Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Farid Benramdane
Université Ibn Badis – Mostaganem, Algérie
L’écriture des noms de lieux, sous ses déclinaisons graphiques les plus
usuelles (transcription et/ou translittération), est à la fois un domaine de
connaissance et d’intervention. S’il y a un usage linguistique qui fait l’objet
d’une codification importante au niveau international, c’est-à-dire à l’ONU,
c’est sans contexte celui de la toponymie. L’existence et le fonctionnement
de la commission permanente des Nations unies sur la normalisation des
noms géographiques depuis une quarantaine d’années en est l’illustration.
En outre, sur le plan institutionnel, le système d’écriture, en l’occur-
rence, la translittération, souverainement adopté par les États peut nous
renseigner sur le degré d’adhésion à des formes de normalisation adoptées
par les divisions géolinguistiques dans l’enceinte onusienne (francophone,
arabophone, lusophone, sinophone…) qui fonctionnent soit à travers les
conférences quinquennales sur la normalisation des noms géographiques
soit dans les groupes des experts (GENUNG).
Nations unies, 1re Conférence sur la normalisation des noms géographiques, New
1
York, 1967.
Plurilinguisme et sécurité internationale ou/où… quand l’écriture des toponymes… 425
2
Dorion et Poirier, Lexique des termes utiles à l’étude des noms de lieux, Laval,
Québec, 1975, p. 14.
3
Ibid.
426 L’environnement francophone en milieu plurilingue
5
Les résolutions adoptées par les neuf conférences des nations unies sur la
normalisation des noms géographiques 1967, 1972, 1977, 1982, 1987, 1992,
1998, 2002, 2007. Document préparé pour les nations unies par Ressources
naturelles CANADA. Introduction de Helen Kerfoot, présidente, GENUNG,
novembre 2007. http ://www.qc.htm.2008/pdf. Site consulté le 20 avril 2008.
6
Lire revue Cartographie et télédétection, numéro spécial « La toponymie », Alger,
Ed. Institut national de Cartographie et de Télédétection, 2000 ; Toponymie,
Bulletin INCT.
Plurilinguisme et sécurité internationale ou/où… quand l’écriture des toponymes… 429
De la transcription à la translittération
Un système de translittération est un procédé consistant à enregistrer les
signes graphiques d’un système d’écriture en signes graphiques dans un
autre système d’écriture. Par contre, un système de transcription est un
procédé consistant à enregistrer les éléments phonologiques et/ou morpho-
logiques d’une langue dans un système d’écriture donné. C’est le procédé
appliqué jusqu’à présent au Maghreb : il consiste en l’écriture des noms
maghrébins (arabes ou berbères) en caractères latins avec uniquement les
ressources dont dispose le système linguistique français.
Les experts de l’ONU parlent de « conversion » ; il s’agit de la « transpo-
sition d’un nom de lieu d’une langue vers une autre langue en l’adaptant
aux règles phonologiques, morphologiques ou graphiques de celle-ci. La
conversion s’effectue soit par transcription, soit par translittération » 8.
Si nous faisons un état des lieux de l’écriture des noms de lieux en Algérie
et/ou au Maghreb, on se heurtera d’emblée à une absence de transcription
ou de translittération uniforme des caractères arabes et berbères en
caractères latins. La variation dans l’écriture d’un même nom a atteint des
niveaux insoupçonnés. Ce constat équivaut à une « anti-normalisation »
telles que l’énoncent les recommandations de l’ONU.
Sur un corpus de 20 012 toponymes, soumis à un traitement informa-
tique, aussi bien de gestion des bases de données que de ventilation spatiale
(logiciel MAP INFO), nous avons obtenu les résultats suivants :
7
Il est à noter que la Première Conférence sur la normalisation des noms géogra-
phiques de l’ONU recommande de revenir au système français.
8
GENUNG, Glossaire de la terminologie toponymique…
430 L’environnement francophone en milieu plurilingue
procédure de mise en place d’un usage normalisé dans l’écriture des noms
propres.
Pour quitter cet état d’hypothèses, il s’impose à nous un type de
recherches à base :
– de traces écrites les plus proches possibles de la création de la forme
graphique de ces noms ;
– de recoupements d’éléments historiques de nature différente (légale,
administrative, technique…) ;
– de relectures, a posteriori, forcément post-coloniales et inéluctablement
relevant de traitement d’un type précis de pathologies historiques 10.
L’accumulation des matériaux soumis à notre description et l’exploi-
tation des données grâce aux recoupements statistiques et techniques
linguistiques développés dans nos travaux sont délibérément voulues et
construites sur un traitement systématique dans la mesure où il s’agissait
de (se) rappeler « une réalité intangible, celle, entre autres, de la dimension
stratégique de la matrice éthnolinguistique dans la pérennité des faits de
culture et de société dans notre pays » 11.
Les politiques toponymiques à l’échelle du Maghreb restent tributaires,
à quelques nuances près, des stratégies de production générées et, profon-
dément surdéterminées par des représentations coloniales et postcoloniales,
10
« Il nous semble que, dans une société en crise comme la nôtre, il s’agit moins
prioritairement de s’attarder à penser un futur, à (ré)inventer une modernité que
de réactualiser des tranches du passé « refoulé ». Question cruciale, périlleuse
diront d’autres, néanmoins incontournable si nous imaginons un instant que l’état
civil actuel continue la représentation mentale de la filiation coloniale française.
Il est même la représentation symbolique de la non-filiation, cristallisée par deux
paradigmes de refondation, à la même période, de la personnalité algérienne
par l’administration et l’armée françaises coloniales, la Terre et la Personne : 1er
Senatus Consulte et la loi sur l’État civil (1882) ». Benramdane, F., « Qui es-tu ?
J’ai été dit. De la destruction de la filiation dans l’état civil d’Algérie ou éléments
d’un onomacide sémantique », Insaniyat n° 10 – Violence en Algérie : contribution
à un débat, Éditions CRASC, p. 79.
11
Benramdane F., 2005, « Dis-moi comment tu t’appelles, je te dirai qui tu n’es
pas », in Hommage à Mustapha Lacheraf, Alger, Casbah Éditions, 2004, p. 271.
434 L’environnement francophone en milieu plurilingue