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sur leur capacité à rebondir. Or, le contexte français est marqué par un
engagement majeur en faveur de l’entrepreneuriat-étudiant. Beaucoup de
jeunes ont désormais accès au statut d’étudiant-entrepreneur qui leur
I – La résilience entrepreneuriale
La capacité des individus à rebondir est déterminée à la fois par les éléments 5
contextuels et leur psychologie. Au-delà des effets directs sur l’activité
économique, la crise de la Covid-19 révèle le contexte d’incertitude radicale
dans lequel les entrepreneurs évoluent au quotidien. Dans ce contexte, le
manque d’information directe pousse les individus à surévaluer les risques et
cela d’autant plus que ceux-ci sont médiatisés (Packard et al., 2017). De plus,
la situation de crise actuelle s’accompagne d’événements à fréquence rare
associés à une perte importante. Or, c’est en particulier en matière de pertes
ou de gains rares que les comportements des entrepreneurs s’éloignent des
comportements usuels. Slovic et al. (1981) ont par exemple mis en évidence
que, face aux pertes rares, le décideur tendrait soit à négliger totalement
cette perte, soit à l’exagérer considérablement. Ce contexte spécifique
d’incertitude tend aussi à augmenter l’aversion aux pertes et réduit la
propension d’un entrepreneur à saisir une opportunité (McKelvie et al., 2011).
De plus, la peur augmente la perception du risque et diminue l’attrait perçu
de l’opportunité (Welpe et al., 2012). Dès lors, la prise de risque se fait
hésitante, ralentissant d’autant la reconstruction des projets
entrepreneuriaux et ce, malgré les biais de perception caractéristiques des
entrepreneurs qui, comme l’optimisme, peuvent constituer des leviers de
[4]
rebond . Dans cette perspective, les entrepreneurs développent alors
souvent des comportements effectuaux (Sarasvathy, 2001), sur la base
d’expérimentations mobilisant les ressources à leur disposition – humaines,
financières ou de réseaux – pour s’adapter et développer des solutions les
moins engageantes possibles (Sarrouy-Watkins, 2019). La crise brouille les
repères, elle peut être vue par certains entrepreneurs installés à la fois
comme une source de contraintes et d’opportunités. Si de nouveaux espaces
entrepreneuriaux se sont ouverts, par exemple dans le numérique, qui
suscitent l’adaptation des processus organisationnels et favorise l’accès à de
nouveaux marchés, soulignons également que cette situation traumatique et
inédite conduit les individus à s’interroger sur leurs priorités. Or, une
spécificité de la crise actuelle est d’avoir des conséquences qui s’expriment en
termes de mortalité, rappelant à chacun la fragilité de l’existence et la
nécessité du « vivre ensemble ». Dès lors, pour reconstruire du sens,
l’entrepreneur « va puiser dans les croyances, valeurs et routines partagées »
(Maurel, 2010). Il pourra aussi se ressourcer dans son tissu social (Julien et
Schmitt, 2008), ou dans sa pratique spirituelle (Godwin et al., 2016). Cela peut
le conduire à réviser ses projets de développement personnels et
professionnels, en laissant par exemple plus de place aux objectifs familiaux
ou à des projets à portée plus collective, autour de préoccupations
environnementales, locales ou solidaires.
– une première phase à très court terme, de type réflexe, dans laquelle 7
l’entrepreneur subit le choc et s’adapte, qui renvoie à une capacité
d’absorption,
– une deuxième phase d’adaptation à plus long terme qui nécessite de
repenser le projet entrepreneurial pour faire face au nouveau contexte, ce
qui peut entraîner un « pivotement », ce qui renvoie à une capacité de
renouvellement,
– une troisième phase qui induit un processus de légitimation des
actions prises précédemment au sein d’un projet plus vaste, ainsi qu’une
meilleure appréhension de ses capacités par l’entrepreneur, notamment
face à la crise qui renvoie à une capacité d’appropriation.
Si les acteurs publics ont un rôle à jouer parmi ces tuteurs de résilience 9
entrepreneuriale – notamment en mettant en place des actions de soutien à
l’économie – il importe de souligner le rôle des dispositifs de formation afin
de développer la résilience entrepreneuriale. Dans quelle mesure les outils
pédagogiques et l’accompagnement utilisés sont-ils adaptés pour développer
les trois capacités associées à la résilience entrepreneuriale des étudiants-
entrepreneurs ?
Ainsi, depuis 2009, dans le sillon des travaux de Fayolle, les modalités et 11
techniques d’apprentissage ainsi que la palette des compétences à acquérir se
sont à la fois enrichies et diversifiées.
Pour répondre à cette question, nous avons proposé d’évaluer l’efficacité des 13
principaux outils pédagogiques couramment utilisés dans notre
communauté en entrepreneuriat, à partir du filtre des 3 capacités de la
résilience entrepreneuriale introduites précédemment. A cet effet, nous
avons invité les membres de l’AEI et leurs partenaires au sein des structures
d’accompagnement à évaluer les outils pédagogiques qu’ils mobilisent dans
leurs enseignements selon le protocole Delphi présenté dans l’encadré
méthodologique.
