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Sous la direction

de Georges Charbonneau

lntroduction
à Ia ph énoménologie
des hallucinations
Philippe Cabestan . Ceorges Charbonneau
Jean-Marc Chavarot . Natalie Depraz
Jean-Marc Henry - PatriciaJanody
FrédéricJover . Vassilis Kapsambelis . Cérard Ulliac

Préface de Jean Naudin

45? UFA 4?soç


?3 (1)
@ Le Cercle Herméneutique
coLLECTToN pHÉNo
lsBN 1-9516507-1-X Le Cercle Herméneutique
ESQU ISSE
D'UNE TOPOCRAPHIE
HALLUCINATOIRE

FnÉoÉrucJoven
INTRODUCTION

Dès 1933, Minkowski, dans « le problème des hallucinations et le pro-


blème de l'espace », soulignait [a question qui nous préoccupe aujourd'hui
et qui préoccupe le sujet halluciné, nous le citons: « il (le sujet halluciné)
continue à voir ce qu'il a devant lui et à entendre ce qu'on lui dit, exac-
tement comme parle passé. ll sait faire ta pan d ehgse_Cela ressort
parfois on ne peut plus nettement au cours de [a conversation, lorsqu'il
déclare i teîez, pendant que nous sommes en train de parler, on me dit
cela et cela, et d'où est ce que cela pourrait venir? »l
C'est à partir des cas cliniques de Minkowski que Merleau-Ponty
dans laphenotünologie dc lapercqtion ênoncera ces propos (souvent repris
par les grands noms de la phénoménologie, Binswanger2, Tatossians), à
partir desquels il semble possible de dêgager quelques lignes directrices
d'une esquisse de [a topographie hallucinatoire: « Ce qui garantit l'homme
sain contre le détire ou l'hallucination , ce n'est sa critirluc, c'csl la str trt'-
ture son espace:les ets restent devant lui, ils gardent leurs distances
(et comme Ie disait à ils ne lc tout'lrcrtt
qu'avec respect). »a
Nous reprendrons, dans un premier temps, quelques éléments histo-
riques de l'approche phénoménologique de Ia spatialité dans ses rapports
avec le phénomène de l'hallucination.

APPROCHE HISTOzuQUE

La revue de la littérature phénoménologique rend compte des difficultés


de poser une topographie pour ce qui veut dire et signifier: grredaru
l'esprit, divaguer (du grec halluein).
- Comment penser un n avoir lieu , pour ce qui a priori n'en a pas?...
Sans éviter les délocalisations hâtives d'un topos para, intra, méta, supra?

l. Eugène Minkowski, dès 1933, dans « Le problème des hallucinations


et de l'espace », avaitpensé au chevauchement de deux tgf_iqgs spatiales r- tl
supposant que la rêalitê perçue normalement puissà *pport., la néo-
productivité hallucinatoire (selon le terme de Hesnard).

I
I \q11 r1551
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A LA PtIENO TENOIOC/É t)L5 ilt\l I (/( /NzU/r )N\ /)'(/N, /( )l'(X,li/\l'l llt t tirl I Lt( lNAlOllll 47
46

Le sujet halluciné vit le monde commun (Koinos kosnros), ravi par un


Mais ce lieu de l'hallucination n'est pas celui de la perception vraie...
Au contraire, il contient quelque chose de factice (les sujets hallucinés par- rnonde privé (Idios kowos), et dans les cas les plus graves il ne séjourne que
lent souvent avec des qualificatifs, comme s'ils « faisaient semblant ». . .), très peu dans n l'espace géograpLtrQUe », pour demeurer dans u l'espace du
mais surtout: « cette rêahté pathologique n'a pas de localisation précise, paÿsa$e ».13

elle enveloppe l'individu de toutes pârts... »s Merleau-Ponty illustre l'entrelacement de ces deux espaces par divers
Mais elle semble procéder d'un contact plus intime encore: « un cas cliniques: un sujet halluciné au cours d'une sortie s'arrête devant Ie
contact si intime que les limites s'en trouvent effacées... Le monde mor- paysage. Après un moment, il se sent comme menacé. Il naît en lui un inté-

