au
Québec et une possibilité de 10 dans l’ensemble du Canada. Geneviève
continuera d’assumer un rôle majeur et donnera environ 20 classes par mois.
Quant à moi, je serai probablement président et gestionnaire. Pour me libérer
de mes tâches, pour bien assurer la transition, au studio, de certaines de mes
responsabilités, mais aussi de ma mission, j’ai désigné un numéro deux au
niveau de la gestion du studio, que j’ai nommé à la vice-présidence, et une
codirectrice, qui s’occupe des professeurs. De cette façon, je peux
tranquillement me détacher pour me consacrer à ce qui me passionne encore
plus: la gestion, le coaching et les conférences. Nous avons également créé
un comité directeur qui joue un peu le rôle d’un conseil d’administration dans
une entreprise. À ce comité siègent mes professeurs séniors, les gérantes de
studios ainsi que la codirectrice et la vice-présidente. Tranquillement, je
trouve l’équilibre entre le yogi et l’homme de Wall Street. Mais d’où me
vient le nom de «yogi de Wall Street», au fait?
Plusieurs reviennent de l’Inde avec un nom spirituel, tel que Saraswati,
Ganesh, Satya, Krishna, Ragu, et autres. Ram Dass lui-même s’appelait
Richard Alpert lorsqu’il était à Harvard et son gourou, Neem Karoli Baba, l’a
surnommé «Serviteur de Dieu». J’aurais tellement aimé que Swami G. me
donne un nom spirituel lorsque je me trouvais uniquement dans mon cœur,
déconnecté de la réalité humaine, de la réalité économique, finalement, de la
vie. Ces noms sont soit des noms de dieu ou des pensées spirituelles et sont
censés représenter qui nous sommes et notre mission sur terre. Krishna Dass,
avec sa musique, est serviteur de Krishna; c’est aussi Neem Karoli Baba qui
l’a nommé. Le fait de répéter le nom plusieurs fois au quotidien a l’effet d’un
mantra, car il y a un pouvoir immense dans la répétition des mots.
Je me suis donc nommé moi-même. Enfin, non, car mon surnom hybride
ou ce rôle que j’assume fièrement se voulait d’abord une insulte, une
dénonciation, comme «gauche caviar» ou «bobo», qui désignent les
personnes des classes privilégiées jouant les marginaux et les artistes fauchés.
C’est un de nos anciens professeurs, que j’ai dû un jour remercier de ses
services, qui m’a ainsi baptisé. Il était probablement l’un de mes meilleurs,
mais il avait des valeurs différentes des miennes et elles n’étaient pas
compatibles avec celles du studio.
Quelques mois après ce congédiement, il me demande une faveur, mais
comme je pense que ce n’est ni dans l’intérêt du studio ni dans celui de la
communauté, je la lui refuse. Ainsi que je l’ai mentionné plus haut, parce que
je suis professeur de yoga, on s’attend souvent à ce que je sois uniquement
dans mon cœur et que je dise oui à tout. Pas cette fois-là. C’est à ce moment
qu’il tente de m’insulter sur les réseaux sociaux en m’affublant du surnom de
«Wall Street Yogi».
Bien que je m’emploie au quotidien à trouver l’équilibre, que je veuille
quand même être aimé et que je sois yogi, sur le coup, ce sobriquet me
choque. Pourtant, pas la suite, je décide de me l’approprier et de le traduire.
Ainsi naît le «yogi de Wall Street». Ce rôle et ce titre symbolisent pour moi
l’équilibre entre le monde rationnel et le monde émotionnel, entre la tête et le
cœur. Ils représentent un être humain à l’école de la vie. C’est aussi tout et
rien à la fois, c’est tout le reste de qui je pense être, c’est mon cœur conscient.
Tout comme ceux qui portent des noms spirituels, le mien me rappelle ce si
fragile équilibre, et ce, à tout moment de la journée et de ma vie. Mon
surnom représente ma conscience, l’éveil, l’équilibre entre deux pôles, bref le
paradoxe de la vie.
Si je suis uniquement dans ma tête, il n’y a pas de yoga dans mes studios,
et si je suis uniquement dans mon cœur, je n’ai du yoga dans aucun studio.
J’ai bien compris que pour réussir ma mission et gérer mes studios et ma
carrière de coach et de conférencier, j’avais besoin de cet équilibre, qui me
permet de donner ce que j’ai à donner et d’être ainsi nourri par ce processus.
Peu importe ce que je fais au studio, en conférence, en coaching ou dans
les médias sociaux, je me retrouve souvent dans un rôle d’aidant. Je suis
témoin de beaucoup de douleurs et de souffrances humaines dont les gens me
font part. Mon cœur veut souvent éclater devant tant de souffrances et, dans
le passé, j’ai eu tendance à vouloir aider les gens gratuitement, peu importe la
manière.
Je reçois régulièrement des demandes d’aide ou des invitations à prendre
un café. Si je faisais tout ce qu’on me demande et si j’acceptais d’aider tous
ces gens, je ne pourrais plus aider personne après quelques mois, car je serais
alors épuisé et ruiné. Nous recevons également au studio ce genre de
demandes et nous sommes très généreux, mais nous ne pouvons dire oui à
tout le monde. Si je faisais cela, mon studio fermerait rapidement ses portes,
et cela signifierait qu’il n’y aurait plus de yoga, que je serais épuisé et vidé
par la vie et que je ne pourrais probablement plus être coach ni conférencier.
Je vais souvent leur proposer une rencontre de coaching, un atelier de
formation ou une conférence, à plein tarif. Je leur offre aussi de venir
participer à une de mes classes de yoga et je leur explique que je prends
toujours le temps de parler aux personnes qui se présentent à mes classes. Si
je n’agis pas comme ça, comment est-ce que je fais pour vivre dans la
société? Pour subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille? Et si je ne
peux subvenir à mes propres besoins, comment est-ce que je pourrai
continuer à aider les autres? Pour faire du bien et continuer d’offrir mon
cœur, je dois garder ma tête sur mes épaules.
Il m’arrive d’offrir gratuitement du coaching ou des conférences, quand je
suis touché par la cause des gens, quand je sens qu’ils sont sans espoir, mais
qu’ils ont la volonté de s’en sortir. J’ai choisi d’être une personnalité
publique et ce choix a des implications. Être le yogi de Wall Street
s’accompagne d’une certaine responsabilité sociale, mais, pour continuer
d’exister dans ce rôle, je dois être capable de gagner ma vie.
Au studio, je dois souvent régler des situations difficiles. Par exemple,
faire savoir à une personne qu’elle ne sent pas bon. Au yoga, nous respirons
beaucoup, et les odeurs semblent donc accentuées. Mais avant de dire une
telle chose, je dois m’assurer que c’est bien vrai et que ce n’est pas seulement
moi qui le pense. Je fais le tour et je respire, puis je demande à un élève qui
se trouve dans la salle s’il remarque la présence d’odeurs, disons,
particulières. Si c’est le cas, je dois alors en aviser la personne concernée, et
ce n’est pas une mince tâche. J’ai dû intervenir une vingtaine de fois, et je
dirais que seulement un ou deux des élèves sont revenus. Il est certain que je
pourrais culpabiliser et ruminer l’idée que j’ai involontairement blessé des
gens, ce que je m’évertue à ne pas faire. Je pourrais aussi m’affliger de la
perte d’une vingtaine de clients. Mais si je n’intervenais pas, ce seraient tous
les autres élèves que je perdrais. Un des principes des anciens écrits les plus
importants pour moi est l’ahimsâ, qui signifie «non-violence» et «respect de
la vie». Je pense que de vouloir un studio sans odeurs désagréables rejoint un
tel principe.
D’un autre côté, si je ferme mon cœur, mon message est sans fondement
et dénué de sens. Comme je le dis, je suis le message et le messager. Sans
rechercher la perfection, il est primordial pour moi de mettre en pratique ce
que je dis, de prêcher par l’exemple. Les gens s’offusquent parfois quand je
leur demande de payer le cours de yoga, le coaching ou les conférences, mais
si je ne le fais pas, je ne peux exécuter ma mission. Lorsque je donne à des
personnes qui semblent en avoir vraiment besoin, je n’agis pas seulement
avec le cœur, mais en étant conscient dans cet équilibre.
Je gère donc mon studio en recherchant cet équilibre. Ram Dass avait, lui
aussi, un gourou du nom de Neem Karoli Baba, le maître à penser de Steve
Jobs. Ce sâdhu, ou «saint homme», disait à Ram Dass et aux autres membres
du satsang: «Aime tout le monde et dis la vérité», ce qui, pour moi,
représente l’équilibre entre la tête et le cœur et doit être appliqué dans cet
ordre. Dire la vérité pour ensuite aimer ne marche pas. Il faut d’abord venir
dans un endroit d’amour, puis se servir de sa tête et dire la vérité. J’ai
toujours été sensible à cela, mais je ne l’ai pas toujours pratiqué dans le bon
ordre. Le yogi et le coach en moi ont toujours été présents, mais, comme
plusieurs, j’ai souvent été maladroit.
Devenu patron très jeune, j’occupais une position d’autorité et devais
intervenir auprès d’autres employés. Mais je ne connaissais pas encore le
message de Neem Karoli Baba.
Alors que j’étais chef des placements pour un gestionnaire de portefeuille,
j’ai organisé une rencontre avec le gestionnaire des placements à revenu fixe.
Titulaire de ce poste depuis deux ans, il avait remis les portefeuilles sur la
bonne voie après deux années désastreuses.
Dans ma tête, j’élaborais des stratégies pour augmenter les actifs de la
firme et j’en étais venu à la conclusion que nous devions augmenter le profil
de risque dans nos portefeuilles de titres à revenu fixe. Même si le
gestionnaire accomplissait un excellent travail et remplissait bien son mandat,
nous n’attirions pas de nouveaux clients. Maintenant qu’il avait protégé les
clients actuels, nous devions bâtir en prenant davantage de risques pour
augmenter notre capacité d’ajouter de la valeur au-dessus de l’indice de
référence.
C’est donc avec tout cela en tête que je me suis présenté à la réunion et,
au lieu de voir en lui une personne humaine, un père de famille, un mari et un
bon professionnel, de l’accueillir dans un endroit où règne l’amour, le respect
et la gratitude afin de lui faire partager ma vérité, je lui ai lancé d’entrée de
jeu: «C’est bien, ce que tu as fait, mais nous n’édifierons jamais un business
avec des rendements semblables… Nous devons augmenter le portefeuille de
risque.» Il m’a regardé avec des larmes dans les yeux et m’a dit: «Tu es le
pire boss que j’ai jamais eu de ma vie.»
À cette époque, ses propos m’avaient évidemment touché, mais je l’avais
trouvé trop sensible et peu professionnel. Si je m’étais adressé à lui avec mon
cœur, avec de la gratitude pour son travail, si je m’étais assis devant lui en le
regardant dans les yeux pour lui témoigner mon appréciation pour son travail
des deux dernières années et lui avais ensuite demandé de travailler avec moi
sur un certain plan pour développer ce secteur d’affaires, nous aurions
probablement tous les deux pu accomplir notre mission.
La nuance est importante et l’ordre l’est tout autant. Si j’expose la vérité
et qu’ensuite, pour me racheter, je dis à mon interlocuteur ou mon
interlocutrice que je l’apprécie, qu’il ou elle fait du bon travail, le dommage
aura été causé et mon message ne passera pas. Nul ne sera nourri par cet
échange. Aujourd’hui, lorsque je rencontre quelqu’un au studio, que ce soit
ma partenaire, mes employés, mes professeurs ou mes élèves, ou encore au
cours de mon coaching ou d’une conférence, j’essaie de comprendre le
monde de ces personnes, d’avoir de l’empathie et de la compassion pour ce
qu’elles vivent. Ensuite, je peux transmettre ma vérité. Même pour moi, ce
n’est pas facile; ma tête veut toujours prendre les commandes.
Je tente de gérer mes studios avec mon cœur et avec ma tête. La réalité,
pour les professeurs de yoga, c’est qu’il est très difficile de gagner sa vie. La
plupart d’entre eux travaillent trop et vont jusqu’à s’épuiser, et certains
sombrent même dans la dépression. Sachant cela, je veux offrir un endroit où
mes professeurs peuvent gagner leur vie sans s’épuiser. Je leur accorde des
privilèges souvent réservés aux propriétaires de studio. Je leur permets de
donner des ateliers, de participer à des retraites. J’essaie aussi de bien les
rémunérer et de leur accorder le nombre de classes dont ils ont besoin chaque
mois pour boucler leur budget.
Une de mes professeures principales m’a demandé récemment pourquoi
je faisais ça. Qu’est-ce que j’en tirais, de donner ou d’offrir? Je ne fais pas
cela pour être un gentil yogi ni pour m’acheter de l’amour. Je le fais parce
que je me sers de ma tête et que je suis un bon gestionnaire. Parce que cela
correspond à mes valeurs et que je pense qu’il est nécessaire d’avoir des
professeurs épanouis pour assurer le succès des studios et, ultimement, leur
rentabilité à long terme. Il est certain que Geneviève et moi pourrions donner
toutes les formations et ne pas bien rémunérer nos professeurs dans le but
d’augmenter notre marge bénéficiaire. Cela fonctionnerait sûrement à très
court terme et peut-être même à longue échéance. Mais le succès sans la
réalisation de soi est un échec et, d’une certaine façon, j’exploiterais mes
employés. Comment pourrais-je prétendre me réaliser? Attention, je ne parle
pas de ne pas faire de profits, bien au contraire! Comme dans la finance, le
risque doit être rémunéré. Geneviève et moi avons investi des sommes
d’argent importantes, ainsi que du temps et des émotions, à bâtir le studio, et
nous devons en tirer profit. Toutefois, celui-ci doit respecter nos valeurs.
En ce qui me concerne, être un yogi aujourd’hui, c’est être celui qui vient
de Wall Street, c’est être un homme d’affaires avec un cœur qui gère des
commerces dans un domaine très compétitif, et j’ai besoin de tous mes
pouvoirs pour faire en sorte que mes studios de yoga prospèrent et
contribuent pleinement à la société. Il en va de même pour le travail que
j’accomplis en tant que conférencier et en tant que coach.

