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• Introduction au Droit musulman

• Pr :Khalil zakaria

• SEMESTRE 1 DROIT EN FRANCAIS

Comme avait dit Pascon « le droit positif marocain actuel est un système
complexe dans lequel on reconnait un petit nombre de strates juridiques
déposées par l’histoire » ; Effectivement, durant son histoire le Maroc a connu
le passage de plusieurs dynasties musulmanes, Les Arabes venus de l’orient,
porteurs de l’islam, ont cohabité avec les Amazighs (les berbères) ; Il a été
l’objet, de 1912 à 1956, d’un double protectorat espagnol au nord et au sud et
français au centre

Cet état de choses a généré le développement d’un système juridique


complexe et difficilement accessible. La complexité que revêt l’ordre juridique
est dû à l’existence de nombreuses interférences entre plusieurs ordres
normatifs différents. Cette complexité ne peut être comprise sans analyser les
registres et répertoires juridiques dont il s’est inspiré. Ce qui nous amène à
étudier l’une des sources du droit marocain qui est la chariaa ; cette dernière a
eu une grande influence sur le système juridique marocain . A partir de cette
théorie on va développer une étude du droit musulman selon le plan suivant.

Plan du cour :

• chapitre 1 : Définition de la charia et ses finalités

• Chapitre 2 : sources de droit musulmane.

• Chapitre 3 :les écoles juridiques islamiques .

chapitre 1 :

Définition des charia et ses finalités comme sources de droit


musulmane.

A l’origine, la charia désigne tout ce qui se rapporte à l’acte de tracer une voie
vers une destination donnée. En arabe, « charia » vient de la racine šharaa,
qui signifie « ouvrir, devenir clair ». « charia » dérive de la racine šharaa, qui

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signifie à l’origine « la voie qui mène à l’eau », ce qui peut être interprété
comme « la voie qui mène à la source de la vie ». Aussi le terme « charia » fait
référence à un chemin droit et clair, mais aussi à un endroit irrigué où les êtres
humains et les animaux viennent boire à condition que la source d’eau soit un
ruisseau ou une rivière en mouvement.

Utilisé dans un sens religieux, ce terme signifie « la voie vers Dieu », car le but
de la vie d’un musulman est Allah (Dieu) . Ibn Al Athir a défini la charia comme
étant « ce que Dieu a tracé comme préceptes à observer ». L’objet de ces
préceptes est tout ce qui se rapporte aux actes individuels du musulman dans
ses rapports avec Dieu et avec ses semblables. La charia est la voie qui mène,
pour le croyant, à la félicité dans la vie d'ici-bas et dans l'au-delà.

Définition de la chariaa

la charia est définie comme l'ensemble des règles morales et pénales qui
régissent la vie d'un musulman. Ces règles proviennent du Coran et de la
sunna (ensemble des actes et paroles du Prophète). Si certaines d'entre elles
sont écrites comme les hudud ‫د‬ٚ‫( اٌحذ‬peines et incriminations fixées dans le
Coran), d'autres sont laissées à l'interprétation des théologiens foqah al Uma et
à l'appréciation du cadi, le juge musulman.

Le FIQH est le côté pratique de la charia, on peut dire et accepter que le fiqh
est une composante la chariaa au sens large de cette dernière puisque il vise
essentiellement l’interprétation de ses préceptes .La charia n’a jamais été
codifiée dans un livre de lois, mais se comprend plus comme une opinion
partagée par les musulmans, fondée sur de nombreuses sources. La charia n’a
probablement pas été écrite sous l’autorité d’un corps particulier (en effet,
l’islam sunnite et ne disposent pas d’un clergé ٌٓ‫ )سجً اٌذ‬mais émanent des
écoles doctrinales majoritaires. on peut retenir actuellement trois
significations distinctes et interdépendantes du mot charia :

• une loi sacrée que Dieu a révélée aux hommes par l'intermédiaire
de son dernier prophète,

• pour certains musulmans un idéal collectif, un ordre sociétal idéal


qui viendrait démentir une réalité décevante,
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• un projet de société alternatif; Aujourd’hui, la charia est
également devenue un slogan politique. défendu par les
formations politiques qui demandent l’application de la charia, sans
avoir un programme détaillant le contenu de celle-ci.

• Dans le Coran

Le mot charia (ou ses dérivés : charaa et chiraah) est cité dans le Coran comme
étant la voie à suivre par les musulmans : « Juge alors parmi eux d'après ce
qu'Allah (Dieu) a fait descendre. Ne suis pas leurs passions, et prends garde
qu'ils ne tentent de t'éloigner d'une partie de ce qu'Allah (Dieu) t'a révélé. Et
puis, s'ils refusent (le jugement révélé) sache qu'Allah (Dieu) veut les affliger
[ici-bas] pour une partie de leurs péchés. Beaucoup de gens, certes, sont des
pervers. » — sourate 5, verset 49

• ‫نَ ػَٓ َثؼْطِ َِب أَٔضَ َي‬ُِٕٛ‫حزَسْ ُُْ٘ أَْ ٌَفْز‬


ْ ‫َا‬ٚ ُُْ٘ ‫َاء‬َْٛ٘‫َالَ رَزَجِغْ أ‬ٚ ٌٍُّٗ‫ُُ ثَِّآ أَٔضَيَ ا‬ٍََْٕٙ‫حىُُ ث‬
ْ ‫ََأِْ ا‬ٚ
ِ‫َِإَْ وَضٍِشًا َِِٓ إٌَبط‬ٚ ُِْٙ ِ‫ث‬ُُٛٔ‫ُُ ثِ َجؼْطِ ر‬َٙ‫ْاْ فَبػٍَُْْ أَََّٔب ٌُشٌِذُ اٌٍُّٗ أَْ ٌُصٍِج‬ٌَََٛٛ‫اٌٍُّٗ إٌَِ ٍْهَ فَئِْ ر‬
َُْٛ‫ٌَفَبعِم‬

• « Il vous a légiféré en matière de religion, ce qu'Il avait enjoint à


Noé, ce que Nous t'avons révélé, ainsi que ce que Nous avons
enjoint à Abraham, à Moïse et à Jésus : « établissez la religion ; et
n'en faites pas un sujet de division ». Ce à quoi tu appelles les
associateurs leur parait énorme. Allah élit et rapproche de Lui qui
Il veut et guide vers Lui celui qui se repent. » — sourate 42, verset
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• ‫ى‬ ٰ َ‫ع‬َُِٛٚ ٍَُِ٘‫ّصٍََْٕب ثِِٗ إِثْشَا‬َٚ ‫ََِب‬ٚ َ‫حٍََْٕب إٌَِ ٍْه‬ْٚ َ‫َاٌَزِي أ‬ٚ ‫حًب‬ُٛٔ ِِٗ‫ّصَىٰ ث‬َٚ ‫شَ َشعَ ٌَىُُ َِِٓ اٌذٌِِٓ َِب‬
ٌٍَُٗ‫ ُُْ٘ إٌٍَِِْٗ ۚ ا‬ُٛ‫ا فٍِِٗ ۚ وَجُشَ ػٍََى اٌْ ُّشْ ِشوٍَِٓ َِب َر ْذػ‬ُٛ‫ٌََب رَزَفَشَل‬ٚ ٌَِٓ‫ا اٌذ‬ٍُِّٛ‫ػٍِغَىٰ ۖ َأْْ أَل‬َٚ
ُ‫ذِي إٌٍَِِْٗ َِٓ ٌٍُِٕت‬ْٙ ٌََٚ ُ‫ٌَجْزَجًِ إٌٍَِِْٗ َِٓ ٌَشَبء‬

• « Puis Nous t'avons mis sur la voie de l'Ordre [une religion claire et
parfaite]. Suis-la donc et ne suis pas les passions de ceux qui ne
savent pas. » — sourate 45, verset 18

• ٍََُّْْٛ‫َاءَ اٌَزٌَِٓ ٌَب ٌَؼ‬َْٛ٘‫ٌََب رَزَجِغْ أ‬ٚ ‫َب‬ْٙ‫جؼٍََْٕبنَ ػٍََىٰ شَشٌِؼَخٍ َِِٓ اٌْؤَِْشِ فَبرَ ِجؼ‬
َ َُ‫ُص‬

• « Dans tout le coran qui compte 6 236 versets et 77 439 mots, le


mot charia n'est mentionné qu'une seule fois dans un seul verset
(l’Agenouillée 45/18) »8.
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La charia et le fiqh

Dans les débuts de l’islam le mot fiqh désignait plus particulièrement le second
versant dont on a parlé, celui des procédés de raisonnement. Il correspondait
alors au mot ra’y,‫ سأي‬opinion, jugement indépendant des sources
fondamentales. Il s’opposait au ’ilm, ٍُ‫ ػ‬science, qui désignait prioritairement
la connaissance religieuse révélée, rapportée. C’est elle qu’il faut aller
chercher jusqu’en Chine selon le célèbre dire (ẖadîth) du prophète
Muhammad. Par la suite le fiqh engloba les deux sens, mais en revanche il ne
désigna plus que les matières juridiques au sens large, excluant celles qui
devinrent l’objet de la théologie ou de la morale. Après la conquête d’une
bonne partie de l’Empire byzantin, les Arabes musulmans sont entrés en
contact avec la philosophie grecque et la théologie chrétienne. Ils ont produit
un ensemble de connaissances rationnellement organisées, les sciences
religieuses islamiques (al ’ulûm al-islâmîya).

Le fiqh ne se présente pas comme une science purement rationnelle,


indépendante de la religion, comme le sont les mathématiques. Ce qui ne veut
pas dire qu’il n’utilise pas la raison. Mais, dans l’optique de la philosophie
dominante), la raison est, dans le fiqh, une servante de la religion. Elle ne
s’exerce qu’en aval des sources pour les traduire en loi, ou dans les interstices
de celle-ci, dans ses manques, pour la compléter, et cela, sans en contredire
l’esprit. Pour faire court, on peut dire qu’avec de la raison seule, le faqîh, le
juriste, dans son effort de recherche de la loi sacrée (ijtihâd), ne peut fabriquer
de la loi islamique, encore moins remplacer une partie de la loi islamique par
une autre qui serait plus rationnelle ou plus adaptée aux circonstances ou aux
objectifs politiques .

• Fiqh et charîa.

Au xxe siècle, les auteurs réformistes et modernistes ont insisté sur la


différence entre le fiqh et la charî’a (loi islamique). Celle-ci serait la révélation
elle-même et s’identifierait à la religion éternelle). En revanche, le fiqh serait
l’œuvre des fuqahâ’ (juristes de droit musulman, sg. faqîh) dans leur recherche
de la loi islamique (ijtihâd). Chez eux, le mot fiqh a donc une connotation
humaine, tandis que la charîa a une connotation divine .
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La définition du fiqh actuellement admise : “(c’est) la connaissance des
statuts pratiques de la charî’a à partir de ses preuves (dalîl, pl. adilla)
détaillées et par voie de déduction (istidlâl)”.

Les réformistes et modernistes exploitent souvent cette nuance entre le fiqh


et la charî’a, ce qui leur permet de s’émanciper du fiqh classique. Ainsi on
peut distinguer dans le fiqh ce qui, de par sa certitude, appartient à la charî’a
et est donc immuable, et ce qui est plus incertain, parce que produit par la
recherche humaine (ijtihâd), et est donc rectifiable par un nouvel ijtihâd. De
fait la charî’a est identifiée par les auteurs réformistes et modernes au texte
clair du Coran et de la Sunna.

• Contenu du fiqh.

Un manuel de fiqh contient différentes sortes de prescriptions et de normes.


D’abord des règles sur des matières que nous appelons habituellement droit :
statut personne(mariage, divorce, successions), contrats, procédure, droit
pénal, droit de la guerre et droit international, etc. Mais aussi des règles
cultuelles comme celles qui traitent des “cinq piliers de l’islam” : profession de
foi, prière (et ablutions), pèlerinage, aumône de purification, jeûne du mois
de Ramaḏân, prescriptions auxquelles il faut ajouter diverses règles
alimentaires, ou cultuelles (enterrements, vœux, etc.), l’ensemble de ces règles
cultuelles étant regroupé sous le terme de ’ibâdât, par opposition aux autres
règles qui sont dites les muâmalât ; Ces dernières ne comprennent pas
seulement les règles juridiques non cultuelles, mais encore des règles de
politesse, de morale, des conseils de toute sorte.

Il est un autre domaine où le fiqh continue à exercer une influence : les


fondations pieuses (waqf ou habus). On retrouve une inspiration religieuse
dans d’autres domaines, comme la finance .Le plus souvent, il s’agit de
développements contemporains sur des sujets qui n’ont été que faiblement
labourés par le fiqh, mais qui trouvent dans le Texte sacré une disposition
justifiant de les réglementer comme, par exemple, l’interdiction coranique de
l’usure ‫(اٌشثب‬riba).

Un phénomène relativement récent est observable au niveau des


constitutions des Etats à majorité musulmane, enfin. C’est celui d’un
référencement à la charia en tant que source de la législation. Il ne s’agit plus
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ici de codifier la Loi islamique, mais de renvoyer les législateurs contemporains
à cette Loi pour qu’elle inspire leurs travaux.

Les finalités et les objectifs supérieurs de la chariaa

La science des objectifs de la religion (maqassid Chari’a) est l’une


des branches les plus importantes de l’enseignement traditionnel
musulman. S’intéressant à la philosophie et aux finalités des
prescriptions islamiques, elle ne comporte pas de technicité
méthodologique, ni de lecture littérale des textes ‫ص‬ٛ‫لشاءح ظب٘شٌخ ٌٍٕص‬,
mais intègre surtout un haut degré de malléabilité et de souplesse.

Ce point a pour vocation de fournir un bref aperçu de l’histoire de


l’école des finalités de la charia et de sa pensée, laquelle, par l’approche
systémique qu’elle offre, est capable de rénover la manière
d’appréhender les questions du droit et de la jurisprudence islamique.
On peut affirmer que les prémices de cette science ont vu le jour dès
l’avènement de l’islam. Le Prophète a éduqué ses compagnons en
matière d’Ijtihad afin de les rendre indépendants. Il n’a eu de cesse de
les consulter et de les valoriser. Le hadith du compagnon Mu’adhIbn
Jabal est très instructif à ce sujet. Mu’adh ibn Jabal avait été nommé
juge au Yémen par le Prophète Mohamed. Avant son départ, le Prophète
lui demanda : Selon quel critère tu jugeras ? Il répondit : Selon le livre de
Dieu. Mohamed demanda : Et si tu n’y trouves rien ? Il répondit : Selon la
tradition du Prophète de Dieu. Mohamed demanda finalement : Et si tu
n’y trouves rien ? Il dit : Alors je m’efforcerai de former mon propre
jugement… (Hadith rapporté par Abou Daoud). En effet, son profond
respect à la fois pour le livre de Dieu et pour la Sunna du Prophète,
n’excluait en rien l’usage de sa raison. Les opinions et les jugements de
ce compagnon sont une preuve de sa conception finaliste de l’islam. son
excellence, la pédagogie prophétique a promu l’idée du pluralisme dans
les interprétations.

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L’histoire de Bani Qourayda en est une parfaite illustration. D’après ibn
’Omar (que Dieu l’agrée) le Prophète nous a affirmé lors de notre retour
de la bataille des coalisés (ahzâb) : « Qu’aucun d’entre vous ne prie la
prière du ’Asr à moins d’être chez les Bani Qourayda ! » l’heure du ’Asr
est arrivée alors que certains d’entre eux étaient en route.

Une partie a dit : « Nous ne prions pas avant de l’avoir atteint (c-a-d
Bani Qourayda) », et une partie a dit : « Au contraire, nous allons prier,
on ne veut pas cela de nous ! ». Ceci fut évoqué devant le Prophète qui
ne fit de reproches à aucun d’entre eux.

Ici, parce qu'un groupe de Compagnons n'avaient pas pu arriver au lieu


voulu alors que l'heure de la prière de al-'asr était arrivé, il s'est produit
pour eux une contradiction entre le libellé apparent (zâhir) ‫ اٌظب٘ش‬de ce
hadîth (demandant de n'accomplir la prière de al-'asr que chez les Banû
Qurayza) et la règle générale ( ‫ )اٌمبعذة اٌعبِت‬énoncée dans tant d'autres
hadîths (interdisant de laisser se terminer l'horaire de la prière de 'asr
sans l'accomplir).

– a) Le hadîth "Que personne n'accomplisse la prière de al-'asr si ce


n'est chez les Banû Qurayza", fallait-il donc l'appréhender dans son
sens littéral (ma'nâ zâhirî), et faire alors l'exception (takhsîs) de la prière
de al-'asr de ce jour-là par rapport à la règle générale ('umûm) du devoir
d'accomplissement de la prière de al-'asr avant le coucher du soleil ?

– b) Ou bien fallait-il considérer prioritairement la règle générale, et


donc faire du hadîth dit ce jour là une ta'wîl ‫ حفسٍش‬ٚ‫ًٌ ا‬ٚ‫( حب‬afin de le faire
correspondre à la règle générale) et en déduire qu'il avait seulement
voulu dire de faire tout son possible pour arriver chez les Banû Qurayza
avant la fin de l'horaire de la prière de al-'asr ?

– La première option, l'ont adoptée les Compagnons qui ont dit : " ‫ال‬
‫لذ‬ٌٛ‫إْ فبرٕب ا‬ٚ ،ٍُ‫ع‬ٚ ٍٍٗ‫ي اهلل ّصٍى اهلل ػ‬ٛ‫ "ٔصٍى إال حٍش أِشٔب سع‬: "Nous
n'accomplirons la prière que là où le Prophète nous a ordonné de le
faire, même si l'heure légale sera alors terminée pour nous".

– La seconde option, l'ont adoptée les Compagnons qui ont dit : " ً‫ث‬
‫ ٌُ ٌشد ِٕب رٌه‬،‫ "ٔصٍى‬: "Au contraire, nous allons accomplir la prière (tout

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de suite et ici même) ! Le Prophète n'a pas voulu de nous ce (que vous
dites là) !".

On peut conclure:

– du premier groupe de Compagnons qu'"ils ont pris en considération le


libellé apparent (az-zâhir)" ; – "Ces Compagnons-ci sont les Salaf
(prédécesseurs) des Ahl uz-Zâhir, ‫اً٘ اٌظب٘ش‬

– et du second qu'"ils ont pris en considération l'objectif (al-ma'nâ)


[également]".– et ceux-là sont les Salaf (prédécesseurs) des As'hâb ul-
ma'ânî wa-l-qiyâs ‫ اٌمٍبط‬ٚ ‫ اّصحبة اٌّؼٕى‬.C’est ainsi qu’en milieu
musulman, a eu lieu l’éternel débat entre deux lectures : une lecture
qui observe les finalités du message ; et une autre qui se conforme
plutôt à la lettre. Ces deux approches se sont développées après la mort
du Prophète afin de répondre à la question centrale : qu’est-ce qu’être
fidèle au message de l’islam ?

Observer les objectifs supérieurs de l’islam était une pratique


quotidienne imputable à la présence du prophète et à l’assimilation
profonde des dispositions générales du message et de l’esprit qui sous-
tend la législation islamique dans son ensemble.

C’est cette clairvoyance qui incita lors d’un voyage, ’Amr Ibn Al-’Ass de
présider la prière en état d’impureté majeure en se contentant du
Tayammum (ablution sèche), estimant qu’il y avait un risque
sérieux d’atteinte à sa santé en se lavant. L’un des objectif supérieur de
l’islam étant de préserver sa vie. La manière dont Omar a changé
certaines lois qui paraissaient immuables aux yeux des musulmans est
une autre preuve de cette dynamique initiée par le Prophète. En effet, le
calife ’Umar ibn al-Khattab a décidé de suspendre, au nom donc de la
finalité de la Chari’a l’application de la peine sanctionnant les voleurs
au cours d’une année marquée par la famine. Il a ainsi évité une grande
injustice à l’égard des pauvres qui volaient par nécessité en vue de
survivre à une situation de pauvreté généralisée. Le texte Coranique
est des plus explicites en la matière.

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Une nouvelle forme d’intelligence du droit musulman est donc apparue
en raison de l’émigration des compagnons du Prophète, de la
dispersion de la science islamique, et de l’arrivée de questions nouvelles
dans des contrées où les coutumes et les pratiques différaient.

A partir du II ème siècle de l’hégire, la vie sociale, économique, politique


et intellectuelle, alors en pleine effervescence a suscité une multitude
d’interrogations auxquelles il fallait apporter des réponses appropriées.
Pour combler ce « vide juridique », plusieurs écoles du droit et de la
jurisprudence ont vu le jour entre le IIème et le III ème siècles. On peut
en dégager deux grandes tendances dans le domaine de la
jurisprudence :

– École d’opinion (école d’Arra’y en Iraq ‫ ) ِذسست اٌشأي ببٌعشاق‬:


représentée par l’école des Hanafites, elle s’appuie particulièrement sur
les interprétations, l’extrapolation et la méthode inductive.