bide pénètre dans l'individu, enlève à celui-ci tout ce qu'il a d'intime et rêt spécial pour tout ce qui l'entoure, des voix lui posent du dehors des
de personnel, de sorte qu'il se dissout dans l'ambiance mystérieuse qui questions auxquelles il ne peut trouver aucune réponse, des voix qui lui
l'enveloppe, ne fait plus qu'un avec elle. , ravissent Ie paysage par I'insistance d'une force qu'il dit étrangère. Les voix
D'où la distinction par Minkowski de u deux façons de vivre l'espace »6: pressantes pénètrent le chant des oiseaux, le ciel noir recouvre le ciel bleu
. « L'espace clair »: « qui s'ouvre tout grand devant moi... avec des du soir pour constiruer un nouveau ciel vide, fin, invisible, effrayant. Le
objets aux contours précis, et je vois également la distance qui les sépare doux chant se transforme en un ensemble plus ou moins audible terrifiant.
les uns des autres ou "à côté" qui les met en rapport plus intime, du point Tantôt il semble se mouvoir dans le paysage d'automne, tantôt le pay-
de vue spatial. Je vois les choses, mais je vois de plus I'espace vide, l'es- sage lui aussi se meut.
pace libre qui se trouve entre elles ri. Cet autre espace à travers l'espace visible, c'est ccltti tltlc c()lllposc i\
. u L'espace noir »: « tout est obscur et mystérieux dans l'espace noir. chaque moment notre manière propre de pro.ictcr lc tttotttlc.
On se sent comme en présence de f inconnu, dans sa valeur positive, et Dans cet espace le sujet halluciné est dans lc tlt'ploit'rttcttl tlt' s( )ll l)l ( )
c'est le phénomène du mystère qui semble le mieux et de la façon la plus
jet perpéruel, retiré en lui-même et totitlelttcttt tltssott('tltt pto;t'l tltt
monde objectif: « une question perlnanellte sc posc 't tttoi' t't'sl (.llllll('
immédiate traduire ce trait caractéristique de l'obscurité vécue... l'obs- rt
curité peut s'animer à I'improviste... une lumière, une étincelle peuvent un ordre de me reposer ou de mourir, ou d'allct'pltts kritt "
y surgir... ,8 Se mêlent chez l'halluciné des expériences pl'ovcttitttt tlt' tlill['r crrts lop11"
Dans cet espace noir, c'est la nuit qui est maintenant l'objet, et tout qui font que son expérience de l'espace est entrelaci'c itvcc totts lcs ,ttllt t's
ce qui s'y produit en elle ne sera qu'un incident, en cet espace, s'il n'est modes d'expériences, même lorsqu'il s'agit de courts-circuits clc lit t'.ttt-
pas analytique comme I'espace clair, existe en lui « la profondeur r. salité délirante, qui exprime aussi une manière d'exister.
Plutôt que de les opposer, Minkowski parle d'un chevauchement de Ainsi cet entrelacement est en quelque sorte préferentiel: u l'existetrcc
deux façons de vivre l'espace, de telle sorte que l'espace clair se trouve- du sujet halluciné est décenffée, ne s'accomplissant plus dans le cotntnerce
rait encadré par l'espace noir où il vient s'incruster en lui. e avec un monde âpre, résistant et indocile, qui nous ignore, mais elle
s'épuise dans la constirution d'un monde solitaire fictif ».r5
2. Erwrn Straus r0
imagine aussi deux espaces : Le paysage etla géographie: Mais cette constirution n'est pas une construction, elle ne prend pas
célèbre métaphore, fréquemment utilisée par les grands noms de la phé- place dans le « monde gêographiQUe », c'est-à-dire comme Ie souligne
noménologie psychiatrique, Tatossianrr, et philosophique, Merleau-Ponty12: Erwin Straus dans l'être que nous connaissons et dont nous jugeons dans
Si nous vivons habituellement dans un horizon que nous pénétrons le tissu des faits soumis à des lois, mais dans le « paysage » individuel par

et rompons, en rapportant les impressions spatiales du paysage familier lequel le monde nous touche et par lequel nous sommes en communi-
à l'espace géographique en essayant d'ordonner celui-là à celui-ci, 1'hal-
cation vitale avec lui: « les hallucinations sont des modifications pri-
maires du Sentir, elles ne sont pas des troubles de la perception ,'
16
luciné ne pénètre pas l'horizon, il demeure dans le paysage, livré à la persé-
Straus détermine l'espace du paysage (dimension pathique) comme
cution du même et tire dans l'horizon de celui-ci le monde géographique
l'espace à même Ie sentir par contraste avec l'espace géographique
étalé dans une langue familière et qui pourtant ne désignent plus les mêmes
(dimension gnosique, cognitive) qui serait l'espace correspondant à la
choses pour lui que pour nous, ces débris de nohe monde ne restant pas
perception. Ce dernier serait ainsi l'espace décenffê par rapport à mon
comme parties du tout,
INTRODUCTION E5QU'SSE
48 À u pnÉr'touÉNotocrc DEs HALLUctNArroNs
D, U N E TOrcCRAPH I E H ALLUII N ATaI RE 49