Et vous?

Êtes-vous uniquement dans votre tête ou dans votre cœur pour


planifier votre avenir professionnel?
Êtes-vous capable de voir les changements sans les juger?
Avant de parler à quelqu’un, regardez où vous êtes: êtes-vous
dans votre tête ou dans votre cœur?
Êtes-vous en équilibre?
Pensez-vous qu’accepter, c’est abandonner?
Cinq gestes à faire pour trouver l’équilibre entre la tête
et le cœur
Cultiver l’échec ou l’humilité
Je pense que c’est ma peur de l’échec et ma perception idyllique de mon père
qui m’ont poussé à donner de moi une image plus grande que nature. Je
voyais les pertes ou ma sous-performance d’arbitragiste comme un échec et
j’ai voulu être comme mon père et forcer la réussite. Pourtant, l’échec fait
partie de la vie de tout bon arbitragiste, gestionnaire, entrepreneur, etc. Il est à
peu près impossible de constamment battre les marchés. Ce qui est important,
c’est d’avoir des pertes moindres que les gains. De cette façon, même si nous
avons un coefficient de profits et pertes de 50/50, mais que les gains
équivalent à une fois et demie les pertes, nous obtiendrons de très bons
rendements et réussirons très bien dans ce domaine. Il s’agit donc d’accepter
d’essuyer des pertes, mais de demeurer très discipliné et de varier les risques
pour les limiter. Bien qu’ayant été un modèle de discipline irréprochable
environ 90 fois sur 100 au cours de ma carrière, ce sont les 10 fois où je ne
me suis pas montré discipliné qui m’ont coûté le plus cher.

Célébrer ses réussites


J’ai longtemps cru qu’il ne fallait pas célébrer les victoires. Je faisais fausse
route! Avec l’image de l’homme sérieux que je voulais projeter, il m’était
impossible d’être heureux après une bonne performance. Après tout, n’étais-
je pas le «commandant», le «dur à cuire»? Je devais garder le cap et me
préoccuper des performances à venir. Dans ma tête, si j’étais occupé à
savourer mon succès en me reposant sur mes lauriers, comment aurais-je pu
voir les prochaines opportunités ou les prochains défis? Après une bonne
année ou un bon mois, si l’on me disait: «Bravo Erik, pour ta performance!»
je répondais sûrement quelque chose comme: «Merci, mais maintenant je
dois répéter ça l’année prochaine ou le mois prochain.»
Bien sûr, il ne faut pas se complaire trop longtemps dans la réussite. La
vie est une série d’embûches et d’épreuves, et les victoires peuvent sembler
rares pour celui qui reste dans son mode par défaut de survie et qui cherche
des solutions à des problèmes qui n’existent pas. Toutefois, ne pas célébrer
les victoires ou ses bons coups constitue une erreur majeure, parce que nous
nous privons d’un moment de joie, de satisfaction et de bonheur. De plus,
nous nous privons d’une occasion incroyable de créer, à partir d’un moment
clé, une conviction qui nous responsabilise. Pourquoi donc jouer les rabat-
joie?
En célébrant nos réussites, nous créons en nous de nouvelles associations
positives. Ces dernières nous font apprécier ce que veut dire gagner. Et si
nous célébrons souvent, pour ne pas dire à chaque occasion, nous ancrons ce
sentiment de victoire dans notre for intérieur. Nous devenons un gagnant, et
ce, même devant l’adversité. Lorsque nous ferons face au prochain défi ou à
la prochaine épreuve, au lieu d’être envahis par un sentiment d’échec et de
défaite, sans nier ce qui se passe, nous saurons que la bataille n’est pas
terminée et que nous sommes capables de gagner. Ces convictions qui nous
responsabilisent nous donnent des pouvoirs ainsi qu’un plein accès à nos
talents. Elles nous libèrent en prenant la place de nos passions et nous
permettent d’agir au lieu d’être en mode réaction, comme le chien de Pavlov.

