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De la logistique éclatée à la logistique collaborative

II.. De la logistique éclatée à la logistique collaborative

II.1. Définitions et finalités de la logistique

La définition de la logistique a su évoluer au fil des années pour s’affiner et se


préciser en cohérence avec l’évolution économique. Voici les principales définitions
que nous pouvons retenir :

L’American Marketing Association (1948) : « Mouvement de manutention du point de


production au point de consommation ».

Le National Council of Physical Distribution Management (1962) : « Toutes les


activités physiques et administratives nécessaires au mouvement de produits, des
lieux de production aux lieux de consommation. »

Magee (1970) : « Technique de contrôle et de gestion des flux de matières et


produits depuis leur source d’approvisionnement jusqu’à leur point de
consommation. »

James Heskett (1978) : « La logistique englobe les activités qui maîtrisent les flux de
produits, la coordination des ressources et des débouchés, en réalisant un niveau de
service donné au moindre coût. »

L’Association des Logisticiens d’entreprises (ASLOG) définit la logistique comme


étant « l’ensemble des activités ayant pour but la mise en place, au moindre coût,
d’une quantité de produit, à l’endroit et au moment où une demande existe. La
logistique concerne donc toutes les opérations déterminant le mouvement des
produits telle que : localisation des usines et entrepôt, approvisionnement, gestion
physique des encours de fabrication, emballage, stockage et gestion des stocks,
manutention et préparation des commandes, transports et tournées de livraison. »

Concrètement, les finalités de la logistique sont exprimées par le fait de satisfaire des
besoins exprimés ou latents de clients dans les meilleures conditions économiques à
un niveau de service préalablement défini. Ce niveau de service devra être le plus
élevé possible en termes de délai, d’approvisionnement, de qualité, de commande,
de livraison….

II.2. Évolution de la logistique :

Avec l’aide de nombreux auteurs25, nous tenterons d’analyser les grandes phases
de l’évolution de la logistique face à son environnement économique. Parmi les
nombreuses analyses établis à ce jour, nous pouvons faire sortir du lot trois grandes
périodes : La période séparée, la période intégrée et la période coopérée26.

II.2.1. Période de logistique séparée (avant 1975)

Le terme « logistique » vient d’un mot grec qui signifie l’art du raisonnement et du
calcul. Il apparaît dans le langage militaire au milieu du XIX siècle et désigne l’art de
combiner tous les moyens de transport, de ravitaillement et de logement des troupes
pour permettre l’application sur le terrain des décisions stratégiques et tactiques.

En effet, si la logistique est souvent associée à l’art militaire avant les années 1975,
c’est que les armées furent les premières grandes administrations centralisées. Le
déplacement d’une armée de plusieurs centaines de milliers de soldats sur un
territoire hostile nécessite la plus grande précision dans son approvisionnement des
vivres, armes, vêtement, etc.…Cela nécessite également de posséder des moyens
de communication fiables pour en connaître les besoins et pour lui transmettre les
militaires.

Sur le plan purement économique, la logistique d’entreprise est apparue après la fin
de la seconde guerre mondiale. Le développement des échanges a engendré
l’apparition d’ateliers de production et avec eux la nécessité de l’organisation du
travail.

Économiquement parlant, c’est la période où la demande était supérieure à l’offre.


Les clients avaient donc peu d’influence sur les producteurs. Le producteur pouvait
produire en masse sans s’occuper des réels desiderata du client. : Les produits étant
attendus par les clients, le producteur n’avait pas de motif pour raccourcir ses délais
de livraison, améliorer la qualité de sa production ou anticiper les futurs besoins de
ses clients.

Cette production de masse permet de tirer les coûts vers le bas, de bénéficier
d’économie d’échelle mais incite également les industries à développer de plus en
plus leur stock. Cependant, les coûts des stocks n’est pas encore une composante
économique de poids dans la plupart des entreprises.

Dans la grande distribution, le management logistique repose sur une politique


d’achat en grande quantité permettant de bénéficier de prix compétitifs. La
préoccupation des entreprises se limite principalement à leur capacité de stockage.