ici, l'espace du paysage est au contraire toujours centré à panir


de l,ici Tatossian, tout en soulignant la justesse des propos de Merleau-Ponÿ,
où je zuis, qui est comme le dit Maldiney,mon foyer de prêsence au mondg reviendra dans un autre article sur la nécessaire incomplétude de laper-
et qui peut être tantôt celui où je me tiens, tantôt celui
où le sol semble ception en comparaison avec l'hallucination: « la perception réelle est fon-
se dérober sous mes pieds.
damentalement inachevée »», elle est incomplète et n'existe qu'à se com-
Il désigne donc l,espace d,un monde qui s,ouvre à chaque fois dans pléter inlassablement. Et elle comporte son propre espace, l'espace per-
le sentir à partir de mon ici toujours singutier et changeant...
ceptif que nous emmenons avec nous « comme la tortue sa carapace »,
Mais l'espace de l'hallucination serait centré dans un ici qui
dans sa fixité et surtout un espace continu: « en quelque point que quelque chose appa-
n'en serait plus un, il ne serait pas modifié uniquement dans
son orien- raisse, il est à droite de, à gauche de... » 18
tation, mais aussi modifié dans son caractère et deviendrait étranger Ainsi tout oppose les espaces respectifs de [a perception ou de ['hal-
aux
normes de l'expérience sympathique et donc de la Rencontre.
lucination... L'objet hallucinatoire se présente comme fondamentale-
ment complet, d'un seulbloc, monolithique, qui s'impose sans que l'hal-
3. Binswanger en lg4g, tout en reprenant les modifications caractéris_ luciné n'ait aucune part active: « dans notre monde, en tel point il y a
tiques de [a spatialité (et aussi de la temporalité), va insister
sur la puis- quelque chose, ne serait-ce qu'un vide, et il n'y a pas deux choses au même
sance de la présance hallucinatoire.
endroit: les objets n'ont pas d'équivoque. Dans l'espace hallucinatoire,
Dans le cas Suzan Llrban, ce qui est important et déclenchant pour un objet peut être à la fois une règle de bois, un serpent... sans être plus
Binswanger c'est cette mutation du théâtre de la terreur
où elle voit l,hor- l'un que l'autre r».le
rible pantomime du chirurgien qui va se muer en un « monde Après cette brève revue de la littérature, nous vous proposons de
de la ter_
reur »», c'est-à-dire un monde déjà constitué avant qu,il ne reprendre quelques caractéristiques de cette topographie qui commence
se constitue,
« un moode dépourvu de hasard » où
se produit un rapprochement entre à se dessiner
tout événement de soi et tous les événements entre * ,o.rr le
signe du
malheur.
Il nous invite à penser que les hallucinations sont parmi les diftrents DE QUELQUES TRAITS
aléas de la spatialité originaire, et qu,il ne faut pu, p.rrr., 1. L'hallucination est « en fuite » et glisse sur un corps irnrnobile,
une topogra_
phie (spatialité) hallucinaroirq mais une ropographie (spatialité) Les différents cas de psychopathologie examinés dans l'æuvrc
hallu- clc
cinatoire schizophrénique, (ou mélancolique,-etc.), non pas Merleau-Ponty ne le sont pas uniquement pour servir de support expé-
dans leur
caractérisation diagnostique, étiotogique, mais dans leur rimental aux démonstrations, mais aussi pourrappeler la contingence qui
façon de recons_
tituer le monde à partir d,un corps possédant déjà une certaine grève les structures de notre monde, l'Apparaître du monde est tributaire
façon
typique d'avoir un espace. d'une conscience qui est une pensée naturée, un corps humain: « Ce noyau
significatif qui se comporte comme une fonction gênêrale et qui cepen-
4. Tatossian insiste sur ce qui dans le Sentir est atteint, en s,appuyant dant existe et est accessible à la maladie. »20
sur le troisième cas de schizophrénie de Binswanger, « Autrefois, j'étais un homme, avec une âme et un corps vivant (Leib).
Lola Voss: « Le
Sentir est communication avec le monde, et cet ,,avec le monde,, et maintenant je ne suis plus qu'un ëtre (Wesen)...Maintenant il n'y a
revêt
les modes du "aller vers,, (le monde) et du ,,s,éloigner plus que l'organisme (Kôrper) et l'âme est morte... J'entends et je vois,
du,, (monde), les
hallucinations atteignent le second. La présence, àccabl ée parla mais je ne sais plus rien, la vie pour moi est un problème... Je surüs main-
proxi_
mité du monde, qui ,,vientJa-prendre_au_corps,, ne peut en prendre tenant dans I'éternité. .. Les branches sur les arbres se balancent, les autres
distance. ,17 vont et viennent dans la salle, mais pour moi le temps ne s'écoule pas...
Celle-ci, qui pouvait pendant un temps par ses superstitions La pensée a changé, il n'y a plus de style... Qu'est ce que l'avenir?
se tenir
éloignée de la proximité du monde, va sombrer dans le On ne peut pas l'atteindre.. . tout est point d'interrogation... tout est si
délire de persé-
cution et les hallucinations signifiant précisément cette proximité monotone,le matin, midi,le soir, passé, présent, avenir. Toutrecommence
hostile
du monde. toujours. »21
EsQU'SSE
INTRODUCTION
D, U N E lOrcCRAPH I E H ALLUCI N A.TORE 51
50 À u pxÉNoMÉNoLoctE DEs HALLU:INAT,oNS

Le monde perçu est un monde avant tout pour un corps percevant et Dans l'en-face, dans toute sa platitude, l'hallucination est compa-
l'on peut parler dans Merleau-Ponty d'une véritable incorporation du rable à I'image qui hante le tableau, qui est la projeaion de notre perception
monde qui réduit doublement le préjugé objectiviste dans le monde et dans interne, et qui nous fascine dans les toiles de Bosch27, quelques peintures
le corps, ce qui revient à dépasser le corps objectif au profit d'un corps noires de Goya, ou les paysages deCêzawte. Mais il faut apporter quelques
phénoménal, dirigê intentionnellement vers le monde. nuances: quand Goya, par I'intermédiaire du regard de son Chien enlisé
Nous sommes requis de penser l'espace à partir d'une spatialisation sur les murs de la maison du sourd, s'adresse aux damnés de la terre, à
originaire, eui, comme Ie soulignait Binswanger, est l'æuvre de notre la damnation immanente à notre pouvoir-être que nous reconnaissons
existence incarnée et qui en subit tous les aléas: « Or si le monde se dans son regard sur fond du monde, il nous crie comme Francis Ponge
pulvérise ou se disloque, c'est parce que le corps a cessé d'être corps une nuit de mars 1942 o je suis un sttscitatettr '.28
connaissant, d'envelopper tous les objets dans une prise unique, et cette Ce regard n'est pas qualité de chose, comme les bleus sous les pins
dégradation du corps en organisme doit être elle-même rapportée à de Cêzartne (in Joachim Gasquet, Cémrute), i[ est rayon de monde qui
l'affaissement du temps qui ne se lève plus vers un avenir et retombe sur dispose de sa créativité, projet du monde qui franchit dans le sursaut
lui-même. »22 créateur la rigidité existentielle.
Le lieu d'où se produit l'hallucination est un lieu intemporel, voire Bien diftrent est le projet du monde de Suzan Urban, paradoxal : « un
atemporel, comme le souligne Merleau-Ponÿ: « L'hallucination n'est pas projet du monde en tant que menace ', bien différente est la pantottritttc
comme la perception, ma prise concrète sur le temps dans un présent du chirurgien du cas Suzan Urban, qui nous vise tout d'tttt cottp, ttttc t i'ttrr'
vivant... Elle glisse sur le temps comme sur le monde. , 23 version de [a rencontre comme le dit Maldincv, colrsi'clttcttcc tl'ttttc pt('-
sence inversée: « ...dans les circonstances orclitrait'cs, ttttc cxptcssiott
2. Le sÿle du comment del'avoirliea de l'hallucination préfigure ses carac-
n,est pas dans le monde: mais le molde S'ouvrc i\ partir tl'cllc, Notts
téristiques topographiques : résultat d'une intentionnalité inversée. sornmesensurplombsouslatranscendanceduvisagctl'rttttt'tti' M'lis(ltl'ltl(l
L'espace de I'hallucination n'est pas un conteneur d'images ou de voix elle a ce pouvoir fascinateur éprouvé par Suzan Urt'ralt, I'cxptcssiott csl
mais un champ stylistique. le monde. Elle s'impose dans une proximité absoluc ctlttttttc ccllc tl'ttrr
Ainsi la recréation du monde, sa reconstirution, se fait bien à chaque visage aperçJ la nuit, collé contre la vitre, annulant tout I'espacc dc l't pit't'c
instant en étant l'æuwe d'un corps. Et à côté des diftrentes constantes - et dont l'expression sans distance est sur nous' »l')
perceptives, si le monde en son sens global est pensé à partir du corps Suite au style de son émancipation, cette expression devenue le trronclc
propre: ce dernier est caractérisé ultimement comme sÿle ou compor- est le modèle des hallucinations à venir dans o l'enface »: « Par mon lan-

tement typique, de telle softe que « J'éprouve l'unité du monde comme gage etmon corps, je suis accommodé à autrui. La distance mêrne que
je reconnais un style ».2a le sujet normal met entre soi et autrui, la claire distinction du parler et de

