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BAROMÈTRE DE LA

MICROFINANCE 2019 ZÉRO


EN PARTENARIAT AVEC

10e Edition

10 ANS DÉJÀ !
RETOUR SUR LES ÉVOLUTIONS EN MICROFINANCE
Sommaire
PAGES 2-3
CHIFFRES CLÉS DE L’INCLUSION
FINANCIÈRE DANS LE MONDE

PAGE 4-5
CHIFFRES CLÉS DE L’INCLUSION
FINANCIÈRE EN EUROPE ET EN
FRANCE

PAGE 6-13
DOSSIER SPÉCIAL : TENDANCES ET
ÉVOLUTIONS DE LA MICROFINANCE
DEPUIS 10 ANS

PAGES 14-15
MICROFINANCE ET CHANGEMENT
CLIMATIQUE

© Advans Group
PAGE 16
LA MICROFINANCE AU SERVICE DES
RÉFUGIÉS

est en proie aux critiques. Les crises aux crédits, mais aussi aux services Ce présent Baromètre revient sur
ÉDITORIAL successives révèlent les dangers
que peut représenter la microfinance
de santé, d’agriculture, d’éducation,
d’énergie ou d’habitat.
les évolutions de la microfinance
au cours des dix dernières années
pour ses bénéficiaires lorsqu’elle pour donner à voir les évolutions du
En dépit de ses bons résultats au n’est pas gérée de manière respon- Depuis 10 ans, les Baromètres de secteur. Expertise dans la création
cours des dernières années, la micro- sable. Des mesures d’autorégulation la Microfinance se sont attachés à d’outils et d’indicateurs de mesure
finance apparaît parfois comme in- se développent, témoignant d’une vo- retracer et analyser les mutations de la performance sociale, utilisation
comprise ou mal perçue par une par- lonté de professionnaliser le secteur. de la microfinance. Si l’essor de l’im- des nouvelles technologies de ma-
tie de l’opinion publique. Aujourd’hui, Durant ces années, le secteur s’as- pact investing a semblé occulter la nière responsable, diversification des
pour son 10e anniversaire, le Baro- sainit considérablement. S’en suit une microfinance, les dernières éditions services visant à l’inclusion des po-
mètre de la Microfinance (BMF) pro- période de professionnalisation et de présentent au contraire cette der- pulations les plus vulnérables : nom-
pose de considérer la microfinance renforcement des institutions. nière comme un pionnier de l’impact breuses sont les leçons à tirer des
comme une dimension à part entière investing, ayant toujours des ensei- mutations de la microfinance.
des politiques de développement et La performance sociale devient alors gnements à apprendre aux nouveaux
comme un secteur pionnier de la fi- une préoccupation centrale pour une acteurs du secteur. Puissent-elles être utiles au champ
nance responsable. Afin de cerner majorité des acteurs de la microfi- grandissant de l’impact investing.
ses enjeux, éclairons son histoire. nance. Trois dimensions témoignent Le fait que la microfinance n’ait
de sa transformation : diversifica- désormais plus le monopole de l’in- Bonne lecture !
Alors que l’émergence de la micro- tion des investissements, utilisation vestissement à impact n’est pas une
finance au milieu des années 2000, croissante et innovante des nouvelles mauvaise nouvelle, au contraire. CONVERGENCES
portée par le Prix Nobel de la Paix technologies et multiplication des L’effort à faire pour atteindre les ODD
Muhammad Yunus, suscite un vent services financiers et non-financiers d’ici à 2030, estimé à 5 000 milliards de
d’optimisme dans le monde, le début
des années 2010 marque un tournant.
Cause de surendettements d’une par-
offerts. En 2016, un an après l’adop-
tion des Objectifs de Développement
Durable (ODD), le Baromètre rappelle
dollars par l’ONU, nécessite en effet
que l’ensemble des investisseurs se
mobilisent pour la construction d’un
ZÉRO
tie de ses bénéficiaires et générant que la microfinance favorise l’accès monde plus durable.
des profits importants, la discipline
CHIFFRES CLÉS DE L’INCLUSION FINANCIÈRE | MONDE
Chiffres globaux de la microfinance : quelles évolutions ?

D
epuis 2010, le Baro-
mètre de la Micro-
finance analyse les
chiffres clés de l’inclusion fi-
nancière dans le monde, grâce
aux chiffres du MIX Market Total monde 2018 & croissance depuis 2009
sur le marché de la microfi-
20% 80%
nance mondiale. Retour sur les Autres IMF
grandes tendances du secteur. 24%

124 Mds $
Zoom sur les institutions et les
Top 100 IMF
clients 76%

916 140 M 65%


En dix ans, les institutions de 2016 : +9,4% 2016 : +9,6%
microfinance (IMF) ont prêté 2017 : +15,6% 2017 : +5,6%
des centaines de milliards de 2018 : +8,5% 2018 : +9.5%
dollars, avec un taux de crois- Evolution du portefeuille
à risque > 30 jours

sance annuel moyen de 11,5% 150


Nombre d’emprunteurs
8%

sur les cinq dernières années. 120 (en million) 7%

En parallèle, le nombre d’em-


6%
Portefeuille de prêt
(en milliards de dollars) 5%
prunteurs dans le monde a 90
4%
poursuivi son augmentation, 60

bien qu’à un rythme moins


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soutenu que dans les années
2000-2010, enregistrant une
croissance moyenne annuelle Amérique Latine et Caraïbes
de 7% depuis 2012, contre un 10,3
taux avoisinant les 20% dans la Mds $
37% 63%
décennie précédente.
129
En 2018, ce sont 139,9 millions
48,3 2016 : -0,6%
2017 : +3,5%
d’emprunteurs qui ont bénéficié Mds $ 2018 : +5,5%
des services des IMF, contre
seulement 98 millions en 2009.
248
22,2M 23%
Parmi ceux-ci, on compte 80% 2016 : +3,1%
2016 : +8,1%
de femmes et 65% d’emprun- 2017 : +12,4% 2017 : +1,1%
teurs ruraux, des proportions 2018 : +5,7% 2018 : -0,3%
restées stables au cours des
dix dernières années, mal- Nombre d'IMF rapportant au MIX Taille du portefeuille
gré l’augmentation du nombre
d’emprunteurs. Avec un porte-
feuille de crédit estimé à 124,1 On constate néanmoins une lé- régions (+13,8% entre 2017 et Bien qu’elle représente presque
milliards de dollars, les IMF en- gère dégradation de la qualité 2018). Elle compte d’ailleurs les deux tiers des emprunteurs
registrent en 2018 une nouvelle du portefeuille sur l’ensemble les trois premiers marchés en mondiaux, l’Asie du Sud ne se
année de croissance (+8,5% par de la période, le portefeuille termes d’emprunteurs, l’Inde, hisse cependant qu’à la deu-
rapport à 2017). à risque (PAR) supérieur à 30 le Bangladesh et le Vietnam. xième place en termes de vo-
jours ayant évolué de 6,4% en Spécificité notable de la ré- lume du portefeuille de crédit,
En dix ans, les IMF ont égale- 2009 à 7% en 2018. Après une gion, la quasi-totalité des em- avec un encours estimé à 36,8
ment amélioré leur efficacité. baisse du PAR > 30 jours entre prunteurs sont en réalité des milliards de dollars en 2018.
Malgré une décennie mar- 2010 et 2012, celui-ci est en ef- emprunteuses (89% en 2018).
quée par une forte hausse du fet reparti à la hausse pour se
coût par emprunteur, passé de stabiliser entre 2016 et 2018 au- Ratios de performance moyen des IMF en 2017 (consolidé)
68,4$ en moyenne en 2009 à tour de 7%.
106,7$ en 2018 (+56%), le ratio Rendement sur 19.2%
de dépenses opérationnelles Zoom sur les régions portefeuille
en baisse de 2,7 points sur la
Ration de dépenses
période. Entre 2009 et 2018, les L’Asie du Sud continue de domi- opérationnelles 10.6%
IMF ont également enregistré ner la microfinance mondiale :
une augmentation de leurs ren- c’est la région qui comporte le Portefeuille à
dements sur actifs (+1,3 points) plus grand nombre d’emprun- risque à 30 jours 6%
et sur fonds propres (+2,9 teurs (85,6 millions en 2018), em-
points). prunteurs dont la quantité croît Rendement sur
plus vite que dans les autres fonds propres 11.5%

2
BAROMÈTRE
DE LA MICROFINANCE 2019 ZÉRO
CHIFFRES CLÉS DE L’INCLUSION FINANCIÈRE | MONDE

croissance entre 2017 et 2018


(+1%), l’Europe de l’Est et l’Asie
centrale enregistrent une crois-
sance de 5%, une amélioration
après le repli des années 2015 et
2016.

Enfin, l’encours total des IMF


Europe de l'Est et Asie Centrale africaines a enregistré une
hausse de 56% depuis 2012, tan-
51% 49% dis que le nombre d’emprunteurs
5.7 connaissait une augmentation de
Mds $
46% sur la même période pour at-
136 2,5 M 62% teindre 6,3 millions de personnes
2016 : -11,1% 2016 : -2,5% Asie du Sud en 2018. Malgré un portefeuille
2017 : +6,5% 2017 : -2,3% 11% 89%
2018 : +13.1% 2018 : +8,4% de faible qualité (13,6% PAR > 30
jours en 2017) et des coûts par
Moyen-Orient et Afrique du Nord 36,8 emprunteurs élevés, le porte-
40% 60% feuille continue à afficher un ren-
1,5
Mds $
Mds $ dement important – 20%  – mais
29 2.5 M 47% 214 en baisse de 6,6 points. Le ren-
2016 : +3,2% 2016 : +7,1%
dement des actifs reste lui aussi
2017 : +13,5% 2017 : +11,4% 85,6 M 72%
2018 : + 11,4% 2018 : + 9,5%
2016 : +23,5% 2016 : +13,4% positif – 1,9% – mais en baisse
2017 : +24,2% 2017 : +6,6% (-1,4 points).
Afrique 2018 : +10,3% 2018 : +13,8%
36% 64% Enfin, avec 73% de clientes et
Asie de l'Est et Pacifique 79% d’emprunteurs ruraux, les
27% 73% IMF de l’Asie de l’Est et du Pa-
cifique poursuivent leur crois-
6,3 M 60% 21,5 sance avec un portefeuille de
2016 : +2,3%
2017 : +0,4% Mds $ 21,5 milliards de dollars en 2018,
2018 : +0,3% 160 en hausse de 13,1%. La même an-
20,8 M 79% née, ce sont 20,8 millions de bé-
2016 : +9,2% 2016 : +8,0% néficiaires qui empruntaient aux
2017 : +18,1% 2017 : +10,6%
2018 : +14,6% 2018 : +10,2% IMF de cette région (+10,2%). De-
puis 2012, l’encours total des IMF
de la région aura augmenté de
16% en moyenne par an, accom-
Proportion d'emprunteurs ruraux
(données consolidées pour
pagné d’une croissance continue
Nombre d'emprunteurs
l'anneé 2018) mais plus modérée du nombre de
clients (+6%/an).

L’Amérique latine et les Caraïbes A l’opposé de ces chefs de file, centrale et 60% dans la région BLAINE STEPHENS
concentrent en revanche à elles les pays de l’Europe de l’Est et MENA en 2018. Les portefeuilles DIRECTEUR ADJOINT
seules 44% du portefeuille total de l’Asie centrale ainsi que ceux de crédit de ces deux régions MOHITA KHEMAR
du secteur de la microfinance, de la région MENA constituent ont également augmenté au CHEF DE PRODUIT
avec 48,3 milliards de dollars des marchés de taille plus mo- cours de la période. Si la région MIX
d’encours de prêts (+5% par deste. Ils enregistrent cepen- MENA n’a connu qu’une faible
an en moyenne depuis 2012). dant une croissance aussi bien
Cette région est la deuxième du nombre de clients que du por-
en termes de nombre d’em- tefeuille de crédit. En Europe de Méthodologie
prunteurs, avec 22,2 millions l’Est et Asie centrale, le nombre
de clients en 2018, un chiffre d’emprunteurs a ainsi augmenté Les calculs se basent sur des données fournies par les prestataires de services financiers du réseau
MIX Market (http://www.themix.org/mixmarket). Le MIX met tout en oeuvre pour recueillir des don-
en légère régression (-0,3%) de plus de 30% depuis 2012, pour nées auprès des principaux acteurs de chaque marché afin de garantir la visibilité de tous les mar-
après des années de hausse. atteindre 2,5 millions en 2018. La chés. Toutefois, le MIX ne collecte pas de données sur l‘intégralité les acteurs dans chaque pays.
La région Amérique latine et région MENA compte le même
Les chiffres totaux pour les emprunteurs et le portefeuille de crédits pour 2018 sont basés sur
Caraïbes reste par ailleurs ca- nombre d’emprunteurs. les données fournies par 916 institutions. Les données de l’exercice financier 2018 se basent
ractérisée par un faible taux de sur toutes les institutions ayant fourni des données au MIX pour la période annuelle de l’exer-
cice de 2018. Lorsque les institutions ont déclaré des chiffres annuels pour l’exercice 2017 mais
pénétration dans les régions ru- Les IMF de ces deux régions pas pour celui de 2018, les chiffres de l’exercice 2017 ont été utilisés pour estimer ceux de 2018.
rales. Les IMF de la région sont sont par ailleurs celles qui
celles qui s’adressent le moins comptent le moins de femmes Les estimations de croissance pour les valeurs des emprunteurs et des porte-
feuilles de prêts pour les exercices 2017 et 2018 sont issues d’une moyenne provenant
aux populations rurales, qui ne parmi leurs emprunteurs, avec de l’ensemble des établissements ayant fournis des données au MIX pour 2017 et 2018.
constituent que 23% de leurs respectivement 49% d’emprun-
clients. teuses en Europe de l’Est et Asie Les données sur les segments de clientèle, et sur le financement et le rendement institutionnel proviennent
du Global Outreach and Financial Performance Benchmark Report - 2017 du MIX.