– École des traditions ‫( ِذسعخ االصش‬école dite d’Al Hijaz ‫ ِذسعخ اٌحجبص‬La
+région d’Al Hijaz se situe au nord-ouest de l’Arabie, englobant ainsi les
deux grandes villes saintes la Mecque et Médine ‫ ِذسعخ االصش‬ou d’Al Athar
(des traditions)).

Se basant notamment sur les textes scripturaires (c’est-à-dire utilisant la


méthode déductive), ce courant de pensée, est incarné par les Malékites,
les Hanbalites et les Chafiites. L’écart important qui a fractionné ces
deux modes de pensées au début, s’est réduit grâce à la diffusion de
hadiths, notamment après l’élaboration de deux sciences reposant
essentiellement sur l’exercice de la raison :

La première concerne : de la science des fondements du droit et de la


jurisprudence islamique (usul al-fiqh ٗ‫ي اٌفم‬ٛ‫اّص‬Elle établit les principes
sur lesquels s’appuient les juristes pour rendre sentence : Coran,
tradition prophétique, Ijma’ (unanimité des savants), raisonnement par
analogie (al-quiyas), principe de l’approbation (al-’istihsan), principe
d’utilité commune (al-istislah), coutumes ( ’urf) et tant d’autres. Toutes
les écoles adoptent quatre fondements essentiels : le Coran, la Sunna, le
consensus (ijma’) et le raisonnement par analogie (al-quiyas).

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La deuxième concerne :la science de la terminologie des Traditions
prophétiques (mustalahat al-hadith ‫) ِصطٍحبد اٌحذٌش‬. En étudiant le
développement de la pratique du droit islamique au cours de l’Histoire,
on peut remarquer que les savants musulmans sous l’égide de leurs
écoles respectives, ont toujours cherché la finalité et la sagesse d’une
règle avant d’établir un avis religieux. Le questionnement sur le
pourquoi d’une règle et la référence à la "raison d’être" d’une obligation
ou d’une interdiction était en effet une constante. A titre d’exemple,
l’imam Malik (93-179 H). est connu pour son attachement au bien
commun, "Al Maslaha Al mursala", considéré comme une source de la
législation.

L’imam Abou Hanifa (80-150 H), utilisait également la préférence


juridique/l’appréciation personnelle, "Al Istihssan", comme une
cinquième référence du droit musulman. La finalité première étant la
préservation du bien, et de l’utile pour le genre humain et la protection
contre le mal et ce qui est nuisible en général.

Au-delà des deux tendances citées plus haut, une nouvelle grille de
lecture globalisante, susceptible de cadrer et d’orienter l’exercice
d’application des règles aux nouvelles réalités, a émergé. Cette nouvelle
grille de lecture globalisante est le fruit des débats intellectuels
complexes entre les différentes écoles de pensée (la jurisprudence, le
dogme, exégèse, la philosophie, etc…). Il s’agit de l’école des objectifs
et des finalités de la religion (maqassid al ahkam).

Élaboration et développement une nouvelle grille de lecture


globalisante :

Certains chercheurs contemporains ont mis en lumière l’existence d’une


réflexion sur les notions des objectifs et des finalités, qui existait déjà au
3ème siècle, auprès de certains érudits (toute école confondue). Cette
science encore naissante qui a produit quelques traités, évolua
progressivement.

Le savant mecquois Al Juwayni (419-478H) va initier une démarche


originelle, dans son œuvre magistrale "Al Burhan fi ousouli al fiqh", en

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élaborant une méthodologie juridique fondée sur l’appréciation du
degré d’utilité d’un bien (maslaha) – idée maîtresse de l’école mâlikite.

L’imam Abu Hamid AL GHAZALI, son disciple, va s’employer quant à lui,


à raffiner le travail de catégorisation de son maitre, qui deviendra
ultérieurement une référence. Dans son livre "al-moustassfâ min ’ilm al-
ussul" , ‫ي‬ٛ‫اٌّصطصفى ِٓ ػٍُ األّص‬l’imam Abu Hamid Al Ghazali (450-505H)
déclare : « la finalité supérieure de la religion pour les êtres humains est
au nombre de cinq :

il s’agit de leur préserver leur religion, leur vie, leur raison, leur filiation
« nasslahum », et leur propriété. Tout ce qui est de nature à préserver
ces cinq finalités est un intérêt/bien (maslaha) ; et tout ce qui concourt
à faire manquer ces finalités est un préjudice. En effet, la préservation de
ces cinq finalités entre dans la catégorie des indispensables. les
dernières constituent le plus haut degré des intérêts. »

En premier lieu, il faut préserver la religion, qui est le garant même des
autres finalités. Ensuite, c’est l’intégrité de la personne (an-nafs) qu’il
faut conserver, quelle que soit son origine ou sa religion, en interdisant
de se donner la mort ou de tuer quiconque. Le CORAN stipule ainsi : " Et
quiconque sauve une vie c’est comme s’il sauvait la vie de toute
l’humanité"

Puis, c’est au tour de la raison ً‫اٌؼم‬. L’islam prohibe tout produit capable
d’altérer le discernement chez l’homme, comme l’alcool, les drogues,
etc. L’usage de ces substances peuvent provoquer des perturbations
physiques ou mentales graves.

Ensuite, il est nécessaire de préserver la progéniture/filiation ً‫ إٌس‬. Dans


cette optique, l’islam encourage le mariage et interdit les relations
sexuelles extraconjugales, les viols, les violences conjugales, et la
transmission de maladies.

Enfin, préserver le bien, constitué de l’ensemble du patrimoine


humain : que ce soit un actif matériel de valeur pécuniaire (l’argent, la
maison..), mais aussi le capital immatériel : la santé, le temps, le savoir,
etc.

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Par ailleurs, Al Ghazali affirme que ces finalités sont classées par ordre de
priorité, de façon à ce que l’on puisse choisir laquelle appliquer en cas de
conflit d’intérêts.

A titre d’exemple, la préservation de la vie passe avant celle de la raison,


il est donc permis de consommer de l’alcool en vue de sauvegarder sa
vie. En général Les savants qui ont abordé ce chapitre de par le passé ont
en dénombré 5 ou 6 objectifs supérieurs (maqâssid) des enseignements
de l'islam :

• – 1) la protection du "ٌِْٓ‫"د‬, "dîn" : ici ce terme désigne "la religion


agréée par Dieu", c'est-à-dire, par rapport aux humains d'un lieu ou
d'une époque, le message de Dieu le plus récent qui les concerne ;
– 2) la protection du "‫"َٔفْظ‬, "nafs" : la vie, la personne physique ;
– 3) la protection du "ًْ‫"ػَم‬, "'aql" : la raison ;
– 4) la protection du "‫"ِبي‬, "mâl" : les biens matériels ;
– 5) la protection du "ًْ‫" َٔغ‬, "nasl" : la filiation ;
– 6) la protection du "‫"ػِشْض‬, "'irdh" : la dignité de l'individu au
milieu de ses semblables.

les moyens permettant la réalisation de ces objectifs :

Le maqsad a besoin d'un certain nombre d'éléments pour venir à l'existence,


être préservée et se développer : ce sont les moyens : wassîla (plur. wassâ'ïl).
Ces moyens sont eux-mêmes de plusieurs niveaux. Ainsi, la protection de la vie
humaine est une des maqâssid (sing. maqsad) (objectifs) de l'islam. Pour que
cette maqsad soit atteinte, il faut en premier lieu qu'une vie humaine vienne à
l'existence, et le moyen permettant de concrétiser cela est la relation intime
entre un homme et une femme ; pour que cette vie puisse être préservée et
perdurer, il faut que l'assassinat soit interdit et que les moyens nécessaires
soient mis en place pour empêcher l'assassinat et punir les éventuels
assassins, il faut aussi qu'il y ait de quoi se nourrir, étancher sa soif, se soigner
des maladies, etc. Ce sont là les moyens, cités tels quels, devant permettre de
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réaliser l'objectif (maqsad) suscité. Cela va nous emmène ver les terme
maslaha et mafsada

– Qu'est-ce qu'une maslaha et qu'est-ce qu'une mafsada ?

Toute wassîla qui contribue à faire naître ou à préserver la maqsad est une
"maslaha".

Et toute wassîla qui contribue à empêcher la naissance ou à entraîner la perte


de la maqsad est une "mafsada". Par voie d'incidence, éloigner une telle
wassîla devient une "maslaha" (Al-Mustasfâ, al-Ghazâlî, cité dans As-Siyâssa
ash-shar'iyya, al-Qaradhâwî, p. 80).

La "maslaha" est donc le moyen par lequel on fait naître ou on protège la


maqsad. Il s'agit à la fois de donner existence à cette maqsad et de la préserver
de ce qui est susceptible de lui nuire. En d'autres termes, la maslaha est ce qui
rend possible ou facilite la naissance (îjâd) ou la perpétuation (muhâfaza) de
la maqsad, ou bien qui rend impossible ou difficile l'absence ou la perte de la
maqsad. Et la mafsada est ce qui rend impossible ou difficile la naissance ou
la perpétuation de la maqsad, ou bien qui rend possible ou facile l'absence de
naissance de la maqsad ou sa perte.

Les différents niveaux de Maslaha : dharûrî / hâjî / tahsînî

Il y a tout d'abord un niveau minimal – de nécessité absolue –, sans lequel


atteindre l'objectif est impossible à réaliser ou à perpétuer; il y a ensuite un
niveau de nécessité secondaire, sans lequel de grandes difficultés demeurent
quant à la réalisation ou la perpétuation de l'objectif ;

il y a enfin un niveau de complémentarité, qui fait vivre l'objectif d'une façon


qui tend à l'excellence. Par exemple, se nourrir est un des moyens nécessaires
pour atteindre l'objectif supérieur de la préservation de sa vie ; mais ce moyen
se présente sous plusieurs niveaux :

– il y a un niveau de nécessité absolue : c'est ce qui permet la réalisation de la


préservation de la vie humaine ; sans ce niveau, cette préservation est
impossible ; ce niveau consiste en l'absorption du minimum vital d'aliments

13
– il y a un niveau de nécessité secondaire : c'est ce qui complète de façon
nécessaire le niveau précédent, en rendant possible le maintien d'une bonne
santé : si on ne possède que le premier niveau, celui de nécessité absolue, on
reste en vie mais on mis sa santé est en grand danger, et on se trouve donc en
grande difficulté par rapport au maintien de sa vie sur le moyen terme ; ce
niveau-ci consiste en l'absorption d'aliments équilibrés, sans surplus ;

– il y a, enfin, le niveau de complémentarité ; c'est ce qui consiste à absorber


des aliments non seulement équilibrés mais également divers et délicieux, qui
font les plaisirs du palais, avec par exemple, en sus du plat principal ou de
résistance, une entrée, un dessert sucré, etc. ; cela sans tomber dans le
gaspillage ; par contre, si on tombe dans le superflu par le gaspillage, c'est là
chose qui est blâmable et qui va au-delà de ces trois niveaux.

Les moyens permettant de réaliser chacun des objectifs supérieurs


("maqsad") sont donc de 3 niveaux quant à leur importance :

a) les "dharûriyyât" (sing. "ce qui est dharûrî") : les moyens qui relève de la
dharûra ou nécessité absolue : ce sont, par rapport à l'un des objectifs
supérieurs, les éléments sans lesquels cet objectif ne peut voir le jour ou ne
peut être conservé sur le court terme ; exemple : rester en vie est un objectif
supérieur (maqsad) ; or rester en vie est totalement impossible sans un
minimum de nourriture ; ce minimum de nourriture est donc de nécessité
absolue (dharûrî) ;

b) les "hâjiyyât" : les moyens qui relèvent de la hâja ou nécessité secondaire :


ce sont, par rapport à l'un des objectifs supérieurs, les éléments sans lesquels
cet objectif est gravement diminué ;

– c) les "tahsîniyyât" ou "kamâliyyât" : les moyens qui relèvent de la kamâl ou


complémentarité, de la tahsîn ou embellissement, de finition. C'est cette
stratification qui est retenue par nombre des ulémas qui ont abordé la question
de la maslaha. (Il est cependant à noter que certains autres, parmi ces ulémas,
mentionnent, eux, quatre niveaux – cf.

– a') il y a, ici aussi, le niveau de "ce qui est dharûrî" ;


– b') puis il y a, ici également, celui de "ce qui est hajî" ;

14
– c') ensuite vient le niveau de "ce qui est nâfi'" (c'est-à-dire "utile", sans être
nécessaire) ;
– d') puis arrive le niveau de "ce qui est zînî" (de pur "embellissement") ;
– e) est cité enfin "ce qui est fudhûlî" ("superflu") : ce dernier niveau
représente une façon superflue, donc excessive – et, partant, mauvaise sur le
plan de la morale musulmane – de concrétiser les objectifs suscités.

Il est important de comprendre que cette stratification s'applique également


aux mafsada, mais cette fois en négatif. Font ainsi partie des dharûriyyât non
pas seulement le fait d'avoir recours aux maslaha, mais également le fait de
se préserver des mafsada.

Ainsi, pour que la vie puisse perdurer, il faut d'une part que la personne puisse
se nourrir, boire, etc., car ces éléments sont tels qu'il est établi que la vie ne
peut perdurer sans eux, et ce sont donc des maslaha ; mais il faut aussi, d'autre
part, que soit interdite la mafsada que constitue l'assassinat et que les moyens
existent pour punir les assassinats ; car la généralisation des assassinats est
quelque chose qui fait courir un risque absolu à la sécurité de la vie des
hommes, et l'interdiction des assassinats est donc aussi de nécessité absolue.

En outre, il a proposé de classer les objectifs par ordre d’importance en


déterminant trois niveaux différents (selon l’intensité du bien commun
maslaha) :

Ad-Daruriyyates ‫سٌبد‬ٚ‫ اٌعش‬: les besoins obligatoires et essentiels pour le bon


déroulement des affaires spirituelles et temporelles.

Al Hajiyyates ‫ اٌحبجٍبد‬: les besoins complémentaires pour alléger les


contraintes de telle façon que les prescriptions islamiques puissent être suivies
sans trop de difficultées.

At-Tahssiniyyates ‫اٌزحغٍٍٕبد‬: les besoins liés à l’embellissement ou au


perfectionnement.

L’imam Al Ghazali remarque à juste titre : « Il est inconcevable pour toute


religion ou philosophie qui veut le bien des hommes de ne pas chercher à
préserver ces cinq éléments ». Ainsi, il affirme avec force que les cinq objectifs
supérieurs transcendent ‫ حخخطى‬ّٛ‫ص حس‬ٚ‫ حخجب‬toutes les religions d’une manière
explicite ou implicite.
15
Cette approche telle qu’elle a été élaborée par Al Ghazali, sera intégrée par les
savants de toutes les écoles islamiques. Quelques siècles plus tard, l’imam
Shihab Eddine Al-Qarafi (m. 684H) et Taj dine Ibn As-Subki (m. 771H)
ajouteront aux cinq objectifs, un nouvel objectif qui sera « l’honneur ».

l’imam Chatibi et la Globalisation de la théorie de maq’assed


chariaa:

L’imâm Abu Ishâq Chatibi (m. 790H) réalisant la synthèse des nombreux
travaux qui l’ont précédé, va proposer au 8ème siècle une approche holistique
fondée sur les objectifs supérieurs de la jurisprudence islamique en affirmant
que le principe englobant de ces objectifs supérieurs était de promouvoir le
bien et d’écarter le mal.

L’imâm Chatibi en fait une brillante démonstration au début du deuxième


volume de son livre « al-mouwafaqat » .

Après avoir donné de nombreux exemples de prescriptions de l’islam et de


leurs raisons d’être, il démontre que toute prescription répond à l’un des trois
objectifs : obligatoire, nécessaire ou accessoire. Ces trois catégories
constituent ensemble les intérêts des êtres humains. Dans la première
catégorie (les objectifs obligatoires/Ad-Daruriyyates), il a rappelé les cinq
finalités supérieures et universelles que la Chari’a vise à protéger : la religion,
la vie humaine, la progéniture, les biens et la raison. Si donc l’utilisation d’une
règle ponctuelle de jurisprudence aboutissait à enfreindre l’une de ces finalités
supérieures, celle-ci devrait être revue. La finalité, ne pouvant être sujette à
caution, prévaut toujours puisqu’elle est déterminée moyennant "al-Istiqra"
(le raisonnement par induction), c’est-à-dire directement sur la base et l’esprit
de plusieurs versets et/ou des hadiths éminemment authentiques (en arabe
mutawattirs). Dans le même ordre d’idées, Chatibi aboutit à des conclusions
fondamentales :

a- le contexte peut faire passer un objectif d’un niveau d’importance vers un


autre : Ainsi un élément appartenant dans l’absolu à la catégorie des Al-
Hajiyyates, pourrait changer de priorité et passer ensuite dans la catégorie des
Ad-Darouriyyates. Et un élément appartenant à la catégorie des At-
Tahssiniyyates, pourrait changer de priorité pour intégrer la catégorie des Ad-
Darouriyyates.
16
b– la priorité est donnée au niveau supérieur en cas de conflit entre les
intérêts : c’est-à-dire sacrifier les objectifs de niveau inférieur pour la
sauvegarde de celle du niveau supérieur. Ainsi, il est légalement admis en cas
d’impérieuse nécessité de se nourrir de la chair d’un animal mort et de la chair
de porc pour survivre.

c- les catégories de niveau inférieur sont au service (ou en complément) des


catégories du niveau supérieur :

At-Tahssiniyyates sont donc des compléments pour la catégorie des Al-


Hajiyyates et ces dernières sont des compléments des Ad-Darouriyyates.
Ainsi, les prières surérogatoires (At-Tahssiniyyates) peuvent pallier le manque
dans la pratique des prières obligatoires (Ad-Darouriyyates).

d- la défense du niveau inférieur est une garantie du niveau supérieur, et


l’omission du niveau inférieur pourrait constituer une gêne (ou un risque)
pour le(s) niveau(x) au-dessus. Par exemple, l’obligation de la présence des
témoins et de la dot confortent le pacte solennel qu’est le mariage islamique
(Ad-Darouriyyates).

L’imam Chatibi affirme que ce sont les versets révélés dans la période
mecquoise qui vont établir les objectifs supérieurs et universels du droit
islamique. Les versets révélés à Médine ne sont qu’une illustration du sens de
ces objectifs. Cette remarque est d’une grande importance, car cela signifie que
la pédagogie divine a établi ces objectifs dès les premiers instants de la
révélation. Chatibi va rénover les conditions de l’Ijtihad à la lumière de son
étude et affirme que le degré de l’Ijtihad est atteint lorsque deux qualités sont
présentes :

1-une profonde compréhension des finalités des prescriptions islamiques


(maqassid al ahkam).

2-une maitrise suffisante des différentes méthodes de déduction ‫ االعزذالي‬et


d’extraction (istinbat ‫ )االعزٕجبغ‬fondées sur la connaissance et la compréhension
des sources scripturaires (qui viennent selon Chatibi en second degré).Dans son
livre « al-mouwafaqat », l’imam Chatibi stipule que le Prophète (prière et
salut sur lui) n’a jamais promulgué une loi sans que la communauté ne soit
prête à l’appliquer. C’est dire le dynamisme caractéristique de la jurisprudence

17
islamique qui doit prendre en considération la maturation de la communauté.
L’Ijtihad doit donc opérer une double médiation du texte divin et du contexte
humain.

Chatibi en initiant son travail inductif et déductif à partir des sources


scripturaires avait clairement stipulé que les finalités restent au centre de tout
effort d’Ijtihad. Malheureusement, ces œuvres n’ont pas été exploitées par les
savants antérieurs car le monde islamique sombrait dans la décadence. Notons
que la théorie de l’imam Chatibi a suscité de nombreuses critiques de la part
de certains savants de son époque.

Il a fallu attendre la fin du 19ème siècle pour voir cette théorie ressusciter avec
les savants réformistes tels que Mohamed ’Abdou et notamment avec le
Cheikh Tunisien At-Tahir Ibn ’Achour ainsi qu’avec le grand réformateur
marocain ’Allal Al Fassi (m.1973) qui enseignait cette science dans la fameuse
université d’Al Qarawiyyine. La première édition du livre "al mouwafaqate" de
l’imam Chatibi en 1884 avec le commentaire de trois savants de la prestigieuse
université de la Zitouna.