Danser avec la vie, cultiver la flexibilité, la curiosité


Notre qualité de vie reposant sur un ensemble de petits moments, plusieurs
problèmes risquent de surgir lorsque nous faisons inutilement preuve de
gravité ou que nous sommes stressés et épuisés. Nous nous trouvons alors
dépourvus d’énergie et il devient impossible de vraiment offrir le meilleur de
nous-mêmes et de nous réaliser.
À quand remonte la dernière fois que vous avez vu un banquier chanter?
À quand remonte la dernière fois que vous avez vu un médecin, un avocat,
danser? J’ai aussi cru trop longtemps qu’il fallait être sérieux pour réussir.
J’ai aussi pensé que cette attitude nous apporte un certain succès. Oui, celui-
ci s’accompagnera de certaines joies, mais le bonheur et la réalisation de soi
ne seront pas au rendezvous. Je me souviens du meilleur arbitragiste chez
Morgan Stanley dans les années 1990. Responsable des obligations
allemandes, Henrik travaillait au bureau de Londres. Il chantait tout le temps!
La première fois que je m’en suis aperçu, je lui ai demandé si tout allait bien.
Faisait-il des profits? «Pas du tout», m’a-t-il répondu. Je lui ai donc demandé
pourquoi il chantait tout le temps et il m’a expliqué que ça le rendait heureux.
Même dans les moments plus difficiles, il puisait dans la chanson pour
trouver du bonheur et une légèreté.
Pour moi, cet homme incarnait parfaitement quelque chose d’inspirant: il
n’est pas heureux du fait qu’il réussit professionnellement, mais il réussit
probablement parce qu’il est heureux. Son bonheur va au-delà de son travail.
Et cette énergie positive déteignait sur son entourage, ce qui explique peut-
être qu’un des membres de son équipe, Marco, responsable des obligations
italiennes, ait connu une des meilleures années pour un arbitragiste
d’obligations du gouvernement dont je puisse me souvenir.
Si vous vous permettez d’être conscient et de vivre dans le moment
présent et non dans les peurs ou l’illusion, le bonheur suivra. Dans ce
bonheur, dans ce qui fait de nous un être humain, on peut comprendre notre
mission et son intention. Tony Robbins dit que nous sommes des «Human
being» et non des «Human doing». Being signifie «être» et doing «faire».
Nous sommes avant tout des humains qui existons, au-delà de ce que nous
réalisons.
Et la danse dans tout ça? Quand on accepte de se laisser guider par la vie,
on choisit de danser avec elle. Cette métaphore, on devrait aussi l’incarner.
Essayez donc d’être fâchés en dansant! Essayez donc de ne pas sourire! C’est
naturel, c’est un mouvement, une danse. Le bonheur n’est pas un profit, un
salaire ni un titre, mais une attitude qui vous mènera probablement à tout ça.
Essayez de placer le bonheur et la présence avant tout et de faire confiance à
la vie!

Pratiquer la pleine conscience ou améliorer son attention dans le moment


présent
Souvent, quand nous sommes confrontés à un problème, nous cherchons des
solutions à l’extérieur de nous. Pourtant, elles se trouvent à l’intérieur de
nous, dans la pleine conscience. La pleine conscience, c’est ce moment
d’équilibre où je me sens entre ma tête et mon cœur, en parfaite symbiose. Si
j’avais réussi à cultiver cet espace pendant mes années en finance, ma
carrière et ma vie auraient été bien différentes. Quelqu’un qui arrive dans une
réunion en étant pris dans sa tête avec ses problèmes n’est d’aucune utilité
pour son équipe. Il a un gros nuage noir au-dessus de la tête, et ça se ressent.
Par ailleurs, quelqu’un qui est juste dans son cœur, déconnecté de la réalité
professionnelle, n’aura aucune écoute, car il ne manifeste pas un esprit
rationnel et critique. Ce qui est bénéfique pour tous, c’est l’énergie d’une
personne qui a su trouver ce précieux équilibre. Nous découvrons un autre
aspect de la personne et cela nous touche, nous sécurise et nous nourrit.
Méditer ou se libérer du «hamster»
Le philosophe russe Georges Gurdjieff disait quelque chose comme ceci:
«Montre-moi quelqu’un qui peut bien faire un thé, et je lui enseignerai à faire
n’importe quoi.» La plupart des gens sont prêts à aller à l’école, à faire du
jogging, à suivre des cours de cuisine et quoi d’autre encore, mais quand il
est question de méditer, «Bof! disent-ils. C’est ennuyeux…» Pourtant, il
s’agit d’une activité de grande importance, qui concerne la qualité de
l’attention que nous accordons à notre vie, car la qualité de notre vie dépend
de la qualité de nos pensées et de nos émotions, et ce, peu importe notre titre
professionnel, notre compte en banque, la grosseur de notre maison ou la
marque de nos voitures. J’en sais quelque chose…
Ce qui est important, c’est d’avoir une pratique qui ne crée pas de
dépendance, donne de l’énergie et ne soit pas compétitive par rapport à soi ou
aux autres. De plus, vous devez avoir un point d’ancrage et garder votre
attention sur ce dernier. C’est tout, c’est simple. Je coache aussi en
méditation, et les gens me disent: «Je n’arrive pas à penser à rien!» Mais
méditer, ce n’est pas penser à rien. Il s’agit plutôt de déposer son attention sur
son ancrage, sans jugement, sans attentes, avec curiosité et flexibilité, et,
comme le dit le philosophe russe, de transporter ensuite cet acquis dans son
métier. Et comme on ne fait qu’une chose quand on médite, il devrait en être
ainsi pour votre travail. Le fait d’effectuer plusieurs tâches en même temps
(le multitasking) relève du mythe et vous empêchera d’accomplir votre
mission.

«AVEZ-VOUS TROUVÉ L’ÉQUILIBRE ENTRE LA TÊTE ET


LE CŒUR?»
La réponse de Jean Labadie

Jean Labadie est né en 1962. Il a étudié en génie à l’École polytechnique


de Montréal et à l’Université Concordia (où il a aussi joué au football).
Son entreprise, Show Canada, se spécialise dans la réalisation de
structures pour des projets de spectacle ou d’architecture partout dans le
monde, notamment à Macao, Las Vegas et Rio. Alors qu’il était jeune
adulte, son père, Pierre Labadie, fondateur des Ascenseurs Labadie, lui a
offert un emploi bien rémunéré et une carrière attrayante, qui lui aurait
permis de vivre sans soucis. «J’ai voulu prouver que je n’étais pas un
fils à papa. J’ai donc quitté la compagnie familiale pour fonder Show
Canada et j’ai démarré ma propre affaire avant d’avoir terminé mon
cours de génie», dit Jean avec fierté.
Jean Labadie est un peu comme Obélix: dans son enfance, il est
tombé dans une potion magique qui l’a connecté avec son cœur sans
qu’il y perde la tête. Courageux et téméraire, il ne recule devant rien. Il
m’explique: «J’ai compris depuis longtemps que les problèmes venaient
de la tête, alors que les solutions émanent toujours du cœur. Mon
instinct, qui est très proche de la pleine conscience, guide une grande
partie des décisions que je prends dans la richesse de la sagesse du
moment. Je n’ai assurément pas la mentalité d’un banquier qui ne pense
trop souvent qu’aux chiffres. J’ai foi en mes projets et en ma mission,
qui me transporte au-delà de ceux-ci. Cette foi m’habite et ne se trouve
ni dans la tête ni uniquement dans le cœur, mais dans cet espace entre
les deux.»
Show Canada évolue dans une industrie très compétitive à l’échelle
mondiale. Il a des compétiteurs partout en Chine en Allemagne et aux
États-Unis. Jean est un gagnant et, pour rester un des meilleurs au
monde dans ce domaine, il doit continuellement investir en recherche et
développement, ainsi que fournir une grosse part des investissements
dans chacun des projets. C’est impressionnant de le voir déployer toute
sa force au quotidien pour assurer la position dominante qu’occupe
Show Canada.
Comme il le dit, la tête, surtout celle de ses banquiers et de certains
associés, est toujours capable de trouver de bonnes raisons
d’abandonner certains projets. Mais dans son cœur, dans sa force et dans
sa foi – il est profondément croyant –, il trouve le pouvoir de focaliser
sur le présent et de voir les solutions potentielles qui s’offrent à lui.
Quand je lui demande comment il fait, il me répond ainsi: «Ce que je
vois, c’est nos contrats, notre talent, notre créativité. C’est la vérité, la
seule qui existe.» Par cette détermination, cette puissance, il réussit
contre vents et marées à inspirer ceux qui l’entourent. Une petite
anecdote: récemment, j’ai commandé à Show Canada des crochets pour
supporter nos hamacs qui servent à pratiquer le yoga aérien. Quand le
livreur est arrivé, je lui ai demandé depuis quand il travaillait pour Show
Canada. Avec un grand sourire, il m’a répondu que ça faisait 17 ans. Je
lui ai alors demandé comment il expliquait cette longue durée (il ne
connaissait pas ma relation avec Jean). Il s’est exclamé instantanément:
«À cause du boss!» Qu’il inspire ainsi tous ses employés démontre bien
qu’il a réussi à atteindre l’équilibre entre la tête et le cœur, non?
Chapitre 6
Arrivez-vous à garder foi en votre mission?

