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Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.

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Crédits
Idée originale et conception du système
Florrent et Neko

Directrice éditoriale
Neko

Textes
Romain d’Huissier, Jérôme Larré, Kristoff et Neko

Relecture
Neko et Romain d’Huissier

Couverture
Marc Simonetti

Illustrations intérieures
Marc Simonetti, Yann Valeani et Xavier Collette (Acerb)

2 Eléments graphiques
Aleksi Briclot

Maquette
Florrent

Remerciements chaleureux aux playtesteurs survivants de la campagne :


Arnaud Bazy, Pierre Bernat, Guillaume Bruault, Gabrielle Delanghe, Matthieu Destephe,
Julien Faure, Oz Karasu, Pierre Legay, Hadrien Lleida, le club Artefact
et le Groupe Sportif Pontacquais.

Dédicace spéciale pour Raphaël "Mon vieil Ange,


on a quand même réussi à te mettre un nain eunuque bouffon dans Qin !
En attendant que ton interprétation lui donne vie, bon courage à toi."
Toute l'équipe de Qin

Qin est édité par le 7ème Cercle SARL, titre et marque déposés.

© 2005 Le 7ème Cercle


Tous droits réservés
Le 7ème Cercle
10 rue d’Alexandre
64600 Anglet
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Sommaire
Introduction p5

Xianyang, capitale du Qin p7


Un historique de la cité p7
Vivre à Xianyang p8
Le quartier bourgeois p14
Le quartier marchand et artisan p20
Le quartier des docks p24
La Cité royale p28
Le quartier administratif p47
Le quartier ouvrier p52
Le quartier noble p56 3
Le quartier universitaire p63
Le quartier des plaisirs p67

Les services secrets du Qin p72


Le Censorat p72
Le Bureau des Rumeurs p75
La Carapace noire p77

Faire jouer Tiàn Xia p82

Bai Hu, le Tigre blanc de l’Ouest : Servir p90


Scénario : Révolution de palais p90
Scénario : Au service du Censorat p107
Scénario : Le procès p119
Scénario : Le piège p135

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« Par tous les démons du Feng Du ! » quitta des yeux le profil sévère de la jeune femme
et tourna son regard vers la cité et les combats
Le juron siffla entre les lèvres pâles de qui se déroulaient sous ses murs.
Cœur de Jade comme une malédiction lancée à
la face du Ciel. Elle avait pourtant, avec ses deux « Allons, Cœur de Jade, murmura cal-
compagnons, chevauché sans relâche depuis mement Trois Vérités, il ne pourra nous échap-
Handan, mais Poing de Bronze demeurait hors per éternellement. Nous allons retourner à
de portée. Et alors qu’elle croyait bientôt rejoin- Daliang et, une fois là-bas, nous trouverons bien
dre son mortel ennemi, voilà qu’un nouveau une nouvelle piste. »
coup du sort s’acharnait sur eux. Ils avaient
entendu le fracas du combat bien avant de le Les poings serrés, figée, elle regardait
voir. Parvenus au sommet de la crête rocheuse, fixement le sol à ses pieds, comme perdue dans
tous trois contemplaient le désastre. ses pensées funestes.

La rumeur prétendait que le vieux merce- « Ce voyage ne sera sans doute pas
naire se trouvait actuellement à Yuxing, et ils nécessaire, dit subitement Xian. Regardez en
avaient galopé jusque là sans faire la moindre haut des remparts. »
halte. Mais le spectacle qu’ils découvraient avec
désarroi fit peser une grande lassitude sur leurs Le doigt pointé devant lui, il désignait un
épaules. La petite cité du Wei, fidèle au général groupe de combattants dont les cuirasses bril-
Fong, se trouvait actuellement assiégée par plu- laient au soleil. Cœur de Jade se libéra de la
sieurs milliers de soldats loyalistes. Des tours et poigne du fangshi et avança encore un peu. La
autres engins de siège s’approchaient dangereu- main au-dessus des yeux, elle scrutait attentive-
sement des murailles hâtivement renforcées. Des ment le point indiqué par son compagnon. Des
pluies de projectiles s’abattaient sur les unités échelles dressées contre la muraille déversaient
des deux camps. Des flammes s’élevaient des une cohorte de soldats sur les remparts. Mais
toits effondrés de plusieurs bâtiments de la ville. des guerriers repoussaient petit à petit cet assaut
violent et renvoyaient les cadavres ennemis par-
4 Cœur de Jade sauta de sa monture four- dessus les créneaux. Soudain elle reconnut les
bue et avança de quelques pas. Xian et Trois uniformes noirs.
Vérités l’imitèrent et la rejoignirent bientôt. Le
jeune wu xia se sentait fatigué, las de cette pour- « Les mercenaires de Poing de Bronze,
suite frustrante. N’avaient-ils parcouru tant de souffla Trois Vérités qui les distinguait égale-
li, évité tant de pièges que pour voir, une fois de ment. Tout n’est pas perdu. »
plus, leur piste s’évanouir sous leurs yeux ?
Un sourire carnassier se dessinait main-
Cœur de Jade, la mâchoire crispée, tenant sur le visage de la jeune femme.
bouillait d’une rage intérieure. L’énergie mys- Instinctivement, ses doigts se refermèrent autour
tique qui la poussait en avant, alimentée par sa du poignard qu’elle cachait dans sa large cein-
haine implacable, ne semblait jamais se tarir ture de soie.
remarqua le fangshi. Il se rapprocha de la jeune
femme et posa une main apaisante sur son « En effet, répondit Xian avec une pointe
épaule. Il la sentit trembler de colère sous ses d’ironie dans la voix. Reste juste un petit pro-
doigts et brûler d’une fièvre surnaturelle. blème à régler. Je dirai, à vue de nez, qu’environ
deux à trois mille soldats se trouvent entre nous
« Encore du temps perdu, grimaça-t- et les portes de la cité. Et je ne pense pas que nos
elle. Maudite soit la fortune qui se refuse à moi sauf-conduits les impressionnent beaucoup.
et retarde encore l’heure de la vengeance. »
Attendons la nuit. Ensuite nous trouve-
Xian tiqua à ces quelques mots. Une fois rons bien un moyen de nous faufiler entre les
de plus, il se demandait où l’entraînait cette lignes et d’atteindre les remparts. La vengeance
étrange association. Dominé par une puissance ne souffrira pas d’autre retard ! » rugit Cœur
invisible, il suivait Cœur de Jade dans sa quête, de Jade.
répondant à l’appel d’un destin qu’il subissait
plus qu’il ne le choisissait. Le wu xia, connais- Xian n’aimait pas du tout quand elle
sant les crimes de Poing de Bronze, rêvait de jus- parlait ainsi.
tice. Elle ne parlait jamais que de vengeance. Il

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Introduction

« Au Service du censorat » leur permet de redé-


Introduction couvrir pendant un moment le doux confort de l’anonymat
et de se confronter pour la première fois au surnaturel de
façon réellement significative avant que « Le Procès » ne
au supplément les renvoie à nouveau en pleine lumière pour les forcer à
prendre position dans un évènement pouvant changer le
cours de l’Histoire.

Xianyang Vient enfin « Le Piège » qui présente certains


éléments majeurs de la seconde partie de la campagne tout
en mettant les personnages dans une situation en apparence
inextricable.

Voici le premier volet d’un supplément en deux Pourtant pour nous, Tiàn Xia est bien plus que
volumes appelé Tiàn Xia. Son objectif principal est de pré- tout cela. Tel que nous le voyions, il s’agit de la conti-
senter une campagne épique qui courre sur plus de vingt nuité directe et du complément indispensable du Livre
ans et retrace la fin de la période des Royaumes combat- de Base. Si ce dernier vous dévoile l’univers du jeu de
tants et la création d’un nouvel Empire, unifié à nouveau façon statique et pose les bases, ce double supplément
pour la première fois depuis des siècles : la Chine. les fait évoluer et en dévoile la dynamique, élément
indispensable pour en apprécier toute la richesse. Nous
Pour autant, ce livre est loin de se limiter unique- avons donc conçu cette campagne à la fois pour être
ment à cet aspect : il a été conçu avec le souci permanent jouée de façon conventionnelle et pour servir de cadre de
de vous fournir de quoi jouer pendant des mois, non seule- référence à vos créations. Un grand nombre de pistes et
ment en vous proposant du matériel directement utilisable d’événements en apparence secondaires sont évoqués
autour de vos tables de jeu mais aussi et surtout, tout le mais partiellement laissés dans l’ombre pour vous per-
nécessaire pour développer ce qui a été écrit dans le reste mettre d’y relier vos propres campagnes ou de l’adapter
de la gamme et vous laisser ainsi la liberté de développer exactement à vos envies. Le Zhongguo évolue énormé-
vos propres parties. ment durant les vingt ans qui séparent l’accession au
pouvoir de Ying Zheng et l’unification de la Chine. Sous
Fidèle à cet objectif, la description de Xianyang la forme d’une longue campagne épique, Tiàn Xia vous
et ses neufs quartiers vous permettra non seulement de offre toutes les clés de cette évolution.
découvrir le contexte si particulier de la première partie de 5
la campagne mais également d’y placer vos propres aven- L’équipe de Qin
tures ou d’y faire évoluer les personnages de vos joueurs.
Bien que capitale du Royaume le plus policé du Zhongguo,
la cité est un réservoir quasiment inépuisable d’intrigues et
d’opportunités ludiques, que ce soit en son palais, où s’af-
frontent quotidiennement fonctionnaires, espions, courti-
sans et eunuques, ou dans le reste de la ville, sur laquelle
de nombreuses factions antagonistes manigancent pour,
sinon régner, du moins étendre leur influence.

De plus, environ soixante-dix de ses habitants


sont présentés ici. Certains d’entre eux sont des personna-
lités de premier plan, d’autres de simples contacts privilé-
giés pour vos joueurs mais, à l’exemple de ce prétentieux
monarque ou de ce discret palefrenier du Zhao, tous ont
une histoire et rendent plus vivant le monde de Qin.

Vient ensuite une description des principaux ser-


vices secrets du Qin qui, à n’en point douter, deviendront
à votre table de puissants alliés ou de redoutables ennemis,
et très probablement les deux à la fois.

Une seconde partie du livre est réservée au début


de la campagne et aux conseils pour la mettre en œuvre.

Le premier scénario « Révolution de Palais »


met les personnages directement au cœur d’un événement
majeur du Royaume et les implique de façon durable dans
l’échiquier politique du Zhongguo où ils apprendront de
terribles secrets.

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Complètement fous. Trois Vérités se atteignant le chemin de ronde. Immédiatement,
vantait de posséder une sagesse le conduisant un cor résonna et des lanternes convergèrent
à chaque instant vers la voie la plus juste. Mais vers la source du bruit. Mais les trois compa-
cette fois, il sentait un doute s’immiscer en lui. gnons escaladaient déjà le tas de débris amonce-
Ils étaient tous les trois complètement fous. lés devant la tour. Lestes et agiles, ils sautaient
Glissant comme des ombres à travers le champ silencieusement d’un bloc de pierre à une poutre
de bataille à l’abandon, ils se faufilaient en noircie. Pourtant, Trois Vérités imaginait très
silence entre les cadavres et les décombres bien le soldat qui devait monter la garde tout en
jusqu’au pied d’une haute tour arasée à son haut. Son attention ne serait pas éternellement
sommet et vaguement consolidée par des pou- retenue par le tapage se déroulant à une ving-
tres de bois et des tas de gravas. La lune avait taine de mètres de là. À sa grande surprise, Xian
depuis longtemps disparu derrière de lourds cessa subitement sa progression et se rejeta vers
nuages menaçants. Les incendies maîtrisés, la la muraille. La jeune femme bondit de même, le
ville sombrait dans l’obscurité. Dans les ténè- tirant toujours derrière elle. Il comprit enfin leur
bres, Cœur de Jade avançait sans un bruit, fan- plan. Un trou béant, à peine assez large pour
tôme effrayant parmi d’autres dans un cime- laisser s’y glisser un homme, perçait à mi-hau-
tière lugubre. Xian la suivait tout aussi discrè- teur la tour de pierres. Un coup porté par une
tement, un pâle sourire sur les lèvres. Lorsque catapulte sans aucun doute, peu visible derrière
le fangshi avait protesté à propos de leur projet l’assemblage de bois renforçant la structure
insensé, le wu xia avait ri de bon cœur. contre les engins de siège.

« Crois-tu vivre éternellement, mon ami ? Ils glissèrent quelques secondes vers le
avait-il alors demandé. Dans le pire des cas, nous bas, écorchant leurs paumes et leurs coudes
aurons au moins droit à une belle bagarre, une de pour ralentir leur chute dans les ténèbres. Les
celles qui font les meilleures histoires. » trois compagnons atterrirent presque en même
temps sur un sol dallé, lisse et froid. Une forte
De ses deux compagnons, Trois Vérités odeur de poussière et de bois humide flottait
ne savait lequel était le plus fou. Et voilà que dans l’air. Ils devaient se trouver dans une
6 maintenant, il rampait sur un sol maculé de réserve creusée sous la tour, une zone de
sang, attentif au moindre bruit et retenant son stockage condamnée par les travaux de renforce-
souffle, coincé entre deux armées promptes à se ment. Trois Vérités entendait ses compagnons se
jeter l’une sur l’autre à la moindre alerte. Il relever prestement. Xian se déplaçait à tâtons.
connaissait trop bien le sort réservé aux espions La lune choisit cet instant pour quitter sa
dans quelle faction que ce soit. Trois Vérités cachette et un mince filet de lumière argentée
avala péniblement sa salive et, d’un bond, rejoi- pénétra dans le réduit. Dehors, le tumulte conti-
gnit les deux autres derrière un tas de fascines nuait à se faire entendre loin au-dessus d’eux.
abandonné à quelques mètres de la muraille. Xian se tenait devant une petite porte de bois.

« Et maintenant ? demanda-t-il dans un « Et voilà, annonça le wu xia avec satis-
murmure. Vous savez peut-être voler, mais moi faction. Laissons-les se calmer et ensuite, il ne
pas. » restera plus qu’à se faufiler dehors et à se perdre
dans la ville. »
Cœur de Jade ne prit pas la peine de rele-
ver l’ironie de la remarque. Elle fit signe au Quelqu’un glissa subitement de l’orifice
fangshi de se taire. Sur les créneaux, ils entendi- par où ils étaient entrés. Il tomba sans un bruit
rent le cliquetis de l’armure d’une sentinelle au milieu d’eux. Devant les armes aussitôt tirées
effectuant sa ronde. Une fois éloignée, la guer- de leur fourreau, il s’accroupit et mis ses mains
rière désigna du doigt une échelle abandonnée vides bien en évidence. Il portait des vêtements
au pied du mur. Cette fois, Trois Vérités eut un sombres, son visage et ses mains étaient maculés
hoquet de stupeur. De plus en plus fous ! Mais de suie. Apparemment, l’inconnu avait suivi le
Xian se contenta de sourire de plus belle. Il se même chemin qu’eux et profité de leur diversion
leva doucement et attrapa fermement l’échelle. pour s’introduire dans Yuxing.
Avec vigueur, il la souleva et la projeta par-des-
sus le rempart. Aussitôt, il se mit à courir vers la « Je suis d’accord pour suivre le plan du
tour abîmée. Cœur de Jade empoigna le col du jeune homme », annonça-t-il avec un sourire
fangshi et se précipita à la suite du wu xia. Dans rusé.
un fracas épouvantable, l’échelle se brisa en

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Xianyang,
capitale
du Qin
Cité aux glorieuses ascendances, véritable maté- Zhongguo. Changer l’emplacement de la capitale était une
rialisation de la philosophie légiste du penseur Shang mesure symbolique forte destinée à montrer au peuple que 7
Yang, Xianyang est l’une des villes les plus importantes du les erreurs du passé n’allaient pas se répéter et que la nou-
Zhongguo, la capitale du puissant Royaume du Qin et le velle dynastie règnerait sagement. C’est ainsi que Hao, située
point de départ du grand projet Tiàn Xia. au bord de la rivière Wei, devint le nouveau centre de
l’Empire du Milieu. Et durant des siècles, elle fut la rayon-
nante capitale d’un pays puissant, une ville d’art et de poésie
habitée par les nobles les plus raffinés de l’époque.
Mais la dynastie Zhou finit elle aussi par connaî-
tre la décadence. Lorsqu’en l’an 350 l’Empereur s’attira
Un historique les foudres de ses plus puissants vassaux, ceux-ci s’alliè-
rent avec les hordes barbares et Hao fut mise à sac et
presque rasée par une armée avide de sang et de destruc-
de la cité tion. Le pouvoir dut être déplacé vers l’Est et Luoyang
remplaça Hao, désormais ville-fantôme, au rang de capi-
tale de l’Empire. Ce fut la fin des Zhou de l’Ouest et le
début du déclin de cette glorieuse dynastie dont le dernier
Bien que depuis sa fondation Xianyang n’ait
fief – ironie du sort – était destiné à être conquis par l’Etat
connu que peu d’évènements marquants, la cité possède un
du Qin bien des siècles plus tard, en l’an 865.
passé riche qui la lie à de nombreux personnages-clés de
C’est également au cours de cette migration vers
l’histoire du Qin, tels Ying Xiang le mythique fondateur ou
l’Est que le Qin devint un fief à part entière de l’Empire du
Shang Yang le grand réformateur.
Milieu. Obligé de fuir les barbares, l’Empereur Pingwang ne

Hao, capitale
disposait que d’une faible garde rapprochée pour le protéger
durant un périple qui s’annonçait difficile. Xiang, chef du

de la dynastie Zhou
clan Ying allié de longue date des souverains Zhou contre les
barbares Rong, proposa à l’Empereur de lui fournir une
escorte qui l’accompagnerait jusque dans l’Est, le protégeant
de tous les périls encourus. Impressionné, l’Empereur intégra
le clan au sein de son Empire et nomma Xiang premier duc
du Qin, lui confiant un vaste fief à l’Ouest et la mission de
À l’aube de la dynastie Zhou, quand le Duc Wu protéger le Zhongguo contre les tribus barbares.
Wang renversa le tyran Di Xin et la lignée des Yin, il installa L’Etat du Qin connut de nombreuses capitales
sa capitale au sein de son ancien duché à l’Ouest du au fil des siècles mais Xianyang, la dernière et la plus

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Situation géographique
glorieuse de toutes, doit sa fondation au grand réforma-
teur Shang Yang, qui la fit ériger non loin des ruines de
Hao comme pour s’approprier la légitimité de la dynastie

Shang Yang
régnante de l’époque, fut-elle alors fantoche.
Xianyang fut bâtie proche du site des ruines de
Hao, l’ancienne capitale des Zhou de l’Ouest. Construite
sur la berge nord de la rivière Wei, la cité bénéficie d’un
positionnement sûr malgré son emplacement excentré et
proche des frontières des Royaumes du Han et du Wei.
Fils d’une concubine du seigneur du Wei, le jeune Xianyang est située sur une vaste plaine fertile,
Gongsun Yang fut un élève brillant qui étudia la philosophie alimentée par plusieurs cours d’eau. De nombreux champs
et la politique auprès d’un maître légiste du pays. Très vite, il entourent la cité, exploités par diverses fermes, et assurent
entra au service du premier ministre du fief, lequel, impres- son approvisionnement en nourriture. La rivière Wei per-
sionné par son intelligence et sa volonté politique, voulut en met d’acheminer diverses matières premières issues des
faire son successeur attitré. Le souverain du Wei ne l’entendit mines et plaines de l’Ouest, tandis que de larges routes
pas de cette oreille, refusant de confier une telle responsabilité pavées relient la ville aux capitales des commanderies du
à un homme aussi jeune. Ce fut la première fois que Gongsun pays (la route vers Yong longe ainsi la muraille érigée à
Yang fut confronté à l’injustice de l’arbitraire et cette décon- l’Est du Royaume).
venue ne fit que le conforter dans son choix d’un légisme pur, À l’Est et au Sud, Xianyang est protégée par
uniquement soucieux de promouvoir les hommes selon leurs d’imposantes montagnes et de la cité, il est aisé d’aperce-
mérites et non leur âge ou leur rang de naissance. voir le Huashan, le Mont sacré de l’Ouest. Ces barrières
Il entendait alors dire que le duc Xiao du Qin était naturelles, ainsi qu’une puissante muraille barrant l’accès
à la recherche d’hommes d’expérience et de volonté, qui au Royaume depuis l’Est, expliquent pourquoi la capitale
l’aideraient à faire de son Hégémonie un puissant Etat à du Qin n’a jamais eu à souffrir d’attaques depuis sa fonda-
même de rivaliser avec les pays situés à l’Est. Gongsun tion il y a près d’un siècle.
Yang se rendit donc dans le fief de l’Ouest et obtint plu-
sieurs entrevues avec le duc. Il l’entretint de la bonne
manière de gouverner un pays, par les lois et les rites, et lui
détailla les réformes à entreprendre pour faire du Qin la

8
plus puissante des Hégémonies. Malgré l’opposition des
nobles de sa cour, le duc Xiao nomma Gongsun Yang pre-
mier ministre en 761 et lui donna carte blanche pour réali-
Vivre à Xianyang
ser ses réformes.
Lorsqu’il eut terminé de rédiger les nouvelles lois Vaste cité densément peuplée, Xianyang attire à
du pays, Gongsun Yang voulut s’assurer que le peuple elle bien des personnes. Marchands désireux de faire for-
comprenne leur caractère absolu. Il fit dresser à la porte tune sans craindre la criminalité, politiciens avides de pou-
sud de la capitale un poteau d’un mètre de haut et fit savoir voir voulant se faire une place à la cour, penseurs et lettrés
par décret que quiconque parviendrait à le déplacer jusqu’à venus étudier à l’université, vaillants guerriers souhaitant
la porte nord recevrait cinq kilos d’or. Le peuple en resta faire carrière dans l’armée la plus puissante du Zhongguo,
coi et personne n’osa bouger le poteau. Gongsun Yang fit tous peuvent trouver leur place dans la capitale du grand
alors porter la récompense à dix kilos d’or ; un homme se Royaume du Qin. Tant qu’ils en respectent les lois toutes-

Vue d’ensemble
décida à déplacer le poteau et reçut son or. Ainsi, le pre- puissantes inspirées de la philosophie légiste…
mier ministre prouvait au peuple que l’Etat tenait parole et
que ses lois ne pouvaient être mises en doute.
Peu à peu les réformes portèrent leurs fruits et le
Qin devint assez rapidement une puissance majeure de
l’échiquier politique et militaire du Zhongguo. Alors
Gongsun Yang décida de déplacer la capitale afin de cou- Pour Shang Yang, la forme parfaite permettant un
per les anciens nobles, membres de l’opposition, du pou- bon gouvernement était celle du caractère jing (le puits)
voir centralisé. De Yong, le trône du duc fut transféré dans comme l’illustre le proverbe suivant : « Quand on creuse
la ville nouvellement bâtie de Xianyang, érigée non loin un puits, neuf champs nourrissent huit familles. » Ainsi
des ruines de Hao et construite selon les recommandations lorsque le réformateur redistribua les terres arables du Qin,
toutes légistes du premier ministre. il organisa les champs selon cette logique : huit familles
Gongsun Yang permit au Qin de remporter encore de paysans travaillaient neuf champs, un pour nourrir cha-
de nombreuses batailles, notamment contre son ancienne cune d’elle et le dernier pour payer les impôts dus à l’Etat.
patrie du Wei, et il reçut un important fief, celui de Shang
qui lui donna son nouveau nom de famille. Et c’est ainsi également qu’il dessina les plans
Mais à la mort du duc Xiao, son successeur de Xianyang : une cité composée de neuf grands quar-
retomba sous l’influence de l’ancienne cour qui avait gardé tiers eux-mêmes ceints de hauts et puissants remparts.
rancœur de sa mise à l’écart du pouvoir. Condamné à mort Couvrant une surface de plus de trente kilomètres carrés,
par ses adversaires politiques, Shang Yang fut écartelé en Xianyang abrite ainsi en ses murs près de deux cent cin-
place publique en l’an 783. quante mille âmes.

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Xianyang, capitale du Qin

Le grand chantier archéologique

De fait, Xianyang ne se trouve pas exactement au même emplacement que Hao, mais à
quelques kilomètres à l’est. Ainsi, les vestiges de l’antique cité impériale existent toujours et sont
actuellement le lieu d’une intense activité.
En effet depuis l’arrivée au pouvoir du marchand Lu Buwei, le Qin semble destiné à être
le Royaume qui réunifiera l’Empire et son nouveau premier ministre a ainsi ordonné que soient
menées de nombreuses expéditions archéologiques sur tous les sites ayant eu une certaine impor-
tance dans le destin du pays. Le plus important de ces chantiers est bien sûr celui des ruines de
Hao, ville étroitement liée aux origines du Royaume légiste.
Depuis plus de quatre ans, un véritable petit village universitaire réunissant historiens,
philosophes et ouvriers s’active jour et nuit autour des ruines de Hao, y cherchant tous les vestiges
du passé à même de satisfaire les exigences de Lu Buwei. Des troupes de vétérans, dirigées par
le colonel Po Luo (Renommée : 35), patrouillent tout autour de sa haute palissade de bois afin de
décourager les incursions de bandits ou les tentatives d’infiltration d’espions venus d’autres Etats.
Les fouilles sont dirigées d’une main de fer par Fai Xu (Renommée : 50), un brillant
archéologue ancien professeur d’histoire à l’Académie Jixia de Linzi, que l’occasion de venir étu-
dier les restes d’une cité impériale inviolée a décidé à quitter son Royaume pour venir au Qin. Il
dirige son équipe, composée de divers érudits et d’une armée d’ouvriers triés sur le volet, comme
un général dirige ses troupes ; c’est un homme strict et sévère, aussi prompt à punir qu’il est
avare de compliments. Trouvant dans l’organisation légiste du Qin un écho à sa façon de travail-
ler, il songe à s’installer définitivement dans le Royaume de l’Ouest et serait fier de mettre à jour
des objets permettant à celui-ci d’accélérer ses projets d’unification de tout ce qui existe sous le 9
Ciel.
Actuellement, les recherches visent à mettre à jour les morceaux de Foudre de Bronze, la
mythique lance de Ying Xiang, le premier duc du Qin. À l’époque de la fuite de l’Empereur
Pingwang, le chef de clan dut en effet couvrir son suzerain et la légende veut que sa lance se soit
brisée après un puissant coup porté au chef des barbares Rong. Fai Xu est persuadé que la pointe
métallique de l’arme se trouve dans les ruines de Hao et Lu Buwei se montre particulièrement
intéressé par cet objet légendaire…

Foudre de Bronze
Ying Xiang était le chef respecté d’un clan considéré comme barbare par les habitants du
Zhongguo. Mais, intelligent, il savait que l’élévation culturelle et militaire de son peuple passait
forcément par une alliance avec la dynastie régnante aussi fit-il de son clan une nation vassale au
service de l’Empire des Zhou. Et quand l’Empereur Pingwang eut besoin d’aide, il put compter
sur le clan Ying, qui se vit octroyer en récompense de sa loyauté le fief du Qin.
Ying Xiang maniait une lourde lance que lui seul pouvait porter. Nommée Foudre de
Bronze, elle frappait impitoyablement ses ennemis et c’est en tuant l’un d’eux, un terrible chef de
tribu Rong, que l’arme se brisa. Xiang dut l’abandonner dans le tumulte de la bataille et elle
repose depuis quelque part dans les ruines de Hao…
Foudre de Bronze fait des dégâts de 4 et possède une solidité de 9,
Cette lance octroie à son porteur un bonus de +2 à ses Tests de Commandement lorsque
ce Talent est utilisé sur des hommes ayant juré fidélité au Qin.
Foudre de Bronze impose à son porteur la Faiblesse Code d’Honneur (protéger le Qin).
Renommée : 60

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N

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Xianyang, capitale du Qin

La première vision qu’a le voyageur de la ville est quelconque. En fait, chaque quartier est considéré quasi-
toujours impressionnante : entourée de champs et de fermes ment comme une ville à part entière et donc administré
éparses, se dresse Xianyang dans toute sa splendeur, ses comme tel.
murailles solides donnant une impression de puissance tandis
que le va-et-vient constant de part et d’autres de ses portes Gouverneur et magistrats
prouve l’intense activité qui règne en son sein.
Bâtie sur un plateau surplombant légèrement la
rive nord de la Wei, Xianyang est composée de neuf quar- Capitale non seulement du Royaume mais égale-
tiers. La ville est entourée d’épais remparts de protection, ment d’une commanderie de taille modeste, Xianyang a à sa
et à chacun de ses coins se tient une haute tour destinée à tête un gouverneur civil qui a pour rôle de coordonner toute
surveiller le territoire alentour. Ces murailles sont si larges la pyramide des fonctionnaires assurant la bonne marche de
que deux chariots tirés par quatre chevaux peuvent s’y la ville, et un gouverneur militaire qui n’est autre que le géné-
croiser aisément, et de nombreuses guérites parsèment leur ral de la garnison (poste actuellement occupé par Wang Jian,
longueur, autant de postes de garde depuis lesquels les sol- le fameux stratège). Homme de pouvoir, le gouverneur de
dats en faction peuvent veiller à la sécurité de la ville et Xianyang possède dans les faits une influence politique com-
observer les allées et venues. Au sud, le long de la Wei, les parable à celle d’un ministre ; c’est donc un poste particuliè-
remparts sont aménagés de façon à faciliter l’accès à la rement convoité et les diverses factions composant la cour
rivière, sur laquelle sont bâtis de nombreux quais et pon- luttent activement pour qu’y soit nommé l’un des leurs. C’est
tons reliés aux docks des quartiers-sud. Enfin, quatre actuellement Chao Guang, un partisan de la vieille aristocra-
imposantes portes placées en fonction des points cardinaux tie, qui occupe cette fonction.
permettent d’entrer dans la capitale du Qin.
À l’intérieur de ses murs, la cité se découpe en neuf Diriger une ville comme Xianyang (sans compter
grands quartiers qui sont eux-mêmes entourés de murs percés les terres alentour) est une tâche d’une ampleur rare. Capitale
de nombreuses portes. Divisés à leur tour en secteurs séparés bouillonnante d’activité, la ville doit être tenue d’une main
entre eux par de vastes rues droites et pavés, les quartiers de de fer afin de rester la vitrine de la politique légiste voulue
Xianyang sont tous dédiés à une activité ou un type de popu- par le Roi et ses ministres. Aussi le gouverneur dispose de
lation et ce découpage permet aux troupes chargées de faire neuf magistrats pour l’assister dans sa mission.
respecter l’ordre de mieux contrôler la foule. Quant aux sec- Chaque magistrat est nommé à la tête d’un quar-
teurs formant les quartiers, ils sont organisés de façon plus tier, qu’il administre comme une véritable ville indépen-
anarchique, et peuvent parfois présenter la forme d’un vérita- dante en travaillant en bonne intelligence avec ses
ble dédale de ruelles et d’impasses. Cet état de fait, qui peut confrères et en rendant compte au gouverneur régulière-
sembler en contradiction avec la nature toute légiste de la cité, ment. Cette division du travail permet une centralisation
11
est dû à l’afflux massif de migrants et à la construction hâtive locale du pouvoir entre les mains des magistrats, qui eux-
de bâtiments pour les loger et éviter le vagabondage, bâtiments mêmes sont soumis à l’autorité de leur gouverneur. Celui-
qui s’avèrent souvent de piètre qualité et construits en dépit des ci, ainsi déchargé, peut se concentrer sur la gestion de la
règles d’architecture édictées par les autorités du Qin. commanderie et de la cité dans sa globalité, comptant sur
ses magistrats pour régler les particularités et problèmes
Les quartiers de Xianyang sont les suivants : spécifiques de chaque quartier.
1 Quartier bourgeois Situé juste en-dessous du poste de gouverneur
2 Quartier marchand et artisan dans la hiérarchie, l’octroi des places de magistrat fait éga-
3 Quartier des docks lement l’objet d’une âpre lutte d’influence, non seulement
4 Cité royale dans les hautes sphères du pouvoir mais également au
5 Quartier administratif niveau du peuple lui-même. En effet, afin d’éviter les trou-
6 Quartier ouvrier bles il est bien souvent tentant de nommer un notable
7 Quartier noble populaire comme magistrat de son quartier, mais le risque
8 Quartier universitaire est alors de concentrer entre les mains d’un seul homme un
9 Quartier des plaisirs trop grand pouvoir. En règle générale, la cour préfère que
le gouverneur choisisse ses magistrats parmi les fonction-
Hors les murs, se trouvent également de nom- naires assermentés mais il arrive à l’occasion que
breux faubourgs dans lesquels s’entassent tous ceux qui quelques-uns d’entre eux soient issus du peuple lorsque le
n’ont pas les moyens de s’installer en ville. Le gouverneur besoin s’en fait sentir (ou que les notables du quartier
fait tout son possible pour décourager cela et régulière- concerné possèdent d’une influence économique et poli-
ment, les troupes de la cité sortent pour raser ces construc- tique suffisante pour cela).
tions illégales. Bien entendu, le gouverneur et les magistrats dis-

Administration de la ville
posent de toute une armée de fonctionnaires à leur service.
Scribes, juristes, comptables et assistants forment ainsi les
besogneux rouages d’une bureaucratie se voulant parfaite-
ment efficace, juste et équitable dans son fonctionnement.
Conflits d’intérêt et luttes d’influence ne sont pas rares
parmi ces fonctionnaires du rang, chacun espérant se faire
Du fait de sa taille et de la densité de sa popula- remarquer par son travail ou sa loyauté afin de monter en
tion, Xianyang ne peut être administrée comme une cité grade dans la grande pyramide de l’Etat.