Mais « un sÿle n'engage pas le quoi mais le comment d'un avoir lieu. l'entendre sont une des modalités du système des sujets incarnés' L'hal-
Comment c'est tournure ou façon ».25 C'est à ce titre que l'hallucination lucination verbale en est une autre. »30
est un événement bouleversant à l'origine « ... d'un changement dans la
3. L'hatlucination est siruée « devant », dans n l'en-face », et constituée
tournure du monde et dans l'ouverture de l'êffe au monde ».
Dans l'hallucination, comme dans certaines æuvres, le visage des des débris du monde. Le lieu de l'hallucination ne fait pas partie du
monde et i[ n'est pas dans [e monde, il est n devant »'
31

choses se donne dans un certain regard qui nous vise, très exactement,
<<Leregard ouwe un horizon sous lequel il outrepasse [a chose à voir,
cela dépend d'une constitution universelle dont l'hallucination est le
et sous lequel i[ la recueitle à partir de son champ de présence' Il n'y a de
mode déficient mais non pas aberrant: « Dans une hallucination schi-
vue ponctuelle que par une affention forcée, qui se dis-trait et se déprend
zophrénique, le délire perceptif du malade consiste essentiellement en ce
qu'au lieu d'aller aux choses et aux êtres en les visant, ce sont eux qui sont du marginal, lieu des intentionnalités potentielles, des apprésentations,
et de l'ancrage dans l'umwelt". » précise Maldiney à propos du legs des
tournés vers lui et qui le fixent. Il se sent visé; il s'agit, selon l'expression
choses dans l'æuvre de Francis Ponge.32
de R Khun, d'une intentionnalité inversée. »26
/N/^'()I)t/( //( )N I \çt1 11".'1
52 A LA PHENOMENOLOCIL DL5 I|AI/ T( /NA/'()N\ t,'ltNl tttl'rr(,lit\t'l llt llt\l llt( lNAl()lttl 53

Comme les pensées des personnes qui nous parlent en rêve se com_ Le drame de l'hallucination, c'est qu'elle se rnanifeste au présent, un
muniquent à nous magiquement sans qu,elles desserrent les dents, les voix présent qui enferme le malade, elle est ce qu'elle sera ayant déjà glissé vers
des fantômes qui peuplent le monde du sujet halluciné sont déjà connues son horizon d'avenir. Nous sommes loin de cette phrase de Von Weiz-
de lui sans même qu'elles aient rien dit. saecker3s: « Au fond percevoir c'est toujours passer à autre chose. ,
Si l'hallucination n'est pas dans le monde mais dans un « devant » c,est Si le sentir est un se mouvoir, il est un éprouuer comme le souligne
parce que le corps de l'halluciné a perdu son insertion dans le système R. Barbaras 36, un éprouver du corps-sol37: le corps-sol (boden) est cela que
des apparences. déploie Ie geste d'intentionner (intendieren) à même 1'espace et le temps
Un lieu « devant » le monde et qui serait constitué de ses débris: « l,hal_ charnel du corps krnesthésique dans I'ambiguïté d'un horizon d'absence
luciné ne voit pas, n'entend pas au sens du normal, il use de ses champs autant que de présence. Cette ambiguïté est liée au procès du remplisse-
sensoriels et de son insertion naturelle dans un monde pour se fabriquer ment (erfillungf8 (au niveau des synthèses passives) qui charrie toujours
avec les débris de ce monde un milieu factice conforme à l,intention un surplus qui déborde le pur et simple corrélat perceptif et qui s'effec-
totale de son être ,.33 tue dans un paradoxe.
R. Celis3e précise que la perception ne se satisfait pas d'une escluissc
4. L'hallucination issue d'un lieu « garanti ». vague et nébuleuse des choses, elle cherche à aflernrir sa visi'c ct ii lu rcrn-
Percevoir, au contraire, « s's51 eîgager d'un seul coup tout un avenir plir de nouvelles donations, mais en mêrne terups clle tcntl u s'irpP11y1'111.1
d'expérience dans un présent qui ne le garantit jamais à la rigueur, c,est toujours davantage d'une détermination id['alc, t'cltc ill)l)r(x'll(' loirr rlr'
croire un monde ». s'immobiliser en une saisie surplonrb;rntc tlc I'horizorr, l)rovr)(lu(',1 I'nt
Comme le souligne Binswanger3a: « nos malades, eux aussi, croient verse une désaisie rétentionnelle en rnênrc tcnrps t;rrc tlc's .rllcrrlt's nlc(ltl(...
à un monde; et eux aussi - et eux surtout engagent d,un coup tout un Or pareille intuition donatrice n'est l'rossiblc tltrt' tl,rrrs l.r Prr.vr,.r't.
-
avenir d'expériences dans un présent avec cette différence que ce présent, d'une croyance en un horizon de monde clui trlrrrsg,r'r'sst'lolrl tonlrrrrr
dêjà, garantit un avenir "sans réserve',, ,,sans doute,,, ,,sans question,,. » impressionnel défini.
L'hallucination viendrait en quelque sorte bien enfoncer le clou, elle Dans l'hallucination, le remplissernent habituc'l n'il lr.rs lrctr : l'lrorr
viendrait garaîtit à jamais un monde (et par cela même lui donner son zon du monde s'emboîte dans le contenu impressionnel ct collc .i l,r
caractère de simple ressemblance). détermination idéale devenue hallucination.
L'espace de la présence offre habiruellement un lieu et un temps pour Peu à peu disparaissent les attentes (envartung), (ces rapports cJ'hatri-
de nouvelles expériences du monde permettant de vérifier et donc de garan- tation à la libre étendue) par épuisement de la dynamique intentionnelle.
tir le monde dans le déroulement de la perception. Bien avant cet épuisement s'instaure parfois la recherche d'un nou-
Ce qui est important dans la perception, c,est l,expérience de cette vel équilibre doxique qui aboutit à la recherche active de l'évidence.
garantie à jamais inachevée. Celle-ci s'énonce dans les termes d'un constat qui consignerait et ferait
Mais lorsque cette expérience ne se déroule plus, que peut-on y loger? la preuve de l'avoir-lieu d'un événement quelconque. En font preuve les
Si ce n'est des débris de monde qui nous le rappelle, mais qui sont déjà dessins de schizophrènes où I'on découvre des horizons sursafurés, repré-
morts de n'être pas nés d'une expérience de la perception? sentations exhaustives, s'efforçant d'épuiser 1'événement (raconté) ou la
Pour qu'il y ait une certifude de la perception, il faut qu,il y ait une chose évoquée (véritable transcription des hallucinations), et qui seraient
certirude absolue du monde en général mais d,aucune en particulier. la vague tentative d'une mise en place de sol d'évidence, habiruellement
Chez l'halluciné c'est le contraire, l'expérience particulière est vécue dans fonction de la puissance stimulatrice de 1'horizon, ici en pure perte et sur-
la conviction. saturé, non inquiétépar plus aucune absence, peu à peu impraticable.
C'est peut-être cela qui saisit le plus le patient dans l,hallucination,
c'est la certitude. L'hallucination vient d,un ici et d,un maintenant qui 5. L'hallucination n'a pas de profondeur.
n'a pas d'ambiguïté et qui n'appelle à aucun autre aspect. Un lieu sans L'hallucination n'est pas au péril de l'espace. Il ne faut pas se méprendre
ambiguïté, logé en un temps lui-même sans ambiguité. vis-à-vis de la proximité, voire de la surproximité des voix...
ESQU/SsE
INTRODUCTION
TOPOCRAP H I E H ALLIJCI N ATOI RE 55
54 À tn puÉNouÉNotoae DEs HALLUCTNATIoNs
D' IJ NE