ZÉRO BAROMÈTRE
DE LA MICROFINANCE 2019 3
INCLUSION FINANCIÈRE | EUROPE
Libérer le potentiel du microcrédit pour une Europe plus inclusive et plus dynamique

I
l y a 30 ans, Maria Nowak créait en France l’Association pour Tendances et portée de l’activité de microcrédit
le Droit à l’Initiative Economique (ADIE), introduisant en Eu-
rope une innovation développée avec succès au Bangladesh Nombre de microcrédits distribués Valeur des microcrédits distribués
dans l’année dans l’année
par le Professeur Yunus : le microcrédit. L’objectif de l’ADIE est bien 800 000 2,5
de reconnaître un véritable droit à ceux que les lois du marché ou
les accidents de la vie empêchent de développer leurs projets ou 600 000
2
664 000
de créer leur entreprise, faute d’accès au crédit bancaire conven- 633 173
€ 2,07

Milliards
552 834 € 1,86
tionnel. La mise en œuvre de ce droit passe par l’octroi d’un prêt 400 000
€ 1,571
adapté et un accompagnement personnalisé du porteur de projet. 1

Cette initiative a rapidement fait école dans toute l’Europe, sous


200 000

des formes adaptées au contexte de chaque pays. Dès 1999 étaient


0
créés à Varsovie le Microfinance Centre (MFC), puis, en 2003, 0
2015 2016 2017 2015 2016 2017

le Réseau Européen de la Microfinance (REM). Il existe aujourd’hui +20% +32%

quelque 450 institutions de microfinance en Europe. Selon la der-


nière enquête réalisée par les deux réseaux – REM et MFC –, on €3.16 Mds euros 993 182

comptait près d’un million d’emprunteurs actifs en 2017, pour un Encours du portefeuille Emprunteurs actifs
brut de crédit
encours total de 3,2 milliards d’euros.
+24% +33%
Croissance 2015-2017 Croissance 2015-2017

L’expérience acquise en Europe depuis 30 ans Quel avenir pour la microfinance en Europe ?
montre que le développement du travail indépen-
Alors qu’un nouveau Parlement européen vient d’être élu et qu’une
dant et des micro-entreprises permet de trans- nouvelle Commission se met en place, et tandis que le mouvement
former des personnes en situation de précarité en des Gilets Jaunes en France a montré la profondeur des fractures et
du sentiment d’abandon de nombre de nos concitoyens, le moment
créateurs de richesse, de réduire la pauvreté et est particulièrement opportun de rappeler l’impact social et l’effi-
les fractures sociales, tout en contribuant à l’at- cacité économique du microcrédit et de faire des propositions pour
teinte des Objectifs de développement durable. lever les obstacles ou les freins à son développement.

Tel est l’objectif poursuivi par le Groupe de travail réuni sous la


Le nombre de bénéficiaires du microcrédit et l’encours de prêt présidence de Maria Nowak et sous l’égide de Paris Europlace. Ce
connaissent une croissance régulière. On peut toutefois la juger Groupe de travail, constitué d’experts issus de l’ADIE et des groupes
trop lente au regard du potentiel du « marché » du microcrédit, tel bancaires français, ainsi que de représentants de la Banque de
qu’estimé par l’étude REM/MFC : 2 millions d’emprunteurs, repré- France et du Réseau Européen de la Microfinance, a élaboré un Livre
sentant une demande potentielle annuelle de 17 milliards d’euros. Blanc du Microcrédit en France et en Europe1. Ce Livre Blanc dresse
Malheureusement, dans la plupart des pays, ce potentiel de déve- un état des lieux du microcrédit, analyse les facteurs qui ont permis
loppement est lié à la persistance de difficultés rencontrées par le développement du microcrédit en France. Il fait également la syn-
beaucoup de personnes dans l’accès au crédit bancaire pour créer thèse des études qui démontrent l’utilité économique et sociale du
ou développer leur micro-entreprise, à l’aggravation des inégalités microcrédit et élabore des propositions pour impulser un développe-
et des fractures sociales, territoriales et numériques, ainsi qu’à la ment accéléré du microcrédit tant en France que dans le cadre de
prégnance d’un modèle social qui privilégie l’insertion par le sala- l’Union européenne.
riat plutôt que par le travail indépendant et l’entrepreneuriat.
L’utilité sociale et économique du microcrédit doit tout à la volonté
L’expérience acquise en Europe depuis 30 ans montre que le déve- affirmée des institutions de microcrédit d’en faire leur raison d’être
loppement du travail indépendant et des micro-entreprises, avec d’entreprise, de la traduire dans leurs politiques, leurs procédures
l’appui combiné du microcrédit et de l’accompagnement des por- internes et les services et produits proposés, puis de mesurer pério-
teurs de projet, permet de transformer des personnes en situation diquement l’impact effectif de leur action, à partir de méthodes re-
de précarité en créateurs de richesse, de réduire la pauvreté et connues de mesure de l’impact social. Performance sociale, impact
les fractures sociales, tout en contribuant à l’atteinte des Objectifs social et équilibre économique dans la durée sont les trois piliers
de développement durable. Elle a aussi montré la viabilité écono- de ce qu’on pourrait appeler le « modèle européen » d’institution de
mique à long terme des institutions de microcrédit. microcrédit.

Les institutions européennes ont bien compris et soutenu le déve- A chacun de nous de le développer pour une Europe plus inclusive
loppement du microcrédit en Europe, notamment à travers la créa- et plus dynamique.
tion en 2014 du Programme pour l’emploi et l’innovation sociale 1 Le Livre Blanc est disponible sur le site de Paris Europlace : https://www.paris-europlace.
(EaSI). Dans le cadre de ce programme, la Commission européenne com/fr/publications
a mis à disposition un instrument de garantie, doté d’environ 300
millions d’euros sur la période 2014-2020, pour améliorer l’accès au Jean-Luc Perron
Vice-Président
financement pour les entreprises sociales, les micro-entreprises et
Convergences &
les groupes vulnérables. A travers le programme EaSI, elle a aussi
Vice-Président
mis en place un instrument de subvention, doté de 16 million d’eu- Centre Yunus Paris
ros sur la même période, pour renforcer les capacités institution-
nelles des fournisseurs de microcrédit et de financement social.

4
BAROMÈTRE
DE LA MICROFINANCE 2019 ZÉRO
INCLUSION FINANCIÈRE | FRANCE
De l’inclusion bancaire à l’éducation financière : les évolutions de la
microfinance en France

D
epuis qu’il fait l’objet d’un suivi, en 2013, prestation qui combine financement, garantie et un mieux-être financier, de ne pas passer à côté
l’encours de microcrédit progresse en accompagnement, soit mieux connue de ses po- d’opportunités ou d’éviter au contraire des choix
France à un rythme assez soutenu. Les tentiels bénéficiaires. inappropriés au regard de leurs besoins et de leur
montants restent encore modestes au regard situation, ou encore d’échapper aux arnaques.
C’est en contribuant à rendre le microcrédit plus
du rôle que pourrait jouer le microcrédit accom-
visible, plus accessible, en communiquant auprès À cet égard, développer la connaissance de nos
pagné en matière d’inclusion financière. Avec
des intervenants sociaux, des relais associatifs ou concitoyens en matière de microcrédit vise à li-
244 000 microcrédits fin 2018, représentant un
institutionnels, des banquiers, de concert avec les miter le non recours à cet outil, pourtant utile au
encours de 1,36 milliard d’euros, contre près de
instituts de microcrédit, que cet outil sera un suc- plan économique et social, tout en rappelant que
1 milliard en 2013, le microcrédit poursuit régu-
cès. La Banque de France qui, avec ses succur- comme tout crédit, il convient avant tout de véri-
lièrement son développement en France. Il est le
sales, gère déjà les procédures de surendettement fier sa capacité de remboursement car tout crédit
plus souvent de nature professionnelle (55% de
et de droit au compte, contribue activement à la engage son souscripteur. Le portail public de l’Édu-
l’encours) ou destiné à constituer un apport en
promotion du microcrédit. Elle nourrit pour cela les cation budgétaire et financière, « mes questions
fonds propres (40% de l’encours) permettant de
échanges entre acteurs au niveau des territoires et d’argent » (www.mesquestionsdargent.fr) propose
contracter un emprunt sur le marché classique.
au niveau national dans le cadre de l’Observatoire des contenus simples, neutres et pédagogiques
Il permet aussi, pour seulement 5% de l’encours
de l’Inclusion Bancaire présidé par le Gouverneur. émanant de partenaires de la stratégie nationale
mais tout de même 19% des prêts, de financer
et référencés par la Banque de France. Une ru-
des projets personnels (achat d’un véhicule par
La communication et l’éducation financière, brique est consacrée au microcrédit. Dans tous les
exemple). leviers du développement du microcrédit départements, les unités de la Banque de France
Le microcrédit en France est accompagné : c’est Depuis 2016, elle dispose d’un nouveau levier : proposent aux travailleurs sociaux et aux salariés
en confortant un projet personnel ou profession- la stratégie nationale d’éducation économique, ou bénévoles d’association des sessions d’in-
nel avec l’aide d’un intervenant social ou d’une budgétaire et financière. Cette stratégie, dont la formation sur le microcrédit comme sur d’autres
structure d’appui à la création d’entreprise que Banque de France est opérateur, a pour ambition sujets : prévention du surendettement, moyens de
son bénéficiaire va finalement parvenir accéder que chacun dispose de connaissances pratiques paiement, comptes et services bancaires, etc.
à un financement qu’il n’aurait pas spontanément et de bons réflexes en matière financière afin de
obtenu. Le microcrédit accompagné constitue pouvoir faire au quotidien des choix plus éclairés
Stéphane Tourte
à cet égard un remarquable levier d’inclusion Directeur des particuliers &
en matière de paiements, de crédit, d’épargne ou Mark Beguery
bancaire et financière. Son développement, pro- encore d’assurance. Il s’agit de faire en sorte que Directeur de l’Education financière
mu par les pouvoirs publics, nécessite que cette tous puissent prendre des décisions leur apportant Banque de France

La finance solidaire au service de la microfinance

D
ébut 2019, près de 13 milliards d’euros1 utilisés pour financer des institutions de microfi-
étaient déposés sur des placements so- nance et in fine des microcrédits. Cette compo-
lidaires, qui permettent le financement sante microfinance est présente depuis la créa- CHIFFRES CLÉS DE
d’activités à forte utilité sociale et environnemen- tion des premiers placements.
tale. Cet encours d’épargne solidaire a été multi- Au fil des années, les acteurs de la finance soli-
LA MICROFINANCE
plié par 8 en 10 ans avec des taux de croissance daire ont diversifié leurs ressources en dévelop-
annuels moyens à deux chiffres. EN FRANCE
pant de nouveaux produits d’épargne solidaire,
Cette progression rapide s’explique tout d’abord que ce soit directement avec leurs propres outils
par une réglementation française en faveur de pour collecter des fonds propres ou de la dette
l’épargne salariale solidaire qui oblige toutes les (émission de parts de capital, obligations, titres as-
entreprises, depuis le 1er janvier 2010, à présen- sociatifs etc.), mais également par l’intermédiaire 244 000
ter au moins un fonds solidaire dans tous les dis- de placements bancaires, de contrats d’assu- microcrédits ont été octroyés
positifs d’épargne entreprise. D’autres éléments rance-vie ou, plus récemment, via des plateformes fin 2018
ont permis le développement des ressources de financement participatif. En Europe, la première
solidaires, comme l’engagement croissant des créée a été Babyloan. De même, le premier titre 1,359
établissements financiers à promouvoir leur associatif solidaire émis est celui de l’ADIE. milliard d’euros d’encours en 2018
gamme de produits solidaires. L’offre ne cesse La microfinance a ainsi toujours été un vecteur
de s’élargir. En 2018, le label Finansol, qui repose
sur des critères de solidarité et de transparence,
d’innovation à fort impact en matière de lutte +35,9%
contre la pauvreté ou d’inclusion sociale et pro- l’évolution de l’encours du
a été attribué à 19 nouveaux supports d’épargne, fessionnelle. Elle doit désormais poursuivre sa
très variés, portant leur total à 161. Du côté de microcrédit entre 2013 et 2018
croissance en s’adaptant à un marché en pleine
la demande, les épargnants adhèrent à ces pla-
cements qui donnent du sens à leur argent. Cet
mutation (développement de l’investissement ins-
titutionnel, digitalisation, finance à impact, etc.).
55%
engouement s’est traduit l’an passé par 423 000 Nul doute qu’elle y parvienne. le pourcentage de microcrédit pro-
nouvelles souscriptions de placements solidaires fessionnel sur l’encours total
portant leur total à 2,8 millions au 31 décembre 1 Baromètre de la finance solidaire 2019 – Finansol/La Croix,
20182. 2019
2 Idem
19%
La microfinance, en France, en Europe et dans Frédéric Fourrier le pourcentage de microcrédit per-
le monde, tient une place prépondérante et his- Responsable de l’Observatoire sonnel sur l’ensemble des prêts
torique dans l’écosystème de la finance solidaire. de la finance solidaire
En effet, de nombreux placements solidaires sont Finansol

