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ANNEE 2012
À ma tante Fernanda
1922 – 2011
À C.
Table des matières
I. Introduction et cadre 6
A. Introduction au mémoire 6
B. Cadre géographique et linguistique 7
1. Le Mexique et sa variété linguistique 7
2. L’État d’Oaxaca et les langues oto-mangues 8
3. La branche popolocane et le chocho. 12
C. Bref résumé historique de l’étude des langues mésoaméricaines 13
1. L’époque des missionnaires 13
2. Le XIXe siècle 15
3. L’époque contemporaine 16
3
2.1.3. Classe SO-II 54
2.1.4. Classe SO-III 55
2.1.5. Classe SO-IV 55
2.1.6. Classe R 56
2.2. Négation 57
2.3. Temps, aspect, mode et voix 57
2.3.1. Présent, passé, futur et forme intemporelle 58
2.3.2. Passé parfait 60
2.3.3. Participe 60
2.3.4. Aspect 61
2.3.5. Subjonctif 62
2.3.6. Diathèse passive 62
2.3.7. Verbes causatifs 63
2.3.8. Autres préfixes 64
2.3.9. Auxiliaires 64
2.3.10. Le connecteur ṣe3 65
2.3.11. Adverbes 66
C. Syntaxe 68
1. Types de phrases 68
2. Structure de la phrase 69
3. Coréférence 70
4. Les connecteurs logiques 71
5. La fonction attribut 72
III. Ouvertures 74
A. Questions linguistiques 74
B. Questions sociolinguistiques et ethnographiques 79
Bibliographie 80
4
Remerciements
Si j’ai été seul à tracer ce chemin, il aurait été impossible de le suivre sans
l’aide de toutes les personnes qui m’ont accompagné pendant ces dernières années.
Mes amis, qui ont su m’accompagner, m’écouter, me divertir dans les moments
de découragement.
5
I. INTRODUCTION ET CADRE
A. Introduction au mémoire
Le volume que le lecteur tient entre ses mains est une étude synthétique de la
langue chocho, et notamment de la variété parlée à Santa Catarina Ocotlán, petit
village de l’État d’Oaxaca dans le Sud du Mexique. Ce travail, notre premier contact
avec une langue non indo-européenne, a été rédigé avec la double ambition de
constituer un résumé des connaissances acquises jusqu’à ce jour sur cette langue, et
de servir de point de départ pour nos recherches futures.
6
nous avons formulées au cours de notre découverte du chocho. Ce riche répertoire
sera le véritable point de départ de notre future thèse et de nombreux autres travaux.
1
http://www.diputados.gob.mx/LeyesBiblio/pdf/257.pdf
2
Indicadores socioeconomiós de los pueblos indígenas de México, 2002, d’après le XII
Censo General de Población y Vivienda 2000, Instituto Nacional de Estadística y Geografía
(INEGI), disponible en ligne sur le site de la Comisión nacional para el Desarrollo de los
pueblos Indígenas (CDI) : http://www.cdi.gob.mx/
7
en effet, selon la CDI3, le degré de IRE (Índice de Reemplazo Etnolingüístico, Indice
de Remplacement Ethnolinguistique) du maya serait « extinction accélerée », celui
du náhuatl « extinction lente » ; des langues comme le mazatèque et le mixtèque sont
en position d’« équilibre », alors que le triqui ou le tarahumara sont dans un
mouvement d’« expansion lente ».
En général, l’espérance de vie pour les langues avec moins de 100 000
locuteurs est faible, à cause des pressions, surtout économiques, que les populations
concernées subissent pour apprendre l’espagnol et le privilégier par rapport à la
langue indigène. La survie des langues avec plus de 100 000 locuteurs est soumise,
elle, au développement de l’usage de la langue dans des domaines comme la
télévision, le cinéma, la musique, le théatre, la radio, la politique et l’éducation.
La 15ème édition d’Ethnologue (Gordon 2005) récense 291 langues vivantes
dans l’ensemble du territoire mexicain4 ; le nombre total de locuteurs d’au moins une
langue indigène est estimé autour de 8 % sur une population de 104 959 594, soit
environ 8,4 millions de personnes.
Les données les plus récentes sont fournies par le récensement général de
20105 : sur une population totale de plus de 3 ans d’âge de 104 781 265 habitants,
97 250 211 ne parlent que l’espagnol et 6 913 362 parlent au moins une langue
indigène, dont 1 096 512 sont monolingues.
L’État fédéré d’Oaxaca est l’une des régions qui possède la plus grande
diversité culturelle et écologique, et sans doute la plus grande diversité linguistique.
3
CDI 2005, p. 3-4
4
Ces chiffres devraient toutefois être interprétés avec quelques précautions, et notamment en
tenant compte des choix méthodologiques et des critères de classification (linguistiques et
sociolinguistiques) retenus par Ethnologue : si en effet les auteurs traitent les langues comme
des ensembles discrets et dénombrables – choix inconstestable dicté par des exigences de
précision statistique – ils prennent également en compte certains aspects ethnolinguistiques
et sociolinguistiques dans la distinction de deux ou plusieurs « langues » qui seraient d’un
point de vue strictement linguistique deux variétés d’une même langue. Moseley 1994, à
l’origine de cette critique (p. 33), avance des chiffres réduits de 50 % si l’on s’appuie sur
l’observation des structures linguistiques uniquement.
5
INEGI 2010
8
Ce territoire de 95 000 km2 comprend tous les écosystèmes présents au niveau
national.
Sur une population totale qui dépasse largement les 3 millions d’habitants, un
million et demi environ appartiennent à un groupe ethnique indigène.
La civilisation indigène, complexe et millénaire, repose sur l’identité entre
naturel et culturel. La société, basée sur la vie des familles en communauté, est régie
par la même logique et le même ordre qui interviennent dans la nature : la collectivité
et les forces surnaturelles agissent conjointement pour intervenir dans le monde
naturel comme dans le social. Les hommes se lient au surnaturel (comme nous
l’appelons, étant pour eux une manifestation du naturel) par l’intermédiaire d’un
certain nombre de rituels se déroulant dans des lieux différents, et accèdent à la
connaissance grâce à ces pratiques et à un certain nombre de références mythiques.
La présence humaine dans la région remonte à 10 000 av. J.-C. : il s’agit alors
de petites familles de chasseurs-récolteurs, qui commencent à se sédentariser
lorsqu’ils commencent à cultiver ; les premiers établissements sédentaires se situent
autour de 1 500 av. J.-C.6
C’est au cours de ce même processus que commencent à se distinguer les
branches linguistiques, qui donnent naissance à des cultures différentes, chacune
avec sa propre langue.
L’arrivée des Espagnols au cours du XVIe siècle marque le début d’une époque
de résistance contre leur domination sociale, politique et culturelle, une situation qui
ne change guère avec l’indépendance et la constitution du Mexique comme État en
1821. Au contraire, les indigènes sont de plus en plus soumis au fur et à mesure que
l’exploitation économique et l’expropriation des terres s’aggravent.
La résistance des peuples indigènes se manifeste pendant la grande Révolution
au XXe siècle, avec la lutte qui s’ensuit pour la défense de leurs cultures face à la
politique d’intégration agressive menée par les gouvernements postrévolutionnaires.
Au début du XXIe siècle, les peuples indigènes d’Oaxaca continuent à
reproduire leurs cultures dans leurs communautés respectives, et stimulent un
processus qui devrait déboucher vers leur autonomie au sein de l’Etat mexicain
6
Barabas 2003
9
réformé, en accord avec les propositions apparues lors de la rebellion du Chiapas, en
janvier 1994.
L’État fédéré d’Oaxaca, nous l’avons dit plus haut, est celui qui présente la
plus grande diversité linguistique au sein du pays, et également le plus grand nombre
de locuteurs d’au moins une langue indigène.
D’après le recensement de 2010 (INEGI 2010), il y a dans l’État d’Oaxaca
1 203 150 locuteurs d’une langue indigène, dont 977 035 bilingues et 207 277
monolingues. La famille oto-mangue est la plus représentée, avec environ un million
de locuteurs différement partagés selon une fourchette variant des 371 740 locuteurs
du zapotèque à la seule locutrice du chinantèque de Sochiapan.
7
Barabas 2005, p. 153 sqq.
8
ibid
10
D’autres causes de l’affaiblissement des langues indigènes au profit de
l’espagnol ont été les guerres civiles qui ont eu lieu au XIXe siècle (coscription), la
prolétarisation de la population rurale (la perte de la terre et le démembrement de la
communauté ont entraîné une perte progressive de la langue et de la culture), et enfin
le miracle économique (« milagro mexicano », 1930-1970 environ), à l’origine de
vastes mouvements migratoires des campagnes vers les villes.