Avoir la foi, ce n’est pas uniquement une question de religion! Si je parle de


foi, c’est que cela va au-delà des croyances. La foi, c’est rarement rationnel.
On croit en quelque chose et on fonce! Et c’est de cette foi, qui ne juge pas et
qui n’a pas peur, que devrait être nourrie notre mission. La foi, c’est une
confiance spirituelle. Il est bien connu que la foi religieuse s’accompagne de
rituels, de célébrations, de prières. C’est à partir de ce processus que cette foi
sera bien ancrée dans notre conscience.
La vie étant ce qu’elle est, il est possible que notre foi, comme la flamme
d’une chandelle, vacille. Elle pourrait même s’éteindre. Perdre la foi en sa
mission, c’est arrêter de croire qu’on peut réussir ce à quoi on se destine, se
mettre à penser qu’on n’arrivera pas à rendre son cadeau utile aux autres.
Afin de nous assurer que notre foi demeure toujours bien vivante, il faut la
nourrir, lui donner sa place. Et c’est à travers les rituels, entre autres, qu’on y
parvient.
En tant qu’entrepreneur, je suis en plein dans un projet d’expansion de
studios de yoga, cela dans un environnement très compétitif qui vit de gros
changements. Comme tout ne va pas toujours comme prévu et que notre
parcours est souvent parsemé d’embûches, il est légitime de douter et de nous
questionner.
De prétendre que le yogi de Wall Street puisse être la figure spirituelle
pour les gens d’affaires du Québec dans un domaine d’inspiration-motivation
qui est également très compétitif pourrait semer le doute en moi. À partir du
moment où nous faisons le lien entre les besoins réels dans la société et
l’éventail de nos forces, de nos passions, de nos valeurs, il est possible de
trouver notre intention ultime. C’est ce qui nous permet de créer d’autres
croyances, celles qui nous responsabilisent et nous donnent accès à notre
pouvoir ultime.
La mission, c’est comme une destination, un endroit où on veut aller. Et
pour s’y rendre, on a besoin d’une carte (l’intention), mais aussi d’une
boussole (le rituel). Le rituel permettra de garder le cap sur sa mission, de
s’assurer qu’on va toujours dans la bonne direction.
Pour ne pas douter, ne pas juger, ne pas nous critiquer, ne pas nous priver
des forces qui nous guident vers notre intention ultime et ne pas perdre notre
pouvoir, nous devons avoir un rituel au quotidien. Ce moment avec soi
solidifie nos pensées et nos nouvelles croyances et renforce notre foi dans
l’achèvement de notre mission. Il est donc essentiel de nous répéter notre
intention ultime, d’avoir des objectifs et de faire des gestes concrets en
fonction de ceux-ci, d’être dans l’action avec une confiance absolue. À force
de le répéter, ça devient ancré en nous. Les athlètes ont eux aussi toutes
sortes de rituels pour ne pas douter. À titre d’exemple, on raconte que Larry
Bird, cet ancien champion de basketball de la National Basketball
Association (NBA) qui jouait pour les Celtics de Boston, devait lancer au
panier et manquer son tir, mais il avait tellement répété son rituel, c’était
tellement ancré en lui, qu’il ne réussissait pas à manquer le panier. C’est ainsi
que la foi en notre mission résidera en nous. Voici quelques premières pistes:

– Pratiquer la pleine conscience. Que ce soit par la méditation ou


seulement en se rappelant d’être dans le moment présent, la pleine
conscience est très utile pour nous remettre sur le chemin de notre
mission.
– Faire de l’exercice physique. L’exercice physique n’est pas
uniquement bon pour la santé de notre corps, il apaise aussi notre
esprit et nous pousse à dépasser nos limites et à avoir confiance en
nos capacités. Marilyne Gagné veut garder son corps en bonne santé,
et non seulement son épiderme. Elle fait attention à elle, se dit
épicurienne et pratique la course pour activer son organisme et le
garder jeune. «Je trouve ma foi dans la naïveté et la candeur, en
demeurant naturelle», résume-t-elle.
– Répéter qui nous sommes. Nous avons chacun un ensemble de
valeurs, de talents et de passions uniques qui doivent être présents à
notre esprit. Vous pouvez même écrire des mots inspirants sur une
affiche que vous placerez bien en évidence. En répétant ces mots,
vous récitez un mantra qui vous inspirera pour garder la foi en votre
mission tout en créant de nouvelles croyances positives. Il s’agit d’un
continuum, d’un entraînement, d’un rituel, d’un processus qui se
cultive et ce n’est pas parce que nous avons obtenu du succès ni parce
que nous pensons avoir compris que nous gardons la foi en notre
mission.

Une bonne façon de créer un rituel qui sera naturel pour nous, qui
s’intégrera dans notre quotidien, c’est d’adopter une approche où nous
demeurons dans l’action, au jour le jour. L’important est de nous assurer que
le rituel est répété, qu’il devient presque un automatisme. Le rituel peut
prendre plusieurs formes.

Les cinq composantes de mon rituel


Mon propre rituel comprend cinq composantes. Vous pouvez vous en
inspirer, en choisissant une des composantes, ou plusieurs, afin de garder
bien vivante la foi en votre mission.