ZÉRO BAROMÈTRE
DE LA MICROFINANCE 2019 5
DOSSIER SPÉCIAL
Retour sur 10 ans d’évolutions en microfinance

Synthèse des articles phares des dix derniers Baromètres de la Microfinance

L’
émergence du microcré-
dit dans les années 1980
a très rapidement suscité
un intérêt fort dans un contexte
de renouvellement des poli-
tiques économiques et sociales
de lutte contre la pauvreté. Les
acteurs du développement
ont alors vu dans cet outil un
moyen de réduire la pauvreté
par l’inclusion financière des
plus pauvres, et ont fortement
investi dans la microfinance.
Depuis le secteur s’est forte-
ment transformé, avec l’arrivée
de nouveaux services et de

© Alain Lévy, BNP Paribas


nouveaux acteurs.

La microfinance n’est
pas à elle seule une ré-
ponse à la question du De 2010 à 2013 : de la cri- Ces crises sont la résultante Cette remise en question marque
développement mais tique à l’amélioration d’un triple problème, résumé un tournant qui a facilité le dé-
en 2011 dans le Baromètre par veloppement de nouveaux outils.
peut s’articuler utile- « Microcrédit, miracle ou dé-
Xavier Reille, responsable mi- De nouvelles initiatives d’auto-
sastre  », « la microfinance en
ment avec d’autres po- crise », le « microcrédit tourne
crofinance pour le Consultative régulation du secteur ont gra-
Group to Assist the Poor (CGAP) duellement été développées, dé-
litiques de développe- à la tragédie ». Au début des
: « la crise de la microfinance, montrant une véritable volonté
ment. années 2010, la presse inter-
c’est la recherche excessive de responsabiliser et de profes-
nationale dépeint sévèrement
du gain, la croissance non mai- sionnaliser le secteur. Selon Ce-
le secteur de la microfinance
Le Baromètre de la Micro- trisée des IMF et le manque de cile Lapenu, actuelle directrice
suite aux nombreuses crises
finance n’a eu de cesse de règlementation. » de Cerise, c’est dès le début des
ayant émaillé sa crédibilité.
refléter ces évolutions. A la années 2010 que « le secteur
Ces critiques contrastent avec
fois enthousiasmé par l’essor Signe d’une remise en question est entré dans une période de
l’optimisme qui a longtemps
d’un outil essentiel dans les du secteur, la deuxième édition maturité. Les leçons apprises
prévalu dans le secteur, pré-
politiques de développement, du Baromètre de la microfi- au cours des dernières années
sentant le microcrédit comme
et conscient des limites de la nance titrait en 2011 « Pour un [ont contribué] à l’établissement
une solution miracle à la pau-
microfinance, ainsi que de ses retour à une microfinance plus d’une microfinance responsable,
vreté et valant à son créateur,
possibles dérives, les articles sociale » dans la lignée du pro- éthique et inclusive. » (Baro-
le Professeur Muhammad Yu-
du Baromètre présentent la mi- cessus d’autocritique engagé mètre 2013)
nus, le Prix Nobel de la paix en
crofinance comme un système suite à la crise de la microfi-
2006.
efficace, s’il s’accompagne de nance. C’est dès cette période Ces années de réflexion autour
pratiques responsables. Cette que la question de la mesure de de l’impact social ont ainsi vu
Après des années d’espoir
approche est présente dès l’impact social et des bonnes les acteurs de la microfinance
et d’enthousiasme, la micro-
2010 dans un article d’Alix Pi- pratiques en la matière intègre se rassembler sous la ban-
finance apparait alors sous
nel, journaliste à Médiapart : le Baromètre, et fait depuis l’ob- nière de la Social Performance
un tout autre visage, celui du
« la microfinance n’est pas un jet d’un dossier annuel. Task Force (SPTF) qui réunit
surendettement des béné-
remède universel. Elle n’est aujourd’hui plus de 3 000 orga-
ficiaires et des trop grands
pas à elle seule une réponse à De nouvelles initia- nisations qui promeuvent des
profits d’Institutions de mi-
la question du développement pratiques responsables. Cela a
crofinance (IMF) peu scrupu- tives d’autorégulation
[cela dit, elle] peut s’articuler permis le développement des
leuses. Les énormes bénéfices
utilement avec d’autres poli- engrangés par Compartamos du secteur ont gra- Normes Universelles de Gestion
tiques de développement et ac- de la Performance Sociale pu-
au Mexique ainsi que les crises duellement été déve- bliées en 2012.
croitre encore sa contribution qui ont éclaté dans le sud de
à la lutte contre la pauvreté ». l’Inde, au Pakistan, au Maroc,
loppées et démontrent
Inclusion financière, gestion de une véritable volonté C’est également durant cette
ou encore au Nicaragua ont
performance sociale, rentabili- période qu’a été créée la Smart
mis en évidence les dangers de responsabiliser et
té économique : quels ont été Campaign, une campagne mon-
que pouvait représenter la mi-
les sujets phares du Baromètre crofinance pour ses clients de professionnaliser le diale visant à intégrer les pra-
de la Microfinance depuis sa tiques de protection des clients
lorsqu’elle n’est pas gérée de secteur. dans les activités des institutions
première parution en 2009 ? manière responsable.
du secteur de la microfinance.

6
BAROMÈTRE
DE LA MICROFINANCE 2019 ZÉRO
DOSSIER SPÉCIAL
Retour sur 10 ans d’évolutions en microfinance

Quelles tendances et évolutions ?

Dès lors, les pratiques du sec- l’accessibilité [des services], les liens entre microfinance et les concepts académiques de
teur se sont globalement assai- l’efficacité, l’automatisation des éducation : au-delà des produits l’évaluation d’impact ».
nies. Ces outils largement parta- process, la sécurité et les opéra- financiers permettant de finan-
gés ont permis une plus grande tions cashless ». cer les études, les IMF financent Dès lors, la microfinance, en tant
transparence sur la mesure de aussi la construction d’écoles et que seul secteur de l’impact in-
la performance sociale, le dé- Mais les acteurs traditionnels d’infrastructures facilitant l’ac- vesting ayant atteint une phase de
veloppement de pratiques plus de la microfinance ne sont pas cès aux centres scolaires. Elles maturité, a beaucoup à enseigner
responsables, et une meilleure les seuls à identifier le potentiel offrent également des services à ces nouveaux arrivants, notam-
protection des clients. Ces pra- des nouvelles technologies en non-financiers (formation des ment sur les questions d’évalua-
tiques se sont ensuite générali- matière bancaire. L’arrivée de enseignants, aide au développe- tion de l’impact. Dans un article de
sées dans le secteur. nouveaux acteurs (notamment ment de programmes d’études, 2017, Michael Knaute, directeur
des opérateurs téléphoniques et amélioration des normes de sé- régional Afrique et MENA pour
De 2014 à 2016 : profession- des fintech) bouscule le marché. curité dans les écoles etc.) et Triodos IM, l’affirme  : « l’applica-
nalisation et digitalisation de la Dès 2015, c’est 34% de la popu- fournissent des services de for- tion des leçons apprises dans la
microfinance lation subsaharienne qui a accès mation à l’emploi. microfinance au cours des trois
Après la prise de conscience du à un service bancaire grâce au dernières décennies au secteur
début des années 2010, les an- mobile money. De fait, l’évolu- Arrivée de nouveaux investis- de l’impact investing aidera à tra-
nées 2014 à 2016 constituent une tion de la technologie mobile a seurs, digitalisation de la mi- cer la voie vers la réalisation des
nouvelle étape, celle de la pour- estompé les frontières entre les crofinance, diversification de ODD ».
suite de la professionnalisation compagnies téléphoniques, les l’offre : le secteur de la microfi-
de la microfinance et de l’amélio- nouveaux acteurs du digital et nance connait une professiona- Si la microfinance n’a plus
ration de son efficacité. les institutions financières tra- lisation rapide durant les années
ditionnelles. Les partenariats 2014-2016. aujourd’hui le monopole
La période est d’abord caracté- entre fintech, IMF, entreprises de l’investissement à im-
téléphoniques, et institutions pu- De 2017 à nos jours : un sec-
risée par une diversification des
bliques deviennent une nouvelle teur influent au-delà de ses pact, les leçons qu’elle a
acteurs qui investissent dans
le secteur. En 2014, Christian formule permettant d’augmenter frontières initiales acquises peuvent être
Etzensperger, analyste de Res- à la fois l’impact de la microfi- Au-delà de la microfinance, utiles aux autres acteurs
ponsAbility – un gestionnaire nance et sa portée. c’est tout un secteur de la fi- de la finance responsable
d’actifs spécialisé dans la mi- nance responsable qui se struc-
crofinance et le financement du Arrivée de nouveaux ture. Le fort développement de
développement – remarque que investisseurs, digita- l’impact investing ces dernières
l’arrivée de fonds de pension en années peut donner l’impres- La microfinance au service des
microfinance marque un tour- lisation de la microfi- sion que la microfinance n’est ODD
nant pour le secteur. Ceux-ci, nance, diversification plus à la mode, dépassée par Avec un montant de 124 milliards
généralement averses au risque, des acteurs plus performants et/ de dollars de prêts octroyés au
ne s’engagent que dans les sec-
de l’offre : le secteur de ou plus ambitieux. Pourtant, loin niveau mondial et une croissance
teurs dont la rentabilité est prou- la microfinance connait de cette image, les dernières de 9,5% du nombre de clients en
vée, montrant que « le secteur une professionalisation éditions du Baromètre montrent 2018 l’offre de la microfinance
de la microfinance est passé du au contraire la microfinance continue à se développer. Signe
stade initial de programmes sub- rapide durant les an- comme une pionnière de l’im- d’un secteur qui a su tirer parti
ventionnés à celui de banque de nées 2014-2016 pact investing. de ses propres mutations pour
détail rentable ». poursuivre son développement et
Création de modèles écono- continuer à favoriser l’inclusion
La professionnalisation du sec- miques permettant la recherche financière partout dans le monde.
En 2016, un an après l’adoption
teur se concrétise également à de l’impact social tout en garan-
des Objectifs de Développement
travers l’utilisation grandissante tissant un équilibre financier, Et si la microfinance n’a plus au-
Durable (ODD), c’est la diversifi-
et innovante des nouvelles tech- diversification des ressources jourd’hui le monopole de l’inves-
cation de l’offre en microfinance
nologies. Le Baromètre fait de des acteurs de microfinance, tissement à impact, les leçons
qui est abordée par le Baro-
ce sujet son dossier principal en outils et indicateurs de per- qu’elle a acquises peuvent être
mètre. Au-delà du simple accès
2015, peignant le portrait d’une formance sociale : les acteurs utiles aux autres acteurs de la fi-
au crédit, le Baromètre montre
microfinance innovante, qui de la microfinance ont une ex- nance responsable. Une heureuse
que la microfinance favorise
s’engage sur la voie de la révolu- pertise unique. Bonnie Brusky, nouvelle étant donné l’effort finan-
également l’accès aux services
tion numérique. Les apports des directrice déléguée de Cerise, cier à réaliser pour atteindre les
essentiels et ouvre pour ses
nouvelles technologies au sec- revient d’ailleurs sur ce dernier ODD à l’horizon 2030.
clients de nouvelles opportuni-
teur suscitent des espoirs, bien point dans la présente édition du
tés dans les domaines de l’agri-
résumés en 2015 par Kalin Radev, Baromètre : « contrairement aux BAPTISTE FASSIN
culture, de l’énergie, ou encore
directeur général de Software acteurs traditionnels du déve- CHARGÉ DE PUBLICATIONS &
de l’habitat.
Group. Selon lui, « les innova- loppement qui ont ouvert la voie CARINE VALETTE
tions technologiques apportent de la microfinance, les inves- RESPONSABLE COMMUNICATION
Sam Mendelson, consultant pour ET PUBLICATIONS
désormais de nombreuses so- tisseurs à impact ont rarement
la European Microfinance Plat- CONVERGENCES
lutions pour la plupart des défis de bonnes habitudes de suivi et
form, revient par exemple sur
opérationnels du secteur, dont d’évaluation et connaissent peu

ZÉRO BAROMÈTRE
DE LA MICROFINANCE 2019 7
DOSSIER SPÉCIAL
Retour sur 10 ans d’évolutions en microfinance
La gestion de la performance sociale se généralise. Une opportunité -ou
une menace - pour le secteur de l’investissement à impact social ?