11
3. La branche popolocane et le chocho.
12
au nord avec l’aire linguistique popoloca, et au sud avec le mixtèque. Les contacts
avec cette dernière famille ethnique et linguistique, bien distincte par ailleurs de la
famille popolocane, ont toujours été hostiles, avec pour résultat une osmose très
faible entre le chocho et le mixtèque.
Les informations géographiques sur le chocho, ainsi que les statistiques sur le
nombre de locuteurs, sont divergentes. L’édition 2005 d’Ethnologue donne 770
locuteurs dans les villages de Santa María Nativitas, San Juan Bautista Coixtlahuaca,
San Martín Toxpalán et San Miguel Tulancingo.
Swanton 1997 et Veerman-Leichsenring 2000 affirment que le chocho se parle
dans quatre villages : San Miguel Tulancingo (plus ses deux hameaux Vista Hermosa
et San Antonio Acotla), Santiago Teotongo (plus El Progreso), Santa María Natívitas
(plus Monteverde et San Pedro Buenavista) et Santa Catarina Ocotlán (dépendante
administrativement de San Juan Bautista Coixtlahuaca). Quant aux chiffres, Swanton
estime le nombre total de locuteurs du chocho à un millier environ, alors que
Veerman ne donne pas de chiffre précis.
Les statistiques fédérales de 2005 donnent 992 locuteurs répartis de façon
inégale entre seize États fédéraux, parmi lesquels Oaxaca bien évidemment (524
loc.), Mexico (182 loc.), Puebla (163 loc.) et le District Fédéral (ville de Mexico, 82
loc.) ; ce document ne fournit en revanche aucune précision sur les villages. Par
ailleurs, le document Índice de Reemplazo Etnolingüístico affirme la même année
que le chocho est comme l’ixcatèque dans un mouvement d’extinction accelerée. Les
dernières statistiques datant de 2010 donnent 814 locuteurs, dont 362 hommes et 452
femmes.
L’intérêt des Européens pour les langues indigènes du Mexique naît avec les
premiers membres des expéditions colonisatrices espagnoles, qui apprennent une
13
langue indigène pour servir d’interprètes : il s’agit alors d’une connaissance pratique
uniquement, sans aucun souci de théorisation ou d’érudition.
Entre la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle, la Couronne d’Espagne envoie
un questionnaire aux autorités locales pour obtenir, en plus des informations
géographiques, économiques, historiques et ethnologiques, des détails sur les langues
parlées localement : leurs noms, le nom de la région dans ces langues et son signifié,
fonction véhiculaire des langues le cas échéant. Ces données, fondamentales pour
dessiner la carte linguistique de la région à l’époque des premiers contacts, ont été
incluses dans la compilation des Relaciones Geográficas.
Cet intérêt était dicté en ce temps-là principalement par des exigences de nature
religieuse, la conversion au catholicisme des populations indigènes étant le premier
souci du conquérant espagnol. Les Franciscains ont été les premiers à arriver sur
place, envoyés par Hernán Cortés en 1524, suivis des Dominicains, des Augustins et
enfin des Jésuites dans le cadre des missions d’évangélisation. Une connaissance
plus approfondie des langues indigènes est alors indispensable pour l’adaptation des
textes sacrés, pour prêcher, enseigner, confesser. Ces études se concrétisent dans une
production importante de catéchismes, sermonnaires, grammaires, vocabulaires :
entre 1524 et 1572, plus de cent livres ont été écrits en au moins dix langues parlées
dans la vice-royauté de Nouvelle Espagne, dont beaucoup de manuscrits jamais
imprimés par la suite.
Ce travail est mené dans un esprit humaniste : Juan de Zumárraga, premier
évêque du Mexique, importe l’imprimerie (le premier livre imprimé, en 1539, est un
catéchisme bilingue espagnol-náhuatl) ; à la même époque apparaissent des écoles
pour les enfants de la noblesse indigène, où l’on enseigne l’espagnol et le latin.
Les grammaires de cette époque sont certes précieuses pour la quantité de
matériel brut qu’elles nous ont tranmis, mais leur intérêt linguistique est limité,
s’agissant de simples descriptions latinisantes imprégnées d’ethnocentrisme et de
désintérêt pour tout ce qui est étranger à la culture gréco-latine. La conviction est
d’ailleurs diffusée en ce temps-là que la langue indigène n’a pas de grammaire et que
ses sons sont inarticulés.
Dès sa publication en 1492, la Gramática castellana d’Antonio de Nebrija,
compilée d’après une commande d’Isabelle Ire, devient la référence de l’époque et
14
servira pendant longtemps de modèle pour les grammaires des langues indigènes.
Celles-ci subissent une adaptation forcée au modèle du latin : ainsi par exemple, les
nominaux du matlatzinca sont soumis à la déclinaison latine9, et les paradigmes
verbaux du yucatèque sont présentés dans l’ignorance la plus totale du système
temporel de cette langue10.
L’erreur la plus fréquente des auteurs de cette époque est de penser que la
langue indigène possède les mêmes parties du discours que le latin ; ils vont parfois
jusqu’à apparenter l’absence de déclinaisons à une absence totale de syntaxe.
Antonio de los Reyes, éditeur en 1890 d’une grammaire mixtèque de 1593 sous
le titre Arte en lengua mixteca, résume ainsi l’attitude des missionnaires vis-à-vis des
langues indigènes : « Sin importar la imperfección de esta lengua mixteca y los
defectos que se puedan notar como características de una lengua bárbara, la mayor
parte de ella se puede reducir a reglas y ordenarla como una gramática11 ».
2. Le XIXe siècle
9
BASALENQUE Diego, 1975 [1577-1651], Arte y vocabulario de la lengua matlaltzinga
vuelto a la castellana, México, Biblioteca enciclopédica del Estado de México, 33
10
MARTINEZ HERNANDEZ Juan, 1929 [1620], Diccionario de Motul maya-español atribuido
a Fray Antonio de Ciudad Real y Arte de la lengua maya por Fray Juan Coronel, Mérida,
Compañía Tipográfica Yucateca
11
cité par Suárez 1983, p. 27
12
éd. espagnole : 1800-1805, Catálogo de las lenguas de las naciones conocidas y
numeración, división y clases de éstas según la diversidad de sus idiomas y dialectos, 6 vol.,
Madrid, s.n.
15
Francisco Belmar (1859-1926), originaire de l’Oaxaca, a été l’un des pionniers
de la linguistique mésoaméricaine moderne : on lui doit un grand nombre d’essais de
description de langues oto-mangues, dont le mazatèque, le triqui, le cuicatèque,
l’amuzgo, le chocho, le mixtèque, le popoloca et le zapotèque, mais également
d’autres langues d’Oaxaca non oto-mangues, comme le chontal, le huave, le nahuatl
et le mixe. Certains de ses ouvrages constituent les premières études de ces langues.
Belmar a été également l’un des premiers à accompagner son intérêt scientifique
d’un réel souci pour la situation sociale des indigènes et pour la reconnaissance de
leurs langues.
3. L’époque contemporaine
13
Moseley 1994
14
ibid
16
II. ÉTUDES ANTERIEURES, ETAT DES CONNAISSANCES
17
En 1997, Michael Swanton consacre son mémoire de Maîtrise au système
sonore du chocho, avec une description synthétique des structures phonologiques et
phonétiques de la variété parlée à Santa María Nativitas ; ce travail comprend
également une présentation des autres langues popolocanes et des écrits en langues
popolocanes de l’époque coloniale, ainsi qu’une bibliographie, partiellement reprise
et mise à jour dans ce volume.
C’est à Annette Veerman-Leichsenring (dorénavant VL) que nous devons
l’étude sur le chocho la plus récente et la plus complète15. Dans une approche de type
descriptif, VL expose de façon détaillée la phonologie, la morphologie et la syntaxe
de la variété parlée à Santa Catarina Ocotlán, sur la base de données de terrain
acquises en 1996, lors d’une mission ayant également touché l’aire ixcatèque. Le
volume est complété par un corpus de trois textes et un lexique.
Cet ouvrage constitue le point d’appui de la description qui va suivre, et
également le point de départ de nos futures recherches.
A. Phonologie
1. Consonnes
comme une occlusive vélaire sonore, comme dans xa1ce3 vs ga1ce3, “rouge”.