• Vers la maturation …

Il convient de noter, à ce stade de notre étude, qu’un ensemble de savants


avait remarqué le caractère restreint de la liste des objectifs supérieurs
formulés par l’imam Chatibi et ses prédécesseurs. En effet, le nombre et la
nature de ces finalités et objectifs doivent être reconsidérés et repensés afin
de tenir compte du contexte. on peut dire que l'ensemble des enseignements
de l'islam ont pour objectif d'instituer, de protéger et de développer chez les
hommes les éléments qui vont suivre ; ceux-ci peuvent donc être qualifiés
d'objectifs supérieurs des enseignements de l'islam"

Il y a ainsi :

– 1) "ٌِْٓ‫"اٌذ‬, "ad-dîn" : ici le terme "dîn" désigne "la religion agréée par Dieu, soit
le dernier message que Dieu a envoyé aux humains" ; concrètement, ici cela
recouvre, par rapport aux actions de l'individu :

18
----- 1.1) l'acceptation de ce message et la préservation de tout ce qui annule
l'adhésion à lui) ;

----- 1.2) l'acquisition de la connaissance (ta'allum) de base nécessaire ;


----- 1.3) l'acquisition des croyances autres que celles relatives à ce que nous
venons de voir ; le développement de la certitude (yaqîn) par rapport à ces
croyances

----- 1.4) le développement du lien spirituel avec Dieu, ce qui s'obtient par la
purification de l'intérieur de tout ce que Dieu n'aime pas (takhliya)

----- 1.5) le fait d'accomplir toutes les règles ta'abbudî applicables à soi par
rapport au lieu et au moment où on vit, règles qui ont été instituées par l'islam
et sont en rapport avec les autres objectifs.

– 2) "ٌِْٓ‫"اٌذ‬, : l'effort pour la diffusion et l'établissement du dîn; ceci se fait par le


moyen des actions de revivification des sciences religieuses, et de l'action
d'exhorter au bien et d'empêcher le mal, avec toutes les branches de cette
dernière action, selon les besoins du moment.

– 3) "ًُ‫"اٌزَىبف‬, "at-takâful" : la solidarité dans la société (ceci appartient à ce qui


ne relève pas de ce qui fait les intérêts et les plaisirs personnels de l'individu :
cf. Al-Muwâfaqât, 1/479-480) ;

– 4) "‫"اٌ َؼذْي‬, "al-'adl", l'établissement de la justice dans la société, ce qui se fait


par le fait que chacun dans la société jouisse réellement des droits ("‫ْق‬ُٛ‫"اٌحُم‬,
"al-huqûq") qui lui sont accordés dans les textes (même remarque que pour la
Maqsad précédente) ;

– 5) "‫َح‬ُٛ‫"ا ُألخ‬, "al-ukhuwwa" : la fraternité dans la société, avec l'affection et la


chaleur humaine (même remarque que pour la Maqsad précédente) ;

– 6) "‫"إٌَفْظ‬, "an-nafs" : la vie, l'intégrité physique, la santé physique de


l'individu (ceci, par contre, appartient à ce qui relève des intérêts de l'individu ;
et il en sera de même de toutes les Maqsad qui vont suivre) ;

– 7) "ًْ‫"ػَم‬, "al-'aql" : l'intellect, la raison, l'intelligence, la santé mentale de


l'individu ;

– 8) "‫"اٌّبي‬, "al-mâl" : les biens matériels, la propriété individuelle ;

19
– 9) "ًْ‫"اٌ َٕغ‬, "an-nasl" : la filiation, la famille ;

– 10) "‫"اٌؼِشْض‬, "al-'irdh" : la dignité de l'individu au milieu de ses semblables ;

– 11) "َِْٓ‫"األ‬, "al-amn" : la sécurité de chaque individu ;

– 12) "‫"اٌحُشٌّّخ‬, "al-hurriya" : le fait de ne pas être emprisonné et de demeurer


en liberté ; il y a aussi la liberté, accordée socialement, de demeurer dans une
autre religion que l'islam…(Rappelons qu'il est question ici des objectifs
supérieurs de l'ensemble des enseignements de l'islam : la morale et l'éthique
sont incluses dans les implications de ces objectifs.)

Les caractéristiques de la shari’a par rapport au droit positif :


• « ar-rabbaniyya » ‫ اٌشثبٍٔخ‬La source divine

La législation musulmane « shari’a » se distingue du droit positif par le fait


qu’elle est de source divine, ce qui attribue à ses lois une sacralité
incomparable et projette dans les cœurs de ceux qui s’y réfèrent son amour
et son respect ; un respect qui émane de la conviction de sa perfection, de sa
hauteur et de son éternité et non pas de la crainte d’un pouvoir exécutif et de
ses dispositifs. En effet, le Législateur de ces lois n’est pas un homme limité par
l’imperfection humaine, influencé par des facteurs relatifs à l’espace, au temps
et au contexte ou par des éléments de l’ordre de l’hérédité, de l’humeur, des
passions et des émotions.

Son Législateur est celui qui détient la création et l’ordre de l’univers. Le


Maître de tout ce qui s’y trouve. Celui qui a créé les gens et connaît
parfaitement ce qui leur est bénéfique et ce qui est dans leur intérêt « Ne
connaît-il pas ce qu’Il a créé alors que c’est Lui le Compatissant, le
parfaitement Connaisseur » (la royauté : 14)

• ‫َ اٌٍَطٍِفُ ا ٌْخَجٍِش‬َُٛ٘ٚ َ‫أٌََب ٌَؼٍَُُْ َِْٓ خٍََك‬

Étant donné la source divine de la législation musulmane, il n’appartient à


aucun musulman de s’y détourner qu’il soit gouvernant ou gouverné. En ce qui
concerne le gouvernant, Dieu dit : « Et ceux qui ne jugent pas d’après ce que
Dieu a fait descendre, ceux-là sont les incroyants » … « ceux-là sont les
injustes » … « ceux-là sont les pervers » (la table servie : 44 – 45 – 47).

20
• ) َُْٚ‫ٌَ ِئهَ ُُُ٘ ا ٌْىَب ِفش‬ُٚ‫حىُُْ ِبَّب أَ ْٔ َضيَ اٌٍَُٗ فَأ‬
ْ ٌَ ٌَُْ ََِْٓٚ

• ) ٌَُِّْٛ‫ٌَ ِئهَ ُُُ٘ اٌظَب‬ُٚ‫حىُُْ ِبَّب أَ ْٔ َضيَ اٌٍَُٗ فَأ‬


ْ ٌَ ٌَُْ ََِْٓٚ (

• ) َُْٛ‫ٌَ ِئهَ ُُُ٘ اٌْفَبسِم‬ُٚ‫حىُُْ ِبَّب أَ ْٔ َضيَ اٌٍَُٗ فَأ‬


ْ ٌَ ٌَُْ ََِْٓٚ (

• En ce qui concerne les gouverné, Dieu dit :

• En ce qui concerne les gouverné, Dieu dit : ), « La seule parole des


croyants, quand on les appelle vers Dieu et Son Messager, pour
que celui-ci juge parmi eux, est : « Nous avons entendu et nous
avons obéi . Et voilà ceux qui réussissent » (la lumière : 51),

ۚ ‫طعَْٕب‬
َ ‫َأ‬َٚ ‫س ِّعَْٕب‬
َ ‫ا‬ٌُُٛٛ‫ُُْ أَْ ٌَم‬َٕٙ ٍَْ‫حىَُُ ب‬
ْ ٌٍَِ ٌُِِٗٛ‫ َسس‬َٚ ٌٍَِٗ‫ا ِإٌَى ا‬ُٛ‫يَ ا ٌُّْ ْؤٍَِِِٕٓ إِرَا دُع‬ْٛ َ‫• َِب وَبَْ ل‬
)51( َُْٛ‫ٌَٰ ِئهَ ُُُ٘ ا ٌُّْ ْفٍِح‬ُٚ‫أ‬َٚ

• « Il n’appartient pas à un croyant ou à une croyante, une fois que


Dieu et Son Messager ont décidé d’une chose d’avoir encore le
choix dans leur façon d’agir. Et quiconque désobéit à dieu et à Son
Messager, s’est égaré certes, d’un égarement évident. » (les
coalisés : 36)

ۗ ُِِْ٘‫ُُُ اٌْخِ ٍَشَةُ ِِْٓ َأ ِْش‬ٌَٙ َُْٛ‫ٌُُٗ َأ ِْشًا أَْ ٌَى‬ُٛ‫ َسس‬َٚ ٌٍَُٗ‫ٌَب ُِ ْؤَِِٕتٍ إِرَا لَضَى ا‬َٚ ٍِِٓ‫َِب وَبَْ ٌُِّ ْؤ‬َٚ •
)36( ‫ضٍَبًٌب ُِبًٍِٕب‬ َ ًَ‫ض‬
َ ْ‫ٌَُٗ فَمَذ‬ُٛ‫ َسس‬َٚ ٌٍََٗ‫َِٓ ٌَعْصِ ا‬َٚ

• Le respect et l’acceptation des lois de la « shari’a »

Étant donné que la législation musulmane est de source divine, ses lois
bénéficient dans les cœurs des musulmans d’un respect, d’une acceptation et
d’une obéissance que les lois humaines ne peuvent connaître. Car en obéissant
à la loi et en la mettant en application, le musulman est persuadé d’adorer son
Seigneur. Ceci est une implication de la foi et une exigence de l’islam : « Non !
… Par ton Seigneur ! Ils ne seront pas croyants aussi longtemps qu’ils ne
t’auront demandé de juger de leurs différends et qu’ils n’auront éprouvé nulle
ressentiment pour la sentence que tu auras décidé, et qu’ils s’y soumettent
complètement » (les femmes : 65) ‫ُُْ رَُُ ٌَب‬َٕٙ ٍَْ‫جشَ ب‬ َ َ‫نَ فٍَِّب ش‬ُّٛ‫ح ِى‬
َ ٌُ ٰ‫َْ حَخَى‬ُِِٕٛ‫سَ ِبهَ ٌَب ٌُ ْؤ‬َٚ ‫َفٍَب‬
)65( ‫سًٍٍِّب‬
ْ ‫ا َح‬ٍُِّٛ‫س‬
َ ٌُ َٚ َ‫حشَجًب َِِّب لَضٍَْج‬
َ ُِْٙ‫س‬
ِ ‫ا فًِ أَٔ ُف‬ُٚ‫ٌَجِذ‬

De même, le musulman est persuadé au fond de lui que ces lois sont les plus
justes, les plus parfaites, les plus à même à apporter le bien et à repousser tout

21
préjudice et les plus à même à répandre l’honnêteté et mettre un terme à la
corruption. C’est pour cette raison qu’il va les appliquer tout en étant
convaincu de leur justice et leur bonté. En plus, le musulman croit
profondément que dieu l’observe lorsqu’il applique les lois ou lorsqu’il tente
de les contourner.

Il est convaincu que Dieu le jugera à ce propos lorsque les gens seront
ressuscités séparément pour que leur soient montrées leurs œuvres
« Quiconque fait un bien fût-ce du poids d’un atome, le verra, et quiconque
fait un mal fût-ce du poids d’un atome, le verra » (la secousse : 8). ًَّْ ‫( َفَّْٓ ٌَ ْع‬
) َُٖ‫ششًا ٌَش‬
َ ٍ‫َِْٓ ٌَ ْع ًَّْ ِِزْمَبيَ َرسَة‬َٚ * َُٖ‫ِِزْمَبيَ َرسَةٍ خَ ٍْشًا ٌَش‬

• L’empressement pour l’exécution des lois de la « shari’a » par


adoration ‫سغجخ حضٍضخ‬/‫اعزؼذاد‬

C’est pour toutes ces raisons que le musulman s’empresse de se conformer aux
lois de la législation musulmane en appliquant ses injonctions ‫اِش‬ٚ‫ األ‬et en
s’écartant de ses interdits ً٘‫ا‬ٌٕٛ‫ ا‬en totale acceptation et quiétude, poussé par
la voix de la conscience et non pas par la matraque du gendarme. Et même s’il
lui arrive d’être dépassé par ses passions et par son égoïsme et transgresse les
lois dictées par la « shari’a », il ressentira un profond mal-être à cause du
péché jusqu’à ce qu’il se repent et se purifie de ce qu’il a commis.

C’est ainsi que nous pouvons voir, du temps du Prophète, des musulmans qui
se livraient pour subir la peine établie par la législation pour le crime qu’ils ont
commis secrètement, de plein gré, sans être arrêté par les gendarmes, ni avoir
fait l’objet d’une plainte, mais poussés par la foi, en insistant pour subir cette
peine en vue de rencontrer Dieu le jour de la Résurrection ‫ اٌجؼش‬en étant
purifié de ce péché. /Le jour La reddition des comptes.

Exemples de soumission à la législation L’acquittement des obligations


financières .Nous constatons qu’un grand nombre de personnes tente
d’échapper aux impôts par différents moyens, motivées par des raisons
différentes, ce qui provoque l’indignation des états. Toutes les mesures
répressives n’ont pu mettre fin à cette fraude. Face à cette réalité du monde
des impôts établis par le droit positif, nous citons en comparaison l’attitude des
musulmans face à l’acquittement de la zakat : A plusieurs reprises, des
musulmans se présentaient devant le représentant de l’autorité musulmane,

22
de leur propre initiative, de bon gré, pour lui demander de prélever la zakat de
leurs biens sans que personne ne l’exige d’eux, En effet, des gens du Sham se
sont rendus auprès de ‘Omar ibn al-Khattab pour lui demander de prélever la
zakat relative aux chevaux qu’ils possédaient en disant : « Nous avons acquis
beaucoup de biens, et nous voulons en payer la zakat pour les purifier ».

• S’abstenir de ce que la « sharia » interdit:

Dans le domaine de l’interdiction, il est bon de citer un exemple, parmi


d’autres, mettant en évidence l’empressement des musulmans pour se
conformer aux exigences des lois de la législation. Il s’agit de l’attitude des
arabes après leur conversion à l’islam vis-à-vis de l’interdiction de l’alcool. En
période préislamique, ils vouaient à l’alcool une passion ardente au point de
lui donner plus de cent noms. En tenant compte de cette réalité, Dieu
l’interdit progressivement en déclarant à la dernière étape que l’alcool
est : « une abomination, œuvre du Diable » (la table servie : 90). A partir de là,
le Prophète (saws) a interdit sa consommation, sa vente et le fait de l’offrir aux
non-musulmans. Aussitôt, les musulmans déversèrent tout l’alcool qu’ils
possédaient dans les rue de Médine. Plus étonnant encore, le verset parvint à
certains musulmans, le verre à la main, ayant déjà bu quelques gorgées, ils
jetèrent alors ce qui restait dans le verre en répondant au verset : « Allez-vous
donc y mettre fin » (la table servie : 91) par : « Nous cessons, ô Seigneur ; nous
cessons ô Seigneur ».

Les lois organisationnelles établies par l’état musulman doivent être


religieusement respectées.

Le respect des lois de la « shari’a » n’est pas limité aux lois énoncées par les
textes du Coran et de la Sunna ou déduites de ces textes.Il englobe également
les lois établies par « ijtihad » dans le but d’organiser la société déduites par les
représentants de l’autorité en se référant à l’intérêt général indéterminé « al-
maslaha al-moursala » Les jurisconsultes « fouqaha » hanafites stipulent que si
le représentant de l’autorité ordonne aux gens en temps de disette ou de
famine de jeuner un jour, il est de leur devoir d’un point de vue religieux de le
jeuner et il ne leur est par permis de lui désobéir sans raison.

• ُْ‫ًٌِْ األَِْشِ ِِٕ ُى‬ُٚ‫َأ‬ٚ َ‫ي‬ُٛ‫اْ اٌ َشع‬ُٛ‫ََأطٍِؼ‬ٚ ٌٍَّٗ‫اْ ا‬ُٛ‫اْ َأطٍِؼ‬َُِٕٛ‫َب اٌَزٌَِٓ آ‬ٌَُٙ‫ٌَب أ‬

23
• Dieu dit : « Ô les croyants ! Obéissez à Dieu, et obéissez au
Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent le
commandement » (les femmes : 59). Le Messager de Dieu (saws)
dit à son tour : « Quiconque obéit à l’autorité m’a obéit, et qui
désobéit à l’autorité m’a désobéit ».

• Il dit également : « L’obéissance est un devoir pour tout


musulman, dans ce qu’il aime et dans ce qu’il n’aime pas, tant
qu’on ne lui ordonne pas une désobéissance (à Dieu). Si on lui
ordonne une désobéissance, alors nulle obéissance ».

• Une distinction qui fait défaut au droit positif

Le droit positif est composé de lois exclusivement civiles et profanes non


sacrées et étranger à la religion. Elles ne visent qu’à prendre en considération
ce qui est apparent et s’en remet essentiellement pour leur application à la
force de l’autorité. Les récompenses et les sanctions qui s’y rattachent sont
uniquement matérielles. Elles ne laissent aucune place à l’idée du licite et de
l’illicite, ni aux intentions du cœur ni à la croyance du jugement devant Dieu
ni à l’entrée au Paradis ou en Enfer. C’est pour cette raison que si le pouvoir
exécutif ou les tribunaux se trompent ou commettent des dérives, et s’il
devient possible au citoyen d’échapper à la justice par la force, la ruse ou
l’habilité de sa langue ou la preuve falsifiée , il le fera sans se gêner.Quant à la
« shari’a » c’est à la fois une organisation spirituelle et civile, religieux et
matériel, c’est pour cette raison qu’elle s’appuie sur la barrière spirituelle et
morale à côté de la force de l’autorité et le contrôle de l’état.

Elle établie la récompense dans l’au-delà à côté de celle dans le bas-monde.


Elle lie le musulman à la conception du licite et de l’illicite. Les lois se limite a
exposé ce qui est valide et ce qui ne l’est pas, ce qui est exécutoire et en
vigueur de ce qui est suspendu, mais la « shari’a » rajoute à ceci le fait de
désigner telle chose comme étant licite et telle autre comme étant illicite, ceci
est un acte d’obéissance et ceci est une désobéissance. Elle lie la licéité des
choses avec les motivations et les intentions et non pas avec les formes et les
apparences sur la base desquelles la juridiction formule son jugement.

Ainsi si le juge se prononce en faveur d’une personne en se basant sur des faits
apparents, alors qu’en vérité elle n’est pas dans son droit mais a eu recours à
24
de faux témoignages ou à des documents falsifiés, ce jugement, bien qu’il soit
exécutoire en apparence ne lui permet de disposer de l’illicite et de spolier les
droits des autres, et ceci est expressément énoncé dans le Coran et la Sunna.
Dieu dit dans le Coran : « Et ne mangez pas mutuellement et illicitement vos
biens, et ne vous en servez pas pour corrompre des juges pour vous permettre
de manger une partie des biens des gens, injustement et sciemment » (la
vache : 188) ِ‫َايِ إٌَبط‬ِْٛ‫ا َفشٌِمًب ِِْٓ َأ‬ٍُٛ‫حىَبَِ ٌِخَ ْأ ُو‬
ُ ٌْ‫َب ِإٌَى ا‬ٙ‫ا ِب‬ٌُٛ‫َحُ ْذ‬ٚ ًِ‫ط‬
ِ ‫َاٌَىُُ بٍَْ َٕىُُ بِبٌْبَب‬ِْٛ‫ا َأ‬ٍُٛ‫ٌَب حَ ْأ ُو‬َٚ
)188( ٍََُّْٛ‫أَٔخُُْ َح ْع‬َٚ ُِْ‫بِبٌْئِر‬

Le Prophète dit : « Vous vous disputez auprès de moi. Or, je suis un être humain
et certains peuvent se montrer plus persuasifs que d’autres dans leurs
argumentations, je me prononce alors en sa faveur en me basant sur ce que j’ai
entendu. Aussi, si j’accorde à l’un de vous ce qui revient de droit à son frère, je
lui ai donné en vérité une part du Feu… qu’il la prenne ou la délaisse »

Par conséquent, les lois de la législation relatives aux affaires sociales sont
dotées de deux dimensions : une dimension judiciaire et une dimension
religieuse.