Bien m’occuper de mon corps


La première composante du rituel qui me permet de garder foi en ma mission,
c’est de bien m’occuper de mon corps. Notre corps est le véhicule grâce
auquel nous pouvons remplir notre mission. De plus, il envoie des messages à
notre esprit, et l’inverse est aussi vrai. Je m’occupe de mon corps; il est donc
impératif pour moi de l’activer. Comment pouvez-vous penser avoir un esprit
frais, vif, curieux, dénué de jugement et qui se laisse surprendre par la vie, si
votre corps est endormi ou moribond?
Observez bien une personne triste et mal dans sa peau. Elle est
probablement voûtée, regarde le sol, prend un air découragé, tripote ses
doigts ou a des tics de ce genre. Visualisez quelqu’un qui se réalise dans sa
mission, et vous verrez certainement une personne qui se tient bien droite,
avec fierté, légèreté et souplesse. Nous envoyons un message à notre cerveau
selon la posture que nous adoptons. J’aime rappeler la pose de la montagne
(Tadasana), cette pose qu’on nomme souvent, en anglais, equal standing, qui
veut dire être centré dans sa posture. Souvent, dans les classes, les élèves
profitent de ce moment pour boire de l’eau ou encore replacer leur coiffure
ou leur maillot, mais je leur répète que c’est une posture vraiment importante.
Pas seulement sur le tapis, mais aussi à l’épicerie, au bureau ou en faisant du
jogging.
Comme je l’ai dit, je réveille mon corps de plusieurs façons. La pratique
du yoga fait aussi partie de mon quotidien. Il est donc essentiel pour moi de
me connecter au tapis, à la terre, à mon corps, d’en prendre conscience avec
curiosité, que ce soit pendant 5 ou 90 minutes, peu importe. Cela peut être
aussi simple que de faire quelques salutations au soleil et quelques poses de
guerrier. Si vous n’aimez pas le yoga, vous pouvez nager, courir, marcher,
soulever des poids, faire de la planche de surf à pagaie, du ski, vous tenir
debout dans la posture de Tadasana ou encore respirer selon des techniques
de pranayama, respiration sous le contrôle du prana ou énergie universelle.
Je fais souvent un pot-pourri de tout cela, mais la pose de la montagne est
devenue une de mes façons favorites de bien activer mon corps, le matin et
durant toute la journée. Tout comme une montagne, dans cette posture, nous
sommes bien ancrés au sol, bien droits; la nuque est longue et le menton
humble.
Nous amenons une conscience dans tous les muscles du corps, qui sont
activés et bien éveillés. Juste ça, c’est tout simple. Par cette posture, notre
corps envoie à notre esprit le message de connexion à la Terre, un message de
fierté, de dignité, de courage et d’humilité.
La pratique quotidienne du yoga et celle de la méditation font partie de
mon rituel pour me permettre de garder mon équilibre et éviter que ma tête et
son mode de survie ne reprennent le dessus. Je suis conscient du fait que nous
ne sommes pas en équilibre de façon naturelle. En tant qu’humains, nous
sommes programmés pour survivre. Ce n’est pas parce que je suis en
équilibre un jour que je le serai le lendemain. Il s’agit d’un travail au
quotidien et de tous les moments.
Pour avoir une machine en santé, il faut une saine alimentation axée sur la
variété. Je ne suis pas un de ces gourous catégoriques qui palabrent sur la
valeur des aliments, pas plus qu’un diététicien aux régimes prétendument
miraculeux. Ce que je consomme est bon pour moi et je vous invite à trouver
ce qui fonctionne pour vous. Personnellement, je commence mes jours de
semaine avec un jus vert, qui comprend une dizaine de fruits et légumes.
Citons la pastèque, les bananes, les poires, le melon, les ananas, le chou frisé,
la bette à carde, les épinards, les concombres, le gingembre, le céleri, plus des
suppléments de chlorelles et spirulines et des protéines végétaliennes sans
soya. Ce jus fait partie de mes deux premiers repas du lundi au vendredi.
Pour le souper, je prends un repas normal avec une bonne salade verte en
guise de dessert. Je mange de tout avec modération. Il y a donc de la viande
au menu, mais peu. Généralement du poulet. Je consomme aussi du poisson,
du blé, mais peu de produits laitiers, peu de sucre, jamais de jus
commerciaux, et un dessert deux ou trois fois par année. Le jour, lorsque je
fais du travail de bureau, je bois de l’eau à laquelle j’ai ajouté du vinaigre de
cidre de pomme biologique.
Comme la variété est aussi une priorité pour moi, le samedi et le
dimanche, je me prépare un jus pour le déjeuner seulement, mais je le
simplifie avec quelques fruits et un peu de vert. Ces matins-là, je me permets
des œufs avec du jambon et du bon pain comme on en trouve dans les
boulangeries artisanales. Le midi, je mange une salade avec des légumes et,
le soir, n’importe quoi: un steak-frites, des burgers, de la pizza, du poisson,
du poulet barbecue. Je n’ai aucune prison alimentaire. S’alimenter ne doit pas
être une corvée. Cela doit demeurer un plaisir de la vie. Je bois aussi de
l’alcool régulièrement, sans dépasser les limites permises. À l’occasion, je me
gâte et m’offre un bon smoked meat, c’est mon péché mignon! J’aime les
bonnes bières artisanales et je prends parfois un ou deux verres de vin en
mangeant, mais pas plus, car cela nuit à la qualité de mon sommeil.
Si je veux permettre à mon corps de récupérer et à mes cellules de se
reproduire, je dois évidemment dormir. Le sommeil est essentiel pour garder
son esprit vivant et discipliné. Je m’assure de manger tôt et légèrement. Je ne
regarde jamais d’écran au lit et je tente de régler mes problèmes avant d’aller
me coucher. Si des choses me préoccupent, je prends des notes pour les régler
le lendemain. Des problèmes potentiels sont toujours prêts à surgir pour
troubler notre sommeil. J’essaie alors de garder en tête des pensées
responsabilisantes et de me concentrer sur ce que je contrôle et sur ce que je
donne. Je me couche avant 22 h. Mon heure favorite est 21 h 30. De cette
façon, je peux me lever tôt, entre 5 h 30 et 6 h 30, pour m’occuper des
enfants, méditer, faire du yoga ou travailler. Tout cela vise à conditionner
mon corps à être en mission.

Et vous?
Pouvez-vous prendre de 5 à 30 minutes par jour pour activer
votre corps?
Avez-vous besoin de modifier vos habitudes alimentaires et vos
habitudes de sommeil?

Remplir mon cœur d’amour


La deuxième composante de mon rituel concerne ce que je fais avec mon
cœur. Pour pouvoir donner à partir d’un endroit d’abondance, il est essentiel
d’être près de son cœur et des émotions qui s’y rattachent. Dans le chapitre 2,
j’ai parlé de l’importance de savoir que nous avons déjà été aimés, et cela
pour toutes nos relations amoureuses, personnelles et professionnelles.
Je m’installe dans une variation de la posture de la montagne (debout, les
pieds légèrement écartés), les deux mains sur mon cœur, et je décide de me
remémorer combien j’ai été aimé par mon père, mais aussi par beaucoup
d’autres personnes, et ce, pour qui je suis. Je me le répète au moins 10 fois. Je
me sécurise dans cet amour et visualise tout l’amour que j’ai à donner à tous
ceux qui sont dans ma vie, de près ou de loin. De savoir que l’on mérite
d’être aimé, que l’on est accepté tel qu’on est, est assurément un des plus
beaux cadeaux que l’on puisse se faire au quotidien.

Et vous?

Pouvez-vous prendre de une à cinq minutes par jour dans la


posture de la montagne, avec les mains sur le cœur, pour vous
rappeler que vous avez été aimé(e)?
Pouvez-vous trouver la sécurité dans cet amour?

Pratiquer la pleine conscience afin de m’occuper de ce que je fais avec mon


esprit
Une étude récente de Sara Lazar, Ph. D., de l’Université Harvard, menée
auprès d’étudiants ayant médité 30 minutes chaque jour durant 8 semaines
révèle, entre autres, une augmentation de la densité de la matière grise dans
l’hippocampe. Cette matière grise est utile notamment pour l’introspection,
c’est-à-dire pour nous voir au-delà des rôles et de l’illusion afin de nous
reconnecter avec ce que nous pensons être. L’augmentation de la matière
grise favorise aussi certaines émotions, comme la compassion, la gratitude,
l’empathie et la bienveillance, et ce, même quand les conditions ne sont pas
propices. Lorsque nous éprouvons des émotions près du cœur, nous sécrétons
des neurotransmetteurs – dont la sérotonine, qui est un antidépresseur naturel.
Nous nous retrouvons ensuite dans le cercle vertueux où, plus nous sécrétons
de la sérotonine, plus nous sommes heureux et nourris, et plus nous avons des
moments de bonheur, plus nous sécrétons de la sérotonine. C’est ce qui nous
permet de voir notre vie dans sa totalité, sans la juger, avec curiosité et
souplesse.
Pour bien m’occuper de mon esprit et de ma conscience et trouver cet
équilibre si précieux, je poursuis ensuite la journée avec la troisième
composante de mon rituel, qui consiste en une pratique de pleine conscience
assortie d’un peu de méditation. Il est certain que, en tant que papa d’un petit
garçon de quatre ans et d’un bébé, il n’est pas toujours facile de commencer
la journée en méditant, mais il y a d’autres formes de méditation que la
pratique formelle. Pour moi, il s’agit de pratiquer la pleine conscience dans ce
que je fais. Ce peut être de me tenir en Tadasana ou assis dans une posture
qui symbolise la dignité et l’humilité et de faire des respirations pendant une
période de 30 secondes à 30 minutes, une ou plusieurs fois par jour.
Il nous faut tous un temps d’arrêt pour empêcher notre esprit rationnel de
reprendre le contrôle de nos problèmes. Si mon fils est réveillé avant que j’aie
eu le temps de méditer, je vais le regarder, pleinement conscient, lui parler,
couper les fruits et les légumes de son petit-déjeuner en fixant mon attention
uniquement sur ce que je fais, sans jugement, sans analyse, sans me servir de
mon mode par défaut. Il est important pour moi de ne pas commencer la
journée en pensant tout de suite à ce qui pourrait mal aller. Surtout, je veille à
me tenir loin de mon téléphone pendant les 30 premières minutes de la
journée.
Lorsque mon fils se réveille, il m’appelle. Je vais dans sa chambre, et la
seule chose qui existe au monde, c’est ce qui se passe entre nous deux. Pour
moi, c’est mettre la pleine conscience en pratique. Comme il est important de
cultiver des émotions près de notre cœur, une pratique de pleine conscience
est l’outil parfait pour sortir de mon esprit qui juge, qui doute, qui compare,
qui culpabilise, pour me retrouver plutôt dans la gratitude et dans la
bienveillance. Ces émotions près du cœur sont des outils essentiels pour notre
mission.
Il existe toutes sortes de méthodes pour nous libérer de notre esprit
rationnel qui cherche à nous diriger dès le réveil. Évidemment, il y a la
méditation, le yoga, la respiration et les mantras. On peut aussi regarder
dehors le soleil, les nuages, la neige ou la pluie sans jugement. Ou encore
préparer son thé, son café et son déjeuner, se blottir contre son conjoint,
marcher pour se rendre au bureau. Peu importe la méthode, tant et aussi
longtemps que c’est tout ce qui se passe dans votre tête et que cela n’a pas un
caractère de compétition, ne crée pas de dépendance, mais vous donne de
l’énergie. Quant à moi, il est certain que je trouverai un autre moment dans la
journée pour une méditation traditionnelle, qui durera de 5 à 30 minutes. Ce
n’est pas un concours et il n’y a pas de médaille à remporter. Je médite
partout et tout le temps, même dans les magasins, le samedi. La méditation
pour faire de la médiation est inutile. La pleine conscience qu’elle procure est
nécessaire dans notre quotidien.
Après m’être libéré de mon esprit rationnel, je dois alimenter mon esprit.
Pour ce faire, je me répète mes croyances responsabilisantes et mon cadeau.
Je choisis donc de me répéter que je suis intelligent et humble (paradoxal,
soulignera-t-on peut-être. Eh bien! non), que je suis bon gestionnaire, bon
coach, bon orateur. J’ai un cœur et pas juste une tête, une expérience et un
talent atypiques qui me permettent de réaliser de grandes choses. Je possède
une personnalité charismatique, n’ai pas peur du travail, utilise la peur pour
grandir et accomplir ma mission. La plupart d’entre nous, animés par leur
mode par défaut, décident de concentrer leur attention sur ce qui leur manque,
sur leurs croyances limitantes et sur leurs peurs.
Or si nous choisissons d’entraîner notre esprit et notre âme, lorsque nous
ferons face à une difficulté – et nous savons tous que la vie en est remplie –,
au lieu de nous affaisser avec une de nos pensées limitantes, c’est une pensée
voulant que nous soyons la personne la mieux outillée pour affronter une telle
situation qui surgira. Cela devient notre modus operandi et c’est ce qui nous
permet de remplir notre mission avec courage. Quand je dis cela en coaching,
mes clients me répondent: «Oui, oui, je le sais.» Ce n’est pas tout de le
savoir, il faut aussi, comme Larry Bird, le répéter des dizaines, des centaines
et des milliers de fois.
Et vous?