15
Veerman-Leichsenring 2000a
18
À l’exception du coup de glotte, une consonne ne peut jamais se trouver en fin
de mot.
point d’articulation
modes
post-
d’articulation labial dental alvéolaire palatal vélaire glottal
alvéolaire
occlusives :
sourdes (p) t ť k ʔ
sonores b d ď g
affriquées c c̣ č
fricatives :
sourdes f θ s ṣ š x
sonores z ž
latérales l
vibrantes r ṛ
(rr)
spirantes w y
nasales :
sourdes M N
sonores m n ň
initiale dans les verbes : bi1ne2 “il a mangé”. Elle est souvent suivie d’une
voyelle avec ton bas, suivie ou précédée d’un coup de glotte : be3ʔna3 “il a
acheté”.
19
/f/ fricative labiale sourde, elle se trouve dans certaines formes du verbe « aller » et
dans quelques emprunts : fi1 “il est allé” ; familia1na1 “ma famille”.
/t/ occlusive apico-dentale sourde. Son très fréquent, semblable au /t/ du français :
tį2į1 “douleur”.
/d/ occlusive apico-dentale sonore : ža3adu3 “sept”
/ť/ occlusive palatale sourde. La palatalisation étant légère, la distinction avec /t/
n’est pas toujours audible ; cette opposition phonologique se manifeste en
revanche clairement avant les voyelles /u/ et /ų/ : ťu2ku1 “tête” vs tu1θe1ʔ
“démangeaison”.
/ď/ occlusive palatale sonore : xi3nďa3 “faim”. L’opposition phonologique entre /ť/
et /ď/ reste à vérifier, puisque chacune de ces deux consonnes apparaît dans des
positions où l’autre ne peut se trouver ; il pourrait donc s’agir d’un couple
d’allophones.
/č/ affriquée palatale sourde : čį3 “maladie”.
20
/x/ fricative vélaire sourde : xu3ʔ “tasse”. Se prononce comme la fricative glottale
sourde [h] devant une voyelle nasale : xą1 “je”. Elle est légèrement palatalisée
/rr/ son /r/ géminé, apparaît exclusivement dans des mots empruntés à l’espagnol.
rétroflexe sonore [ẓ] devant les voyelles /e/ et /i/ : ṛe2čę3 “tuna” (orchestre
/w/ spirante bilabiale : ngi1wa3 “chocho”. Se distingue du son /b/ pour son
articulation arrondie ; elle peut toutefois se prononcer avec une légère
occlusion, ce qui rend la distinction entre ces deux phonèmes difficile à
entendre. Elle apparaît dans un nombre restreint de mots.
/y/ spirante palatale : ya3 “vous” (vouvoiement). Apparaît surtout devant la voyelle
/e/, position dans laquelle elle peut présenter une préarticulation légèrement
devant /a/ et /u/. D’un point de vue articulatoire, /w/ et /y/ sont proches
/n/ nasale apico-dentale sonore : na2na1na1 “ma mère”. Son très fréquent, il ne
21
/ň/ nasale palatale sonore : ňų2ų1 “quatre”
/ʔ/ occlusive glottale (coup de glotte). Il s’agit de la seule consonne qui peut se
l’intérieur d’un mot, après une voyelle : ṛi1nde3ʔṣe3 “urubu” (oiseau) ou une
/k/ ~ /g/, /s/ ~ /z/, /š/ ~ /ž/, /N/ ~ /n/ et /M/ ~ /m/. Dans les formes nominales,
cette distinction est faible.
• la palatalisation est une articulation secondaire, laquelle se manifeste dans les
consonnes suivantes : /ť/, /ď/, /č/, /š/, /ž/ et /ň/. Sa valeur phonologiquement
distinctive se neutralise lorsque ces consonnes se trouvent devant une voyelle
antérieure, position dans laquelle /t/, /d/ et /n/ se palatalisent également.
/ṛ/ ; celle-ci, nous l’avons déjà signalé, peut dans certains cas se réaliser comme
2. Voyelles
22
points d’articulation
aperture
antérieures centrales postérieures
fermées i/į u/ų
moyennes a/ą
ouvertes e/ę o/ǫ
On peut trouver dans un mot deux voyelles à la suite, formant une seule syllabe
(diphtongue) ou appartenant à deux syllabes différentes (hiatus).
23
Les diphtongues du chocho se composent d’une semi-voyelle fermée
dépourvue de ton (/i, į/ ou /u, ų/) et d’une voyelle avec ton, comme dans kie1 “tout”.
Les hiatus sont formés de deux voyelles égales ou différentes, chacune avec
son propre ton ; la deuxième est toujours un peu plus longue : nča2a1 “temascal”
(sorte de sauna traditionnel indigène). Dans l’usage courant, les hiatus sont souvent
réduits à des diphtongues, ex. nu3e3 “maïs” prononcé nue3.
3. Tons
Le chocho, nous l’avons dit plus haut, possède trois tons : haut (1) , moyen (2)
et bas (3). Toute voyelle, brève ou longue, a un ton, hormis la composante semi-
vocalique d’une diphtongue.
Ces tons ont en chocho une double fonction : lexicale et grammaticale. Leur
fonction lexicale se manifeste dans la distinction entre deux mots de sens différent :
rxa2 “main” ~ rxa3 “douze”.
Dans sa fonction grammaticale, le ton peut servir à marquer, par exemple, la
flexion de la personne d’un verbe : ta1ngi1 “il grandit”, ta2ngi1 “nous grandissons”.
L’étude du rôle morphosyntaxique des tons en chocho est toutefois encore au stade
initial, et laisse beaucoup de place à des développements futurs.
Par ailleurs, les tons peuvent varier selon la valeur informative du mot : la
valeur distinctive du ton est maximale dans les mots qui portent une information
lexicale ou grammaticale importante.
D’un point de vue auditif, le ton haut est plus prononcé que le moyen et le bas,
et coïncide très souvent avec l’accent tonique ; lorsque celui-ci se déplace, le ton
baisse :
• ta1že1 “son beau-père” : l’accent tonique tombe sur la première syllabe, dont le
ton est haut.
• ta2ža1na1 “mon beau-père” : suite à l’ajout du suffixe possessif, l’accent tonique
se déplace vers la deuxième syllabe, par conséquent le ton de la première descend
et devient moyen.
Les exemples suivants illustrent l’opposition phonologique entre les tons :
24
• entre ton haut et ton bas :
xį1 “nous tous” vs xį3 “assiette”
še1 “treize” vs u2ṣe3 “oiseau”
kǫ1 “il est passé” vs kǫ3 “en face de”
• entre ton haut et ton moyen :
še1 “treize” vs sę2ʔ “miel”
kǫ1 “il est passé” vs kǫ2 “estomac”
• entre ton bas et ton moyen :
rxa3 “douze” vs rxa2 “main”
ṣą3 “pulque” (boisson) vs ṣa2 “puant”
kǫ3 “en face de” vs kǫ2 “estomac”.
Du fait de leur nature suprasegmentale, les tons ne peuvent être analysés
phonétiquement comme on le fait avec les consonnes et les voyelles ; de plus, la
fréquence sonore sur laquelle ils sont prononcés varie selon plusieurs paramètres,
tout d’abord individuels. Il existe également un certain nombre de cas de sandhi tonal
dont nous ne nous occuperons pas ici.
4. Syllabe
25
5. Accent tonique
Dans les mots de deux syllabes ou plus, l’accent tonique tombe en règle
générale sur la penultième. Lorsque celle-ci comporte une voyelle longue, l’accent
tombe sur elle ; si la voyelle est simple, l’accent se traduit par la gémination de la
consonne suivante : si2ne2 “jaune” se prononce [si1nne2].
Lorsqu’elle concerne les consonnes /M/, /N/ et /c/, la gémination donne pour
et /u/, là où les deux autres variétés emploient plus fréquemment /ž/ : ya1ką 2
emploient /š/ ou /s/ : sxi1 (Teotongo) vs šį1 (partout ailleurs) “œil” ; ra1sxu1
• une différence analogue a été remarquée entre la fricative dentale sourde /θ/ et
/tx/ :
26
phonologique du chocho de Teotongo, où cette dernière consonne semble être
absente.
• entre la nasale dentale sourde /N/ et /Ni/ :
les dialectes de Natívitas et Tulancingo ont tendance à supprimer la semi-
voyelle /i/ lorsqu’elle est est précédée par /N/ : Nią2 (Ocotlán/Teotongo) vs
Il existe enfin des variations importantes dans l’usage des tons, qu’il
conviendra d’étudier en collaboration avec un tonologue expérimenté.
B. Morphologie
27
• conjonctions
S’ajoutent à celles-ci un certain nombre de monèmes grammaticaux auxiliaires,
comme les affixes (ex. classificateurs) et les clitiques. Toutes ces classes seront
décrites dans le détail dans les paragraphes suivants.
1. Morphologie nominale
16
Il serait intéressant de comparer cela avec d’autres langues comme l’italien ou l’espagnol,
où le pronom personnel s’emploie également pour mettre en relief la personne ou pour
souligner une opposition entre les différents acteurs (agents ou patients) au sein de l’énoncé ;
ce rôle est assumé en français par les pronoms dit « toniques ».