Dans la mesure où tous les outils ont obtenu une note moyenne comprise 15
entre 3 et 5, ce tableau met en évidence que les enseignants considèrent leurs
outils comme présentant une potentialité relativement significative pour
développer les capacités de résilience entrepreneuriale. Par ailleurs les
réponses, ont sensiblement convergé entre les deux tours du Delphi (les
écarts absolus moyens sont passés de 1,05 à 0,89 entre les deux tours) et on
observe une corrélation plus importante entre les capacités de
renouvellement et d’appropriation qu’entre ces deux capacités et la capacité
d’absorption[6]. Ces résultats suggèrent que les outils adaptés au
développement de la capacité d’absorption diffèrent sensiblement de ceux
adaptés au développement des capacités de renouvellement et
d’appropriation. Cela reflète probablement la différence entre la capacité
d’absorption, qui renvoie à des aspects techniques de gestion de crise, et les
autres capacités qui nécessitent un effort de créativité pour reconstruire le
projet entrepreneurial. Cela soulève la question de la cohérence à considérer
que la résilience entrepreneuriale comporte trois capacités qui seraient
distinctes, ce constat appelle à des investigations méthodologiques plus
poussées pour confirmer ce point.
Méthodologie
aux bureaux loués. Ils ont alors notamment permis le versement des salaires.
Les entrepreneurs accompagnés ont donc également participé à la résilience
de leurs accompagnants : « On a reçu beaucoup de solidarité des
entrepreneurs. On s’est demandé si on continuerait à facturer, parce qu’ils ne
peuvent pas venir utiliser tous nos services. Mais en même temps, on paye
nos charges. La majorité des entrepreneurs était d’accord. On a fait un mois
gratuit et on a recommencé à facturer » (accompagnant membre d’une
structure d’accompagnement privée).
Conclusion
Nos résultats suggèrent que les formations peuvent aider à développer les 28
capacités constitutives de la résilience entrepreneuriale, mais qu’il importe
de combiner l’usage des outils pédagogiques avec des pratiques
d’accompagnement qui demandent à être adaptées au contexte de la crise.
Dans cette perspective, le recours au numérique s’est imposé naturellement
et va conduire à repenser et à enrichir les outils pédagogiques et les pratiques
d’accompagnement existants. Sans doute cela est-il relativement complexe à
mettre en œuvre en environnement de ressources contraint. Il est crucial que
le décideur public accepte de soutenir les enseignants et les accompagnants,
voire les structures d’accompagnement. Il s’agit certes d’un investissement à
long terme, mais la performance des futures générations d’entrepreneurs
semble aussi être à ce prix.
Notes
Cf. par exemple les numéros spéciaux de la Revue de l’Entrepreneuriat (2007, 2014)
et Entreprendre et Innover sur cette thématique (2011, 2016, 2019), ainsi que le
Handbook of Research in Entrepreneurship Education (Fayolle, 2007).
Résumé
questioning the formative scope of the educational tools and practices used
to develop the resilience of students entrepreneurs, especially in the context
of remote support that appeared with the Covid-19 crisis.
Plan
I – La résilience entrepreneuriale
Conclusion
Bibliographie
Bauweraerts J. et Colot O. (2014). « La résilience organisationnelle au sein des
entreprises familiales : mythe ou réalité ? », Recherches en Sciences de Gestion,
vol. 101, no 2, p. 197-215.
Julien P.-A. et Schmitt C. (2008). “Pour une vision renouvelée des pratiques
de l’entrepreneuriat : De la vision libérale à la vision sociale de
l’entrepreneuriat”, Regards sur l’évolution des pratiques entrepreneuriales, C.
Schmitt, Presses de l’Université du Québec, p. 15-34.
Packard M.D., Clark B.B. et Klein P.G. (2017). “Uncertainty types and
transitions in the entrepreneurial process”, Organization Sciences, vol. 28, no 5,
p. 840-856.
Welpe I.M., Spörrle M., Grichnik D., Michl T. et Audretsch D.B. (2012).
“Emotions and opportunities : The interplay of opportunity evaluation, fear,
joy, and anger as antecedent of entrepreneurial exploitation”,
Entrepreneurship Theory and Practice, vol. 36, no 1, p. 69-96.
Auteurs
Académie de l’entrepreneuriat et de l’innovation
J-F. Sattin
U. Paris 1
C. Léger-Jarniou
U. Paris-Dauphine
D. Chabaud
IAE de Paris
S. Sammut
U. de Montpellier
A. Maus
U. d’Aix-Marseille
N. Schieb-Bienfait
U. de Nantes
A. Hamelin
EM Strasbourg
M. Pfiffelmann
EM Strasbourg
A. Marin
U. de Lorraine
P. Brenet
U. de Bourgogne Franche-Comté)
V. François
U. de Lille
S. Foliard
U. de Saint-Étienne
S. Loup
U. de Toulouse
H. Yezza
EDC Paris
F. Pratlong
U. Paris 1
V. Favre-Bonté
M. Bernasconi
SKEMA
C. Verzat
ESCP Europe
B. Deschamps
U. Grenoble Alpes
J. De Freyman
SCBS
C. Poroli
SKEMA
S. Emin
U. d’Angers
L. Alexandre
U. de Paris
N. Lameta
U. de Corse
J. Rénouf
ISC Paris
E. Krieger
HEC Paris
C. Loué
Ferrandi Paris