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Le maintien de l’ordre.
La gestion des ordures
Une cité de la taille de Xianyang nécessite une
force de police considérable pour y maintenir l’ordre. Dans une ville comme Xianyang, des
C’est à l’armée qu’échoit la tâche de faire la tonnes d’ordures domestiques sont produites
police dans les rues de la capitale. Pas moins de quatre chaque jour. Au sein de chaque secteur de
divisions, représentant plus de douze mille hommes, sont chaque quartier se trouve donc un terrain
ainsi réparties dans Xianyang. À la tête de ces divisions se vague servant de décharge dans laquelle les
trouve le gouverneur militaire de la ville qui distribue ses habitants viennent déverser leurs déchets. Des
forces armées de manière stratégique entre les différents éboueurs, recevant une obole des autorités,
quartiers. En général, on trouve une brigade par quartier, sont alors chargés de convoyer ces détritus à
commandée par un officier chargé de travailler en bonne l’extérieur de la cité. Les ordures sont alors
entente avec le magistrat local. La caserne est ainsi le plus considérées comme leur propriété ; certains
souvent située au voisinage du bureau de celui-ci pour d’entre eux les vendent comme engrais aux
faciliter les relations et rendre la collaboration judiciaire paysans des alentours tandis que d’autres récu-
plus efficace. pèrent et réparent les objets cassés pour les
Ces troupes peuvent se voir renforcées en cas de revendre sur les marchés.
besoin par les garnisons stationnées à l’extérieur de la ville
et sur tout le territoire de la commanderie.

Les militaires des brigades de police, devant assu- Le système judiciaire


rer une mission non seulement de maintien de l’ordre mais
également d’enquête lorsque nécessaire, possèdent des
compétences diverses en fonction des tâches qui leurs sont Si le maintien de l’ordre est une affaire presque
assignés. exclusivement militaire, la gestion des suites judiciaires
Les soldats de base patrouillent dans les rues afin reste la chasse gardée des fonctionnaires civils.
de veiller à ce que le calme règne. Ils doivent arrêter les Le relais se fait en général lors des enquêtes
mendiants, vagabonds et fauteurs de trouble et sont autori- menées par les officiers, lesquels sont en général accompa-
sés à contrôler l’identité des passants et à procéder à des gnés par des juristes qui veillent à ce que la législation soit
12 fouilles corporelles. Il est également de leur ressort de met- toujours respectée durant leurs investigations, en accord
tre fin aux rixes ou esclandres publiques, qu’ils découra- avec la doctrine légiste d’égalité de tous devant la loi. Les
gent bien souvent par leur simple présence. Ces patrouilles rapports d’enquête sont formalisés avec l’aide de scribes
se composent de cinq soldats, dont un sous-officier. Ils rompus à l’utilisation du vocabulaire juridique et remis
sont armés de hallebardes ge et d’épées, et au moins deux sous forme de dossier au magistrat ou aux juges qui l’as-
d’entre eux portent une arbalète. Ils sont protégés par une sistent dans cette tâche.
armure de cuir légère. Ces soldats du rang forment l’essen- Les contrôleurs des décès, généralement des
tiel des forces de police visibles de la ville, celles que les médecins de quartier arrondissant leurs fins de mois par ce
citoyens sont amenés à croiser le plus souvent. biais, assurent quant à eux les autopsies pouvant fournir
d’éventuels indices. Les rapports qu’ils écrivent sont joints
Les officiers dûment mandatés par le magistrat à ceux liés à l’affaire concernée afin de former un dossier
ont quant à eux toute autorité pour mener des enquêtes judiciaire permettant le jugement équitable des accusés.
judiciaires, assistés des juristes au service de l’administra- Presque chaque jour se tiennent ainsi des séances
tion. Ils peuvent ainsi être amenés à procéder à des perqui- du tribunal, ouvertes à tous, au cours desquelles sont
sitions, à saisir des preuves, à mettre des suspects en pri- jugées des dizaines d’affaires. Grâce aux dossiers dont ils
son, à mener des interrogatoires, etc. Ils ont ainsi un rôle disposent et à la philosophie légiste de non-interprétation
d’inspecteurs, chargés en cas de crimes de mener à bien les de la loi, les juges peuvent traiter de nombreux cas à
investigations afin de démasquer les coupables et de chaque session. Les accusés sont mis devant les faits ; en
découvrir le fin mot de l’affaire. cas d’aveu de leur part, la sentence est appliquée immédia-
tement mais s’ils refusent de reconnaître leur culpabilité,
Enfin, des militaires, soldats comme officiers, des séances de bastonnade et de torture permettent de les y
sont entraînés à la lutte contre les incendies. Ils appren- contraindre. Chaque accusé a néanmoins le droit de plaider
nent au cours d’une formation rigoureuse auprès d’ingé- sa cause, ou de la faire plaider par un tiers, afin éventuel-
nieurs civils comment organiser la population, comment lement d’alléger le châtiment en présentant circonstances
mettre en place un cordon, comment circonscrire un feu, atténuantes ou actes de contrition.
comment faire évacuer des bâtiments en voie d’effondre-
ment, etc. Particulièrement populaires auprès des Chaque citoyen de Xianyang est autorisé à se ren-
citoyens de la ville et reconnaissables au brassard rouge dre au bureau du magistrat pour y déposer plainte ou
qu’ils arborent autour du bras droit, ces soldats du feu demander le jugement d’une cour de justice. Un scribe
exercent un métier dangereux pour lequel ils touchent prend alors son témoignage et enregistre toutes les pièces
une double-solde. que le plaignant juge utile de produire pour étayer sa ver-
sion des faits. Le dossier est transmis à un juge qui traite

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Xianyang, capitale du Qin

l’affaire, convoquant lors de la session le plaignant et les


parties éventuellement incriminées. Des témoins peuvent
être appelés durant le jugement afin de plaider pour un
camp ou l’autre et le juge tient compte de tous les éléments Porter une arme à Xianyang
en sa possession pour trancher et rendre son verdict.
Les faux-témoignages sont sévèrement punis. Au Qin, seuls les militaires sont nor-
Ainsi, porter envers autrui de fausses accusations expose le malement autorisés à porter lance et épée. Tout
délateur à subir un châtiment au moins égal à celui encouru autre citoyen pris en possession d’une arme se
pour le crime imaginaire dénoncé… voit immédiatement condamné à mort ou dans
le meilleur des cas, aux travaux forcés.
Cependant, il existe des exceptions
notables. Du fait de leur influence, les mar-
chands ont pu faire édicter un décret assouplis-
La criminalité
sant légèrement cette loi absolue. Ainsi, il est
La machine judiciaire impitoyable du Qin et la désormais possible à un citoyen de faire une
froide efficacité de ses forces armées et policières font du demande d’autorisation de port d’arme aux pou-
Royaume légiste le pays dans lequel la criminalité est la voirs locaux, pour lui et certains de ses
plus faible. Et cela est particulièrement vrai à Xianyang, employés. Il doit alors déclarer son identité et
ville ayant la réputation d’être la plus policée du celle des hommes pour qui il fait la demande,
Zhongguo… ainsi que donner un inventaire précis des armes
portées par ceux-ci et préciser la raison de sa
Toutefois, qu’il lui soit difficile de survivre ne demande. Si celle-ci est acceptée, le bureau du
signifie pas que la criminalité a totalement disparu de la magistrat remet à chaque homme une plaque de
capitale… La malhonnêteté est profondément chevillée au bambou comportant son nom et les armes qu’il
corps de nombreux hommes et leur malveillance trouve est autorisé à détenir sur lui ; ce permis doit être
toujours un moyen pour s’exprimer d’une manière ou présenté lors de chaque contrôle afin d’éviter
d’une autre. d’être traité comme un criminel.
Ainsi, au sein de Xianyang, la pègre a dû évoluer Si le détenteur d’un tel document
et s’adapter pour ne pas disparaître. Point de cour des mira- venait à commettre un crime au Qin, non seule-
cles dans l’enceinte de la cité (les patrouilles veillant à ment lui mais également le citoyen ayant fait la
embarquer vagabonds et traîne-savates), mais un contre- demande en son nom seraient arrêtés et jugés,
pouvoir économique frauduleux très fort. En effet, la avec circonstances aggravantes. Autant dire que 13
presque totale déchéance de l’antique noblesse du Qin a les marchands qui font de telles demandes pour
laissé l’opportunité à une classe de riches marchands et leurs gardes du corps et surveillants d’entrepôts
propriétaires fonciers d’acquérir par leur fortune une n’embauchent que des hommes dont la moralité
influence majeure dans le pays. Ne faisant pas partie de la est sûre… our des raisons évidentes, un homme
caste des lettrés ou du fonctionnariat, il leur est difficile ayant déjà été reconnu coupable d’un crime
d’exercer un pouvoir politique direct, aussi sont-ils obligés quelconque ne peut se voir délivrer une telle
de verser pots-de-vin et dessous-de-table afin d’infléchir la autorisation de port d’arme.
volonté de nombre de dirigeants en leur faveur… Bien que
la majorité des fonctionnaires du Qin soient d’une honnê-
teté scrupuleuse, certains se laissent ainsi facilement ache-
ter et c’est via cette corruption de plus en plus présente que La mutation de la pègre citadine n’a évidemment
la nouvelle classe bourgeoise s’impose petit à petit comme rien changé aux besoins des nouveaux parrains en hommes
une force avec qui compter. de main sans scrupules. Il existe ainsi des bas-fonds à
Bien sûr, ces nouveaux riches ne peuvent pas Xianyang, dans lesquels vit la lie de la société : malan-
compter uniquement sur leur argent, il leur faut aussi drins, coupe-jarrets et tueurs hantent les ombres, la plupart
acquérir une crédibilité en tant que représentants du peuple du temps dans le quartier ouvrier ou aux docks. S’étant
pour convaincre les autorités de la justesse de leurs reven- approprié certains secteurs sombres et tortueux de ces
dications. Cette crédibilité est bien souvent gagnée en lieux, ils y vivent sans faire de vagues, sachant comment
exerçant diverses pressions et chantages sur les gens du ne pas attirer l’attention des patrouilles sur leur cas. Ainsi
peuple. Ainsi, un artisan pourrait se voir menacé de perdre la plupart d’entre eux exercent officiellement un métier
un important client s’il ne votait pas en faveur de la motion parfaitement honorable qui leur sert de couverture afin de
présentée par tel puissant marchand lors de la prochaine tromper l’administration. Ces professions fictives leur sont
réunion de la guilde de quartier… Ou tel ouvrier populaire fournis par leurs employeurs, qui attendent cependant
risquerait de voir ses filles et sa femme enlevées et ven- d’eux qu’ils exercent des talents autres que ceux d’ouvriers
dues à une maison de passe s’il ne cessait de s’opposer aux ou métayers…
vues des propriétaires fonciers de son quartier. Ces Ces êtres sans foi ni loi se limitent généralement
menaces ne sont bien sûr jamais directes afin que personne à exécuter les basses œuvres des parrains de la pègre (pas-
ne puisse présenter de preuves de ces malversations devant sages à tabac de contestataires, enlèvements, surveillance,
les tribunaux, mais les parrains de cette nouvelle pègre vols parfois et assassinats en dernier recours), et ceux
savent parfaitement faire passer leurs messages… d’entre eux qui se risquent à travailler pour leur propre

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compte, risquant d’attirer l’attention des autorités sur l’en- Effet : (défense) Se servant de ses deux bâtons pour bloquer
semble de leur population, sont le plus souvent éliminés le coup adverse, le personnage peut ensuite garder son
discrètement afin d’éviter les problèmes. ennemi à sa merci et se servir de lui comme bouclier. S’il
réussit son Test de Défense active, son adversaire sera bloqué
Ainsi, bien que Xianyang soit la ville la plus sûre par ses bâtons et au cours de ses actions suivantes, le person-
de tous les Royaumes combattants, cela ne signifie aucu- nage se verra octroyer un bonus à sa Défense passive et à ses
nement que le crime en soit totalement absent. Plus discret, éventuels Tests de Défense active égal au niveau de Métal de
plus retors et donc d’autant plus dangereux, il est toujours son adversaire, tant que celui-ci restera bloqué. Il peut tenter
présent et celui qui se trouve dans son collimateur a encore de se dégager en remportant un Test en Opposition (qui
moins de chances qu’ailleurs de lui échapper car au Qin, la compte comme une action) de Métal contre le personnage ou
pègre n’agit que lorsqu’elle est sûre que sa proie ne peut tout simplement en lâchant son arme.
lui échapper… Effets secondaires : Le personnage semble capable de
déplacer aisément son adversaire, lui imposant ses dépla-
cements avec une facilité déconcertante.
Le style du Double-bâton des Bas-fonds Disperser la Foule sans Visage
(Bàngshù (xiao bàng)) Pré-requis : Bàngshù Maître, Manœuvres Coup double,
Assommer et Harcèlement, Tao des Dix Mille Mains 4,
Tao du Souffle destructeur 3
Histoire : À Xianyang, les hommes de main ne peuvent Coût en Chi : 7
guère porter d’arme. Du fait des missions qui leurs sont Effet : (attaque) Le personnage se sert de ses deux bâtons
confiées, il est évident que leurs employeurs ne peuvent pour porter de nombreuses attaques et mettre hors de com-
faire une demande de permis de port d’arme pour eux. Et bat plusieurs adversaires. En une action, il peut effectuer
si les plus téméraires usent de poignards et de dagues, la autant d’attaques que son niveau d’Eau ; il doit alors faire
grande majorité a adopté le bâton court comme arme de un Test d’attaque pour chaque coup. Si le coup touche et
prédilection. En effet, il combine de nombreux avantages que ses dégâts sont égaux ou supérieurs à la Résistance de
: taillé dans un bois solide il fait une redoutable matraque, la cible, celle-ci est assommée pour (6 – Terre) minutes.
de petite taille il est aisé à dissimuler dans la ceinture ou Effets secondaires : Le personnage semble brandir une
les manches d’un chang pao, simple morceau de bois on demi-douzaine de courts bâtons quand il se lance à l’attaque.
peut s’en débarrasser discrètement en le jetant dans le cani-
veau, etc. Ainsi, presque tous les criminels hantant les bas-
14 fonds de Xianyang se servent du bâton court, manié par
paire, comme arme. Et les plus doués d’entre eux savent
les utiliser avec la dextérité que confèrent les techniques de
ce style de combat…

Base : Le personnage portant ces bâtons courts met l’ac-


Le quartier
cent sur la discrétion. Lorsqu’il est contrôlé par une
patrouille, les soldats de celle-ci ne peuvent jamais savoir
qu’il porte une arme (il a su dissimuler les bâtons sur lui,
bourgeois
les a présentés comme de simples outils, a pu discrètement
les déposer au sol, etc.).
Situé au nord-ouest de Xianyang, il s’agit du quar-
La Peur qui monte des Abysses tier dans lequel vit la grande majorité des personnages les
Pré-requis : Bàngshù Confirmé, Intimidation Confirmé, plus riches et économiquement influents du Qin. Enjeu d’une
Manœuvre Charger, Tao de la Présence sereine 3 lutte feutrée entre les détenteurs de cette influence et les puis-
Coût en Chi : 5 sants fonctionnaires de la cour, le quartier bourgeois est
Effet : (attaque) Lorsque l’homme du commun voit le devenu le siège d’un contre-pouvoir gagnant chaque jour
personnage brandir ses deux bâtons, la peur s’empare aus- plus de terrain sur l’échiquier politique de la ville…

Vue d’ensemble
sitôt de lui car il sait à qui il a affaire… Il écope ainsi d’un
malus à sa Défense passive et à son éventuel Test de
Défense active égal au Niveau d’Intimidation du person-
nage, et ne peut jamais avoir l’initiative sur lui.
Effets secondaires : Une grimace menaçante déforme les
traits du personnage.
À l’exception du quartier noble et bien sûr de la
Bloquer la Lame de la Justice Cité royale, le quartier bourgeois est le plus luxueux et le
Pré-requis : Bàngshù Expert, Manœuvres Parade totale et plus beau de toute la ville.
Double parade, Tao du Bouclier invisible 3, Tao du Corps Ses avenues, délimitant les différents secteurs,
renforcé 2 sont larges et pavées, permettant à deux chariots d’y cir-
Coût en Chi : 4 culer de front. Les rues qui serpentent au sein des sec-
teurs eux-mêmes sont également parfaitement entrete-

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Xianyang, capitale du Qin

Fonctionnement
nues, majoritairement pavées même si quelques-unes
parmi les plus étroites ne sont guère plus qu e des che-
mins de terre battue. Certaines voies de circulation parmi
les plus importantes sont même abritées sous un toit de
bois huilé, afin que les promeneurs puissent s’abriter de
la pluie ou du soleil.
Le magistrat
De nombreux parcs fleuris agrémentent le quar-
tier et flattent le regard du badaud, tandis que des places au Depuis des années, la faction bourgeoise qui
sol de marbre permettent à ses habitants de se réunir pour domine le quartier utilise toute son influence auprès du 15
débattre ou dresser des banquets à la belle étoile en été. gouverneur pour qu’y soit nommé comme magistrat l’un
Des spectacles de rue, organisés par de célèbres artistes et des notables locaux. Peine perdue pour le moment, Chao
bateleurs, peuvent également y prendre place et attirent Guang refuse de se plier à cette demande ; en tant que
toujours un vaste public friand de divertissement. membre d’une vieille famille aristocratique, il n’éprouve
Les remparts Nord et Ouest sont rigoureusement que mépris pour ces parvenus qui tentent de l’influencer. Il
entretenus, de même que les murs qui séparent le quartier a ainsi préféré nommer un jeune fonctionnaire prometteur
des autres parties de la ville. De larges portes de bois ren- à ce poste, espérant que par son zèle, celui-ci combatte le
forcées de bronze restent ouvertes toute la journée pour pouvoir grandissant de la bourgeoisie de Xianyang.
permettre une abondante circulation (régulée cependant) et Mais les choses ne se déroulèrent pas comme pré-
sont closes et sévèrement gardées la nuit afin de préserver vues. Si Cui Huang essaya bien au début de sa carrière de
la tranquillité du quartier. suivre les recommandations de son gouverneur, il se rendit
très vite compte que la réalité des jeux de pouvoir du quar-
On y trouve les demeures des personnes les plus tier dépassait largement ses compétences. Incapable de
fortunées du Royaume, aussi est-il parsemé de vastes vraiment s’opposer efficacement aux riches bourgeois, il
manoirs ou de grandes maisons entourées d’un jardin amé- finit peu à peu par jeter l’éponge et se contenta d’assurer le
nagé. Chacune de ces résidences est entourée d’un haut travail administratif en abandonnant le combat politique…
mur d’enceinte car les riches et puissants aiment préserver Cette première étape franchie, la faction bour-
leur intimité et préfèrent s’assurer que nul ne puisse venir geoise décida de passer à la suite : corrompre le jeune
pénétrer leurs secrets. Ici, chaque maison est aussi étendue magistrat désabusé afin de s’en faire un allié, ou tout du
qu’un secteur entier dans un autre quartier ; les bourgeois moins un obligé… Cette corruption resta discrète et ne prit
habitent ainsi d’immenses propriétés dans lesquelles ils donc pas la grossière forme de généreux pots-de-vin ; au
logent également leurs serviteurs les plus proches et sur- départ ce furent surtout de simples faveurs ou coups de
tout leurs fidèles gardes du corps ou hommes de main. pouce qui furent accordés à Cui Huang, facilitant son tra-
Les demeures les plus grandioses, presque aussi vail et lui permettant d’obtenir des félicitations de ses
impressionnantes que des palais, sont situées dans les sec- supérieurs. Puis divers présents à l’occasion de fêtes et
teurs qui longent le rempart Nord de la ville et le mur est célébrations le mirent peu à peu en confiance et enfin, les
qui sépare le quartier de la Cité royale. Y vit la plupart des bourgeois lui offrirent même quelques-unes de leurs filles
dirigeants de la faction bourgeoise de Xianyang, ceux-ci se cadettes comme concubines. Se croyant favorisé par le
rencontrant alternativement chez les uns et les autres lors Ciel, Cui Huang ne comprit que trop tard dans quel piège
de leurs réunions. il était tombé. Quand il lui fut demandé d’appuyer cer-

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taines des revendications de la faction bourgeoise auprès Ainsi, la police urbaine du quartier bourgeois voit
du gouverneur, il prit alors la mesure de la légèreté dont il son rôle limité aux patrouilles quotidiennes et à la surveil-
avait fait preuve. Mais empêtré dans un réseau inextricable lance des portes le séparant des autres parties de la ville. Si
d’obligations, il lui est désormais impossible de se sous- peu de crimes sont commis ici qu’on ne trouve guère d’of-
traire à l’influence que les habitants du quartier exercent ficiers à la caserne locale et être muté dans le quartier bour-
sur lui s’il ne souhaite pas que son incompétence soit geois est vécu comme une sinécure par la majorité des sol-
dévoilée au gouverneur… dats. D’autant que la bourgeoisie se montre souvent géné-
reuse à l’égard des courageux militaires qui assure sa sécu-
rité, leur versant primes et gratifications et ne demandant
La faction bourgeoise en échange que de petits services sans conséquences
(comme ne pas inspecter à fond tel chariot entrant dans le
quartier ou laisser ouverte une porte à la nuit tombée)…
Réunissant les habitants les plus riches et Afin de garder une indépendance de fonctionne-
influents du quartier, ce groupe de pression organisé ment dans son propre quartier, la guilde a mis en place une
comme une guilde s’est donné comme but d’acquérir le milice privée composée de divers guerriers engagés afin de
pouvoir politique qui lui fait défaut dans un Royaume gou- servir ses intérêts. C’est cette désormais puissante milice
verné par le légisme. qui surveille les intérêts du quartier et parfois exécute les
L’objectif à moyen terme est de s’approprier toute basses œuvres de ses habitants. Pour lui donner un cachet
la partie Ouest de la ville pour en faire le siège de sa future officiel, les bourgeois fournissent à leurs hommes un uni-
puissance bureaucratique et économique, afin qu’à plus forme et des armes dûment approuvées par le magistrat.
long terme soit reconnue la réalité de son influence au sein Les miliciens ne sont cependant pas des soudards : afin de
du Qin. Après tout, ses membres ne sont-ils pas les artisans ne pas attirer l’attention et gâcher ses projets, la guilde
de la richesse du pays, eux les propriétaires fonciers, riches attend d’eux qu’ils se comportent avec discipline et
marchands et gestionnaires des meilleures industries de loyauté et ne créent pas de problèmes. Pour cela, elle les
tout le Zhongguo ? Et surtout, l’exemple de Lu Buwei, paie généreusement et leur fournit divers avantages
marchand devenu régent du Qin, ne légitime t’il pas leurs (comme un droit d’entrée permanent dans quelques mai-
revendications ? sons de passe du quartier des plaisirs) et n’hésite jamais à
Les méthodes d’action de la faction bourgeoise châtier sévèrement les fauteurs de trouble (allant jusqu’à
sont diverses mais reposent presque toutes sur une utilisa- faire exécuter les plus incontrôlables).
tion pertinente et discrète de l’argent. Dessous-de-table, Au départ, le gouverneur était plus que réticent à
présents et même prêts sont pour elle des moyens de pres- l’idée de laisser un quartier se doter de sa propre force de
16 sion efficaces qui lui permettent de prendre dans son filet police. Mais le magistrat Cui Huang lui présenta la chose
fonctionnaires avides, politiciens véreux, militaires cor- sous l’angle avantageux des économies réalisées par la ville
rompus, etc. Tissant un réseau de faveurs et d’obligations, en délégant le rôle de maintien de l’ordre à la milice. Ajouté
cette puissante guilde peut ainsi agir à bien des niveaux de à l’absence de trouble dans le quartier, cet argument convain-
l’administration du Qin. Naturellement, ces méthodes rap- quit le gouverneur, qui garde cependant un œil ouvert sur les
prochent beaucoup la faction de la pègre locale dont elle agissements de la milice du quartier bourgeois et se tient prêt
tient bien souvent les rênes, de façon discrète afin de ne à sévir au moindre problème. La discipline de fer imposée
pas se brûler les ailes. par la guilde bourgeoise a pour le moment permis d’éviter
Les chefs de la faction se réunissent toutes les d’attirer l’attention des autorités et c’est là une des plus
décades pour faire le point sur leurs opérations en cours et grandes avancées du grand projet de la faction.

Lieux d’importance
planifier les prochaines avancées de leur grand projet. Leur
hiérarchie repose sur un principe simple : les plus riches
sont les dirigeants de fait et ainsi, au sein même de la
guilde se livre un jeu de pouvoir qui bien souvent parasite
son fonctionnement…
Les marchands du Zhao sont en contact avec la
faction bourgeoise du Qin. Cependant, les dirigeants de Le centre du quartier
celle-ci préfèrent ne pas s’engager dans une alliance qui
risquerait d’être découverte par le Censorat : une entente
avec un Royaume, ennemi déclaré de leur patrie, pourrait En plein centre se situe le bureau du magistrat.
totalement compromettre leur organisation… Ce qui n’em- Vaste bâtiment dans lequel on trouve les nombreux tribu-
pêche pas Sung Cho-kuan d’envoyer régulièrement pré- naux, officines et cabinets dans lesquels travaillent les fonc-
sents et émissaires à Xianyang afin de plaider sa cause. tionnaires du quartier, il abrite également les appartements du
magistrat. Ceux-ci sont luxueux, reflétant ainsi la générosité
dont bénéficie Cui Huang de la part de ses administrés.
La milice privée Récemment agrandis pour pouvoir y loger ses nombreuses
concubines, ces appartements ressemblent finalement plus à
la demeure d’un riche propriétaire terrien qu’au logement
Afin de pouvoir administrer son quartier comme spartiate d’un scrupuleux fonctionnaire. Bien que Cui Huang
elle l’entend, la guilde bourgeoise fait son possible pour ait conscience de cela, il a pris goût au luxe et ne se sent pas
tenir à l’écart la garnison de la cité. prêt à renoncer aux richesses dont il s’entoure…

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Xianyang, capitale du Qin

Juste à côté du bâtiment abritant la magistrature se


trouve la caserne locale. Bien que vaste, celle-ci est peu peu-
L’école du quartier
plée et il n’y a guère qu’une petite dizaine d’officiers qui
s’occupent plus d’administration que de maintien de l’ordre Afin de faire bénéficier leurs enfants d’une édu-
ou d’enquêtes criminelles. Les soldats sont bien logés et cation de qualité et de leur faire tisser des liens d’amitié
n’ont pas à subir la promiscuité si courante habituellement entre eux (ce qui ne serait guère possible en faisant appel à
dans les baraquements militaires. Un certain laisser-aller des précepteurs), les bourgeois ont financé la construction
règne en ces lieux mais lors des inspections du gouverneur d’une école au sein du quartier. Celle-ci prend en charge
militaire de Xianyang, la discipline refait son apparition au les enfants âgés de dix ans jusqu’à l’âge de leur départ à
moins pour une journée… Le commandant Chin Luang l’université, et même les filles y sont admises (car une
(Renommée : 65) est l’officier ayant autorité sur la caserne. épouse éduquée est un présent de choix et particulièrement
Autrefois brillant soldat, il s’est peu à peu ramolli à force de utile pour étendre un réseau d’influence). Une fois leur
vivre dans ce quartier et son désœuvrement se mesure à son cursus au sein de l’école terminée, les élèves peuvent
tour de taille, bien peu digne d’un militaire du Qin… Au fil s’inscrire dans une université prestigieuse ou parfois
du temps, il est devenu très ami avec le magistrat et ils ont même débuter une carrière dans un autre pays avide de
pris l’habitude de s’enivrer ensemble le soir avant de se ren- recruter des ressortissants du Qin. Ainsi, c’est tout une
dre à la Maison des Déesses de Jade. génération de lettrés que s’emploient à former les bour-
Toujours au centre du quartier, la grand-place est geois de Xianyang, espérant qu’elle leur ouvrira les portes
le lieu des proclamations officielles et des exécutions des du pouvoir au Qin ou ailleurs.
sentences du tribunal (fort peu nombreuses ces derniers De nombreux professeurs, recrutés bien souvent au
temps…). S’y tient chaque décade un vaste marché, sur les Qi, sont payés à prix d’or pour y enseigner la calligraphie, le
étals duquel ne sont proposés que les meilleurs produits du calcul, l’histoire, la philosophie ou la politique. L’économie
Zhongguo : fruits exotiques du Chu, objets d’art venus du est également une matière importante dont l’enseignement
lointain Joseon, livres copiés par les scribes du Qi, che- est assuré par les scribes comptables employés par la guilde
vaux et bétail du Zhao, etc. Les épouses et servantes des bourgeoise. La bibliothèque de l’école regorge d’ailleurs
riches habitants du quartier viennent ainsi y faire leurs d’ouvrages économiques, forts rares dans le Zhongguo.
courses, s’approvisionnant avec ce que les Royaumes pro- Matière considérée comme vile et matérialiste par de nom-
duisent de mieux et de plus cher. breux penseurs, elle fit pourtant l’objet de quelques études
par les marchands et philosophes ayant vécu la transition
sociale permise par la mise à l’écart de la noblesse. Presque
Le quartier-général de la milice tous ces livres furent rachetés par l’école du quartier bour- 17
geois et ceux qui manquent encore font l’objet de tractations
acharnées avec leurs détenteurs.
Afin d’y loger ses nombreux hommes, la guilde
bourgeoise a fait bâtir dans le secteur Sud-Ouest de vastes
baraquements, organisés autour d’un terrain d’entraînement.
Très semblable à une caserne militaire, ce quartier-général
La Maison des Déesses de Jade
est cependant légèrement plus confortable. Ainsi, chaque
milicien possède sa propre chambre qu’il peut agrémenter à Vaste maison de courtisanes, elle est la seule de
son goût. Plusieurs cantines permettent de prendre ses repas tout le quartier et se situe dans le secteur Nord-Ouest.
à toute heure du jour et de la nuit, et la nourriture y est bonne. Dirigée par Madame Céleste (Renommée : 70),
Les magasins d’armes sont bien fournis et scrupuleusement une ancienne prostituée dont l’âge n’a que peu altéré la
tenus et inventoriés par plusieurs scribes rendant compte au beauté et ayant fait fortune en escroquant divers hauts
magistrat. Bref à tout point de vue, s’engager dans la milice personnages naïfs, la Maison des Déesses de Jade est ce
locale reste une bonne affaire pour peu que l’on soit prêt à qui se fait de mieux en la matière dans tout Xianyang –
obéir à la stricte discipline instaurée par son chef, le Dragon et peut-être même dans le Qin tout entier. Les courti-
sans Âge (Renommée : 45). sanes qui la peuplent, dont les plus prometteuses sont
De son vrai nom Li Sun-jian, ce dernier est un bien souvent rachetées dans le quartier des plaisirs de la
vieux wu xia, vétéran du jiang hu s’étant fait une flatteuse ville, sont toutes des femmes d’une grande beauté à
réputation au fil des années. Ayant dépassé la cinquantaine, l’éducation sans faille, versées dans des domaines aussi
l’offre que lui fit la guilde bourgeoise fut pour lui l’occasion divers que la danse, le chant et bien sûr l’art de la cham-
de se poser enfin et de terminer sa vie en gagnant honorable- bre à coucher. Leurs tarifs sont exorbitants, s’assurant
ment sa retraite. Il sait bien que la milice dont il est chargé du ainsi que seuls les hommes les plus riches et raffinés de
commandement est un outil au service de ses maîtres mais la cité puissent louer leurs services (bien que dans leur
pour le moment, ceux-ci ne lui ont jamais rien demandé de système d’échange de faveurs, les bourgeois du quartier
plus grave que de molester discrètement quelque opposant autorisent parfois leurs créanciers ou débiteurs à côtoyer
ou d’effrayer un débiteur sans le sou (des tâches que la pour une nuit une Déesse de Jade) et il arrive assez sou-
morale élastique du vieux guerrier ne réprouve guère), aussi vent qu’un client régulier rachète le contrat de sa proté-
s’estime t’il satisfait de son métier. Afin de ne pas risquer gée pour en faire sa concubine.
d’ennuis, il fait régner une discipline de fer parmi ses Tout ceci n’est bien sûr pas innocent. Madame
hommes, à qui il demande de l’appeler général, et n’hésite Céleste fait pleinement partie de la guilde bourgeoise et ses
jamais à faire un exemple d’un fauteur de troubles. filles lui restent dévouées même après leur rachat, lui per-