• le tawhid l’ unicité du Dieu en islam

Parmi les objectifs qui caractérise la chariia est l’ unicité du Dieu, Le Tawhid
est la science la plus noble qui puisse être étudiée, en effet elle traite de
l’unicité d’Allah, c’est à dire, tout ce qui Lui revient de droit par excellence et
en toute exclusivité. En fait le Tawhid est d’une importance telle, que le
Prophète) passa les 23 années de son message à enseigner, expliquer, et faire
appliquer le Tawhid. Le Tawhid est assez important pour qu’Allah nous
ordonne d’en avoir la science et d’en comprendre la signification : allah a dit : "
Sache qu'en vérité, il n'y a de divinité que Dieu ! Demande pardon pour ton
péché, pour les croyants et les croyantes. Dieu connaît vos vicissitudes et
votre lieu de repos. " S47 V19 ۗ ِ‫َا ٌُّْ ْؤَِِٕبث‬ٚ ٍَِِِٕٓ‫ٌِ ٍُّْ ْؤ‬َٚ َ‫َاسْ َخغْ ِفشْ ٌِزَٔ ِبه‬ٚ ٌٍَُٗ‫عٍَُْ أََُٔٗ ٌَب ِإٌََٰٗ ِإٌَب ا‬
ْ ‫فَب‬
)19( ُُْ‫َاو‬ْٛ‫َِز‬َٚ ُُْ‫َاٌٍَُٗ ٌَ ْعٍَُُ ُِخَ َمٍَ َبى‬ٚ

Le Tawhid est assez important pour que Ibrahim demande à Allah de lui
donner la capacité de l’appliquer ainsi que ses enfants : " Et préserve-moi
25
ainsi que mes enfants contre l’adoration des idoles "S14 V35 َْ‫َثًََِٕ أ‬ٚ ًِْٕ‫َاجُْٕج‬ٚ
ََ‫َٔؼْ ُجذَ ا َألّصَْٕب‬
Ainsi la parole du Tawhid (La ilaha illa Allah) n’est pas une simple parole
déchargée de sens bien au contraire! Allah a dit : "Allah témoigne qu’il n’y a de
vraie divinité exceptée Allah ainsi que les anges et les savants, Le mainteneur
de la justice, point de divinité à part Lui, Le Puissant, Le Sage" S3 V18 ٌٍَُٗ‫ِذَ ا‬ٙ‫ش‬ َ
)18( ٍُُِ‫حى‬
َ ٌْ‫َ ا ٌْ َعضٌِضُ ا‬ُٛ٘ ‫سطِ ۚ ٌَب ِإٌََٰٗ ِإٌَب‬
ْ ‫ ا ٌْ ِعٍُِْ لَب ِئًّب بِبٌْ ِم‬ٌُُٛٚ‫أ‬َٚ ُ‫َا ٌْ ٍََّب ِئىَت‬ٚ َُٛ٘ ‫أََُٔٗ ٌَب ِإٌََٰٗ ِإٌَب‬

Les savants considèrent que le témoignage cité dans ce verset est le plus grand
des témoignages et ce d’une part, pour :

- l’importance des témoins c’est à dire Allah puis les anges et les savants

et d’autre part pour


- le témoignage en lui-même qui est l’unicité d’Allah.

• LES DEFFERENTES PARTIES DU TAWHID :

Il est important de savoir que les savants ont partagé le Tawhid en trois
grandes parties qu’il faut impérativement connaître pour bien comprendre La
ilaha illa Allah ainsi cet objectif de l’ unicité du Dieu qui caractérise la charia.

1) tawhid ar-Rouboubiya (l'unicité dans la Seigneurie) : C’est le fait de


reconnaître les œuvres spécifiques au Seigneur (tel le fait de donner la vie, la
mort, la subsistance…). Reconnaître Allah comme Seigneur c’est lui
reconnaître :

La création : Effectivement Allah est Le seul Créateur.

Allah a dit : "Y a t-il un créateur en dehors d’Allah qui subvient à vos besoin de
par la terre et les cieux, il n’y a de vraie divinité que lui "S35 V3 ُ‫َب إٌَبط‬ٌُٙ َ‫ٌَب أ‬
َُْٛ‫َ ۖ فَأََٔىٰ حُؤْ َفى‬ُٛ٘ ‫َاٌَْأسْضِ ۚ ٌَب ِإٌََٰٗ ِإٌَب‬ٚ ِ‫سَّبء‬
َ ٌ‫عٍَ ٍْىُُْ ۚ ًَْ٘ ِِْٓ خَبٌِكٍ غَ ٍْشُ اٌٍَِٗ ٌَ ْشصُ ُلىُُ َِِٓ ا‬
َ ٌٍَِٗ‫ا ِٔ ْعَّجَ ا‬ُٚ‫ا ْر ُوش‬
)3(
Allah a donc créé l’humanité ainsi que les œuvres de ceux-ci :"Et Allah vous a
créé ainsi que ce que vous faites"S37V96 )96( ٍََُّْٛ ‫َِب َح ْع‬َٚ ُُْ‫خٍَ َمى‬ َ ٌٍَُٗ‫َا‬ٚ

la royauté : Allah est également Le seul à détenir la royauté : "Pureté à Celui


que détient la royauté et Il est capable de toute chose "S67 V1 Donc Celui qui
détient la royauté par excellence est Allah.

26
La gérance : Allah est Le Seul à gérer la création : "N’est ce pas que c’est à Lui
qu’appartient le royaume et la gérance" S7 V54

Cette partie-là du Tawhid n’est reniée par personne, pas même les
associateurs ٍٓ‫اٌّششو‬du temps du Prophète Sauf une minorité comme les
athées,,…

Allah a dit : "Si tu leur demandes qui a créé les cieux et la terre et assujetti le
soleil et la lune ? Ils diront très certainement Allah, comment se fait-il
qu’ensuite ils se détournent ?"S29 V61 َ‫عخَش‬ َ َٚ َ‫َاٌْؤَسْض‬ٚ ِ‫َاد‬ٚ‫ُُ َِْٓ خٍََكَ اٌغََّب‬َٙ‫ٌََئِٓ عَؤٌَْز‬ٚ
َُْٛ‫ٌَُٓ اٌٍَُٗ َفؤََٔى ٌُؤْ َفى‬ُٛ‫َاٌْمََّشَ ٌٍََم‬ٚ َ‫اٌشَ ّْظ‬

Donc les gens à qui Allah s’adresse sont considérés comme des associateurs
même s’ils ont cru au Tawhid dans la Seigneurie, car ces gens-là ont adoré
d’autres divinités avec Allah en prétendant qu’ils le faisaient pour se
rapprocher d’Allah. Et Allah a dit : "..Tandis que ceux qui prennent des alliés
en dehors de Lui disent : Nous ne les adorons que pour qu’ils nous
rapprochent d’Allah d’avantage…"S39 V3 . ُِِٗٔٚ‫ا ِِٓ د‬ُٚ‫َاٌَزٌَِٓ احَخَز‬ٚ ۚ ُ‫َأٌَب ٌٍَِِٗ اٌذٌُِٓ اٌْخَبٌِص‬
َِْٓ ‫ْذِي‬ٌَٙ ‫َْ ۗ إَِْ اٌٍََٗ ٌَب‬ُٛ‫ُُْ فًِ َِب ُُْ٘ فٍِِٗ ٌَخْ َخٍِف‬َٕٙ ٍَْ‫حىُُُ ب‬
ْ ٌَ ٌٍََٗ‫َٔب ِإٌَى اٌٍَِٗ ُصٌْفَىٰ إَِْ ا‬ُٛ‫ٌٍَِبءَ َِب َٔعْبُذُُُْ٘ ِإٌَب ٌٍُِ َمشِب‬ْٚ َ‫أ‬
ٌ‫َ وَبرِةٌ وَفَبس‬ُٛ٘

On voit clairement à travers ce verset que les associateurs du temps du


Prophète croyaient en Allah, en Son existence et en Sa seigneurie puisque pour
eux c’était la plus grande des divinités et les autres divinités leurs servaient à se
rapprocher d’Allah.

Mais Allah dit à la fin du même verset : "…En vérité Allah jugera parmi eux sur
ceux en quoi ils divergent, Allah ne guide pas celui qui est menteur et
mécréant "S39 V3

Allah démontre ainsi que la prétention de se rapprocher d’Allah en adorant


autre que Lui n’est que mensonge tout comme Il nous montre que ce genre
d’actes est de la mécréance (c’est à dire le fait d’effectuer des sacrifices ou des
vœux ou des invocations ou de demander secours…à un autre qu’Allah même
si l’intention est de se rapprocher d’Allah).

Certes il faut connaître cette partie du Tawhid, pourtant cela ne suffit pas à
mettre l’individu à l’abri de la mécréance car le sens du Tawhid est bien plus

27
profond et plus pointilleux. Allah a dit :" Et la plupart d’entre eux ne croient en
Allah qu’en Lui donnant des associés " S12 V106 .

C’est à dire que beaucoup croient en la Seigneurie d’Allah tout en adorant


autre que Lui.

2) tawhid al Oulouhiya (l'unicité dans l'adoration: C’est le fait de vouer tout


acte d’adoration à Allah, en toute exclusivité! Et ceci en n’adorant aucune
divinité avec Allah ni en asseyant de se rapprocher d'un autre qu’Allah par une
chose qu’Allah Seul mérite c’est à dire : l'adoration.

L’adoration telle que la définit ibn Taymiya est : « Un terme qui englobe tout
ce qu’Allah aime et agrée comme œuvre apparente ou cachée » . Allah a dit :
"Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent"S51 V56 .

Ainsi le but de notre création n’est autre que l’adoration d’Allah c’est à dire la
mise en pratique du Tawhid. Allah dans le Coran interpelle ceux qui
reconnaissent Sa seigneurie en disant :"..Tel est Allah votre Seigneur, ne
réfléchissez-vous donc pas ? "S10 V3 .

En effet quiconque reconnaît qu’Allah est L’Unique Créateur, Celui qui donne
et reprend la vie, qui subvient aux besoins de chacun, qui répond aux
invocations… est contradictoire lorsqu’il adore un autre qu’Allah. Ainsi Allah
prend comme argument contre ces gens-là le fait qu’ils admettent Allah
comme Seigneur.

3) Tawhid al asma wa sifat (l'unicité dans les noms et caractères) : Allah


dans le Coran s’est attribué des noms et des caractères, tout comme le
Prophète (Prière et Bénédiction d'Allah sur lui)dans sa Sounnah a attribué à
Allah des noms et des caractères, que nous nous devons d'accepter. Quelques
régles concernant les Noms d’Allah :

Tous les noms d’Allah sont parfaits : C’est pourquoi nous devons invoquer
Allah par ces noms-là : "Et à Allah appartiennent les plus beaux noms alors
invoquez-Le par ces noms-là" S7 V180 . Et les noms d’Allah sont parfaits
puisque chacun d’entre eux désignent un caractère qui est lui aussi au
summum de la perfection.

28
Par exemple : Allah a pour noms : Le Savant ,ceci implique comme caractère :
la science parfaite qui n’a jamais été précédée d’une ignorance quelconque ni
n’est sujette a un oublie quelconque.

"Dis : Sa science est chez Allah dans un livre. Allah ne s’égare pas et n’oublie
pas"S20 V52 .Tout comme la science d’Allah englobe toute chose de manière
générale, et de manière détaillée. Allah a dit :"Il sait ce qu’il y a dans les cieux
et dans la terre et il sait ce que vous cachez et ce que vous laissez apparaître
et Allah sait ce que renferment les poitrines "S64 V4

Les noms d’Allah sont indénombrables : En effet le Prophète a dit :


« Allah a 99 noms, 100 moins un, celui qui les connaît entrera au paradis » Ce
Hadith ne prouve en rien qu’Allah a uniquement 99 noms, simplement celui qui
connaît ceux-là, c’est à dire les 99, entrera au paradis. Certains savants ont
relevé 81 noms d’Allah dans le Coran et 18 dans la Sounnah.

Les noms d’Allah sont ceux qui sont cités dans le Coran et la Sounnah et en
aucun cas on ne peut appeler Allah par un autre nom, car notre esprit ne peut
concevoir ce qu’Allah mérite réellement comme nom, donc nous devons nous
en tenir à ceux qui sont déjà mentionnés.

Quelques règles concernant les Caractères d’Allah

Les caractères d’Allah sont tous parfaits, sans aucune faille. Allah a dit :
"C’est à ceux qui ne croient pas en l’au-delà que revient le mauvais
qualificatif, tandis qu’à Allah Seul est le qualificatif suprême et c’est Lui le
Tout Puissant et le Sage" S16 V60 . َ‫ٌٍَِِّٗ اٌَّْضًَُ ا َألػٍَْى‬ٚ ِ‫ْء‬َٛ‫َْ ثِبَخِ َشحِ َِضًَُ اٌغ‬ُِِْٕٛ‫ٌٍَِزٌَِٓ الَ ٌُؤ‬
ٍُُِ‫حى‬
َ ٌْ ‫َ ا ٌْؼَضٌِضُ ا‬َُٛ٘ٚ

"Gloire à ton Seigneur, le Seigneur de la puissance. Il est au-dessus de ce


qu’ils décrivent et paix sur les messagers et louange à Allah Seigneur de
l’univers"S37 V180 à 182

ٌٍََِّٓ‫َا ٌْحَ ّْذُ ٌٍَِِٗ سَةِ ا ٌْؼَب‬ٚ ﴾181﴿ ٍٍََِٓ‫عٍََبٌَ ػٍََى اٌُّْ ْشع‬َٚ ﴾180﴿ َُْٛ‫عُ ْجحَبَْ سَ ِثهَ سَةِ ا ٌْؼِ َضحِ ػََّب ٌَصِف‬

Les caractères d’Allah sont plus nombreux que les noms d’Allah, car chaque
nom d’Allah entraîne un caractère.

29
Par exemple : Le Très Miséricordieux (ar-Rahim) entraîne comme caractère la
Miséricorde. Or chaque caractère d’Allah n’entraîne pas forcement un
nom : En effet lorsque l’on admet qu’Allah parle et que par conséquent la
parole fait partie de ses caractères, et bien nous ne pourrons pas pour autant
appeler Allah : le parleur ! ! Ou encore quand Allah a dit : "Et que ton
Seigneur viendra ainsi que les anges rang par rang"S89 V22.

Dans ce verset Allah nous informe bel et bien d’un de Ses caractères qui est le
fait de venir (au jour de la résurrection), Mais en aucun cas nous ne pourrons
appeler Allah : le veneur Il en va de même pour beaucoup d’autres caractères
cités dans le Coran et la Sounnah. Après avoir reconnu les caractères d’Allah il
faut prendre garde à ne pas faire de commentaire ou de comparaison entre les
caractères d’Allah et ceux des créatures.

Allah a dit : "Rien ne Lui ressemble et Il est l’Audiant le Clairvoyant"S42 V11 .

"et nul n’est égal à Lui "S112 V4 .

De la même façon, après avoir admis qu’Allah s’est élevé sur le trône, il faut
comprendre qu’en rien ce caractère n’est comparable à ceux des créatures. [Le
Miséricordieux, est sur Son Trône établi] ; comment s’y est-Il établi 5 Il est
possible de dire pour l’istiwâ : Il S’est élevé sur/au-dessus de Son Trône (‘Alâ et
ista’lâ) ou Il S’est établi sur/au-dessus de Son Trône (Istaqarra).

Mais les caractères d’Allah Lui sont propres et spécifiques et en rien nous ne
pourrons commenter ces caractères. Allah a dit : "Il connaît ce qui est devant
eux et derrière eux alors qu’eux même ne LE cernent pas de leur science"S20
V110 Lorsque l’imam Malik fut interrogé de la sorte : « Allah s’est élevé sur le
trône, comment s’est-Il élevé ? ».

Il se mit alors à transpirer et répondit : « l’Istiwa est connu, et le comment


n’est pas accessible à la raison, et le fait d’y croire est une obligation, et le fait
d’en poser des questions est une innovation» Ainsi ce que l’imam Malik a jugé
comme innovation, c’est le fait de s’interroger sur le comment, car le fait de
demander ce qu’est l’Istiwa, n’est pas interdit bien au contraire. L’imam Malik a
dit : « Le comment est inaccessible à la raison » mais il n’a pas dit qu’il n’existait
pas, car il existe forcément un comment aux caractères d’Allah, seulement Seul
Allah le connaît.

30
CHAPITRE 2 : les SOURCES DE LA chariia

LE CORAN
• Définition:

Le mot « Coran » est la forme francisée du terme arabe « qur’an », qui renvoie
à la notion de récitation. C’est, selon le dogme, la forme prise par la révélation
faite au Prophète. Le Coran « Al-Quorane » est la racine du verbe arabe «
Quara’a » lire. Il peut être traduit par « La lecture » ou « La récitation ».

Le Coran est défini par les spécialistes comme :

« La parole d’Allah révélée à son dernier prophète Mohamed (saw), transmise


par la voie du At-Tawatur, dont la récitation constitue un acte d’adoration et
la plus courte sourate constitue un défi. Il est inscrit entre les deux
couvertures du Moushaf (recueil) de sourate El Fatiha à sourate Annas (114
sourates). »..

Cette définition nécessite quelques explications :

1 La parole d’Allah : Le Coran n’est pas la parole d’un ange ou d’un homme
mais la parole de Dieu Lui-même. Cette parole est transmise par Dieu à son
messager et serviteur Mohamed par l’intermédiaire de l’ange Gabriel (Jebril)
(as).

2 Révélée : Cela exclut la parole d’Allah non révélée. La parole d’Allah est
inépuisable. « 109. Dis : “Si la mer était une encre [pour écrire] les paroles de
mon Seigneur, certes la mer s'épuiserait avant que ne soient épuisées les
paroles de mon Seigneur » Sourate 18 : AL-KAHF (LA CAVERNE). Le Coran est
une partie de la parole d'Allah.

3. « à son dernier Prophète Mohamed (saw) » : Cela exclut toutes les autres
révélations reçues par les autres messagers et prophètes comme par exemple
la Torah qu’Allah a révélée à Moïse (as), l’Évangile qu’Allah a révélé à Jésus (as)
et les Psaumes qu’Allah a révélés à David (as).

31
4 « dont la récitation constitue un acte d’adoration et la plus courte sourate
constitue un défi » : cette phrase exclut les Hadiths Quodsi. Le sens de ces
Hadiths provient d’Allah et la formulation est faite par le Prophète Mohamed
(saw).

LE PROPHET Mohamed, n’a jamais revendiqué d’autre miracle que d’avoir


transmis la révélation.

Contenu du Coran :Le contenu du Coran peut être classé en 5 grands groupes
thématiques :

1) Le Coran contient des descriptions des œuvres de la Création. Celle-ci n’est


pas marquée négativement, mais constitue au contraire un ensemble de
"signes", dont l’agencement et les lois témoignent de la Présence d’un
Créateur, d’un Législateur sage.

2) Le Coran invite également ses lecteurs à considérer l’histoire des hommes,


dont il narre certains événements liés à la vie de peuples passés. Ces histoires
témoignent quant à elles d’un sens de la marche de l’humanité, et de
l’Existence d’un Dieu qui guide les hommes, les honore, et parfois anéantit ceux
d’entre eux qui agissent mal.

3) Le Coran décrit aussi cet Au-delà auquel il invite le lecteur à croire, l’au-delà
où chacun sera rétribué pour ses actes terrestres. Il décrit des scènes du
Jugement. Il brosse des tableaux du Paradis tout en précisant que "nul ne sait
ce qui [y] a été caché comme bonheur", laissant entendre que ce ne sont que
des approches à l’égard de l’esprit des hommes. Il décrit les horreurs de l’Enfer.

4) Le Coran contient aussi des règles juridiques : environ 3 % des versets du


Coran traitent du droit. Il y a des principes du droit cultuel, matrimonial,
familial, successoral, pénal, inter-étatique...

5) Le Coran, enfin, entreprend de discuter avec ceux qui ne sont pas


musulmans : avec les polythéistes, avec les juifs, avec les chrétiens, et avec les
hypocrites (hommes qui, à l’époque du Prophète, se déclaraient musulmans
pour des raisons sociales, mais ne l’étaient pas au fond d’eux-mêmes).

le Coran n’est pas seulement inspiré par Dieu, il reproduit littéralement la


révélation divine et éternelle, qui est consignée sur une tablette gardée au ciel

32
par les anges. Mohamed est l’instrument d’une révélation transmise
littéralement aux hommes.

Le texte du Coran est donc, selon le dogme sunnite, le Verbe de Dieu, comme
un attribut qui Lui serait coexistant. Il est incréé, un miracle, une œuvre
incomparable et inégalable.

Les sourates qui semblent correspondre à la période initiale de la prédication


sont brèves,faites de serments solennels, richement rimées, et appellent à
diverses vertus. Se côtoient des thèmes liés à la toute-puissance de Dieu, à la
résurrection, au Jugement dernier, Les sourates de la période médinoise sont
indubitablement marquées de la fonction d’arbitre que Mohamed avait été
appelé à exercer.

Le texte coranique a fait l’objet d’un immense travail herméneutique et


exégétique. La forme consacrée de celui-ci est le tafsir, du terme arabe qui
signifie interpréter. Plus qu’un commentaire, le tafsir est une exégèse qui
recourt aux traditions, à la linguistique et à la logique pour aider à la
clarification du sens des versets.