La logistique des années 70, se caractérise donc par une approche coup par coup.
Chaque service de l’entreprise travaillait indépendamment uns des autres et essayait
de diminuer leurs propres coûts logistiques sans se préoccuper de l’ensemble de
l’activité.

En effet, à cette époque, la logistique est encore perçue comme une activité interne
à l’entreprise, dont le rôle essentiel consiste à rechercher l’optimisation des
ressources qu’elle consomme d’une manière local ( fonction par fonction) et non
d’une manière global. Néanmoins, il est bien prouvé que « la somme des optimaux
locaux n’est pas la somme des optimaux globaux !!! Il faut bien le dire, cette période
la logistique n’a pas de réelle dimension stratégique.

II.2.2. Période de logistique intégrée (1975 – 1990)

Durant cette période, l’apparition de nombreuses entreprises pour un même segment


de marché, accroît l’offre, la concurrence et par conséquent la compétition.

Par ailleurs, les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 bouleversent profondément
les économies des pays occidentaux. Le chômage commence à frapper les
ménages. Les marchés se saturent et la surproduction pratiquée jusqu’à ce jour est
fortement remis en question. Le marché s’inverse et les capacités de production
dépassent largement les capacités d’absorption de la demande.

Pour garder les clients, les entreprises tentent dans un premier temps de s’adapter à
marcher de renouvellement. Les producteurs et les distributeurs doivent désormais
faire face à des consommateurs de plus en plus exigeants. En outre, le niveau des
stocks est de plus en plus élevé et ne s’écoule plus facilement qu’avant.

Face à ce nouveau contexte économique et financier, les entreprises comprennent


très rapidement qu’elles doivent établir une nouvelle approche client en modifiant
leur mode de production. C’est l’apparition du Marketing ! Outil numéro un pour
conquérir de nouveaux clients.

Pour attirer le client et conserver sa compétitivité, l’entreprise se doit d’augmenter la


qualité des produits, arriver à produire en petites séries, mais avec une grande
diversité tout en gardant des coûts compétitifs. Par ailleurs, les industries n’ont pas
hésité à commencer à s’intéresser aux nouvelles méthodes japonaises (JAT,
Kanban, …) et MRP (calcul des besoins en lot de fabrication) qui permet de diminuer
le coût global des produits et par conséquent de diminuer considérablement les
coûts de stockage.

Durant cette période, le client devient « roi » pour le producteur. Pour augmenter le
niveau de satisfaction du client, tous les services doivent collaborer et échanger des
données techniques. D’ailleurs les services logistiques profitent de cet
environnement d’intégration des données pour diminuer et maîtriser au maximum
leurs coûts logistiques.

Cette meilleure intégration des coûts logistiques a conduit à développer des modèles
mathématiques développés pour déterminer les quantités à produire, en tenant
compte des contraintes à la fois de production, de stockage et de distribution.

Les sociétés industrielles privilégient davantage la prise en compte des attentes des
consommateurs, et commence à anticiper leurs besoins en vue de créer des
nouveaux produits innovants. De cela, il en résulte une multiplication de l’offre de
produits et la possibilité pour les entreprises de cibler précisément chaque catégorie
de client.

Cette évolution des industries induite deux grandes conséquences pour la


logistique :

L’anticipation des besoins pour réduire au maximum les délais de mise à disposition
des produits.

Assurer la livraison du produit qui correspond le mieux aux besoins du client tout en
sachant que l’offre devient de plus en plus étoffée et complexe.

En effet, la logistique devient le véritable bras droit de la politique de marketing en


plein essor.

Par ailleurs cette mutation de la logistique se traduit par l’apparition de nouvelles


fonctionnalités. Le concept logistique dépasse le simple stade de regroupement de
techniques de gestion opérationnelle pour devenir un véritable management des flux
d’entreprise. C’est la période de la chaîne logistique intégrée visant à décloisonner
les organisations et le tout début de la coopération avec une meilleure prise en
compte des interfaces entreprises.