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mettant ainsi de mettre au service de la faction un réseau
de renseignement à la fois insoupçonnable et d’une effica-
Ding Jiang Cheng
cité redoutable. Plus d’un haut-fonctionnaire est ainsi
espionné dans son propre foyer par une concubine dont il Si Xianyang est sûrement la ville la plus policée
pensait s’être assuré de la fidélité en l’arrachant à la pros- du Zhongguo, elle n’en reste pas moins un endroit où les
titution (même de luxe). Madame Céleste se garantit la opportunités sont légion et où il est possible de faire for-
loyauté de ses filles par divers moyens allant du chantage tune quand on sait comment s’y prendre. Jiang Cheng l’a
à des méthodes plus coercitives – pouvant alors compter bien compris.
pour cela sur la milice privée du quartier… Originaire du Wei, ce négociant a découvert qu’il

Personnalités
existait une marchandise dont le commerce était particuliè-
rement fructueux mais à laquelle presque personne n’avait
pensé jusqu’à présent : l’argent. Ainsi, depuis son manoir
au cœur du quartier bourgeois, le vieil homme amasse dés-
ormais sa richesse en la distribuant, inventant la profession
d’usurier.
Cui Huang Adipeux et à la vue basse, ce n’est pas que pour
son physique disgracieux que ses clients apprécient peu
d’être vus en sa présence. Des plus hauts fonctionnaires de
Bien qu’encore jeune, Cui Huang est un homme la cour (y compris le ministre Cao Xin Fang) aux classes
usé et vieilli avant l’âge. moyennes de Xianyang, nombreux sont ceux qui font
Plus jeune fils d’une famille aisée de la comman- appel à ses services, s’endettant toujours un peu plus. Pour
derie de Quren, il monta à la capitale et y fit des études suf- les plus démunis, Ding Jiang Cheng s’est arrangé avec de
fisamment brillantes pour être remarqué par le gouverneur nombreux petites frappes ou gardes de la cité (dont Ju Lian
de Xianyang en personne. Celui-ci le recruta parmi ses Wei) pour s’assurer de toujours récupérer ce qu’on lui doit.
fonctionnaires et Cui Huang commença à grimper peu à Avec les puissants par contre, il doit s’assurer sans cesse de
peu au sein de la hiérarchie bureaucratique. La consécra- faire assez de cadeaux pour que son établissement, certes
tion vint enfin quand, à moins de trente ans, il se vit légal, reste ouvert et prendre assez de précautions pour
nommé magistrat du quartier bourgeois de Xianyang… qu’un haut-fonctionnaire ou un eunuque ne décide pas
qu’il vaille mieux le faire tuer ou l’exiler plutôt que de le
Au début, le poste lui sembla fait pour lui : rembourser. Aussi, l’usurier si affable possède en fait de
ayant grandi dans une riche propriété, il pensait être à
18 même de comprendre les habitants du quartier et de se
très nombreux moyens de pression sur une grande partie
des habitants du palais, et presque autant d’amis dévoués
faire accepter par eux. Ce qui, en apparence, fut le cas : mais très peu sincères.
les marchands et gérants l’assurèrent de leur bonne Désormais, il envisage de construire des établis-
volonté, l’invitèrent à des réceptions et se montrèrent sement similaires dans les autres Royaumes, mais certains
plus que coopératifs lorsqu’il fallut régler certains litiges parmi les gens de pouvoir voient d’un très mauvais œil de
administratifs. Mis en confiance, Cui Huang ne comprit faire profiter le reste du Zhongguo de cette invention éco-
que trop tard qu’il se trouvait pris dans la toile de l’arai- nomique.
gnée qu’est la guilde bourgeoise. Peu à peu, il prit la Depuis son installation à Xianyang, Jiang Sheng
mesure des enjeux au centre de la lutte politique qui se fait partie de la guilde bourgeoise de la ville au sein de
jouait dans son quartier et se sentit dépassé. Comprenant laquelle il s’est hissé de plus en plus haut au point d’en être
qu’il n’était guère plus qu’un pion entre les mains du dorénavant l’un des dirigeants.
gouverneur et des bourgeois, il décida de se replier sur le Renommée : 90
simple travail bureaucratique et préféra laisser les puis-
sants se débrouiller entre eux. Mais la guilde bourgeoise
ne l’entendit pas de cette oreille et rappela au jeune
magistrat tous les cadeaux dont il avait bénéficié à son
Heng Hun
arrivée dans le quartier : devenu l’objet d’un chantage
qui ne dit pas son nom, il se voit obligé de rendre divers Heng Hun est l’un des hommes les plus riches de
« services » à la guilde, en échange de quoi son incom- Xianyang, et de fait l’un des dirigeants de la guilde bour-
pétence continue à être cachée au gouverneur… geoise. Gérant d’une fonderie de première importance
Mais Cui Huang n’en peut désormais plus. Sa pour la logistique tant civile que militaire de la ville, il
conscience le tenaille mais surtout la peur de ce qu’il jouit à la fois d’un prestige certain et d’une fortune colos-
adviendrait si le gouverneur apprenait sa légèreté et sa cor- sale que diverses malversations viennent encore augmen-
ruption l’empêche de dormir la nuit, le tenant éveillé ter. Ainsi, de nombreux employés de sa fonderie ne sont
jusqu’à l’aube. Il essaie d’oublier ses soucis en allant pas des ouvriers libres mais des hommes obligés de payer
presque chaque soir à la Maison des Déesse de Jade mais ainsi une dette insolvable contracté auprès de Ding Jiang
pour tous, il paraît évident que le magistrat est de santé Sheng : l’usurier et Heng Hun ont passé un fructueux
déclinante… De plus en plus, Cui Huang pense à écrire accord dont ils se partagent les bénéfices en toute quiétude.
une lettre de confession au gouverneur avant de se trancher Plus retors encore, il a conclu un marché avec quelques
la gorge de honte. officiers de la garnison de Xianyang pour leur racheter des
Renommée : 50 forçats issus des nombreuses rafles menées dans la ville.

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Xianyang, capitale du Qin

Ding Jiang Cheng

Bien que dans les affaires Heng Hun soit un En effet, si Shangxiang est certes une enfant gâtée
homme sans pitié, un fauve avide et carnassier, il est un qui ne boude pas les joies simples de la vie, elle est avant
domaine dans lequel il devient le plus doux des hommes : tout une jeune femme énergique, sûre d’elle et de ses
lorsqu’il passe du temps avec sa fille Shangxiang. convictions. Elle fait régulièrement l’admiration de ses
L’aimant plus que tout, il la couvre de cadeaux et ne lui amies qui ne partagent pas sa hardiesse, à tel point que cer-
refuse rien, lui passant tous ses caprices sans hésiter un taines d’entre elles se voient interdire de la fréquenter par
seul instant. Incapable de faire preuve de mesure, il ne se leur mari. Mais elle est surtout connue pour ses qualités de
rend pas compte que son comportement commence à faire cœur et son refus profond et sincère de l’injustice.
jaser en ville… En effet, Heng Hun n’a encore jamais Beaucoup d’ailleurs sont convaincus qu’elle ne saurait être 19
donné son accord à aucun prétendant de sa fille, la trouvant la fille de son père tant ils semblent différents là-dessus et
trop jeune pour se marier bien qu’elle soit désormais âgée il y a fort à parier qu’elle réagirait très violemment si elle
de plus de vingt ans. Pourtant au fond de lui, il sait pour- apprenait ne serait ce qu’une partie des « arrangements »
quoi il ne souhaite pas la voir s’éloigner de lui… il sait que de Heng Hun.
l’amour qu’il lui voue est bien différent de celui qui devrait Mais elle a bien d’autres soucis en ce moment.
unir un père à sa fille… et il sait qu’un jour, malgré toute Depuis peu, elle fait des rêves récurrents où elle se voit
sa volonté, il accomplira un acte odieux, réprouvé même dans une mare de sang en train d’avoir une relation intime
par les dieux. Ce n’est que lorsqu’il se perd dans ses avec une autre femme, avant que cette dernière ne se
affaires qu’il parvient à oublier cette envie contre-nature, change subitement en un homme dont elle ne souvient
et plus elle le taraude plus il passe de temps à sa fonderie… guère que des lèvres et de leur couleur, un rouge particu-
Au point que se sentant délaissée, c’est Shangxiang elle- lièrement intense. Shangxiang en ignore la signification
même qui réclame à le voir souvent et vient lui rendre mais elle s’inquiète de faire ce rêve de plus en plus souvent
visite même à son bureau… et est persuadée qu’il ne présage rien de bon. Ne sachant ni
Renommée : 105 l’interpréter ni s’en débarrasser, elle cherche à prendre dis-
crètement contact avec des taoïstes.
Renommée : 20
Heng Shangxiang
Ji Wen
De prime abord, on pourrait croire que Heng
Shangxiang n’est qu’une de ces filles de bonne famille
gâtées par la vie et à qui il n’arrive jamais rien de grave. A Etrange destin que celui de Ji Wen. Médecin au
l’âge où nombre de ses amies sont déjà mariées, elle mène Han dont il est originaire, il y connut la gloire et la fortune
une vie relativement insouciante grâce à la fortune de son lorsqu’il fut nommé à la cour royale. Mais sa relation un
père, Heng Hun, qui la chérit plus que tout au monde. Mais peu trop intime avec l’épouse d’un courtisan en vue causa
la situation ne plait guère à sa mère qui commence à pren- sa perte : il dut s’exiler et erra quelque temps avant de
dre ombrage de tout cela et à lui reprocher sa frivolité et rejoindre Xianyang. Mais les autorités refusèrent de vali-
son ingratitude à ne pas chercher époux.. Elle aurait pour- der son diplôme et il ne put jamais y exercer son métier
tant largement de quoi être fière de sa fille qui semble ras- (les relations tendues entre les deux Etats à l’époque expli-
sembler toutes les qualités : belle, cultivée, enjouée, res- quent peut-être ce fait).
pectueuse, en bonne santé…

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Vue d’ensemble
Condamné à la misère ou à un nouveau départ, il
ne dut son salut qu’à l’aide d’un compatriote exilé tout
comme lui. Cet homme déjà âgé tenait un atelier d’embau-
meur et engagea Ji Wen pour le seconder. Il mourut deux
ans plus tard, sans famille, léguant à l’ancien médecin sa Le quartier marchand et artisan, situé au centre-
boutique. Ji Wen laissa derrière lui la médecine pour se Ouest de Xianyang, est un quartier de contrastes.
consacrer alors aux défunts. La partie Sud est consacrée à d’immenses entre-
Installé depuis dix ans dans le quartier bourgeois, pôts dans lesquels les débardeurs du quartier des docks
il bénéficie d’une clientèle aisée et qui fait confiance à sa rangent les multiples denrées et matières premières livrées
réputation. À tort. par bateau. Par la grande porte ouest de la ville, sont éga-
Ji Wen n’a jamais été très regardant sur la morale, lement livrés d’autres produits et divers manutentionnaires
mais depuis sa déchéance les scrupules ont cessé de l’em- gagnent leur vie, au gré des arrivées, en transportant de
pêcher de dormir. Lorsque, il y a deux ans, un homme lourdes caisses et ballots vers les entrepôts où des contre-
encapuchonné vint le voir à la nuit tombée, il fut d’abord maîtres leur indiquent comment décharger leur fardeau
surpris par sa proposition. L’homme au visage caché et aux avant de les payer de la main à la main. Autour de ces
mains osseuses souhaitait acheter des morceaux de cada- entrepôts, la garde veille non pas tant pour décourager les
vre. Les plus frais possibles, et uniquement des morceaux voleurs (la milice privée de la guilde bourgeois se char-
de choix. D’abord révulsé par cette demande, l’embau- geant de cette tâche) mais pour contrôler la légalité de la
meur finit par accepter. Après tout, n’avait-il pas déjà lui- marchandise et percevoir les taxes de douane le cas
même détroussé quelques uns de ces défunts ? En échéant. Ainsi ce secteur des entrepôts ressemble t’il à un
échange, il obtint de l’or et du jade (beaucoup) ainsi que de véritable complexe dans lequel règne une activité inces-
menus services (femmes, protection contre une tentative sante : les porteurs mènent colis et chargements vers les
de racket, etc.). bâtiments, les soldats inspectent le contenu des chariots
Mais le mois dernier, des tombes furent profanées tandis que les comptables calculent les taxes afférentes, les
et on y découvrit des cadavres amputés. Pour le moment contremaîtres veillent au bon entreposage des marchan-
personne n’a fait le rapprochement avec Ji Wen et on dises et la milice patrouille en prenant un air suffisant. Un
accuse le profanateur de cette abomination. tel bouillonnement est riche d’opportunités pour qui sou-
Mais l’embaumeur a peur et lorsque la nuit der- haite gagner quelques pièces et de nombreux ouvriers
nière l’émissaire mystérieux est revenu le voir, il l’a suivi n’ayant que leurs mains pour travailler viennent chaque
discrètement après son départ, jusqu’à l’entrée d’un sou- jour ici en espérant qu’un gérant ou un contremaître leur
terrain et plus avant encore, jusqu’à une arrière-cuisine
20 immonde. L’homme parlait avec quelqu’un qu’il n’a pu
demandera de venir aider en échange de quelques pièces.
La totalité des secteurs Nord et Ouest sont dédiés
apercevoir. Mais il se souviendra toujours de sa voix infer- aux grands magasins et aux industries. De vastes bâtiments de
nale qui répondait dans une langue gutturale et inconnue… plein-pied voient chaque jour des dizaines de travailleurs s’y
Renommée : 20 engouffrer pour la journée, oeuvrant comme ouvriers de fila-
ture, artisans salariés, commis de magasins, etc. Toute cette
partie du quartier est sous la coupe de la guilde bourgeoise car
ses membres sont propriétaires ou gérants de ces entreprises
dont certaines appartiennent à l’Etat. Véritable poumon éco-
Le quartier nomique de Xianyang, autant dire qu’ici plus qu’ailleurs la
milice privée veille aux intérêts de ses employeurs… Pour des
raisons de praticabilité évidente, l’architecture de ces secteurs
marchand est claire et espacée : les rues y sont larges et bien entretenues
afin que les chariots qui vont et viennent, transportant
matières premières et produits finis, puissent livrer les autres
et artisan quartiers de la ville. De nombreux postes de garde, rendus
récemment superflus par la vigilance des miliciens de la fac-
tion bourgeoise, permettent de protéger les chargements.
Quelques places éparses mais confortables invitent les
ouvriers à y prendre leur pause repas, sous l’œil inquisiteur de
Si les riches notables de Xianyang vivent en leurs employeurs tandis que des restaurateurs ambulants vien-
majorité dans le quartier bourgeois de la ville, c’est dans le nent proposer des repas chauds à un prix modique…
quartier marchand et artisan qu’ils viennent faire des Enfin, le secteur est du quartier est le lieu de vie
affaires, monter des commerces ou gérer leurs entreprises. de bien des ouvriers locaux. On y trouve ainsi de nom-
C’est également là que vivent de nombreux petits négo- breux immeubles de deux ou trois étages divisés en cham-
ciants ou artisans ainsi que les employés des grosses indus- brées afin que puissent s’y loger les travailleurs supplétifs,
tries manufacturières. ceux qui rôdent autour des entrepôts à la recherche d’un
C’est sans conteste au sein de ce quartier que la emploi au jour le jour et n’ont donc pas les moyens de
mixité sociale est la plus importante, car l’on peut y croiser vivre dans une maison du quartier ouvrier. Toujours à la
aussi bien le puissant gérant d’une filature d’Etat qu’un limite du vagabondage, la guilde bourgeoise veille cepen-
simple commis de magasin gagnant quelques pièces par dant à ce qu’ils reçoivent le minimum pour vivre et payer
semaine ou un tenancier d’auberge aisé mais sans excès. leur loyer car cette main d’œuvre leur est souvent indis-

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Xianyang, capitale du Qin

pensable pour effectuer des travaux dangereux ou parfois à


la limite de la légalité… C’est également dans ce secteur
La coalition ouvrière
que l’on trouve diverses boutiques et auberges, ainsi que
de petits ateliers. Simple artisan dans un petit atelier du secteur Est,

Fonctionnement
Men Bing s’évertue depuis maintenant plusieurs mois à
créer une sorte de guilde pour les ouvriers exploités du
quartier. D’après lui, ce n’est qu’en s’unissant que l’on
peut se faire entendre et acquérir une influence, or les cen-
taines de travailleurs qu’emploient de façon intermittente
les propriétaires et gérants des industries seraient une force
21
Le magistrat avec qui compter s’ils acceptaient de travailler main dans
la main, unis contre ceux qui profitent d’eux.
Sans relâche pendant des semaines, Men Bing a
Le quartier marchand et artisan est l’un des travaillé à la création de sa coalition ouvrière. Tout d’abord
seuls de Xianyang dont le magistrat soit un notable local en s’assurant de sa légalité auprès du bureau du gouver-
et non un fonctionnaire appointé par le gouverneur. La neur, puis en réfléchissant avec ses premiers partisans aux
nomination de Fan Tong, gérant d’une petite fonderie méthodes à employer et aux mécanismes à mettre en place.
d’Etat produisant des outils agricoles, ne fut bien sûr Et peu à peu, son idée fit son chemin et la coalition se mit
possible que grâce aux pressions et demandes répétées en place avec l’étonnante bénédiction (et une petite mais
de la guide bourgeoise pour laquelle il était indispensa- symbolique subvention annuelle) du gouverneur (qui y
ble qu’un homme d’affaire au fait du fonctionnement voit un bon moyen de mettre des bâtons dans les roues trop
d’un tel quartier reçoive le poste. Bien que réticent, bien huilées de la guilde bourgeoise), recrutant chaque jour
Chao Guang se laissa convaincre, sans doute plus de plus d’ouvriers.
guerre lasse qu’autre chose… Actuellement le siège de la coalition ouvrière se
Depuis sa nomination, Fan Tong fait désormais situe chez Men Bing, qui possède une petite maison à côté
tout son possible pour gérer le quartier au mieux des de son atelier. Presque les deux tiers des travailleurs du
intérêts de la guilde, sans toutefois tomber dans l’illéga- quartier ont accepté de faire partie de son mouvement, ou
lité ou l’opacité bureaucratique qui risqueraient de met- au moins d’en être sympathisants. Pour le moment, seuls
tre la puce à l’oreille du gouverneur… S’appuyant sur les travailleurs précaires du quartier marchand et artisan se
des fonctionnaires peu à peu gagnés à sa cause par de sont joints à la coalition ; les habitants du quartier ouvrier,
discrets pots-de-vin, le magistrat exploite toutes les disposant d’une situation plus stable et enviable, n’en
failles législatives pour faire baisser les taxes ou les frais voient pas l’utilité et ont peur de se mettre leurs
de douanes, permettre aux gérants de monopoles d’Etat employeurs à dos.
d’acquérir un plus grand poids décisionnel, exonérer La coalition a rapidement mis en place ses pre-
divers types de bénéfices des impôts, etc. Grâce à un mières mesures. La plus forte d’entre elles est la création
sens habile des affaires et aux conseils avisés de nom- d’un pot commun, que chaque ouvrier accepte d’alimenter
breux juristes et comptables, Fan Tong a pu gagner pour avec quelques pièces de sa paie, afin de subvenir aux
sa guilde de précieux avantages économiques ainsi que besoins de ceux d’entre eux malades ou blessés, leur per-
le contrôle quasi total du quartier. Ce qui lui a fait gravir mettant de survivre le temps de guérir et de pouvoir retour-
plusieurs échelons dans la hiérarchie, un motif d’inquié- ner au travail. Men Bing milite activement pour que les
tude pour ses nombreux rivaux…

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propriétaires des entreprises employant les ouvriers ver- per au contrôle du pouvoir central et plus grave, à celui de
sent elles aussi un pécule à ce pot commun afin de montrer ses propres habitants. Faisant tout son possible pour garder
leur solidarité et leur respect à l’égard de leurs travailleurs. un semblant de présence officielle, Mao Fedong est sou-
Si la majorité des membres de la guilde bourgeoise s’y tenu par le gouverneur qui lui a récemment demandé de
refusent énergiquement, certains voient cette idée d’un bon veiller à la sécurité de l’artisan et agitateur Men Bing. Le
œil : parvenir à se gagner les faveurs de centaines de tra- commandant a même autorisé certains de ses hommes à se
vailleurs anonymes n’est il pas un bon moyen pour gagner joindre à la coalition ouvrière, une façon commode de mar-
en crédibilité et en représentativité auprès des autorités du quer sa sympathie envers un homme qui comme lui a à
Royaume ? Men Bing a également mis en place d’autres cœur les intérêts du peuple, et de le protéger contre la
moyens pour faciliter la vie des ouvriers du quartier : il a milice privée, cette rivale honnie.
ainsi négocié avec quelques aubergistes et marchands
locaux des tarifs avantageux pour les membres de sa coali-
tion, ou une autorisation de crédit plus longue. Le cabinet médical de Maître Nam Qen
Autant dire que Men Bing, s’il est le héros d’une
grande partie de la population du quartier, est aussi une
sévère épine dans le pied de la guilde bourgeoise. Bien des Seul médecin indépendant du quartier, Nam Qen
dirigeants de celle-ci souhaitent son élimination ou du (Renommée : 45) est un homme d’une grande bonté, trop
moins sa disgrâce, tandis que d’autres s’interrogent sur la grande hélas pour sa propre sécurité…
meilleure façon d’en faire leur instrument. En attendant, la Soignant toujours en priorité les nécessiteux (et
milice privée ne manque jamais une occasion d’essayer de donc les nombreux ouvriers blessés dans les manufactures
l’intimider, ainsi que ses partisans, mais sur ordre secret du voisines), il n’hésite jamais à leur faire crédit car grande
gouverneur la garnison soutient et protège la coalition. est sa volonté d’aider les autres, comme tout médecin se
Celle-ci est donc l’enjeu de bien des intrigues et Men Bing doit de le faire… Le problème est qu’à force de ne pas se
commence seulement à mesurer l’ampleur de ses actions et faire payer pour ses soins, Nam Qen a fini par contracter
l’influence de celles-ci dans la lutte feutrée que se livrent de nombreuses dettes et seul un emprunt à Ding Jiang
de nombreuses factions de Xianyang. Cheng lui a permis de conserver son cabinet et sa maison.

Lieux d’importance
Depuis quelques temps, ses affaires vont mieux
grâce à la création du pot commun de la coalition ouvrière,
avec lequel ses services sont payés. Pris de sympathie pour
Men Bing, Nam Qen a souhaité se joindre à son mouve-
ment… une opportunité que l’usurier du quartier bourgeois a
22 très vite su saisir. Ainsi, à son corps défendant, Nam Qen est
Le centre du quartier désormais obligé d’espionner la coalition pour le compte de
la guilde bourgeoise, sans quoi il lui a été promis que son
cabinet pourrait malencontreusement partir en fumée…

Personnalités
Comme presque partout ailleurs en ville, le centre
du quartier est organisé autour d’une grande place servant
aussi bien aux proclamations publiques qu’à la tenue d’un
marché régulier.
S’y trouve le bureau du magistrat, qui n’est guère
occupé que par les nombreux fonctionnaires à son service
durant la journée. En effet, Fan Tong ne vit pas dans ses Fan Tong
appartements de fonction, trop spartiates à son goût, et il
préfère retourner dans son luxueux manoir du quartier
bourgeois une fois son labeur quotidien terminé. Seuls Lorsque le magistrat en place dans le quartier
quelques assistants assurent les urgences nocturnes, faisant marchand et artisan prit sa retraite, la guilde bourgeoise y
du bureau du magistrat un bâtiment sinistre et sans âme, là vit une opportunité unique. Faisant jouer toutes ses rela-
où ceux des autres quartiers sont toujours animés ou éclai- tions à la cour et contractant ainsi de nombreuses dettes
rés, rassurant la population sur la vigilance des autorités. d’influence, elle parvint à faire en sorte que le gouverneur
La caserne principale du quartier est bâtie non soit obligé, sous pression de hautes personnalités, de nom-
loin du bureau du magistrat et en est en fait le véritable mer comme nouveau magistrat un notable issu du quartier
centre de vie. En effet, le commandant Mao Fedong même. Chose à laquelle Chao Guang se refusait jusque là
(Renommée : 70) est l’un des rares officiers du Qin issus et qu’il prit très mal.
du peuple. Ayant grandi dans ce quartier, il s’engagea très Fan Tong, un petit homme replet âgé d’une qua-
tôt dans l’armée et ses exploits sur divers champs de rantaine d’années et modeste gérant de fonderie, fut choisi
bataille, ainsi que son adhésion totale aux principes entre tous car il avait souvent eu affaire au magistrat pré-
légistes de gestion militaire, lui valurent une ascension cédent dans le cadre de litiges divers et il connaissait ainsi
brillante. Désormais au crépuscule de sa vie, le comman- plutôt bien la machine administrative. Depuis sa nomina-
dement de la garnison du quartier devait être pour lui une tion, Fan Tong n’a pas ménagé ses efforts pour servir les
sorte de préretraite… Mais il n’en fut pas ainsi, car Mao buts de la guilde. S’offrant un précepteur lettré, il s’est
Fedong est l’opposant principal du magistrat Fan Tong. Le ainsi initié à la science bureaucratique et la philosophie
vieil officier voit ainsi avec effarement le quartier échap- légiste afin d’être certain de gérer parfaitement les affaires

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Xianyang, capitale du Qin

courantes du quartier tandis qu’il délègue à son homme de souvent source d’amusement, et les plaidoiries enlevées de
confiance sa fonderie. Bien vite, son efficacité et son Jiaoshi relèvent de la poésie lyrique. Peu d’avocats peu-
enthousiasme finirent par lui gagner les faveurs des fonc- vent se prévaloir d’autant de public lorsqu’ils plaident.
tionnaires, au départ réticents à obéir à un simple mar- Comme quoi, Jiaoshi a réussi quelque part à devenir le
chand… Versant de discrètes primes aux bureaucrates les meilleur dans sa partie.
plus serviles, Fan Tong put bientôt compter sur quelques Renommée : 25
assistants sûrs et dévoués au sein de la magistrature. Ainsi
désormais le magistrat donne l’illusion de gérer son quar-
tier comme un parfait fonctionnaire du Qin. Men Bing
Bien sûr, la réalité est tout autre. Fan Tong vise un
double but par ses manigances. En premier lieu, gérant le
quartier sans faire de vagues, il endort la méfiance du gou- En apparence, Men Bing est un modeste artisan
verneur et en profite en sous-main pour accroître la main- des quartiers est de Xianyang, un notable étant parvenu par
mise de la guilde bourgeoise sur l’Ouest de Xianyang : ses efforts et sa persévérance à créer une guilde d’ouvriers,
pour cela il grappille quelques avantages économiques, un syndicat permettant de faciliter la vie des modestes tra-
déterre de vieilles lois favorables à ses alliés ou ferme les vailleurs de la ville. En cela, il est admiré par ceux que ses
yeux sur des malversations mineures. Quant à son second actions aident jour après jour mais aussi haï par ceux dont
but, lié au premier, il est de s’élever dans la hiérarchie de il gène les plans. En apparence encore, sa vie ne tient qu’à
la guilde jusqu’à en arriver à la tête. Il se sert de sa position un fil particulièrement ténu…
de magistrat pour étendre son influence et se gagner des Mais derrière ce personnage exceptionnel se
sympathies à cet effet, mais plusieurs dirigeants de la cache une réalité bien plus profonde et surnaturelle : car
guilde ont compris ses intentions et ne comptent pas se Men Bing n’est pas un homme, c’est un yao. Il y a de cela
laisser chasser du pouvoir. Quitte à sacrifier un pion aussi bien longtemps, il était un loup courant libre dans les forêts
utile en le faisant tomber dans les griffes du gouverneur… du Zhongguo, respirant l’air pur à pleins poumons et pas-
Renommée : 40 sant son temps à chasser avec sa meute. Puis un jour,
blessé par un braconnier, il dut se réfugier dans une ferme.
Découvert par les enfants du paysan, il y fut soigné, nourri
Jiaoshi et put reprendre des forces : mais adopté par ces humains,
il perdit l’envie de retrouver les siens car sa meute était là
désormais. Au contact des mortels, il finit par accéder à un
Dans le système judiciaire très performant du Qin, niveau de conscience supérieur et devint un yao. Lorsque
il existe une exception : Jiaoshi. Ce juriste, qui a pourtant sa famille humaine finit par disparaître, Men Bing repartit
23
suivi le même parcours que ses confrères, dénote parmi eux. sur les routes et arriva à Xianyang, une ville qui le fascina
Son embonpoint, sa perpétuelle distraction, son goût immo- d’emblée. S’installant dans le quartier marchand, il s’y éta-
déré pour pérorer et son imaginaire débordant ne le desti- blit en tant qu’ébéniste.
naient pas à une telle fonction. D’ailleurs on prétend qu’il a À force de vivre au contact des travailleurs du
obtenu son diplôme par lassitude, après avoir usé la patience quartier, de les côtoyer chaque jour et de s’en faire des
de ses professeurs. Car Jiaoshi n’a lui jamais renoncé à son amis, il en vint à les considérer comme sa nouvelle meute.
désir de défendre les droits des citoyens. Et sa nature reprit le dessus : en tant que loup alpha, il lui
Bien entendu, il n’est pas très doué et ses plaidoi- fallait faire tout son possible pour aider les siens à mieux
ries restent courues essentiellement pour l’amusement vivre. C’est ainsi qu’il lui vint l’idée de créer une coalition
qu’elles provoquent plus que pour leur effet sur la sen- ouvrière sur le modèle des guildes afin de mutualiser les
tence. Jiaoshi peut s’enorgueillir de n’avoir jamais gagné moyens des travailleurs, leur permettant ainsi de faire front
un procès. en cas de problèmes. Men Bing sait que son œuvre dérange
Pourtant, le jeune avocat ne manque pas d’atouts. certaines personnes en haut-lieu, et que sa tête est proba-
Il possède une culture phénoménale et, contrairement à blement mise à prix en secret. Il n’en a cure : de ses ori-
beaucoup de ses collègues, il aime voyager dans les autres gines animales, il a hérité une puissance surhumaine et une
Royaumes et s’intéresse à d’autres domaines que le droit. férocité effrayante en combat. Les hommes de main de la
Mais il a tendance à s’enthousiasmer facilement pour fina- guilde bourgeoise ne l’impressionnent donc guère.
lement ne jamais se concentrer sur une seule chose, en par- Renommé : 40
ticulier son rôle d’avocat.
Issu d’une famille modeste, il doit pourtant bien
gagner sa vie et loue alors régulièrement ses services Wu Ben
comme scribe, secrétaire ou conseiller à de nombreux
bourgeois ou aristocrates qui apprécient sa grande érudi-
tion et sa conversation. Né au Chu, son père officier fut tué lors du sac de
Jiaoshi possède cependant un client fidèle en la Ying par Bai Qi le Boucher. Prisonnier à Xianyang, il y
personne de Meiguo Shangwei. Ce jeune homme farfelu passa sa jeunesse avant de réussir à s’enfuir pour rejoindre
passe son temps à se mettre tout seul dans des situations sa patrie. Il avait seize ans et cette épreuve forgea son
impossibles. Jiaoshi et lui ont fini par se lier d’amitié et caractère. Wu Ben s’engagea dans l’armée où, promu rapi-
assister à un procès les mettant en scène est devenu une dement sergent, il s’illustra lors de campagnes sur la fron-
attraction au palais de justice. Les faits à eux seuls sont tière sud. Six ans plus tard, il intégrait la garde royale.