• Usages contemporains du Coran dans le droit :

Le Coran ne constitue pas une source normative très prolixe. Devant les
tribunaux, aujourd’hui, il n’est guère utilisé, sinon pour confirmer la légitimité
de règles de droit en vigueur. En revanche, son interprétation peut parfois
faire l’objet de recours, comme dans le cas de la fameuse affaire Abu Zayd.
Egyptien de confession musulmane, Nasr Hamid Abu Zayd était professeur-
assistant à la Faculté des lettres de l'Université du Caire. Auteur de nombreuses
publications, Le Concept de texte : étude en sciences du Coran, il avait
demandé, en mai 1992, sa promotion au grade de professeur.Un des trois
rapporteurs de sa candidature s’opposa à la promotion au motif qu’Abu Zayd
s'en prenait à la religion islamique et tenait des propos à l'orthodoxie
douteuse. En mars 1993, l’Université entérina cet avis.

L’affaire prit une tournure nouvelle quand un collectif d'avocats introduisit, en


mai 1993, une requête devant le tribunal de première instance, section du
contentieux du statut personnel, qui demandait que soit prononcé un
jugement séparant Abu Zayd de son épouse, Ibtihal Yunis, Egyptienne de

33
confession musulmane. Prétextant que les publications d’Abu Zayd «
contiendraient des éléments impies (kufr) le faisant sortir de l'islam(…et) le
feraient considérer comme apostat (murtadd) », ils demandaient que soient «
appliquées en son cas les règles de l'apostasie (ridda) », dont « le jugement
en séparation des époux ».

Le tribunal de première instance rejeta cette requête en soulignant que les


demandeurs ne disposaient pas de l’intérêt pers onnel exigé par la loi pour
poursuivre Abu Zayd en divorce. Le collectif interjeta appel en février 1994.

En mars 1995, la Cour d'appel invalida l'interprétation du tribunal de première


instance en estimant que cette question portait sur un droit de Dieu (haqq
Allah). Un tel droit est d’'intérêt général et concerne l'ensemble de la
Communauté (umma) islamique, tout musulman se trouvant donc en droit de
« pourchasser le mal (munkar) qui se serait produit ou de commander le bien
(ma‘ruf) qui serait en désuétude ».

Pour la Cour, les requérants demandant le divorce des époux du fait de


l’apostasie d’Abu Zayd poursuivaient un intérêt lié à l’islam. Il restait toutefois
au juge d’appel à prouver l’existence d’un fait d’apostasie commis par Abu
Zayd. Reconnaissant que le droit égyptien n’autorise pas un tribunal à juger de
l'islam d'un citoyen, la Cour affirma qu'il en va différemment quand l'apostasie
ne fait aucun doute.

A cet égard, elle érigea le Coran en étalon de mesure de l’impiété des oeuvres
d’Abu Zayd, et il ressortit que : « L'auteur dénie au Dieu Très-Haut Sa qualité de
Roi (malik), tel que c'est établi dans le Coran dans de nombreux versets … dénie
le trône et les anges soldats de Dieu, qui sont des créatures attestées par des
verset coraniques au sens clair… considère que les versets du Livre du Dieu
Très-Haut, s'ils sont compris littéralement, composent une image mythique …
dénie l'existence des démons … dénie aux génies la qualité de créatures dotées
d'une existence véritable, attestée par le Coran dans des versets au sens clair…
soutient que les versets coraniques ne constituent pas une réalité ni une vérité,
mais bien une manifestation intellectuelle de l'époque prophétique ».

En cela, pour la Cour, Abu Zayd se serait opposé à la Vérité révélée : « Le


défendeur, par ce propos, écarte les propos du Vrai — béni soit le Très-Haut !
— par lesquels Il dit, dans le Saint Coran, qu'Il est le Vrai et que ce qu'Il a révélé
34
est le Vrai, qu'Il n'a pas apporté ce qui est vain entre Ses mains ou par Ses
créatures, que l'Envoyé — que Dieu le bénisse et lui donne la paix ! — ne parle
pas en vain. Ces signes sont attestés dans le Livre du Dieu Très-Haut.

La Cour ne s'appuie ni sur l'exégèse ni sur l'interprétation, dans la mesure où


le Saint Coran constitue, en l'espèce, un ‘texte’ qui ne nécessité ni exégèse ni
interprétation ». Pour la Cour, l'ensemble de ces propos faisaient de celui qui
les tenait un apostat qui devait, en conséquence, être obligatoirement divorcé
de son épouse musulmane.

Cet arrêt fut confirmé par la Cour de cassation, mais son application fut
suspendue par le juge d’application des décisions.

LA SUNNA : LA TRADITION PROPHETIQUE

le mot "sunna" renvoie, à l'ensemble des Hadîths, autrement dit à


l'ensemble de ce que le Prophète Muhammad (sur lui la paix) a dit, a fait,
ou a approuvé. Mais ce même mot "sunna" possède également une autre
acception, voisine de la première : le mot renvoie alors à tout ce qui est
conforme à l'authenticité musulmane, que ce soit mentionné dans le Coran
ou dans les hadîths (cf. Al-Muwâfaqât, ash-Shâtibî, 2/390). Dans cette
utilisation, le mot "sunna" s'oppose alors à "bid'a", qui désigne, au
contraire, tout acte rajouté et non-conforme à l'authenticité. Ainsi, le
Prophète (sur lui la paix) a dit : "... Et celui d'entre vous qui vivra verra
beaucoup de divergences. Attachez-vous alors fermement à ma sunna et à
la voie des califes bien guidés après moi. Et faites attention aux
innovations (bid'a), car toute innovation est un égarement" (rapporté par
at-Tirmidhî).

• Pourquoi se référer non seulement au Coran mais aussi aux Hadîths ?

• Certaines personnes disent se suffire de la référence au Coran et que la


référence aux Hadîths n'est non seulement pas nécessaire, mais est
même nocive dans la mesure où on donne au Prophète la même place
qu'à Dieu en terme de source de législation suprême..

35
• 1) Ce que le Coran lui-même dit :

Le Coran parle du Prophète Muhammad (sur lui la paix) comme étant un


messager qui "enseigne (aux hommes) le Livre et la Sagesse" (Coran 2/129,
3/164, 62/2). "Le Livre" est bien sûr le Coran, que le Prophète a retransmis
aux hommes. Et "la Sagesse" désigne ici la Sunna;

• ُُ ُٙ ٍَُِّ‫َ ٌُؼ‬ٚ ُِْٙ ٍِ‫ٌَُ َضو‬ٚ ِِٗ‫ُْ آٌَبر‬ِٙ ٍٍََْ‫ ػ‬ٍُْٛ‫ُْ ٌَز‬ِٙ ِ‫الً ِِْٓ أَٔ ُفغ‬ُٛ‫ُْ َسع‬ِٙ ٍِ‫ٌَ َمذْ ََِٓ اٌٍُّٗ ػٍََى اٌُّْؤٍَِِِٕٓ ِإرْ َثؼَشَ ف‬
ٍٍِٓ‫اْ ِِٓ لَجًُْ ٌَفًِ ظَاليٍ ُِج‬ُٛٔ‫َإِْ وَب‬ٚ َ‫حىَّْخ‬ ِ ٌْ ‫َا‬ٚ َ‫ا ٌْىِزَبة‬

• Les données de la Sunna par rapport à celles du Coran :

• Par rapport aux données du Coran, celles de la Sunna :


– 2.a) soit disent exactement la même chose ;

– Exemple : tous les Hadîths où le Prophète dit que l'accomplissement de la


prière est nécessaire, ainsi que tous ceux où il dit que donner l'aumône est
nécessaire. Ceci rejoint les versets coraniques où Dieu ordonne d'accomplir
la prière et donner l'aumône (Coran 2/83, 73/20 etc.). َ‫اْ اٌ َضوَبح‬ُٛ‫َآر‬ٚ َ‫الح‬
َ‫ص‬ َ ٌ‫اْ ا‬ٍُِّٛ‫َأَل‬ٚ
accomplissez la prière ; faites l'aumône

– 2.b) soit expliquent un passage du Coran que des personnes ont, par leur
propos, montré n'avoir pas compris correctement ;

– Exemple : tous les cas où l'on voit le Prophète expliquer à certains


Compagnons ce qu'ils avaient mal compris du Coran. Par exemple le fait que le
"zulm" mentionné dans sourate Al-An'âm ne renvoie pas à tout péché, mais au
péché de shirk akbar seulement, donner des associés au Dieu comme
mentionné dans sourate Luqmân.

• َُْٚ‫ْ َزذ‬ُِٙ َُُ٘ٚ ُِْٓ َ‫ُُ اٌْؤ‬ُٙ ٌَ َ‫ٌَٰ ِئه‬ُٚ‫ُُ ِثظُ ٍٍُْ أ‬َٙٔ‫ا إٌَِّب‬ُٛ‫ٌََُْ ٌٍَْ ِجغ‬ٚ ‫ا‬َُِٕٛ‫اٌَزٌَِٓ آ‬

Ceux qui croient et qui ne ternissent pas leur foi par de l'iniquité, ceux-là sont
en sécurité et ils sont bien dirigés.

Lorsqu'il s'adressait à son fils, Luqmân l'exhortait ainsi : " O mon fils !
N'associe rien à Dieu. Lui donner des associés est une monstrueuse iniquité ".
ٌٍُِ‫ػظ‬
َ ٌٍُْ ُ‫َ ٌَ ِؼظُُٗ ٌَب ثًََُٕ ٌَب ُرشْ ِشنْ ثِبٌٍَِٗ ِإَْ اٌشِ ْشنَ ٌَظ‬َُٛ٘ٚ ِِْٕٗ‫َِإرْ لَبيَ ٌُمَّْبُْ ٌِبث‬ٚ

• – 2.c) soit détaillent ce que le Coran a évoqué de façon sommaire ;

36
– Exemple : le Coran ordonne d'accomplir la prière et de donner la zakâte, mais
ne détaille pas la façon d'accomplir la prière ni les règles relatives à cette
zakâte. C'est vers les paroles et les actes du Prophète qu'il faut se tourner pour
cela.

• – 2.d) soit apportent une condition/ restriction à ce que le Coran avait


énoncé de façon inconditionnelle/ générale ;

• – Exemple : le Coran dit que tel parent héritera de tel parent défunt.
Mais la Sunna a rajouté à cela que si le premier a tué (même de façon
accidentelle, d'après certains oulimats) le second, il n'en héritera pas.

– 2.e) soit apportent une règle que le Coran n'a pas du tout évoquée ;

– Exemple : le Coran a autorisé en soi la polygynie ou la polygamie sous


condition (Coran 4/3).

• ُُ‫َسُثَبعَ فَِئْْ خِفْز‬ٚ َ‫َ ُصالَس‬ٚ ‫اْ َِب طَبةَ ٌَىُُ َِِٓ اٌ ِٕغَبء َِضَْٕى‬ُٛ‫اْ فًِ اٌٍَْزَبَِى فَبٔ ِىح‬ُٛ‫غط‬
ِ ‫َِإْْ خِفْ ُزُْ أَالَ رُ ْم‬ٚ
ْ‫ا‬ٌُُٛٛ‫ْ َِب ٍََِىَذْ أٌََّْب ُٔ ُىُْ رٌَِهَ َأدَْٔى أَالَ َرؼ‬َٚ‫ح َذحً أ‬
ِ ‫َا‬َٛ‫اْ ف‬ٌُِٛ‫أَالَ َر ْؼذ‬

Si vous craignez de ne pas être équitables à l'égard des orphelins, épousez


deux, trois ou quatre femmes parmi celles qui vous semblent bonnes. Mais
si vous craignez de n'être pas équitables [envers elles], n'en épousez
qu'une, ou prenez femme parmi celles que possède votre main
droite. Ainsi, il est plus probable que vous ne commettrez pas d'injustice.

Cependant il a formulé l'interdiction qu'un homme soit marié simultanément à


deux sœurs (Coran 4/23).

• ‫سًا َسحًٍِّب‬ُٛ‫اْ ثَ ٍَْٓ ا ُألخْزَ ٍِْٓ إَالَ َِب َلذْ عٍََفَ ِإَْ اٌٍَّٗ وَبَْ غَف‬ُٛ‫َأَْ َرجْ َّؼ‬ٚ

Il vous est encore interdit d'avoir simultanément deux sœurs comme


épouses, exception faite pour ce qui est passé. Dieu est en vérité
pardonneur, clément.

Le Prophète a rajouté à cela l'interdiction qu'un homme soit marié


simultanément avec une femme et sa tante maternelle (al-Bukhârî, 4819).

– 2.f) par contre la Sunna n'a pas pour fonction d'abroger, à elle seule, le
contenu d'un verset du Coran et c'est bien pourquoi le principe est bien connu :

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le fait qu'un hadîth contredise formellement ce que dit le Coran, c'est l'indice
que ce hadîth est soit mawdhû', soit mansûkh.

(Par contre ce qui s'est produit c'est qu'un verset nouvellement révélé a abrogé
le contenu d'un verset précédemment révélé, et la Sunna a seulement mis en
lumière cette abrogation.

• Exemple : un verset coranique dit qu'il est obligatoire de faire un


testament en faveur de ses parents : " َ‫ْدُ إِْ رَ َشن‬ٌَّْٛ‫ح َذ ُوُُ ا‬ َ ‫حعَشَ َأ‬
َ ‫وُزِتَ ػٍََ ٍْ ُىُْ ِإرَا‬
ٍَِٓ‫فِ حَمًب ػٍََى اٌُّْزَم‬ُٚ‫َاأللْشَثٍَِٓ ثِبٌْ َّؼْش‬ٚ ٌِْٓ َ‫َاٌِذ‬ٌٍِْٛ ُ‫ّصٍَِخ‬َٛ ٌْ‫( "خٍَْشًا ا‬Coran 2/180).

Or il est connu que cette obligation a été abrogée : faire un testament en


faveur d'un ayant-droit parmi ceux qui héritent de nous a été ensuite
interdit. La Sunna dit : " ‫اسس‬ٌٛ ‫ّصٍخ‬ٚ ‫( "ال‬at-Tirmidhî, Abû Dâoûd, etc.).
Cependant, ce n'est pas ce hadîth qui a abrogé le contenu du verset. C'est
un autre verset : " ٍِْٓ َ‫ْقَ اصَْٕز‬َٛ‫حّظِ األُٔضٍََ ٍِْٓ فَئِْ ُوَٓ ِٔغَبء ف‬ َ ًُْ‫ْ َال ِد ُوُْ ٌٍِ َزوَشِ ِِض‬َٚ‫ّصٍِ ُىُُ اٌٍُّٗ فًِ أ‬ٌُٛ
َْ‫غ ُذطُ َِِّب رَ َشنَ إِْ وَب‬ ُ ٌ‫َُّب ا‬ِِْٕٙ ٍ‫حذ‬
ِ ‫َا‬ٚ ًُِ‫ٌَِْٗ ٌِى‬َٛ‫َألَث‬ٚ ُ‫َب اٌ ِٕصْف‬ٍََٙ‫ح َذحً ف‬ ِ ‫َا‬ٚ ْ‫َإِْ وَبَٔذ‬ٚ َ‫َٓ صٍُُضَب َِب رَ َشن‬ُٙ ٍََ‫ف‬
ُ‫غ ُذط‬
ُ ٌ‫حٌ َفألُِِِٗ ا‬َٛ ْ‫َاُٖ َفألُِِِٗ اٌضٍُُشُ فَئِْ وَبَْ ٌَُٗ ِإخ‬َٛ‫َسِصَُٗ أَث‬َٚٚ ٌ‫ٌََذ‬ٚ ٌَُٗ ُٓ‫ٌََذٌ فَئِْ ٌَُْ ٌَى‬ٚ ٌَُٗ " (Coran
4/11).

Pour ce qui est de vos enfants, Dieu vous enjoint d'attribuer à celui qui est de
sexe masculin une part égale à celle de deux filles. Si les filles sont plus de
deux, les deux tiers de l'héritage leur reviendront ; s'il n'y en a qu'une, la
moitié lui appartiendra. Si le défunt a laissé un fils, ses père et mère
recevront chacun un sixième de l'héritage. S'il n'a pas de fils et que ses
parents héritent de lui, le tiers reviendra à sa mère. S'il a des frères, le
sixième reviendra à sa mère,

Le hadîth n'a fait que mettre cela en lumière : " ْ‫ ثٓ خبسجخ سظً اهلل ػٕٗ أ‬ٚ‫ػٓ ػّش‬
‫ي‬ٛ‫عٍُ خطت ػٍى ٔبلزٗ فغّؼزٗ ٌم‬ٚ ٍٍٗ‫ إٌجً ّصٍى اهلل ػ‬: "‫ّصٍخ‬ٚ ‫ال‬ٚ ،ٗ‫إْ اهلل أػطى وً ري حك حم‬
‫اسس‬ٌٛ" (at-Tirmidhî).

• 3) Qu'est-ce que la Sunna apporte concrètement ?

• La Sunna montre la façon concrète de vivre les enseignements


coraniques :

• – 3.1) La Sunna détaille les enseignements du Coran, qui demeurent,


eux, souvent d'ordre général :

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Le Coran dit simplement : "Accomplissez parfaitement la prière" (Coran
73/20 etc.).Mais c'est le Prophète qui a détaillé quelles sont les invocations,
les postures et la concentration qui composent la prière ; il en est de même
concernant la zakât, le jeûne, le pèlerinage, les invocations, etc. : le Coran se
contente de mentionner sommairement ces actions, tandis que c'est le
Prophète qui les a détaillées.

• – 3.2) La Sunna définit le champ d'application des lois coraniques, en


déterminant les conditions pour leur applicabilité et les exceptions
dans leur application :

Ainsi en est-il des conditions d'applicabilité de certaines peines mentionnées


telles quelles dans le Coran

– 3.3) La Sunna offre les repères humains pour la mise en pratique


d'enseignements qui, sinon, demeureraient fort théoriques car n'existant
que sous formes de phrases dans un Livre :

Ainsi, le Coran dit : "Accomplissez parfaitement la prière" (Coran 73/20


etc.) et fait les éloges de "ceux qui, dans leur prière, sont dévoués" (Coran
23/2). Mais voilà des paroles qui resteraient très théoriques pour nous si
nous n'avions pas de repères humains quant à la façon de les vivre.

• – 3.4) La Sunna offre aussi le modèle humain pour la mise en pratique


de l'ensemble des règles qu'offre le Coran

Elle induit un équilibre en plaçant chaque enseignement à sa place et en


prévenant les risques d'excès. C'est bien le Prophète qui a enseigné comment à
la fois être dévoué à Dieu, s'engager pour Sa cause, et avoir une vie humaine
normale. Sans ce modèle, les musulmans se consacreraient à un enseignement
coranique au détriment de tous les autres.

– 3.5) La Sunna offre une dynamique dans la mise en œuvre des


enseignements coraniques :

Certains enseignements du Coran ne sont applicables que lorsque certains


points ont pu être réalisés. C'est la référence à la Sunna qui permet de le
comprendre. Tout ceci fait que le rapport entre les éléments communiqués par

39
la Sunna et les éléments du Coran est comparable (toutes proportions gardées)
au rapport existant entre la loi, décidée par l'autorité législative du pays, et le
décret d'application de cette loi, décidé par l'autorité exécutive du même
pays.

• 4) Les éléments de la Sunna ont-ils pour source la révélation divine, ou


bien sont-ils le fruit d'un raisonnement du Prophète ?

• Ce que le Prophète a transmis aux hommes de texte coranique a pour


source la révélation divine : le contenu (le message) et le contenant (les
termes) du texte coranique lui ont été communiqués par Dieu.

• Mais qu'en est-il des paroles personnelles qu'il a laissées aux hommes
(autrement dit de la Sunna) : le contenant est sien, mais qu'en est-il du
contenu : est-ce le fruit de sa réflexion personnelle ou bien est-ce
quelque chose que Dieu lui a communiqué ?

• Différentes catégories doivent être distinguées…

• – 4.1) Ce que le Prophète a enseigné qui se rapporte aux choses


purement 'âdî ne relève à l'unanimité pas d'une révélation mais de son
savoir humain :

Ce qu'il a dit de cette catégorie relève de ses connaissances personnelles et


Dieu n'intervient pas en cas d'erreur de sa part à ce sujet : le récit de sa
remarque à propos de la fécondation des dattiers est bien connu (cf. Hujjat
ullâh il-bâligha 1/372-373

4.2.1) Les paroles du Prophète relatant des paroles de Dieu ne figurant pas
dans le Coran (hadîth qudsî), ou décrivant des scènes de la dimension
invisible ou prédisant des événements futurs sont toutes le fruit d'une
révélation divine reçue par le Prophète, mais sans qu'il s'agisse de texte
coranique. Cependant, si le sens en est bien d'origine divine, les mots
exprimant ce sens sont ceux du Prophète.

