Vous êtes sur la page 1sur 39

Calcul des Investissements

Version 2020-21

Catherine AZZARO-PANTEL
Table des matières

1 Quelques rappels de calcul de rentabilité 9


1.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1.1 Le Bénéfice Actualisé (Bact ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1.2 Le temps de retour sur l’investissement (T.R.I.) . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.1.3 Le taux de rentabilité interne ir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.1.4 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.1.5 Application au Bureau d’Etudes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

2 Structure et caractéristiques d’un investissement 13


2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.2 Schématisation d’un site industriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.3 Investissement en Limites des Unités de Fabrication . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2.4 Découpage type d’un Investissement Global . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.4.1 Investissement en Limites des Unités de Fabrication . . . . . . . . . . . . . 19
2.4.2 Installation de fourniture et de distribution d’utilités . . . . . . . . . . . . 19
2.4.3 Stockages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.4.4 Services généraux ou installations générales . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.4.5 Frais d’études et d’ingénierie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.4.6 Stock de pièces de rechange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.4.7 Frais de contracteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.4.8 Charges initiales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.4.9 Les intérêts intercalaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.4.10 Les frais de démarrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.4.11 Le fonds de roulement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.4.12 Les investissements totaux en site vierge (grass roots) . . . . . . . . . . . . 24
2.5 Adaptation des données d’investissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.5.1 Adaptation en capacité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.5.2 Mise à jour des investissements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.5.3 Prise en compte de la localisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.5.4 Exemple d’application . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
2.6 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

3 Méthodes de calcul des investissements 33


3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.2 Critères de choix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.3 Méthodes exponentielles de calcul des investissements . . . . . . . . . . . . . . . . 34
3.4 Travail à réaliser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
3.4.1 Descriptif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
3.4.2 Données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
3.4.3 Livrables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
What you will learn

— Process engineering economics : design, operation, and economic analysis of processing


plants (1A, 2A).
— Applied successfully to the chemical process industries, resulting in economic production
of large quantities of chemicals, petrochemicals, and other products.
— Typical references
1. Chilton CH, 1960. Cost Engineering in the Process Industries. McGraw-Hill.
2. Peters MS, Timmerhaus KD, West RE, 2003. Plant Design and Economics for Chemical
Engineers, 5th edition. McGraw-Hill.
3. Seider WD, Seader JD, Lewin DR, 1999. Process Design Principles. John Wiley.
Introduction

L’objectif de ce cours est double :


1. Présenter les méthodes de calcul des investissements qu’un ingénieur de procédés est amené
à utiliser au cours du développement du projet ;
2. Présenter les différents éléments qui contribuent au coût opératoire en vue de déterminer
le prix de revient.
L’étude de la rentabilité économique d’un procédé (cf. Cours d ?Evaluation Economique, Tronc
Commun 1ère Année Toulouse INP ENSIACET) nécessite le calcul des investissements nécessaires
à la mise en oeuvre du procédé et le plus grand soin doit être apporté aux études préparatoires
pour permettre son évaluation. L’objectif de ce cours est de présenter les méthodes et outils
nécessaires classiquement utilisés par un Ingénieur Procédés. Généralement, deux niveaux sont
impliqués :
1. Evaluation des projets : il s’agit dans un premier temps de déterminer rapidement le
montant des immobilisations nécessaires avec une précision suffisante pour que le résultat
puisse orienter la décision ou conduire à des études économiques approfondies. Pour cela,
on utilise en général des méthodes de calcul simplifiées.
2. Dans un second temps, lorsqu’il s’agit de réaliser un devis des installations, on peut faire
appel à une Société d’Engineering ou au Service” Estimation” de l’entreprise.
Selon l’Association américaine des ingénieurs de cotation (1958), il existe 5 définitions de types
d’estimation :
1. Ordre de grandeur (précision valable au-delà de +/-30 %)
2. Estimation d’études : précision jusqu’à +/-30%
3. Estimation préliminaire : précision +/-20%
4. Estimation définitive : précision +/-10%
5. Estimation détaillée : estimation du constructeur, précision +/- 5%
Dans le cadre du bureau d’études, vous serez amenés à utiliser des méthodes des niveaux 2 et
3.
Ce cours est structuré en trois parties.
1. Structure et caractéristiques d’un investissement
2. Méthodes de calcul des investissements
3. Coût Opératoire et Prix de Revient (cf slides du cours)
L’ensemble des éléments présentés doit vous permettre de procéder au calcul des investisse-
ments d’un procédé et de réaliser l’étude de rentabilité selon les critères présentés en 1re Année.
Chapitre 1

Quelques rappels de calcul de rentabilité

1.1 Introduction
Le projet auquel vous participez commence à prendre forme. Aucune difficulté technique (ou
technologique) insurmontable n’a été décelée et vous envisagez d’évaluer la rentabilité économique
de l’opération. Nous avons étudié en 1A trois critères de rentabilité classiquement utilisés. Consi-
dérons un scenario sans emprunt et avec mise en jeu de la totalité de l’investissement en fin
d’année 0 et démarrage au début de l’année.

1.1.1 Le Bénéfice Actualisé (Bact )


Définition

C’est tout simplement la somme algébrique de toutes les sommes mises en jeu, prises à leur
valeur actuelle :.
n
X (Vp − Dp − Ap )(1 − a) + Ap f + Ir
Bact = −I − f + + (1.1)
p=1
(1 + i)p (1 + i)n
soit de façon plus concise :
n
X M.B.A.p
Bact = (1.2)
p=0
(1 + i)p
Dans cette expression :
— I désigne l’investissement global du projet ;
— f désigne le fonds de roulement ;
— p est l’indice de l’année ;
— n désigne la durée de vie sur laquelle on étudie le projet ;
— Vp désigne la recette de l’année p ;
— Dp désigne la dépense de l’année p ;
— Ap désigne l’amortissement ;
— a est le taux d’imposition ;
— Ir correspond à la valeur résiduelle de l’installation ;
— i est le taux d’actualisaton ;
Rappelons que la Marge Brute d’Autofinancement (non actualisée) est donnée par

M BAp = (Vp − Dp − Ap )(1 − a) + Ap (1.3)

Critère de choix d’un projet :


— Un projet est retenu si son Bact > 0 et rejeté sinon
— Si plusieurs projets sont en compétition, on retiendra en priorité celui qui conduit au Bact
le plus élevé.
Le calcul du Bénéfice Actualisé repose sur deux paris : la durée de vie est fixée ici à n années
et le taux d’actualisation de l’entreprise est i.