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Vue d’ensemble
Lorsque Chang Su Ko reçut pour mission d’organiser un
réseau d’influences et de renseignements contre le Qin, les
états de services de Wu Ben lui parurent prometteurs. Non
seulement il connaissait bien Xianyang et parlait parfaite-
ment le dialecte local, mais sa loyauté ne pouvait être mise Situé au sud-ouest de la ville, le quartier des
en doute. L’officier de la garde reçut donc une nouvelle docks se trouve au bord de la rivière Wei.
affectation et quitta bientôt Shoucun pour livrer un nou- Sa configuration offre un spectacle particulier car
veau type de guerre en territoire ennemi. ce quartier est à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des rem-
Wu Ben vit depuis onze ans à Xianyang, dans le parts. En effet, le port proprement dit, où se situent les
plus parfait anonymat. Sous les traits d’un éboueur, il débarcadères et les mouillages, est hors les murs tandis que
traîne autour de tous les bâtiments publics comme dans les les entrepôts et les quelques secteurs d’habitation sont eux
quartiers les plus infâmes, y glanant informations et à l’abri des murailles. Afin d’assurer une bonne communi-
rumeurs. Il possède un petit singe dressé nommé Saï qui cation et un libre passage ne gênant en rien les activités
l’accompagne partout. Aujourd’hui, plus personne ne les commerciales et logistiques, de nombreuses et larges
remarque mais ces années sous ce déguisement n’ont en portes percent les remparts sur toute la longueur du quar-
rien entamé ni sa détermination ni ses capacités. Wu Ben tier et peuvent rester ouvertes même durant la nuit (mais
s’entraîne régulièrement et a noué des relations au sein du sont alors lourdement gardées). Un système efficace de
Gai Bang, une autre source d’informations non négligea- monte-charges permet de faire entrer dans la ville tout ce
ble. Il se renseigne ainsi sur tous les membres du jiang hu qui ne passe pas par les portes ou risquerait de bloquer trop
tournant autour de cette faction. longtemps la circulation.
Il a également découvert l’existence d’une La partie extérieure du quartier est comparable à
Confrérie du Tigre blanc dont les racines se trouvent au un petit port de commerce (ce qu’elle est effectivement).
Chu mais à laquelle appartiennent plusieurs officiers du Divers quais et ancrages permettent à une douzaine de
Qin. Il doit en apprendre plus car Chang Su Ko lui-même bateaux de s’amarrer en même temps et deux réservoirs
ignore ce dont il s’agit. artificiels, l’un en amont et l’autre en aval de la ville, peu-
En travaillant près des bâtiments officiels, il a vent contenir chacun une dizaine d’autres embarcations en
récemment rencontré un peintre nommé Hua Henji. Morose, attente d’une place libre. Les aires de débarquement sont
celui-ci semblait vouloir se noyer dans l’alcool sans vraiment généralement suffisamment grandes pour permettre même
savoir où aller. Autour de quelques verres, ils discutèrent à un gros navire de commerce d’y déposer son chargement.
toute la nuit. Un début de relation s’est depuis installé entre Chaque quai est surveillé par une guérite contenant plu-
eux. Wu Ben sent que l’artiste, proche du ministre de la
24 guerre, possède un potentiel exploitable…
sieurs soldats, contrôlant la légalité des activités du port ;
des patrouilles régulières et des fouilles des bateaux per-
Renommée : 10 mettent de pousser encore plus loin la vigilance (ce qui
n’empêche pas la guilde bourgeoise, par un habile jeu de
corruption, de faire de la contrebande ou de frauder discrè-
tement sur certaines denrées). Entre les murailles et ces
quais, une grande place sur laquelle se trouve une tribune
permet aux éventuels employeurs de venir recruter des
Le quartier ouvriers et des marins à la criée. Chaque matin, dès le lever
du soleil, presque tous les va-nu-pieds de Xianyang se ren-
dent ici en espérant trouver un emploi même pour une
des docks seule journée ; les déçus peuvent alors retourner au quar-
tier marchand et artisan en espérant récupérer quelques
miettes... Enfin contre les remparts, diverses auberges
assez mal-famées offrent pour quelques pièces nourriture,
alcool et logement aux marins et travailleurs de passage.
Quartier de travail plus que d’habitation, on y Toute la partie du quartier abritée en ville est cou-
trouve néanmoins de nombreuses auberges et quelques pée en deux par une très large avenue surélevée permettant
chambres à louer pour les marins et dockers de passage. aux marchandises débarquées à quai d’être acheminées
Mais l’essentiel du quartier se compose de vastes débarca- vers les entrepôts du quartier marchand et artisan. À
dères et de quelques entrepôts et bureaux épars. l’ouest de cette avenue se situe le secteur logistique : on
peut y voir divers entrepôts pour les marchandises qui, à
Lieu de passage, la faune du quartier des docks peine débarquées, doivent rembarquer presque aussitôt sur
est particulièrement bigarrée. Du marin à la recherche d’un un autre navire, les denrées stockées en attente du départ
bateau de commerce sur lequel servir au manutentionnaire du bateau qui doit les conduire ailleurs, les divers outils et
prêt à échanger une aide au débarquement de marchandises pièces permettant la réparation des bateaux abîmés, etc.
contre quelques pièces ou un peu de nourriture, en passant Comme dans tout l’ouest de la cité, c’est la milice privée
par le tireur de bourse profitant des nombreux passages de la guilde bourgeoise qui veille à la sécurité de ce secteur
pour se livrer à son art, toutes sortes d’individus hantent ce même si des soldats y patrouillent fréquemment. C’est
quartier, qui est ce qui ressemble le plus à des bas-fonds à également dans ce secteur ouest que les négociants et
Xianyang… armateurs ont installé leurs bureaux afin de traiter leurs
affaires au plus près du terrain.

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Xianyang, capitale du Qin

Le secteur se trouvant à l’est de l’avenue centrale put prendre son poste au quartier des docks. En plus de ses
regroupe toutes les habitations du quartier. Il s’y trouve sur- missions classiques, il y en a une à laquelle le gouverneur
tout de nombreuses auberges pour les hommes de passage, tient particulièrement : Ren Xiao est chargé d’établir un
mais quelques immeubles découpés en chambres permettent dossier à charge contre la guilde bourgeoise, en compilant
à un travailleur souhaitant s’attarder en ville de se loger à toutes les malversations sur lesquelles son œil d’expert
plus long terme. Quelques bordels de bas-étage offrent une pourrait tomber. En effet, Chao Guang sait que la guilde
distraction bon marché en proposant des filles peu farouches peut se permettre d’étouffer une ou deux affaires prises
aux marins en manque de plaisir de la chair. Quoique souvent isolément mais il espère bien que le dossier monté par son
illégaux, ces bordels sont protégés par la guilde bourgeoise magistrat, mettant en lumière des années de corruption et
en échange d’une dîme complaisamment versée (et de de détournements, portera un coup fatal à l’organisation 25
quelques faveurs gratuites pour les hommes de la milice). De des marchands de la ville.
manière générale, tout ce secteur d’habitation est ce qui se Afin de remplir au mieux et le plus discrètement
rapproche le plus des bas-fonds de Xianyang. On y croise en possible sa tâche, Ren Xiao se permet de fermer les yeux
effet une foule interlope composée bien souvent d’individus sur quelques affaires importantes tout en pointant du doigt
à la faible vertu que leur séjour rend particulièrement facile à les malversations les plus bénignes. Il encourage aussi ses
acheter - après tout, ils ne seront plus en ville dès demain : fonctionnaires et les soldats de la garnison à se laisser cor-
pourquoi avoir peur des autorités ? Ainsi il est rare que rompre, tant qu’ils lui font un rapport détaillé de ce qui a
l’homme honnête et soucieux d’éviter les ennuis soit encore pu leur être demandé. Les pots-de-vin sont bien sûr saisis
dehors à la nuit tombée… et stockés comme pièces à conviction en attendant le grand

Fonctionnement
procès… Grâce à son expérience, le magistrat sait com-
ment pensent les membres de la guilde, ce qui lui permet
d’obtenir de bons résultats dans l’instruction de son dos-
sier. En façade, il se fait passer pour un fonctionnaire
légiste scrupuleux et un peu dépassé mais l’habile négo-
ciant refait surface dès qu’il s’agit d’analyser les rapports
Le magistrat de ses juristes et comptables…

Afin d’administrer un tel quartier, le gouverneur La pègre


Chao Guang décida de nommer au poste de magistrat un
marchand familiarisé au fonctionnement d’un port de
négoce. L’homme en question, Ren Xiao, est originaire du Il existe au moins deux types de pègre dans le
Qi où il était responsable des transactions commerciales du quartier des docks de Xianyang.
port de Gu, pour le compte de la guilde marchande locale. La première est la pègre sédentaire, c’est-à-dire
La proposition que lui fit le gouverneur de Xianyang étant celle qui est composée d’habitants plus ou moins perma-
de celles qui ne se refusent pas, il vint s’installer dans la nents du quartier. Il s’agit de criminels somme toute
capitale du Qin où il resta une année durant en tant qu’as- mineurs, en majorité des tire-bourses ou des escrocs sans
sistant du magistrat de la Cité royale (le but étant de brouil- envergure qui savent à quel point leurs activités sont dan-
ler les pistes afin que la guilde bourgeoise ne soupçonne gereuses dans une cité comme la capitale du Qin… S’ils
pas les véritables compétences de Ren Xiao). Une fois peuvent se faire cambrioleurs ou passer à tabac un prome-
formé en tant que fonctionnaire du Qin, l’ancien marchand neur pour lui dérober ses biens, le meurtre, le viol ou l’en-

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lèvement ne font pas partie des crimes qu’ils sont prêts à Le bureau du magistrat proprement dit est comme
commettre. Régnant sur cette discrète cour des miracles, souvent situé au centre du secteur des habitations, près de
Zhu Chong semble être un discret commerçant mais il est la vaste place des proclamations publiques et non loin de
en fait un « habits propres » membre du Gai Bang, la la caserne locale. C’est ici que Ren Xiao officie la plupart
secte des mendiants. Usant de sa modeste influence, il du temps et gère les affaires courantes du quartier.
tente de protéger les faibles et les pauvres du quartier, ras- Les bureaux situés au milieu des entrepôts de
semblant tous ceux que la misère a jeté dans les bras du l’ouest permettent aux marchands de venir déclarer leurs
crime sous son aile. Imposant quelques principes à ses transactions afin que leurs impôts soient calculés au
ouailles, Zhu Chong est un homme d’honneur autant qu’un mieux. C’est souvent lorsqu’il officie dans ce secteur que
roublard pour qui l’honnêteté n’est qu’un concept fluc- le magistrat repère les malversations, en jouant les naïfs et
tuant. Il fixe donc des limites très claires aux criminels les incompétents…
décidant de le rejoindre (interdiction de tuer sauf pour se Enfin, les bureaux du port servent de poste de
défendre, interdiction de détrousser plus pauvre que soi, douane. Les capitaines viennent y enregistrer leur navire et
etc.) et n’hésite pas à livrer lui-même au magistrat ceux qui déclarer les marchandises transportées. Taxe d’amarrage et
ne les respectent pas (Ren Xiao a d’ailleurs parfaitement frais de douane sont récoltés ici par de scrupuleux compta-
conscience du rôle régulateur joué par Zhu Chong dans le bles. L’originalité de ces bureaux est qu’ils se trouvent à l’in-
quartier, et il tolère ainsi ses activités tant qu’elles ne térieur d’un navire échoué sur les berges de la rivière. Jadis,
débordent pas d’un certain cadre). Globalement, la partie ce navire transportait des marchandises de contrebande et
de la pègre que contrôle l’émissaire du Gai Bang est celle lorsque cela fut découvert, le capitaine fut écartelé et ses
dont l’existence est inhérente au fonctionnement d’une marins envoyés aux travaux forcés. Le bâtiment lui-même
ville de l’ampleur de Xianyang, et le fait qu’elle soit tenue devint propriété de la ville et le magistrat en fit ses bureaux
d’une main de fer par un individu responsable et honorable de douane, comme pour rappeler à chacun ce qui arrive
à sa manière arrange bien les affaires des autorités légistes. lorsque l’on essaie de se jouer du Qin et de ses lois. Un sym-
L’autre partie de la pègre pose un problème plus bole fort qui ne manque jamais de faire angoisser les capi-
délicat. Elle est principalement constituée des individus taines corrompus par la guilde bourgeoise…
louches de passage en ville, marins ou ouvriers itinérants Ren Xiao fait quotidiennement la navette entre
qui ne restent guère plus de quelques semaines. De ce fait, ces trois annexes, et à chacune d’elle correspond un dégui-
il leur est relativement indifférent d’attirer des ennuis à sement différent pour le magistrat. En son bureau central,
leurs semblables par leurs actes et c’est ce qui les rend dan- il est l’autorité inébranlable mais lointaine sur laquelle
gereux et imprévisibles. Cette lie se livre à des actes crimi- peuvent se reposer les habitants. Dans le secteur logistique,
nels en général plus graves et moins discrets que ceux du il est ce fonctionnaire ignorant que les marchands prennent
26 Gai Bang : agressions, viols, meurtres, cambriolages, etc. plaisir à duper. Et sur le port, il est un passionné chaleu-
Dès qu’ils sentent que la garnison locale les a à l’œil, ils reux, fraternisant avec les officiers de bord pour rassem-
s’en vont aussi facilement qu’ils sont arrivés et laissent aux bler sans en avoir l’air diverses informations.
autres le soin d’assumer les conséquences de leur malveil-
lance. Lorsque la guilde bourgeoise a besoin de se livrer à
des basses-œuvres dans lesquelles elle ne peut compromet- Le Repos du Rude Marin
tre sa milice, ses émissaires n’hésitent pas à venir recruter
ici coupe-jarrets et assassins. Bien payés, ces criminels
sont invités à ne pas s’attarder en ville une fois leur forfait D’apparence, le Repos du Rude Marin n’est
accompli afin de ne pas attirer d’ennuis à la guilde… Pour qu’un bordel parmi les nombreux autres du quartier. Ne
des raisons évidentes, le Gai Bang voit d’un très mauvais brillant pas particulièrement par son luxe ou la beauté de
œil cette pègre imprévisible et la combat de toutes les ses filles, il possède néanmoins la particularité d’être la
façons possibles. Ainsi, il arrive souvent que des assassins seule maison de passe de tout l’Ouest de la ville à ne pas
loués par la guilde soient finalement capturés par Zhu être contrôlée par la guilde bourgeoise.
Chong qui les livre au magistrat en échange de quelques En effet, le Repos du Rude Marin est sous la pro-
faveurs. Ren Xiao garde ainsi dans ses geôles de nombreux tection du magistrat, qui y voit un bon moyen de récolter
criminels dont le témoignage viendra s’ajouter à son épais des informations de la bouche des clients de passage. En
dossier contre la guilde bourgeoise le moment venu… échange de sa protection contre la milice privée et d’une

Lieux d’importance
subvention, la Dame de l’Ecume bleue (Renommée : 25)
s’engage à faire un rapport chaque décade à Ren Xiao
concernant tout ce qu’elle ou ses filles auraient pu entendre
de la bouche des marins et ouvriers.

La guilde bourgeoise enrage évidemment de voir


Les bureaux du magistrat un bordel lui échapper ainsi, mais chaque tentative d’inti-
midation se heurte à la présence des soldats de la garnison
(qui ont ici droit à la gratuité des prestations, une motiva-
La magistrature du quartier est elle aussi séparée tion supplémentaire pour les pousser à protéger au mieux
en trois. Située dans la partie est, elle dispose d’une annexe les intérêts de la maison de passe).
importante dans le secteur logistique et d’une autre sur le
port même.

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Xianyang, capitale du Qin

Personnalités
affaires. Qui lui valut d’ailleurs d’occuper un poste
important au sein de la guilde marchande locale. C’est
pour ces compétences et cette expérience que Chao
Guang alla le rencontrer et lui proposa, après s’être
familiarisé avec la loi du Qin, de devenir un magistrat
de Xianyang. Une telle opportunité ne se refusant pas,
Montagne errante
Ren Xiao confia les rênes de son entreprises à son jeune
Celui que l’on nomme maintenant Montagne frère et partit s’installer au Qin.
Errante est l’un des seuls à avoir survécu au massacre de Sa formation dura quelques années, délai que le
Changping. Ce n’était à l’époque qu’un ancien enfant du gouverneur mit à profit pour préparer son poste au sein du
Zhao, presque un homme. Il y a vu le Qin tuer tous ceux quartier des docks. Ensemble, l’armateur et son supérieur
qu’il aimait, et quelques centaines de milliers de personnes convinrent qu’il valait mieux pour lui se faire passer pour
avec eux. Choqué, livré à lui-même, le jeune homme se mit un simple fonctionnaire sans talent particulier, un homme
à parcourir le monde selon la vitesse à laquelle on le chassait transparent et facile à abuser. Cette image devait servir la
des villages qu’il traversait, vivant de ce qu’on lui donnait, mission que Chao Guang confia alors à Ren Xiao : ins-
ou à défaut, de ce qu’il arrivait à prendre. Après des mois truire en secret un dossier à charge contre la guilde bour-
d’errance, il finit par se fixer dans une ville nommée geoise en compilant le moindre fait délictueux dont il
Pingyang où il fit la connaissance d’un devin appelé Sinistre serait témoin (mais qu’en tant que « benêt » légiste, il
Craquelure. Le fangshi le prit alors sous son aile et fit en laisserait passer).
sorte qu’il puisse finir son éducation tant dans le domaine L’appréhension de Ren Xiao à l’encontre de son
des arts prisés dans une cour que sur un champ de bataille. nouveau métier et de la lourde charge qui lui était confiée
Pendant trois ans, il se forma ainsi à de très nombreux par le gouverneur s’évanouit bien vite pour être remplacée
domaines, se destinant ensuite à la divination. Pourtant il par un sentiment nouveau et exaltant : le plaisir de faire
n’eut jamais l’occasion de commencer cet apprentissage son travail ! En effet jusqu’ici, l’ancien armateur se
mystique car à cette période là, l’armée du Qin menée par contentait de gérer ses affaires presque mécaniquement,
Bai Qi captura le dernier fief de la lignée impériale Zhou, n’en tirant guère de joie particulière. Mais plongé dans les
dans l’indifférence générale. Lorsqu’il en parla révolté à son manigances de Xianyang, devant jouer de multiples rôles
ami et mentor, le devin était en transe : il avait eu la vision et mettre à jour des secrets bien gardés, Ren Xiao sent qu’il
de neuf vases tripodes de taille variable, faits dans une fait ce pour quoi il est né. Il aime passionnément son tra-
matière noire et volés par le Qin. Ils apporteraient à n’en vail et cela se traduit par une loyauté sans faille à l’égard
du gouverneur.
point douter des catastrophes s’ils tombaient dans les mains
Individu polymorphe, capable de changer d’attitude
27
du Roi de ce pays. Maudissant les dieux de n’avoir pu empê-
cher la mise à sac du fief impérial, Montagne Errante rat- et de physionomie en quelques instants, Ren Xiao est un
trapa l’armée qui rentrait à la capitale du Qin et profita du interlocuteur déstabilisant avec qui on ne peut jamais savoir
passage d’une rivière pour voler les vases. Conscient d’avoir à quoi s’attendre. Ses qualités l’ont fait remarquer par le
alors quelque chose qui ne devait absolument pas tomber Censorat depuis déjà quelques années et ses dirigeants espè-
entre les mains du Qin et dont la valeur sinon la puissance rent bien pouvoir le recruter dans un avenir proche.
semblait très importante et attirait la convoitise d’une secte Renommée : 40
ayant un vague rapport avec l’inclinaison du Ciel, il dispersa
alors les huit premiers vases dans le Zhongguo (il en confia
notamment un à Sinistre Craquelure) et décida de rendre le You Zhishuai
dernier réellement introuvable. Il alla alors voir un des meil-
leurs artisons du Chu ayant conservé les anciens savoirs du
Yue et lui demanda de le fondre et d’en faire un sabre. Il alla Né l’année de la bataille de Huayang il y a un
ensuite le cacher en plein territoire xiongnu où il resta enfoui peu moins de quarante ans, Zhishuai accompagne cou-
ainsi pendant quinze ans, jusqu’à ce que les personnages le ramment les gardes de la garnison de Xianyang et est
trouvent sous la forme du dao noir (Cf. « le Prince félon »). aisément reconnaissable aux nombreuses balafres sur ses
Depuis, Montagne Errante se cache au Qin car il joues. Il est lui-même un ancien garde de la cité qui opé-
sait que le jour viendra où le Royaume de l’Ouest tentera à rait autrefois dans le quartier universitaire et se fit rapi-
nouveau de réunir les vases. En attendant, quand il ne se ren- dement remarquer par sa capacité presque surnaturelle à
seigne pas sur cette mystérieuse secte, il se tient prêt à tout résoudre certaines affaires particulièrement morbides.
faire pour qu’ils ne tombent pas entre de mauvaises mains Mais alors qu’il enquêtait sur les liens entre le Gai Bang
Renommée : 30 et un marchand nommé Zhu Chong, sa famille fut atta-
quée et faillit périr dans un incendie. Alors père depuis
peu, le garde décida de tout mettre en œuvre pour se
faire affecter le plus loin possible de la capitale.
Malheureusement, son mystérieux talent pour compren-
Ren Xiao
dre les actions et surtout les pensées des criminels se
Ren Xiao vit le jour dans une famille d’arma- révéla là-bas aussi une malédiction pour lui et ses
teurs du Qi, dans la ville portuaire de Gu. Marchand proches. Il se retrouva alors contraint à la désertion et
dans les traces de son père, il prit la tête de l’entreprise son corollaire, la vie de fugitif, et ne tarda pas à être rat-
familiale et la fit fructifier grâce à son sens aigu des trapé. Mis au courant de sa capture, Li Si lui fit alors une

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offre : revenir à la capitale et travailler comme chasseur
de primes employé à l’année par le ministère des Lois et
des Noms à retrouver les plus dangereux criminels et
La Cité royale
fugitifs. Bien sûr, Li Si a bien d’autres projets pour un
limier aussi talentueux, mais il est loin d’être le seul.
Tant la Carapace noire que la Secte du Ciel incliné ont eu Véritable ville dans la ville, la Cité royale de
vent des qualités hors normes du chasseur de primes et Xianyang est le cœur du pouvoir, là où se trouve concen-
souhaitent le recruter à leur service. Lui ne souhaite trée toute l’autorité du Royaume. Le grandiose palais du
qu’élever sa fille dans les meilleures conditions et vivre souverain ainsi que ceux, plus modestes, de ses ministres
tranquille avec sa femme, mais il est fort probable sont comme le symbole de l’écrasante prééminence du Qin
qu’une fois de plus son don ne lui porte préjudice et sur l’ensemble des Royaumes combattants.

Vue d’ensemble
sème le chaos dans sa vie.
Renommée : 25

Zhu Chong
Située au centre-nord de Xianyang, la Cité royale
Ancien wu xia, Zhu Chong est un vieux sympa- fut bâtie sur une butte afin que du palais royal, on puisse
thisant du clan des mendiants né au Qin, le Gai Bang. Il y contempler toute la ville étendue à ses pieds. Il va bien sûr
entra après que des membres l’aient recueilli et soigné, à de soi que la Cité royale est le quartier le plus somptueux
l’issue d’un duel qu’il perdit face à l’un de ses rivaux. La et le plus riche de toute la capitale, et cela ne fait aucun
vie sauve mais le corps blessé de façon permanente, une doute aux yeux du visiteur invité en ces lieux tant la mag-
existence dans le jiang hu n’était assurément plus pour lui. nificence de ce qu’il y verra ne manquera pas de le laisser
Aussi le Gai Bang lui proposa de le servir en tant qu’émis- bouche bée. À la glorieuse Cité royale du Qin ne peuvent
saire à Xianyang, la dangereuse capitale du Qin. Devenu guère que se comparer les demeures des souverains du
un « habits propres », Zhu Chong le borgne partit donc Zhao et du Qi…
s’installer dans le quartier des docks.
Les murs qui ceignent la Cité royale, l’isolant des
Grâce aux fonds fournis par son clan, il put ache- quartiers voisins, sont presque aussi épais que les remparts
ter une demeure relativement luxueuse par rapport au quar-
28 tier et il en fit la base d’où il lança son projet : organiser la
de la ville. Protégeant le siège du pouvoir du Qin, ils sont
patrouillés jour et nuit par des vétérans à la lame sûre et au
pègre efficacement dans la ville. Derrière sa façade d’hon- courage sans faille, membres d’élite de la garde royale.
nête commerçant, Zhu Chong est donc de fait le maître
incontesté d’une majeure partie des malandrins de Dominant toute la Cité, construit au point le plus
Xianyang : voleurs, petits escrocs, fugitifs font partie de haut de la colline qui domine tout Xianyang, se trouve le
ses sujets et au fil du temps, sa bienveillante protection palais du Roi, nommé le Palais Jique dont Shang Yang
s’est finalement étendue aux gens honnêtes mais vulnéra- posa la première pierre selon la légende. Cette bâtisse
bles du quartier. Car malgré son charisme et son expé- monumentale domine largement le quartier, jetant une
rience, Zhu Chong ne règne pas sur l’ensemble des crimi- ombre menaçante sur le complexe des palais ministériels
nels de la ville : chevalier des forêts et des lacs, son sens comme une métaphore de la hiérarchie stricte du Qin. Tout
de l’honneur lui interdit de frayer avec les assassins et les autour et au sein même de ce palais formidable se trouvent
violeurs qui constituent de fait ses adversaires les plus des parcs et jardins en abondance, peuplés d’animaux exo-
acharnés à Xianyang (bien plus que la justice elle-même, tiques et colorés et de plantes rares. Un cours d’eau artifi-
curieusement indulgente à son égard). ciel égaie l’ensemble et achève d’amener une touche buco-
lique dans ce qui reste probablement la construction la plus
De la lutte contre cette pègre violente et incon- imposante de tout le Zhongguo.
trôlable, Zhu Chong a fini par faire son cheval de
bataille. Le wu xia qui est en lui reprend le dessus Au centre de la Cité se trouve la grande place
lorsqu’il s’agit d’aider les plus faibles et de combattre la royale, pavée de briques rouges et de marbre blanc. Un
malveillance humaine. Quelques-uns parmi ses fidèles promontoire de pierre et de bois permet aux personnes
acceptent de le suivre dans sa croisade mais la majorité d’autorité de prononcer discours et proclamations à l’in-
des membres de sa cour des miracles ne comprend pas tention des nombreux fonctionnaires qui se pressent le
son attitude et voie plutôt d’un mauvais œil ses collabo- long des avenues découpant le complexe des palais. En
rations répétées avec le magistrat local : à trop frayer effet, c’est autour de cette place lumineuse que se situent
avec la justice, leur chef ne va t’il pas finir par les tra- les vastes demeures des ministres et autres personnages
hir ? De plus en plus, la loyauté qu’inspirait jusqu’à importants du Royaume. On y trouve le Grand Palais
lors Zhu Chong s’effiloche et ses partisans préfèrent avant la Porte du Ciel (dans lequel officie le premier
reprendre leur indépendance et certains vont même ministre du Royaume), le Palais de l’Administration
jusqu’à vendre ses secrets aux représentants de la guilde céleste (siège du ministre de l’Etat), le Tribunal qui Juge
bourgeoise. les Âmes (où travaille le ministre de la Justice), la
Renommée : 45 Vénérable Forteresse de Jade (que préside le ministre

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Xianyang, capitale du Qin

Le Palais Jique
des Armées) ainsi que de nombreuses autres bâtiments
aux noms évocateurs, pouvant être utilisés par d’éven-
tuels ministres secondaires ou d’importants haut-fonc-
tionnaires. Tous ces palais sont reliés entre eux par de
larges rues pavées et couvertes, bordées d’agréables La colossale structure du palais royal domine lar-
parcs tandis que diverses petites places permettent aux gement le quartier, et même la ville toute entière. Siège du
fonctionnaires de s’y réunir pour prendre leur repas, pouvoir absolu du Roi, ce palais est un monument dédié à
débattre entre eux ou admirer la magnificence des lieux. la grandeur du Qin et de sa vision, son grand projet d’uni-
fier tout ce qui existe sous le Ciel. 29
Autour de la grande place royale et du complexe
des palais, de nombreux édifices au luxe légèrement moins
ostentatoire servent de bâtiments administratifs (dont les
bureaux sont occupés par les innombrables fonctionnaires
Description générale
nécessaires au bon fonctionnement de la Cité royale) ou de
logements de fonction pour tous ceux à qui leur travail ne Avant même le palais proprement dit, se trouve une
laisse guère le temps de rentrer chez eux pour la nuit. esplanade carrée si vaste qu’elle permet à toute la garde
Ainsi, la Cité royale est souvent aussi vivante la nuit que le royale de s’y réunir. Nommée la Place de la Souveraineté
jour, et il n’est pas rare d’y croiser même aux heures du suprême, cette étendue dallée de sombre invite le visiteur à
buffle et du tigre de besogneux et zélés bureaucrates tra- l’humilité car en la traversant, il a tout le temps de prendre la
vaillant sans répit au service de leur Royaume. C’est éga- mesure de la majesté des lieux dans lesquels il s’apprête à
lement sur les pourtours de la Cité royale que vivent les pénétrer. Tout autour de cette esplanade, reliant le reste du
eunuques au service exclusif du souverain, dans de quartier au palais royal, de nombreuses voies étroites entou-
modestes mais confortables manoirs. rées de remparts solides forment une dernière ligne de
défense en cas d’invasion ou de coup d’Etat. Ces avenues et
Enfin, au sud du quartier se trouve la partie ces murs de protection forment un réseau labyrinthique sur
fonctionnelle de la Cité royale. Nommée l’Antichambre plusieurs niveaux, permettant à la garde royale de facilement
du Royaume céleste, il s’agit du secteur dédié au fonc- bloquer les accès et de résister efficacement à une attaque
tionnement logistique du quartier tout entier. On y trouve massive (un événement qui ne s’est jamais produit depuis la
ainsi de vastes entrepôts destinés à stocker nourriture et fondation de la ville).
matériel, des enclos pour parquer le bétail, les bureaux
des négociants chargés de traiter avec les divers mar- Véritable complexe constitué de nombreux bâti-
chands ou artisans, plusieurs postes de garde pour sur- ments plutôt que construction unique, le Palais Jique se
veiller l’activité bouillonnante qui règne en ces lieux, divise en deux ailes symétriques enjambant le torrent arti-
etc. L’Antichambre ressemble ainsi à un vaste marché à ficiel qui l’alimente en eau et permet l’irrigation de ses jar-
ciel ouvert, dans lequel de puissants commerçants négo- dins. Le rez-de-chaussée, entouré de hautes arcades, forme
cient avec les chanceliers de la Cité, tandis que des ser- la base solide de tout l’édifice, sur lequel sont bâtis de
viteurs acheminent les marchandises vers les entrepôts et nombreux pavillons à terrasses formant autant d’étages.
que les soldats fouillent les chariots entrant et sortant par Chaque aile est à son tour constituée d’une pyramide à
la Grande Porte de la Lumière de l’Est, qui donne sur le trois degrés en terre damée abritant les étages à la superfi-
quartier administratif. cie décroissante.