E
n tant que niche initialement réservée aux Plusieurs années après cette période passion- Ces évolutions positives ne doivent cependant
régions et populations éloignées et non nante qui a été le théatre du développement et de pas cacher les risques réels auxquels le secteur
desservies par le secteur financier tra- l’amélioration des premiers outils d’audit social, est confronté. Si ils ne sont pas correctement mis
ditionnel, la microfinance a depuis longtemps SPTF œuvre aujourd’hui pour faire se conjuguer en œuvre par tous les acteurs, ces changements
adopté la question de la performance sociale. En gestion de la performance sociale et Objectifs de peuvent engendrer des risques considérables
promettant d’intégrer de manière responsable développement durable. Les normes initialement pour la réputation des acteurs appliquant ces
les populations exclues et souvent vulnérables développées pour la microfinance sont mainte- nouvelles règles de manières honnêtes. C’est une
aux services financiers, afin de développer et/ou nant testées et appliquées à une partie plus vaste autre leçon tirée de l’expérience du secteur de la
d’accroître leurs activités économiques, et éven- du secteur des services financiers, comme les or- microfinance : des réglementations sont néces-
tuellement les sortir de la pauvreté, le secteur s’est ganismes de financement des PME, les banques saires pour assurer une mesure transparente de
rendu compte il y a longtemps qu’il devait prouver ou les fintech. Et une 7e dimension sera ajoutée la performance par tous les acteurs.
qu’il avait honoré cette promesse initiale. aux Normes universelles pour englober la per-
formance environnementale. Cet ajout reflète la …pour pousser vers une meilleure harmonisa-
Mais comment évaluer, de manière transparente demande croissante du secteur financier respon- tion de la mesure de la performance sociale
et cohérente, la réalisation des objectifs sociaux et sable d’évaluer la performance financière, sociale
environnementaux de la microfinance ? Comment Suite au crash de 1929, les acteurs économiques
et environnementale de manière simultanée et ont pris conscience de la nécessité d’harmoniser
garantir une prestation de services financiers res- équivalente.
ponsables et des résultats financiers suffisants la terminologie de l’information financière. Au-
pour une industrie durable ? jourd’hui, les normes IAS/IFRS et PCGR aident à
Notre expérience arrive au bon moment…
comprendre l’information et l’analyse financière et
Au cours des premières années, les organisations Quelque chose a changé depuis la crise des à déterminer la fiabilité de la santé financière d’un
les plus volontaires (investisseurs et Fournisseurs marchés financiers de 2008/10. Au cours des pre- projet de manière fiable.
de services financiers - FSF) ont développé des ap- mières années, ces outils de mesure sociale et en-
proches internes. Les enseignements qu’elles en vironnementale étaient utilisés exclusivement par Nous devons maintenant développer l’équivalent
ont tiré étaient intéressants, mais ces approches les acteurs de la microfinance et quelques institu- des IFRS pour la performance sociale et environ-
individuelles ont abouti à un paysage déconcer- tions responsables. Plus récemment, nous avons nementale. Le secteur doit également partager
tant avec autant de méthodologies que d’acteurs. assisté à une nouvelle évolution prometteuse. ses premières leçons avec le reste de l’économie
Sous la pression des clients, des collaborateurs, : placer la valeur client au centre de ses activités,
En 2005, la nécessité d’une plus grande coopé- se concentrer sur la satisfaction des bénéficiaires,
des actionnaires, des dirigeants et du grand pu-
ration entre ces acteurs est apparue évidente. une gouvernance efficace et des produits utiles,
blic désormais préoccupés par les conséquences
Cette année-là, la Social Performance Task Force sont les véritables garants de la performance à
sociales et environnementales de l’activité écono-
(SPTF), en coordination avec la Smart Campaign long terme de toute entreprise économique.
mique, le secteur financier a commencé à adop-
(Principes de protection des clients) et d’autres
ter de manière systématique un langage social et
initiatives, a lancé une coopération sectorielle La finance inclusive apparaît aujourd’hui comme
environnemental dans ses modèles économiques.
pour créer un langage commun dans le cadre de le laboratoire qui a permis de tester des façons
Pour aller plus loin, la gestion court-termiste et
l’évaluation de la performance sociale, un pro- de coopérer dans un environnement de marché
axée uniquement sur les résultats financiers est
jet couronné de succès. Depuis 2012, le secteur concurrentiel, d’apprendre comment partager des
de plus en plus considérée comme non optimale
dispose d’un standard véritablement mondial, les connaissances et de voir cela comme un gain de
et ne répondant pas aux réelles responsabilités
Normes universelles, complétées par l’outil d’au- valeur plutôt qu’un risque de perdre un avantage
fiduciaires.
dit de la performance sociale de CERISE (SPI4) en compétitif. Nous devons accroître nos efforts
2015 qui est parfaitement aligné sur ces normes. Un nombre croissant d’établissements financiers conjoints pour promouvoir la clarté des concepts,
Les investisseurs en finance inclusive et les FSF ou d’entreprises généralistes complètent leurs des méthodologies, des outils et des évaluations
ont ainsi aujourd’hui la capacité d’évaluer leur rapports annuels, leurs sites web ou leurs bulletins et démontrer aux marchés financiers traditionnels
performance financière et sociale sur la base des d’information en mettant à l’honneur leurs respon- que la pratique de l’investissement responsable
Normes universelles. sabilités sociales et environnementales. Un grand est la seule garantie d’un succès financier à long
nombre de ces actions sont sérieuses et fortement terme. Nous sommes sur la bonne voie – mais ce
Aujourd’hui, plus de 600 FSF utilisent le SPI4, re-
engagées en faveur d’un changement vers une changement est plus urgent que jamais.
présentant plus de 50 % des IMF, 30 % des clients
plus grande évaluation de la performance globale.
et près de 20 % du portefeuille total des IMF qui 1 Study on Social Performance Management in Microfinance, Cerise
La mesure de la performance sociale et environ-
rapportent au Mix Market1, et encore plus d’ac- et ADA, 2019
nementale a en effet commencé à s’implanter
teurs non seulement évaluent et estiment, mais JURGEN HAMMER
dans le monde de l’entreprise et de la finance. DIRECTEUR GÉNÉRAL
comparent et améliorent leur performance sociale
SPTF EUROPE
sur la base de ces normes.
ÉTAPES CLÉS

Création de la Crise de la
Premier outil Prix Nobel de la
SPTF, premières Lancement de la microfinance
d’audit social paix attribué à
notations Smart Campaign dans l’Andhra
(Cerise SPI) M. Yunus
sociales Pradesh, Inde

2002 2005 2006 2009 2010

8
BAROMÈTRE
DE LA MICROFINANCE 2019 ZÉRO
DOSSIER SPÉCIAL
Retour sur 10 ans d’évolutions en microfinance
Réutiliser la roue (de gestion de la performance sociale) : les leçons que
l’investissement à impact social peut tirer de la microfinance

L
e Baromètre de la microfi- dans la sphère de l’investissement Des millions ont été dépensés, ses investisseurs à impact social
nance fête ses 10 ans. Un à impact. Le risque est que n’im- mais la démonstration des ré- partenaires, a développé l’Évalua-
retour sur les thèmes clés porte qui se proclame investisseur sultats s’est avérée plutôt timide tion pour les investisseurs d’impact
de la publication révèle une dyna- à impact social et que l’utilisation (et presque toujours âprement (IDIA) pour faciliter ce processus.
mique intéressante. De nombreux de ce terme à tort et à travers sape discutée en raison de questions L’IDIA est un outil d’évaluation ra-
« sujets brûlants » des années la crédibilité et l’intégrité de ce qui méthodologiques). L’évaluation de pide permettant aux investisseurs
2010, à l’exception de la digitali- constitue une finance potentielle- l’impact social s’est trouvée face ou aux fonds de vérifier si la gou-
sation, pourraient facilement avoir ment transformative. à une impasse dans le monde de vernance et les systèmes internes
été abordés dans les années 2000, la microfinance. À terme, grâce à sont en adéquation avec l’intention
1990, voire 1980. Contrairement aux ac- la mobilisation des professionnels, stratégique.
comme les partenaires fondateurs
Peut-être est-ce la vieillesse, teurs traditionnels du de CERISE, et à une coordination Mais CERISE n’est pas la seule à
mais il me semble que les sujets développement qui ont au niveau du métier (pilotée par le promouvoir la GPS auprès des in-
brûlants ne sont souvent qu’une Social Performance Task Force), le vestisseurs. En avril dernier, l’IFC
version réchauffée de sujets plus
ouvert la voie à la micro- secteur a favorisé la gestion de la (International Finance Corporation)
anciens. Les idées vraiment nou- finance, les investisseurs performance plutôt que la mesure a publié ses Principes opération-
velles sont difficiles à trouver et à impact social ont rare- de l’impact social. nels de la gestion de l’impact so-
souvent, les grandes nouveautés cial2 qui suivent en grande partie
ne sont que le reconditionnement ment de solides habitu- Aujourd’hui, plutôt que de collecter une approche GPS : définir l’inten-
d’un vieux concept. On n’a jamais des de suivi et d’évalua- des données pour prouver l’impact tion, mettre en place des systèmes
réinventé la roue. On l’a plutôt re- social, les parties prenantes sont internes pour soutenir cette inten-
pensée.
tion plus susceptibles de recueillir des tion, suivre les progrès et réfléchir
données visant à obliger les ins- à la manière de maintenir l’impact.
D’aucun dirait que l’investisse- titutions de microfinance (IMF) à Ces Principes de Fonctionnement
Contrairement aux acteurs tradi-
ment à impact social n’est pas une rendre des comptes dans le cadre définissent les éléments communs
tionnels du développement qui ont
nouveauté, mais un vieux concept de leur mission sociale. En pra- auxquels les investisseurs doivent
ouvert la voie à la microfinance, les
qui a simplement été repensé. Le tique, cela les encourage à intégrer s’engager s’ils veulent véritable-
investisseurs à impact social ont
Global Impact Investing Network l’intention sociale dans leur straté- ment avoir un impact.
rarement de solides habitudes de
(GIIN) estime que les gestion- gie et leurs systèmes de gestion,
suivi et d’évaluation et connaissent
naires de fonds investiront 225 et à assurer leur suivi grâce à des Jusqu’à présent, ils ont rassem-
peu les concepts théoriques de
milliards de dollars en 2018, soit indicateurs clés de performance. blé plus de 60 signataires. Ce que
l’évaluation de l’impact social. Ils
une hausse de 20 % par rapport à cela implique au juste n’est pas
savent qu’ils veulent démontrer un
20171. Il est clair que l’investisse- Il s’agit de la gestion de la perfor- encore clair, bien qu’en théorie,
« impact social », mais ne veulent
ment à impact social gagne du ter- mance sociale, qui s’est généra- les signataires s’engagent à diffu-
pas gérer la complexité de la double
rain, ou du moins le nombre d’ac- lisée dans le monde de la microfi- ser publiquement et à procéder la
rentabilité. Et franchement, ils ont
teurs qui se définissent comme nance au cours des 10 dernières vérification indépendante de leurs
raison. « Beaucoup d’argent a été
des investisseurs à impact social années, soutenue par les Normes pratiques, pour démontrer qu’ils
gaspillé et de temps perdu sur des
augmente, malgré le manque de universelles de gestion de la per- sont en phase avec ces principes.
évaluations d’impact social mal
clarté sur la signification de cette formance sociale (GPS). Cette ap- L’IDIA propose une méthode pour
conçues et mal mises en œuvre  »,
expression. proche devrait être exploitée par ce faire. Elle tire les leçons de la
soulignent Mary Kay Gugerty et
l’univers des investissements à microfinance pour savoir comment
Dean Karla, experts en impact so-
En effet, le manque de « compré- impact social. Elle est pragmatique accomplir sa mission. Parce qu’il
cial. Mais si ce n’est pas une preuve
hension commune de la définition et fédératrice sans être normative : est inutile de réinventer la roue.
d’impact, que démontrer ?
et de la segmentation du marché les normes universelles n’indiquent
1 https://thegiin.org/assets/2018_GIIN_Annual-
des investisseurs à impact social pas quelle devrait être la mission
Le secteur de la microfinance ap- Survey_ExecutiveSummary_webfile.pdf
» est considéré comme un défi im- sociale, mais comment l’accomplir 2 https://www.ifc.org/wps/wcm/connect/To-
porte une réponse. Lorsque la mi-
portant par 40 % des plus de 200 au mieux. pics_Ext_Content/IFC_External_Corporate_Site/
crofinance est apparue comme un Impact-Investing
participants à l’enquête GIIN de
« sujet brûlant » dans le monde du BONNIE BRUSKY
2018. Ce n’est pas étonnant. Un L’approche GPS n’est pas difficile
développement, une foule de dona- DIRECTRICE ADJOINTE
grand nombre de ces acteurs (fon- à appliquer, mais elle nécessite de
teurs s’est très tôt manifestée, tous CERISE
dations d’entreprises, entreprises regarder systématiquement ses
cherchant à prouver que cet outil
familiales et banques commer- activités sous l’angle de sa mis-
basé sur les logiques du marché
ciales) sont totalement nouveaux sion. CERISE, en collaboration avec
pouvait réduire la pauvreté.
MESURE DE LA PERFORMANCE SOCIALE