28
hiérarchique au sein de la société pour les êtres humains, ou l’espèce pour
les non-humains (animaux, plantes, fruits, etc.) (cf. § 1.2).
1.1. Noms
La plupart des noms en chocho possèdent, en plus de leur forme non fléchie
(laquelle, nous l’avons dit, ne donne pas d’information sur le nombre), des formes
complexes indiquant le possesseur, que VL qualifie de « formes fléchies » (formas
conjugadas) ; il s’agit en réalité, d’après nos observations, de suffixes possessifs :
c’est cette dernière appelation (que VL emploie alternativement) que nous
retiendrons par la suite. Certains noms, du fait de leur sémantisme, n’acceptent pas
de suffixe possessif : c’est le cas par exemple des phénomènes naturels, des plantes
et animaux sauvages ou des noms propres, qui possèdent uniquement une forme
absolue (ou “non fléchie”, pour utiliser le terme de VL). Au contraire, les termes
exprimant un lien de parenté n’ont pas de forme absolue, et peuvent être employés
uniquement avec un suffixe possessif.
Dans sa forme absolue, le nom n’est pas marqué en nombre ; l’opposition
singulier ~ pluriel apparaît uniquement suite à l’ajout d’un suffixe possessif.
1.2. Classificateurs
29
Un certain nombre de classificateurs est réservé aux animés. Voici les plus
fréquents :
Remarques
- le sexe est marqué parfois par le classificateur (ṛi1če3 “garçon” vs c̣i1če3 “fille”),
šą3ga3ʔše3 “petite fille”), l’information sur l’âge étant portée par l’autre élément
- les noms ṛu2ndu3a3 “homme” et ṛu2ga3ʔše3 “femme” servent également à
indiquer le sexe des noms qui en sont dépourvus :
ši2ndi1na1 ṛu2ndu3a3 “mon petit-fils” (litt. « mon petit-enfant homme »)
ši2ndi1na1 ṛu2ga3ʔše3 “ma petite-fille” (litt. « mon petit-enfant femme »)
30
- le classificateur u2- peut accompagner également des noms d’objets ayant un lien
Remarques
- les classificateurs correspondent parfois à des noms génériques, et dans certains
cas à l’hyperonyme des noms qu’ils peuvent accompagner :
su3 “fleur” su3nča3ku3 “fleur de courge“”
- certains noms génériques entrent dans la composition de leurs hyponymes, sans
qu’ils soient considérés comme des classificateurs pour autant :
31
nda3ʔ “eau” nda3ʔši3 “liqueur”
nda3ʔ “eau” + sa1 “amer” nda2ʔsa1 “bière”
nda3ʔ “eau” + ka2c̣u3 “maguey” nda3ʔka2c̣u3 “mezcal”
Il conviendra donc de réserver une attention particulière à la distinction entre
préfixes classificateurs et constituants de mots composés endocentriques, voire,
en amont, justifier la pertinence d’une telle distinction.
- certains noms accompagnés de leur classificateur peuvent à leur tour former
d’autres noms. S’agit-il de détermination (et donc de « classificateurs
complexes », ou « sous-classificateurs ») ou de dérivation-composition
nominale ? C’est l’un des points qu’il faudra traiter à l’avenir. Des exemples :
ṛi1nče3 “vipère” ṛi1nče3ṛe3 “crotale cascabelle”
ka2c̣u3 “maguey” ka2c̣u3θu1na1sę2 “maguey sauvage”
- l’association entre un classificateur et un nom n’est pas toujours rigide :
u2ru2ski3 ou ṛi1ru2ski3 “colibri”, sans nuance sémantique
mais : u2ba3 “animal” vs ṛi1ba3 “animal mâle”
- on peut parfois remarquer une absence de classificateur, alors que la logique qu’il
suggère imposerait sa présence ; c’est le cas par ex. des noms ci-dessous, lesquels
devraient théoriquement être introduits par le classificateur ťu3-
ši3ide3 “sapotille”
ra2xa3 “haricot vert”
žu2ti1 “tomate”
- il faudra enfin, lors d’un approfondissement futur des classificateurs du chocho,
se demander dans quelle mesure ceux-ci peuvent être associés, voire englobés, à
la classe des actualisateurs du nom. (cf. III. Ouvertures)
1.3. Diminutif
Le diminutif se forme en chocho par l’ajout du suffixe -šą3 (cf. šą3 “enfant” et
32
Cette construction peut se retrouver également dans des emprunts :
ngu2 kaxašą3 die gayeta “une boîte de biscuits”
Les adjectifs forment souvent le diminutif par redoublement :
ňu3 so1so1 “de toutes petites tortillas”
1.4. Possessif
1.4.1. Classe A
La classe A réunit la plupart des noms. Elle est définie par les suffixes
possessifs suivants :
33
Les suffixes PP1 -na1 et PPC -ni1 génèrent un ton haut sur la syllabe précédente, par
conséquent toutes les formes suffixées de la classe A se caractérisent par un ton haut
sur la pénultième. Employés avec des noms se terminant par -a ou -e, les suffixes
PP2 -a1a2 et PP3 -e1e2 remplacent la dernière voyelle du mot qu’ils accompagnent ;
avec des noms se terminant par -i, -u ou -o, ils forment des diphtongues. La
consonne nasale du suffixe PPC tend à être prononcée comme une palatale [-ňi1].
Quelques exemples :
Lorsque la voyelle finale du nom est nasale, les suffixes PP2 et PP3 se nasalisent par
conséquent :
34
θį2ʔ “sang”
Lorsque le nom se termine par un coup de glotte, celui-ci peut parfois s’amuïr suite à
l’ajout du suffixe possessif :
ťu3xų1ʔ- “ventre”
ša3ade3 “village”
Certains noms, dont les termes de parenté, doivent toujours être accompagnés d’un
suffixe possessif, et n’ont donc pas de forme « absolue » (non suffixée)17 :
17
Ces noms sont présentés dans les dictionnaires avec un tiret : na2na1- “mère”
35
na2na1na1 “ma mère” šnį1na1 “mon oncle”
La classe A est non seulement la plus étendue, mais aussi celle qui accueille les
emprunts et les néologismes : il s’agit donc d’une classe ouverte.
komadre “marraine”
1.4.2. Classe B
Les noms appartenant à la classe B se terminent tous par une voyelle avec ton
bas, souvent suivie par un coup de glotte ; les noms ayant ces caractéristiques
n’appartiennent toutefois pas tous à cette classe. Dans certains noms, le coup de
glotte apparaît seulement suite à la suffixation.
Voici les suffixes possessifs qui caractérisent la classe B :
-na1 PP1
-a3 PP2
-e3 PP3
-ni1 PPC
Comme pour la classe A, les suffixes PP2 et PP3 remplacent la dernière voyelle des
noms se terminant par -a ou -e, et génèrent facultativement des diphtongues avec les
36
noms se terminant par -a noms se terminant par -i
ču3 “courge”
1.4.3. Classe C
37
-a1 PP1
-a2 PP2
-i1 PPC
Le suffixe PP2 génère un ton haut dans la pénultième du nom qu’il accompagne. Le
suffixe PP2 remplace la dernière voyelle des noms se terminant par -a ou -e, et
génère facultativement des diphtongues avec les noms se terminant par -i ou -u.
38
1.4.4. Noms irréguliers
Il existe cinq noms présentant des formes possessives irrégulières ; parmi eux,
trois ont des formes différentes lorsqu’ils sont accompagnés d’un suffixe :
1.5. Génitif
Il existe en chocho une construction génitive, que l’on utilise pour marquer la
relation de possession entre la chose possédée (toujours accompagnée d’un suffixe
PP3) et un possesseur nommé, extérieur au dialogue :
u2ňe1e2 ṛi1Juan “le chien de Juan” (litt. « son chien (de) Juan »)
ku2ṣe1e2 sa1 na1 “la jupe de la dame” (litt. « sa jupe (de) la dame »)
Le complément du nom peut également être enrichi par un possessif :
39
ndua2 ta2ta1na1 “la maison de mon père” (litt. « sa maison (de) mon père »)
1.6. Vocatif
Nous avons dit que les termes de parenté ne peuvent s’employer sans suffixe
possessif. Cette affirmation ne tient pas compte de l’usage vocatif que l’on fait
souvent de ces mots. Certains d’entre eux possèdent pour cela une forme ad hoc :
na2na2 “madame !”
Dans les autres cas on emploie la forme non suffixée du nom avec une intonation
spécifique.