1.1.2 Le temps de retour sur l’investissement (T.R.I.)


Il permet de s’affranchir du pari sur la durée de vie de l’installation. Il consiste à déterminer la
date k à laquelle la somme cumulée des premières Marges Brutes d’Autofonancement (M.B.A.),
nous assurera la récupération de notre mise de fonds initiale.
Le temps de retour sur investissement (T.R.I.) est la date k, telle que :

k
X M.B.A.p
=I (1.4)
p=1
(1 + i)p

En adoptant cette définition, on se préoccupe uniquement de la récupération des Investisse-


ments (les fonds de roulement ne sont pas pris en compte) ; cela sous-entend que si l’installation
s’arrêtait au bout de k années, on pourrait toujours récupérer les fonds de roulement (mais bien
sûr, dévalués).
Critère de choix d’un projet :
— Dans le cas d’un projet unique, on s’appuie sur la valeur de k pour retenir ou rejeter le
projet, essentiellement en tenant compte du contexte économique.
— Lors de la comparaison des T.R.I. de plusieurs projets en concurrence, on retient celui qui
présente la valeur la plus faible.
L’interprétation est du domaine de décision du responsable industriel.

1.1.3 Le taux de rentabilité interne ir


C’est une autre façon d’apprécier les risques. Cette fois, on fait un pari sur la durée de vie
(nannées), mais on n’en fait plus sur le taux d’actualisation, et on détermine le taux d’actualisation
particulier qui annule le Bact sur la durée de vie.
Le taux de rentabilité interne est la valeur de ir telle que :
Chapitre 1. Quelques rappels de calcul de rentabilité 11

n
X M.B.A.p
=0 (1.5)
p=0
(1 + ir )p

Critère de choix d’un projet :


— Pour un projet unique, nous apprécierons le taux de rentabilité interne par rapport au taux
d’actualisation de la Société.
— Lors de la sélection entre plusieurs projets nous retiendrons de préférence celui qui a le
taux de rentabilité interne ir le plus grand.

1.1.4 Bilan
Ces trois critères qui font intervenir la notion d’actualisation sont parmi les plus usités pour
étudier la rentabilité économique d’un projet. Le tableau 1.1 récapitule les trois critères en version
actualisée (et non actualisée) dans leur terminologie anglo-saxonne.

Table 1.1 – Tableau récapitulatif des crtières de rentabilité


Nondiscounted Discounted
Cash Cumulated Cash Flow CCF Net Present Value, NPV = Bact
Time Simple Payback Period, SPB Discounted Payback Period, DPB = TRI
Rate Return on Investment, ROI (=1/SPB) Internal Rate of Return, ir

NB : Vous pourrez vérifier le calcul du ROI


En première année, les valeurs de I, Vp et Dp étaient données. Nous allons étudier dans ce cours
comment déterminer ces valeurs qui sont indispensables pour l’étude de la rentabilité économique.

1.1.5 Application au Bureau d’Etudes


Vous devrez dans votre Bureau d’Etudes (ASM pour les 2A GC et GP) étudier la rentabilité
économique de votre projet selon les critères étudiés en cours.
Chapitre 2

Structure et caractéristiques d’un


investissement

2.1 Introduction

Les investissements I désignent sont toutes les dépenses encourues durant la genèse d’un atelier
(pour simplifier, disons de la première décision de s’intéresser à ce projet à la dernière minute
précédant le démarrage.
Schématiquement ces dépenses concernent :
— La conception de l’atelier.
— L’achat des appareillages et de tout l’équipement nécessaire à la mise en place de ces
matériels et équipements.
— Les essais et la réception l’unité à la veille de sa mise en marche.
Cet inventaire est un travail qui peut être long, coûteux (et même fastidieux). La structure type
des investissements et le chiffrage des coûts correspondants vont être présentés dans ce qui suit.

2.2 Schématisation d’un site industriel

Sur un site industriel de taille typique, on trouve généralement quatre grands types d’instal-
lations :
— Unités de production proprement dites ;
— Unités pour la fourniture et la distribution des utilités ;
— Installations de stockage ;
— Services et bâtiments dont l’utilisation est partagée, appelés services généraux.
2.3 Investissement en Limites des Unités de Fabrication
Un site industriel peut être schématisé de la façon suivante (voir Figure 2.1). Le rectangle
jaune correspond au capital investi dans les éléments réellement productifs du site, excluant ainsi
les équipements et systèmes annexes, qui sont certes essentiels au fonctionnement des unités,
mais non spécifiquement affectés à une ligne de production particulière. Ces coûts sont appelés
Investissements en Limites des Unités de Fabrication (ILUF) ou en anglais Inside Battery Limits,
ISBL ou plus simplement Battery Limits : ils correspondent aux coûts de montage des les équi-
pements (Erected Costs), c’est-à-dire qu’ils couvrent les équipements primaires et secondaires, le
génie civil, le montage, le raccordement et les coûts indirects. Nous y reviendrons dans la suite
du cours. Les provisions pour aléas ou imprévus sont souvent incluses.

Fig. 2.1 – Schéma d’un site industriel, d’après Chauvel et al. 2001

Le calcul des Investissements en Limites des Unités de Fabrication est la base du calcul des
Investissements Globaux.
— En entrée de l’unité correspondant à l’ILUF, à leurs coûts respectifs de mise à disposition,
c’est-à-dire, à leurs prix marché ou de transaction interne :
— Matière(s) première(s),
— Utilités courantes : électricité, vapeur, eaux diverses (refroidissement, procédé et chau-
dière etc.), combustibles (gazeux, liquides ou solides), frigories, les gaz industriels (air
comprimé, gaz d’inertage, etc.),
— produits chimiques, catalyseurs, solvants, absorbants, tamis, etc., selon les besoins,
— En sortie de l’unité :
Chapitre 2. Structure et caractéristiques d’un investissement 15

— Produits fabriqués ou transformés dans les installations, répondant à des exigences


commerciales ou internes,
— Sous-produits, organiques ou inorganiques, générés par la transformation principale ou
annexes des procédés, comprenant éventuellement des gaz combustibles, des goudrons,
divers résidus et déchets, les eaux résiduaires, etc., qui peuvent éventuellement être
valorisés ou éliminés, mais nécessitant au préalable un traitement supplémentaire,
— Les utilités dites ”épuisées”, car leurs caractéristiques de sortie diffèrent de celles d’en-
trée (par exemple, eau de refroidissement, réfrigérants, etc.) ; ici, nous devons considérer
les sous-produits correspondants, en particulier les condensats, les fumées et les résidus
divers. Ils doivent être soit valorisés, soit rejetés, mais dans les deux cas, il faut des
traitements complémentaires qui, pour des raisons d’économie d’échelle, sont générale-
ment effectués sur l’ensemble des effluents de même nature issus des différentes étapes
de fabrication ou de transformation.
Il est important de noter que l’ILUF ne couvre pas spécifiquement les investissements corres-
pondant au stockage en amont (Matières Premières) et en aval du procédé (Produits Finis). Le
stockage n’est pris en compte dans l’ILUF que dans le cas de bacs de stockage intermédiaires (cas
de procédés discontinus par exemple).
En résumé, un ILUF ou ISBL peut être représenté par le schéma bloc suivant. Retenez bien
qu’un ILUF doit absolument avoir trois attributs, correspondant à la capacité de production du
procédé, la date à laquelle l’évaluation a été réalisée et le lieu d’implantation de l’unité (Figure
2.2.