--- 4.2.2) Les propos du Prophète offrant des règles juridiques (ahkâm) sont
quant à eux de 2 types :

----- 4.2.2.1) Certains de ces propos sont le résultat d'une révélation divine
reçue par le Prophète.
40
De nouveau, cela relève de ce que nous avons décrit : le sens est d'origine
divine, les mots sont ceux du Prophète - Ainsi, à propos de la question de savoir
si les épouses du Prophète pouvaient ou non sortir, Omar souhaitait que non ;
il interpella Sawda à ce sujet : "Sawda, par Dieu, on peut te reconnaître ! Vois
toi-même comment tu sors (si tu dois sortir) !" Sawda revint alors sur ses pas. :
"Le Prophète était chez sa femme aicha,. Sawda entra et dit : "Messager de
Dieu, j'étais sortie pour quelque chose, et Omar m'a dit telle chose." Le
Prophète reçut alors la révélation ;; il dit alors : "Il vous a été permis de sortir
pour faire ce que vous avez besoin de faire"" (al-Bukhârî 4517).

4.2.2.2) Par contre, d'autres propos du Prophète sont, eux, le résultat de ce


qu'il a déduit des principes généraux de la législation islamique qui lui ont été
enseignés par Dieu.

Ainsi, le Prophète pensa pendant un temps dire aux femmes musulmanes de


ne pas allaiter un nourrisson pendant une grossesse, car il pensait que pareil
allaitement risquait d'affaiblir les nourrissons ; mais ensuite, relate-t-il lui-
même, il remarqua que d'autres peuples le faisaient (les Byzantins et les
Perses) sans que leurs nourrissons en soient affectés, et il ne formula pas
l'interdiction (Muslim, 1442).

Il s'agit bien d'une réflexion, d'un ijtihad. Le principe général extrait du Coran
est clair : il est interdit de faire ce dont on sait que cela causera du tort à la
santé. L'application de ce principe à des cas concrets dépend pour partie de la
connaissance de ce qui se passe lors de ces cas concrets : le Prophète avait
pensé interdire tel cas mais ensuite modifia son raisonnement. Il s'agit bien,
souligne an-Nawawî, d'une réflexion sur la base d'un principe (ijtihâd). C'est à
ce sujet que ash-Shâfi'î disait : "Ce que le Prophète a dit est chose qu'il a
comprise du Coran" (Tafsîr Ibn Kathîr, tome 1 p. 6, Al-Itqân, p. 1025).

• Il est à noter qu'il y a deux différences entre les ijtihads du Prophète


menés sur la base des principes coraniques et ceux des ulémas menés
sur la base des textes du Coran et de la Sunna...

• – La première différence est que les ijtihads du Prophète ont valeur


formelle (qat'î), alors que ceux des ulémas (hors cas de consensus) n'ont
pas la même valeur.

41
• – La seconde différence est que les ulémas doivent fonder leur ijtihad
sur une règle extraite des textes du Coran et de la Sunna, sur la base d'un
principe ('illa) présent dans le cas stipulé dans un texte particulier, ou
d'un principe général (maslaha mursala). Ils ont eux-mêmes demandé à
leurs élèves de vérifier leurs arguments avant de répéter leurs avis.

• Alors que le Prophète, lui, menait ses ijtihads à partir des principes
généraux qui président à l'ensemble de la législation islamique –
principes que Dieu lui avait enseignés directement –, et non pas
forcément à partir d'un principe extrait d'une règle détaillée figurant
dans un verset (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/371-372).

• Est-ce Dieu ou bien le Prophète qui légifère ?

• L'islam enseigne que le droit de légiférer (de rendre permis, obligatoire


et interdit) de façon absolue revient à Dieu. Dieu, dans le Coran, affirme
que certains non musulmans ont pris "leurs savants, leurs moines et le
Messie fils de Marie comme des divinités (rabb) en dehors de Dieu"
(Coran 9/31). ْ‫ا‬ُٚ‫ََِب أُِِش‬ٚ ٌََُ ْ‫َاٌْ َّغٍِحَ ا ْثَٓ َِش‬ٚ ٌٍِّٗ‫ِْ ا‬ُٚ‫ُْ أَسْثَبثًب ِِٓ د‬ُٙ َٔ‫َسُْ٘جَب‬ٚ ُُْ٘ َ‫اْ َأحْجَبس‬ُٚ‫خز‬
َ ‫ا َر‬
َُْٛ‫َ عُ ْجحَبَُٔٗ ػََّب ٌُشْ ِشو‬ُٛ٘ َ‫حذًا الَ إٌََِٗ إِال‬
ِ ‫َا‬ٚ ‫ًب‬ٌَِٙ‫اْ إ‬ُٚ‫إِالَ ٌِ ٍَؼْ ُجذ‬

• 'Adî ibn Hâtim, intrigué par le contenu de ce verset, questionna le


Prophète Muhammad (sur lui la paix) au sujet de ce que pouvait signifier
"avoir pris des moines comme divinités". Le Prophète lui fit la réponse
suivante : "Ils ne rendaient sans doute pas un culte [sous forme de
prosternation etc .] à ces moines, mais lorsque ces derniers leur
déclaraient quelque chose permis, ils le considéraient permis. Et
lorsqu'ils leur disaient que quelque chose est interdit, ils le
considéraient interdit" (at-Tirmidhî, 3095).

• Usages juridiques contemporains de la Sunna

• judiciarisassions de la Tradition du Prophète

• L'excision ‫خخبْ االٔبد‬

• Circoncision ‫خخبْ االطفبي‬

• hadith d'Abou Hourayra a dit que le Prophète a dit:

42
• "La nature innée comporte ces cinq traits: la circoncision, le rasage du
pubis, la taille des ongles, l'épilation des aisselles et le rasage des
moustaches .«

• Il est rapporté d’après le Prophète :

« La circoncision est une sunna pour l’homme et un honneur pour la


femme »

L'excision a fait l'objet en Egypte, en juillet 1996, d'un arrêté du ministre de la


Santé stipulant que « la pratique de l'opération d'excision des filles est
interdite, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les cliniques publiques ou
privées, sauf dans les cas pathologiques décidés par le directeur du
département de gynécologie et obstétrique et sur proposition du médecin
traitant » ; et aussi que « la pratique de cette opération par des non-médecins
est un crime puni conformément aux lois et règlements » L’arrêté, qui
prohibait l'excision dans les hôpitaux et reproduisait une interdiction
antérieure faite aux non-médecins, ne constituait qu'une nouvelle mesure dans
l'histoire déjà longue et infructueuse des campagnes contre cette pratique. Le
décret du ministre suscita toutefois un débat relativement passionné dans une
société où la pratique de l'excision est encore très répandue. De la même façon
que dans l'affaire Abu Zayd,et bien qu'aucun individu ne fut l'objet désigné de
l'action, ce fut un groupe de personnes qui introduisit la requête devant le
tribunal administratif du Caire,par laquelle ils demandaient que l'arrêté du
ministre soit suspendu et annulé. Pour justifier leur requête, ils invoquèrent
plusieurs arguments : la contravention de l'arrêté à l'article de la Constitution
faisant des principes de la charia islamique la source principale de la législation
;

l'accord des jurisconsultes (fuqaha',) sur la légitimité de l'excision comme


tradition prophétique – jurisconsultes qui ne discutent que de son caractère
obligatoire (wajib) ou recommandé (mandub) ; l'impossibilité faite au
gouvernant de revenir sur une disposition coranique ou sur une règle
obligatoire ou recommandée en droit musulman.

Dans son jugement de juin 1996, le tribunal administratif, après avoir discuté
de la question de l'excision au regard du droit musulman et en s’appuyant sur
un avis consultatif (fatwa), trancha en faveur des requérants.Le ministre de la
43
Santé fit appel contre cette décision devant la Haute Cour administrative, qui
rendit son jugement en décembre 1997.

Le jugement de la Cour s'organise autour de plusieurs questions, dont celle de


l'étendue du pouvoir du ministre à interdire des coutumes justifiées par la
charia et, entre autre, la Tradition prophétique. En la matière, la Haute Cour
administrative suivit la distinction opérée par la Cour constitutionnelle entre les
principes de la charia n’autorisant aucune interprétation et ceux laissant la
porte ouverte au raisonnement. En l'absence de toute règle absolue, dit la Cour
en substance, le législateur est autorisé et même tenu d'exercer son
raisonnement interprétatif (ijtihad) en fonction des conditions de temps et de
lieu. S'agissant de l'excision, la question est alors de savoir de quelle nature
sont les règles la prescrivant. La Cour souligne ici l'absence d'unanimité des
jurisconsultes et le caractère faible des traditions invoquées. Pour elle, il ne
peut donc s'agir d'une règle absolue et l'intervention du législateur est de ce
point de vue parfaitement légitime.

• Le consensus ‫اإلجّبع‬
Dès la période de formation des écoles doctrinales, le raisonnement et
l’opinion apparurent associés à la notion de consensus (ijma‘) Le consensus de
savants installés dans les cités étroitement liées à l’islam naissant s’avéra
particulièrement important. Il s’agissait d’hommes avant tout connus pour leur
piété et leur comportement exemplaire. Leur étude de la normativité fut
parfois liée à une pratique de juge, mais elle eut plutôt tendance à se
concentrer à un niveau doctrinal.

Aussi il faut noter qu’ Aussitôt après Ia mort du Prophète, un problème capital
s'était posé, ils' agissait de nommer un chef social et de designer le successeur
de Mohamed. les musulmans ont tranchée cette question principale au moyen
d'une simple opinion collective.

Dans une réunion publique, ils ont élu le premier Khalife et pare à un grand
danger qui menaçait leur communauté. Ce fait historique est a l'origine d'une
troisième source de droit,-a savoir Al-ljmaa' Au cours du temps, le rôle de
l'opinion individuelle ou collective dans la législation de l'Islam va en croissant.
Toutes les fois qu'une question d'ordre civil ou pénal se présente sans avoir Un

44
antécédent ·dans les textes coraniques et sunnites, on porte sur elle un
jugement, soit d'après l'opinion d'une seule personne, soit d'après, une opinion
commune à quelques-uns.

Aux premiers temps de l'Islam, lorsque Médine était la capitale du, Monde
musulman et le centre ou résidaient les savants compagnons du Prophète, on
appelait consensus l'accord de ces savants sur un cas déterminé.Mais, après
l'extension de I’État .musulman, et la pluralité des centres de culture a partir de
la dispersion des compagnons entre . !'Arabie, l'lrak, Ia Syrie et I'Egypte, les
jurisconsultes se trouvèrent devant deux conceptions différentes du
consensus:

- La première conception garde toujours à Medine sa primauté et ne fait pas


état des autres centres de culture au sujet du consensus. EIIe définit donc le
consensus comme l'accord effectue par les savants de Médine concernant
une affaire déterminée.

- Quant à Ia deuxième conception, elle considère que l'accord des savants de


Medine ne suffit pas a lui seul pour opérer un consensus. Un consensus qui
constitue une source de droit ne se réalise qu'a partir d'un accord de tous les
savants de la communauté de tous les pays musulmans a une époque
déterminée sur une question nommée.

• Divisions du consensus :

Le consensus se divise, d'après la manière dont il s'accomplit, en deux


sortes:

-·Consensus expressif (Qawly): Cet ljma" consiste en ce que tous les


jurisconsultes de Ia communauté musulmane s'accordent a une époque
déterminée pour déclarer que telle chose a un caractère licite ou prohibe,
obligatoire ou recommande. Ce genre de consensus est unanimement admis en
tant que valeur probante et à force de loi.

Consensus tacite (Sukouty): C'est Ia diffusion d'un acte ou d'une parole d'un
jurisconsulte, accompagnée par le silence des jurisconsultes, a condition que ce
silence existe en connaissance de cause.

45
Sur ce genre de consensus les avis sont partages: les hanafites lui accordent
une valeur probante; quant aux chafi'ites, ils ne Considèrent pas ce genre
comme consensus ayant force de loi, on ne peut établir un consensus qu'après
avoir recueilli les avis de tous les jurisconsultes" sur la question et constate
·leur accord"-commun·

Le consensus se divise, selon son fondement, en deux genres:

- Consensus traditionnel (Naqly): · C'est l'accord de tous les jurisconsultes pour


transmettre un précepte religieux établi sur une preuve du Coran ou de la
Sunna.

il est clair que ce genre de consensus n'a rien avoir avec le raisonnement
inductif; c'est pourquoi -il est unanimement admis par les jurisconsultes en tant
qu'autorité législative.

-Consensus rationnel ('Aqly): C'est l'accord de tous les jurisconsultes pour


établir une règle juridique a partir d'un raisonnement inductif. A ce genre de
consensus les malikites et .les hanafites accordent une valeur probante;
les·chafi 'ites En revanche n'admettent ·pas qu'un consensus rationnel puisse
se réaliser.

• 3 - Réalisation du consensus :

Est-il possible qu'un consensus s'établisse après l'extension de I’ État


islamique et Ia dispersion des jurisconsultes dans plusieurs pays?

- Pour les malikites; qui n'exigent pas I' accord de tous les savants de Ia
communauté, le problème est simple: le consensus est réalisable et même
déjà réalisé. - Les hanafites; qui simplifièrent les conditions du consensus et
qui prennent pour autorité législative le consensus tacite, soutiennent que
Ia réalisation du consensus n'est pas impossible.

- Fidele à sa rigueur en cette matière, al-Chafi'ites exige, pour qu'un


consensus ·soit établi, l’accord de tous les savants de tous les pays
musulmans et que cet accord soit expressif et non tacite. Par conséquent , il
ne reconnait pas l'existence d'un consensus rationnel, étant donné
l'extension de I’ État, la dispersion des .. savants dans plusieurs pays et

46
l'impossibilité d'établir entre eux un accord commun sur des questions au
sujet desquelles les appréciations rationnelles différents.

• -_Place du consensus parmi les sources :

• Le -consensus ·constitue-t-il, par lui. Même ;·une source·du-droit? Ou


doit-ils s'appuyer sur un texte du Coran ou de la Sunna? Les uns estiment
que le consensus peut constituer par lui-même une autorité législative
indépendante du Coran et de la Sunna . Les autres affirment que le
consensus ne peut s'établir qu'a partir d'un texte coranique ou d'un
hadith.

• Quoi qu'il en soit, le consensus tient sa place après le Coran et la Sunna:


cela est évident pour ceux qui exigent que le consensus soit appuyé sur
le Coran ou Ia Sunna.

• Quant à ceux qui le tiennent pour une source indépendante, ils ne


peuvent lui conférer qu'une place qui vient après les deux premières
sources, étant ·donne leur autorité.

• L'Ijmaa' est la troisième Source principale de la législation islamique:


principale car les jurisconsultes lui accordent en tant que -valeur -
probante- force de loi égale a celle du Coran et de la Sunna, et troisième,
car dans la législation musulmane le Coran et Ia Sunna ont toujours la
Primauté.

• LES SOURCES COMPLEMENTAIRES

• Dés le début de l'Islam, les jurisconsultes se rendirent compte de Ia


nécessité de soumettre l'ijtihad à des règles bien définies, afin que les
opinions ne se contredisent pas d'une façon qui aurait abouti à l'anarchie
dans la législation et la jurisprudence. cette partie qui se divise en trois
éléments: le raisonnement par analogie, la préférence juridique et
l'appréciation libre.

• Le caractère complémentariste de ces sources est évident, d'abord parce


qu'elles ne contiennent pas· des jugements mais constituent simplement
des critères; ensuite parce qu'on ne doit a voir recours à elles qu'au cas
ou I' on n'aurait pas trouvé de solutions dans les sources principales.

47
• LE RAISONNEMENT PAR ANALOGIE ‫اٌمٍبط‬

• L'effort inductif fonde sur un raisonnement par analogie consiste à fixer


les motifs de chaque jugement établi afin de constituer un critère
servant à déduire des règles juridiques, outre celles énoncées dans les
textes. Le raisonnement par analogie est dont l'instrument qu'on utilise
pour opérer cette déduction.

• Définition des qiyass

• Le raisonnement par analogie consiste à rapporter un cas d'espèce à un


cas-type, en vertu d'un lien qui les unit au point de vue de la régie
juridique à laquelle ils doivent être soumis. (48) D'après cette définition,
il y a quatre éléments essentiels qui forment le qiyas:

• - Le principal ou le cas sur lequel on établit l'analogie.

• - Le cas d'application dérivé.

• - La règle juridique du cas qui sert de base a l'analogie.

• - Le motif, c'est-a-dire la raison pour laquelle un jugement est établi. II


faut qu'il requiert trois conditions:

• 1 ;qu'il s'agisse d'une qualité apparente perceptible par le sens.

• 2; qu'il soir bien délimite, afin qu'on puisse le reconnaitre dans le cas
dérivé.

• 3; qu'il soit a même de susciter un tel jugement.

• illustrons le raisonnement par analogie avec l'exemple suivant:


l'interdiction du vin en raison de son caractère enivrant; enivrant, c'est le
motif. Si d'autres boissons fermentées présentent ce même caractère,
elles encourront la même interdiction, en vertu du raisonnement par
analogie.

• Valeur probante du qiyas:

• Les avis des jurisconsultes sont partages au sujet de la valeur probante


du raisonnement par analogie, selon la nature de son motif: Si le motif
est expressément mentionné dans un texte du Coran ou de la Sunna, le
48
qiyas fondé sur lui a, de l'avis de tous les jurisconsultes, une valeur
probante et force de loi. Et si le motif n'est pas mentionne dans un texte
mais simplement déduit, Ia majorité des jurisconsultes reconnait au qiyas
fondé sur lui, Ia même autorité législative, tandis que les
(mu'tazi"lite ‫ ) اٌّعخضٌت‬les (Zahirite ‫ ) اٌظب٘شٌت‬et certains parmi les chi'ites,
se refusent à le considérer comme source de droit.

• Rapport entre le-qiyas et les sources principales:

• Est-il-Possible que le raisonnement par analogie abroge un jugement


énoncé par un texte du Coran ou de la Sunna ou établit par un
consensus? Les jurisconsultes répondent à cette. question par la
négative : pour deux raisons :tous d’abord , parce que l’abrogeant doit
avoir la même valeur que l’abrogé ; or, le coran la Sunna et le consensus .
sont nettement supérieurs en valeur et en autorité au qiyas, il n est donc
pas question que l’inferieure abroge le supérieur."

• 'Et ensuite parce que l'abrogeant doit être un texte or le qiyas n'est
pas un texte, mais un raisonnement inductif, donc, il n'est pas habilite à
abroger un jugement énonce par un texte.

• Une autre question se pose ici: est-il possible qu'un qiyas soit abroge par
on consensus ultérieur ou par un qiyas différent? A cette question, les
jurisconsultes répondent ainsi:

• Si un consensus est établi sur un jugement qui différent de celui de la


fondé sur un qiyas précédent, il faut abandonner ce qiyas pour appliquer
le consensus. car la priorité, d'un consensus, traditionnel ou rationnel,sur
une opinion qui n'a pas acquis l'unanimité, est évidente.

• Si après un qiyas qui a été établi, un autre qiyas vient prononcer un


jugement qui diffère de celui énonce par le premier, le nouveau qiyas n'a
force de loi que pour ceux qui seront convaincus qu'il doit être préféré
au premier.

• INTÉRÊT ABSOLU Al-Maslaha Al-Mursala -

Il est composé de deux termes : « Al-Maslaha » qui signifie intérêt, profit ou


avantage, et le terme Mursalah qui veut dire absolu. Quant aux
49
jurisconsultes, ils le considèrent comme étant une chose qui n'est ni
interdite ni ordonnée par un texte clair, qu'il soit du Coran, de la sunna ou
de l'ijmâ'a, mais elle constitue un intérêt général.

Les malikites considèrent Al Maslaha Al-Mursalah comme l'une de ses


principales références additionnelles et on estime que c'est aussi une des
spécificités de Mâlik. Il est à rappeler que la sharî‘a a été établie par Allah
pour sauvegarder cinq principes fondamentaux de l'homme : La
religion ٌٓ‫اٌذ‬, la vie ‫اٌحٍبة‬, La conscience ً‫اٌعم‬, les biens ‫اٌّبي‬, et la
descendance ً‫إٌس‬. Il peut arriver que l'on ait un principe à sauvegarder qui
n'a pas été prévu par la charia.