Standards Création de
Publication des
Principes pour universels de Premières IMF IDIA, outil
principes de
les investisseurs gestion de la certifiées par la d’évaluation de
fonctionnement
en finance performance Smart Campaign la stratégie
de la gestion de
inclusive (PIIF) sociale sociale des
l’impact social
investisseurs

2011 2012 2013 2018 2019

ZÉRO BAROMÈTRE
DE LA MICROFINANCE 2019 9
DOSSIER SPÉCIAL
Retour sur 10 ans d’évolutions en microfinance

Les acteurs privés de la microfinance se soucient-ils réellement de la


performance sociale ?

I
l y a plus de 10 ans, le prix Nobel de la paix sur 83 gestionnaires interrogés) ont montré qu’ils Sénégal et en Colombie, de tester un pilote de mi-
Muhammad Yunus déclarait : « Je crois fer- ciblaient à la fois les rendements financiers et cro-crédits agricoles durables.
mement que nous pouvons créer un monde sociaux. On sait aussi que lorsqu’un contrôle est
sans pauvreté si nous y croyons collectivement. effectué, ce qui ne pourrait n’être qu’une dé- Parallèlement aux dimensions financières et so-
Dans un monde sans pauvreté, le seul endroit claration se transforme en un engagement plus ciales, la performance environnementale est en
où vous pourriez voir la pauvreté serait dans les concret. Et de fait, la majorité des VIM ont mesu- passe de devenir une nouvelle norme pour le sec-
musées de la pauvreté. » Malheureusement, elle ré à la fois les rendements financiers et sociaux teur de la microfinance. Et ce triple objectif de ré-
existe toujours. (64 sur 83), tandis qu’une minorité (6 sur 83) s’est sultat pourrait être une nouvelle occasion pour le
concentrée exclusivement sur la mesure des ren- secteur de démontrer sa légitimité et son impact.
Et elle continue d’exister, en partie parce qu’un dements financiers.
grand nombre de personnes n’a pas accès aux 1 Le rendement des portefeuilles des IMF a été éva-
lué à 20,9 %, selon le Baromètre de la microfinance 2018
services bancaires. Au niveau mondial, environ L’enquête indique également que les évaluations 2 www.e-mfp.eu/sites/default/files/resources/2018/11/e-mfp_Finan-
1,7 milliard d’adultes étaient encore exclus des des VIM ont été essentiellement établies à partir cial%20Inclusion%20Compass_A4_def3-web.pdf an account, 56
secteurs bancaires traditionnels en 2017, contre 2 du recueil et de l’analyse d’indicateurs relatifs aux percent of all unbanked adults globally (figure 2.2).
3 https://symbioticsgroup.com/wp-content/uploads/2018/10/Symbi-
milliards en 2014. La Chine possède la plus grande actions sociales menées par leurs sociétés émet- otics-2018-MIV-Survey.pdf
population non bancarisée du monde, suivie par trices. En outre, 67 % des VIM se sont appuyés sur 4 Selon Symbiotics, le nombre moyen d’emprunteurs actifs finan-
cés par VIM était d’environ 494K par VIM, pour 91 VIM étudiés.
l’Inde (190 millions), le Pakistan (100 millions) et des outils développés en interne pour évaluer la
l’Indonésie (95 millions). Ces quatre économies, gestion de la performance sociale de ces socié- Alain Levy
ainsi que le Nigeria, le Mexique et le Bangladesh, tés. Enfin, 67 % des VIM attribuent en interne une Responsable microfinance et
regroupent près de la moitié des personnes non note sociale aux IMF qui font partie de leurs por- entrepreneuriat social
bancarisées dans le monde. tefeuilles. Amériques et Asie
BNP Paribas
Ces chiffres montrent bien que le chemin vers un Le portefeuille de microfinance de BNP Paribas,
monde où chacun aura accès aux services finan- comme d’autres fonds, évalue également la per-
ciers est encore long. Une marge de croissance formance sociale des sociétés émettrices dans le
existe donc pour les acteurs du secteur de la cadre de sa responsabilité civique, un des 4 piliers
microfinance. Les grandes institutions privées de de sa stratégie RSE. Des missions de vérifications ACTEURS PRIVÉS
microfinance et les véhicules d’investissement en préalables des aspects sociaux sont proposées à
microfinance (VIM) peuvent jouer un rôle détermi- titre bénévole aux IMF avec lesquelles BNP Pa- ET PERFORMANCE
nant dans la lutte contre ces inégalités. ribas travail. Pendant une semaine, des cadres à
fort potentiel réalisent un audit SPI4 après avoir
SOCIALE
Mais dans un marché aussi rentable que celui de été formés par l’ONG Cerise. Notre portefeuille de
la microfinance1, peut-on vraiment être assurés micro-crédit a été comparé avec 286 autres IMF En 2018, la protection des clients est
que leurs actions auront une orientation sociale ? dans le monde évaluées selon la méthodologie considérée comme le critère le plus
Le secteur de la microfinance a été fortement dé- SPI4, et les résultats sont concluants : les IMF fi- important pour atteindre les objectifs
légitimé au cours des années 2000 en raison de la nancées par BNP Paribas ont un score largement d’inclusion financière par les IMF,
crise du surendettement, qui a semé le doute sur supérieur à la moyenne. En effet, les 26 IMF audi-
selon le Financial Inclusion Com-
le caractère social de la microfinance. Le contexte tées (sur 34 IMF financées) atteignent le score de
pass produit par e-MFP. Comment
actuel est-il meilleur ? Les parties prenantes pri- 79/100, alors que le score global est de 64/100, ce
vées ont-elles trouvé le bon équilibre entre rende- qui prouve qu’un investisseur peut avoir un véri- cela se traduit-il concrètement ?
ment financier et performance sociale ? table impact avec les investissements qu’il réalise
Les investisseurs actuels se soucient davantage
en microfinance. 93%
des VIM examinés dans une étude ré-
de leur impact social Un triple objectif de résultat : financier, social et
alisée par Symbiotics1 indiquent cibler
environnemental
Ces dernières années, des efforts ont été dé- un objectif social et financier
ployés en vue d’une plus grande transparence La performance sociale est une composante
et d’une évaluation sociale qualitative. Les rap-
ports tendent à montrer que cette préoccupation
fondamentale de l’ADN de la microfinance. La
majorité des acteurs le savent bien et ils ont à
67%
de ces mêmes VIM ont développé
est désormais bien comprise par le secteur. Par coeur de l’afficher pour montrer qu’ils s’engagent
exemple, le Financial Inclusion Compass 20182 efficacement dans la réalisation de leur mission leurs outils de gestion de perfor-
produit par la European Microfinance Platform sociale. Mais le marché de la microfinance est mance sociale
(e-MFP) démontre que la protection des clients également confronté à un autre défi. La question
est reconnue par les acteurs de la microfinance de la performance environnementale (voir aussi 67%
comme le critère le plus important pour atteindre p. 14-15) prend beaucoup d’importance, puisque d’entre eux attribuent une note so-
les objectifs d’inclusion financière, alors que la 25  % des prêteurs financés par des VIM pro- ciale aux IMF de leurs portefeuilles
gouvernance est classée en troisième position. posent des prêts « verts » spécifiquement conçus

Cette préoccupation vaut également pour les


pour financer l’achat de produits respectueux de
l’environnement, comme des panneaux solaires,
25%
de ces VIM proposent des prêts
investisseurs. L’enquête VIM 20183 (effectuée des biodigesteurs ou des systèmes de cuisson
par Symbiotics) montre que la plupart des inves- écologiques. BNP Paribas s’est lui-même associé « verts » pour renforcer la résilience
tisseurs en microfinance et des gestionnaires au Programme des Nations unies pour l’environ- des IMF au changement climatique
de fonds tiennent compte de divers aspects en nement et à Yapu - une start-up basée à Berlin
1MIVsurvey,Symbiotics,2018
matière de performance sociale4. La plupart des qui développe une solution numérique pour une
fonds examinés dans cette enquête (77 fonds agriculture durable pour permettre à deux IMF, au

BAROMÈTRE
10 DE LA MICROFINANCE 2019 ZÉRO
DOSSIER SPÉCIAL
Retour sur 10 ans d’évolutions en microfinance

Microfinance et inclusion financière : au-delà de la terminologie, quelle différence ?

A
u cours des dix dernières années, la microfinance a graduellement évolué pour être intégrée dans un champ plus large, celui de l’inclusion fi-
nancière. Ces deux termes peuvent-ils pour autant être confondus ? Renée Chao-Beroff, directrice de Pamiga, et Isabelle Guerin, chercheuse à
l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), apportent leurs réponses.

Depuis quelques années, les grandes orga-


nisations internationales font de plus en plus
référence à l’inclusion financière, plutôt qu’à
la microfinance. Pourquoi un tel changement
dans les discours ?

Isabelle Guérin (IG) : Ce changement a tout


d’abord une justification rhétorique. Les crises
du microcrédit de la fin des années 90 ont en-
taché la réputation du secteur. Cela a nécessité
un changement de vocabulaire afin restaurer
la confiance et de renforcer la crédibilité de la
microfinance, en adoptant dans la terminologie
même un adjectif qui insiste sur la dimension
positive de la finance.

Renée Chao-Beroff (RCB) : Face aux discours


négatifs et polémiques, le changement de ter-
minologie a été perçu comme une façon de
redonner une dimension plus universelle à la
microfinance.