Fig. 2.2 – L’ILUF et ses trois attributs, capacité, date, lieu

Le procédé HDA (production de benène à partir de désalkylation du toluène) est un procédé


classique qui a été étudié par des générations d’élèves-ingénieurs en Génie Chimique. La frontière
correspondant à l’ILUF est représentée sur la Figure 2.3.
Fig. 2.3 – Frontière de l’ILUF du procédé HDA

Le montant de l’investissement en limites des unités de fabrication peut être ventilé en diffé-
rentes rubriques (Figure 2.4) :
— Coût du matériel principal :
— Réservoirs (pour produits intermédiaires) et stockage,
— Réacteurs,
— Échangeurs de chaleur, bouilleurs, condenseurs, évaporateurs (cycles de refroidisse-
ment),
— Fours et chaudières (production de vapeur, cycles combinés),
— Pompes et leurs entraı̂nements (turbines, moteurs, etc.),
— Compresseurs et leurs entraı̂nements,
— Équipements tels que filtres, centrifugeuses, éjecteurs de vapeur, sécheurs, broyeurs,
concasseurs,
— Instrumentation (facultative, sauf s’il s’agit de lignes de contrôle automatiques).
— Coût du matériel secondaire :
— Charpentes et structures en acier
— Tuyauterie et vannes
— Isolation thermique
— Instrumentation (le cas échéant)
— Système électrique
— Bâtiments, y compris la salle de contrôle
Chapitre 2. Structure et caractéristiques d’un investissement 17

— Peinture, etc.
— Coût du montage, raccordement et génie civil :
— Préparation du site
— Fondations
— Pose des dalles de béton
— Mise en place des équipements
— Branchements et connexions
— Travaux de voirie, etc.
— Frais indirects de chantier et coûts de transport :
— Location et mise en place d’engins de levage spéciaux
— Bâtiments provisoires
— Taxes, assurances, frais divers de chantier
— Transport du matériel depuis son lieu de livraison jusqu’au site.
— Imprévus :
— Frais exceptionnels résultant par exemple de retards imprévus dus à des grèves, des
intempéries, etc,
— Modifications techniques de dernière minute
— Changements de prix, etc.

Fig. 2.4 – Structure de l’investissement en Limites des Unités de Fabrication

Les chiffres indiqués sur la Figure 2.4 représentent la contribution de chaque poste dans l’ILUF.
On peut d’ores et déjà indiquer que l’ILUF équivaut en moyenne à 3,5 fois le coût du matériel
principal. Nous reviendrons sur ce coefficient multiplicatif (appelé facteur de Lang) qui intervient
dans les méthodes de calcul des investissements.
2.4 Découpage type d’un Investissement Global
L’investissement global I comporte quatre grandes rubriques de caractère gigogne :
— Le coût d’investissement pour les installations proprement dites (investissements unitaires),
comprenant :
— Les investissements en limites des unités de fabrication
— Les services généraux et stockages (off sites)
— Le capital fixe, comprenant :
— Les investissements liés aux unités
— Les frais d’étude et d’ingénierie
— Le stock de pièces de rechange
— Les frais de contracteurs
— Le capital amortissable, comprenant :
— Capital fixe
— Charges initiales
— Intérêts intercalaires
— Frais de démarrage
— Investissements totaux, comprenant :
— Capital amortissable
— Fonds de roulement

Fig. 2.5 – Structure de l’investissement global


Chapitre 2. Structure et caractéristiques d’un investissement 19

2.4.1 Investissement en Limites des Unités de Fabrication


Voir section précédente.

2.4.2 Installation de fourniture et de distribution d’utilités


En ce qui concerne les utilités, il est préférable de les traiter comme des matières premières ou
des produits chimiques. Dans ce cas, en effet, nous les considérons comme des intrants extérieurs
au système étudié, disponibles dans des conditions particulières, tant au plan technique (spécifi-
cations) qu’au niveau économique (prix marché ou de transaction interne). Ces prix, issus d’une
méthode de calcul similaire à celle présentée dans ce chapitre, incorporent les frais d’investissement
nécessaires à la fabrication des ”produits” souhaités selon les spécifications requises. En d’autres
termes, tant que les utilités sont comptabilisées à leur prix marché ou de transaction, dans le cadre
du coût d’exploitation, il n’est pas nécessaire d’ajouter le coût d’investissement pour l’obtention
du produit. Sinon, cela reviendrait à compter deux fois les mêmes coûts d’investissement à savoir :
— En tant que coûts fixes, déterminés par le montant global de l’investissement pour les
unités (y compris les coûts de production des utilités).
— Et en tant que coûts variables, qui comprennent les coûts des utilités, ici imputés à un
prix qui correspond à celui de la production des utilités, comprenant déjà les charges
d’investissement correspondant à leur fabrication.

2.4.3 Stockages
L’objectif essentiel du stockage est :
— Maintenir des réserves suffisantes de matières premières, de réactifs, de catalyseurs, de
solvants,etc. soit, d’une manière générale, de tout intrant livré en vrac, afin d’éviter toute
interruption de l’approvisionnement de l’unité concernée.
— Garder temporairement les produits finis, les sous-produits, voire certains déchets, avant
qu’ils ne soient expédiés, soit vers d’autres installations du complexe industriel concerné,
soit vers des clients, ou éventuellement évacués vers les centres de traitement appropriés,
qui peuvent fonctionner en semi-continu ou en discontinu (rôle tampon).
Ainsi, on admet que le coût de l’investissement pour le stockage est de l’ordre de 25% du coût
des limites de la batterie investissements. Un tel chiffre revient à disposer d’une marge de huit
jours de matières premières ou de produits majeurs. produits. Bien évidemment, ce chiffre doit
être revu à la hausse si des législations particulières imposent des durées plus longues.