Une chose n'est proche que sous l'horizon de notre ici. Or il n'est d'Ici avec sa présence sensible, elle est intérieure au sujet et se confond avec sa

que pour un être des lointains. C'est dans l'éloignement du lointain, de présence jetée dans une assignation à soi-même.
l'arche sans appui de l'espace, à même Ie vertige perpéruellement reporté Nous sommes dès lors bien loin d'envisager l'hallucination comme
de l'éloignement, que nous sommes notre propre dêpart. M1te71 de Monde au sens de Merleau-Ponty: u Ia perception est non per-

Heidegger a mis au jour la dimension existentiale de 1'é-loignement, ception de chose d'abord, mais perception de rayons de monde, de choses
cette dimension paradoxale qui en fait l'essence, logiquement contradic- qui sont des dimensions, qui sont des mondes, je glisse sur ces éléments
toire et esthétiquement concordante, du mouvemeût: « Éloigner (ou et me voilà dans le monde, je glisse du subjectif à l'être... ''tt
déloigner...) veut dire faire disparaître le lointain, c'est-à-dire l'éloigne- Dans l'hallucination, on reste dans le subjectif.
« Le rayon de monde est l'identité de la transparence et de l'opacité : tout
ment de quelque chose, veut dire approche... » Ainsi se trouve fondée dans
l'éloignement et le lointain cette exigence qui semblait d'abord y conffe- son être consiste à s'effacer au profit du monde », précise R. Barbaras.a2
dire: u Dans la présence se trouve une tendance essentielle à la proximité. , Telle couleur ne se distingue pas par son contenu, mais par le style
« En tant que le sentir est approche, il maintient tout autant la dis- d'approche du monde et n'est qu'un certain mode de rencontre avec le
tance. L'approche n'est pas coincidence mais avancée vers ce qui ne peut monde; l'hallucination en exprime la déchéance. Les schizophrènes
être rejoint. Approcher c'est é-loigner, c'est-à-dire sortir de l'éloigne- sont parfois transpercés par les rayons de plusieurs mondes sur lesqtrels
ment: la proximité conserve [a distance qu'elle surmonte... » comme le ils n'ont pu glisser en se bloquant sur le subjectif' Contrairement ii I'hal-
souligne R. Barbaras. ao luciné, nous ne jouissons pas de l'éprouvé de la subjectivité, nous lc fitvotts
Les hallucinations, elles sont en surproximité, telles des intériori- constamment.
sations, sans sortie à soi, sans empiétement vers la chose même, mais Pour citer Merleau-Ponÿ « se toucltc4 st' t'ttit; L'( tt'tsl /rrts sr'\('/\" ( (tttt'tt''
"
possession, appropriation d'une chose déjà déposée à distance. objet;c'est être ouÿert à soi, destiné à stti.'u L.c tt'rsl .lott( ltd\ rldt'ttttltt.tlr'
t\
En toute rigueur, les distinctions d'extranéité (d'extériorité) et d'in- s'atteindre, c'est au contruirc s'échapper, s'igttt»L'r. '
tranéité des hallucinations doivent tenir compte du fait que celles-ci ne En quoi, dit Maldiney{{, il y a toujours le se. [.c soi csl ttllc (ltt('slloll
résultent pas, comme dans une perception en tant que mouvement, d'un d'écart.
déploiement de Ia différence intérieur-extérieur. Dans la perception cette Or, dans I'hallucination, Ie sujet se saisit collltllc olr.ict tlc soi 'l sot,
différence est inassignable entre l'apparaître de la chose et la transcen- dans une assignation sans écart, dans un décentrenrent lilrttlitrttcttlitl oit
dance qui se préserve en cet apparaître; l'hallucination, elle, est le résul- le sujet halluciné est transpetcé par les rayons de plusiettrs ntoncles sttt'
tat d'une collusion sans profondeur. lesquels il n'a pu glisser, en se bloquant sur le subjectif du rnonde du jc,
Sentir, ce n'est pas rejoindre une chose à l'extérieur: une chose ne du on, du nous aspectués en objecrualités.
devient au contraire extérieure qu'en tant qu'elle est sentie. Et c'est cer- Des objecrualités qui sont des u camouflages » comme Tatossianas
tainement ce que dénonce l'halluciné, cette intentionnalité inversée, qui traduisait par ce terme le deckhung (le recouvrement).
fait que les choses ne sont plus extérieures car elles ne sont plus senties Un des concepts qui décide à lui seul du sens de l'intentionnalité, c'est
et ne sont plus rejointes ; qu'il n'y a plus de difference entre intérieur et celui de « recouvrement » (deckhun§.
extérieur, ou du moins que celle-ci est artificielle dans sa construction Nous I'avons abordé, pour l'halluciné l'expérience est claire pour
inversée. elle-même sans qu'aucune épaisseur d'un acquis originaire ne vienne
L'hallucination n'est pas une épreuve à distance (comme le sentir, qui s'interpos er, Le sujet halluciné n'est pas confronté à un « il y a ' obscur
ne peut faire paraître qu'en rejoignant ce qui paraît en son [ieu, en en et confus. L'hallucination est la conséquence d'une affectation « activ€ »,