Ce changement sémantique traduit également L’arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur besoins du client soient réellement identifiés, et
une volonté des acteurs de la microfinance, et de l’inclusion financière, comme les fintech et c’est en cela que les IMF gardent un intérêt dans
notamment du Consultative Group to Assist the les acteurs du mobile-banking change-t-elle la ce contexte de digitalisation.
Poor (CGAP), think tank réunissant les 32 plus donne pour la microfinance ?
grands bailleurs mondiaux en microfinance,
d’embarquer les banques centrales. Pour les IG : En théorie, les fintech permettent à des
L’approche « high-tech / high
attirer vers la microfinance, il a fallu adapter populations et des territoires très enclavés de touch  », permet de bénéficier des
les termes aux priorités des banques centrales. bénéficier de services financiers potentielle-
A partir des années 2010, c’est bien le poten- avantages des technologies (« high
ment moins chers. Lorsqu’elles sont adossées à
tiel d’inclusion financière (la quantification du des politiques sociales, comme le versement de tech ») tout en profitant de l’expé-
nombre de personnes bancarisées) qui les inté-
ressait dans la microfinance.
transferts sociaux, cela peut être une manière rience terrain (« high-touch ») ac-
de faciliter la transparence et de limiter les
risques de corruption.
quise par les IMF depuis des années.
Selon vous, quelles sont les principales
différences entre la microfinance et l’in-
clusion financière ? RCB : Les fintech posent un réel problème aux Personnellement, je suis partisane d’une ap-
IMF traditionnelles et donc à la microfinance. proche « high-tech / high touch », qui permet de
RCB : La différence principale se trouve dans les Jusqu’à l’arrivée de ces nouveaux acteurs, bénéficier des avantages des technologies (« high
objectifs implicites derrière chacun des termes. les IMF étaient les seules à opérer dans les tech ») tout en profitant de l’expérience terrain («
L’inclusion financière poursuit un objectif pure- régions isolées : elles créaient des caisses lo- high-touch ») acquise par les IMF depuis des an-
ment quantitatif, qui tend vers 100% d’inclusion cales, formaient les caissiers locaux etc. Cela nées.
bancaire. Mais cela ne dit rien sur l’utilisation du coute très cher et a justifié pendant plusieurs
compte bancaire. Pour les acteurs pionniers de années que les IMF soient subventionnées. IG : Je vois 3 autres risques majeurs. La promesse
la microfinance ce n’est pas tant l’accès – bien Mais aujourd’hui, grâce à la digitalisation, les de réduction des coûts pour les clients est encore
sûr qu’il faut l’accès – mais l’impact, c’est-à-dire fintech et les banques ont les moyens de tou- illusoire, alors que les profits pour les fintech sont
la capacité de changer la vie des gens par la fi- cher ces clients sans créer aucun bâtiment et relativement élevés. Il y a aussi la captation de
nance, qui importe. de collecter de l’épargne dans des villages où données personnelles, avec la perspective d’in-
les banques n’allaient jamais jusqu’à présent. clure les « pauvres » dans la société de consom-
IG : L’inclusion financière comprend un plus mation alors que les services de base leur sont
grand nombre d’acteurs et de services, dont Y a-t-il des risques à remplacer les ac- encore inaccessibles ; et enfin le contrôle de la vie
les fintech, et incorpore également le système teurs traditionnels de la microfinance par privée, encore très mal régulé. La microfinance
bancaire classique, dont on parle moins. Dans des fintech ? avait déjà du mal à tenir ses promesses, c’est en-
un certain nombre de pays on a assisté au cours core plus vrai de l’inclusion financière. Il ne faut
des dernières années à une massification consi- RCB : Je dirais que le risque principal est celui pas oublier que le problème principal des popu-
dérable de l’inclusion bancaire, qui s’est faite de la perte de sens de l’inclusion financière. La lations démunies reste l’exclusion monétaire, plus
notamment via les politiques de transferts so- technologie permet d’enrôler les gens et de leur que l’exclusion financière.
ciaux, conditionnés ou pas. La microfinance n’a donner accès aux services sans que l’on ait be-
PROPOS RECUEILLIS PAR BAPTISTE FASSIN
donc plus le monopole de l’inclusion financière, soin de les « toucher » individuellement et de pas-
CHARGÉ DE PUBLICATIONS &
bien que celle-ci porte de manière générale une ser du temps avec eux. Par exemple, l’utilisation
GARANCE DIACONO
plus grande attention aux enjeux sociaux de l’in- du crédit de scoring permet aux fintech de créer
ASSISTANTE COMMUNICATION
clusion financière. un profil aux bénéficiaires sans qu’ils n’en aient CONVERGENCES
rencontré aucun. Mais rien ne garantit que les

ZÉRO BAROMÈTRE
DE LA MICROFINANCE 2019 11
DOSSIER SPÉCIAL
Retour sur 10 ans d’évolutions en microfinance

La digitalisation de la microfinance : entre risques et opportunités

L
a révolution numérique transforme profondément le monde de la finance et force les fournisseurs de services financiers à s’adapter. Dans
cet entretien Graham Wright, directeur exécutif de Microsave revient sur les enjeux, et les risques de cette transition nécessaire pour la
microfinance.

Pour de nombreux experts, la digitalisation de coaching sur-mesure pour optimiser à la fois les Les étapes clés de la transformation digitale
la microfinance est essentielle à la survie du rendements et les prix pratiqués par l’agriculteur
secteur. Selon vous, quels sont les avantages sur le marché.
de celle-ci ?
La digitalisation présente au moins 4 avantages … Et quels sont les principaux risques ?
principaux. Je voudrais tout d’abord dissiper le mythe de la Relations
Profit
transformation numérique. Elle ne résout pas tous clients
Premièrement, elle permet aux IMF d’augmenter les problèmes organisationnels et ne convient
leurs revenus et de réduire leurs coûts. Le cabi- pas à toutes les organisations. Il est crucial pour Expérience
net de conseil McKinsey estime que la transfor- l’organisation d’évaluer réellement ses besoins Produit et
client
Canaux de
mation numérique des institutions financières et la manière dont la technologie peut y répondre. solutions distribution
permettrait d’augmenter de 45 % leurs revenus
annuels nets : 15 % grâce à une meilleure péné- Ensuite, les risques liés à la transformation nu-
tration des produits et 30 % grâce à une réduction mérique sont évidemment nombreux, le principal Gestion de
des coûts d’exploitation. Selon l’International Fi- étant que dans le processus de transformation, campagne
nance Corporation, elle réduit le coût annuel du les IMF se détournent des raisons sociales de
service client de 80 % et réduit de 18 % le coef- cette transformation : améliorer le rôle social Source : Winter is coming: key lessons on digital transformation for financial
ficient d’exploitation (indicateur classique pour de la microfinance (en réduisant les coûts d’em- institution, Microsave, 2018.
mesurer l’efficacité). prunt, en améliorant l’expérience utilisateur, réalisé 97 % de leurs opérations en dehors des
etc.). Parmi les autres risques figurent la prolifé- agences bancaires.
Deuxièmement, elle permet de renforcer les inte- ration inutile de produits et de services, ainsi que
ractions avec les clients. Les IMF et les banques la digitalisation totale des services d’emprunt Selon vous, les IMF doivent-elles nécessaire-
traditionnelles ont des avantages compétitifs sans maintenir d’échanges humains. ment se digitaliser pour ne pas disparaître ?
importants par rapport aux fintech. Elles ont des
relations historiques et privilégiées avec des mil- Compte tenu de l’importance de la digitalisa- Les IMF sont confrontées à une menace existen-
lions de clients ; elles détiennent des données sur tion, existe-t-il une stratégie à adopter pour tielle provenant de la technologie numérique, car
le comportement financier de leurs clients ; elles intégrer davantage d’outils numériques de ma- les fintech perturbent les marchés traditionnels
possèdent l’infrastructure nécessaire pour ap- nière pertinente et efficace dans le secteur de des services financiers, en créant de nouveaux
porter la touche humaine que les clients à faible la microfinance ? services financiers plus efficaces et capables
revenu recherchent. En outre, les institutions d’atteindre des populations généralement ser-
financières traditionnelles ont les autorisations En fin de compte, une institution financière a be- vies par les IMF.
réglementaires et la conformité nécessaires pour soin d’une stratégie de digitalisation globale et
offrir des services financiers, ce qui fait souvent intégrée – puis de la décomposer en éléments Les IMF doivent donc embrasser la révolution
défaut aux fintech. gérables – afin de surfer sur la vague de la trans- technologique tout en exploitant le potentiel
formation numérique. Se concentrer uniquement de leur expérience et de leurs relations. Elles
Troisièmement, elle permet aux IMF d’offrir une sur les processus ou les canaux ne suffira pas. doivent travailler avec les fintech pour fournir
expérience client personnalisée. Les institu- des services personnalisés et numériques. Et les
tions financières traditionnelles doivent être Une fois la stratégie globale définie, il existe IMF doivent apporter la touche humaine et l’as-
conscientes de l’évolution du contexte démogra- de nombreuses sous-stratégies. La première sistance que tant de personnes recherchent par
phique et culturel, à savoir l’arrivée de la généra- consiste à numériser les processus : les proces- le biais de leur personnel et de leurs agents.
tion Y et de la première génération mobile, pour sus numériques sont plus rapides, plus efficaces
développer et offrir une expérience utilisateur et moins chers que les processus manuels. La La révolution numérique permet de fournir des
personnalisée de premier ordre. Une solide expé- deuxième sous-stratégie consiste à numériser services financiers et sociaux rapides, réactifs
rience utilisateur implique des solutions person- les produits et services eux-mêmes. L’arrivée et différenciés aux personnes à faible reve-
nalisée. La manière dont elles sont présentées, (et la flexibilité) du mobile banking par exemple, nu, ce qui est une première. Dans ce contexte
doit refléter les comportements, les attitudes, et impose aux IMF d’adapter leur produit pour sa- les IMF ont une réelle valeur ajoutée, car elles
les habitudes des clients. tisfaire cette nouvelle demande. Pour autant, il connaissent très bien leurs clients et leurs zones
convient de développer de manière flexible de d’activités. A elles d’arriver à valoriser cette ex-
Enfin, elle permet d’offrir des services en ren- nouveaux produits numériques et de les adapter pertise, afin de s’assurer que la révolution digi-
forçant l’objectif initial d’inclusion financière. À aux préférences clients. tale soit high tech et high touch.
moyen terme la révolution technologique nous
permet de répondre à la question que tout le La troisième sous-stratégie consiste à numé- PROPOS RECUEILLIS PAR
monde se pose : l’inclusion financière, mais riser les canaux, en utilisant des plateformes BAPTISTE FASSIN
pourquoi ? La technologie permet de relier les technologiques adaptées pour améliorer l’ac- CHARGÉ DE PUBLICATIONS &
services financiers purs à l’économie réelle. quisition de clients et l’expérience utilisateur. SARAH ZEKRI

Par exemple, MSC travaille au développement L’émergence des plateformes numériques et des ASSISTANTE COMMUNICATION

de « l’agriculture de précision » en Inde. Dans canaux alternatifs a profondément modifié la CONVERGENCES

le cadre de ce projet, les données sur la déten- façon dont les clients procèdent à leurs opéra-
tion de terres par un agriculteur et la qualité du tions bancaires. Les clients préfèrent désormais
sol sont collectées, ainsi que sur les semences, les plateformes technologiques en libre-service
les engrais et les pesticides achetés par les agri- qui leur offrent liberté, choix et contrôle. En 2018,
culteurs. Les chatbots fondés sur l’IA offrent un les clients d’Equity Bank Kenya ont par exemple

12
BAROMÈTRE
DE LA MICROFINANCE 2019 ZÉRO
DOSSIER SPÉCIAL
Retour sur 10 ans d’évolutions en microfinance

Transformation digitale : quels enjeux pour la microfinance ?


Le point de vue d’Advans

L’
essor de la digitalisation dans
les pays en développement,
en particulier sur le continent
africain, est l’un des principaux fac-
teurs à l’origine de l’augmentation
de l’inclusion financière observée
ces dix dernières années. En Afrique
subsaharienne par exemple, 42,6 %
de la population adulte possédait un
compte en 2017 contre seulement
23,2 % en 2011, et près de 21 % des
adultes avaient un compte bancaire
mobile, d’après les données du Glo-
bal Findex. Cette tendance repré-
sente une opportunité unique pour
les fournisseurs de services finan-
ciers (FSF) de mieux accomplir leur
mission et de toucher davantage de
clients.
l’ensemble du territoire a permis à des attentes des clients. Comprendre canaux et de modèles économiques,
Advans d’offrir des services de proxi- les comportements, les attentes et l’ambition est de déployer ce qui
La technologie peut aider les insti-
mité à ses clients et de réduire la l’utilisation que font les clients de ces fonctionne le mieux en ajustant ce
tutions de microfinance tradition-
congestion dans les agences. Enfin, technologies sont donc des étapes qui doit l’être aux réalités des filiales
nelles à surmonter les défis tels que
cette année au Nigeria et au Cam- essentielles de la réflexion sur le dé- du groupe. Dans toutes les filiales où
les coûts d’exploitation élevés (en
bodge, les filiales d’Advans lancent veloppement d’un nouveau service à cela serait viable, Advans a pour ob-
forçant les IMF à se concentrer sur
des applications mobiles permettant son déploiement. Le suivi permanent jectif de lancer ou d’adapter selon les
des centres urbains à haute densi-
aux clients de gérer toutes leurs de la performance des services est priorités une combinaison de canaux
té) où les risques opérationnels im-
transactions instantanément en primordial pour identifier les axes digitaux pour faciliter l’interaction
portants (en raison des processus
ligne. Au Nigeria, on estime que les d’amélioration. avec les clients. Cela permettrait à
manuels et basés sur papier). Il ne
services bancaires mobiles contri- Advans de rester au plus près de ses
fait aucun doute que la digitalisation
bueront à faire croître le portefeuille Deuxièmement, les clients du sec- clients qui utiliseront les canaux et
de l’inclusion financière n’est pas
de 5 % en 2020 et ensuite de10 % par teur de la microfinance restent une les services de leur choix facilement
un choix mais une nécessité. Une
an à partir de 2021. cible spécifique, avec une utilisation et en bénéficiant de faibles coûts de
question demeure cependant : com-
moins répandue des technologies, transaction.
ment les acteurs de la microfinance
une maîtrise financière plus faible
peuvent-ils surfer sur la vague de la
et des questions de confiance à En plus de conjuguer points de
digitalisation de manière intelligente Comprendre les comporte-
prendre en considération. Dans ce contact physiques et digitaux, Ad-
et surtout responsable ? ments, les attentes et l’uti- contexte, les outils digitaux à eux vans créera de nouvelles proposi-
Au cours des dix dernières années, lisation que font les clients seuls ne suffisent pas à créer une tions digitales et travaillera en par-
relation durable avec les clients. tenariat avec des acteurs du secteur
Advans a su mettre en œuvre et de ces technologies sont pour saisir les opportunités à venir
tester de multiples technologies digi-
tales pour améliorer l’expérience de
des étapes essentielles de En effet, il faut également assurer sur ses marchés.
la réflexion sur le déve- une présence sur le terrain afin de
l’inclusion financière de ses clients.
permettre l’adoption des nouvelles Compte tenu du rythme des change-
En Côte d’Ivoire par exemple, une loppement d’un nouveau technologies et la prise en main des ments qui nous entourent, la clé du
solution bancaire mobile USSD1
a permis à plus de 19 000 produc- service à son déploiement. fonctionalités qu’elles offrent aux succès pour les FSF repose sur la ca-
clients: en Côte d’Ivoire, des agents pacité à rester agile : être à l’écoute
teurs de cacao présents dans des
de bancarisation ont par exemple du marché et des clients, réagir en
zones reculées d’ouvrir un compte
aidé les producteurs de cacao à utili- temps utile et saisir les opportunités
d’épargne. Parmi ces clients, 1 120 Ces expériences ont apporté leur lot
ser le service USSD qui leur était pro- lorsqu’elles se présentent.
ont également bénéficié de prêts de difficultés et ont appris à Advans
posé. Tous ces éléments permettent
pour payer leurs études, pour un un certain nombre de leçons pré- 1 Unstructured Supplementary Service Data
de s’assurer que les clients bénéfi-
montant de 180 000 euros en 2018. cieuses en termes de transformation
cient pleinement des services finan-
digitale. FANNY SERRE
ciers. En résumé, tout FSF souhaitant
Au Ghana, les canaux digitaux ont DIRECTRICE MARKETING ET
mettre en œuvre un processus de di-
particulièrement favorisé l’utilisation Premièrement, un modèle « unique » EXPÉRIENCE CLIENT &
gitalisation de manière responsable ANNE-LAURE ASBOTH
de comptes bancaires  : 33  % des n’est pas viable : les marchés et les
doit commencer par comprendre les DIRECTRICE BUSINESS
interactions avec les clients passent clients évoluent à un rythme diffé-
besoins de ses clients pour conce- DEVELOPMENT
par le service bancaire mobile USSD rent. Même si l’expérience d’Advans
voir et proposer des services en ADVANS GROUP
Advans et en moyenne 4,3 transac- est différente d’une filiale à l’autre,
phase avec leur réalité quotidienne.
tions sont effectuées par mois par elle suit toujours le même modèle
client actif. de pilotage, de test, puis de déploie-
La transformation digitale d’Advans
ment des produits ou des canaux.
est en marche. Maintenant que le
Par ailleurs, au Cameroun, la mise Ainsi, les services digitaux tiennent
groupe a développé un ensemble de
en place d’un réseau d’agents sur compte de l’évolution des besoins et