2.4.4 Services généraux ou installations générales


Ce poste comprend les aspects suivants :
— Viabilisation du site :
— Préparation du site
— Routes et accès
— Voies ferrées
— Quais de chargement et de déchargement, équipements de manutention auxiliaires
— Clôtures et sécurité
— Éclairage
— Parkings
— Aménagement paysager, etc.
— Bâtiments destinés à abriter les matériels
— Services généraux proprement dits : ateliers, magasins, laboratoires, restauration, services
médico-sociaux, sécurité, administration, direction...
— Centres d’épuration ou de traitement des déchets, notamment des fumées, des eaux usées,
des déchets solides, etc.
— Systèmes d’évacuation des eaux usées, de purge, de torchage, etc.
— Réservoirs de rétention, murs de protection, etc., et autres systèmes de sécurité, de protec-
tion de l’environnement, etc.
Les services généraux et le stockage (off sites) représentent ensemble environ 40
% des investissements en limites des unités de fabrication.

2.4.5 Frais d’études et d’ingénierie

Il s’agit des coûts relatifs aux études préliminaires, appelées études de faisabilité, qui néces-
sitent une consultation auprès des détenteurs de procédés. L’entreprise peut réaliser elle-même
ces études ; cependant, faute de compétences ou de personnel nécessaires, les entreprises confient
généralement ce type d’analyses à des spécialistes, notamment à des cabinets de consultants ou à
des sociétés d’ingénierie.
Le montant de ces prestations dépend de l’ampleur et de la qualité des services fournis, ainsi
que de la nature et de la capacité des installations à dimensionner.
Une solution classique pour les estimer consiste à les rapporter aux coûts des équipements qui
nécessitent des schémas, des dimensionnements, des devis, etc., des commandes, de la réception,
du montage, etc. Dans ce cas, il est d’usage de les prendre en compte à travers un
pourcentage donné du total des investissements en limites des unités de fabrication
et des investissements pour les infrastructures annexes (services généraux et stockage,
éventuellement production d’utilités, selon la procédure adoptée). Un chiffre moyen,
généralement accepté et vérifié, est de 12%.
En réalité, les frais d’ingénierie ne sont directement proportionnels ni à la capacité de fabri-
cation de l’unité, ni à sa complexité. Ils diminuent à mesure que l’échelle augmente et que les
installations deviennent plus complexes, et vice versa.
Chapitre 2. Structure et caractéristiques d’un investissement 21

2.4.6 Stock de pièces de rechange


Dans les pays fortement industrialisés, ce poste n’est pas critique et l’investissement correspon-
dant est généralement assez faible, voire nul (en raison notamment de l’amélioration de la fiabilité
des équipements). La réalité est cependant plus complexe. Dans le cas des compresseurs, des filtres
rotatifs, centrifugeuses, etc., deux appareils identiques fonctionnent souvent en parallèle, chacun,
par exemple, à 60 % de sa capacité nominale. Cette solution est préférable au fonctionnement
d’un seul appareil, plus grand, fonctionnant à pleine charge. Cela donne à l’industriel une flexi-
bilité supplémentaire au cas où la demande du marché nécessiterait une production supérieure
à celle prévue par le dimensionnement initial, et à condition qu’il ne rencontre pas de goulots
d’étranglement supplémentaires.

2.4.7 Frais de contracteur


D’une manière générale, le bureau d’études sélectionné par l’industriel pour le projet considéré
n’est ni le concepteur ni, plus largement, l’inventeur des procédés, technologies, équipements, etc.
sur lesquels reposent ses calculs.
Il s’agit ici de rémunérer la Recherche et Développement : l’entreprise qui effectue la recherche,
le développement et le perfectionnement d’un procédé, d’une technologie ou d’un produit destiné
à être utilisé industriellement dans le cadre d’un projet, s’efforce de protéger les résultats de son
travail en obtenant et en conservant des brevets. Elle détient le droit de les exploiter, mais peut
céder ce droit, à titre exclusif ou non, et pour une région géographique déterminée, moyennant
rémunération. Ce remboursement s’effectue par la perception de redevances, qui peuvent être de
deux types :
— Redevances dites ”paid up” : il s’agit de sommes forfaitaires versées au propriétaire des
technologies, par l’industriel souhaitant les mettre en oeuvre, afin d’acquérir la licence
d’exploitation. Elles sont généralement liées à la taille des installations envisagées, et rap-
portées à la tonne de capacité unitaire de production ou de traitement.
— Redevances courantes (running) : elles sont rapportées à la production réelle des installation
et non à leur capacité unitaire.
En plus de la rémunération de ces redevances, intervient également dans ces frais de contrac-
teur, la rémunération des services liés à la transmission des données, via le Livre de Procédés et
le Manuel Opératoire. Ces deux ouvrages vont de pair.
Le détenteur du procédé ou de la technologie choisi doit fournir au client des informations
suffisantes pour permettre à la société d’ingénierie chargée de la réalisation effective du projet
d’effectuer ses propres calculs et études. Ces informations sont rassemblées dans un document
détaillé appelé Livre de Procédé.
Il établit aussi un autre document appelé Manuel Opératoire destiné à la formation des per-
sonnels, précisant les conditions de mise en route et d’arrêt des équipements.
Il est courant de ne pas dissocier les coûts d’établissement des documents contractuels (livre
de procédé et manuel opératoire) de celui des redevances et de les regrouper sous la rubrique de
frais de contracteur.
On estime généralement leur coût à 5% du coût des unités de production plus
les services généraux et le stockage.