respectant le retrait). dans u l'en-face » d'un u il y a , [e monde dans une pré-orientation de


Les objets hallucinatoires sont sans profondeur.La distance des hallu- saisie.
cinations est toujours surmontée par le sujet halluciné, non pas parce qu'elle Les rayons directionnels, qui dans la perception recouwent son propre
n'est pas déployée dans la perception d'un regard ou d'un entendre, mais champ, dardent I'espace de directions virtuelles, de perspectives puissan-
parce qu'au lieu d'être en quelqtre sorte intérieure à l'objet et se confondre cielles, qui sont autant cle « rnotifs " éveillant le " je peux » corporel'{6
t.§QU'ssE
,NTRODUCI'oN 57
puÉNouÉ.t'totoctt DEs HALLUC,NAToNs D'uNt rorcÇRAPHtE H ALLUCINAToIRE
56 À tn

banale: « pour passer au rang des


Dans l'hallucination, le recouvrement n'est plus enveloppement du plus être batrêecomme une perception
de laisser place à une autre
réel, mais mise à couvert par une conscience (délirante). illusions pour ne disparaître qu'à condition
5r
L'horizon du monde de l'halluciné n'a aucun excédent virnrel, n'a percePtion qui la corrige ''
u Loin de désamorcer l'Urdoxa' les
apparences' les discordances et
aucune perspective puissancielle. a7
les illusions peuvent au conffaire
intensifiei la recherche d'un nouvel équi-
L'hallucination vient d'un lieu qui a perdu toutes virrualités possibles
à prospecter du côté de ses inten-
et à venir. libre doxique en motivant la perception s2
)), comrne le souligne R' Celis'
De la même manière qvel'tunwelt est devenu gegenwelt, que le ztrhan- tions vides co-déterminantes
(pour preuve la diffrculté des
den est devenu vorhonden, toute tension de durée a été évacuée. De passif L'hallucination ne laisse aucune place
sujets hallucinés pour s'illusionner)'
t[t répète et revient identique à
tt
dans la perception, l'ajointement du temps est devenu « actif , en une frag- à elle-même' elIe peut se
mentation d'époques d'emblée distinctes dans l'a priori et donc identiques I'infini, et ne connaît pas le temps ; identique
que le temps soit en prise
reproduire telle quellt at' années après sans
à f infini.
sur elle-même.
est bien éloigné de cette mer ano-
Le lieu d'où provient l'hallucination
de cet « il y 3 »' le dernier tnot
L,HALLUCINATION, LINE TENTATIVE D, HABITATION nyme de tout ce qui arrive de soi-nûme'
dans le ressasselnent éternel' Au
(la conséquence de ces différents traits) comme I. rro*muit Maurice Blanchot'
clôbris tlu tntltrtlc
L'hallucination est une des modalités du système des sujets incarnés: monde urrorry*., se substitue un
« il y a
'' constitué des
irc )'
Comme dans Ie domaine de la gestuelle, où les mimiques tiennent la pose, (allant parfois jusqu' au caquetage hallucinato
dans un certain maniérisme cristallisé en un état de fait pour tenter de
dépasser l'injustification totale face à f incompréhension du monde com- CONCLUSION
mun, les hallucinations s'emparent du sujet, tiennent vainement la parole tltrc lc lit'tr tlt'I'lr'rlltrtlll'lll(tll
en état de dire où elle ne peut plus se loger. En dernier ressort, nous voudrions dire t lr'rtt (/''rl')
(korltct')blcsst'tlltrts s't l"rr
L'hallucination est ceffe recherche naïve d'une prise sur le monde pour c'est avant tout la to'p', un corps tl'tlllt'
aucun avenir clcstinitl' t'tt tlt'ltot:'
l'habiter et « être Ie là ,, c'est une recherche en échec, une tentative avor- une présence qui n'est vouée à
tée d'une « habitation ,, de l'ouverfure de la possibilité d'un site en vue présence jetée.
de La colonic pctrirt'rttittiti' tlc' l('rlli'r
d'un avoir lieu, et du monde et du soi et d'autrui. Le sujet halluciné, tel le condamné
imprimées par la herse tltri
La constitution solitaire de ce lieu fictif chez 1'halluciné ne peut valoir qui découvre sa sentence à 1'aide des blessures
e pat les blessures dtt
comme rêalité que parce que la réalité elle-même est atteinte chez le sujet l'exécute, à meme son corps, déchiffre sa présenc
normal dans une opération analogue: « En tant qu'il a des champs sen- corps que sont les hallucinations'
expérience première: que Ia chair
soriels et un corps, le normal porte, lui aussi, cette blessure béante par où Celles-ci ramènent le sujet à cette I
qui se découvre un autre'
peut s'introduire f illusion, sa représentation du monde est vulnérable. »'ts n'est qu'un corps' qui se retire à l'existence'
la question que posait le patient de
Dans l'hallucination, on ne peut parler ici de fréquentation aban- ce qui de moi est hors de moi' C'est excé-
ces hallucinations qui semblent
donnée et détendue àl'mnwelr où Ie moi transcendantal reposant sur son Minkowski de noffe introduction:
excès se donnent comme un ailleurs'
arrière garde (interhalt) assume Ie caractère impersonnel et anonyme de der ma perception et qui dans cet
l'émergence des choses et où aller de soi le n gelassenheit ,,le n il y o le monde , mais d'où viennent-elles ?
côté du réel' ni du côté du
(comme les rapproche J. Garelliae) implique d'abord qu'« aille de soi le L'hallucination ne se tient au fond ni du
côté" ' mais dépend intrinsè-
monde ambiant » selon Blankenburgso. fictif, ni dans un lieu sirué entre' sous' à
dans lequel se tient le patient'
C'est peut-être ce que Merleau-Ponÿ nomme f imposture hallucina- quement du rapport d'ouverture au monde
Boss sur la compréhension phéno-
toire, qui fait que le système hallucinatoire a usurpé la force expressive Heidegger interrogé par Médard
(à partir d'une hallucination solaire sur-
du monde pour en supplanter la perception. Dans l'hallucination, la ménologique de l'hallucination
quitté par son ami) répondait:
puissance inversée de l'horizon est tellement forte que celle-ci ne peut venue chez un schizophrène hornosexuel
ESQU'5sE
INTRODUCTION E H ALLU0I N ATol RE
59
D' u N E TorccRAP H t