1.7. Pronoms
40
Le pronom de 3e personne doit toujours être suivi d’un pronom coréférentiel qui
marque le sexe18 :
sua1 c̣i1 “elle, la femme”
sua1 ni2 “lui, le monsieur” ou “elle, la dame”
sua1 ṛu2 “lui, la personne” ou “elle, la personne”
Suivi du pronom ya3, il forme la P2 de politesse :
sua1 ya3 “vous”
À l’exception du collectif xį1, les pronoms personnels ne portent aucune marque de
nombre. Celui-ci peut être exprimé, si besoin, par ngu2ngu2 (de ngu2 “un”), suivi ou
non d’un enclitique personnel (cf. § 2.1.2) :
xą1 ngu2ngua1 / xą1 ngu2ngu2 ma1 “nous” (par opp. à la 2e personne)
xa3ʔ ngu2ngua3 / xa3ʔ ngu2ngu2 mi3 “vous”
sua1 ni2 ngu2ngu2 ni2 “eux, les monsieurs”
sua1 ya3 ngu2ngu2 ya3 “vous” (vouvoiement)
xį1 ngu2ngui1 / xį1 ngu2ngu2 mi1 “nous” (collectif)
ngu2ngu2 sert également à marquer le pluriel du possessif :
šnį1na1 ngu2ngua1 “notre oncle”
Pour mettre en relief le singulier, lorsqu’il s’agit d’une seule personne, on emploie
ngu2kʔua1 suivi de l’enclitique personnel :
ngu2kʔua1 “un seul”
ngu2kʔua1 ma1 “moi seul”
ngu2kʔua1 mi3 “toi seul”
ngu2kʔua1 mi1 “nous seuls”
18
En chocho, le trait grammatical ‘sexe’ est bien distingué du ‘genre’, ce dernier possédant
un paradigme plus étendu que celui des langues indo-européennes : sexe, âge, niveau
hiérarchique au sein de la société, etc.
41
1.7.2. Pronoms interrogatifs
na2ndie3 “qui”
ṣi1ndi3 “où”
ṣi1nda2θi2 “quand”
xi1šani3 “quand”
ṣi1nča3 “comme”
e1ṣa2 “pourquoi”
i2se1 “combien”
kʔua2ʔe2ṛe1 “rien”
kʔua2ṣe3ngu3 “personne”
VL inclut dans la liste des pronoms indéfinis deux adverbes : ṛu2na1 “jamais” et
42
1.8. Articles
43
1.10. Quantificateurs
On peut réunir dans la classe des quantificateurs tous les monèmes lexicaux et
grammaticaux qui indiquent une quantité, c’est-à-dire les numéraux et les adverbes
de quantité. Parmi ces derniers, nous donnons ici les quatre les plus fréquents :
Exemples :
xie1 žu2ʔ “beaucoup de chocolat”
sa1 nde3edu3 “un peu de chaux”
ka1ťa2 nča3 “beaucoup de maisons”
ka1ťa2ʔya3 nča3 “peu de maisons”
L’indéfini ka1ťa2ʔya3 est formé par ka1ťa2 auquel s’ajoute le suffixe négatif -ʔya3.
ngu2 “un”
žu1 “deux”
ni2e1 “trois”
ňų2ų1 “quatre”
žų1 “cinq”
šų2 “six”
ža3adu3 “sept”
šį1 “huit”
ni2a3 “neuf”
44
te3 “dix”
tǫ1 “onze”
rxa3 “douze”
še1 “treize”
rxǫ3 “quatorze”
rxǫ1ʔ “quinze”
rxǫ1Nku2 “seize”
rxǫ1žu2 “dix-sept”
rxǫ1ňe1 “dix-huit”
rxǫ1ňų1 “dix-neuf”
ką1te3 “trente”
ža1ką3 “quarante”
ža1ka2te3 “cinquante”
ňe1ką3 “soixante”
ňe1ką3te3 “soixante-dix”
ňų1ką3 “quatre-vingts”
ňų1ką3te3 “quatre-vingt-dix”
žų1ką1 “cent”
45
ką1rxǫ1ką1 “sept cents”
mil “mille”
46
ža1ką2ką1 (800) = žu1 (2) × ką1ʔ (20) × ką1ʔ (20)
ža1ką2žų1ką1 (900) = [žu1 (2) × ką1ʔ (20) + žų1 (5)] × ką1ʔ (20)
žu1ṣę2 “deuxième”
ňe1ṣę2 “troisième”
Utilisés comme pronoms, les ordinaux sont précédés par le préfixe ni2- :
1.11. Démonstratifs
“ce ; cette ; ce…-là ; cette…-là” suivent le nom, déterminé par l’article sa1 :
47
2. Morphologie verbale
VL répartit les formes verbales en six classes, selon le nombre et la qualité des
informations portées par le verbe conjugué. Les classes sont désignées par des lettres
majuscules :
- classe S : le verbe indique dans sa forme la personne du sujet
- classe SO-I : le verbe indique la personne du sujet dans sa forme, et la personne
de l’objet par un enclitique personnel
- classe SO-II : le verbe indique dans sa forme un objet inanimé
- classe SO-III (mixte) : le verbe indique l’objet dans les formes conjuguées à la 2e
et à la 3e personne (dorénavant dénommées respectivement P2 et P3), et le sujet
dans les formes conjuguées à la 1ère personne et au collectif (P1 et PC)
- classe SO-IV : diathèse passive
- classe R : diathèse réflechie
Il existe d’autre part des verbes irréguliers que l’on ne peut ranger dans aucune de
ces classes.
48
2.1.1. Classe S
Exemples de conjugaisons régulières, dans l’ordre proposé par VL (P3, P2, P1, PC) :
49
ta3agu3 “allumer” (la lumière) za3si3 “avoir ; tenir”
ta3agu3 “il/elle allume” za3si3 “il/elle a”
Remarques
- les verbes dont le thème (P3) se termine par une consonne palatale ou rétroflexe
+ -i perdent cette dernière voyelle dans les formes conjuguées de P1 et P2, ex. :
ces verbes est dérivé du nom kǫ2 “estomac ; intérieur”, dont les suffixes
possessifs tiennent lieu de conjugaison :
50
Ce groupe comprend des verbes qui renvoient à un procès mental ou spirituel :
tu2ňi1kǫ2 “il/elle haït”, ďa2ṣe2kǫ2 “aimer ; plaire” ; te1kǫ2 “aimer” ;
že3gi3ṣi3kǫ2 “éveiller, susciter”.
- Les verbes impersonnels, ainsi que certains verbes d’action dont le sujet ne peut
être que non-humain, ne possèdent que le P3, ex. : te3ʔc̣į3 “il pleut”, da3tia3
“il/elle aboie”.
Tous les autres verbes dont le thème se termine en -o se conjuguent selon le modèle
SO-IV ou R, ou sont irréguliers.
ton P2 ton P1 / PC
S-I bas-haut haut-haut ou moyen-haut
S-II bas-bas haut-haut ou moyen-haut
S-III haut-bas haut-haut ou moyen-haut
S-IV haut-moyen moyen-haut
51
Voici des exemples :
P3 P2 P1 PC
S-I “sortir” da3ʔṣe3 da3ʔṣe1 da2ʔṣe1 da2ʔṣi1
S-II “voir” di1ku1 di3kua3 di1kua1 di1kui1
S-III “allumer” du3ṣe3 du1ṣa3 du1ṣa1 du1ṣi1
S-IV “cacher” de3ma3 te1ma2 te2ma1 te2mi1
mi3 P2 familier
ma1 P1
mi1 PC
52
Voici les désinences de la conjugaison SO-I, qui marquent la personne du
sujet :
-e1 P3 / P2
-a1 P1
-i1 PC
sujet P1
di1čuą1 mi3 “je t’attends”
di1čuą1 ya3 “je vous attends” (poli)
sujet P2
di3čuę1 ma1 “tu m’attends”
sujet P3
di1čuę1 ma1 ri1 “il m’attend”
sujet PC
di1čuį1 ri1 “nous l’attendons”
53
Le modèle SO-I comprend des verbes mettant en relation deux êtres humains,
comme ti3ṣię1 “enseigner”, di3ṣe1 “obéir”, že3ňue1 “tromper, mentir”, etc.