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Un système d’évacuation des eaux, constitué de
bassins collecteurs et de gouttières de céramique sur plu-
sieurs niveaux, permet d’éviter les inondations et de garder
une bonne hygiène au sein des nombreux pavillons.
Petit précis d’étiquette
Dans les cours du Zhongguo, celui qui désire Tout autour du palais, un vaste parc artificiel qua-
s’élever et se voir honoré par les gens de pouvoir se drillé d’allées en terre battue et parsemé de nombreux petits
doit de connaître les règles qui régissent la haute- étangs et cours d’eau est entretenu par une véritable armée
société. Se présenter, prendre la parole, s’adresser à un de serviteurs : jardiniers, terrassiers, géomanciens, dres-
Roi : tous ces rituels sociaux obéissent à certains codes seurs et botanistes veillent à la bonne santé des plantes et
bien précis qui, s’ils sont respectés, assurent à celui qui animaux peuplant cet immense jardin royal et s’assurent
les maîtrise d’avoir l’oreille des puissants. que le paysage oriente les souffles fastes vers le palais en
S’adresser aux gens par leur titre est une règle de accord avec les principes du fengshui.
base. Se voir nommé à une fonction au nom spécifique
étant un honneur pour un fonctionnaire, le désigner par
son rôle est un signe de politesse montrant que l’on sait à Le rez-de-chaussée
qui l’on parle et que l’on reconnaît son statut. S’adresser à
une personne au rôle sans importance en employant un
titre généraliste ronflant peut également être une façon de Le premier niveau du Palais Jique se découpe en
bien se faire voir et de flatter (par exemple, parler à un de nombreuses et vastes pièces aux utilités diverses. Le sol,
simple fonctionnaire ministériel en l’appelant Conseiller). recouvert de plâtre rouge, est décoré de nombreuses
Dans le doute, et si l’on est pas certain du titre de celui à fresques et mosaïques tandis que de solides piliers ornés de
qui l’on parle, on se contentera de le gratifier d’un simple bronze le relie au plafond soutenu par de nombreuses pou-
« Votre Excellence », passe-partout mais toujours cor- tres en bois précieux entrecroisées. Les murs sont eux aussi
rect. À l’inverse, se contenter d’appeler « Monsieur » un abondamment décorés par des peintures représentant che-
personnage dont on sait qu’il occupe un poste important vaux, chars de guerre, dragons et phénix.
peut être pris comme une insulte, même si l’on occupe une Les diverses salles du rez-de-chaussée sont reliées
position hiérarchique plus élevée. entre elles par un dédale de portes, de couloirs, de passages
S’adresser au Roi ne peut se faire sans son invi- couverts et d’escaliers au sol couvert de galets lisses.
tation. Et même dans un tel cas, il est interdit de lui parler Séparant les deux ailes symétriques, un large couloir tra-
directement : on s’emploiera à le nommer « Sa Majesté verse le palais et permet de rejoindre le temple des ancêtres
situé juste derrière.
30 » et à parler de soi-même à la troisième personne en
Les immenses salles de ce premier niveau ont un
employant son propre titre (par exemple : « Le haut-
conseiller aux affaires militaires souhaite remettre à Sa but essentiellement protocolaire. Particulièrement intimi-
Majesté un rapport sur l’état de nos troupes à la fron- dantes de par leurs dimensions et leur décoration ostenta-
tière. »). Le Roi peut inviter à son gré un interlocuteur à toire (fresques, tentures, soieries, statues de bronze, etc.),
s’adresser à lui directement ; il sera alors possible de elles servent à recevoir les invités ou émissaires étrangers
l’appeler « Votre Majesté » et d’employer la première afin de les impressionner durablement. Ainsi, plusieurs
personne en lui parlant. Le Roi réserve ce genre d’hon- salles de réception permettent au Roi de tenir audience ou
neur à ses ministres ou à ses proches. d’organiser des banquets en déployant tout le luxe et toute
Prendre la parole à la cour pour prononcer un la démesure dont le Qin est capable, dans le but évident de
discours, défendre une opinion ou faire un rapport est éga- marquer les esprits.
lement un art délicat. Dans le Zhongguo, il est de coutume C’est également au rez-de-chaussée que se trouvent
de dire que l’on peut tout dire pourvu que cela soit bien dit. les grandes cuisines royales. Evidemment, presque chaque
Les Rois et personnages importants en particulier sont pavillon possède ses propres cuisines mais celles du premier
friands d’histoire et de métaphores y faisant appel. Ainsi, niveau sont les plus vastes, et un nombre impressionnant de
celui qui souhaite être entendu aura à cœur d’émailler ses cuisiniers, goûteurs, assistants et serviteurs divers y travaille.
propos de références à des personnages et des situations C’est en leur sein que sont préparés les grands banquets de
historiquement connues. De cette façon, il est même pos- cérémonie destinés à honorer autant qu’impressionner les
sible d’adresser des reproches à un souverain, tant que cela hôtes du Roi. Véritable ruche, ces cuisines ne dorment jamais
se fait sans le désigner nommément mais en utilisant une et dégagent à toute heure du jour et de la nuit une douce cha-
anecdote historique rappelant la situation actuelle pour leur et diverses odeurs appétissantes. C’est Dame Gong Li,
attirer son attention sur une erreur qu’il aurait commise ou amie d’enfance du Roi Ying Zheng et Grande Intendante des
serait sur le point de commettre. Chacun saura alors ce que Cuisines royales, qui règne sur les lieux.
le discours sous-entendait mais puisque aucun reproche
direct n’aura été fait, l’orateur ne pourra être inquiété et
sera même souvent récompensé pour ses conseils avisés Les sous-sols
s’il a su bien les tourner. Cela explique pourquoi les fonc-
tionnaires sont dans leur immense majorité des lettrés,
férus d’histoire et de philosophie antique, car les connais- Les sous-sols sont divisés en deux grandes parties
sances leur permettent de tenir des propos pertinents sans qui ne communiquent pas entre elles.
blesser l’honneur de leurs supérieurs. La première, située directement sous les cuisines,
est composée de vastes celliers et caves permettant d’entre-

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Xianyang, capitale du Qin

poser au frais la nourriture et le vin. Chaque cave est C’est là que se situe la Salle du Haut Conseil
dédiée au stockage d’un type d’aliment (fruits, légumes, éclairé, où se tient le conseil des Ministres présidé par le
viande, poisson, etc.) ou d’un alcool en particulier. Des Roi. Cette pièce richement décorée, confortable et bien
scribes tiennent un inventaire précis de ce qui entre et sort défendue résonne des débats qui s’y tiennent et décident de
de ces lieux afin de tenir scrupuleusement leur comptabi- l’avenir du Royaume. Le Roi se tient sur son trône, sur-
lité ; une tâche qui n’est pas toujours facilitée par l’em- élevé par rapport au reste de la salle, tandis que les minis-
pressement des commis de cuisines devant travailler rapi- tres sont regroupés autour d’une longue table. Attablés à
dement pour préparer et servir les gargantuesques banquets leurs écritoires, plusieurs scribes retranscrivent le contenu
du Roi. De très nombreux renfoncements, cavités et autres des discussions qui ont lieu ici, permettant ainsi aux
encoignures permettent aux serviteurs et apprentis de voler paroles du Roi et de ses ministres de se transformer en lois
quelques instants de sommeil ou de se retrouver discrète- et décrets selon leur bon vouloir.
ment pour une rencontre amoureuse… La Bibliothèque de la Volonté royale concentre
La seconde partie des sous-sols, bien plus sinistre, d’ailleurs en son sein les copies de toutes les lois passées au
n’est accessible que par un passage connu de quelques indi- Qin depuis l’époque de Shang Yang. De larges étagères occu-
vidus triés sur le volet, dont le Roi lui-même. Il s’agit des pent toute la longueur de cette immense salle, et sur leurs
sombres cachots dans lesquels sont jetés les criminels que le rayonnages reposent d’innombrables livres consignant les
souverain souhaite avoir à disposition pour les interroger ou décrets successifs de tous les souverains du Royaume. Même
les torturer lui-même. Ces oubliettes sont creusées à même les textes amendés ou abrogés sont conservés sur une étagère
les murs en terre, fermées par une solide grille de bronze et consacrée, afin que rien ne soit jamais perdu.
une simple natte en paille tient lieu de couche. L’humidité et Le reste de l’étage est occupé par des bureaux, des
l’obscurité qui règnent en ces lieux rendent la détention par- officines, des cabinets de travail et une foule de fonction-
ticulièrement pénible et plus d’un prisonnier a sombré dans naires s’y active afin que la volonté du Roi devienne une réa-
la folie au fil des années, s’il a survécu aux infections lité tangible pour les citoyens du Qin. C’est à eux donc qu’in-
diverses… La salle entourée par les multiples cachots est combe la tâche proprement titanesque de mettre en place les
meublée d’un simple bureau et deux gardes sont chargés de mesures d’application des lois émises en haut-lieu, de déci-
surveiller les lieux. Un étroit couloir sombre mène à la salle der de leurs applications concrètes, de préciser les châtiments
des tortures, une vaste pièce au sol de terre battue recouvert à appliquer en cas de non-respect, etc. Ici, comptables,
de paille et meublée par divers instruments de cauchemar. De juristes, architectes, scribes, assistants, conseillers travaillent
nombreuses taches de sang ornent les murs et l’atmosphère de concert pour s’assurer que la machine administrative du
sinistre qui hante les lieux rappelle les souffrances qu’y ont Qin reste la plus efficace possible et que tous les rouages de
enduré des centaines de malheureux… sa bureaucratie fonctionnent parfaitement.
31

Le premier étage Le troisième étage


Au deuxième niveau se trouvent les appartements Le dernier niveau du Palais Jinque est consacré
de tous ceux qui vivent au palais, rassemblés au sein de aux vastes et luxueux appartements du Roi.
plusieurs pavillons distincts. Les plus vastes sont réservés On y trouve ainsi sa chambre, son cabinet de tra-
aux personnages d’importance ou aux invités prestigieux vail, divers salons, une cuisine tenue par un chef-cuisiner
tandis que de petites chambres regroupées à l’écart permet- de grande réputation, une bibliothèque privée et surtout le
tent de loger serviteurs, messagers ou soldats de la garde. gynécée dans lequel vivent les innombrables concubines
Tous ces appartements sont meublés avec un goût certain, du souverain. Le Roi passe une grande partie de son temps
chauffés par des braseros de bronze et surveillés par des en ces lieux, qui sont en quelque sorte son seul havre de
gardes du palais. paix. Il peut compter sur une suite nombreuse de serviteurs
Au sein de chaque pavillon se trouvent une salle dévoués, dirigée par un chancelier eunuque, pour le débar-
de bain et des cuisines, ainsi en général que des salles à rasser des soucis de sa charge. En dehors de ces serviteurs,
manger permettant de se réunir à plusieurs, des biblio- personne n’a la permission de se rendre à cet étage sans la
thèques, des cabinets médicaux ou des salles d’entraîne- permission du souverain qui parfois consent à y recevoir
ment pour les invités les plus martiaux. De nombreuses ter- un courtisan ou un ministre, ce qui reste une faveur rare.
rasses permettent de prendre l’air, de profiter de la vue ou Le gynécée occupe la plus grande partie du troi-
de se rencontrer loin des oreilles indiscrètes. sième étage car si nombreuses sont les concubines royales
Tous ces pavillons sont reliés entre eux par des que plusieurs pièces ont du être converties en appartements
allées couvertes et parcourus de larges couloirs éclairés pour les loger toutes (et cela ne suffit même pas : seules
même en pleine nuit. les concubines de premier rang vivent ici, les autres sont
assignées à un gynécée se trouvant non loin du complexe
des palais). En ces lieux se déroulent des luttes politiques
Le deuxième étage qui, si elles sont d’une autre nature que celles qui se livrent
à la cour, n’en sont pas moins mortelles pour celles qui ont
le malheur de faire montre de faiblesse. Acquérir la faveur
À ce niveau se trouvent les bureaux et salles de du Roi est l’enjeu de ces intrigues, qui sont la seule occu-
réunion ; on y trouve le cœur administratif du palais. pation de ces femmes bien souvent désœuvrées. Nouant un

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écheveau complexe d’alliances entre elles et parfois les pouvoir ne vise pas à s’opposer au Roi mais bien à son pre-
eunuques qui surveillent leurs appartements, elles savent mier ministre : Li Si, ancien protégé de Lu Buwei, ne sou-
que celle qui aura la chance de mettre au monde un fils se haite à présent rien tant que de faire chuter le régent de sa
placera en bonne position pour espérer devenir Reine ou au position afin de laisser Ying Zheng prendre enfin les rênes du
moins concubine officielle du monarque du Qin. Les plus Royaume (qu’il dirigera bien sûr en suivant les conseils avi-
timorées survivent rarement plus de quelques mois dans ce sés de son ministre de la Justice…).. Ainsi, le jeune ministre
nid de vipères, se donnant rapidement la mort pour échap- s’est entouré d’ambitieux lettrés partageant ses vues et il
per à cette vie d’ennui et de haine quotidienne. s’appuie sur son influence de plus en plus forte auprès du

Le complexe des palais


souverain pour miner le pouvoir de Lu Buwei. Ses agents
oeuvrent jour et nuit pour mettre à jour un quelconque scan-
dale mettant en cause les proches du premier ministre afin de
lui porter le coup de grâce… Et il semblerait bien qu’une
affaire en particulier soit actuellement en mesure de discrédi-
ter définitivement le régent auprès de la cour…
Bâtis autour de la grande place royale se trouvent La Vénérable Forteresse de Jade abrite le ministre
les immenses palais ministériels, à la fois demeures des de la Guerre Feng Cheh ainsi que les nombreux généraux
puissants du Royaume et sièges d’une administration ten- qui lui servent de conseillers militaires. De façon un peu
taculaire. Autour de ce premier cercle de bâtiments, divers déplacée, ce palais ressemble plus à un château fortifié
secteurs abritant manoirs, casernes ou bureaux parsèment qu’au siège d’un ministère, mais son apparence est princi-
la Cité royale jusqu’aux murs d’enceinte et à la limite de palement symbolique (bien qu’en cas d’attaque, la
l’Antichambre du Royaume céleste. Forteresse soit effectivement capable de soutenir aisément
un siège). C’est également au sein de ce palais que se
trouve la grande caserne de la Cité royale, où vivent et
Les palais ministériels s’entraînent les soldats d’élite qui veillent sur le quartier.
Wang Jian, en tant que gouverneur militaire de Xianyang,
porte également le titre de Grand Officier de la Garde
Parmi ces impressionnantes bâtisses, il en est une royale mais ses activités ne lui laissent guère le temps
qui attire encore plus l’attention que les autres de par sa d’occuper ces deux fonctions, aussi a t’il délégué au colo-
taille et sa magnificence : le Grand Palais avant la Porte du nel Lua Ji-ken (Renommée : 90) le rôle de s’occuper de la
Ciel abrite la suite du premier ministre, censément garnison de la ville tandis que lui-même veille désormais à
l’homme le plus puissant du Royaume après le Roi lui- la sécurité du Roi.
32 même. Actuellement pourtant, celui qui assure cette fonc- De nombreux autres palais servent de ministères
tion n’y habite pas : Lu Buwei préfère le confort de son secondaires, comme le Bureau des Grands Chantiers qui gère
Palais du Cheval situé au sein du quartier noble, surtout les divers projets d’aménagement du territoire du Qin et dans
depuis qu’il semble avoir perdu la faveur du Roi. Cela ne lequel officient tous les architectes les plus en vue du
l’empêche bien sûr pas de venir gérer les affaires du Zhongguo, ou la Demeure aux Murs vigilants qui n’est autre
Royaume au milieu de ses conseillers et courtisans à qui il que la face visible et administrative du terrifiant Censorat…
laisse l’entière jouissance des lieux pour s’y loger avec
leurs familles ; une méthode éprouvée pour se garantir
quelques loyautés solides… Le secteur des eunuques
Le Palais de l’Administration céleste est le siège
de la bureaucratie du Qin. C’est d’ici que le ministre Cao
Xin Fang gère avec l’aide de ses innombrables assistants le Les serviteurs castrés de la Cité royale qui ne sont
fonctionnement administratif du Royaume et la multitude pas astreints à vivre au Palais Jique ont droit à un secteur
de fonctionnaires qui veillent aux lois dans chaque district entier pour y vivre et s’adonner à leurs quelques loisirs.
du pays. Au sein des archives du palais se trouve ainsi la Leurs demeures sont en général moins ostenta-
liste de chaque fonctionnaire oeuvrant ou ayant œuvré toires que celles des autres dignitaires vivant dans le quar-
pour le Qin, avec mention de la mission, de l’avancement, tier, mais elles restent confortables et bien entretenues. Un
de la date de prise de fonction, de la date de fin de service peu à l’image du quartier bourgeois, le secteur des
éventuel, etc. C’est également dans ce palais que se situe eunuques est composé de nombreux manoirs cossus, sépa-
le bureau et les appartements du magistrat de la Cité rés par de larges rues pavées et entourés de parcs et étangs
royale. En effet, administrativement parlant celle-ci est d’agrément. C’est un lieu où il fait bon vivre mais dans
considérée comme un quartier à l’égal des huit autres et un lequel pourtant peu de gens se sentent à l’aise ; en effet les
magistrat est censé en gérer le fonctionnement. Dans les eunuques, s’ils jouissent d’un pouvoir certain à la cour,
faits, il y a déjà tellement d’intendants, de chanceliers et de restent objet de crainte et de méfiance voire parfois de
chambellans qui s’occupent des divers palais et manoirs moqueries… Ce qui explique qu’ils préfèrent rester entre
que le magistrat Lung Huo n’a guère à se préoccuper que eux lorsqu’ils ne travaillent pas au sein des divers palais.
de la gestion des affaires courantes comme les relations De façon logique, c’est dans ce secteur qu’ont été
avec les marchands venant livrer leurs produits à bâtis les quelques palais servant à loger les concubines de
l’Antichambre. rang inférieur du Roi. Si la vie au sein de ces gynécées
Le Tribunal qui Juge les Âmes est actuellement le semble au premier abord plus facile que celle du Palais
siège du contre-pouvoir le plus important du Qin. Ce contre- Jique, les tentations auxquelles sont soumises leurs

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Xianyang, capitale du Qin

Les eunuques
Les eunuques, ces hommes castrés pour servir au sein du gynécée royal, ont joué divers rôles
parfois ambivalents dans les Royaumes combattants : à la fois pauvres mutilés, considérés comme des
monstres ou des demi-hommes, mais aussi détenteurs des secrets murmurés dans les alcôves du palais
royal ou eux-mêmes source de complots visant à asseoir leur influence...

Pourquoi des eunuques ?


L’émasculation est au départ une punition envers des condamnés ou des criminels. La mutila-
tion des organes génitaux est considérée comme pire que la mort pour un habitant des Royaumes. On
peut y être condamné par exemple pour dissidence ou adultère.
Néanmoins, beaucoup d’enfants sont vendus par leurs parents pour être châtrés et ainsi obtenir un
emploi dans les palais en tant qu’assimilés fonctionnaires, puisque seuls les cours royales ont le droit d’uti-
liser des eunuques comme serviteurs (généralement pour gérer et garder les concubines du Roi).
En période de disette, il est courant que des hommes adultes, pour accéder à certains postes et
à un confort de vie afférent, soient contraints à la castration volontaire.

L’opération
L’opération d’ablation des organes génitaux a toujours lieu dans un pavillon particulier situé
juste à l’extérieur des portes du palais. La fonction d’exciseur est souvent considérée comme héréditaire
car les spécialistes enseignent la profession à leurs propres enfants qui servent ensuite d’assistants avant
de reprendre la charge. Il s’agit là d’une fonction honorifique importante, au même titre que celle de
bourreau royal.
Les exciseurs sont reconnus par le gouvernement comme une profession d’utilité publique et
ils reçoivent environ six taels par opération : le métier paie bien.
Après une anesthésie locale (une potion ou un baume secret, transmis dans la famille de l’ex-
ciseur) et une préparation du sujet maintenu fermement en position allongée sur un banc par les assis-
tants (des bandages serrés autour des cuisses et du ventre limitent les hémorragies), le chirurgien
demande au sujet ou à son responsable, s’il est bien d’accord pour subir l’opération : l’accord n’est en
33
général que de pur principe.
Alors l’aine est baignée d’eau chaude additionnée de poivre pour désinfecter et d’un coup de
couteau courbe prévu pour cet usage, les testicules et le pénis sont tranchés le plus ras possible. Un bou-
chon d’étain est mis en place pour éviter toute cicatrisation qui risquerait de fermer l’urètre.
La blessure est encore enduite d’eau chaude poivrée, puis d’onguent et recouverte de linges
blancs humides. Le nouvel eunuque est alors contraint de marcher dans la pièce, soutenu par les assis-
tants, durant deux à trois heures.
Pendant trois jours, il ne devra pas boire mais se reposer.
Le quatrième jour, le pansement est ôté ainsi que le bouchon et s’il parvient à uriner, il est
sauvé. Sinon, cela signifie qu’il y a infection et la mort est presque certaine sous quelques jours.
Cent jours sont nécessaires pour une guérison totale de la plaie. On estime à deux pour cent à
peine les morts résultant de cette opération, moins encore si l’exciseur maîtrise son art à la perfection.
Par contre les castrations « artisanales », pratiquées par des débutants sans la surveillance d’un spécia-
liste, ont un taux de mortalité bien plus élevé : de l’ordre de cinquante pour cent.
Toutefois il reste un risque fréquent de complications non létales, comme des fuites urinaires
parfois jugulées par un bouchon d’étain ou plusieurs épaisseurs de vêtements.
L’expression « puer comme un eunuque » fait référence à ces désagréments, et ces hommes
se parfument souvent lourdement pour cacher leur odeur.

Le « Précieux Trésor »
Les eunuques conservent leurs parties ainsi amputées, soit dans une petite jarre dans de l’alcool
soit desséchées dans un coffret, , qu’ils appellent alors « le Précieux Trésor ». Il peut être exigé d’un
eunuque de le montrer afin de prouver son statut ou avant d’obtenir une promotion.
En cas de perte ou de vol de son « Précieux Trésor », un eunuque peut toujours en racheter
un (voire en louer pour l’occasion) chez l’exciseur qui conserve en général ceux de ses patients décédés
et les revend pour environ cinquante taels.
Car il est primordial, pour pouvoir renaître entier lors de sa réincarnation, d’être enterré avec
ses attributs sinon l’eunuque risque de servir d’esclave aux Rois des Enfers en qualité de demi-homme.

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occupantes sont également bien plus proches et dange- autour de ces entrepôts afin de décourager ceux qui seraient
reuses… Plus d’une concubine s’étant risquée à vivre une assez fous pour vouloir cambrioler les propriétés des person-
aventure avec un haut-fonctionnaire en a payé le prix de sa nages les plus puissants du Royaume.
vie, après avoir vu son amant se faire écarteler sur la L’Antichambre du Royaume céleste bouillonne
grande place royale… Bref ici comme au palais royal, un nuit et jour d’activité, car la Cité royale est gourmande et
gynécée reste un endroit mortel où le moindre faux pas réclame sans cesse d’être approvisionnée en nourriture,
peut conduire à la disgrâce ou à la mort. équipement et objets divers. Le va-et-vient ne s’interrompt
ainsi jamais et un intermédiaire avisé peut aisément tirer
son épingle du jeu au milieu de ces incessantes transac-
Les autres palais tions, impliquant régulièrement plusieurs milliers de
pièces… Mais le magistrat Lung Huo veille et peu de frau-
deurs ou d’arnaqueurs échappent à sa vigilance.

Personnalités
Tout autour du complexe ministériel se trouvent
de nombreux palais ou manoirs, demeures de haut-fonc-
tionnaires, de puissants dignitaires ou d’invités de marque
comme les otages politiques venus des autres Etats.
La famille du Roi est également logée dans l’en-
ceinte de la Cité royale et la Reine-mère dispose d’un
immense palais dont elle ne sort presque jamais, prétextant Ba Chong
une santé défaillante pour ajourner les visites ou sorties.
L’imposant manoir dans lequel vivait Cheng Jiao est inoc-
cupé depuis presque un an, maison fantôme dans laquelle Homme à l’allure juvénile et au visage d’enfant,
plus aucun serviteur n’ose mettre les pieds de peur d’être Ba Chong est pourtant l’une des personnalités les plus res-
soupçonné d’avoir été jadis un partisan du prince félon… pectées de la Cour royale car lourde y est sa charge :
Maître des rites, c’est à lui qu’incombe la tâche d’organiser

L’Antichambre du
à la perfection chaque cérémonie, chaque allocution
royale, chaque instant de recueillement envers les ancêtres

Royaume céleste
de la lignée Ying.
Malgré la disparition de la noblesse et la fin de la
transmission héréditaire des prérogatives, la famille Ba est
celle qui depuis plusieurs siècles fournit au Roi son Maître
34 des rites. Car cette charge est bien plus qu’une fonction
administrative ou bureaucratique : elle touche à la science
Cette partie de la Cité royale est uniquement délicate de la communication avec les esprits et les ancê-
dédiée au fonctionnement logistique du quartier, tant son tres, et de fait celui qui l’occupe est le gardien des tradi-
ampleur et le nombre de ses habitants nécessitent qu’une tions ancestrales du Qin et de sa famille royale. Et même
gestion consacrée soit mise en place. les réformes légistes menées par Shang Yang n’ont pu
Ce secteur est enclavé et séparé du reste de la Cité entamer l’influence dont jouit la famille Ba à la cour.
royale par un haut mur percé de nombreuses entrées, et du Bien que très jeune, Ba Chong est un Maître des
quartier administratif par la Grande Porte de la Lumière de rites de grand talent. Sa prodigieuse mémoire lui a permis
l’Est, une ouverture ronde aux lourds battants de bronze d’emmagasiner toutes les subtilités du protocole de la cour
décorés de nombreuses fresques en relief. et sa voix étonnement forte pour un individu de sa faible
La première partie de l’Antichambre est un inex- carrure couvre les insignifiants murmures de l’assemblée
tricable réseau de bureaux, comptoirs et officines reliés quand il officie. Rassuré quant à la transmission de sa
entre eux par un dédale de ruelles. C’est là que viennent se charge, son père se retira du monde pour laisser Ba Chong
déclarer marchands, colporteurs et artisans afin d’y présen- prendre sa place. Depuis, le jeune homme vit dans l’en-
ter les marchandises et objets commandés par les inten- ceinte du temple des ancêtres de la famille Ying, situé der-
dants des différents palais. Scribes et commis vérifient la rière le Palais Jique. Lorsqu’il en sort, c’est toujours revêtu
conformité des lots sous l’œil vigilant de la garde royale, de ses atours officiels et ceux qui le croisent dans les cou-
et posent leur sceau une fois l’inspection terminée. Les loirs se hâtent de s’écarter de son chemin, car l’on dit
livraisons peuvent alors être payées en main propre avant qu’offenser le Maître des rites revient à faire injure à la
de se voir acheminées vers les entrepôts. lignée royale, dont il est la voix dans le monde des vivants.
Ce sont justement ces entrepôts et remises qui Depuis maintenant plusieurs mois, Ba Chong fait
constituent la seconde moitié du secteur. Des dizaines de des rêves particulièrement puissants, qui le laissent fourbu au
bâtiments de stockage composent la partie nord de matin. Dans ces songes si vivaces, il voit tous les ancêtres du
l’Antichambre et permettent de garder les innombrables den- Roi se lamenter que l’Empire ne soit pas encore unifié sous
rées livrées chaque jour en attendant qu’elles soient emme- la bienveillante autorité du Qin. Lorsqu’il se réveille, Ba
nées vers les palais ou demeures du reste de la Cité royale. Il Chong n’a qu’un mot en tête, un mot qui le hante jour et nuit
s’y trouve même des enclos et haras pour le bétail et les mon- : Tiàn Xia. Et inlassablement depuis lors, le Maître des rites
tures, ainsi que de petits ateliers permettant de réparer les rappelle quotidiennement à Ying Zheng le grand dessein de
objets ayant pu être endommagés pendant le transport. Une ses ancêtres : unir tout ce qui existe sous le Ciel.
partie des soldats de la garde royale patrouille régulièrement Renommée : 145

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Xianyang, capitale du Qin

l’Etat envers ses alliés faiblit de jour en jour. En effet, on


ne peut occuper un poste tel que le sien sans embrasser ou
Bien Long
du moins comprendre parfaitement la philosophie légiste
Âgé d’une quarantaine d’année, Bien Long fait qui sous-tend le fonctionnement de la bureaucratie du
partie de l’armée d’eunuques qui sillonnent sans cesse les Royaume. Or à force d’appliquer ces principes, Cao Xin
allées de la Cité royale. Y compris parmi ceux partageant Fang a fini par y adhérer sans retenue car il peut constater
sa condition, sa réputation n’est plus à faire et il est pour leur efficacité jour après jour : les seuls dysfonctionne-
de nombreux serviteurs et fonctionnaires l’homme vers qui ments dont il est témoin sont justement le fait de personnes
l’on se tourne lorsque l’on a besoin d’un conseil ou d’un semblables à ceux de la Vieille Garde, parasites profitant
regard extérieur sur ses propres tourments. Ainsi il n’est du système et n’œuvrant pas à la grandeur du Qin. À l’in-
pas rare qu’il intervienne pour calmer une querelle ou verse, les fonctionnaires issus du peuple et formés selon
apporter une solution simple à un problème d’apparence les directives de Shang Yang se montrent scrupuleux et
insoluble, surtout s’il implique des querelles d’ego ou des efficaces, et font avancer la cause du pays, même à leur
orgueils froissés. modeste niveau.
L’ironie de la situation est que ce talent de diplo- Ainsi, Cao Xin Fang prend de plus en plus de dis-
mate et son habilité à rendre des menus services est tout tance vis à vis de ses vieux amis à la cour. Bien que parta-
sauf innée : Bien Long les a appris comme bien d’autres geant toujours leur mépris pour le régent en disgrâce Lu
sur les bancs de l’école des Diplomates de Xinzheng où il Buwei (un simple parvenu), il en est venu à concevoir une
se distingua particulièrement. En effet, le serviable admiration sincère pour Li Si. Le jeune ministre lui semble
eunuque est en fait un espion du Han qui a réussi à s’infil- en effet du bois dont on fait les meilleurs hommes d’Etat,
trer au plus près du pouvoir royal du Qin et qui se sert de dévoué et ne ménageant pas ses efforts. Discrètement afin
sa bonne réputation d’oreille aimable auprès du personnel de ne pas se mettre à dos ses anciens alliés, Cao Xin Fang
des divers palais de la capitale pour se tenir au courant de a commencé à appuyer Li Si afin que le ministre de la
toutes les rumeurs. Tout irait pour le mieux dans le meil- Justice continue son ascension vers les plus hautes sphères
leur des mondes si un jeune scribe, Han Xu, n’avait décou- du pouvoir.
vert sa double identité et ne lui soutirait, en échange de son Renommée : 160
silence, d’importantes sommes qui auraient du normale-
ment servir à alimenter la caisse noire de l’eunuque.
Cependant, sa hiérarchie ignore ce fait et est pour l’instant Chu Changping et Chu Changwen
très satisfaite de ses résultats. À tel point que sans le signa-
ler à Geng Mao (que Bien Long considère comme un sim-
Les deux otages offerts par le Chu à la cour du
35
ple homme de paille n’ayant aucune idée de tout ce qui se
trame dans les ombres), elle vient de lui octroyer des res- Qin sont cousins, choisis parmi les innombrables petits-
ponsabilités supplémentaires et il doit désormais encadrer enfants du Roi Kaoliewang. Envoyés au Royaume légiste
le travail d’un autre agent : Zheng Guo. alors qu’ils étaient encore enfants, ils n’ont finalement
Toutefois, comme les responsables des services guère connu que Xianyang comme foyer et ils n’y furent
secrets du Han ne souhaitent en aucun cas que l’eunuque jamais maltraités, bien au contraire. Rapidement, ils devin-
possède une vision globale de l’impressionnant dispositif rent des compagnons de jeu de Ying Zheng et du Prince
qu’ils ont bâti à Xianyang, ils font donc en sorte que trois Dan, étant peu ou prou du même âge.
mercenaires du Zhao à leur solde l’espionnent en faisant En grandissant, ils continuèrent à jouir de nom-
mine de le servir. breux privilèges en étant traités selon leur rang de princes de
Renommée : 95 sang d’un puissant voisin : eux qui avaient entendu la façon
dont le Zhao s’était comporté envers Ying Zheng en vinrent
à éprouver une grande loyauté envers leur pays d’adoption.
Changwen en particulier se sent depuis longtemps bien plus
en phase avec les ambitions du Qin qu’avec celles du Chu,
Cao Xin Fang
pays déclinant selon lui. Quant à Changping, certes il appré-
Vieillard à l’esprit toujours leste, Cao Xin Fang cie la vie qui lui est offerte, mais il reste méfiant : il soup-
occupe un des postes les plus importants au sein du gou- çonne confusément que le Qin tente d’acheter sa loyauté
vernement. En tant que ministre de l’Etat, c’est à lui qu’in- pour le retourner contre sa patrie.
combe la lourde tâche d’organiser la tentaculaire pyramide L’un comme l’autre ont fait leurs études à l’uni-
des fonctionnaires au service du Royaume. En d’autres versité de Xianyang et ont fini par s’engager dans la garni-
termes, il est celui à qui rendent compte tous les gouver- son. Ils occupent actuellement des postes d’officiers dans
neurs et magistrats du Qin, ainsi que leurs subordonnés et la garde royale, ce qui les rend particulièrement fiers et
tous les autres agents assermentés de l’Etat. Cela fait de lui leur prouve une fois de plus que le Qin ne fait aucune dis-
l’un des ministre les plus influents à la cour. crimination selon les origines de ses citoyens : seul le
Cao Xin Fang est issu d’une lignée prestigieuse et mérite compte et les deux princes, de par leur ascendance,
c’est sans surprise qu’il se range du côté de la faction dite sont particulièrement intelligents et robustes, ce qui leur
« la Vieille Garde », composée d’aristocrates attachés à assure une place de choix au sein du Royaume légiste.
leurs prérogatives et voyant d’un mauvais œil l’affluence Dans la guerre larvée qui oppose actuellement le régent Lu
de jeunes fonctionnaires aux dents longues au sein de la Buwei à l’impatient Ying Zheng, les deux princes se sont
cour. Pourtant actuellement, la loyauté du ministre de rangés sans hésiter du côté de leur ami d’enfance. En l’ai-