Figure II 5 Chaîne logistique des années 80

Source : http://www.lognews.info/lognews/r166-Evolution.html

II.2.3. Période de logistique coopérée. (Les années 90)

Nous entrons dans la période où la capacité globale de production est supérieure à


la demande, d’où une compétition plus forte qu’avant. Les clients adoptent des
comportements de consommation volatiles et donc difficiles à prévoir. En
conséquence, l’incertitude sur la demande est une caractéristique importante du
marché. Selon Fisher et Cleaves, pour rester sur le marché il faut que :1)
L’entreprise trouve de nouveaux marchés. - 2) La qualité des produits soit plus
élevée qu’avant. – 3) Le coût des produits soit plus faible qu’avant. - 4) Il faut que le
temps de réponse aux évolutions du marché soit de plus en plus court.

Comme nous l’avons vu dans « la période intégrée », l’accroissement de la


compétition et la diminution du cycle de vie des produits obligent les entreprises à
maîtriser davantage leurs coûts logistiques. Cependant, pour pouvoir faire
fonctionner ces méthodes et bénéficier d’un avantage concurrentiel, les entreprises
sont condamnées à développer de plus en plus leur système de collaboration.
D’ailleurs, pour entrer sur un nouveau marché on voit se créer des alliances entre
des entreprises concurrentes. ¨Par exemple, l’une des raisons qui ont poussé les
sociétés « Benz » et « Chrysler » à s’allier était de pouvoir utiliser mutuellement leurs
réseaux de distribution. En outre, pour fidéliser les anciens clients, les entreprises
n’hésitent pas à fonder des alliances avec leurs propres clients.

Parallèlement à la montée des alliances, on assiste à davantage de coopération


entre le producteur et ses fournisseurs permettant d’augmenter la qualité des
matières premières et des produits semi-finis et par conséquent d’augmenter la
qualité du produit final. En effet, la coopération entre un fournisseur et son client peut
diminuer les coûts pour les deux parties [Kohli 1994]27. En outre, pour diminuer leurs
coûts, les entreprises recherchent des pays où le coût de la main-d’œuvre, des
énergies, des matières premières et des taxes est plus faible (phénomène de
mondialisation).

L’autre façon de réduire les coûts consiste à diminuer l’incertitude de la demande en


établissant et développant des relations durables et stables avec le client. Grâce à
ces relations durables le client peut aider son fournisseur à augmenter la qualité de
ses produits, à diminuer ses coûts et à ajuster au mieux ses prévisions de vente.

Dans les années 90, il existe deux phénomènes permettant de répondre rapidement
aux marchés :
1) L’ingénierie simultanée [Parsaei 1993]. (Développement de l’innovation) -
2) Une coopération forte entre les entreprises qui sont dans une même chaîne
logistique assurant la bonne disponibilité du produit.

En effet, la concurrence ne s’établit plus uniquement entre les producteurs, mais bien
entre les chaînes logistiques coopérées [Lee 1995]

Pour résumer cette période, nous pouvons dire que le management de la logistique
nécessite un management global interentreprises où les processus logistiques sont
pensés de manière intégré et coopéré plutôt qu’éclater. (Cf. figure II 6).

Figure II 6 Management logistique par processus

Source : http://www.lognews.info/lognews/r166-Evolution.html

D’autres auteurs28, résument les évolutions majeures de la logistique depuis 1945


en quatre périodes en décrivant les différentes implications logistiques ( cf. figure II
7)

Figure II 7 Les évolutions majeures de la logistique depuis 1945


EVENEMENTS MAJEURS IMPLICATIONS LOGISTIQUES

La mise en application de la logistique militaire,


notamment lors du débarquement de Normandie, démontre
l’intérêt d’une coordination des activités de distribution
1940-45 Seconde guerre mondiale dans un système unique.

Les firmes commencent à s’appuyer sur le service à la


Développement du concept clientèle pour accroître leur profitabilité (le service à la
marketing aux Etats-Unis clientèle deviendra ensuite la pierre angulaire de la
1950-60 puis en Europe démarche logistique)

Développement et La large diffusion de ces techniques souligne l’urgence


applications de techniques d’une intégration des opérations logistiques et met en
logistiques telles que le MRP lumière les relations étroites nouées entre la logistique et
1970-80 puis le JAT les autres fonctions de l’entreprise.