ZÉRO BAROMÈTRE
DE LA MICROFINANCE 2019 13
MICROFINANCE ET RÉSILIENCE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
(Micro)financement de la résilience : aider les clients à s’adapter au
changement climatique
Le défi du changement climatique Toutes ces activités peuvent être

D
davantage exploitées grâce à des
e nouvelles données sur
partenariats avec notamment des
le changement climatique
compagnies d’assurance, des cher-
continuent de faire leur
cheurs, des fintech ou d’autres four-
apparition, et elles sont rarement
nisseurs de services techniques
bonnes. Les niveaux de CO2 ont
spécialisés dans les causes et les
atteint des sommets historiques.
conséquences du changement cli-
Les glaciers continuent de fondre.
matique pour les populations vul-
Les catastrophes naturelles liées
nérables, et des solutions pour en
au climat, comme les ouragans ou
atténuer les effets.
la sécheresse, augmentent tant en
fréquence qu’en gravité.
Le Prix européen de la Microfi-
nance 2019 « Renforcer la rési-
L’humanité a cependant toujours
lience au changement climatique »,
été confrontée à d’énormes défis,
co-organisé par la Plateforme euro-
depuis les pandémies jusqu’aux
chés. Et quatrièmement, toutes ces tantes à la sécheresse ou d’autres péenne de la Microfinance (e-MFP),
conflits mondiaux. Tout en consti-
conséquences sont multipliées par solutions adaptatives  ; des polices a lancé un appel à candidature pour
tuant une menace existentielle pour
le risque croissant de migration d’assurance pour garantir une meil- les organisations travaillant sur cet
notre espèce et à notre environne-
induite par le changement clima- leure résistance aux chocs ; des enjeu et a reçu la candidature de
ment, le changement climatique
tique, qui pousse les populations services de transfert et d’envoi de 42 organisations issues de 27 pays,
est légèrement différent : c’est une
affectées vers les zones urbaines fonds pour apporter de l’aide suite dont 18 institutions financières non
crise qui avance lentement, et que
et au-delà des frontières en tant aux catastrophes naturelles liées bancaires, 5 banques, 4 ONG et 15
nous pouvons affronter avec des
que réfugiées. au climat  ; ou la facilitation de la autres de catégories diverses. Par-
innovations dans le domaine de la
planification financière à long terme mi ces candidatures figurent des
science, de la science, la technolo-
Dans les secteurs de l’agriculture, des clients, y compris par le biais de innovations en matière d’assurance
gie et l’innovation.
de l’élevage, de la sylviculture et produits d’épargne, pour les aider indicielle, d’amélioration des pra-
de la pêche, de nombreuses solu- à créer des activités économiques tiques agricoles, de développement
Les gouvernements et les entre-
tions émergent afin de renforcer la plus adaptables. de la chaîne de valeur, d’amélio-
prises commencent lentement à
résilience des groupes vulnérables ration de la nutrition, d’éducation,
adopter des politiques d’atténua-
face au changement climatique En outre, les institutions au ser- d’énergie propre, d’utilisation de
tion face au changement clima-
grâce à l’adaptation à des environ- vice de ces clients sont également technologies telles que les données
tique  – en promouvant notamment
nements en constante modification souvent vulnérables aux effets du de géolocalisation et la préparation
l’utilisation de carburants plus
(ex  : réduction des eaux pluviales, changement climatique. Pour ren- aux catastrophes, etc.
propres et renouvelables. Bien que
cela soit nécessaire, ce n’est pas décalage des saisons ou encore forcer leur résilience, ces institu-
températures plus élevées,). tions doivent être résilientes elles- La portée et l’étendue des réponses
suffisant. Nous devons également
mêmes. Ceci exige de s’adapter à que ces candidatures représentent
concentrer nos ressources sur une
Une telle adaptation est possible l’évolution de la situation écono- soulignent l’ampleur du rôle que le
adaptation1 menant à la résilience2,
grâce aux diverses activités et mique de leurs clients (y compris secteur peut jouer pour aider les
ce qui est particulièrement crucial
techniques (comme des techniques leur capacité à rembourser leurs personnes exclues financièrement
pour les populations les plus sen-
d’agriculture et d’élevage inno- dettes), et de mettre en place des à s’adapter à un climat en mutation.
sibles aux effets du changement
vantes) qui permettent d’augmenter systèmes qui permettent d’apporter Et ce n’est que le début.
climatique  :  les communautés vul-
nérables (et plus particulièrement la productivité dans des contextes des réponses rapides et efficaces 1 Le Groupe d’experts intergouvernemental sur
rurales), exclues financièrement, vi- difficiles. Cette adaptation peut aux catastrophes climatiques (inon- l’évolution du climat (GIEC) définit « l’adap-
vant dans des pays à faible revenu. également prendre la forme d’une dations, ouragans, etc). tation » comme « une démarche d’ajustement
au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses
anticipation croissante des chocs conséquences. »
Le problème se compose d’au futurs, par l’utilisation de matériaux Enfin, les services financiers 2 « Résilience » fait référence à des systèmes
moins quatre facettes. Première- résistants pour protéger les mai- peuvent être complétés par des pro- dont l’efficacité climatique est démontrée pour
l’avenir. Il s’agit de la capacité des systèmes
ment, les moyens de subsistance sons, les entreprises et les terres, duits et des services non financiers écologiques, sociaux ou économiques à s’adap-
de ces communautés proviennent sans pour autant recourir à des capables de combler les lacunes en ter aux perturbations climatiques réelles ou
des activités les plus touchées par stratégies d’adaptation coûteuses matière de capacité, tels que la sen- attendues et à leurs effets ou impacts.

le changement climatique (l’agri- (dettes insoutenables, vente de sibilisation et la compréhension des


culture, la sylviculture, la pêche moyens de production etc.). Dans risques climatiques par le biais d’une DANIEL ROZAS
ces deux cas, l’accès aux services assistance technique et de la for- EXPERT EN MICROFINANCE
etc.). Deuxièmement, leurs pays et SENIOR &
régions seront les plus touchés par financiers et non financiers peut ai- mation ; la promotion de normes de SAM MENDELSON
les facteurs de stress climatique, der les ménages à s’adapter. construction qui augmentent la ré- SPÉCIALISTE DE L’INCLUSION
silience face aux inondations et aux FINANCIÈRE
comme les inondations, l’élévation EUROPEAN MICROFINANCE
du niveau de la mer, la sécheresse, Microfinance et résilience face au vents violents ; l’intégration, dans la PLATFORM (e-MFP)
les tempêtes extrêmes, l’érosion changement climatique planification institutionnelle, d’éva-
et les épidémies. Troisièmement, luations des risques climatiques et
Le rôle du secteur de la microfi-
cette vulnérabilité directe est des conditions météorologiques ex-
nance dans l’augmentation de cette
souvent exacerbée par les faibles trêmes - aidant ensuite les clients à
résilience est vaste : des prêts pour
capacités économiques et insti- utiliser ces données dans le cadre de
financer des investissements dans
tutionnelles des pays les plus tou- leurs activités économiques.
l’irrigation, des semences résis-

BAROMÈTRE
14 DE LA MICROFINANCE 2019 ZÉRO
MICROFINANCE ET RÉSILIENCE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Comment la microfinance peut-elle s’adapter au risque climatique ?

B
ien avant que le réchauffement climatique
n’atteigne son niveau actuel de priorité, les
institutions de microfinance ont commencé
à prendre des mesures locales contre les catas-
trophes naturelles qui en résultent.

En tant que 3e zone la plus à risque au monde, avec


plus de 60 % de sa superficie exposée à de multi-
ples dangers et 74 % de sa population considérée
comme vulnérable, les Philippines font partie de ces
pays précurseurs ayant agi pour améliorer la rési-
lience des personnes et des institutions face aux
catastrophes naturelles.

Pour les institutions de microfinance locales, le fait


de contribuer au renforcement de la résilience de

© Opmeer Reports
leurs clients tout en maintenant leur propre conti-
nuité opérationnelle constitue un pas naturel vers
une réponse plus proactive aux catastrophes répé-
tées.
Ce projet pilote a été déployé dans d’autres pays un RGRC et un PCA, synthétisé en 5 étapes  : la
Oïkocredit a choisi les Philippines comme zone d’Asie du Sud-Est et a permis de concevoir une compréhension des risques (1) la création d’un
pilote pour son programme de gestion des catas- feuille de route pour la résilience face aux catas- plan d’urgence en cas de catastrophe (2) la mise
trophes naturelles en 2014, après des années de trophes. en place de mesure de continuité des activités
soutien à ses partenaires locaux affectés, par le (3), et enfin les tests (4) et revues (5) des pratiques
biais d’un fonds de solidarité. En partenariat avec Plusieurs IMF et clients locaux utilisant cette mises en œuvre.
Corporate Network for Disaster Response, une feuille de route ont déjà constaté une réduction
formation sur la Réduction et la gestion des risques des pertes, une assistance plus rapide et une Plus les institutions s’approprient ce guide (ainsi
de catastrophes (RGRC) a été proposée aux insti- meilleure continuité des activités en cas de catas- que les autres outils de gestion des risques de ca-
tutions de microfinance bénévoles philippines. trophe au cours des dernières années. tastrophes), plus il y aura de données disponibles à
l’avenir pour mesurer avec précision les résultats
Ce projet pilote a été divisé en 2 parties. La pre- Fin 2018, ce travail a été mis à la disposition de tous positifs sur la vie des clients exposés aux risques
mière visait à améliorer les connaissances de par la publication conjointe avec ASKI, une IMF climatiques.
base des concepts RGRC et la seconde consis- philippine, d’un Guide sur la réduction des risques
tait en un atelier de formation sur les « bases de de catastrophes et la planification de la continuité
GAEL MARTEAU
DIRECTEUR
la continuité des activités », afin d’équiper les IMF des activités pour les institutions de microfinance. OÏKOCRÉDIT FRANCE
partenaires d’outils pour qu’elles puissent élaborer Ce guide propose 12 étapes clés pour constituer
leur propre Plan de continuité des activités (PCA).