2.4.8 Charges initiales


Lorsque les différents équipements sont installés, les installations de fabrication dont ils font
partie ne sont pas nécessairement prêtes à produire. Certaines d’entre elles, en effet, exigent
qu’il y ait un volant minimal de contenu solide ou liquide : cela représente un investissement
préalable à toute mise en route, certes de dernière minute, mais indispensable. Cet investissement
supplémentaire constitue les charges initiales : selon les cas, après une période généralement
plus courte que la durée de vie de l’installation, ces charges initiales devront être remplacées, si
les procédures de régénération nécessaires sont effectuées. Il s’agit généralement des catalyseurs
solides, des adsorbants, des tamis moléculaires, des agents de dessiccation, etc., des solvants, des
liquides de refroidissement ou réfrigérants, etc.
Comme ces charges initiales doivent être soit remplacées régulièrement, soit reconditionnées
périodiquement, elles peuvent être comparées à des ”consommables”. La dépense correspondante
doit donc figurer dans la rubrique ”fonctionnement”, c’est-à-dire apparaı̂tre dans le coût d’ex-
ploitation. Elles doivent être provisionnés par le fonds de roulement, investissement temporaire
non amortissable. C’est la procédure appliquée lorsque les produits concernés doivent être être
remplacés dans un délai inférieur ou égal à la durée théorique de renouvellement du fonds de
roulement. Si tel n’est pas le cas, la réglementation fiscale le définit généralement comme une
dépense pouvant être considérée comme un investissement. Le problème se complique lorsque,
par mesure de sécurité, l’équivalent de deux charges initiales de catalyseurs, d’adsorbants, etc. est
acheté au départ.
L’une est effectivement mise en place dans l’équipement, l’autre est stockée, afin d’être dis-
ponible pour un remplacement rapide en cas d’incident majeur de fonctionnement ou de perte
soudaine d’activité. Dans ce cas, les dépenses correspondantes peuvent être divisées en une partie
permanente et une partie non permanente : les dépenses concernées peuvent être divisées en une
partie définitive, et donc amortissable, et une autre partie renouvelable, c’est-à-dire faisant partie
du fonds de roulement.
Le montant des charges initiales est généralement déterminé en fonction de trois paramètres
spécifiques :
— Deux sont liés au dimensionnement :
— La production unitaire théorique
— La productivité, qui peut être approchée en utilisant des mesures telles que la VVH, la
vitesse spatiale ou le temps de résidence, le taux de solvant, etc.
— La troisième est de nature économique : le prix unitaire des produits concernés.
Chapitre 2. Structure et caractéristiques d’un investissement 23

2.4.9 Les intérêts intercalaires


Un certain temps, différent pour chaque projet, s’écoule entre la date à laquelle la décision de
construire une installation est prise et et le moment de sa mise en service. Sur un site existant, et
pour des des schémas unitaires relativement simples, cette période peut ne pas dépasser douze à
quinze mois. Pendant cette période, l’industriel doit débloquer progressivement ou emprunter une
fraction importante des investissements, voire la totalité pour financer les études d’implantation,
d’aménagement du terrain, de génie civil, la commande de matériels, l’achat, la mise en place,
le montage. Ces dépenses peuvent être partiellement ou totalement couvertes soit par des prêts
directs obtenus auprès de banques, soit par la trésorerie de l’entreprise. Dans ces deux cas, il y a
obligation de rémunérer ce service sous la forme d’ un intérêt. Lorsqu’il est fait appel à des fonds
propres ou, d’une manière générale, lorsque la trésorerie de l’entreprise joue le rôle d’organisme
prêteur, il est également souhaitable de rémunérer les sommes investies au moyen d’un taux
d’intérêt fictif ou psychologique qui reflète la politique financière et les méthodes de gestion de
l’entreprise. Le montant de ces intérêts réels ou notionnels, appelés intérêts intercalaires, dépend
du loyer de l ?argent du moment. De façon empirique, le coût fixe sert de valeur de référence sur
laquel on applique un taux d’intérêt moyen im défini par la relation :

nc + 1
im = i∗
2nc
nc est la durée présumée de la construction et i∗ le taux d’intrêt réel pratiqué par les organismes
prêteurs (banques ou trésorerie générale). SI nc = 2 et i∗ = 12%, on obtient [im = 9%

2.4.10 Les frais de démarrage


La mise en service d’une installation de fabrication est généralement effectuée sous la respon-
sabilité technique conjointe des représentants de la société d’ingénierie et du ou des détenteur(s)
de la ou des licence(s) concernée(s). Les coûts correspondants couvrent deux aspects principaux :
les prestations réalisées à cette occasion (véritables transfert de connaissance vers les personnels
affectés à la gestion des unités), et les dépenses induites (consommation de matériel, occupation
de matériels lors de ce ”rodage” notamment). Il existe deux façons de comptabiliser ces frais de dé-
marrage, selon que les produits obtenus pendant la période de démarrage soient commercialisables
ou non.
— S’ils ne le sont pas et ne peuvent être vendus ultérieurement, les matières premières qui les
ont produites doivent être traitées comme définitivement perdues.Dans ce cas, on considère
souvent que les frais de démarrage sont égaux à 15 jours de frais d’exploitation
(coût matières compris).
— Si les produits obtenus répondent aux spécifications requises, moyennant quelques ajuste-
ments mineurs, ces frais de démarrage sont en pratique évalués à trois mois de
frais d’exploitation (coût matières exclu).
2.4.11 Le fonds de roulement
Le fonds de roulement f a été abordé lors du cours évaluation économique (1A). Vous pourrez
vous y reporter.
Rappelons qu’il s’agit d’une immobilisation temporaire, liée au fonctionnement effectif des
installations. Elle donne lieu à une récupération éventuelle à un niveau voisin de sa valeur ini-
tiale. Lors des calculs économiques, le fonds de roulement est comptabilisée comme dépense non
amortissable effectuée à l’année 0. Elle est récupérable à tout instant, à l’issue de la vie réelle ou
théorique (n années des équipements).
La provision courante est la suivante :
— 1 mois de frais opératoires, coût matières inclu ;
— 6 mois de frais opératoires, coût matières exclu ;
— ou encore 15 % de I ;

2.4.12 Les investissements totaux en site vierge (grass roots)


Ce type d’investissement comporte à la fois les frais d’achat du terrain et les dépenses d’amé-
nagement du site. Ces dépenses dépendent d’un projet à l’autre (par exemple, des avantages
locaux).
— Si le site est déjà industrialisé, l’achat du terrain est effectué à partir de réalisations anté-
rieures ;
— Si le site est nouveau, on parle d ?investissements sur site vierge ”Grass Roots ”. La viabi-
lisation de terrains vierges nécessite en première règle empirique une majoration de 30%
du montant du capital amortissable.
Dans la mesure où ce poste est très dépendant du cas d’étude, nous ne le prendrons pas
en compte dans nos estimations (sauf spécification explicitement mentionnée dans votre bureau
d’étude).