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dant à accéder au trône auquel il a droit, ils espèrent égale- Mais la roue tourne. Lorsque Zichu monta sur le
ment que leur carrière dans le gouvernement décollera. Se trône du Qin et nomma Lu Buwei premier ministre, cette
voyant bien ministres, ils préparent leur avenir en assurant décision révolta de nombreux courtisans qui voyaient ce
de tout leur soutien le jeune Roi, malgré les récriminations poste prestigieux leur échapper au profit d’un étranger, un
de l’ambassadeur du Chu Qu An. simple marchand de surcroît ! Des pamphlets circulèrent,
Renommée : 145 des rumeurs coururent sur le nouvel homme fort du
Royaume. À l’époque, Feng Cheh travaillait dans le cabi-
Le prince Dan net de Fu Han Jo, premier procureur de Xianyang et cousin
du ministre de la justice. Il découvrit ainsi la source de
l’opposition s’organisant contre Lu Buwei. Il entendit
Les années passées à Xianyang n’ont en rien terni beaucoup de choses, rassembla les preuves d’un complot
la prestance et l’aura du jeune prince. Bien qu’officiellement puis alla trouver le puissant marchand. Dans la semaine
otage du Qin, personne n’aurait l’irraisonnable attitude de le qui suivit, le Premier ministre remania les ministères. Le
traiter comme tel. Tout le monde sait bien quelle amitié le lie gouvernement du Qin changea à son profit et Feng Cheh
au Roi et combien l’influence de sa personnalité enjouée agit vit sa carrière relancée. Fu Han Jo disparut mystérieuse-
sur l’humeur changeante de Ying Zheng. Malheureusement, ment peu avant son arrestation et son cousin fut victime
de fait beaucoup ne le considère qu’ainsi, et le tolère comme d’un malencontreux accident domestique.
le compagnon de leur monarque. Proche de Lu Buwei, Feng Cheh assure depuis
Mais si le prince Dan participe toujours aussi acti- maintenant sept ans le rôle de ministre de la Guerre.
vement à la vie de cour, et maintient ainsi la prestance de Compétent, il a su mettre en œuvre les réformes et l’orga-
son rang, une douleur discrète commence à ronger son nisation nécessaire au grand projet de son monarque. La
âme. Et celle-ci a pour nom nostalgie. Il se surprend à situation entre le régent et Li Si se dégradant, il a choisi
compter les jours et les années passées loin de son pays son camp. Le lien entre le ministre des Noms et des Lois et
natal. Le royaume du Yan lui manque, et il réalise de plus le Censorat l’agace, et il ne manque pas une occasion d’at-
en plus qu’il pourrait être maître de son propre Royaume taquer le pouvoir et l’influence de son rival.
plutôt que serviteur d’un autre. Ce mal du pays s’est encore Renommée : 160
accentué depuis l’arrivée récente du nouvel ambassadeur
du Yan, le jeune Yuan Ying. Les rumeurs de guerre immi-
nente avec le Zhao qu’il colporte inquiètent le prince et lui Geng Mao
font ressentir plus cruellement encore la nécessité de sa
présence à Ji. Mais Ying Zheng n’aime pas Yuan Ying et
36 c’est en secret que les deux hommes doivent se rencontrer Ambassadeur du petit Royaume du Han, Geng Mao
pour évoquer leur lointain pays. arpente les allées du palais royal de Xianyang depuis presque
Actuellement, le prince Dan n’hésite pas à soutenir quinze ans déjà. Homme bedonnant et jovial, son visage rond
en toute occasion le Roi du Qin contre son régent Lu Buwei. toujours souriant inspire la confiance voire la sympathie et
Il souhaite permettre à son ami de s’affranchir de l’emprise depuis le temps qu’il vit à la cour, presque tout le monde en
de cet homme et de prendre vraiment en main la destinée du est venu à le considérer comme un citoyen du Qin, oubliant
Royaume. Mais surtout, il espère ainsi obtenir rapidement ses origines et son rôle. Il faut dire que le Qin et le Han, bien
l’autorisation de retourner au Yan afin d’y accomplir son des- que frontaliers, ont peu de rapports conflictuels et Geng Mao
tin. Le plus vite possible car chaque jour, le prince voit son se contente de faire en sorte que leurs accords commerciaux
ami s’enfermer un peu plus dans sa folie et il craint un jour soient renouvelés régulièrement, se plaignant juste ce qu’il
de ne plus supporter de le voir ainsi, ou de devenir lui-même faut pour paraître accomplir son rôle lorsque le Qin aug-
la victime de ses sautes d’humeur incontrôlables. mente les droits de douane.
Renommée : 170 Mais comme souvent avec les représentants du
Han, les apparences sont trompeuses. Geng Mao fut formé
à l’académie des Diplomates de sa patrie, ce qui fait déjà
Feng Cheh de lui un ambassadeur plus que compétent (en tout cas bien
plus que ce qu’il montre) mais surtout, il est l’un des
agents les plus hauts-placés au sein des services secrets du
Malgré son âge avancé, Feng Cheh demeure un Han. Muté au Qin pour une période indéterminée, Geng
politicien habile et rusé. Intelligent et séducteur, il a su tis- Mao a pu prendre tout son temps pour y monter son réseau
ser au sein de la cour tout un réseau de relations qui assu- de renseignement et permettre à son Royaume d’avoir des
rent son influence dans le Royaume. yeux et des oreilles jusqu’au Palais Jique. En tant qu’agent
Nourri de légisme, ce fonctionnaire gravit de nom- infiltré, il a bien conscience de vivre sur le fil du rasoir et
breux échelons depuis sa première affectation à Xianyang l’image débonnaire qu’il se donne n’est qu’une de ses
comme magistrat il y a de cela fort longtemps. Sa carrière nombreuses protections. Il se sait surveillé par les services
avançant, on prédisait à cet homme svelte et discret les plus secrets du Qin, mais finalement guère plus que les autres
grands honneurs. Mais cette prometteuse ascension faillit ambassadeurs : pour lui cela signifie que sa couverture
s’interrompre lorsque, devenu le secrétaire d’un ancien tient encore.
ministre de la Guerre, celui-ci fut impliqué dans une affaire Bien entendu, ses talents de diplomate le servent
de corruption et forcé à l’exil. Feng Cheh rentra dans le rang énormément dans son rôle et il prend garde également à ne
et n’occupa plus que des postes subalternes. pas paraître trop incompétent. En sous-main, il s’arrange

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Xianyang, capitale du Qin

pour attiser l’animosité entre le Qin et ses plus puissants


rivaux, Zhao et Chu en tête, afin que le Royaume légiste
soit occupé ailleurs que sur les frontières du Han. Bien sûr,
nul ne soupçonne jamais le bon vivant Geng Mao d’être à
l’origine des nombreux troubles entres ces trois puissants
Etats car l’ambassadeur sait toujours manipuler d’inno-
cents pions dans ses manigances, quitte à précipiter leur
chute au nom du bien de son peuple…
Renommée : 90

Gong Li
D’une beauté sans pareille, la Dame du Zhao
comme l’appellent les serviteurs du palais royal, est l’amie
d’enfance de Ying Zheng et à ce titre, l’une des personnes
ayant le plus d’influence sur lui.
Lorsqu’il n’était qu’un otage du Zhao sans grande
importance, celui qui allait devenir Roi du Qin vivait dans
la misère, méprisé par le peuple du Royaume du Cheval et
maltraité même par le plus humble des serviteurs. Sa vie
était alors sombre et presque sans joie ni plaisir. Presque
car il existait une personne qui l’acceptait comme ami sans
restriction : une petite fille nommée Gong Li. Ensemble,
les deux enfants firent les quatre cents coups et les rires de
cette unique amie étaient la musique qui permettait à Ying
Zheng de tenir le coup.
Puis vint le temps du retour au pays, grâce aux
manigances de Lu Buwei qui allait aider le jeune garçon à
monter un jour sur le trône du Qin. Mais Ying Zheng refu-
sait de quitter son amie, de la laisser seule dans un pays
37
aussi inhospitalier ; aussi sa mère Wu Ji accepta de l’em-
mener avec eux à la cour. Là, la jeune Gong Li reçut une
éducation de princesse et son intelligence ainsi que son
goût pour les intrigues put s’épanouir en toute liberté, et en
toute loyauté envers son bienfaiteur. Malgré ses nouvelles
obligations de prince puis de Roi, Ying Zheng fit en sorte
de toujours pouvoir passer un peu de temps avec elle et
bien vite des rumeurs coururent sur leur liaison supposée.
Rumeurs fausses évidemment, car le Roi aime certes Gong
Li mais seulement comme une sœur et la prendre pour
femme ou concubine ne lui est jamais venu à l’esprit. La
jeune femme en a bien conscience et bien qu’elle ne
caresse aucun espoir de régner aux côtés de son ami, elle
l’appuie cependant toujours quoi qu’il fasse.
Récemment, Gong Li a été approchée par la
Carapace noire. En effet, le plus obscur des services secrets
du Qin souhaite prendre sous son aile celle qui s’avère sans
doute être la confidente la plus proche du Roi, afin d’éviter
qu’elle ne soit recrutée par d’autres forces bien plus malin-
tentionnées…
Renommée : 95

Han Fei Zi
Issu de la famille royale du Han, Han Fei Zi n’y
fut jamais très bien vu du fait de sa vision peu orthodoxe
de la politique. Petit, bègue et sans charme, il devint bien
vite un paria parmi les siens et cela le poussa à se réfugier Gong Li

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encore plus dans les études et la recherche d’un parfait sys- pline de fer à laquelle il s’est astreint depuis son plus jeune
tème de gouvernement. Inspiré par les travaux politiques âge. En effet, il a été approché très jeune par les Clochettes
des premiers légistes, dont Shang Yang, il entendit parler tressées alors même que ses parents le prédestinaient à de
d’un vieil érudit vivant au Chu ayant conceptualisé le longues études. Plutôt que de le forcer à tout arrêter, le
légisme sous une forme philosophique. Se renseignant plus groupe d’assassins perçut rapidement l’intérêt de compter
avant, il apprit que le dénommée Xun Zi avait été banni de non pas quelqu’un capable de se faire passer pour un éru-
son Royaume et vivait désormais au Zhao. Han Fei Zi dit, mais un véritable homme de savoir dans ses rangs.
décida de s’y rendre afin de devenir son élève. Ainsi, poursuivant une brillante carrière le jour et se per-
Le lettré bègue étudia à Handan durant trois ans fectionnant toujours un peu plus dans les arts mortels la
sous l’égide du vieux maître et au côté de son camarade Li nuit - il eut d’ailleurs un certain Jing Ke comme condisci-
Si. Les deux hommes s’entendirent rapidement, ayant cha- ple -, He Seung devint à la fois un précepteur émérite et un
cun une vision très semblable de la politique et surtout assassin implacable.
étant très complémentaires l’un de l’autre : bien que bril- Fidèle à la tradition de son groupe, sa position
lant calligraphe, Li Si n’était pas un écrivain très doué mais privilégiée lui permet désormais de se faire une idée de qui
ses talents de rhéteur compensaient largement ce défaut aura besoin de ses services parmi ceux capables de se les
alors qu’à l’inverse, le bègue Han Fei Zi était incapable de offrir, aussi bien dans la Cité royale que dans la guilde
prendre la parole en public mais savait coucher sur le bam- bourgeoise. Xianyang est son territoire et il y est désormais
bou ses idées avec un style percutant et clairvoyant. si bien installé que les Clochettes tressées n’ont pas jugé
Lorsque Xun Zi repartit au Chu, les deux amis se nécessaire d’y envoyer qui que ce soit d’autre.
séparèrent. Han Fei Zi rentra dans son pays et entreprit de Renommée : 125 (mais 0 en tant qu’assassin)
rédiger un ouvrage synthétisant sa pensée philosophique.
S’inspirant du Taoïsme autant que du légisme de son men-
tor, il produisit un livre remarquable qui lui valut le suffixe Ji An
honorifique de Zi. Réunissant des disciples autour de lui,
son enseignement fut jugé trop subversif par sa propre
famille et il lui fut demandé de quitter le Han quelque La venue d’un prince étranger dans la capitale
temps… Il croisa Lu Buwei sur sa route et s’installa à d’un autre Etat reste toujours un événement particulier.
Xianyang sur son invitation. Pourtant, l’arrivée de Ji An à Xianyang demeure plutôt
Bien intégré à la cour et ayant l’oreille du Roi, confidentielle. Au grand dam du prince qui s’attendait à
Han Fei Zi sent pourtant que sa position devient de plus en plus de faste, mais il se voit confiné à l’enceinte du
plus périlleuse. En effet son ancien ami Li Si, devenu un palais et aux réceptions officielles. Les relations entre le
38 ministre important, semble craindre son influence et Han Qin et le Han sont actuellement assez tendues. Mais le
Fei Zi est bien placé pour savoir ce qu’il advient des adver- petit Etat menacé sur toutes ses frontières souhaite
saires de son vieux condisciple. S’étant rapproché de son affermir ce lien et se concilier son puissant voisin. C’est
cousin le prince Ji An, il espère obtenir rapidement l’auto- pourquoi le prince Ji An s’est rendu auprès de Ying
risation de rentrer au Han afin de s’éloigner d’une cour Zheng. Sa mission consiste tout simplement à établir les
devenue dangereuse pour lui. conditions d’un mariage entre lui-même et une prin-
Renommée : 125 cesse du Qin. Avec l’espoir de créer une alliance entre
les deux Royaumes.
Malheureusement, l’accueil reçu par le prince
He Seung lui a fait comprendre que cela ne serait pas facile à réa-
liser. Ying Zheng semble se désintéresser totalement de
cette démarche et, de toute façon, il n’y a actuellement
Au sein du Palais Jique, cela fait quelques aucune fille dans la famille Ying. Après quelques discus-
années déjà que le précepteur royal ne donne plus de sions avec l’ambassadeur du Han et d’autres membres de
leçons qu’à des princes éloignés ou de vagues cousins du la cour, Ji An a décidé d’envisager un mariage avec la
Roi. Pourtant il est loin d’avoir perdu son prestige ou la fille d’un ministre. Et son choix s’est porté sur Douce
confiance de Ying Zheng tant ses enseignements ont pro- Feuille du Saule, la fille de Feng Cheh, le ministre de la
fondément marqué le jeune homme et ses amis de Guerre. Il ignore cependant qu’il s’agit d’un proche de
l’époque : Dan, Gong Li et les deux princes du Chu. Il Lu Buwei, un homme dont le lunatique Roi du Qin se
reste donc auréolé d’une aura de sagesse et de connais- méfie de plus en plus mais Ji An y voit surtout un moyen
sance à la cour, à tel point que Lu Buwei lui a demandé de mettre l’appareil militaire de ce grand Royaume dans
de l’aider à compiler ses annales. Il donne également des la balance des négociations.
cours aux fils des familles les plus fortunées de Feng Cheh se montre plutôt favorable à cette
Xianyang, hauts-fonctionnaires comme bourgeois. Sa union qui pourrait lui offrir une solution de repli au cas où
renommée est telle que Ding Jiang Cheng offre parfois sa position au Qin viendrait à être menacée. Mais les trac-
les services de He Seung à une personne dont il veut tations durent car Ying Zheng refuse pour l’instant d’étu-
s’attirer les bonnes grâces de façon durable. Peu pour- dier cette question, trop occupé à ses propres intrigues
raient se permettre d’offrir un tel cadeau. semble-t-il. À moins qu’il n’ait d’autre intentions en ce qui
Pourtant loin de n’être que le puits de science concerne l’avenir du Han…
vieillissant que l’on imagine parfois, si He Seung a su gar- Renommée : 180
der un esprit vif et alerte, ce n’est qu’à travers une disci-

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Xianyang, capitale du Qin

Jiu Lao
La cinquantaine passée, la moustache lisse et
l’œil vif, Jiu Lao arpente depuis plusieurs années les cour-
sives des palais de Xianyang. Ambassadeur du Zhao, il sait
sa position inconfortable tant les relations entre les deux
grands Royaumes sont parfois tendues. Pourtant, entre
intrigues et manœuvres politiques, il parvient pour l’instant
à maintenir entre les deux Etats rivaux un statu quo profi-
table à l’un et à l’autre.
Ancien officier, il a conservé une grande rigueur
dans son organisation. Sa démarche rigide et son corps tou-
jours musclé trahissent des années de pratique martiale. Il
mène son ambassade comme une unité militaire et manque
parfois de souplesse envers ses subordonnés. Mais son
esprit tortueux et son goût des secrets et des complots font
merveille dans le rôle qui lui est aujourd’hui assigné.
Jiu Lao est un homme prudent toutefois, et il sait
se montrer totalement pragmatique quand l’intérêt de son
Royaume est en jeu. Pour lui, la diplomatie est semblable
à un vaste jeu de go où chaque joueur tente de gagner le
plus possible d’avantages en usant de tous les moyens dis-
ponibles, quitte à tricher. Retors, il n’aime rien plus que de
mener une négociation serrée et d’amener ses interlocu-
teurs dans une position de soumission ou de dépendance.
Actuellement, il doit avant tout reprendre la main sur les
représentants de la guilde des marchands de Handan qui
tentent de négocier directement certains privilèges avec Lu
Buwei, court-circuitant ainsi son ambassade officielle.
Excellent cavalier, Jiu Lao s’autorise régulière- 39
ment de longues chevauchées aux alentours de la capitale,
toujours escorté par quatre soldats d’élite.
Un autre de ses plaisirs, secret celui-là, consiste à
passer du temps avec de belles jeunes filles. Cruel, c’est leur
souffrance qui le fait jouir. Un passe-temps dangereux, mais
il a jusqu’à maintenant toujours pu pourvoir à sa perversion
en toute discrétion. Depuis l’arrivée du nouvel ambassadeur
du Yan, il se cache plus et pense chercher les objet de ses
désirs dans les prisons de la cité. Il a entendu dire qu’un ser-
gent véreux, un certain Ju Lian Wei, pourrait l’y aider…
Renommée : 105

Lai Fu
Membre de l’immense cohorte des serviteurs du
palais royal, Lai Fu est un eunuque tout ce qu’il y a de plus
banal à une exception près : c’est un agent de la Secte du Ciel
incliné, et sans aucun doute le plus haut-placé de tout le Qin.
Membre depuis son plus jeune âge des adorateurs
de Gonggong, Lai Fu fut converti à la doctrine de Cheng
Huan par ses parents, eux-mêmes adeptes très engagés. Son
esprit formé par l’enseignement de la Secte, il ne remit jamais
en cause ses buts et méthodes et en devint même l’un des par-
tisans les plus véhéments. C’est pourquoi il fut invité à réflé-
chir au moyen d’infiltrer le Qin à son plus haut niveau, car le
Royaume légiste semblait capable de déjouer toutes les mani-
gances de la Secte sur son sol… Lai Fu entrevit rapidement
une solution simple : plutôt que de chercher à placer des
espions parmi les fonctionnaires ou courtisans, le mieux était
Lai Fu

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d’infiltrer un serviteur discret, quelqu’un que l’on ne remar- ministre aboutissent et enrichissent le Qin, soit le
querait pas mais qui pourrait entendre bien des secrets à Royaume en sortira totalement ruiné… Les assistants de
défaut de pouvoir agir directement. Et pour prouver sa Lam Pinguo murmurent qu’hélas, la seconde hypothèse est
loyauté, il proposa d’être cet homme et se porta volontaire actuellement la plus probable…
pour la castration. Grâce aux potions de Cheng Huan, l’opé- Renommée : 150
ration se passa vite et sans risque et Lai Fu put pénétrer la
Cité royale et s’y fondre dans la masse des eunuques, aban-
donnant derrière lui un fils. Lung Huo
Il comprit rapidement que sa position lui permet-
tait de faire bien plus que simplement récolter des informa-
tions : à la cour du Qin, les eunuques jouissent d’un réel Magistrat de la Cité royale, Lung Huo occupe un
pouvoir et grâce à son intelligence et à sa santé moins pré- poste tranquille, à la limite de la sinécure. En effet, sa fonc-
caire que celle de ses semblables, Lai Fu put s’élever dans tion se borne en général à gérer les affaires courantes dans
la hiérarchie des serviteurs. Officiant désormais à un poste l’Antichambre du Royaume céleste, tâche dont il s’ac-
de chancelier au Palais Jique, il possède une certaine quitte à merveille. Et pour cause, n’ayant que cela à faire
influence dont il n’hésite pas à user au profit des buts de la de ses journées…
Secte. Manipulant de jeunes fonctionnaires ou des invités Né dans une famille de hauts-fonctionnaires,
de la cour, il sème la zizanie, entretient la rivalité des fac- toute sa jeunesse Lung Huo vécut dans le luxe du quartier
tions, organise en secret des attentats et des assassinats, noble, bercé par les promesses de grandeur d’une mère
etc. En apparence, il s’arrange pour que ses intrigues ne trop possessive. La tête pleine d’illusions et le cœur gonflé
paraissent pas différentes de celles des autres eunuques et de sa propre importance, le jeune homme ne brilla guère à
il évite ainsi d’éveiller les soupçons du service secret, quel l’université mais l’insistance de sa mère et l’influence de
qu’il soit, qui contrecarre systématiquement les objectifs son père lui permirent de se voir nommé magistrat de la
de la Secte au Qin depuis maintenant plusieurs siècles… Cité royale. Au début, Lung Huo se crut arrivé au sommet,
Renommée : 75 son talent et son intelligence reconnus à leur juste valeur :
magistrat au sein de la Cité royale, quelle consécration !
Mais il dut déchanter très vite… Son poste ne pèse en effet
Lam Pinguo d’aucune importance parmi les ministres et chefs de cabi-
net, et les nombreux et scrupuleux fonctionnaires du Palais
de l’Administration céleste se chargent de presque tout le
Le plus incompétent des ministres du Qin : voilà travail bureaucratique.
40 ce qui se murmure dans le dos de Lam Pinguo lorsque Lung Huo s’ennuie ferme alors il passe ses jour-
aucune oreille indiscrète ne menace d’entendre ces nées dans l’Antichambre du Royaume céleste, se repais-
paroles. Car bien que sans talent en tant qu’homme d’Etat, sant de l’activité fébrile qui règne en ces lieux et s’imagi-
le vieux ministre dispose d’une certaine influence et pos- nant y avoir une quelconque influence. Bien vite cepen-
sède de nombreux alliés du fait de son appartenance à la dant, le jeune magistrat fut approché par des négociants
Vieille Garde de la cour. avides de lui plaire et ne s’épargnant aucune peine ni
C’est grâce à la renommée de sa famille que Lam aucune dépense pour cela. Un homme qui s’ennuie est aisé
Pinguo put faire une si brillante carrière, car brillant lui- à corrompre et Lung Huo devint au fil du temps le pion de
même ne l’est guère. Etudiant médiocre, magistrat sans la guilde bourgeoise, sa voix au sein de la Cité royale. Car
talent, gouverneur paresseux : dans cette continuité, il fait si le magistrat n’y jouit que de peu d’influence, il peut
un ministre des Grands Travaux relativement catastro- néanmoins rendre de menus services permettant à la cause
phique. Depuis le début de son mandat, la gestion des res- des marchands d’avancer au sein du Qin…
sources naturelles du Qin souffre d’un manque flagrant de Renommée : 55
vision à long terme. Lam Pinguo se contente de régler pro-
blème après problème sans saisir le schéma d’ensemble. Il
ne débloque jamais les fonds nécessaires en temps et en Lao Ai
heure et met ainsi en difficulté magistrats et gouverneurs,
qui doivent faire face à des complications qu’une gestion
éclairée aurait permis de voir venir et de gérer à l’avance. En apparence, Lao Ai ressemble à n’importe quel
Malgré cela, le ministre estime que sa gouver- eunuque : glabre, la voix fluette et portant de larges robes,
nance contribuera à la gloire du Qin à terme. À cet effet, il il ne paraît guère différent des autres serviteurs de la
a décidé de se lancer dans une ambitieuse politique de Reine-mère excepté sa position de chancelier à ses côtés.
grands travaux. Mais sa courte vue et sa totale ignorance Mais la vérité sur sa relation avec la mère du Roi serait de
des plus simples principes architecturaux ou agronomiques nature à faire trembler la cour royale sur ses fondements et
l’ont poussé à approuver des projets d’une ampleur sans à menacer la légitimité de l’héritier Ying Zheng…
commune mesure avec les capacités du Qin, sans aucune Lao Ai était à l’origine l’un des nombreux servi-
assurance d’un gain à moyen ou long terme. Par exemple, teurs de Lu Buwei, vite remarqué pour son intelligence et
le titanesque canal que se proposait de bâtir l’architecte du son esprit porté sur l’humour. Devenu l’un des favoris du
Han Zheng Kuo a reçu le feu vert sans que ne soit demandé régent, il fut choisi pour être l’instrument qui allait permet-
aux architectes locaux d’en vérifier la pertinence. Une tre à celui-ci de se tenir à l’écart d’un scandale naissant. En
chose est désormais certaine : soit les travaux lancés par le effet à cette époque, le Roi Zichu venait de mourir mais

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Xianyang, capitale du Qin

son épouse Wu Ji, encore jeune, était dotée d’un appétit « Les hommes sont comme les rats, le produit de leur posi-
sexuel insatiable et ses frasques faisaient plus que jaser à tion sociale. J’en ai assez d’être un rat de latrines, je veux
la cour… Craignant, en tant qu’ancien amant, de se retrou- devenir un rat de grenier maître en son domaine ! »
ver mêlé à ces rumeurs malveillantes qui ne manqueraient Confiant ses maigres économies à sa famille, Li
pas d’attiser la fureur du Roi, Lu Buwei décida d’offrir Lao Si partit alors pour le Zhao étudier sous l’égide d’un shifu
Ai à la Reine-mère. Car le jeune homme était réputé pour renommé : Xun Zi, le père du légisme philosophique.
sa libido déchaînée et surtout pour son sexe particulière- C’est chez lui qu’il rencontra celui qui allait devenir
ment grand : d’après la légende, il pouvait porter une roue d’abord son camarade le plus fidèle puis son rival le plus
de chariot en le passant dans l’essieu ! Afin cependant de craint : Han Fei Zi, le lettré bègue. Lorsqu’il eut terminé
ne pas attirer les soupçons, Lao Ai fut accusé d’un crime de suivre la voie de Xun Zi, Li Si décida de se rendre au
imaginaire et condamnée à la castration ; quelques pots- Qin : il avait entendu dire qu’en ce pays, les hommes qui
de-vin au bourreau lui assurèrent de conserver ses attributs accomplissaient leur travail étaient reconnus à leur juste
et il put être placé auprès de la Reine-mère en tant qu’eu- valeur. Par chance, il fut très tôt remarqué par Lu Buwei
nuque – et afin de parfaire l’illusion, il se rase régulière- qui en fit son protégé et lui permit de rapidement gravir les
ment barbe et sourcils. échelons du pouvoir à la cour. Au point que Li Si se vit
Toutefois l’amour vint rapidement compliquer nommer ministre de la Justice, un poste particulièrement
l’équation. Lu Buwei n’avait pas prévu que le faux important dans le Royaume légiste !
eunuque et la Reine-mère seraient ainsi bénis par Chang- À la cour, les théories politiques qu’il avait mises
E, ni surtout qu’ils auraient ensemble deux fils. Si au début au point avec Han Fei Zi eurent l’honneur de plaire au
Lao Ai se satisfaisait de son sort, ses ambitions s’affutèrent jeune Roi qui accorda de plus en plus d’importance à l’avis
ayant appris de la bouche du prince félon Cheng Jiao une de Li Si au détriment de Lu Buwei. En conséquence de
vérité possible sur les origines de Ying Zheng. Depuis le quoi le ministre des Lois s’éloigna peu à peu de son mentor
faux eunuque, avec la complicité de son aimée, projette de afin de voler de ses propres ailes et de ne pas être entraîné
faire monter sur le trône l’un de ses propres fils, tout aussi dans une chute qu’il pressent inéluctable. Mais en entrant
légitimes à ses yeux que le bâtard de Lu Buwei… dans l’intimité de son souverain, Li Si put constater que
Renommée : 100 l’obsession du contrôle de celui-ci ne concernait pas que le
peuple et les lois, mais également sa propre mortalité :
Ying Zheng craint la mort et souhaite vivre éternellement,
Li Si et il pense pouvoir y arriver par l’intermédiaire du Tiàn
Xia. Ce grand projet, Li Si s’est promis d’aider son Roi à
le mener à bien, car il s’agirait alors pour lui d’une consé-
À la cour, rares sont ceux qui ne le pressentent pas : cration de ses théories légistes. Toutefois, parallèlement à
41
avec la disgrâce de Lu Buwei et la futur cérémonie du bonnet cela, il a commencé à s’initier à la magie afin de peut-être
viril de Ying Zheng, Li Si est sans doute le prochain homme apporter au Roi une compétence dont celui-ci semble avoir
fort du Qin. Bien que cela déplaise à beaucoup, il est difficile désespérément besoin. Las, le ministre est bien trop prag-
de nier l’intelligence, la rigueur et la loyauté de ce jeune matique et n’est guère qu’un fangshi médiocre ; mais
ministre, qui malgré sa petite quarantaine rivalise de subtilité inlassablement il envoie ses agents quérir de rares
avec les plus vieux renards de la cour. ouvrages taoïstes pour accroître ses connaissances.
Le ministre de la justice et des noms n’est pour- Au Qin, Li Si est un personnage incontournable.
tant pas originaire du Qin. Ayant débuté sa vie profes- Depuis le semi-retrait de Lu Buwei, il exerce de fait les
sionnelle comme fonctionnaire au Chu, Li Si s’y ennuya fonctions d’un Premier ministre et le contrôle qu’il exerce
rapidement. En effet, jamais ses supérieurs ne reconnu- sur le Censorat fait de lui l’homme le plus dangereux du
rent sa valeur et il végétait en tant que scribe dans une Royaume. Actuellement, le sévère Li Si ne craint qu’une
insignifiante petite capitale de district. Son bureau était chose : que son rival Han Fei Zi, qui a la faveur du Roi, ne
un réduit inconfortable, glacé par de nombreux courants prenne un jour sa place… Mais le ministre de la Justice a
d’air lorsque l’hiver faisait souffler le vent du Nord. l’habitude d’écarter les obstacles de sa route…
Même son matériel d’écriture était médiocre, ne rendant Renommée : 175
pas honneur à ses talents de calligraphe pourtant unani-
mement reconnus pendant ses études. Devant nourrir sa
femme et son fils Li Hie, il accomplissait chaque jour Qiu Chan
son travail mais le dégoût de ce qu’il voyait autour de lui
le minait toujours un peu plus : les fonctionnaires
étaient corrompus, les escrimeurs jouissaient de passe- La cinquantaine bien passée, Qiu Chan reste un
droits inacceptables, la loi était partout bafouée et le Roi homme alerte aux gestes précis et au regard perçant : deux
ne semblait même pas s’en formaliser. D’un esprit qualités indispensables dans sa fonction de médecin royal.
ordonné, Li Si trouvait tout cela intolérable dans un Jouissant d’un statut privilégié, Qiu Chan est en effet le
Royaume se voulant moderne et puissant. seul praticien autorisé à exercer sa science sur la personne
Un soir, alors qu’il faisait une tournée d’inspec- infiniment précieuse du Roi du Qin : c’est à la fois un hon-
tion dans un grenier à riz, il tomba sur un énorme rat qui, neur sans pareil et une source d’angoisse quasi-perma-
loin de s’effrayer, attaqua l’humain qui troublait ainsi sa nente. En effet, garant de la bonne santé du souverain, le
tranquillité. Battant en retraite, Li Si eut cette pensée guérisseur est la première personne à blâmer lorsque celui-
amère qui le décida à partir à la rencontre de son destin : ci tombe malade ou voit ses forces décliner. Autant dire