Pouvez-vous prendre un moment chaque jour, préférablement le


matin, pour cultiver la pleine conscience sous la forme que
vous voulez?

Me focaliser sur le sujet choisi et en changer la définition


La quatrième composante de mon rituel pour entretenir la foi dans ma
mission consiste à choisir ce sur quoi je dirige mon attention. J’ai le pouvoir
de choisir de voir ce que je regarde, de définir la vie comme une occasion à
saisir et non comme un problème à résoudre. Si je décide de voir ce qui me
manque, mes besoins réels ou fictifs, ou uniquement ce que je veux voir pour
combler mes besoins humains, ma mission sera impossible. Maintenant que
j’ai trouvé l’équilibre entre mon cœur et ma tête, riche de mes croyances
responsabilisantes et connecté à mon cadeau, je décide de voir les besoins au-
delà de moi et je focalise mon attention sur ma contribution en ayant pour
objectif de combler ces besoins.
Je me concentre sur mes objectifs et mon intention ultime. Je décide de
voir des occasions d’offrir mon cadeau, ce que je contrôle, ce que je donne et
non ce que je reçois. Cela me fait penser à la blague à propos de cet homme
trépignant en face d’une distributrice de boissons gazeuses pendant qu’un
autre y dépose sans arrêt des pièces de 2$. «Avez-vous terminé?» demande
l’impatient. Celui qui monopolise la distributrice lui répond alors: «Tant que
je gagne, je joue!»
C’est un peu comme cela que je me sens en donnant à partir d’un endroit
d’abondance. Je gagne à tous les coups, soit des bons résultats, soit des
leçons. Je donne à titre d’entrepreneur, de professeur de yoga, de coach, de
conférencier, d’auteur, de figure spirituelle d’affaires pour les autres sans me
préoccuper dans l’immédiat des fruits de mon action.

Et vous?
Sans nier vos problèmes, pouvez-vous les redéfinir comme une
occasion d’offrir votre cadeau dans la société?
Pouvez-vous redéfinir les fruits de vos actions comme des
résultats uniquement?
Pouvez-vous focaliser votre attention sur ce que vous contrôlez?

Agir au quotidien
La cinquième et dernière composante de mon rituel est d’agir tous les jours
pour me rapprocher de mes objectifs et de ma mission. La qualité de notre vie
dépend de la qualité de nos actions, de notre intention et de notre équilibre
émotionnel. Un peu comme Isabelle Hudon, je garde un œil sur les buts et les
objectifs à moyen terme de ma mission, mais je reste concentré sur mes
gestes et mes actions à court terme. Je dois d’abord clarifier mes objectifs.
Ensuite, je m’assure que tous mes gestes me rapprochent de ma mission.
Comme je l’ai mentionné précédemment, bien des gens vont invoquer toutes
sortes d’excuses pour se justifier et se déculpabiliser de ne pas y parvenir.
Je leur demande tout le temps ce qu’ils peuvent faire aujourd’hui pour se
rapprocher de leur mission. Cela peut être d’envoyer un courriel, de faire une
lecture, de lancer un appel téléphonique, de s’inscrire à un cours, de
demander de l’aide à un ami, de parler à des clients, à des fournisseurs ou à
des investisseurs; chacun peut aujourd’hui faire un pas en avant. Moi, pour
être conséquent avec moi-même, j’ai franchi ce pas. J’ai écrit ce livre. Je l’ai
revu deux fois plutôt qu’une. J’ouvre des studios, prépare des conférences,
fais du coaching et suis des formations tous les jours. Bref, c’est ma manière
de franchir les pas nécessaires pour accomplir ma mission.
Nous vivons dans un système capitaliste. Si nous donnons à partir de
notre cadeau et que nous comblons un ou plusieurs besoins, nous serons
pleinement rémunérés. Mais comme nous nous réalisons et que nous
acceptons notre mission, nous sommes nourris par la vie, et le «salaire» qui
accompagne cela est amplement suffisant. Tous ceux que j’ai interviewés ou
à qui je parle de façon informelle pensent aux autres, aspirent à donner et non
à prendre. C’est d’ailleurs la raison des principaux problèmes que je relève en
coaching. Quand un client se concentre sur lui, sur ce qu’il prend et non sur
ce qu’il donne, il est malheureux. Je lui rappelle qu’il est primordial d’être
«sur son X» – c’est là que nous travaillons sans travailler (car cela arrive à
travers nous) – et de s’assurer que son cadeau comble un besoin, ce qui
signifiera que sa mission est accomplie!

Et vous?

Que pouvez-vous faire aujourd’hui pour vous rapprocher de


votre mission pour qu’elle devienne réalisable?

Après avoir pris connaissance de mon propre rituel, il est maintenant


temps pour vous de déterminer le rituel qui vous sera le plus bénéfique. Plus
le rituel que vous choisissez vous ressemble, plus il est facile à pratiquer dans
votre quotidien, mieux vous parviendrez à le maintenir. Il est aussi important
que le rituel choisi permette de nourrir autant le corps (par la nourriture et
l’exercice) que l’esprit (par la méditation, les pensées positives, etc.).

Et vous?

Pouvez-vous définir un rituel qui vous permettra de garder foi en


votre mission?

«ARRIVEZ-VOUS À GARDER FOI EN VOTRE MISSION?»


La réponse de Jacques Francisque

Né en 1961, ce diplômé en commerce de l’Université Concordia est


copropriétaire et président de Planète Mobile Rogers/Mobifone Fido.
Avec son physique imposant, Jacques Francisque est impressionnant.
Mais, il y a 20 ans, un divorce a marqué le début d’une série d’épreuves
qui allaient le secouer: perte d’emploi, faillite. Il est retourné vivre chez
sa mère et a connu la dépression. Petit à petit, il s’est reconstruit. C’est
aujourd’hui à travers ses enfants qu’il retrouve son pouvoir et son
courage.
Peut-être êtes-vous plusieurs à vous demander: «Comment peut-il
changer le monde en vendant des téléphones?» La vie n’est pas une
guerre entre nous et les autres; c’est une union. Ce que nous faisons et la
manière dont nous nous y prenons ont des répercussions sur tout ce qui
nous entoure. Jacques Francisque médite au quotidien. Il lit beaucoup
sur la spiritualité, ressent et exprime de la gratitude pour tout ce qu’il a,
et ce, surtout depuis l’apparition de sa tumeur au cerveau. «Je prends le
temps de respirer, en plus de constater que je suis en vie et en étant
reconnaissant pour cela. Je me répète le mantra: “Donnez-moi le
courage, la force d’accepter. Merci”, puis je dirige mon attention sur ce
que j’ai et non sur ce que je n’ai pas», me dit-il.
Conclusion
Êtes-vous prêt?