58 À te pxÉNouÉNotocrc DEs HALLUc,NArroNs

NOTES
« Tout d'abord, il vous faut, à vous psychiatres, comprendre qu'il y a et le problème de I'espace ''
E. Minkowski: u Le problème des hallucinations
l. 1988'
différents modes de présence de cela qui interpelle le Dasein depuis l'ou-
inVersutepsl'cltopatltologiedil'espace(19S3)'ietempsvécu'rééd'ImagoMundi'
verture de son monde, non seulement les représentations sensibles mais
(I'ba' (1946)'rééd' hnago Mundi' 1988' p' 63'
aussi les souvenirs ou une hallucination que l'on ne peut rectifier. (Le '' "1..'t.Binswanger : Le cas Suzart du congrès de psychia-
3. plt'htouténologic d';;;iises' RappJrt
A. Tatoss ian: La
malade (et c'est ce qui limite sa liberté) ne peut vivre le départ de son ami (1979)' p'.26P'
trie et de neurologie, Angers Gallimard
que sous la présence d'un tourment. Il ne s'ouvre pas à l'absence. On ne de la perception (1945)' rééd'
4. M. Merleau-Ponry : La plürtonténologie
peut faire l'expérience de l'être que par la présence d'un étant). »sl TEL, Paris, 1985, P. 337'
-
On m'a livré la semaine dernière au cours d'une supervision l'histoire i. E,. Minkowski, oP' cit', P' 391'

d'un homme membre d'une famille d'accueil présentant à mon sens une ?. *lhi'i''r7*u,,clair, que précisera M' Merleau-Pontv' op' cit'' p'33?: " I'es-
pace clair, cet honnête espace où to.us
tt; àUltt' ont la même importance et [e mêtne
manière d'être au monde proche de la mélancolie. Celui-ci avait malen- autre spa-
entouré mais pénêtré de part en part d'une
contreusement perdu le petit garçon dont il avait la garde en raison d'une droit à exister, est non
"ulemt"t révèlent ''
,i"iiia que les variations morbides
maladie grave, alors qu'il s'était prémuni d'être un père pour ne pas 8. Ë. Uirrt o*ski, oP' cit',P' 394'
apporter le malheur comme lui-même disait l'avoir enduré. Après une Berlin' le35' réétl J lvlilli«rrr' leti()
longue errance, il avait mis fin aux hantises quotidiennes où le petit être ?t ili;T;::l;",,,sinrtda'sirtrt' t'csotsctcs'scrrs'

11.A. Tatossian, oP' cit', P' 242'