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qu’être médecin royal demande parfois autant de talent Alors Qu An se contente de limiter les dégâts, en
rhétorique que médical pour se justifier. temporisant le conflit inévitable et en adoucissant les rudes
Homme d’habitude très sûr de lui, Qiu Chan ren- menaces de son Roi envers le Qin. Il espère gagner assez de
contre de grosses difficultés avec Ying Zheng. Le jeune temps pour que les services secrets du Chu trouvent une solu-
Roi semble avoir développé une phobie particulièrement tion pour contrer les manipulations de ceux du Qin et permet-
violente envers l’idée même de sa mort et le moindre pro- tant enfin la concrétisation de l’alliance avec le Zhao.
blème de santé lui semble annonciateur d’un déclin irrémé- Renommée : 150
diable de son intégrité physique. Bien qu’il soit en parfaite
condition, Qiu Chan craint que ces certitudes finissent par
avoir un effet psychosomatique sur son corps. En atten- San Bai-hu
dant, le médecin lui prescrit des potions fortifiantes et une
hygiène de vie sans faille, mais il sait que cela ne suffira
pas à ce Roi hypocondriaque… Neveu du Serviteur des Trente-six Mille du Wei,
L’ayant plus d’une fois entendu parler de son San Bai-hu est un véritable prodige de la magie, probable-
obsession pour l’immortalité, Qiu Chan a décidé de se ment l’un des fangshi les plus savants de tout le Zhongguo,
plonger dans des recherches à ce propos. Intelligent et ce qui lui a valu le surnom de Maître des Quatres Voies du
capable, il a pu apprendre tout seul les bases des Alchimies Tao. Âgé d’à peine trente-cinq ans, il possède la puissance
internes et externes et sait créer des pilules de bonne santé et la connaissance que d’autres taoïstes moins talentueux
qu’il présente au Roi comme un médicament de longue mettent des décennies à atteindre. Et c’est pour cette raison
vie. Mais le médecin royal a atteint les limites de ce qu’il que son oncle décida de le nommer ambassadeur du Wei à
est capable d’accomplir seul. Il lui faut pourtant accroître la cour du Qin.
ses connaissances alchimiques s’il souhaite conserver son Dans un tel Royaume, les anciens rites et les
poste (et sa vie !) et il songe de plus en plus à s’adresser à vieilles traditions sont ouvertement méprisées ce qui au
celui qui est connu comme le grand magicien de la cour : départ ne facilita pas l’intégration du diplomate fangshi,
San Bai-hu, l’ambassadeur du Wei… engoncé dans ses robes et son maniérisme religieux. Ses
Renommée : 110 adversaires politiques eurent le tort de supposer que ce
simple taoïste était démuni face à leurs intrigues et que son
supposé passéisme le mettrait en porte-à-faux avec le fonc-
Qu Han tionnement légiste du Qin. Dans un premier temps ils
eurent raison : venu du très pieux Wei, San Bai-hu ne se
sentit guère à sa place à la cour. Dépassé par les évène-
42 Ambassadeur du Chu, Qu An est un personnage ments et perdant de nombreuses batailles diplomatiques, il
doté d’une réelle prestance et d’un physique avenant qui finit par comprendre qu’il ne lui servirait à rien de se plon-
fait se pâmer toutes les dames de la cour à son passage. ger dans la politique : il n’avait pas les talents pour cela…
Poète émérite, il n’a aucun mal à séduire son entourage en Par contre, il disposait d’autres atouts qui, bien employés,
déclamant quelques vers d’une voix forte et douce à la fois. lui permettraient de retourner quelques situations à son
Il faut dire que l’ambassadeur compte parmi ses aïeux le avantage. Sa première grande victoire fut de se faire un
célèbre Qu Yuan, ministre et poète du Chu dont la mort ami de Ba Chong, le Maître des rites du Qin : bien que
donna naissance au Festival des Bateaux-Dragons lors de celui-ci s’implique peu dans la politique, il jouit d’un res-
la Fête du Double-cinq. pect qui rejaillit donc sur les gens avec qui il s’allie. Puis
Malgré ses qualités de courtisan, Qu An se sent en San Bai-hu se rendit compte que la magie n’était méprisée
danger au Qin. Non qu’il ait jamais reçu de réelles qu’en apparence à la cour, et que nombreux étaient ceux
menaces mais il sait que les relations extrêmement tendues qui y avaient recours en secret. Il entreprit donc de propo-
entre les deux Royaumes rendent sa position quasi intena- ser ses services à la ronde : un onguent de beauté pour
ble. La cour du Qin est donc pour lui un champ de bataille l’épouse vieillissante d’un haut-conseiller, un tirage de Yi
particulièrement mortel, au sein duquel il doit prendre Jing pour un chancelier, des soins efficaces pour l’enfant
garde à ses paroles autant qu’à ses actes et anticiper la malade d’un ministre, une potion de fertilité pour une
moindre initiative de ses adversaires politiques. S’étant concubine royale ambitieuse… Il a fini par se tisser un
assuré de disposer de l’un des Sacrés du Ciel comme garde réseau d’obligations dont il tire profit quand le besoin s’en
du corps, Qu An peut concentrer son attention sur la poli- fait sentir, ce qu’il sait prévoir grâce à ses dons de devin.
tique et laisser Coq flamboyant gérer les atteintes à sa vie. Depuis, San Bai-hu est un ambassadeur respecté
Depuis qu’il est à la cour de Xianyang, Qu An tente que chacun traite avec la déférence à laquelle il estime
de nouer des relations avec Jiu Lao, l’ambassadeur du Zhao. avoir droit.
Leurs deux patries étant les ennemis les plus acharnés du Qin, Renommée : 115
une alliance leur serait profitable à toutes deux pour prendre en
tenaille l’arrogant Royaume légiste. Mais ses tentatives ne ren-
contrent guère de succès car il semble que les intérêts du Zhao Song Yin
et du Chu sur presque tous les autres sujets soient parfaitement
antagonistes. Qu An y voit une manipulation du censorat du
Qin en vue d’empêcher une dangereuse alliance, mais il n’a Au fil des années, Song Yin est devenue une per-
aucune preuve de cela et aucun moyen de contrer ces manœu- sonnalité incontournable de la Cour royale du Qin. Dans sa
vres de l’ombre tant qu’il réside à la Cité royale… jeunesse, fille d’un fonctionnaire sans importance, elle jeta

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Xianyang, capitale du Qin

son dévolu sur un étudiant dont elle pressentait le destin Aujourd’hui, à quarante ans, il dirige les bourreaux
prometteur : manipulant habilement son monde, elle de la capitale. Et il excelle dans cette fonction désormais
obtint l’autorisation de l’épouser. Le don qu’elle possède essentiellement administrative. Mais parfois, il ne dédaigne
de juger du potentiel des gens se manifestait pour la pre- pas confronter encore son intelligence à celle des criminels.
mière fois et ne la trahit jamais depuis : son mari, travail- Tu Er Po considère les choses simplement : il faut faire ce
leur très zélé, fut remarqué malgré sa discrétion naturelle qui doit être fait. Honnêtement et correctement.
et obtint au fur et à mesure de sa carrière des postes de plus Il a récemment entendu diverses rumeurs mettant
en plus prestigieux. Sa dernière mutation fit de lui le haut- en doute l’intégrité du service des prisons. Des passe-
conseiller du ministre de l’Etat. droits voire des libérations non autorisées auraient eu lieu.
Song Yin avait enfin ce dont elle rêvait : une vie de Pragmatiquement, Tu Er Po décida d’enquêter discrète-
faste et de luxe à la cour du Royaume. Epouse d’un dignitaire ment. Pour le moment, il rassemble des faits et les analyse
important, elle avait tout à fait sa place dans les grandes avant d’en tirer des conclusions.
réceptions et les banquets donnés par les hauts-fonction- On ne connaît à ce fonctionnaire intègre que deux
naires du gouvernement. C’est là qu’elle décida d’assurer défauts. Sous un aspect irréprochable, il fréquente pourtant
encore plus solidement son avenir. En effet, son mari étant de le soir les tripots de jeu où une fois encore son don lui per-
santé fragile et se tuant à la tâche, elle savait devenir veuve met de gagner plus qu’il ne perd. Enfin, bien qu’il paraisse
d’ici peu de temps. Encore jeune, elle ne souhaitait pas que toujours impassible, il lui arrive de passer ses nerfs sur son
la disparition de son époux la rejette dans les ombres ; aussi assistant Pa Tafai, le plus souvent verbalement.
entreprit-elle de tisser un réseau de relations et d’influence en Renommée : 50
utilisant sa meilleure arme : son corps. D’une grande beauté,
Song Yin était également une experte dans les sciences de
l’amour. Aussi quand son mari décéda de surmenage, elle ne Wu Ji
perdit en rien son statut et put continuer à évoluer à la cour,
consolidant sa position en offrant ou refusant ses charmes.
Voyant en Ying Zheng un être à la destinée excep- L’histoire de la Reine-mère du Qin est désormais
tionnelle, elle fit tout pour se rapprocher du Roi au point de connue de tous à Xianyang et au-delà même des frontières
devenir son initiatrice dans l’art de la chambre à coucher, du Qin. Courtisane, danseuse puis concubine du puissant
alors que le jeune homme n’avait que quinze ans. Depuis Lu Buwei qui l’offrit comme présent à Zichu, alors futur
cette époque, le monarque lui porte une réelle affection Roi du Qin, et désormais mère de l’héritier du trône : ces
même s’il préfère désormais ses innombrables et jeunes faits largement embellis par la rumeur sont presque deve-
courtisanes. Car Song Yin a vieilli ; à l’aube de la cinquan- nus une légende, un conte que les courtisanes du quartier
taine elle reste très belle et d’une prestance inégalée mais son des plaisirs murmurent, pleines d’espoir…
43
corps n’est sans doute plus à même d’assurer son statut à la Une réalité plus sordide se dissimule derrière tout
cour. Qu’importe : amie proche du Roi, elle se sait à l’abri ceci. La vérité est que Wu Ji fut dès son plus jeune âge une
pour le restant de ses jours et compte bien profiter au maxi- manipulatrice hors-pair : vendue comme prostituée à même
mum de tous les plaisirs que la vie a encore à lui offrir. pas quatorze ans, elle n’eut guère le choix pour s’en sortir.
Renommée : 105 Ainsi, ayant réussi à attirer l’attention du marchand Lu Buwei,
elle se crut arrivée au sommet quand elle entrevit un avenir
encore plus glorieux pour elle en la personne de Zichu : un
Tu Er Po futur Roi, qui saurait faire d’elle une souveraine ! S’arrangeant
pour se faire remarquer du jeune prince, elle parvint aisément à
le prendre dans ses filets et à s’en faire épouser après que Lu
Les malheureux retenus dans les geôles de Xianyang Buwei, au départ réticent, ne donne son accord.
ont appris à reconnaître la haute silhouette de Tu Er Po, le chef Après que Zichu soit reparti au Qin prendre sa place
des bourreaux du Roi. Curieux destin que le sien… d’héritier, Wu Ji et son fils restèrent quelque temps encore à
Plus jeune, il étudia les mathématiques à l’université Handan, jusqu’à ce que la colère du peuple les en chasse.
de Linzi puis fut recruté comme professeur à Xianyang. Mais Arrivée au Qin, Wu Ji ne resta pas reine bien longtemps :
des querelles intestines au sein de l’établissement, auxquelles son mari mourut rapidement et son jeune fils, dont elle ne
il était totalement étranger, le laissèrent sans poste. Démuni, s’était jamais réellement occupé, devenait alors un Roi sous
sans plus d’avenir au Qin, il envisageait de quitter la cité pour tutelle de Lu Buwei. Qu’importe : la position de Reine-mère
une destination plus clémente. était encore plus intéressante que celle de souveraine, les
Mais, suite à un concours de circonstances, il aida avantages sans les responsabilités. Mais Wu Ji était encore
à élucider une affaire criminelle compliquée grâce à son jeune et ses appétits sexuels étaient bien connus alimentant
remarquable esprit d’analyse. Il fut donc nommé, à vingt et les ragots de la capitale. Afin de calmer les ardeur de son
un ans, premier assistant du magistrat. Mais là encore, la ancienne amante et d’empêcher que sa réputation de légèreté
jalousie fit qu’il perdit rapidement ce poste. Une mutation le ne porte préjudice au futur Roi, Lu Buwei décida de lui four-
conduisit finalement aux salles d’interrogatoire de la prison. nir un « étalon », un individu réputé pour ses attributs et son
Prenant les choses comme elles viennent, Tu Er endurance au lit. Le dénommé Lao Ai, membre de la suite du
Po se plongea dans sa nouvelle fonction avec son zèle cou- régent, fut ainsi jugé pour un crime imaginaire et condamné
tumier. Ses capacités d’analyse doublées d’une bonne dose à la castration à laquelle il échappa grâce aux manigances de
de psychologie lui permirent d’obtenir d’excellents résul- son mentor. Envoyé au palais de Wu Ji, il put alors se consa-
tats. Et de nouveau, il se mit à gravir les échelons. crer à la satisfaire pleinement.

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Mais au fil du temps, la passion sexuelle fit place Et pourtant, Xie Cheng est réellement un militaire
à un autre sentiment bien plus fort : l’amour, tout simple- revêche qui préfère passer du temps entre les bras des
ment. Le faux eunuque et la Reine-mère en furent les pre- putains bon marché du quartier des plaisirs qu’au sein de
miers surpris mais il n’y avait aucun doute sur ce qu’ils la cour… En fait, Xie Cheng n’est rien de plus qu’une
ressentaient l’un pour l’autre. Au point que Wu Ji accepta énorme blague du Qi, en même temps qu’une diversion
de porter ses enfants et mit au monde deux fils dont elle fort opportune. Car pendant qu’il monopolise toute l’atten-
dissimula la naissance en s’exilant pendant ses grossesses tion du Qi sur lui, ses véritables agents peuvent travailler
dans son palais de campagne. Depuis, le couple cache en relative sécurité. Eparpillés parmi les serviteurs de
l’existence de cette descendance en les faisant passer pour l’ambassadeur, ses concubines ou ses gardes du corps, ils
des neveux de Lao Ai. savent pouvoir agir librement ou presque et leurs actions
Si pour la Reine-mère Ying Zheng resta toujours un rendent un grand service au Qi. En tout cas bien plus que
fils lointain, presque un inconnu, ce ne fut pas le cas des deux celles d’un ambassadeur même expérimenté.
enfants qu’elle avait eu de Lao Ai. N’ayant rien d’autre à Ignorant de tout cela, Xie Cheng se croit juste
faire que les regarder grandir et s’épanouir, et surtout aimant favorisé par les dieux et profite de la vie, ivre presque toute
profondément leur père quand elle ne voyait en Zichu qu’un la journée et perdant des sommes indécentes aux tables de
moyen d’atteindre la grandeur, elle en vint à éprouver dou- jeu du quartier des plaisirs. Au grand dam des agents char-
loureusement un sentiment maternel très puissant envers eux. gés de sa surveillance, persuadés de rater quelque chose…
Et elle finit par concevoir, sous l’influence de son faux Renommée : 90
eunuque, de placer leur fils aîné sur le trône à la place de
Ying Zheng. Après tout, et c’est là son plus grand secret
qu’elle ne confia pas même à Lao Ai avant que celui-ci ne Ying Zheng
l’apprenne de la bouche du prince renégat Cheng Jiao, Ying
Zheng n’est probablement même pas un réel descendant de
la lignée royale, son père étant sans doute Lu Buwei en per- La patience du jeune Roi du Qin a ses limites, et
sonne. Ses autres enfants ont donc finalement autant de légi- cela fait désormais bien longtemps que celles-ci ont été
timité à prétendre au trône que l’héritier supposé… dépassées par Lu Buwei.
Discrètement, Wu Ji et Lao Ai sondent la cour afin Désormais âgé de presque vingt et un ans, cela
de prendre la mesure de la popularité de Ying Zheng et fait plus de cinq années que la cérémonie de passage à
d’évaluer à quels alliés ils pourraient se fier en cas de coup l’âge adulte du souverain aurait dû avoir lieu, lui permet-
d’Etat… La Reine-mère a certes des remords d’écarter ainsi tant ainsi de monter sur le trône pour régner en son nom
son fils du trône, le condamnant sans doute à mort en cas de propre au lieu de se reposer sur son régent. Mais il semble
44 réussite de ses projets, mais l’amour qu’elle porte à ses deux que celui-ci reste accroché à son rôle et ne souhaite pas
autres enfants est bien plus fort et impérieux : pour assurer laisser Ying Zheng gouverner comme son héritage lui en
leur survie et leur gloire, elle est prête à tout. laisse pourtant le droit.
Renommée : 190 Tout cela déchire le cœur du jeune Roi : Lu
Buwei fut pour lui un père bien plus présent que ne l’était
le Roi Zichu, presque le seul homme qui s’intéressa jamais
Xie Cheng à lui. Et il fit en quelques années du Qin un Royaume que
tout monarque serait fier de diriger. Mais malgré ses senti-
ments pour le régent, Ying Zheng se doit de s’opposer à lui
Contrairement à ce que tout le monde attendait, le afin de prendre enfin les rênes de son pays. Bien que
dernier ambassadeur du Qi nommé à Xianyang ne fut pas depuis presque un an Lu Buwei se soit retiré de la cour, il
un érudit comme ce Royaume en abrite tant, mais un mili- détient toujours une influence incontestable sur le gouver-
taire bourru, grossier et gouailleur. Un individu qui semble nement et nombre de hauts-fonctionnaires sont ses obligés.
avoir plus sa place dans la boue des champs de bataille Afin de combattre sa prédominance, le Roi a entrepris de
qu’au milieu des soieries d’une ambassade… s’entourer d’hommes d’Etat compétents et ambitieux à
De fait, Xie Cheng est un général de troisième l’image du ministre de la Justice Li Si ou du lettré Han Fei
zone qui ne dut sa montée en grade qu’à un coup de chance Zi. Il espère ainsi gagner du terrain et se voir accorder la
insolent lors d’un conflit avec des pirates du Joseon. De pleine jouissance de ses droits royaux.
nature insubordonnée, il passa presque plus de temps dans Cette guerre politique s’ajoutant à la phobie natu-
les cachots de la prison militaire de Linzi qu’à commander relle qu’éprouve Ying Zheng envers l’idée de sa propre
ses hommes. Le Censorat du Qin, après avoir réuni toute mort perturbent fortement l’équilibre du jeune Roi… Il n’y
ces informations, en resta coi. Il semblait en effet impossi- a guère qu’en compagnie de ses amis d’enfance, la belle
ble qu’un Royaume aussi important que le Qi confie sa Gong Li et le joyeux prince Dan, qu’il trouve un peu
diplomatie à un tel individu… Cela ne pouvait que cacher d’apaisement mais ses sautes d’humeur effraient de plus en
quelque chose et il en fut conclu que les services secrets du plus son entourage proche. Ying Zheng sait qu’il retrou-
Qi avaient pu créer entièrement le passé de Xie Cheng afin vera la paix quand il montera sur le trône et pourra enfin
d’endormir la méfiance vis-à-vis de cet homme, sans doute lancer le projet Tiàn Xia avec lequel le harcèle son Maître
un dangereux agent… Depuis lors, l’ambassadeur du Qi des rites… Mais pour cela il lui faut écarter celui qui fut
est sous surveillance constate, plus des trois-quarts de ses comme un second père, quitte à l’éliminer définitivement.
serviteurs sont des espions du Censorat, le moindre de ses Renommée : 200
faits et gestes est rapporté, etc.

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Xianyang, capitale du Qin

Yuan Ying
Ce jeune ambassadeur du Yan est en poste à
Xianyang depuis deux mois. Il reste pour le moment dis-
cret, prenant ses marques. Fonctionnaire efficace, sa pre- La vérité sur les origines de
mière action consista à délivrer le message d’amitié du
Roi, père du prince Dan, à Ying Zheng. Et à rencontrer Ying Zheng
l’ambassadeur du Zhao, son principal adversaire.
Yuan Ying est né à Dai et a connu dans sa jeu- Dans la culture populaire chinoise, il
nesse l’occupation cruelle de sa ville par les troupes du semble entendu que Qin Shi Huang Di était en fait
Royaume du Cheval. La cité fut reprise par le Yan, mais il un bâtard n’ayant pas une goutte de sang royal
y avait vu mourir une bonne partie de sa famille et de ses dans les veines. Toutefois, la réalité s’avère légè-
amis. Peu doué pour les armes, c’est dans la diplomatie rement plus nuancée et à l’heure actuelle, il est
qu’il souhaita servir son pays. Et ainsi poursuivre à sa encore bien difficile de déterminer qui fut le vrai
manière cette guerre. père du futur Premier Empereur de Chine…
Yuan Ying semble toujours calme et maître de lui.
Il parle d’une voix douce et possède une intelligence C’est un fait que sa mère, alors concu-
remarquable. Son éloquence lui suffit souvent à l’emporter bine du marchand, fut offerte en mariage au prince
sur ses adversaires. Mais sous cette apparence sereine, il Zichu qui en était tombé amoureux. Et que neuf
cache une haine farouche de ses anciens oppresseurs. Et de mois plus tard naquit un fils baptisé Ying Zheng.
l’un d’eux en particulier : Jiu Lao. L’actuel ambassadeur Etrangement à ce moment, personne n’émit l’hy-
du Zhao fut autrefois général dans l’armée de son pays. Et pothèse que cet enfant ait pu ne pas être issu du
pendant un an, il occupa la fonction de gouverneur mili- sang de Zichu, ce qui tendrait à prouver qu’il était
taire de la ville occupée de Dai. Le « Bourreau de Dai » bien un descendant de la lignée royale.
était alors son surnom...
Yuan Ying n’a rien oublié, et encore moins par- C’est Sima Qian, le grand historien des
donné. En public, il se contient et sait faire bonne figure en Han, qui sema le doute et se basa sur des calom-
toute circonstance. Mais en privé, il explose parfois dans nies plus tardives (sans doute émises lorsque le
de terribles rages qu’il ne calme qu’à l’aide de drogues pouvoir des Qin était fortement contesté par les
lettrés) qui faisaient de Lu Buwei le père véritable
qu’il achète lui-même, incognito, dans le quartier des plai-
de l’enfant. Ce qui reste une théorie valable mais 45
sirs de la capitale.
Diplomatiquement, il souhaite détruire l’in- on sait que Sima Qian n’était guère objectif, pas
fluence de Jiu Lao et du Zhao, l’isoler, le discréditer et plus que tous les érudits confucéens de la dynastie
anéantir tous ses efforts de conciliation avec le Qin. Il Han et des suivantes : pour eux, Qin Shi Huang
soupçonne que son rival cherche à gagner du temps alors Di était coupable du grand incendie des livres, et
que les armées du Zhao s’amassent aux frontières du Yan. ils n’eurent de cesse de dévaluer les mérites de la
Son talent diplomatique pourrait y suffire si sa haine lui en dynastie Qin dans leurs annales historiques. Il y a
laisse le temps. Après tout, ne soupçonne-t-il pas qu’un fort à parier que faire de l’Empereur honni le
assassin de l’organisation des Clochetes tressées fait partie bâtard d’un marchand (profession particulière-
du personnel de son ambassade ? ment méprisée par les confucéens) était pour eux
Renommée : 95 un moyen parmi d’autres de fustiger les Qin.

Actuellement, la plupart des historiens


pensent toutefois que Ying Zheng était bien de
sang royal. Il paraît peu probable qu’une nais-
Zhan
sance aussi ambiguë ait pu ne pas faire jaser plus
Bien triste et dure était la vie de Zhan avant que tôt et ne pas être utilisée comme une arme par
sa mère ne prenne la décision qui allait bouleverser son les ennemis politiques du Qin pour contester la
destin jusqu’à en faire l’un des hommes les plus influents légitimité de son Roi.
de la Cour royale…
Né dans une famille pauvre du quartier ouvrier, Néanmoins dans le cadre du jeu de rôle
Zhan était affligé d’une difformité terrible : il était nain. Qin, nous préférons laisser le choix au Meneur
Grandissant dans les bas-quartiers, toute son enfance il fût la de Jeu. Ludiquement, il faut bien avouer que ce
cible de quolibets et de maltraitance et cela ne s’arrangea pas mystère des origines est un formidable élément
lorsqu’il devint adulte. Du fait de son handicap, il ne pouvait de jeu et il peut être intéressant de pousser les
guère prétendre travailler aux champs ou dans les manufac- joueurs à se faire leur propre idée selon les PNJ
tures. Et bien que redoutablement intelligent et lucide sur le à qui ils auront à faire et en fonction des certi-
monde qui l’entourait, sa famille n’avait guère les moyens tudes ou intérêts de ceux-ci…
de lui payer des études. Alors sa mère prit une décision cru-
ciale : Zhan entrerait au service de la Cité royale en tant
qu’eunuque. Procédant elle-même à l’opération, elle faillit

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tuer son fils qui resta plusieurs jours entre la vie et la mort.
Mais lorsqu’il émergea du coma, il était prêt à aller prendre
sa place parmi les eunuques du palais.
Mais même parmi des « monstres », comme sont considé-
rés les eunuques, Zhan eut du mal à se faire une place. Car
lui était un double monstre, de par sa naissance et de par le
choix de sa mère de le castrer… Pourtant, à force de
volonté et de pugnacité, Zhan finit par gagner l’affection de
quelques personnages hauts-placés. Possédant un grand
sens de l’humour, souvent noir d’ailleurs, Zhan savait
mieux que personne comment provoquer sans aller trop
loin et cela amusa ministres et courtisans : ainsi le nain
finit par devenir une sorte de bouffon au sein de la Cité
royale, connu pour sa lucidité froide et sa capacité à tourner
en dérision même les drames les plus atroces. Vivant dés-
ormais confortablement, Zhan estime que si le prix à payer
pour en arriver là fût élevé, cela en valait la peine car dés-
ormais, sous couvert de bouffonneries, il sait que ses
conseils sont écoutés bien plus souvent qu’il n’y paraît.
Zhan a récemment reçu une nouvelle charge de la part du
Roi : il a désormais pour tâche de recevoir les invités dont
Ying Zheng fait peu de cas ou qu’il souhaite froisser sans
en avoir l’air. Envoyer comme hôte un eunuque contrefait
est une insulte voilée, mais surtout le Roi sait que personne
ne se méfie d’emblée d’un être à l’aspect aussi inoffensif :
ainsi Zhan peut récolter de nombreuses informations sensi-
bles pour son souverain.
Renommée : 60

46 Zhao Gao
Actuellement particulièrement bien placé dans la
hiérarchie des eunuques, Zhao Gao faillit pourtant terminer
sa vie dans la honte et la souffrance à cause de sa cupidité.
Zhao Gao n’est d’ailleurs pas réellement un
eunuque : il est une curiosité (certains diraient une erreur)
de la nature. En effet, né avec une déficience sexuelle, il ne
fit jamais sa puberté et devint une anomalie : un homme
sans virilité, stérile, presque totalement semblable à un
eunuque. Cette malédiction, il en fit une chance : il put
entrer au service de la Cité royale sans en passer par une
opération de castration risquée. Bien sûr, le médecin royal
lui-même dut l’examiner pour attester de sa condition de
quasi-eunuque afin qu’il puisse pleinement prendre sa
place parmi les serviteurs du Roi.
Zhao Gao ne mit pas longtemps à se faire remar-
quer à la cour. Faisant pleinement partie de la corporation
des eunuques mais sans partager avec eux certains «
inconvénients » de leur condition (dus le plus souvent aux
effets secondaires de la castration) et présentant un phy-
sique moins dérangeant, il devint l’interlocuteur privilégié
des courtisans et hauts-fonctionnaires. Sachant profiter de
son statut ambigu pour mettre à l’aise ses vis-à-vis, il en
profita pour se créer un réseau de relation dense et étendu
et put asseoir son influence parmi sa caste au point de deve-
nir incontournable en son sein. Nombreux sont ceux qui le
voyaient déjà devenir chef des eunuques avant même ses
trente ans. Mais hélas, l’ambition et la soif de richesse de
Zhao Gao faillirent le perdre : profitant de sa position, il
Zhan détourna des sommes colossales à son profit et finit par

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Xianyang, capitale du Qin

voir ses manigances découvertes. Arrêté et jugé, le juriste Construit selon un schéma concentrique, le centre
Meng Yi le condamna à mort. Ainsi semblait devoir du quartier lui-même est occupé par le palais du gouverneur.
s’achever le destin de Zhao Gao… Hormis le Palais Jique et les imposantes résidences des
Mais il eut de la chance : ses nombreux alliés à la ministres au sein de la Cité royale, ce palais est le bâtiment le
cour firent pression sur le Roi et celui-ci accepta de l’amnis- plus majestueux de toute la ville, dépassant en splendeur et
tier et de le reconduire dans ses anciennes fonctions, mais en importance même les luxueux manoirs du quartier noble.
sous haute surveillance comptable. Zhao Gao décida de faire Occupant un secteur entier à lui seul, il est bâti autour d’un
profil bas durant quelques années, le temps que cette affaire parc verdoyant dans lequel les divers hauts-fonctionnaires
soit oubliée, avant de reprendre son irrésistible ascension peuvent flâner à leurs heures perdues. De nombreux
vers les sommets de la hiérarchie des eunuques. pavillons de marbre blanc encerclent ce vaste jardin, tous
Depuis son procès, Zhao Gao voue une haine inextinguible reliés entre eux par divers passages, tunnels ou escaliers.
à la famille Meng et a juré de se venger un jour. L’ensemble forme une sorte de labyrinthe tant physique
Qu’importe si cela doit prendre des années ou des décen- qu’administratif et seuls les bureaucrates les plus aguerris
nies, mais son juge et tous les siens paieront pour son retrouvent leur chemin du premier coup sans se perdre dans
humiliation… les innombrables couloirs et annexes de ce palais.
Renommée : 95 Tout autour du palais du gouverneur, le deuxième
cercle du quartier est composé de tous les bâtiments admi-
Dao, Wang Jian et Wang Ben vivent également à nistratifs officiels. S’y trouvent donc d’importants édifices
la Cité royale. Leurs descriptions et caractéristiques se publics comme le Centre des Impôts, le Bureau des
trouvent dans l’Art de la Guerre, p. 43 et suivantes. Aménagements urbains, l’Office de Régulation des
Transactions commerciales ou encore l’Agence de
Prévention des Inondations. Tous ces centres bureaucra-
tiques sont dirigés par divers hauts-fonctionnaires sou-
cieux de préserver les intérêts de leur service, qui poussent
leurs subordonnés à se surpasser sans cesse afin de s’attirer
les bonnes grâces du gouverneur. Entre tous les bâtiments,
Le quartier de nombreuses petites esplanades permettent à des restau-
rateurs ambulants de venir proposer leurs menus aux fonc-
tionnaires surchargés de travail. Des bancs en bois y
offrent un repos bienvenu lorsque vient le moment de faire
administratif une pause, et c’est bien souvent au milieu de ces places que
se nouent et se dénouent les fils de nombreuses intrigues…
47
Enfin le dernier cercle du quartier comprend tous
les secteurs adossés aux murs le séparant des autres parties
Véritable cœur bureaucratique de la ville, c’est au de la cité. Les logements de fonction de quelques fonction-
sein du quartier administratif que sont prises les grandes naires privilégies y côtoient des auberges de bonne qualité,
décisions affectant la vie des habitants de tout Xianyang. quelques immeubles d’habitations abritent les plus jeunes
Essentiellement peuplé de fonctionnaires travail- assistants encore peu payés, divers restaurants à la réputa-
lant dans les innombrables bâtiments officiels, sa beauté tion flatteuse offrent une nourriture raffinée. Ces secteurs
architecturale en fait un lieu de promenade privilégié pour sont relativement hétéroclites et semblent parfois ne pas
les badauds et les flâneurs. Le contraste ainsi formé entre appartenir au quartier tant le rythme de vie y est différent :
les fonctionnaires toujours pressés et les promeneurs oisifs après une dure journée de labeur, les bureaucrates ont sou-
n’est pas la moindre des originalités de ce quartier. vent besoin de se divertir et les tavernes locales ne ferment

Vue d’ensemble
que rarement la nuit…

Fonctionnement
Le quartier administratif occupe le centre de
Xianyang. Il est ainsi à la croisée de toutes les grandes ave- Gouverneur et magistrat
nues de la ville, véritable cœur de la capitale régulant son
fonctionnement jusque dans ses moindres détails.
Du point de vue architectural, tout le quartier est Le statut du gouverneur de Xianyang est des plus
constitué de vastes et hauts bâtiments de pierre blanche. ambigus. Normalement son rôle est celui d’administrateur
Lorsque le soleil est au zénith, sa lumière inonde les rues et de toute la commanderie, comprenant donc tous les dis-
enchante le regard des promeneurs. De nombreuses rues rec- tricts environnants ainsi que la ville elle-même (dont
tilignes découpent les secteurs et assurent une circulation chaque quartier est de fait considéré comme un district de
fluide et sécurisée entre les diverses administrations. Le tout plein-droit). Mais du fait de l’importance de sa position,
est agréablement égayé par des parcs et étangs soigneuse- Chao Guang détient un pouvoir considérable qui va bien
ment entretenus et il émane du quartier administratif une au-delà de celui du gouverneur civil de n’importe quelle
ambiance d’ordre et de calme presque surnaturelle… autre commanderie du Royaume. Et à cette position