Mâlik essaie de le rapprocher des cinq principes fondamentaux. Si elle


rentre sous le cadre des cinq principes sans risquer de nuire à l'un d'eux, il
l'applique et la préconise. L'histoire de la législation islamique en compte
plusieurs exemples, surtout dans l'époque des quatre califes : Abou Bakr
n'avait-il pas ordonné la réunification des divers objets (pierres, peaux)
contenant les différentes sourates du Coran ? Et pourtant le Prophète ne
l'avait jamais fait de son vivant. Abou Bakr n'avait-il pas mené une guerre
sans merci, au début de son règne contre ceux qui refusaient de s'acquitter
de la Zakat ? Quant à Omar Ibn Al Khatab, il était le plus grand utilisateur
d'Al Maslaha Al Mursalah. Il avait entériné la triple répudiation prononcée
en une seule formule, créé des prisons, gelé l'application de la loi sur la
punition du voleur (qat'ou al yadd) pendant la période de disette. Omar ibn
Abd Al Aziz avait interdit aux gens d'acheter des terres à Mina et d'y
construire des maisons car cela réduirait la place pour les pèlerins. Autant
d'exemples que nous ne trouvons ni dans le Coran ni dans la sunna, mais qui
constitue un intérêt général pour la communauté musulmane ou pour un
individu. Cependant l'école malékite émet quelques réserves quant à
l'application de ce principe pour empêcher d'éventuelles erreurs ou
dérapages, ou tout simplement des fatâwâ fondées sur la passion des
jurisconsultes. Mâlik impose trois règles pour son application :

• 1- ce nouvel avantage ne doit pas contredire une base fondamentale de


l'islam, ni une des preuves absolues de la législation.

50
• 2- ce nouvel avantage doit être logique et acceptable par l'esprit et la
raison

• 3- cet avantage doit lever une gêne comme le prescrit le verset 22


chapitre 22 : ‫حشَس‬
َ ِْٓ ٌّٓ‫عٍَ ٍْىُُْ فً اٌذ‬
َ ًَ‫ج َع‬
َ ‫َِب‬ٚ et Il ne vous a imposé aucune
gêne dans la religion.

• En application de ce principe, Mâlik a accepté le témoignage des enfants


s'il s'agit de préserver l'intérêt d'une personne et qu'il n'y a pas d'autres
témoins. Quand on lui demanda quoi faire quand un vendeur mélange le
lait avec de l'eau, il préconisa de le distribuer aux musulmans pour qu'ils
en profitent. Alors qu'Omar avait dans le même cas jeté le lait.

• A la suite d'Ash-Shâtibî (m. 790), le savant andalous de l'école malékite,


qui a contribué à sa rénovation par le concept d'al-masâlih al-mursala
selon lequel la décision juridique qui répond à une nécessité est
considérée comme correspondant à l'objectif ultime de la sharî‘a. Il
élabore une méthodologie juridique fondée sur l'appréciation du degré
d'utilité (maslaha) d'un bien. Cela devient l'idée maîtresse de l'école
mâlikite. Par suite, il mentionne cinq principes fondamentaux, appelés
les finalités politiques de la sharî‘a : l'équité (al-qist), la justice (al-‘adl), la
concertation (shûrâ), l'obéissance, le commandement du bien et
l'interdiction du mal.

• ) LA PREFERENCE JURIDIQUE ْ‫االعزحغب‬

• 1 - Définition :

• _ La préférence juridique (istihsan) est ainsi définie par un des juriste


hanafite : c'est de donner à un cas juridique une solution autre que celle
applicable aux cas semblables, pour une raison plus importante qui
justifie ce traitement différent.

• En effet, il y a deux genres de préférence juridique:

• - Préférence juridique fondée sur le qiyas Elle consiste à soustraire un cas


juridique à la régle générale du qiyas, pour lui donner une autre
solution en vertu d'un autre qiyas dont le motif, plus subtil , l'emporte
sur celui de premier.

51
• Préférence juridique fondés sur Ia nécessité: Elle consiste a soustraire un
cas juridique a la règle générale du qiyas, dont l'application aurait
provoqué un inconvénient, pour lui donner une autre solution dictée par
Ia nécessite en vue de repousser l'inconvénient.

• L'exemple qu'on donne ici, c'est la vue de Ia nudité dans un traitement


médical. La règle général interdit de porter les regards sur la nudité de
quiconque, mais, en vertu de l'istihsan, Ia vue de Ia nudité pour des
raisons médicales est permise a fin de-repousser l'inconvénient et de
réaliser l'utilité.

• Valeur probante de l'istihsan :

• Les malikites admettent l'istihsan et le tiennent pour une source


indépendante de la Législation islamique. ils se justifient en disant que le
recours a l'istihsan pourrait libérer les juristes du jour d’un qiyas dont
l’application a certains cas particuliers aurait provoqué un inconvénient
ou empêche un intérêt. On voit ainsi que l'istihsan, tel que les malikites
le préconisent; est proche de l'appréciations libre (istislah), mais ils le
présentent" comme une exception particulière qui s'oppose a une règle
générale.; a la différence de l'appréciations libre qui, lorsqu'on a recours
a elle, sera seule prise en considération, indépendamment de tout autre
indice. Vis-à-vis de l'istihsan, l'attitude des hanafites, dans son
ensemble, ne diffère pas de celle des malikites.

• L' imam al chafi'i récuse catégoriquement l'istihsan. ll consacra même à


sa réfutation une section de son grand ouvrage (ai-Umm). Nous n'avons
pas a citer ici tous les arguments dont il a use a ces fins. En somme, a son
avis, l'istihsan n'est pas régi par une règle rigoureuse dont les critères
permettraient de distinguer le vrai du faux si l'on autorisait chaque juge
ou juriste a donner libre cours a son estimation personnelle‘ pour toutes
les questions non mentionnées dans les textes. il y aurait des jugements
contradictoires a propos d'un même problème selon la préférence de
chacun.

52
• L'APPRECIATION LIBRE ‫االسخصالح‬

• 1- Définition : -·

• L'appréciations libre ( lstislah) constitue un genre du jugement fondé sur


l'intérêt majeur, et concernant certaines questions auxquelles le Coran,
Ia Sunna, le consensus et le qiyas n'ont pas fourni de solution. Toutefois,
les solutions apportées a ces questions doivent s'inspirer des règles
générales du droit musulman: Celles- ci affirment qu'une question
dénuée d'utilité ne peut relever de la législation islamique. A titre
d'exemple, nous citons le verset: "Dieu ordonne I'Equite et Ia
Bienfaisance .... " (59), et !e hadith qui déclare: " II n'est permis de nuire
a personne .... "

• Valeur probante:-

• Les jurisconsultes ne sont pas unanimes a admettre le recours à


l'appréciation libre. On ne peut donc etablir sa valeur probante qu'apres
avoir expose les avis différents:

• - Les chafi'ites n'admettent pas l'istislah comme source du droit; cela


releve de leur attitude générale de jurisconsultes: ils fondent leurs
jugements uniquement sur un texte ou sur un qiyas se référant a un
texte.

• Néanmoins, leur refus de l'appréciation libre ne signifie pas qu'ils


refusent les solutions que les autres jurisconsultes ont basées sur-cette
appréciation, car a leurs yeux, ces solutions relèvent, en réalité, du qiyas
lato sensu.

• Cependant, constatant que la divergence porte non sur les solutions


adoptées, mais sur leur fondement, al-Ghazali pourtant éminent
jurisconsulte chafi'ite, a préconise le recours a l'istislah, en exigeant
toutefois que l'interet qui lui sert de base réalise trois conditions:

• - Qu'il implique une nécessité, c'est-a-dire qu'il soit indispensable au


maintien de la vie.

• - Que l'intérêt soit certain, ni conjoncturel, ni fictif.-

53
• Que l'intérêt a considérer soit général.

Une fois ces trois conditions remplies, alGhazali admet la validité de


l'istislah.

• - Les malikites admettent purement et simplement le recours a


l'appreciation libre, sans exiger ni conditi.ons, ni support d'un texte ou
d'un qiyas.

• II en va de même pour les hanbalites, bien qu'ils considèrent


l'appréciation libre comme une catégorie de qiyas.

• Pour les hanafites, rien n'indique qu'ils ont fait usage de l'appréciation
libre.

Cependant, ils reconnaissent l'istihsan comme source du droit, et par Ià, ils
soustraient certains cas a Ia règle juridique généralement applicable aux cas
semblables pour une raison qui l‘emporte a leurs yeux sur cette règle; cette
raison relève de la nécessite ou de l'interet. Nous pouvons donc conclure que
les hanafites ont recours a l'istislah sans le nommer, car celui qui se permet de
soustraire un cas à Ia règle générale ne saurait s'interdire de se livrer- a
l'appréciation libre, la ou il n'y a pas de règles applicables aux cas semblables.

54
Chapitre 3 : ECOLES JURIDIQUES
Aux premiers temps de l'Islam, les jurisconsultes ne cherchaient pas a
édifier des théories générales qui embrassent les faits présents ou a venir,
réels ou supposés, mais ils s'intéressaient plutôt à l'examen des problèmes
qui se posent , afin de les pourvoir de solutions conformes à la chari'a.
L'institution des règles légales touchant les rapports de l'lslam conquérant
avec les peuples soumis tenait la première place dans l'établissement des
dispositions nouvelles; simultanément, il y avait aussi à régler dans toutes
ses ramifications la vie interne religieuse et légale, de la communauté .

En Syrie, en Égypte et en Perse, on avait à démêler d'anciennes coutumes


locales fondées sur de vieilles civilisations, et parfois à concilier des droits
héréditaires et des droits nouvellement acquis. II fallait, en un mot,
soumettre à une discipline la vie légale de l'lslam, tant au point religieux
qu'au point de vue civil. Aujourd'hui encore il subsiste quatre tendances
doctrinales, séparées par de petites divergences rituelles et légales, entre
lesquelles se partage Ia plus grande partie du monde musulman.

• L'école Hanafite

• L'origine de cette école remonte à Abdullah b.Mas'od, un des plus savant


parmi les compagnons du Prophète. B.Mas'od s'inspirait largement dans
ses solutions des appréciations libres basées sur l'esprit de l'lslam). II
mentionnait rarement les textes de la Sunna. Cette tendance s'explique
par le recommandations faites par le Calife 'Umar aux compagnons avant
leur départ pour l'lraq: "ne détournez pas les musulmans du Coran pour
la Sunna; occupez-vous du Coran et citez peula Sunna"

• Ainsi, l'école hanafite portait l'empreinte de l'école rationaliste


enseignée par B.Mas'od. AboHanifa, ne à Kufa (80h/699) et mort à
Baghdad (150/767). fut élève sous la direction qui disciples de B.Mas'od.

• Cependant, l'école hanafite n'eut pas la tendance rationnelle extrémiste


parce qu 'elle se basait quand même sur les hadith justifies par ses

55
propres conditions rigoureuses. On sait qu'Abo Hanifa fonda une grande
académie de droit de 40 membres, afin de rédiger un code du droit
musulman/

• L'école Malikite

• Cette école eut pour fondateur I 'imam Malik, ne en (93h/712) et mort


en (179h/795), contemporain d'Abo Hanifa. Elle débuta à Medine dans
le milieu auquel elle doit ses caractéristiques.Étant Ia ville du Prophète,
Médine fut habitée par des milliers de compagnons et de leurs disciples,
instituteurs et transmetteurs de Ia Sunna. Aussi, tous les actes de
Médine furent légalises directement par des lois prophétiques dont
l'usage traditionnel, depuis la mort du Prophète, fut considère comme
indiscutable.Toutefois, I' école malikite n 'était pas traditionnelle a I'
extrême, car elle s'inspirait, faute du textes, du raisonnement inductif ,
mais elle y recourait rarement et quelquefois ses disciples s'en
méfiaient.

• L'école Chafi'ite

• L'école chafi'ite eut pour fondateur l'lmam AI-Chafi'i, ne a Gazza en


(150/767) et mort en (204h/819). AI-Chafi'i fut amené deux ans après sa
naissance a la Mecque ou il fut élevé et fit de brillantes études jusqu'a ce
qu'il devint un jurisconsulte. II gagna Médine pour suivre les cours de
l'lmam Malik jusqu'a Ia mort de ce dernier (. En Iraq, AI-Chafi'i rejoignit
Muhammad b. AI-Hassan, l'un des plus brillants disciples d'Abo Hanifa et
représentant suprême de l'école hanafite. II étudia chez b. AI-Hassan
tous les gigantesques ouvrages élaborés d'après la méthode hanafite et il
engagea avec l'auteur des discussions savantes .

• Le grand savant B.Hajar en disait: "A Medine, la science du droit a fini par
avoir pour chef l'lmam Malik et en Iraq Abu Hanifa. AI-Chafii a cumulé Ia
méthode de l'école traditionnelle et celle de l'école rationnelle, puis il en
a fait une troisième différente en formulant les principes et élaborant les
règles"

• En Égypte, AI-Chafi'i constitua sa nouvelle doctrine et précisa la méthode


de son école dans un ouvrage intitule "Ar-Risala." C'est une innovation

56
par laquelle le mouvement jurisprudentiel dépassé le domaine des
discussions sur les solutions mêmes pour préciser d'abord les principes
généraux qui doivent être observes dans les raisonnements; c' est plutôt
une innovation par laquelle on a abouti a systématiser la
"jurisprudence"

• L'école Hanbalie (23)

• Le dernier en date des quatre grands Imams fondateurs des écoles


sunnites, fut Ahmed B.Hanbal, né a Baghdad (164h/780) et mort (241
h/855). B. Hanbal eut l'occasion -de suivre quelques-unes des leçons
d'AI-Chafi'i et Abo Yosuf, mais il entendait se rattacher lui-même a l'école
des gens du hadith ( ‫)أصحبة اٌحذٌذ‬, qu'ils fussent du Hijaz ou d'lraq; tel
que Huchaim B.Bachir (m.804), et Sufyan B. 'Uyayna (m.81'4)

• Dans Ia masse des traditions reçues et pour son propre usage, AHMAD
sut librement choisir Ia doctrine qui lui paraissait la plus conforme au
Coran et à l'enseignements du Prophète, n'hésitant pas à user, dans le
cadre des données scripturaires, de son jugement personnel ‫سأي‬II
paraissait fort méfiant à l'egard de la préférence juridique (ْ‫)االسخحسب‬et il
Jugeait fort sévèrement la pratique des subterfuges juridiques ( ًٍ‫اٌح‬
‫ٍت‬ٙ‫)اٌفم‬

• B. Hanbal donnera une impulsion nouvelle a la recherche du hadith ,


Après lui ·l'appréciation de la sincérité du texte et de sa transmission va
devenir l'objet d'une science, suivie avec le même soin par des
Traditionnistes comme AI-Bukhari (255/870) et Muslim (261/875), et par
les adeptes des rites dans leurs étude doctrinales.

57
Méthodologie de la dissertation juridique

La dissertation juridique comporte quelques spécificités par rapport à la dissertation enseignée


au lycée. Il s’agit sans aucun doute de l’exercice juridique qui offre la plus grande liberté au
niveau de la réflexion, mais il s’agit autant d’un avantage que d’un inconvénient. Il est en
effet primordial d’éviter deux écueils : le hors sujet, et l’omission d’un pan du sujet. Une
certaine marge de manœuvre entre ces deux écueils est accordée à l’étudiant, mais à condition
que l’approche retenue du sujet soit justifiée de manière convaincante dans l’introduction.

La méthode qui va suivre, qui n’a aucunement la prétention d’être la meilleure, vise à offrir
un guide permettant de rédiger une dissertation pertinente sur le fond, et répondant aux canons
formels de l’exercice. Je l’ai rédigée à destination de mes étudiants en introduction au droit,
un peu dans la précipitation car ils ont une dissertation à faire pour la semaine prochaine. Il
est donc probable que des coquilles s’y soient glissées, et il faut prendre cette méthode
comme un « premier jet » dont la forme et le fond ont vocation à être retravaillés et enrichis
ultérieurement.

Les recherches et la problématisation du sujet

Un sujet de dissertation peut souvent être abordé sous différents angles, la problématique
constitue la pierre angulaire du devoir en révélant l’angle d’attaque choisi par l’étudiant. Tout
ce qui précède a pour objet d’amener le lecteur à la problématique, et surtout de justifier le
choix de cette problématique en la faisant apparaître comme découlant naturellement du sujet.
Tout ce qui suit a pour objet de répondre à la problématique. Si la problématique n’est pas
pertinente, sa justification dans l’introduction sera nécessairement viciée, et les
développements qui suivront seront hors sujet ou incomplets, difficile dans ces conditions
d’obtenir la moyenne.

La recherche d’une problématique, la « problématisation » du sujet, est donc une étape


cruciale à laquelle il convient d’apporter le plus grand soin. Il n’est pas rare que l’on trouve
des copies sans problématique, ce qui conduit souvent à des développements purement
descriptifs et trahit donc une grave méconnaissance du sens de l’exercice. L’objet de la
dissertation n’est pas de rédiger un cours sur le thème donné mais de mener une réflexion
juridique personnelle sur le sujet.

La simple lecture du sujet peut donner des intuitions sur la problématique à adopter, mais on
ne peut raisonnablement pas se contenter d’intuitions. Il faut donc commencer par effectuer
des recherches sur le thème de la dissertation. Pour pouvoir orienter ces recherches, il est
nécessaire de bien comprendre le sujet et son étendue. La première étape de la recherche

58
consistera donc à définir précisément chaque terme du sujet en recourant à des dictionnaires
juridiques et à un dictionnaire de la langue française, définitions qui seront d’ailleurs
réutilisées lors de la rédaction de l’introduction.

Une fois le sujet défini et compris, il faut lire un maximum de documents sur ce sujet. Les
sources de documentation sont les mêmes que pour n’importe quel exercice juridique, à
commencer bien sûr par le cours magistral dispensé par l’enseignant en amphithéâtre. Il ne
faut toutefois pas s’en contenter car il est possible que l’enseignant ait choisi, par manque de
temps, de ne pas insister sur le point qui fait l’objet de la dissertation, ou de ne présenter que
sa vision des choses. Le droit n’est en effet pas une science exacte, et il existe très
fréquemment différents points de vue sur un sujet donné, des controverses doctrinales et/ou
jurisprudentielles. C’est l’objet même de l’exercice que d’identifier les différents points de
vue possibles sur le sujet donné : c’est de cette multiplicité d’opinions possibles,
d’interprétations possibles, de ces points d’achoppement que naîtra le débat, et donc la
problématique. Il faut donc recourir à d’autres sources que le seul cours magistral : les
manuels, les revues juridiques, les encyclopédies juridiques, à partir d’un certain niveau les
ouvrages spécialisés (comme les thèses), etc. Souvent les documents du fascicule de travaux
dirigés contiendront des informations en lien avec le sujet de la dissertation.

On n’oubliera pas, au cours de ces recherches, de se documenter également sur le contexte


dans lequel s’inscrit le sujet, cela est indispensable pour bien le saisir : contexte historique,
contexte jurisprudentiel, contexte légal, etc. Là aussi, ces informations seront réutilisées lors
de la rédaction de l’introduction.

Lorsque suffisamment d’informations sur le sujet ont été agrégées, il est temps de dégager une
problématique de cette masse d’informations. La première consigne à respecter est bien sûr de
choisir une problématique qui englobe tout le sujet, mais rien que le sujet. Il ne faut donc pas
oublier un pan du sujet et il ne faut pas verser dans le hors sujet. Afin de s’assurer de ne pas
oublier un pan du sujet, ses termes doivent être tournés dans tous les sens afin de vérifier
qu’aucun sens caché du sujet n’ait été oublié. Pour éviter de verser dans le hors sujet, il faut
peser chaque terme du sujet.

Mais ce ne sont pas là les seules contraintes à avoir en tête lorsque l’on cherche une
problématique : il faut éviter à tout prix de n’avoir que des développements purement
descriptifs. Pour ce faire il faut trouver une problématique qui invite au débat, dont la
réponse n’est pas évidente, qui a du « piquant » et du « mordant ». Plus la problématique
suscite le débat, plus il y a de chances que les développements qui vont suivre intéressent le
correcteur.

Il arrive que le sujet soit constitutif d’une problématique en lui-même, lorsqu’il est posé sous
la forme d’une question ou lorsqu’il suffit de reprendre les termes du sujet dans une phrase
sous la forme interrogative pour en faire une problématique. Ex : « la jurisprudence est-elle
une source du droit ? ». On pourra alors se contenter, si le sujet constitue véritablement une
problématique pertinente et exploitable (ce qu’il faudra vérifier), de reprendre celui-ci en
guise de problématique. En revanche lorsque le sujet ne contient qu’un alignement de mots ne
constituant pas même une phrase, ce sera à l’étudiant de lui donner un sens en trouvant une
problématique à partir de ses recherches. Par exemple le sujet « Jurisprudence et sources du
droit » invite à s’interroger sur la nature de la jurisprudence (est-elle une sources du droit ?)
et, si c’est le cas, sur sa place parmi les sources du droit.