Au Nicaragua, Financiera FDL contribue à la diffusion de l’agroécologie

F
ace à un changement climatique pour nuer au bout d’un an si le producteur adopte des culièrement productif, et écologiquement sou-
l’essentiel déjà à l’œuvre, le Nicaragua, pratiques agricoles durables. L’IMF considère tenable.
et en particulier ses zones rurales, doit que cette incitation constitue une rémunération
s’adapter. La hausse locale des températures pour « service environnemental rendu ». L’accompagnement au changement de pratiques
perturbe par exemple la production de café à culturales étant coûteux, une des principales
basse altitude et impacte directement les re- Le dernier produit de crédit lancé par Financie- difficultés de l’IMF est de trouver des finance-
venus des caféiculteurs. Pour répondre à ces ra FDL, Ecomicro, concerne spécifiquement les ments externes. Malgré ce défi, Financiera FDL
problématiques, l’institution de microfinance mesures d’atténuation des risques climatiques s’est résolument tournée vers une finance verte,
Financiera FDL est en première ligne. Près de subis par les clients. Il s’agit par exemple de pour s’attaquer aux causes du changement cli-
80% de ses clients vivent en zone rurale, et elle financer des citernes à eau, des puits, des matique, en essayant d’agir sur l’impact environ-
consacre 37% de son portefeuille de crédit à systèmes de micro-irrigation ou encore de la nemental de ses clients, comme à ses consé-
l’agriculture. Depuis plus de 20 ans, elle a choisi plantation d’arbres dans les pâtures, le sylvo- quences, par des mesures d’adaptation au risque
de s’engager dans la microfinance verte. pastoralisme. climatique.

Tout d’abord, l’IMF a progressivement déve- Par ailleurs, l’IMF adopte des pratiques respon- En l’espèce, le credo de la Financiera FDL est
loppé une série de produits pour accompagner sables : elle exclut de ses activités le finance- de proposer des solutions « gagnant-gagnant »,
les producteurs vers des pratiques culturales ment de projets contigus de zones protégées, puisque la réduction des risques climatiques
plus résilientes. Elle promeut par exemple la l’acquisition d’équipements polluants, ainsi que au niveau des producteurs induit une réduction
plantation d’essences de bois de chauffage l’achat de terres, dans un contexte où beaucoup des risques pour l’IMF. Celle-ci va même jusqu’à
autour des parcelles, et développe des crédits de producteurs visent l’augmentation de leur considérer que la transition écologique est une
à l’équipement photovoltaïque. Financiera FDL revenu par l’achat de parcelles plutôt que par nécessité pour assurer la pérennité de ses ser-
propose également des produits innovants tels l’amélioration des rendements. En effet, l’IMF vices, donc sa survie.
le « credito ambiental » (crédit environnemen- constate que localement, la production exten-
LAURENT CHÉREAU
tal). Ce crédit de long terme, qui est associé à sive exige de déforester. À l’inverse, un modèle RESPONSABLE COMMUNICATION
un appui technique, voit son taux d’intérêt dimi- intensif tel que l’agroforesterie se révèle parti- SIDI

ZÉRO BAROMÈTRE
DE LA MICROFINANCE 2019 15
LA MICROFINANCE AU SERVICE DES RÉFUGIÉS
Accompagnement des réfugiés : 5 recommandations clés pour
les fournisseurs de services financiers* ZÉRO
L
e nombre de personnes déplacées exclusifs pour répondre correctement à marché cible potentiel. Toutefois, notre EN PARTENARIAT AVEC
de force dans le monde a atteint le la demande. étude montre que la grande majorité des
chiffre record de 70,8 millions en personnes interrogées n’avaient pas l’in-
2018, comme le montrent les données 2. Comprendre de quel type de crédit les tention de retourner dans leur pays d’ori-
récemment publiées dans le rapport réfugiés ont besoin dans un domaine gine ou de se réinstaller dans un autre
annuel du Haut Commissariat aux Ré- précis, et de quel montant. pays. Les réimplantations dans le même
fugiés (HCR). Au sein de ce groupe, le pays sont également rares, d’après cette
nombre de réfugiés (définis comme des Si les réfugiés ougandais et jordaniens étude. Les réfugiés aspiraient plus à
personnes déplacées en dehors de leur empruntent régulièrement auprès de accéder à l’indépendance économique
pays d’origine à cause de la guerre, des groupes d’épargne, de leurs amis et de qu’à s’installer dans un nouvel endroit.
persécutions et des conflits) a atteint 25,9 leur famille, ils ne sont pas en mesure Entre 2014 et fin avril 2018, seuls 5 % de
millions, soit 500 000 de plus qu’en 2017. d’emprunter suffisamment pour couvrir la population de réfugiés enregistrée en
leurs besoins professionnels. Nombre Jordanie et 1 % en Ouganda se sont ré-
Dans ce contexte, l’intégration so- d’entre eux souhaitent avoir accès à un installés ailleurs1.
cio-économique des réfugiés représente crédit officiel, préfèrent des emprunts in- AVEC LE SOUTIEN TECHNIQUE DE
l’une des principales solutions durables dividuels, et la plupart sont prêts à payer 5. Envisager de fournir des services
à la crise migratoire. Le secteur finan- des intérêts. non financiers pour compléter l’offre
cier a un rôle fondamental à jouer pour de crédit.
garantir que les réfugiés ont accès à L’enquête a également révélé la néces-
toute une gamme de services financiers sité de financer les produits d’énergie Dans les deux pays, les services non Remerciements aux membres du Comité de pilotage
du Baromètre et aux rédacteurs : Advans (Katherine
et non financiers. Pourtant, très peu de verte dans les camps, et mis en évidence financiers (principalement l’éducation fi- Brown, Aurélie de Fonvielle, Fanny Serre) ; Banque
fournisseurs de services financiers (FSP) le potentiel des services financiers nu- nancière et l’accompagnement à la ges- de France (Mark Béguéry, Marie-Laure Hie, Béa-
ont jusqu’à présent étendu leurs services mériques, déjà utilisés par les réfugiés tion d’entreprise) sont particulièrement trice Raoult-Texier, Stéphane Tourte) ; BNP Paribas
(Claudia Belli, Alain Levy) ; Centre Yunus (Jean-Luc
à cette population défavorisée, la consi- dans les deux pays. En Ouganda, où les utiles aux réfugiés ayant une expérience Perron) ; CERISE (Bonnie Brusky) ; Crédit Coopéra-
dérant souvent comme un segment de terres sont raisonnablement disponibles limitée ou inexistante du crédit ou de la tif (Cyrille Langendorff) ; Crédit Municipal de Paris
marché « trop risqué ». pour les réfugiés, il existe également une gestion d’une affaire. Les IMF doivent (Sandra Bythell) ESC Dijon (Djamchid Assadi) ;
e-MFP (Gabriela Erice García, Gemma Cavaliere,
demande de produits agricoles, tant pour appliquer leurs procédures de segmen- Sam Mendelson, Daniel Rozas) ; Finansol (Frédéric
Pour mieux comprendre les besoins les particuliers que pour les entreprises tation des clients pour évaluer quels ré- Fourrier) ; Fondation Grameen Crédit Agricole (Phi-
financiers des réfugiés, la Fondation à la recherche de produits agricoles fugiés peuvent avoir besoin d’une pres- lippe Guichandut, Carolina Herrera) ; HCR (Micol
Pistelli) ; IRD (Isabelle Guérin) ; Microsave (Graham
Grameen Crédit Agricole (FGCA) a com- bruts. Comme pour les clients réguliers, tation de services non financiers. Pour Wright) ; MIX Market (Mohita Khamar, Blaine Ste-
mandé une étude de marché en Jorda- il est essentiel que les IMF interagissent mieux comprendre leurs besoins, il est phens) ; Oïkocredit (Gaël Marteau) ; PAMIGA (Re-
née Chao-Beroff) ; SIDI (Laurent Chéreau) ; SPTF
nie et en Ouganda, réalisée par le cabi- étroitement avec les réfugiés pour mieux très important que les IMF s’associent à
(Jurgen Hammer) ; Symbiotics (Sébastien Duquet).
net de conseil Microfinanza. Cette étude comprendre leurs besoins et leurs préfé- des ONG spécialisées qui proposent ces
constitue la première étape de la mise en rences. services. Equipe de Convergences :
Paul Constantin, Garance Diacono, Baptiste Fassin,
œuvre d’un programme conjoint entre Clara James, Thibault Larose, Gabrielle Lecornu,
l’Agence suédoise de développement et 3. Examiner les projets entrepreneuriaux Les études démontrent clairement que Jennifer Linares, Lucas Magnani, Sarah Plot, Fanny
Roussey, Carine Valette, Manon Vigier, Sarah Zekri.
coopération internationale, le HCR et la des réfugiés. le nombre croissant de réfugiés devrait
FGCA, destiné à élargir l’accès aux ser- être considéré par tous les acteurs de Baromètre de la Microfinance 2019 / Convergences.
vices financiers et non financiers pour En Ouganda, 78 % des réfugiés interro- la microfinance comme un nouveau Conception éditoriale : Baptiste Fassin, Carine Valette
Conception graphique : Baptiste Fassin,
les réfugiés et les communautés d’ac- gés envisagent de créer ou de dévelop- marché et une réelle opportunité de Carine Valette
cueil en Jordanie et en Ouganda. per leur propre entreprise, et 60 % ont promouvoir l’inclusion financière. Pour Impression : Imprimerie Centrale de Lens
déjà fait les premières démarches - en se les réfugiés eux-mêmes, ce pourrait être
À propos de Convergences :
Les conclusions de cette étude mettent servant de leurs économies, en emprun- l’assurance d’être pleinement intégrés Créée en 2008, Convergences est la première
en lumière cinq recommandations prin- tant de manière informelle et en s’inscri- dans l’économie de leur pays d’accueil. plateforme de réflexion, de plaidoyer et de mobi-
lisation en Europe en faveur des Objectifs de dé-
cipales à l’attention des fournisseurs de vant à des formations professionnelles. veloppement durable (ODD) et de la construction
1 UNHCR resettlement data, http://
services financiers (FSF) qui souhaitent En Jordanie, la plupart des réfugiés pré- d’un monde « Zéro exclusion, Zéro carbone, Zéro
www.unhcr.org/resettlement-data.html#_
contribuer à l’inclusion financière des fèrent créer leur propre entreprise plu- ga=2.19545528.1017050701.1540310607-
pauvreté ». Sa mission est de susciter la réflexion et
l’action, de diffuser des bonnes pratiques et de fa-
réfugiés. tôt que de chercher un emploi dans les 1116228831.1539297281
voriser la co-construction de partenariats innovants
* Cet article est tiré d’un blog écrit par les auteurs et
quelques secteurs ouverts aux non-Jor- publié sur le site de PortailFindev.
à fort impact sociétal. Convergences s’appuie sur
1. Les réfugiés n’ont pas besoin de pro- daniens. En termes de segmentation plus de 200 organisations partenaires représentées
au sein de ses Groupes de travail pour co-construire
duits financiers spécifiques. entre les genres, environ une femme sur le Forum Mondial Convergences qui réunit chaque
quatre interrogée en Jordanie a un projet MICOL PISTELLI année à Paris près de 5 000 participants, réaliser
Cette recommandation peut sembler solide pour démarrer ou développer sa COORDINATEUR PRINCIPAL DE
des publications, développer des projets autour de
la jeunesse et du numérique, et organiser des dé-
surprenante, car les réfugiés sont sou- propre entreprise, principalement basée L’INCLUSION FINANCIÈRE bats et rencontres tout au long de l’année.
vent considérés comme une catégorie à domicile. Ce chiffre est encore plus éle- HCR & www.convergences.org
sociale distincte avec des besoins spé- vé en Ouganda, où une femme sur trois PHILIPPE GUICHANDUT
Copyright Convergences Août 2019 – Convergences,
cifiques. Pourtant, l’étude démontre que souhaite créer sa propre activité. DIRECTEUR DÉVELOPPEMENT 33 rue Godot de Mauroy, 75009 Paris – France //
de nombreux produits financiers sur le FINANCE INCLUSIVE +33 (0)1 42 65 78 85
FONDATION GRAMEEN
marché répondent déjà aux demandes 4. Surmonter la crainte que les réfugiés Pour plus d’informations : contact@convergences.org
CRÉDIT AGRICOLE
identifiées auprès de clients réfugiés. partent. Les données montrent qu’ils se ou www.convergences.org

Les IMF peuvent ajuster leurs politiques réinstallent rarement ailleurs.


et procédures internes par rapport aux
exigences en matière d’identité et de Le risque de départ est une préoccupa-
garanties, mais il n’est pas nécessaire tion souvent évoquée par les IMF lorsqu’il
d’avoir des « produits pour réfugiés » s’agit d’envisager les réfugiés comme un

BAROMÈTRE
16 DE LA MICROFINANCE 2019 ZÉRO

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