2.5 Adaptation des données d’investissement


Il s’agit d’examiner s’il existe dans la bibliographie des informations relatives à l’investissement
d’un procédé en tous points similaires à celui que l’on se propose d’étudier, informations à partir
desquelles les données d’investissement pourront être exploitées. Trois variables sont essentielles :
— Adaptation en capacité
— Mise à jour des investissements
— Prise en compte de la localisation

2.5.1 Adaptation en capacité


Une manière générale et simple d’ajuster les informations disponibles sur les capacités uni-
taires de fabrication consiste à appliquer la méthode du ”facteur d’extrapolation” ou ”facteur
Chapitre 2. Structure et caractéristiques d’un investissement 25

0,6” (exposant 2/3). Cette procédure est basée sur le traitement statistique et le lissage des don-
nées historiques : les coûts de deux équipements et plus généralement de deux installations de
même nature mais traitant des volumes ou des quantités différentes, sont liés par une expression
empirique de la forme :

I2 C2
= ( )f (2.1)
I1 C1
I1 et I2 sont les coûts montés des matériels ou unités considérés, i.e., les ILUF correspondants
C1 et C2 désignent les capacité de traitement ou de production afférentes à ces immobilisations
et f est appelé improprement ” facteur” d’extrapolation alors qu’il intervient en exposant. Cette
formule est valable aussi bien à l’échelle d’un équipement que d’une unité complète. Il existe
autour d’une valeur médiane un domaine de validité du facteur f = 0,7 pour des rapports de
capacités allant de 1/5 à 5. Pour des capacités supérieures, il faut parfois un doublement voire un
triplement des appareils. En dessous du domaine de validité du facteur 0,7, les investissements
se trouvent plus élevés que ceux calculés selon le règle (f de l’ordre 0,5 − 0,6 (frais de matériel
secondaires, montage et raccordement ont un poids plus important) (Figure 2.6).

Fig. 2.6 – Extrapolation en capacité des ILU F

La Figure 2.7 fournit des exposants pour des équipements classiques en Génie des Procédés. La
capacité de production est alors remplacée par une grandeur caractéristique du dimensionnement
de l’équipement, par exemple, l’aire d’échange pour un échangeur de chaleur.
Fig. 2.7 – Exemple de facteur f pour différents équipements

2.5.2 Mise à jour des investissements

La mise à jour des investissements est improprement appelée ” actualisation ”. En effet, la


problématique ne consiste pas à calculer la valeur d’une somme perçue ultérieurement mais à
rendre en compte de l’évolution au cours du temps des prix de mise à disposition des matériaux et
des coûts de façonnage ou de montage des équipements (i.e. selon la productivité et les conditions
de rémunération de la main d’oeuvre). Elle doit Intégrer l’ érosion monétaire, la variation en
valeur vraie du prix des matières premières et de la masse salariale.
Cette mise à jour a deux conséquences pratiques :
— Toute indication relative à un investissement doit être accompagnée de la date à laquelle
il correspond ;
— Pour déterminer la valeur d’un investissement à une autre date ou comparer sur des bases
homogènes 2 investissements relatifs à des dates différentes, il est nécessaire d’avoir une
procédure permettant de transposer les informations disponibles d’une année ou d’un mois
à l’autre.
Cette procédure fait intervenir des indices de mise à jour, généralement composites, qui doivent
être représentatifs du domaine étudié.
Chapitre 2. Structure et caractéristiques d’un investissement 27

ILU Fdate2 Indicedate2


= (2.2)
ILU Fdate1 Indicedate1

Cas de la France

On peut citer l’indice de R. Boulitrop (Techniques de l ?Ingénieur) qui est une moyenne arith-
métique entre :
— un indice global pondéré S des salaires des industries mécanique, électrique et des produits
réfractaires ;
— un indice du coût de la tôle moyenne en acier Martin de 4 mm d’épaisseur.
Cet indice, peu représentatif du domaine de l’industrie chimique de par ses éléments constitu-
tifs, est peu utilisé dans notre domaine.

Cas des Etats-Unis

La situation est différente aux Etats-Unis, où de nombreux indices ont été développés. Ils sont
périodiquement publiés dans des revues classiques de Génie Chimique et par des consultants (SRI,
Stanford Research Institute, PEP index, Process Economic Program).
— Indice Engineering News Record (ENR) ou Construction Cost Index (CCI)(Source : Che-
mical Engineering)
— L’un des plus anciens
— Date de référence 1913
— Indice composite : moyenne des chiffres pour 20 villes des USA (coûts de quantités de
profilés en acier, de bois de charpente, de ciment et main d’oeuvre)
— Peu adapté, n’intègre pas les améliorations technologiques, évolutions trop fortes
— Indice de Marshall et Swift (ex. Marshall et Stevens) (Source Chemical Engineering, jus-
qu’en 2012)
— Date de référence 1926
— Deux indices :
— ”All industry” : moyenne arithmétique à partir de 47 catégories d’appareillages
industriels, commerciaux et de construction
— ”Process industries and related industries” : Moyenne pondérée de coûts d’unités
dans 12 domaines industriels différents : 1 pour le pétrole, 1 pour la chimie.
— Indice de Chemical Engineering CE ou CEPCI, Chemical Engineering Plant Cost Index
(Source Chemical Engineering)
— Date de référence 1957-59
— 4 composantes principales :
— Equipements, machines tournantes, et structures (61 %)
— Montage (22%)
— Bâtiments (7%)
— Ingénierie (10%)
— Indices de Nelson ou de Nelson-Farrar (Source The Oil and Gas Journal)
— Date référence 1956
— Il existe plusieurs indices :
— ” Indice dit d”inflation ”
— ”Indice de coût vrai ”: Productivité atteinte dans la construction d’unités complètes
de raffinage
— Indices de ”coûts opératoires ” : moyenne pondérée de coûts de combustibles, de
MO, d’investissements et de produits chimiques
Le plus connu est l’ Indice d’inflation qui comporte 3 composantes :
— équipements divers (12
— matériaux (28
— Main d’oeuvre
Nous recommandons d’utiliser pour le bureau d’études l’indice CEPCI. La Figure
2.8 donne les valeurs de l’indice en 2014 à titre d’illustration.

Fig. 2.8 – Chemical Engineering Plant Cost Index


Chapitre 2. Structure et caractéristiques d’un investissement 29

La Figure 2.9 représente l’évolution de l’indice CE PCI (valeur moyenne) dans la période
1980-2017.
.