Les outils informatiques fournissent les moyens d’achever


Accroissement significatif du l’intégration des opérations logistiques et d’assurer des
recours à l’informatique dans prises de décision rapides et optimales, d’où une
1990 le management logistique amélioration importante de la productivité des firmes.
Source : Inspiré de Lambert et Stock, 1993

II.2.4. De la chaîne logistique coopérée à la notion de « SCM »

Le concept de « supply chain management » dit « SCM » fait son apparition au


milieu des années 1990. Il se définit comme la chaîne des flux et des services
permettant à une entité économique de satisfaire les besoins en approvisionnement
du client final. Tout au long de cette chaîne, un ensemble de d’acteurs met en œuvre
des ressources et des moyens pour gérer des flux physiques et des flux
d’informations.

La notion de « supply chain » fait ressortir une approche plus transversale de la


gestion des flux, allant de la planification à la fabrication, de la prise en compte de la
demande des marchés et du marketing aux ressources financières, de la recherche
et développement à la distribution. Dans cet esprit, nous pouvons dire que, le supply
chain management correspond à la gestion globale de la chaîne logistique, « depuis
le fournisseur du fournisseur jusqu’au client du client. ». Il s’agit d’anticiper toutes les
opérations de la chaîne jugées nécessaire pour satisfaire la demande. Ces
opérations doivent être optimisées globalement en cohérence avec le nouveau
contexte de globalisation, de segmentation de la clientèle, de pression sur les prix et
les marges de plus en plus forte.

En effet, la mondialisation des marchés et l’accélération des échanges comme


nouvel ordre économique ont appelé à une refonte générale des chaînes logistiques
des entreprises. D’autant que les clients devenant toujours plus exigeants obligent
les entreprises à délaisser le marketing de masse pour un marketing « one to one »
dit de « customisation ». Face à ce constat, les entreprises doivent faire preuve
d’imagination pour concevoir leurs nouveaux produits qui devront à la fois être
compétitifs, et trouver leurs clientèles au bon moment :

« Time to market. »

Cette notion de « Time to market » reflète bien le fait que le client est devenu la
pierre angulaire de l’organisation de nombreuses entreprises. Ainsi la relation client
devient aujourd’hui un enjeu stratégique et une priorité pour les entreprises,
notamment avec la montée des services après-vente.

Pour s’adapter à ces profondes mutations économiques, les entreprises ont mis à
profit l’arrivée des nouvelles technologies de l’information pour développer des
solutions destinées à optimiser la chaîne logistique globale (ERP, APS….). Par
ailleurs, on assiste à la montée de la prestation logistique et de la notion « Logistic
provider » (LP 1 , LP2, LP3, LP4) qui aide les entreprises à maîtriser au mieux leur
SCM et incite la chaîne logistique à devenir de nos jours de plus en plus
collaborative.

II.2.5. L’heure de la Logistique collaborative : E-Supply Chain

A l’heure actuelle, les entreprises de plus en plus étendues par leur réseau
interentreprises (cf. figure II 8) doivent être capable de gérer une logistique de plus
en plus complexe et collaborative. Cela suppose que l’entreprise doit pouvoir piloter
ses flux physiques de manière synchrone en cohérence avec l’ensemble de ses
partenaires dans le but de délivrer la meilleure valeur ajoutée possible à son client
final.

Face à ce constat, on assiste actuellement à une évolution rapide des outils


technologiques (système d’intégration, ERP…) qui permet d’améliorer le lien avec le
client et d’accélérer les flux sur l’ensemble de la chaîne logistique globale.

En effet, ces avancées technologiques ont permis d’implémenter de véritables axes


de communication en temps réel permettant d’améliorer et d’optimiser les
performances de la supply chain.

Ce nouveau management logistique des entreprises étendues et collaboratives


réclamant des systèmes de communication et de gestion du front et back office
toujours plus performant laisse place à des nouveaux marchés de plus en plus
virtuels : C’est la nouvelle ère de « l’E- Supply Chain ».
Figure II 8 : Entreprise étendue dans la chaîne logistique collaborative

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