59
Lorsque le sujet contient deux ou plusieurs notions, deux ou plusieurs éléments, la
problématique va en principe découler de l’articulation de ces notions entre elles. Ainsi pour
le sujet « jurisprudence et sources du droit », la question est de savoir si la première notion (la
jurisprudence) peut être classée dans la catégorie que constitue la seconde notion (les sources
du droit). Pour le sujet « fait juridique et acte juridique », la problématique portera
probablement sur la distinction entre les deux notions car la frontière entre les deux notions
est très délicate à définir et fait l’objet de débats doctrinaux depuis plus d’un siècle.

Les sujets contenant une notion unique ou un élément unique sont ceux pour lesquels il y a le
plus de risques de verser dans le descriptif. Exemple : « La réforme du droit de la prescription
civile de 2008 ». Pour éviter d’avoir une dissertation qui se contente de décrire la loi du 17
juin 2008 réformant le droit de la prescription, on peut adopter une problématique qui invite à
porter un regard critique sur la réforme. Ex : après avoir rappelé en début d’introduction les
critiques formulées par la doctrine à l’égard du droit de la prescription civile antérieur à la
réforme de 2008, on peut retenir la problématique suivante : « La réforme de 2008 a-t-elle
permis de répondre efficacement aux critiques formulées contre le droit de la prescription
civile français ? ». Cette problématique permettra de décrire la réforme dans les
développements, mais pas seulement, elle permettra aussi d’y porter un regard critique (positif
ou négatif) et c’est ce que l’on attend de l’étudiant.

Il ne faut pas hésiter, lorsqu’un sujet soulève une problématique principale, mais que cette
problématique ne peut pas être abordée sans avoir préalablement résolu une autre
problématique secondaire, à évincer la problématique secondaire dès l’introduction.
L’introduction doit en effet idéalement représenter environ un tiers du devoir en volume, or en
pratique elle atteint rarement cette taille. On a donc largement la place d’y donner des
informations indispensables à la bonne compréhension de la problématique, des informations
qui ne trouvent pas leur place dans les développements. Par exemple le sujet « fait juridique et
acte juridique » peut soulever deux questions : quelle est la frontière entre les deux notions sur
le plan de la définition ? ; les deux notions ont-elles deux régimes distincts et si oui lesquels ?
Les recherches sur le sujet révèleront que la seconde problématique peut être très rapidement
résolue et qu’elle ne suscite guère de débats : on sait que les deux notions ont deux régimes
distincts, le contenu de ces deux régimes n’est pas réellement discuté (règles de preuve
différentes, règles de conflit de loi différentes). On peut donc en introduction expliquer que
les deux notions ont deux régimes distincts, ce qui permet de faire d’une pierre deux coups :
on évince cette question secondaire peu intéressante dès l’introduction et on pourra ainsi
consacrer les développements à la problématique principale plus intéressante, et par la même
occasion on a mis en exergue l’enjeu, l’intérêt de la problématique principale. C’est parce que
l’acte juridique et le fait juridique ont deux régimes distincts qu’il est important de résoudre la
problématique de la qualification.

On précisera enfin que la matière dans laquelle la dissertation doit être traitée doit bien sûr
être prise en compte pour trouver une problématique. Ainsi la problématique que l’on vient
d’évoquer pour le sujet « fait juridique et acte juridique » n’est pertinente que s’il s’agit d’une
dissertation de droit des obligations. S’il s’agit d’une dissertation de droit international privé,
la principale question concernera sans doute les règles de conflit de loi applicables : quelle loi
appliquer à un litige concernant un fait juridique ?, quelle loi appliquer à un litige concernant
un acte juridique ?, quelles sont les raisons de ces règles de conflit de loi ?, sont-elles
pertinentes ?, etc. Parfois le thème de la séance de travaux dirigés dans le cadre de laquelle est
donnée la dissertation fournira des indices sur l’orientation à adopter.

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Une fois la problématique trouvée, il reste une dernière étape à effectuer au brouillon avant
d’attaquer la rédaction de la dissertation : trouver un plan.

La conception du plan

Comme pour le commentaire d’arrêt, la dissertation se divise en deux parties (I et II, c’est la
summa divisio), et deux sous-parties par partie (A et B). Sauf indication contraire expresse de
l’enseignant, les plans non binaires (à trois parties) sont à proscrire et il faut éviter d’ajouter
un niveau de subdivision supplémentaire, cela alourdirait le devoir plus qu’autre chose s’il fait
moins de dix pages dactylographiées. S’il fallait malgré tout subdiviser un A ou B, la
subdivision serait alors numérotée 1 et 2.

Le cœur du devoir doit se situer dans le I/ B/ et dans le II/ A/, idéalement ces deux parties
seront donc les plus volumineuses. Ce n’est pas rédhibitoire si les parties ont toutes une taille
similaire, mais cela devient en revanche gênant si le I/ B/ et le II/ A/ sont moins volumineux
que les I/ A/ et le II/ B/. Dans ce cas de figure, il sera peut-être possible d’inverser les A et B
de chaque partie. Cela étant dit le I/ A/ et le II/ B/ n’en font pas moins partie intégrante du
devoir, et elles ne doivent donc pas être le prétexte à des digressions hors sujet.

Chaque partie doit comporter un titre. Un titre n’est pas une phrase, c’est-à-dire qu’il ne doit
pas se terminer par un point et surtout ne doit comporter aucun verbe conjugué. Par exemple
on n’écrira pas « I) L’acte juridique est un acte de volonté. » mais plutôt « I) L’acte juridique,
un acte de volonté ». Il est préférable, dans la mesure du possible, de ne pas donner des titres
neutres mais de donner au lecteur, dès l’intitulé, un indice sur la tournure que vont prendre les
développements de la partie. Par exemple « I) L’acte de volonté, pierre d’achoppement de la
notion d’acte juridique », ou encore « I) L’acte de volonté, élément essentiel mais insuffisant
de la notion d’acte juridique » (je précise que ces titres sont fictifs et ne sont donc pas
nécessairement pertinents sur le fond, ils sont là pour illustrer la forme que peut prendre un
titre).

Dans l’idéal les intitulés seront concis, percutants. Il est aussi important qu’ils se répondent
dans le sens où il doit systématiquement exister un balancement logique entre le I et le II,
entre le A et le B. Par exemple principe/exception, notion/régime, général/spécial, première
condition/deuxième condition, conditions/effets, forme/fond, effets principaux/effets
secondaires, etc. Il doit aussi y avoir une cohérence entre l’intitulé du I et les intitulés des A et
B du I, cela semble évident.

Il ne faut cependant pas sacrifier le fond au profit de la forme. Préférez toujours un intitulé
simpliste mais explicite à un intitulé qui tente d’en mettre plein la vue mais qui est totalement
incompréhensible de par son caractère sibyllin. L’étudiant doit être particulièrement vigilant
sur ce dernier point, trop de titres ne veulent absolument rien dire une fois isolés de leurs
développements, or l’étudiant ne doit pas oublier que s’il induit le titre du contenu de sa
partie, le correcteur fera la démarche inverse, c’est-à-dire qu’il lira le titre avant de lire les
développements. Les éléments nécessaires à la compréhension du titre ne doivent donc pas
figurer dans les développements qui le suivent ! Si jamais un éclairage s’avère nécessaire à la
compréhension d’un titre, il devra se faire dans l’annonce de plan ou dans le chapeau
introductif (V. infra), c’est leur objet. Dans le même ordre d’idée, l’intitulé doit refléter
fidèlement le contenu de la partie, ou le décalage sera relevé par le correcteur.

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In fine il n’existe pas de méthode miracle pour construire un plan, à chacun de créer sa propre
recette personnelle en s’exerçant. En progressant dans ses études on se familiarise avec de
nombreuses articulations binaires qui permettent de faire face à quasiment n’importe quelle
situation (principe/exception, notion/régime, etc.). Il ne faut toutefois pas céder à la tentation
qui consisterait à apprendre par cœur une liste de plans types et à systématiquement chercher
à faire entrer les développements dans l’un de ces plans types. Certains sujets peuvent
nécessiter un plan sur mesure. Pour reprendre l’exemple du sujet « La réforme du droit de la
prescription civile de 2008 », on pourrait voir dans une première partie l’objectif de réduction
de la durée des délais de prescription, et dans une seconde partie l’objectif de simplification
du droit de la prescription, ce plan ne correspond à aucun plan type et est probablement plus
adapté que n’importe quel plan type.

Pour ma part j’ai pour habitude de rassembler toutes mes idées qui vont me permettre de
répondre à la problématique en deux gros blocs de taille à peu près équivalente et reposant sur
une articulation logique. J’ai alors ma summa divisio dont il ne me reste plus qu’à trouver
deux intitulés pour les I et II. A partir de là je cherche une sous-division dans chaque partie. Si
jamais je ne parviens pas à trouver de sous-divisions suffisamment satisfaisantes, ce qui est
toujours possible, alors je cherche une summa divisio différente, et je répète le processus
jusqu’à ce que je trouve une combinaison d’une summa divisio et de deux sous-divisions
satisfaisante.

On a désormais tous les éléments en main pour passer à la phase de rédaction, en commençant
logiquement par l’introduction puis en continuant avec les développements.

La rédaction de l’introduction

La phrase d’accroche est le point de départ de l’introduction, l’annonce de plan est le point
d’arrivée, et la problématique en est la pierre angulaire. Nous allons donc procéder en deux
temps pour concevoir l’introduction : d’abord le chemin depuis l’accroche jusqu’à la
problématique, puis le chemin, plus court et plus simple, de la problématique jusqu’à
l’annonce de plan.

Le chemin de l’accroche jusqu’à la problématique

On doit retrouver les éléments suivants dans cette partie :

La phrase d’accroche. Il peut en réalité s’agir, dans la dissertation, d’une phrase ou d’un,
voire plusieurs, paragraphes. L’objet de l’accroche est de dévoiler le sujet au lecteur.
L’accroche doit donc idéalement se terminer par la mention des termes du sujet. On conseille
en général d’adopter la méthode de l’entonnoir : on commence par évoquer le thème général
de la dissertation pour arriver progressivement vers le sujet précis. Mais les accroches plus
originales sont admises et seront même gratifiées, on peut par exemple partir d’une citation,
d’une anecdote, etc., pour introduire habilement le sujet.

La définition des termes du sujet. La mention du sujet appelle logiquement une définition
de ses termes. Il ne s’agit pas de définir chaque terme du sujet mais uniquement les termes
juridiques clés. On pourra alors s’aider de dictionnaires juridiques ou de manuels, en prenant
bien soin de citer ses sources et de mettre des guillemets lorsque l’on reprend une formulation
qui n’est pas la sienne (ou sinon il s’agit de plagiat).

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Le contexte du sujet. Si cela n’a pas été fait dans l’accroche, ou si cela n’a pas été fait de
manière suffisante, il faut replacer le sujet dans son contexte : contexte historique, contexte
doctrinal, contexte légal, contexte jurisprudentiel, etc., selon ce qui est pertinent par rapport
au sujet donné.

L’intérêt du sujet. Le contexte du sujet devrait permettre de déboucher sur son intérêt. C’est
là qu’il faut mettre en exergue l’enjeu du sujet.

Il ne reste plus qu’à poser la problématique. La problématique devrait en principe être


fortement liée, imbriquée avec le contexte et l’intérêt du sujet. Le contexte et l’intérêt du sujet
devraient révéler un point de tension duquel la problématique va découler naturellement. Il
n’est d’ailleurs pas indispensable de poser la problématique sous la forme d’une phrase
interrogative. L’essentiel alors est que l’on puisse très clairement identifier dans l’introduction
la pierre d’achoppement du sujet qui sera la problématique du devoir.

Contrairement à l’introduction du commentaire d’arrêt, l’introduction de la dissertation est


beaucoup plus libre. Les éléments que l’on vient d’énumérer sont un minimum qui doit
figurer dans l’introduction, mais il est possible d’ajouter d’autres éléments et il est possible
d’organiser ces éléments dans un ordre différent de celui présenté tant que l’ensemble est
cohérent. Le cheminement depuis le début de l’introduction jusqu’à sa fin doit être logique. Si
à un moment donné le lecteur se demande pourquoi on est passé de tel à tel élément, si une
transition apparaît comme artificielle ou incohérente si bien que le correcteur se rend compte
de manière trop flagrante que l’étudiant est passé d’une étape à l’autre de l’introduction, c’est
ce que l’organisation des idées n’est pas optimale ou que le style de l’écriture est à améliorer
pour rendre les transitions plus subtiles. La lecture doit être fluide, les différentes parties de
l’introduction doivent s’imbriquer de façon transparente pour le lecteur, il ne doit pas se
rendre compte que l’introduction est constituée d’un assemblage de blocs. Il faut ainsi bannir
les formules lourdes et scolaires du type « Nous allons maintenant définir l’acte juridique »,
« L’intérêt du sujet est… ». Il faut adopter une démarche plus subtile avec une phrase du type
« L’acte juridique, cet acte de volonté réalisé en vue de produire des effets de droit selon la
plupart des définitions de la doctrine civiliste, est traditionnellement opposé au fait juridique
dans la summa divisio des sources d’obligations ».

Comme on l’a déjà écrit, l’introduction doit idéalement représenter un tiers du devoir en
volume, en pratique on atteint rarement cette proportion. Il ne faut donc pas hésiter, lorsque
l’on cherche un plan, à reléguer les éléments qui ne rentrent pas dans le plan dans
l’introduction, à condition bien sûr que ce choix soit pertinent. On ne peut pas non plus mettre
tout et n’importe quoi dans l’introduction, il faut donc que l’élément s’inscrive naturellement
dans le fil conducteur de l’introduction.

Il faut garder à l’esprit l’objectif de cette partie de l’introduction : justifier le choix de la


problématique. Un sujet est très fréquemment susceptible de faire l’objet de différentes
approches qui vont privilégier certains pans du sujet au détriment d’autres. Si l’approche
choisie est différente de celle qu’aurait adopté le correcteur, et que l’introduction est très
lacunaire, alors le correcteur pourra considérer que la problématique est incomplète ou en
partie hors sujet. En revanche si l’approche retenue est bien justifiée et argumentée dans
l’introduction, c’est-à-dire si on comprend pourquoi l’étudiant a choisi d’exclure tel pan du
sujet et d’insister sur tel autre pan, alors le correcteur pourra se laisser convaincre par
l’argumentation même si ce n’est pas l’approche qu’il aurait lui-même retenue. Autrement dit
il y a une certaine marge de manœuvre laissée à l’étudiant dans le choix de la problématique,

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mais cette marge de manœuvre ne peut être exploitée que si l’introduction est correctement
construite de façon à justifier la problématique retenue.

Une fois la problématique posée, il reste à annoncer le plan.

Le chemin de la problématique jusqu’à l’annonce de plan

L’annonce de plan a pour objet de présenter la summa divisio du devoir, c’est-à-dire les
parties I et II. Certaines méthodes imposent de reproduire mot pour mot dans l’annonce de
plan les intitulés des I et II. Je considère pour ma part qu’il est plus pertinent d’éviter la
redondance et de présenter les deux parties sous une formulation différente afin de bien mettre
en exergue l’articulation logique entre ces deux parties. Après l’annonce d’une partie, on doit
indiquer son numéro entre parenthèses. Ex : « Si l’on peut relever un relatif consensus sur
deux des trois principaux éléments de la définition de l’acte juridique que sont la volonté et la
production d’effets de droit, ceux-ci s’avèrent insuffisants pour le distinguer du fait juridique
(I). La clé de voute de la définition, qui en a longtemps été la pierre d’achoppement, réside
dans la nature du lien qui unit ces deux éléments (II) ».

L’objectif de l’annonce de plan, au-delà de présenter la summa divisio, est de faire le lien
entre la problématique et les développements qui vont suivre. Il faut donc bien travailler ce
lien qui doit apparaître comme évident à la lecture de l’annonce de plan, le plan retenu doit
permettre de répondre à la problématique posée. Il ne doit y avoir aucun décalage entre le plan
et la problématique, et il faut d’ailleurs se poser la question suivante pour chaque partie :
« Est-ce que cette partie ou cette sous-partie contribue à répondre à la problématique ? ». Si ce
n’est pas le cas c’est soit que le plan n’est pas bon, soit que la problématique n’est pas bonne.
Autrement dit la première partie de l’introduction sert à justifier le choix de la problématique,
cette seconde partie sert à justifier le choix du plan : il faut démontrer que le plan est pertinent
par rapport à la problématique retenue.

Une fois le plan annoncé, on peut attaquer le vif du sujet, les développements.

La rédaction des développements

On a déjà dégagé le plan, il reste à rédiger le contenu de chaque partie et les chapeaux
introductifs et transitions.

Chaque partie principale (I et II) doit commencer par un chapeau introductif, c’est-à-dire ni
plus ni moins qu’une annonce de plan sauf qu’au lieu d’annoncer les deux parties principales
(I et II) il s’agit ici d’annoncer les deux sous-parties (A et B). Les mêmes règles que pour
l’annonce de plan s’appliquent donc aux chapeaux introductifs.

Ensuite il doit y avoir une transition, composée d’une phrase ou d’un paragraphe de plusieurs
phrases, entre les A et B de chaque partie, et entre le I et le II. Il doit donc y avoir un total de
trois transitions. Il est conseillé de détacher les transitions du corps de la partie précédente en
leur consacrant un paragraphe, le correcteur pourra ainsi les identifier plus facilement. La
fonction des transitions est de créer du lien entre les parties, elle est donc essentielle pour
maintenir le fil conducteur et ne pas perdre le lecteur au cours de la démonstration.

Il ne reste plus qu’à rédiger chaque partie. Si toutes les directives que l’on vient d’énoncer ont
été respectées, la rédaction devrait se faire sans difficulté. Il faut garder à l’esprit que les

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développements sont une démonstration : il faut idéalement adopter un point de vue par
rapport à la problématique posée, et organiser les développements en une démonstration de ce
point de vue. Si cette règle est respectée, il n’y aura aucun risque de verser dans le descriptif
et d’avoir un devoir plat sans saveur.

Il ne faut pas pour autant passer sous silence les thèses opposées à la sienne. S’il y a plusieurs
théories doctrinales, plusieurs points de vue possibles, et ce sera souvent le cas, il faut toutes
les évoquer, ne serait-ce que pour les réfuter. Il faut aussi rester tempéré et humble : on peut
avoir une préférence personnelle pour telle ou telle théorie, mais il ne faut pas oublier qu’il y
a toujours une part de subjectivité. Il faut donc garder une certaine honnêteté intellectuelle en
énumérant les avantages et inconvénients de chaque thèse, et ne pas dénigrer les thèses
opposées à la sienne.

La conclusion / ouverture

Il est possible de terminer par une conclusion, qui peut notamment prendre la forme d’une
ouverture, c’est-à-dire un court paragraphe qui pose les termes d’un nouveau débat connexe
au sujet de la dissertation qui était à traiter. La conclusion n’est pas une obligation et certains
préfèrent même qu’il n’y en ait pas, il faut donc se référer sur ce point aux consignes de
l’enseignant. Il vaut mieux l’éviter s’il s’agit simplement d’un résumé des thèses développées
dans les quatre sous-parties, la présence d’une conclusion n’est souhaitable que si elle apporte
une réelle plus-value au devoir par rapport à ce qui a déjà été dit.

Résumé de la structure

La dissertation doit donc correspondre au schéma suivant :

Introduction :

 Accroche
 Définition des termes du sujet
 Contexte
 Intérêt du sujet
 Problématique
 Annonce de plan : on annonce la première partie (I) et la seconde partie (II).

I) Titre de la première partie

Chapeau introductif : annonce de la première sous-partie (A) et de la seconde sous-partie (B).

A) Titre de la première sous-partie

Transition entre le A et le B.

B) Titre de la seconde sous-partie

Transition entre le I et le II.

II) Titre de la deuxième partie

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Chapeau introductif : annonce de la première sous-partie (A) et de la seconde sous-partie (B).

A) Titre de la première sous-partie

Transition entre le A et le B.

B) Titre de la seconde sous-partie

Conclusion / ouverture (facultative).

Tout comme dans le commentaire d’arrêt, il doit exister dans la dissertation un fil conducteur
du début jusqu’à la fin du devoir. Si le fil conducteur est rompu à un endroit quelconque du
devoir, c’est que les idées ne sont pas correctement organisées dans l’introduction, que le plan
ne repose pas sur des articulations logiques correctes ou que les transitions n’ont pas été
correctement rédigées. La dissertation est une démonstration, pour convaincre il est donc
essentiel que le correcteur ait l’impression que chaque élément soit la suite logique du
précédent.

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