Fig. 2.9 – Evolution de CEPCI entre 1980-2017

2.5.3 Prise en compte de la localisation


Il s’agit de comparer des coûts d’installations construites dans divers pays ou sur différents
sites. La problématique est donc la suivante : combien coûte dans les conditions locales d’une
autre zone géographique, une unité industrielle en tous points identiques aux plans techniques,
technologiques et dimensionnels à celle dite de référence pour laquelle l’information correspondante
est disponible pour une localisation connue ?
De nombreux paramètres techniques, économiques, sociaux, politiques et financiers varient en
effet selon le pays. Plusieurs facteurs en sont à l’origine : variations de coût de main d’oeuvre,
de supervision, de matériaux, normes ou standards propres à chaque pays, pratiques de calculs
de Sociétés d’Engineering, régimes fiscaux, contraintes réglementaires, aides, incitations diverses,
disponibilité et qualité de la main d”oeuvre. L’idée est semblable à la note d’indice de coût utilisé
pour mettre à jour un investissement, mais dans ce cas on va utiliser un facteur de localisation
d’un pays par rapport à un autre.

ILU Fpays2
= fpays2 /pays1 (2.3)
ILU Fpays1
Les facteurs de localisation pour divers pays ont été publiés et mis à jour (par exemple ”Inter-
national Construction Cost Factor Location Manual (2003)” d’Aspen Richardson). Les données
sont cependant plus difficiles à trouver que les indices de coût.

2.5.4 Exemple d’application


Vous êtes chargé au sein de votre bureau d’études d’estimer en 2019, le coût d’investissement en
limites des unités de fabrication d’une unité d’incinération de déchets d’une capacité de traitement
de 2000 tonnes par jour. L’étude bibliographique montre qu’une unité semblable de capacité de
traitement de 1000 tonnes par jour a été construite dans un autre pays, en 2000, pour un coût
total de 70 millions d’euros. Le facteur d’extrapolation f est estimé à 0,90 pour les installations
de valorisation énergétique des déchets. Données : CEPCI 2019 = 607,5 CEPCI 2001 = 397 Le
facteur de localisation du pays 2 par rapport au pays 1 est de 1,1.

ILU Fpays2 ;2019;2000t/j C2 f CEP CI2019


= ( ) × fpays2 /pays1 × (2.4)
ILU Fpays1 ;2000;1000t/j C1 CEP CI2000

2000 0,9 607,5


ILU Fpays2 ;2019;2000t/j = 70 × ( ) × 1,1 × (2.5)
1000 397

ILU Fpays2 ;2020;2000t/j = 199,9M A


C (2.6)

2.6 Conclusion
Ce chapitre a montré les différents postes qui contribuent à l’investissement global I. Il a mis
en évidence que le point de départ est l’investissement en limites des unités de fabrication ILU F .
Il est donc important de s’être approprié les différents concepts, même si au final vous appliquerez
les formules données dans la Figure 2.10.
L’adaptation des données d’investissements à partir d’informations de la littérature a égale-
ment été présentée. Cela vous sera utile à deux niveaux.
Dans un premier temps, lors de votre appropriation du sujet, il est important de mener une
étude bibliographique afin d’examiner si le calcul des investissements d’un procédé similaire à
celui que vous vous proposez de dimensionner a déjà été réalisé. Vous devez être capable de
vous rapporter très facilement aux conditions de votre étude en faisant intervenir la mise à jour,
l’adaptation en capacité et le facteur de localisation.
Ces concepts vous seront également fort utiles lorsque vous devrez appliquer des méthodes
de calcul des investissements car les corrélations sont données pour des conditions particulières,
c’est-à-dire pour une localisation et une date données.
Chapitre 2. Structure et caractéristiques d’un investissement 31

Fig. 2.10 – Récapitulatif des charges d’investissement


Chapitre 3

Méthodes de calcul des investissements


et présentation du TD Long

3.1 Introduction
L’investissement en Limites des Unités de Fabrication est l’information de base sur laquelle
reposent tous les calculs économiques. Les préoccupations d’ordre économique se manifestent de
plus en plus tôt dans le déroulement et la conduite d’un projet. Les méthodes de détermination
de l’ILUF sont donc indispensables. Nous allons dans ce chapitre introduire exclusivement les
méthodes globales exponentielles que vous allez utiliser lors du TD long sur le cas d’étude d’un
procédé (procédé de l’ASM pour les 2A GC et GP FISE, Procédé de production de biodiesel à
partir d’huiles usagées pour les étudiants en projet Fil rouge et les 2A GC et GP FISA).
Les autres méthodes ont été présentées lors du cours magistral (voir documents projetés pour
le complément).

3.2 Critères de choix


Plusieurs critères entrent en jeu pour le choix d’une méthode de calcul des investissements :
— Fiabilité, précision : relier la précision des résultats au volume des moyens mis en oeuvre.
Le coût d’une estimation est multiplié par 5, lorsque la précision est ramenée de ±30% à
±10% ;
— Finesse : dans quelle mesure une petite modification au niveau des données se traduit sur
les résultats ;
— Traçabilité : lien entre résultat et données ;
— Crédibilité (expérience et connaissance) ;
Tout va donc dépendre du degré d’avancement du projet.
Une classification des différentes méthodes de calcul des investissements a été proposée, no-
tamment par l’ACostE (Association of Cost Engineers) (Figure 3.1) selon l’ordre de grandeur
escompté. Ce dernier est à relier avec le TRL du procédé.
L’écchelle TRL (Technology readiness level) e ?value le niveau de maturité d’une technologie
jusqu’à son intégration dans un système complet et son industrialisation (Figure 3.2). Elle a été
conçue initialement par la Nasa et l’esa pour les projets spatiaux, elle compte neuf niveaux.

Fig. 3.1 – Classification des différentes méthodes de calcul des investissements, Tsagkari M, Couturier
J, Kokossis A, Dubois J. Early ?Stage Capital Cost Estimation of Biorefinery Processes : A Comparative
Study of Heuristic Techniques. Chemsuschem. 2016 ;9(17) :2284-2297. doi :10.1002/cssc.201600309.

3.3 Méthodes exponentielles de calcul des investissements


Ces méthodes peuvent être classifiées en quatre groupes :
— Procédure du facteur d’extrapolation (cf Partie 1)
— Méthodes des unités fonctionnelles fictives
— Méthode de Hill
— Méthode de Zevnik et Buchanan
— Méthode de Viola
— Méthodes des flux
— Méthode de Stallworthy
Chapitre 3. Méthodes de calcul des investissements et présentation du TD Long 35

Fig. 3.2 – Echelle TRL

— Méthode de Wilson
— Méthode de Allen et Page
— Méthodes des étapes significatives
— Méthode de Taylor
Ces méthodes reposent sur le concept d’unité fonctionnelle (IChemE et ACostE (2000)).
Définition : une unité fonctionnelle est une étape importante d’un procédé et comprend tous
les équipements et accessoires nécessaires au fonctionnement de cette unité. Ainsi, la somme des
coûts de toutes les unités fonctionnelles d’un procédé donne le coût total en capital.
Ainsi, à titre d’exemple, une colonne à distiller (colonne proprement dite accompagnée du
bouilleur et du condenseur) constitue une unité fonctionnelle. Il faut cependant être vigilant car
certains auteurs ont leur propre définition (une unité fonctionnelle peut parfois être assimilée à
un équipement, cf méthode de Wilson que vous étudierez).