La frontière entre classe S et classe SO-I n’est pas tout à fait nette : en effet,
certains verbes S se conjuguent selon le modèle SO-I lorsqu’un COI humain est
exprimé :
že3xi3 “il vend” (S) vs že3xe3 “il vend à quelqu’un” (SO-I)
Parfois le changement de conjugaison entraîne un changement de sens :
ni3ša3 “il parle” (S) vs ni3še3 “il gronde (quelqu’un)” (SO-I)
Les verbes qui se conjuguent selon le modèle SO-II ont des désinences-sujet de
type SO. Cette classe comprend des verbes dont la valence impose la présence d’un
objet-patient inanimé, mais celui-ci n’est pas signalé, contrairement au modèle SO-I,
par la présence d’un enclitique personnel. Les désinences sont les suivantes :
-e1 / -e1e2 P2
-a1 / -a1a2 P1
-i1 / -i1i2 PC
di3če3 “choisir” (ex. des fruits) ta2ka1re3 “ouvrir” (ex. une porte)
di3če3 “il choisit” ta2ka1re3 “il ouvre”
54
2.1.4. Classe SO-III
-e1 P3
-e1e2 P2
-na1 P1
-ni1 PC
55
-e1 P3
-a1 / -a1a2 P2
-na1 P1
-ni1 PC
2.1.6. Classe R
Dans certains verbes, la forme réfléchie s’obtient en ajoutant le préfixe ti2ri2- (que
l’on peut traduire de façon approximative par « se mettre (dans une position) ») à un
adjectif, ex. :
ti2ri2- + ma1 “caché” ti2ri2ma1 “se cacher” (litt. « se mettre caché »)
Cette classe comprend beaucoup de verbes renvoyant à des actions involontaires
et/ou incontrôlables, comme xie3no3 “ronfler”, da2θe2 “tomber”, dʔe3 “mourir”,
etc.
56
2.2. Négation
Les formes nasales -ʔna3, -ʔna1 et -ʔni1 s’utilisent avec les verbes qui contiennent
une consonne ou une voyelle nasales :
ne2ʔna3 “il ne mange pas”
tį2į1ʔna3 “il ne fait pas mal”
Les formes caractérisées par la palatale /y/ s’emploient dans un registre oral ou
familier :
ta2ča1ʔya1 “je (ne) vole pas”
Le suffixe de négation s’ajoute toujours au verbe conjugué, que celui-ci soit suivi ou
non d’un enclitique personnel. La présence du suffixe de négation peut en outre
entraîner des modifications phonétiques ou tonales, selon le contexte.
57
Le chocho connaît également la catégorie de l’aspect, laquelle décrit le procès
envisagé du point de vue de son déroulement interne. (§ 2.3.4)
L’existence d’un mode subjonctif reste à vérifier, même si l’observation du
matériel jusqu’à présent recueilli semble confirmer cette hypothèse (§ 2.3.5)
Le temps verbal ne s’exprime pas de la même manière dans tous les verbes.
Les verbes dont le thème commence par une voyelle ont la possibilité de marquer le
temps par un préfixe consonantique : c’est le cas par exemple de -u3nga3 “éteindre”,
dont le paradigme temporel est tu3nga3 (PR), ku1nga3 (P) et cu3nga3 (F). Il existe
deux séries de préfixes temporels, l’une de consonnes sourdes (comme dans
l’exemple précédent), l’autre de consonnes sonores. Le choix entre l’une ou l’autre
dépend du verbe, c’est pourquoi il faut toujours citer le verbe dans l’une de ces
flexions temporelles, qui par convention sera le présent P3. Voici les deux séries :
PR P F INT
série a t- ku- c- k-
série b d- b- z- g-
PR P F INT
ta1xų1 kua1xų1 ca3xų1 -ka1kų1
PR P F INT
dʔę3 bʔę1 zʔę3 -gʔę3
Certains verbes, comme da3ňe2ʔ “écrire”, alternent les préfixes sonores de la série b
(P3) à ceux sourds de la série a (P2, P1 et PC) :
58
P3 P2 P1 PC
PR da3ňe2ʔ ta1ňa3ʔ ta1ňa1 ta1ňi1
P ba3ňe2ʔ kua1ňa3ʔ kua1ňa1 kua1ňi1
F za3ňe2ʔ ca1ňa3ʔ ca1ňa1 ca1ňi1
INT -ga3ňe2ʔ -ka1ňa3ʔ -ka1ňa1 -ka1ňi1
On pourrait affirmer, en observant le tableau précédent, que les tons ne subissent pas
de modifications à l’intérieur du paradigme temporel d’une même personne. Cela est
toutefois vrai uniquement pour les verbes dont le thème commence par une consonne
sonore suivie d’un ton bas, cf. le paradigme temporel de P3 de ti2nga1θa2 “marcher
sur, fouler”, dans lequel les tons sont différents pour chaque temps :
PR P F INT
ti2nga1θa2 kui1nga1θa2 ci3nga1θa1 -ki2nga1θa2
Il est vrai en revanche, et cela pour tous les verbes, que les tons ne varient pas à
l’intérieur du paradigme temporel de P1, P2 et PC.
Les verbes dont le thème commence par une consonne ne se comportent pas de
façon aussi régulière. Selon le verbe, la temporalité peut être marquée de plusieurs
manières différentes :
- les verbes dont le thème commence par la syllabe že3- (ou son allomorphe ra2-)
prennent le préfixe bi3- (ou be2-) au passé et le préfixe zi3- (ou ze2-) au futur,
P3 P2 P1 PC
PR že3xi3 že3xia1 ra2xia1 ra2xi1
P bi3že3xi3 bi3že3xia3 be2ra2xia1 be2ra2xi1
F zi3že3xi3 zi3že3xia3 ze2ra2xia1 ze2ra2xi1
INT (-gi3)že3xi3 (-gi3)že3xia3 (-ge2)ra2xia1 (-ge2)ra2xi1
59
- les verbes qui commencent par n- prennent les préfixes bi1- au passé et š- au
futur ; la forme intemporelle reste non marquée. L’exemple montre le paradigme
de P3 de ni3ša3 “parler” :
PR P F INT
ni3ša3 bi1ni3ša3 šni3ša3 -ni3ša3
- dans les autres verbes dont le thème commence par une consonne, la temporalité
n’est pas marquée morphologiquement :
xie3no3 “il ronfle” / “il a ronflé” / “il ronflera”
mais dans certains cas elle peut l’être phonologiquement, cf. la variation tonale
dans l’exemple suivant :
c̣i3ka3 “il danse” vs c̣i1ka3 “il a dansé”
Le passé dit « parfait » (PP) semble être utilisé pour décrire un procès achevé,
plus lointain dans le temps par rapport à un procès que l’on mettrait à la forme
standard (P) du passé. L’étude de la distinction entre ces deux temps est toutefois
encore à un stade initial et pourrait relever plus de la catégorie aspectuelle que
temporelle. Le passé parfait se forme en ajoutant le préfixe bi1- à la forme
intemporelle du verbe :
bi1- + -ki2nga1 (“courir”, INT) bi1ki2nga1 “il a couru”
2.3.3. Participe
Le participe est, dans les langues qui connaissent ce mode, une forme verbale
nominalisée. Il peut, selon la langue, être marqué en temps et/ou en diathèse. Le
participe du chocho, que l’on obtient en ajoutant le préfixe ci1- à la forme
intemporelle du verbe, est du type passé-passif : il décrit le résultat d’une action sur
un objet. Sa particularité réside dans la distinction phonologique entre un participe
passé « verbal », lequel met l’accent sur le résultat de l’action :
60
ta1xų1 “il balaie” ci1ka1xų1 nča3 “la maison est balayée”
et un participe passé « adjectival » ayant fonction d’épithète, dans ce dernier cas un
changement de ton a lieu au niveau de la pénultième ou de la dernière syllabe du
participe :
di3tu3rxa3 “il se marie” ṛu2ndu3a3 ci1gi3tu3rxa1 “un homme marié”
2.3.4. Aspect
son allophone di3- devant un verbe à la P2) qui se greffe au présent du verbe, il
peut, encore une fois de manière approximative, se traduire par être en train de
ou par un indicatif présent :
di3za3nga3 “tu es en train de pleurer, tu pleures”
- L’aspect consécutif (CONS) caractérise une action consécutive. Il est marqué par
le morphème du1- :
du1 est une prononciation alternative) souligne la parenté sémantique entre ces
61
deux éléments, que l’on peut probablement identifier en diachronie. Leur
distinction est d’ailleurs parfois problématique.
2.3.5. Subjonctif
62
actif (P3) passif (impersonnel)
“acheter” de3ʔna3 dʔi2na3
“vendre” že3xi3 tu1ši2
“faire” že3 tǫ1
“construire” že1na3 tu1na2
“ouvrir” ta1re3 ~ ta2ka1re3 ra3re3 ~ ru3re3
- že3- / ži3- P3 / P2
- ra2- P1 / PC
Exemples :
- avec un adjectif :
že3- + ndu1ši3 “propre” že3ndu1ši3 “il nettoie” (litt. « il fait propre »)
- avec un verbe :
že3- + tu1ṣe1 “il se fatigue” ze3ku1ṣe1 “il fatigue, il lasse (quelqu’un)”
63
- avec un nom :
že3- + ṣa3ʔ “travail” že3ṣa3ʔ “il travaille” (litt. « on le fait travailler » ?)