À un moment ou à un autre de notre vie, nous sommes nombreux à faillir à


notre mission ou, du moins, à avoir des excuses pour ne pas réussir à
l’accomplir. J’ai évidemment moi-même longtemps vécu loin de ma mission,
perdu dans mes croyances, avec mes peurs, cristallisées dans ma tête ou dans
mon cœur, sans comprendre qui je suis vraiment, sans saisir l’intention ultime
de ma mission et sans recourir à un rituel.
Les gens que j’ai interviewés pour ce livre auraient également pu passer à
côté de leur mission, s’autosaboter, mais ils ont à peu près tous, à un moment
donné, vécu un événement clé qui leur a donné un levier pour réussir. Pour
Nicolas Duvernois, c’est peut-être le refus de la SAQ de commercialiser sa
vodka. Pour Jacques Francisque, c’est probablement, après sa séparation,
d’être retourné vivre chez sa mère, presque ruiné. Pour moi, c’est arrivé à
Maui. Je venais de perdre le reste de mes économies, j’étais ruiné. C’est à
l’occasion d’une rencontre avec Ram Dass que j’ai compris que j’étais un
yogi et un ancien de Wall Street, que j’avais un rôle à jouer et que je devais
me servir de ma tête et de mon cœur pour changer des vies, sans oublier la
mienne. C’est alors que j’ai décidé d’accepter ma mission. Et celle-ci n’est
jamais achevée: c’est une démarche où je renouvelle quotidiennement mon
acceptation de ma mission.
Comme je l’ai dit précédemment, je pratique quotidiennement le yoga et
la méditation afin de garder mon équilibre et d’éviter que ma tête et son mode
de survie ne reprennent le dessus. Nous ne sommes pas en équilibre de façon
naturelle et ce n’est pas parce que je suis en équilibre un jour que je le serai le
lendemain. Il s’agit d’un travail de tous les instants.
Dans le même esprit, pour les hindous et les bouddhistes, le principal est
d’accomplir son dharma, un terme polysémique qui englobe l’ordre universel
cosmique, la loi éternelle, la morale, la vertu, et qui souligne que nous
sommes sur terre pour nous accomplir de façon naturelle. Accomplir son
dharma ou sa mission est une expression pure de l’univers, tout comme
respirer et bouger, mais, malheureusement, plusieurs d’entre nous, pour
toutes sortes de raisons, n’acceptent pas leur mission, empêchant ainsi la
circulation du flux de ce qu’ils ont à offrir.
Si nous n’acceptons pas notre mission, c’est souvent parce que nous nous
laissons dominer par nos convictions restrictives (que l’on appelle aussi
croyances limitantes) ou que nous laissons nos peurs nous paralyser ou nous
faire réagir. C’est aussi souvent parce que nous n’avons pas trouvé l’équilibre
entre la tête et le cœur ou que nous n’avons pas compris qui nous sommes
vraiment et ce que nous avons à offrir. Et c’est aussi parce que nous n’avons
pas bien saisi l’intention ultime de notre mission et que nous n’avons aucun
rituel pour garder la foi en celle-ci.
Selon moi, accomplir sa mission, c’est faire place à ce côté naturel
qu’implique le dharma. Nous sommes sur terre dans un but: celui d’apporter
notre contribution au-delà de nous, à partir de ce que nous avons à offrir
depuis un endroit d’abondance. Pour nous accomplir, il est aussi important de
grandir, et comme nous contribuons à combler les besoins des autres et que la
société croît et évolue, cette action nous permet d’atteindre cet objectif.
Trop souvent, nous associons plaisir, douleur, succès et échec à certains
moments clés. Nous nous les remémorons et les revivons des milliers de fois.
Ce conditionnement devient notre vérité, bien qu’il ne s’agisse que d’une
illusion. Notre vie est contrôlée par ces associations qui nous empêchent
d’accéder pleinement à l’éventail des possibilités de nos talents et de nos
forces.
C’est ainsi que nous nous identifions à notre rôle, à notre ego, à l’être que
nous pensons être et non à notre essence, que nous sommes habités par notre
instinct de survie et prêts à tout pour éviter de souffrir. Ce faisant, nous nous
vidons de notre pouvoir d’accomplir notre vraie mission, ce qui se
transformera alors en véritable souffrance.
Les besoins humains, comme j’en ai parlé précédemment, englobent le
besoin le plus important, à mon avis: la réalisation de soi. Notre besoin de
connexion-amour, lui, se comble uniquement dans la vérité, dans la
conscience, loin du jugement et du doute. Ce livre en entier est un outil pour
nous aider à combler ce besoin de réalisation de soi.
Pour bien remplir notre mission, il faut comprendre ce que nous avons à
offrir au-delà de nos croyances, de nos peurs et de nos titres. Autrement,
notre vie se déroulera sans se réaliser et, je le répète, cela constitue un
véritable échec. Beaucoup d’entre nous connaissent la routine «métro-boulot-
dodo» avec ce qu’elle peut comporter de peurs, d’envie et de jalousie. En
niant cette réalité négative et en refusant d’agir, nous ne sommes jamais
vraiment nourris par la vie tout en ayant la satisfaction d’avoir accompli notre
mission.
Si j’avais compris mes peurs et mes croyances et trouvé l’équilibre entre
la tête et le cœur, et si j’avais su qui je suis et ce que j’avais à offrir quand je
travaillais dans la finance, j’aurais rempli ma mission et été nourri par ce
processus beaucoup plus tôt dans ma vie. Je n’aurais peut-être pas perdu mon
travail et, si c’était arrivé, cela ne m’aurait pas autant bouleversé. Si j’avais
pu nourrir, dès le départ, autant mon cœur que ma tête, mon parcours aurait
été bien différent.
Cela dit, comme vous l’avez compris à la lecture de ce livre, il n’est pas
nécessaire d’avoir vécu une crise majeure pour effectuer un changement de
vie. Si vous êtes insatisfait, si vous sentez que vous ne vous réalisez pas
suffisamment, si vous avez l’impression de ne pas être utile, voilà autant de
raisons pour réfléchir à votre mission et pour l’accepter.
Je vous encourage donc à trouver en vous cette capacité qui nous donne la
foi en notre mission, comme si nous étions le chef d’orchestre de notre vie et
de notre carrière et que, loin de nos peurs, nous trouvions le courage
d’écouter cette voix qui sait ce que nous devons faire pour accomplir notre
mission.
Acceptez votre mission et passez à l’action!
Namasté!

Mes sources d’inspiration


Vous le savez, je suis curieux de nature. J’adore lire, écouter, rencontrer de
nouvelles personnes, découvrir de nouvelles façons de penser. Voici
quelques-unes de mes inspirations, si vous avez envie d’approfondir votre
compréhension du monde. Bonnes découvertes!

Des personnalités
J’ai eu la chance de côtoyer certaines de ces personnes; d’autres m’ont inspiré
par leurs écrits, leur personnalité, leur vision du monde.
Richard Alpert, dit Baba Ram Dass (1931 —) est professeur de
psychologie à l’Université Harvard jusqu’en 1963, où il poursuit ses
recherches en privé. En 1967, il part pour l’Inde, d’où il revient en 1969
vivement impressionné par le bouddhisme et le yoga. Il a publié plusieurs
ouvrages, dont Remember, Ici et maintenant: Namasté, Vieillir en pleine
conscience et Le livre d’Emmanuel. Il a fondé plusieurs centres de spiritualité
et poursuit ses activités malgré des problèmes de santé.

Pema Chödrön (1936 —) est une moniale bouddhiste dans la tradition


tibétaine. Elle est aussi connue sous le nom de Deirdre Blomfield-Brown.
Elle a dirigé plusieurs séminaires et retraites en Amérique du Nord, en
Europe et en Australie. Elle est directrice de l’abbaye de Kempo, en
Nouvelle-Écosse.

Georges Gurdjieff (1866 [?]-1949) est un mystique, philosophe, professeur


spirituel et compositeur influent au début du XXe siècle. Gurdjieff pensait que
la plupart des humains ne possèdent pas une conscience unifiée esprit-
émotion-corps et vivent leur vie dans un état hypnotique de «sommeil
éveillé», mais qu’il est possible de passer à un état supérieur de conscience et
d’atteindre le plein potentiel humain.

Jon Kabat-Zinn (1944 —) est médecin, biologiste et professeur. Il est le


fondateur de la Stress Reduction Clinic et du Center for Mindfulness in
Medicine Health Care and Society de l’école de médecine de l’Université du
Massachusetts.

Byron Katie (1942 —) est une auteure et conférencière américaine. Elle


enseigne une méthode d’introspection qui amène à reconnaître les pensées
négatives et stressantes afin de trouver la paix en soi. La méthode se compose
de quatre questions et d’un retournement, qui est une façon d’expérimenter le
contraire d’une croyance.