venait lui parler en tatouant sur ses mains le visage enfantin. 12.M. Merteau-ionty, op'cit'' p' 332' pp 393-395 lhrttirrttcs sottt lcr'l"ll'.1"':l'
Ne pouvant s'ouvrir à l'absence, les hallucinations, véritables blessures, 13. Comme ft ait E'stiius (op' tit'l'
itt tptctres' les
utt le t'lt'ttrt tltt t orlrl otr ll,tr.'
tltt tésotrtre
comme leur transmutation « active )) en un tatouage indélébile permet- deurs du paysage aun' fu geogtupi''iè ''''tu'''''tnt
objectons désormais le monde'
--'
taient à cet homme d'articuler la dernière significabilité du monde comme 14.M. Merleau-Ponry, op' cit'' p' 332'
ultime Appel à l'Ouvert. 15' Ibid, P.394'
16. E. Straus, oP' cit', P' 575'
17. A. Tatossian, oP' cit'' P' 268'
« Lorsque j'eus descendu I'escalier près du fleuve, des chiens de dtt litil lttillrttirrrt!rttt(' l()5li' rccrl
grande taille, des espèces de molosses, la tête hérissée de couronnes 18. A. Tatossian, Approche phéttontôtrologiqtrc
de ronces, apparurent sur I'autre rive. Je savais que la justice les avait Acanthe, 1997,P.106'
rendus féroces pour faire d'eux ses instruments occasionnels. Mais, 19. Ibid, P. 108'
20. M. Mèrleau-Pontÿ, oP'cit'' p' 174'
moi aussi, j'appartenais à la justice. C'était là ma honte : j'étais juge. Fischer' comnle Minkorvski' /'citsrtttk'
21. Ibid, p.327,Merleau-Ponty citant F
Qui pouvait me condamner? Aussi, au lieu d'emplir la nuit de leurs
aboiements, les chiens me laissèrent-ils passer en silence, comme un fiff und SchizoPhrunie, P' 560'
homme qu'ils n'auraient pas w. Ce n'est que bien après mon passage 22. Ibîd,P.327 '
qu'ils recommencèrent à hurler: hurlements tremblants, étouffés, 23. Ibid, P' 391'
qui, à cette heure du jour, retentissaient comme à l'écho dumot il y a. s6s >" Penser l'ltot,rne et ta 'fotie' Ëd' J'
3i. fftil:i.iinr, in u Événement et Psvch
" Voilà sans doute le dernier mot, pensai-je en les écoutant. Million, Cotl. Krisis, P' 132' »' Regard' Parolc"
« Mais le mot /1,c sttfftsait encore à révéler les choses dans ce loin- de l'image dans [a peinrure
26. H.Maldiney, in " L'équivoque
tain quartier et, avant d'atteindre [e pavillon, j'entrai dans un vrai jar- cï[' À'n"'' Paris' 1e7l' p' 223'
din avec des arbres, des racines enchevêtrées au ras du so[, tout un Erp;;,iiuîiliffime,
taillis de branches et de plantes... , 27. Ibid.,P.224' -,-:-.-^ ^.. la mort peinte et antlcl-
espace orphiOue o3
28. F. Jover, « Les peinrures noues'
t'Haràattan' Paris' 1996' p' 202'
Maurice Blanchot oée par F. Goya ','î tï"ti'
Ciéation'-éol1'
Espacc' p' 279'
ii. r"râraütv, Regard' Parole'
Gallimard' Paris' 1969' p' 28'
-

30. M' Merleau'Po nty, La prose a"iio'ii''


Le dernier mot »,
«
ln Le rcssassenrnt étend nty, La pt'a'o''Ji'*tigieperception' p' 391' Par ailleurs'
cte la
31. M. Merleau-Po la réalité perçue' si j'es-
puissàit*:
dit Minkowski évoquant cette ai"'it''tion
aËta
sous forme d'un
saie de me ,.prés-tï" hallucinaiù-"' it "t puis le faire que
Frédéric Jovrn
"t
événement brusque, rapide comme '"Jàài''
céàant de suite devant [a puissance
réalité sensorielle (in Le rcmps véctr'
impétueuseet ,r'Ë*igeant aucun tonttàrt' àt ia
P. 386).
60 À u
,NMODUCNON
pnÉ.NouÉt'totoqe DEs HALLUoINATIoNS T
32.H. Maldiney, Le legs des chosæ dars l'mtwe de Fruncis Ponge, Éd. L'Âge d'hommg
coll. Amers, Lausanne, 1974, p. 49.
33. M. Merleau-Ponty, La phénoménologie de la perception, p. 393.
34. L. Binswaîger, Le cas Sumn Urban, p.91.
35. V. Von V/eisâcker, Le cycle de la sn'uctute, trad. M. Foucault, Ed. Desclée de Brou-
wer, 1958, p.146.
36. R. Barbaras, La pa'ception, essai sur le sensible, Éd. Hatier, Coll. Optiques, Paris,
1994, p.67.
37. E. Husserl, Die Ururche Erde bewegt sichr nicht (1934), Philosophical Essays, In
Memoryof E. Husserl, trad.D. Franck, Latenenesemeutpcts, Éd. deMinuit, Paris, 1989.
Dans cet essai, Husserl développe I'idée de revenir à une compréhension du mouve-
ment naturel précédant celle que nous a léguée la révolution copernicienne, et nous
conduit à penser une nouvelle forme d'évidence.
38. E. Husserl, Analysenzu'passivensynthesis, Husserlania,Bd. XI, M. Nijhoff, Den
Haag,1966.
39. R. Célis, « L'IJrdoxa dans la vie intentionnelle », in L'intmtionnalité en question
entrc phéno,nénologie et rcchachæ cognitives, Éa. O. Janicaud, Vrin, Paris 1995, p.78.
40. R. Barbaras, op. cit., pp.68-69.
41. M. Merleau-Ponty, Le üsible et l'invisible (1964), rééd. Gallimard TEL, Paris,
1991, p. 27 l.
42.R. Barbaras, op. cit., p. 71.
43. M. Merleau-Ponry op.cit, pp. 302-303.
44. H. Maldiney, Pensa l'homme a lafolie, p. 179.
45. A. Tatossian, La phâtoménologie des psychosæ, p.268.
.16.
R. Célis, op. cit., p. 72.
47. J. Naudin parle de non-perspectivité d'horizon, in Les voix et la chose, Presses
universitaires du Mirail, Toulouse, 1997, p. 13.
48. M. Merleau-Ponty, La phénomârclogie de la paception, p. 395.
49. J. Garelli, « Constitution et dislocation de I'expérience: Le .us 4fiaud », in
L'Art du Comprendre, no 2, Paris, 1994, p. 27 .
50. W. Blankenburg , La perte de l'éyidarce flaturelle, éd. française PUF, l99l .
51. M. Merleau-Ponty, ibid, p.397.
52. R. Célis, op. cit, p. 78.
53. M. Heidegger, Zollikoner Seminare, haarcgegeban von MedardBoss, Klostermann,
1987, p.196.

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