La liste suivante fait l’inventaire des préfixes que l’on rencontre fréquemment
dans les formes verbales de deux syllabes ou plus. La question si ces formes verbales
sont complètement lexicalisées ou si l’on peut au contraire identifier ces préfixes en
tant que morphèmes n’est pas encore réglée.
- ti2ri2-, préfixe réfléchi, exprime le fait de se mettre dans une position donnée :
ti2ri2ma1 “se cacher”
ti2ri2se1 “se baisser”
- de3- dénote un changement de position ou d’état :
de3ma3 “il cache (quelque chose)”
de3nga3θi1ma2 “il enroule (quelque chose)”
- da3- a à peu près le même signifié que le précédent :
da3re2ṣą3 “il ferme”
da3ra3te3 “il couvre”
- da3- peut également dénoter un mouvement du corps :
da3ʔṣe3 “il monte”
da3xį3 “il se baisse”
2.3.9. Auxiliaires
Ce que VL appelle « auxiliaires » sont des verbes que l’on emploie dans des
constructions périphrastiques de nature modale ou aspectuelle. Certains d’eux sont
étroitement liés, morphologiquement et sémantiquement, aux préfixes aspectuels
dont le sens est le même, mais se démarquent de ceux-ci par leur flexion de personne
et par la possibilité d’ajouter des enclitiques et des suffixes. En voici quelques-uns :
64
- ci3 (irrégulier) “être sur le point de” (cf. le préfixe aspectuel inchoatif ci2- / ci3-).
Lorsqu’il précède un autre verbe, il indique que le procès va commencer dans un
avenir très proche :
ci2a1 ci3te1 “je vais chanter”
- di1 (irrégulier ; cf. le préfixe aspectuel continuatif di1-), accompagné d’un autre
verbe, d’un adjectif ou d’un adverbe, il exprime un état d’âme :
xi1na2 di1 “il va bien”
- te1kǫ2 / ta1kǫ2 “vouloir” :
ta3kǫ1ǫ2 c̣i2ka3 da3 “veux-tu danser ?”
- c̣ua2ʔ “ne pas vouloir”
c̣ua2ʔ ma1 šne1 “je ne veux pas manger”
- tu1ňę1ę3 “pouvoir ; savoir”
- di3ṣį3- “avoir besoin de” :
di3ṣį3ni1 šti1 “nous avons besoin de manger”
2.3.10. Le connecteur ṣe 3
P3 / P2 ṣe3
P1 ṣe1
PC ṣi1
Exemples :
- provenance/origine :
sua1 ya3 da3xį3 ṣe3 ya3 Nia1ʔ
vous (poli) descendez de CO colline
“Vous descendez de la colline”
65
- destination :
u1 ba1me2ngi1 ṣi1 nča3
maintenant nous rentrons à maison
“Maintenant nous rentrons à la maison”
- cause :
sa1 u2ňa3 bʔe1 ṣe3 ba3 xi3nďa3
le chien est mort de CO faim
“Le chien est mort de faim”.
Nous ne pouvons pas, en l’état actuel des connaissances, dire si ṣe3 introduit des
compléments circonstanciels (comme la traduction des exemples précédents pourrait
le laisser supposer) ou des COD/COI, la valence des verbes en chocho n’ayant pas
encore été abordée par les chercheurs.
2.3.11. Adverbes
66
či1xi3 “tôt” tu1šǫ3ʔ, ku1šǫ3ʔ, cu2ṣǫ3ʔ “tard”
xi1 “loin”
ča2ṣe3 “près”
• de quantité :
ča1 “plus”
du3ka3 “vite”
nďo3 “fort”
67
C. Syntaxe
1. Types de phrases
68
i2se1 u2ňa3 ža1sia3 da3 “combien de chiens as-tu ?”
combien chien avoir.P2 INTERR
L’interrogatif général sta1 et ses allomorphes stia1 et štia1 s’emploient surtout
devant un verbe :
stia1 ta1ne1 ya3 da3 “combien gagnez-vous ?”
que gagner.P2 P2vouv INTERR
La réponse à une interrogation partielle s’ouvre souvent par un pronom indéfini :
kʔua2ṣe3ngu3 dia1xi2 “personne n’entre”
personne.NEG entrer.P3
• La phrase injonctive se distingue de la phrase déclarative uniquement par
l’emploi du futur et une hausse du ton de la voix :
ca2re1 nda3ndu1xa3 “ferme la porte !”
F.fermer.P2 porte
2. Structure de la phrase
69
mę3 sa1 ša3ade1na1 di1xu1 šą3
donc le village.POSS-P3 il y a.PL enfant
“Donc, dans mon village il y a des enfants”
3. Coréférence
Lorsque l’un des actants trouve antéposé au verbe, il doit être repris
anaphoriquement après le verbe par une forme dite coréférentielle. Il s’agit la plupart
du temps d’un pronom, dit coréférentiel (CO). Ces morphèmes peuvent également
être utilisés pour exprimer le genre à la suite d’un pronom de P3 ou d’un suffixe
possessif. S’agissant d’enclitiques, l’accent tonique ne tombe jamais sur eux.
Il existe trois types de pronoms coréférentiels :
• ceux qui présentent une correspondance morphologique et sémantique avec le
classificateur du nom qu’ils reprennent :
CO CLASS
ri1 ṛi1- personne de sexe masculin ; animal non domestique
70
ba3 reprend les noms qui prennent le classificateur des animaux
domestiques u2-
ru3 reprend les noms qui prennent le classificateur des fruits/objets ronds
ťu3-, et tous les noms sans classificateur ayant les mêmes
caractéristiques
Exemple :
sa1 ťu3ce3 še1ma1 ru3
le CLASS.citron sec CO
“le citron est sec”
• le troisième type de pronom coréférentiel est une simple reprise, plus ou moins
identique, du même nom :
sa1 šą3 di1 šą3 sa1 nda1šę1 šą3
le enfant est CO le hamac.POSS-P3 CO
“L’enfant qui est sur son hamac”
Lorsque les deux actants, sujet et objet, sont repris par un pronom coréférentiel,
celui du sujet précède l’autre :
že3ndu1ši3 ri3 šą3 punte1 sa1 na3še1 ri3
nettoyer.P3 COsuj COobj pointe.POSS-P3 la tissu.POSS-P3 COsuj
“(La personne) le nettoie (l’enfant) avec la pointe de son tissu (à elle) ”
71
xa3 “parce que”
a2ṛa3 “si”
Le suffixe -ňi3 s’ajoute aux connecteurs pour effectuer une mise en relief, ex. :
5. La fonction attribut
72
tu1se1ʔ ma1 “je suis faible” (ou “je m’affaiblis”)
• le sujet est un nom : dans ce cas, l’adjectif en fonction d’attribut occupe la place
du verbe selon l’ordre neutre des constituants syntaxiques, c’est à dire en tête de
phrase :
ṣua1ʔ sa1 sį3ʔ “le lait est frais”
frais le lait
L’emploi d’un adjectif indéfini de quantité (ex. ka1ťa2) devant un nom permet trois
interprétations, dont une attributive :
“beaucoup de maisons”
ka1ťa2 nča3 “ce sont beaucoup de maisons”
“les maisons sont nombreuses”
73
III. OUVERTURES
Cette dernière partie du mémoire, qui peut aussi être considéré une conclusion
provisoire, se configure comme un inventaire synthétique des points de morphologie
et de syntaxe qui restent à étudier, ou sur lesquels il convient de revenir ; elle
comprend également toutes les questions que nous nous sommes posées au fil des
chapitres précédents. Ces questions, dont les réponses seront à rechercher dans le
cadre de missions de terrain, constituent autant de points de départ provisoires pour
notre projet de thèse. Celui-ci sera centré sur des questions essentiellement
linguistiques, et notamment la prédication, la valence et l’agencement des
constituants syntaxiques, sans laisser de côté les aspects sociolinguistiques et
ethnologiques les plus pertinents.
Il faudrait tout d’abord, préalablement aux investigations linguistiques sur le
terrain, et afin de les organiser de la façon la plus efficace, mener des enquêtes
minutieuses dans le but de mettre à jour les statistiques sur le nombre de locuteurs du
chocho. Il s’agirait de dénombrer, dans les quatre villages chochophones, combien de
personnes se définissent d’ethnie chocho, combien parmi eux parlent la langue, et
combien parmi ces derniers sont monolingues. Il serait également intéressant de
savoir de combien de locuteurs le chocho dispose en dehors du peuple chocho, parmi
les locuteurs des langues limitrophes.