Jack Kornfield (1945 —) est un moine bouddhiste américain. Diplômé du


Dartmouth College (New Hampshire), il poursuit ses études bouddhiques en
Thaïlande et en Birmanie. Il est l’auteur de Après l’extase, la lessive,
Bouddha, mode d’emploi et La sagesse du cœur, pour ne citer que ces titres.

Jiddu Krishnamurti (1895-1986) est un penseur indien qui, bien que


considéré comme un gourou, a toujours nié en être un, malgré l’influence
énorme qu’il eut sur nombre de maîtres de la spiritualité orientale au XXe
siècle. Il disait volontiers: «La Vérité est un pays sans chemin, que l’on ne
peut atteindre par aucune route, quelle qu’elle soit: aucune religion, aucune
secte.»

Cloé Madanes (1940 —) est une psychologue et thérapeute familiale


argentine. Depuis 2002, elle travaille avec Tony Robbins et publie des livres
de développement personnel.

Tony Robbins (1960 —) est un motivateur américain. Il a travaillé avec des


personnalités aussi différentes que le président Bill Clinton, mère Teresa de
Calcutta et l’actrice Pamela Anderson. Il a publié plusieurs livres qui ont
connu un vif succès.

Robin S. Sharma (1954) est un auteur canadien. Diplômé en droit de


l’Université Dalhousie, il abandonne le métier d’avocat à 25 ans pour devenir
motivateur et conférencier. On lui doit notamment Le moine qui vendit sa
Ferrari, ainsi qu’une dizaine d’autres ouvrages.

Eckhart Tolle (1948 —) est un écrivain et conférencier canadien d’origine


allemande. Vers 30 ans, il ressent une «transformation intérieure» avant de
devenir enseignant spirituel en Angleterre. Il s’installe ensuite en Amérique
du Nord, où, en 1997, il publie Le pouvoir du moment présent, qui a remporté
un succès mondial et a été traduit en 33 langues.

Alan Watts (1915-1973) est un écrivain et conférencier anglo-américain,


auteur de 25 livres sur la spiritualité, les religions et les philosophies
orientales et occidentales. Cet ancien pasteur épiscopalien se voulait un
«jeteur de ponts» entre les deux mondes et on le considère comme l’un des
pères de la contre-culture américaine. Sans avoir la prétention d’être un
novateur dans son domaine, il a néanmoins proposé des clés d’interprétation
des textes sacrés, philosophiques et religieux.

Des livres
Les livres qui suivent m’ont permis de grandir, de mieux comprendre le
monde qui m’entoure et de mieux me comprendre aussi.
Les bastions de la peur, par Pema Chödrön (Pocket, 2005, 190 p., 10,95$)
En as-tu vraiment besoin?, par Pierre-Yves McSween (Guy Saint-Jean, 2017,
367 p., 24,95$)
L’éveil de votre puissance intérieure, par Anthony Robbins (Éditions de
l’Homme, 2013, 576 p., 32,95$).
The Fourth Way, par Piotr Ouspensky (Vintage, 1971, 447 p., 21,81$)
Pensouillard le hamster, par le Dr Serge Marquis (Éditions Transcontinental,
2011, 188 p., 22,95$)
Plaidoyer pour le bonheur, par Matthieu Ricard (Pocket, 2003, 381 p.,
13,95$)
Polir le miroir, par Ram Dass (AdA, 2017, 244 p., 19,95$)
Le pouvoir du moment présent, par Eckhart Tolle (J’ai Lu, 2011, 253 p.,
13,95$)
Reconquérir le moment présent… et votre vie, par Jon-Kabat Zinn (Les
Arènes, 2014, 256 p., 42,95$)
Vos zones erronées: changez vos pensées et reprenez le contrôle de votre vie,
par Wayne Dyer. (J’ai Lu, 2014, 352 p. 13,95$)
Zénitude et double espresso, par Nicole Bordeleau (Éditions de l’Homme,
2014, 251 p., 26,95$)

Autres sources d’inspiration… en vrac!


J’adore les baladodiffusions. On peut les trimballer partout avec soi et elles
sont parfaites pendant qu’on attend quelque part. En voici trois que j’aime
particulièrement. Elles sont uniquement en anglais, mais si on a une
connaissance de base de cette langue, elles sont plutôt faciles à comprendre.

Ram Dass, beherenownetwork.com/category/ram-dass


Tony Robbins, tonyrobbins.com/podcasts
Russel Brand, russellbrand.com/podcasts

Pour une méditation inspirée, je me tourne naturellement vers les vidéos de


méditation de Nicole Bordeleau, offertes sur son site
(nicolebordeleau.com/mes-mediations) ou vers celles, uniquement audio, de
Pascal Auclair (dharmaseed.org/teacher/198)

Pour découvrir une musique spirituelle inspirante, je vous recommande les


albums Door of Faith ou Hearth as Wide as The World, de Krishna, un
chanteur américain de kirtan qui a produit 14 albums de ce genre de musique
depuis 1996. En 2013, il a remporté le prix Emmy du meilleur album de
musique du Nouvel Âge pour Live Ananda.
Remerciements

Je veux remercier Nicolas Duvernois, Isabelle Hudon, Pierre-Yves McSween,


Jean Labadie, Jacques Francisque et Marilyne Gagné, ainsi que tous ceux qui
ont collaboré de près ou de loin à ce livre.
Mais je veux surtout remercier ma femme, Josiane, d’être mon meilleur
soutien au quotidien.
Table des matières

Introduction

Chapitre 1
Êtes-vous conscient de vos croyances?
Les croyances limitantes
Les croyances génériques
Les fausses croyances positives
Les croyances responsabilisantes
Les neuro-associations
Les rôles qui nous limitent
[encadré] «Êtes-vous conscient de vos croyances?» La réponse de Pierre-
Yves McSween

Chapitre 2
De quoi avez-vous peur au juste?
La peur de ne pas avoir été aimé
La peur du regard des autres
La peur de perdre le contrôle
La peur de ne pas être à la hauteur
Après la peur, le plaisir
[encadré] «De quoi avez-vous peur au juste?» La réponse de Nicolas
Duvernois

Chapitre 3
Qui êtes-vous vraiment?
Connaître ses valeurs
Connaître ses besoins
Connaître son cadeau
Connaître ses talents
Connaître ses passions
[encadré] «Qui êtes-vous vraiment?» La réponse de Marilyne Gagné

Chapitre 4
Quelle est votre mission?
Comprendre ma vraie mission
La mission du yogi de Wall Street est de provoquer un éveil
[encadré] «Quelle est votre mission?» La réponse d’Isabelle Hudon

Chapitre 5
Avez-vous trouvé l’équilibre entre la tête et le cœur?
Quand la tête domine
Être trop dans son cœur
Trouver l’équilibre entre la tête et le cœur
Cinq gestes à faire pour trouver l’équilibre entre la tête et le cœur
Cultiver l’échec ou l’humilité
Célébrer ses réussites
Danser avec la vie, cultiver la flexibilité, la curiosité
Pratiquer la pleine conscience ou améliorer son attention dans le moment
présent
Méditer ou se libérer du «hamster»
[encadré] «Avez-vous trouvé l’équilibre entre la tête et le cœur?» La réponse
de Jean Labadie

Chapitre 6
Arrivez-vous à garder foi en votre mission?
Les cinq composantes de mon rituel
Bien m’occuper de mon corps
Remplir mon cœur d’amour
Pratiquer la pleine conscience afin de m’occuper de ce que je fais avec
mon esprit
Me focaliser sur le sujet choisi et en changer la définition
Agir au quotidien
[encadré] «Arrivez-vous à garder foi en votre mission?» La réponse de
Jacques Francisque

Conclusion
Êtes-vous prêt?
Mes sources d’inspiration
Des personnalités
Des livres
Autres sources d’inspiration… en vrac!

Remerciements
Nourrir sa tête sans affamer son cœur: six questions pour trouver l’équilibre
ISBN EPUB: 978-2-7619-5250-7

Édition: Julie Roy


Infographie: Chantal Landry
Révision: Jocelyne Dorion

02-19

Imprimé au Canada

© 2019, Les Éditions de l’Homme,


division du Groupe Sogides inc.,
filiale de Québecor Média inc.
(Montréal, Québec)

Tous droits réservés

Dépôt légal: 2019


Bibliothèque et Archives nationales du Québec

DISTRIBUTEURS EXCLUSIFS:
Pour le Canada et les États-Unis:
MESSAGERIES ADP inc.*
Téléphone: 450-640-1237
Internet: www.messageries-adp.com
* filiale du Groupe Sogides inc.,
filiale de Québecor inc.

Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres –


Gestion SODEC – www.sodec.gouv.qc.ca
L’Éditeur bénéficie du soutien de la Société de développement des entreprises culturelles
du Québec pour son programme d’édition.

Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de
publication.
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds
du livre du Canada pour nos activités d’édition.
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