3.4 Travail à réaliser dans le cadre du TD Long


3.4.1 Descriptif
Vous êtes chargé (par groupe 3 à 5 étudiants) de déterminer le montant de l’investissement
global pour un procédé de production de biodiesel à partir d’huiles végétales usagées présenté dans
la publication de (Zhang et al., 2013) . Le choix du procédé retenu (parmi ceux de la publication)
sera effectué en concertation avec l’enseignant.
Pour cela, on vous demande de réaliser une feuille de calcul pour évaluer le montant de
l’investissement en limites des unités de fabrication (ILUF) selon diverses méthodes globales (cf
publications originales). Chaque groupe prendra en charge a minima une méthode de chaque
classe (cf nom de la méthode en gras voir plus haut). Chaque étudiant prendra en charge l’étude
d’une méthode au sein du groupe.
La feuille de calcul doit être autosuffisante dans le sens où elle doit contenir toute l’information
nécessaire pour la mise en oeuvre de la procédure. Vous considèrerez qu’elle pourra être utilisée
au sein d’un bureau d’études sans avoir besoin de se reporter à la publication initiale.
Elle devra permettre le calcul de l’ILUF en 2021 pour une localisation en France et en A C. Elle
fera figurer l’investissement global (I) selon les éléments présentés en cours (mêmes conditions
que pour l’ILUF). Vous procèderez alors au calcul de l’ILUF et de l’investissement global I pour
le procédé étudié.

3.4.2 Données
Il est utile de revenir au principe de base de chacune des méthodes donné par leurs auteurs
pour éviter une mauvaise interprétation à partir des analyses successives qui en ont été faites.
— Zevnik FC, Buchanan RL (1963) Generalized correlation of process investment. Chem.
Engng. 59,2, pp 70-77.
— Stallworthy EA (1970) The viewpoint of a large chemical manufacturing company. The
Chemical Engineer, June, pp 182-189
— Wilson GT (1971) Capital investment for chemical plant. British Chem. Engng. and Pro-
cess.
— Taylor JH (1978) The process step scoring method for making quick capital estimates :
experience in use. Transactions of the Fifth International Cost Engineering Congress, Oct.
30- Nov. 1,Utrecht (Netherlands), pp 10-14.
— Viola JL (1981) Estimate capital costs via a new shortcut method. Chem. Engng. 88,7, pp
80- 86.
Vous trouverez également la publication de Zhang et al. (2013) pour le procédé de production
biodiesel.
— C’est la partie 1 que vous devrez utiliser et qui vous servira de support.
— Y Zhang, M.A Dubé, D.D McLean, M Kates, Biodiesel production from waste co-
oking oil : 1. Process design and technological assessment, Bioresource Technology,
Volume 89, Issue 1, 2003, Pages 1-16, ISSN 0960-8524, https ://doi.org/10.1016/S0960-
8524(03)00040-3.
— La partie 2 de l’article vous permettra de comparer vos résultats avec ceux obtenus par les
auteurs. Il ont été obtenus avec une analyse plus fine et un calcul plus précis du coût de
chaque équipement réalisé à partir de son dimensionnement.
— Y Zhang, M.A Dubé, D.D McLean, M Kates, Biodiesel production from waste cooking
oil : 2. Economic assessment and sensitivity analysis, Bioresource Technology, Volume
90, Issue 3, 2003, Pages 229-240, ISSN 0960-8524, https ://doi.org/10.1016/S0960-
8524(03)00150-0.
Chapitre 3. Méthodes de calcul des investissements et présentation du TD Long 37

3.4.3 Livrables
1. Une feuille de calcul (formal excel ou équivalent avec un onglet par méthode). Les éléments
à faire figurer sont les suivants :
— Méthode de : Nom des auteurs Référence (exemple de citation) Auteur 1, Auteur 2,
xxx, Titre de l ?article, Nom du journal, Année, Volume, n◦ , pp. xx à xxx
— Précision de la méthode +/-
— Localisation :
— Date :
— Monnaie
— Objectif (ex. Calcul de l ?ILUF)
— Prérequis et données nécessaires
— Limitations de la méthode
— Présentation de la méthode
— Mise en oeuvre de l ?actualisation de la méthode (date, lieu, monnaie)
— Remarques particulières
2. Une discussion sur votre approche, les hypothèses.... avec les enseignants (programmée à
l’EDT) ; chaque étudiant devra s’exprimer.
3. Une synthèse (format word ou équivalent comprenant les résultats synthétiques).
— Introduction
— Positionnement du procédé et du produit dans le contexte économique (notam-
ment taille du marché actuel et prévisions, valeur du produit final, coût matières
premières, ....).
— Rappel de l’objectif ;
— Présentation des résultats des méthodes globales de l’investissement en limites des
unités de fabrication et de l’investissement global (feuilles de calcul). Comparaison
avec les résultats de Zhang (Partie 2).
— Vos conclusions
Les deux livrables (feuille de calcul excel et synthèse) seront à déposer sous la forme d’un
dossier zippé sur MOODLE.
Références bibliographiques

1. MANUEL D’EVALUATION ECONOMIQUE DES PROCEDES


par Alain CHAUVEL, Gilles FOURNIER et Claude RAIMBAULT
ÉDITIONS TECHNIP - PARIS - 2001.
2. DATA AND TECHNIQUES FOR PRELIMINARY CAPITAL COST ESTIMATING
par K. M. GUTHRIE, W. R. GRACE.
CHEMICAL ENGINEERING, 1969 - 24 Mars (p. 114 à 142).
3. A GUIDE TO CHEMICAL ENGINEERING PROCESS DESIGN AND ECONOMICS
par Gaël D. ULRICH
JOHN WILEY and SONS, N. Y., 1984.
4. CHEMICAL ENGINEERING ECONOMICS
par Donald E. GARRETT
VAN NOSTRAND REINHOLD, N. Y., 1989.
5. PLANT DESIGN AND ECONOMICS FOR CHEMICAL ENGINEERS
par Max S. PETERS et KLAUSS D. TIMMERHAUS
4ème édition, Mc GRAW HILL Inc., N. Y., 1991.

Vous aimerez peut-être aussi