A. Questions linguistiques
74
segmentation sémantique est nécessaire dans le cadre d’un lexique ou d’un
dictionnaire, en présentant chaque élément avec un tiret (ou un autre signe
typographique ad hoc si on veut le distinguer des affixes proprement dits)
pour signifier sa dépendance de l’autre dans le cadre de l’énoncé.
• actualisation du nom, rôle syntaxique du suffixe possessif et des articles : existe-
t-il une telle fonction syntaxique en chocho et dans quels cas intervient-elle ?
Peut-on définir par conséquent une classe d’actualisateurs du nom ? Les
classificateurs pourraient être définis comme des actualisateurs, si ce n’était
qu’ils ne peuvent jamais être séparés du nom qu’ils accompagnent. Certains
noms, comme les termes de parenté, sont toujours accompagnés d’un suffixe
possessif, mais la fréquence relativement basse de ce type d’occurrence ne
nous permet pas, pour le moment, d’associer les possessifs à une classe
d’actualisateurs. Il existe d’autre part des articles définis et indéfinis, lesquels
ne sont pas incompatibles avec les possessifs. Par ailleurs, d’après nos
observations, l’article n’est pas obligatoire, et servirait plutot à mettre en
relief, selon les intentions du locuteur, le caractère défini (sa1) ou indéfini
75
ta2kǫ1 c̣i2ka3 da3 “veux-tu danser ?”
vouloir danser.P2 INTERR
Il n’y a apparemment pas moyen de savoir si la question porte sur l’envie de
danser (« veux-tu danser, oui ou non ? ») ou sur la danse (veux-tu danser, ou
faire autre chose ? ») Il faudra donc, à l’aide d’autres exemples recueillis sur
le terrain, vérifier si la mise en relief de l’élément sur lequel porte la question
s’effectue par des moyens syntaxiques (et notamment par la position de
l’élément en question) ou par l’intonation.
• classes de mots : la classification des mots selon la principale fonction syntaxique
qu’ils peuvent prendre en charge est à réviser minutieusement, notamment
pour éviter tout type d’assimilation hâtive aux classes des langues occidentales
dont la fonction semble proche. Dans les brefs chapitres dédiés aux pronoms
interrogatifs et indéfinis, VL inclut des mots dont la nature semble plus
adverbiale (notamment par l’absence de flexion et l’absence d’un antécédent
en contexte ou d’un référent en situation) que pronominale.
• catégories grammaticales : parallèlement à la redéfinition des classes de mots, il
sera également nécessaire de procédér à une révision des catégories
grammaticales. Si la catégorie ‘temps verbal’ semble solidement définie, il
n’en va en effet pas de même pour le mode. Ainsi, la valeur exhortative du
subjonctif doit être comparée avec les formes de l’impératif de P1/PC, afin
d’identifier les marques formelles de l’un et des autres, ou au contraire réunir
les deux sous une même étiquette ‘injonctif-exhortatif’.
• temps verbaux et aspect : si le temps verbal est une catégorie clairement identifié,
il faudra néanmoins mettre celle-ci en relation avec l’aspect pour répondre à
un certain nombre de questions, et d’abord celle de la distinction achevé vs
inachevé. D’un point de vue morphologique, cette opposition semble ne pas
relever du temporel, en d’autres mots il n’y a pas de temps verbal du passé qui
soit clairement dévolu à l’expression de l’achevé (temps du parfait) ou de
l’inachevé (temps de l’imparfait). D’après notre observation du corpus de VL,
le passé (P) décrirait des procès achevés, alors que l’inachevé serait pris en
charge par la synergie entre le préfixe d’aspect continuatif di1- et l’enclitique
76
di1ta1xų1 ya3 kǫ1 nča3
CONT.balayer.P2 P2vouv P maison
“vous étiez en train de balayer la maison”, “vous balayiez la maison”
Il est également nécessaire d’étudier plus en profondeur la différence entre
passé (P) et passé parfait (PP) ; en effet, dire que ce dernier décrit un procès
achevé plus éloigné dans le temps est une remarque aussi empirique que
subjective, qui ne nous dit rien sur l’emploi de l’un ou de l’autre temps : sont-
ils complémentaires (le passé parfait peut-il s’employer par ex. pour exprimer
l’antériorité dans un énoncé du type « passé dans le passé ? » ?) ou font-ils
partie d’un même paradigme (cas dans lequel le choix entre l’un et l’autre se
ferait sur d’autres critères, temporels par ex.) ? Pour résumer : y a-t-il une
opposition entre P et PP, et si oui, s’agit-il d’une opposition temporelle ou
aspectuelle ?
• temps verbaux et énonciation : parmi les questions les plus complexes à résoudre
il y a celle de la correspondance entre tenses (temps verbaux) et time (temps
chronologique), laquelle peut varier d’une langue à une autre, ainsi que celle
des valeurs qu’un temps verbal peut assumer en dehors de son emploi
« neutre »19. Une autre question étroitement liée à la première est celle de la
relation entre temps verbaux et ancrage/non-ancrage du procès par rapport au
moment de l’énonciation (cf. Benveniste)
• structure syntaxique : la structure syntaxique de la phrase du chocho a été très
peu étudiée jusqu’à présent, et doit être considérée comme prioritaire. Parmi
les points à explorer, il y a d’abord la structure actancielle, selon l’ordre
logique suivant :
a. identification et définition du noyau verbal de la phrase
b. vérification de la pertinence de la notion de valence et classification des
verbes selon celle-ci
c. étude approfondie de la structure actancielle : de quelle façon les actants
s’organisent-ils autour du noyau ? Sur la base des analyses que nous
effectuerons, nous devrons être capable de rattacher le chocho à l’un des trois
types de structure actancielle connus (accusative, ergative ou active-inactive).
19
En français par ex., le futur peut assumer parfois une valeur impérative : « Tu mangeras ta
soupe ! »
77
Carol Mock a émis la première, en 1984, l’hypothèse du chocho comme
langue active-inactive ; il est vrai, d’après le corpus limité à notre disposition,
que le sujet d’un verbe est exprimé parfois par une flexion personnelle, parfois
par un enclitique, dont la fonction principale est d’exprimer l’objet. La
réponse à cette question pourrait se trouver dans la différence entre verbes S et
verbes SO, mais d’autres pistes pourraient s’ouvrir au fil de notre étude. Si le
chocho confirme sa nature de langue active-inactive, cela constituera une
avancée dans le domaine de la linguistique générale aussi, en renforçant et en
définissant le statut de ce modèle, dont les contours sont encore flous par
rapport aux deux autres.
• tons : l’étude des tons constitue l’autre grand chantier sur lequel il faut travailler
en priorité. Avec l’aide d’un tonologue expérimenté, qui nous renseignerait de
façon détaillée sur leur nature phonétique, nous allons tenter tout d’abord de
définir la fonction syntaxique des tons, et notamment dans les structures
prédicatives : il s’agira de vérifier si les tons jouent un rôle dans la mise en
relief du propos par rapport au thème
• création lexicale : quels sont les procédés de création lexicale du chocho ? Cette
langue possède-t-elle des outils de néologie efficaces qui lui permettent de
suivre l’évolution de la réalité environnante, ou préfère-t-elle emprunter de
nouveaux mots à l’espagnol avec de simples adaptations phonétiques ?
• évolution de la langue : nous essayerons, dans les limites du temps que nous
aurons à disposition sur le terrain, d’étudier la façon dont la langue évolue
dans sa forme. D’après VL, les tons seraient lentement en train de disparaître
sous l’influence de l’espagnol : par quels procédés le chocho est-il en train de
les remplacer, et dans lesquelles de leurs fonctions ? Dans le domaine de la
morphologie, nous allons enquêter sur la lexicalisation de certaines formes,
comme le passif et certaines formes préfixées. Une enquête de terrain nous
permettra aussi d’observer de quelle façon la langue a évolué depuis l’étude de
VL, et par conséquent de mesurer à quelle vitesse elle est en train de changer.
• comparaison entre les différentes variétés du chocho et entre le chocho et les
autres langues popolocanes : notre étude se concentre sur le chocho de Santa
Catarina Ocotlán, et – hormis une description synthétique des différences
78
phonétiques – ne prend pas du tout en compte les autres variétés. Celles-ci
devront toutefois être approfondies à l’avenir, non tant pour décider s’il s’agit
de langues ou de dialectes, ni pour tester leur degré d’interintelligibilité, mais
pour pourvoir mieux répondre aux questions énumérées ci-dessus. Le même
discours est valable sur une échelle moindre pour les autres langues
popolocanes, dont une sélection bibliographique est fournie en fin de volume.
79
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