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s’ajoute la prééminence aristocratique : Chao Guang est les fonctionnaires de chaque service doivent faire corps et
en effet issu d’une longue lignée descendant de l’ancienne s’épauler les uns les autres contre leurs « adversaires ». Si
noblesse du Qin dont les membres ont toujours su rester les conflits physiques sont l’exception, les armes ne man-
proches des arcanes du pouvoir. Tous ces paramètres font quent pourtant pas pour livrer bataille : pots-de-vin,
que le gouverneur de Xianyang détient une influence poli- empoisonnement, chantage, enlèvement parfois, jeu d’in-
tique au moins aussi importante que celle des ministres du fluence, dénonciation, etc. sont les épées que brandissent
Roi car la moindre de ses décisions, en affectant la capi- les fonctionnaires les plus avides de réussite. L’objectif est
tale, a une incidence sur la vie des citoyens de tout le pays. simple : faire progresser sa propre administration au détri-
La commanderie en dehors de la cité n’intéresse ment de toutes les autres, et même si parfois des alliances
que peu Chao Guang et il laisse ses magistrats relativement peuvent se nouer, la trahison reste un risque trop important
libres dans l’exercice de leurs fonctions. Par contre, pro- pour que la confiance puisse s’établir durablement. Ainsi
fondément amoureux de Xianyang, le gouverneur souhaite l’Office de Gestion des Ordures a t’il pour ennemi juré le
en contrôler chaque aspect. Les neuf magistrats de quartier Sous-cabinet d’Entretien de la Chaussée tandis que le
ne sont guère pour lui que des assistants et il est seul à Centre des Impôts doit batailler ferme pour éviter que son
détenir le pouvoir dans la capitale. Un fait que nombre de trésor ne soit dilapidé par le Bureau des Aménagements
ses ennemis politiques (parmi lesquels se trouve la guilde urbains et ces luttes discrètes sont menées sur le terrain par
bourgeoise) oublient trop souvent, imaginant qu’il suffit de les scribes, comptables, assistants, adjoints et juristes de
corrompre ou duper ses magistrats pour rendre le gouver- chaque administration.
neur aveugle à ce qui se passe dans sa ville… Plus insidieux encore : si les services sont censés
Et si les magistrats des quartiers périphériques être unis, il n’en est bien sûr rien en réalité. Chaque fonction-
disposent d’un minimum d’autonomie, il n’en est bien sûr naire travaille à sa propre carrière et bien que celle-ci soit
pas de même pour Bei Wang Lu, celui de la cité adminis- conditionnée par le prestige de son administration, il doit
trative… Cet encore jeune fonctionnaire est au mieux un néanmoins mener une lutte féroce au sein même de celle-ci
secrétaire de luxe pour Chao Guang, mais aussi un assis- contre ses confrères afin de se faire remarquer et de monter
tant efficace. C’est que le magistrat est un fonctionnaire en grade. Les rivalités sont nombreuses et mortelles et
particulièrement zélé et à la limite de l’obséquiosité. chaque bureaucrate sait qu’il doit se méfier aussi bien de ses
Admirant le gouverneur (mais plus la position de prestige camarades que des membres des autres services…
que l’homme), il s’empresse de devancer ses désirs et Pour bien des jeunes fonctionnaires idéalistes, à
d’obéir à la moindre de ses instructions afin de rester dans peine sortis de l’université, cette réalité est difficile à sup-
ses bonnes grâces. Bien que parfois frustré de ne pas être porter. En tant que recrues les plus récentes, ils sont en
le véritable administrateur du quartier, il préfère attendre quelque sorte la chair à canon de cette guerre larvée et plus
48 son heure et flatter son supérieur afin d’être un jour promu d’un a finalement choisi le suicide plutôt que la disgrâce
à un poste indépendant. due à une manipulation habile d’un rival ou d’un ancien
ami soi-disant fidèle…

Lieux d’importance
La guerre des fonctionnaires
Pour le passant émerveillé, le quartier administra-
tif est un modèle de paix, une cité idéalement régulée au
sein de laquelle le parfait fonctionnement des rouages Le palais du gouverneur
bureaucratiques se fait l’écho d’une architecture harmo-
nieuse et grandiose. Un tel individu ne manquera pas de
penser qu’ici, rien de mal ne peut arriver car tous travail- Ayant acquis depuis bien longtemps le surnom de
lent à faire en sorte que règne la concorde… Cœur et Âme de Xianyang, le palais qui domine tout le
Comme il se tromperait ! En effet, le quartier centre du quartier est le bâtiment le plus impressionnant de
administratif est peut-être l’un des champs de bataille les toute la ville hors Cité royale. Siège du réel pouvoir admi-
plus meurtriers de tout le Zhongguo, un lieu dans lequel nistrant la ville, ce palais est à l’image de celle-ci : frag-
tous les coups semblent permis et la cruauté sans limite. menté afin d’être mieux géré. Autour du Grand Parc aux
Car la rude compétition qui oppose les différents services Ancêtres bienveillants, ainsi nommé car s’y trouve une
officiels de la ville pousse les nombreux fonctionnaires à petite nécropole abritant les tombeaux de tous les anciens
se réunir en factions et cabales afin de mener leurs objec- gouverneurs, un vaste dédale composé de nombreux
tifs à bien en mettant le plus de bâtons possible dans les pavillons constitue le palais proprement dit.
roues de leurs rivaux.
Le budget de la ville étant fixe, le seul moyen Le plus luxueux de ces pavillons abrite les appar-
pour le gouverneur de déterminer le montant alloué à tements du gouverneur. Véritable petit manoir dont le
chaque service est de comparer leurs mérites respectifs. confort n’a rien à envier aux plus belles des demeures du
Plus une administration s’avère efficace et économe, plus quartier noble, ce bâtiment donne directement sur le parc
ses dirigeants seront promus et la somme qui leur sera et est relié par divers tunnels ou passages à tous les autres
dévolue, élevée. L’enjeu est donc de taille et justifie que se pavillons du palais. Ainsi, le gouverneur est libre d’aller et
livre une véritable guerre silencieuse dans les allées som- venir à sa guise entre les différents services selon les
bres des diverses administrations. Poussés à se surpasser, nécessités de sa fonction.

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Xianyang, capitale du Qin

À peine moins luxueux est le manoir du magis- Mais derrière cette apparence se cache une réalité
trat, situé à l’opposé des appartements du gouverneur. Il bien plus sinistre… La Taverne des Dix Mille Fumets n’est
abrite également le logis de Bei Wang Lu et divers bureaux autre que le relais local de la Secte des Cinq Venins. Chin
où des fonctionnaires désœuvrés sont payés à ne rien faire Zuong, malgré son air bonhomme et son embonpoint, est
tant l’autorité et les prérogatives du magistrat sont vampi- un tueur redoutable et un espion de grand talent. Toutes ses
risées par le gouverneur. Toutefois ces bureaucrates ne se serveuses, bien qu’ignorantes de son identité réelle, sont
plaignent pas : ici ils sont à l’abri de la lutte acharnée qui encouragées à bien ouvrir les oreilles lorsqu’elles badinent
se livre à l’extérieur des murs du palais. avec les clients. Car le rôle de la taverne est de récolter
Enfin, attenante au palais sans en faire totalement toutes les informations qui permettront alors à la Secte de
parti se trouve la caserne centrale de la garnison de proposer ses services à l’un ou l’autre de ces fonction- 49
Xianyang. Véritable petite forteresse dotée de solides naires assoiffés de réussite sociale… La guerre feutrée que
murailles, elle est actuellement dirigée par le colonel Lua Ji- se livrent les administrations de la ville est ainsi une
ken, seul soldat auquel le général Wang Jian fasse assez aubaine pour la Secte, qui a là un vaste réservoir de clients
confiance pour lui déléguer une aussi lourde responsabilité. potentiels et c’est alors à Chin Zuong de décider avec qui
En effet, Lua Ji-ken ne dirige pas uniquement la garnison du il est possible de conclure une affaire. Grâce à ses nom-
quartier mais celle de toute la cité ; depuis que Wang Jian se breux fournisseurs, le tavernier peut aisément envoyer et
consacre exclusivement à la garde royale, le colonel est de recevoir des messages codés et parmi les quelques cham-
fait le gouverneur militaire en titre de Xianyang. Bien que bres qu’il loue, une est réservée aux assassins envoyés par
tranquille, le quartier administratif est fréquemment la Secte pour remplir les contrats.

Personnalités
patrouillé par des soldats afin de montrer la corrélation entre
la paix des lieux et la présence d’une force militaire bienveil-
lante : une démonstration toute légiste.

La Taverne des Dix Mille Fumets


Chao Guang
Située dans l’un des secteurs les plus excentrés
du quartier, l’établissement que dirige le jovial Chin La carrure imposante, des cheveux gris acier, un
Zuong (Renommée : 25) est pourtant l’un des plus fré- regard perçant et un maintien sans faille : Chao Guang est
quentés par les fonctionnaires locaux. Il faut dire que sa parfaitement conforme à l’image que l’on peut se faire de
configuration est idéale pour garantir la discrétion des l’homme le plus influent de Xianyang.
échanges : composée de nombreuses alcôves réparties Issu d’une famille pouvant faire remonter sa lignée
sur deux étages, la taverne favorise les réunions en petits jusqu’aux proches lieutenants du duc Ying Xiang à l’aube de
comités. De plus et pour ne rien gâcher, la nourriture et l’histoire du Qin, celle-ci ne perdit aucunement son influence
les alcools qui y sont servis sont d’excellente qualité et lorsque les réformes légistes de Shang Yang retirèrent le pou-
les serveuses généralement peu farouches. Ainsi chaque voir politique des mains des nobles. Au contraire même, le
jour, la taverne ne désemplit pas et les bureaucrates vien- clan Chao sut se reconvertir et s’adapta parfaitement à la
nent s’y réunir afin de mettre au point plans et intrigues nouvelle donne. Car finalement, les choses ne changèrent pas
pour marquer des points dans la lutte interminable qui tant que cela : les riches et les puissants s’arrogeaient tou-
les oppose à leurs rivaux. jours une place de choix en haut de la pyramide sociale… Si

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ce n’était par leur naissance, ce serait par leur fortune, leur
influence, leur éducation. Ainsi les Chao prospérèrent et c’est
de bon gré qu’ils vinrent s’installer à Xianyang lorsque la
Cour royale du Qin s’y établit. Entre le clan Chao et la capi-
tale du Royaume, un lien bien particulier devait se tisser
à travers le temps…
Presque tous les ancêtres de Chao Guang
furent ministres, hauts-conseillers, gouverneurs,
etc. Exerçant d’importantes fonctions administra-
tives, ils se rendirent rapidement indispensable au
bon fonctionnement du Qin mais ne purent finalement jamais
s’approcher au plus près des marches du pouvoir : ainsi le
poste de Premier ministre sembla devoir toujours leur échap-
per, à leur grand dam… Chao Guang lui-même était un homme
brillant, et déjà lorsqu’il était étudiant, d’aucuns lui prédisaient
un avenir glorieux au sein de la machinerie bureaucratique.
Enfin, ses parents entrevirent la possibilité qu’un membre de
leur clan devienne Premier ministre et marque l’histoire du Qin
de son nom. Mais à l’étonnement de tous, Chao Guang décida
de ne pas se risquer sur le champ de bataille politique de la
Cour royale et accepta divers postes en tant que magistrat puis
gouverneur des commanderies du Sud du pays. Enfin après
quelques années à occuper ces fonctions, il se vit proposer de
devenir gouverneur de Xianyang, ce qui était son ambition
secrète depuis le début. En effet, Chao Guang entretient une
relation passionnelle avec sa ville ; il la voit comme une
déesse, un puissant esprit urbain qu’il est seul à même de com-
prendre et de vénérer à sa juste valeur. Plus pragmatiquement,
il savait également que devenir gouverneur de la capitale du
Qin lui donnerait un pouvoir au moins égal à celui d’un minis-
tre : Xianyang est le cœur du Royaume légiste et celui qui le
50 contrôle est assuré de détenir une influence majeure.
Ainsi depuis déjà presque dix ans, Chao Guang gou-
verne de façon exemplaire sa cité. Bureaucrate légiste de grand
talent, il est meilleur administrateur que politicien mais sait se
montrer astucieux et retors quand il le faut. Depuis son acces-
sion à son rang actuel, il n’a eu de cesse de densifier son réseau
d’influence : père de plus de dix fils, il a au moins autant de
filles dont il se sert pour s’allier à divers hauts-fonctionnaires en
les leur offrant en mariage. Sa stratégie paie car, appuyé par
diverses factions à la cour, Chao Guang détient un pouvoir quasi
total sur la gestion de Xianyang ainsi qu’une autonomie rare. Sa
position est cependant précaire et il le sait : la guilde bourgeoise
des quartiers ouest est une douloureuse épine dans son pied et il
ne ménage pas ses efforts pour en combattre l’influence.
Homme d’apparence froide et taciturne, Chao
Guang s’habille de vêtements à la coupe parfaite mais peu
ornementés. Bien que fortuné, sa vie semble sous le signe
d’une ascèse presque totale : le gouverneur ne prend plai-
sir qu’à une chose, administrer sa ville. De haute stature
et malgré ses cinquante ans, Chao Guang est également
un épéiste de talent pratiquant un antique style transmis
génération après génération dans sa famille ; on le dit
aussi bon escrimeur que les Sacrés du Ciel du Chu,
une rumeur que Coq flamboyant aimerait beaucoup
vérifier. Chao Guang possède l’épée connue sous le nom de
Larme du Tigre, dont la réputation s’ajoute encore à la sienne.
Il n’hésite d’ailleurs jamais à la ceindre lorsqu’il doit avoir
une entrevue avec un opposant politique afin de rappeler à
son interlocuteur que la politique est également un champ de
bataille qui n’épargne pas les plus faibles.
Renommée : 165

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Xianyang, capitale du Qin

Baio remplit ce rôle) et d’autre part un agent discret, capa-


ble à la fois de repérer les éventuelles bibliothèques
Bei Wang Lu
cachées et les informations ayant une valeur stratégique :
Visage avenant et prestance de lettré, Bei Wang Han Xu est ce scribe officieux.
Lu est un jeune homme à qui tout semble sourire. En effet, Le jeune homme officie au Palais Jique sous
âgé d’à peine trente ans, il est déjà le magistrat du quartier l’identité d’un des multiples scribes nécessaires à la
administratif de Xianyang. Un poste de prestige dont beau- machine administrative du Qin, partageant son temps entre
coup pourrait être envieux… ce qui n’est guère le cas. Car son travail et des études à l’université de Xianyang où il
depuis que Chao Guang est gouverneur de la capitale, cha- réside actuellement. Incidemment, il a découvert le secret
cun sait que le magistrat qui se trouve directement sous ses de Bien Long et, entre les deux diversions que sont Xie
ordres n’est guère plus à ses yeux qu’un assistant. Cheng et Xue Baio et toutes les informations qu’il soutire
Bien que grande fut la frustration de Bei Wang Lu ou vole à l’eunuque en plus de son propre réseau, il a les
lorsqu’il comprit cela et put le constater au jour le jour, il finit coudées franches et se prépare un avenir radieux au sein
par en prendre son parti et décida de profiter des bons côtés des Scribes de Wen Chang.
de son poste. Et ceux-ci sont nombreux pour un homme Toutefois, Xianyang la légiste est le lieu des mille
sachant tirer son épingle du jeu. En premier lieu, le gouver- tentations pour les jeunes gens à qui tout réussit et Han Xu
neur n’est pas homme à laisser un de ses fonctionnaires commence à un peu trop apprécier le confort que lui pro-
paresser : même si le jeune magistrat ne jouit pas d’une curent les sommes d’argent qu’il extorque à Bien Long
grande autonomie, cela ne signifie pas qu’il manque de tra- pour rester incorruptible bien longtemps. En effet, il s’est
vail, bien au contraire. Ainsi, Chao Guang s’appuie sur lui fait passer pour le fils d’un riche fonctionnaire étranger
pour régler les nombreux problèmes du quartier et maintenir afin de la séduire la femme qu’il convoite et qui semble
un semblant de calme parmi les fonctionnaires des nombreux éprouver les même sentiments en retour, Douce Feuille de
bureaux et officines. Bei Wang Lu en profite pour étendre ses Saule - la fille de Feng Cheh -, et il veut à tout prix éviter
relations et se créer des alliances, tout en exécutant sa mis- qu’elle apprenne qu’il lui a menti et ne possède aucune for-
sion au mieux pour satisfaire le gouverneur. En second lieu, tune personnelle.
œuvrer à proximité de l’homme le plus influent de Xianyang Renommée : 35
ne va pas sans quelques avantages : pouvoir observer et
apprendre sur le terrain comment gérer une telle ville est un
atout que le magistrat compte bien mettre à profit un jour ou Xue Baio
l’autre. De plus, cette position lui permet d’avoir l’oreille de
Chao Guang, qui a toujours su écouter ses subordonnés et
Cet homme entre deux âges a tous les aspects de
51
prendre en compte leurs avis.
Ainsi en quelques années, Bei Wang Lu a su tirer l’érudit arrogant et ambitieux. Son port hautain, son regard
parti d’une position considérée comme un cul-de-sac par en coin et ses chang pao de luxe contribuent énormément à
beaucoup. L’expérience et le savoir-faire qu’il a acquis en lui donner cette réputation, et il faut bien avouer qu’elle
côtoyant le gouverneur ne sont pas passés inaperçus et il n’est pas totalement usurpée. Originaire d’une modeste
semble que la carrière du magistrat soit en passe de rebon- famille de pêcheurs du Qi, Xue Baio a pu suivre des études
dire. Bei Wang Lu espère être nommé dans un autre quartier grâce aux sacrifices de son frère aîné, ce qui lui permit de
de Xianyang avant de devenir lui-même gouverneur d’une passer ses premiers concours sans avoir à subvenir aux
commanderie du Qin et qui sait ? De pouvoir un jour admi- besoins de ses parents. Ainsi, le fils de marin put commencer
nistrer la capitale elle-même… Car plus que de l’expérience, une carrière de lettré mais il eut rapidement à souffrir de ses
ce que Bei Wang Lu a acquis auprès de Chao Guang, c’est un origines modestes face aux autres étudiants. Grâce à leurs
amour immodéré pour Xianyang, le joyau légiste. relations, tous, même les moins bons, semblaient réussir
Renommée : 60 plus facilement, avoir de meilleurs postes ou de meilleures
opportunités de carrière. Xue Baio par contre ne bénéficiait
d’aucun traitement de faveur et rien ne lui était pardonné.
Frustré par une telle situation, il en vint à avoir honte des ses
origines et à en vouloir à ses parents de l’avoir laissé faire.
Han Xu
Fort heureusement, ses qualités indéniables finirent quand
Quel homme sensé pourrait réellement croire que même par être remarquées et il réussit à intégrer les rangs
les Scribes de Wen Chang n’ont rien à cacher et que sous des prestigieux Scribes de Wen Chang.
ce vernis respectable, l’organisation ne poursuit pas de Ayant enfin une situation, il put donc retourner
bien plus sombres desseins ? L’un d’eux, sans doute le voir sa famille la tête haute mais le cœur plein de fiel.
plus évident, est l’espionnage. C’est à la fois une ressource Après une discussion un peu agitée et devant si peu de
stratégique de première importance pour le Qi mais aussi piété filiale, son père le corrigea tandis que son frère tentait
et surtout le seul moyen pour les bibliothécaires de Linzi de les séparer. Un malheur n’arrivant jamais seul, la scène
de mettre la main sur les traités les plus secrets dont les eut lieu devant le magistrat local qui s’offusqua qu’un sim-
autres Royaumes se garderaient bien de laisser quiconque ple pêcheur puisse battre un lettré et fit emprisonner le
faire une copie. Ainsi à Xianyang comme dans de nom- vieil homme et brûler sa demeure. Le fils aîné parvint à
breuses autres cités, il existe d’une part un Scribe de Wen s’enfuir, non sans jurer de se venger.
Chang officiel et un peu naïf, chargé de copier les ouvrages De retour à Linzi, Xue Baio fit carrière pendant
les plus courants et d’attirer l’attention malgré lui (Xue quelques années, prenant de plus en plus goût au pouvoir.

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Mais dans sa course aux honneurs, il fit de l’ombre à l’un qui font traverser la rivière matin et soir aux ouvriers
de ses rivaux qui complota pour qu’il soit « promu » chef agricoles se rendant aux champs pour y exécuter leur
de la cellule des Scribes de Wen Chang à Xianyang. Voici labeur quotidien.
maintenant sept ans que Xue Baio y joue ce rôle et il y a Les secteurs sud du quartier abritent principalement
pris ses marques, allant même jusqu’à nourrir une relation les manutentionnaires ou ouvriers qui travaillent à l’extérieur
avec Pei Ziyi. Cette dernière est la femme du responsable de la ville : de nombreuses exploitations agricoles et indus-
de l’université où il travaille le plus souvent et où il sait trielles se situent aux abords immédiats de Xianyang et
qu’il est étroitement surveillé par le Censorat. Son rôle est emploient nombre de ses habitants. Il y a une certaine fierté
justement d’attirer les regards pendant que d’autres sont à à vivre au sein des remparts de la capitale, aussi ces travail-
la recherche des livres les plus secrets. leurs préfèrent-ils souvent parcourir plusieurs li pour se ren-
Mais voilà quelques mois, un dénommé An dre à leur poste plutôt que de loger dans des villages exté-
Chong est venu lui apporter une missive de Linzi l’avertis- rieurs… Ces secteurs d’habitation sont constitués en majorité
sant qu’un puissant héros du jiang hu surnommé Poings de petites maisons de plain-pied, ne comprenant guère plus
célestes serait apparemment à ses trousses et clamerait de trois pièces et dans lesquelles des familles entières s’en-
partout être son frère. Depuis, Xue Baio s’est attaché les tassent pour économiser sur les loyers. Pour les plus soli-
services de deux gardes du corps et craint pour sa vie. taires, de simples chambres sont mises à disposition par des
Renommée : 35 propriétaires peu scrupuleux ; de nombreux bâtiments sont
ainsi surpeuplés, peu entretenus et abritent parfois une faune
guère recommandable… La surpopulation qui frappe tout le
quartier est ici une réalité incontestable : peu de places ou

Le quartier ouvrier d’esplanades, aucun parc boisé, uniquement des rues droites
et des constructions destinées à accueillir le plus d’habitants
possible, parfois au mépris de leur sécurité et des conven-
tions architecturales du Qin.
Au contraire les secteurs nord sont habités par des
Probablement le quartier le plus peuplé et hétéro- serviteurs, des ouvriers travaillant en ville ou même par-
clite de Xianyang, y habite une large population constituée fois de petits fonctionnaires. Les demeures, quoique tou-
de travailleurs, petits commerçants, artisans modestes, jours modestes, y sont plus espacées, les rues plus larges,
fonctionnaires en début de carrière, etc. La mixité sociale quelques parcs agrémentent la vue et des places permettent
y est importante et toutes sortes de gens s’y croisent et aux colporteurs et restaurateurs ambulants de faire leur
cohabitent en bonne entente. Ce qui en fait sans doute le métier. C’est dans cette partie du quartier que se trouvent
52 quartier le plus chaleureux de toute la ville, malgré les commerces et les ateliers, les cabinets médicaux et les
quelques troubles inhérents. bureaux d’écrivains publics. De nombreuses auberges
Constitué principalement de nombreux secteurs accueillantes offrent au visiteur de passage de quoi se loger
d’habitation, le quartier ouvrier possède son content de pour quelque temps à un prix modique et dans un environ-
rues commerçantes et de places de marché animées. Mais nement agréable. Bien que ces secteurs nord ne soient pas
ce qui fait sa plus grande particularité est une intense vie aussi luxueux que le quartier bourgeois ou aussi fonction-
souterraine, dans des sous-sols et des catacombes, tolérée nels que les secteurs d’habitation du quartier administratif,
par les autorités mais pour combien de temps encore ? ils sont de plus en plus recherchés et la surpopulation endé-

Vue d’ensemble
mique du Sud menace désormais le Nord…

Fonctionnement
Le quartier ouvrier est situé au centre-sud de
Xianyang et il se trouve donc au bord de la rivière Wei Le magistrat
dont il n’est séparé que par les remparts et un petit port de
pêche.
Celui-ci, bien que techniquement à l’extérieur Lorsqu’il fut temps de nommer un nouveau
de la ville, est toutefois considéré comme un secteur du magistrat dans le quartier ouvrier, le gouverneur étudia
quartier à part entière, ce qui autorise le magistrat à pré- minutieusement les candidatures et les mit en balance avec
lever des taxes sur ses activités (en contrepartie de quoi la réalité concrète de la gestion de cette partie de la ville.
le port est protégé par la garnison). Les habitants de ce Celle-ci est en effet en apparence un havre de cohabitation
secteur portuaire vivent dans des cabanes en bois avan- sereine, mais sa mixité et sa surpopulation galopante en
çant sur la rivière, et sont en majorité propriétaires de font justement un lieu propice à faire naître tensions et
leurs petites embarcations leur permettant d’aller pécher troubles… Après avoir longuement réfléchi, Chao Guang
en rivière. Les cargaisons de poissons ramenées sur les choisit d’élever Ti Kong au poste de magistrat du quartier,
berges sont nettoyées et vidées par les épouses ou filles une décision qui fit scandale à l’époque.
de ces pêcheurs pour être vendues sur un marché juste à En effet, ce dernier n’était qu’un simple contre-
côté de la porte sud de la ville. En parallèle de ces acti- maître travaillant dans une filature de l’ouest de la ville,
vités, une bonne dizaine de barges font vivre les passeurs approchant la cinquantaine et ne sachant ni lire ni écrire !

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Xianyang, capitale du Qin

Pei Gong lui-même, le recteur de l’université, appuya de grottes souterraines, de tunnels naturels ou creusés de main
tout son poids pour que soit annulée cette décision mais d’homme, de catacombes antiques et de bien d’autres mer-
l’influence du gouverneur lui permettait de diriger la ville veilles chtoniennes. Et dans une cité aussi peuplée, un tel
à sa guise. Et Chao Guang tenait à cette nomination : bien réservoir d’espace ne resta pas inoccupé bien longtemps…
qu’homme du peuple, Ti Kong était un esprit pragmatique C’est par le quartier ouvrier que commença la
ayant vécu presque toute sa vie dans le quartier. En colonisation de ces sous-sols. En effet, avec une popula-
connaissant la vie intime bien mieux qu’aucun fonction- tion en constante augmentation et des loyers en hausse
naire, il était le mieux placer pour gérer une partie de la depuis des années, bientôt les habitants les plus
ville au fonctionnement bien plus délicat que toutes les modestes ne purent plus se loger, chassés de chez eux
autres. Plusieurs entretiens entre les deux hommes entéri- par des propriétaires avides de louer à plus solvables. 53
nèrent le choix du gouverneur et le vieux contremaître prit Ayant un emploi mais pas de domicile, poussés au vaga-
sa retraite pour commencer une nouvelle carrière. bondage, ces pauvres hères durent se réfugier sous terre
Grâce à quelques précepteurs triés sur le volet, Ti pour échapper aux patrouilles et aux lois fort répressives
Kong prouva son intelligence en devenant un lettré aux du Qin à l’égard des errants. C’est ainsi que peu à peu
compétences fort respectables. Si certes il n’égala jamais toute la partie souterraine située sous le quartier ouvrier
les jeunes universitaires pétris de culture depuis leur nais- devint une ville sous la ville, où purent venir se loger,
sance, il pouvait de toute façon s’appuyer sur des assistants parfois temporairement et parfois à plus long terme, les
efficaces qui furent bien vite acquis à sa cause. Car depuis victimes de la surpopulation de Xianyang. Les vastes
cinq ans que Ti Kong est le magistrat du quartier, il a tou- cavités sont ainsi remplies de logements de fortune,
jours su parfaitement le gérer (et en tout cas bien mieux cabanes en bois branlantes ou simples tentes de tissu
que ses prédécesseurs). Sa familiarité avec les habitants, abritant des familles entières dans des conditions d’hy-
son mélange de fermeté paternaliste et de compréhension giène intolérables. En effet, l’humidité des lieux due à la
compatissante fait des merveilles et la poudrière que sont proximité de la rivière Wei favorise les infections et un
les secteurs sud n’a pas encore explosé uniquement grâce début d’épidémie commence à se répandre.
à lui. Finalement, le quartier ne faisant pas trop parler de Ti Kong est bien sûr au courant et pour le
lui en haut-lieu et les impôts étant payés en temps et en moment, il essaie de temporiser en attendant de trouver
heure, le scandale de la nomination de Ti Kong finit par une solution au problème immobilier qui frappe son quar-
retomber de lui-même et le vieux magistrat sait pouvoir tier. Il a ainsi entamé un laborieux bras de fer avec la
compter sur le soutien du gouverneur en cas de coup dur guilde bourgeoise dont font partie les spéculateurs qui ont
ou de crise impromptue. conduit à cette situation. Disposant de peu de moyens
légaux pour faire pression, il espère néanmoins faire inter-
venir le gouverneur et peut-être même le ministre des
Sous Xianyang… grands travaux en sa faveur et en celle de ses administrés.
Hélas, sa mansuétude n’est pas partagée par le comman-
dant Yam Ji-kue (Renommée : 40) qui dirige la garnison
Une ville telle que la capitale du Qin n’a pu se du quartier. Il a commencé à mener des rafles dans les
développer sans poser de solides fondations ou construire baraquements de fortune, embarquant les gens et brûlant
sur diverses ruines, reliquat des anciennes cités sur les- leurs logements insalubres. Il dit agir par mesure de santé
quelles elle fut bâtie. publique afin que l’épidémie ne se propage pas, mais tous
Ainsi, sous les pieds de ses habitants existe un ceux qui ont assisté à ces descentes ont pu constater à quel
sous-sol étendu et profond, constitué de vastes égouts, de point le commandant aime faire ce travail…

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Bien sûr, toute la ville possède ses sous-sols et méprisent ou ignorent les faibles. Bien au contraire, pétri de
ceux-ci sont diversement employés selon les quartiers. principes confucéens et juriste de formation, il profite de sa
Ainsi à l’ouest de Xianyang, la guilde bourgeoise richesse considérable pour exercer de façon bénévole son
met à profit les nombreuses grottes souterraines pour métier auprès des indigents et des nécessiteux.
stocker de la marchandise de contrebande ou dissimuler de Faisant office d’écrivain public, d’avocat ou de
l’or et de l’argent. précepteur en faveur des plus défavorisés, Min Huong vit
Sous la Cité royale s’étend un vaste réseau de lui-même dans les secteurs nord, sans doute dans la
galeries secrètes en construction, reliant les différentes par- demeure la plus confortable du quartier. Il y tient son office
ties du Palais Jique entre elles et aux demeures ministé- et reçoit ceux qui ont besoin de lui. Son abnégation est
rielles. Plus sinistre, sous quelques bâtiments comme le réelle et ne cache aucune perversité ou besoin malsain
ministère de la Justice se trouvent d’immenses geôles dans comme l’a longtemps soupçonné le commandant Yam Ji-
lesquelles croupissent plusieurs centaines de prisonniers… kue. Car le juriste exerce sa profession au grand dam du
Les quartiers administratif et universitaire met- militaire, qui se voit souvent opposé à lui au tribunal. Au
tent à profit ces espaces souterrains pour mettre leurs contraire, Ti Kong apprécie réellement Min Huong et
archives à l’abri. Etc. cherche à s’en faire un allié dans sa lutte contre les spécu-

Lieux d’importance
lations immobilières menées par la guilde bourgeoise.
Plusieurs fois menacé anonymement, Min Huong
n’a cure de ces tentatives d’intimidation et ne s’en est ainsi
même pas ouvert au magistrat. Une inconséquence qui
pourrait bien lui coûter la vie…

Personnalités
Le centre du quartier
Le secteur situé au centre du quartier sépare les
secteurs sud, majoritairement pauvres et délabrés, des sec-
teurs nord, bien mieux lotis. Cette démarcation est symbo- An Chong
lisée par l’imposant bâtiment de la magistrature, presque
une forteresse dont la silhouette pesante domine tout le
quartier. Les raisons de ce choix architectural sont simples Ayant un peu plus d’une vingtaine d’année, An
: le quartier ouvrier étant par définition le lieu d’habitation Chong est un homme au visage juvénile et à l’aspect
54 de la majorité des classes pauvres à moyennes de la ville, androgyne que l’on voit souvent déambuler dans les rues
il fallait que le bâtiment figurant l’autorité légiste soit à de Xianyang. Les rumeurs les plus folles courent à son
même d’impressionner les esprits et de leur rappeler la sujet et les habitants de la ville ne savent généralement pas
toute-puissance de la loi au Qin. Actuellement, ce symbo- s’ils ont à faire à un fou, avec sa longue silhouette filiforme
lisme est grandement tempéré par la gestion plus humaine et son chang pao trop grand pour lui, ou à un sage. Comme
du magistrat Ti Kong. toujours la vérité se situe quelque part entre les deux.
Pour les mêmes raisons, la caserne locale est elle Ancien disciple d’un érudit du Qi, il accompagna
aussi un édifice haut et massif. Effrayant, correspondant son maître venu amener une missive à Xue Baio.
totalement à la cruauté mesurée du commandant Yam Ji- Malheureusement, le voyage fut mouvementé et son shifu
kue, les habitants du quartier font tout pour ne jamais y être n’arriva jamais au Qin. Chong, ne sachant réellement où
emmenés par les soldats de la garnison, fut-ce pour un sim- aller, décida d’honorer la mémoire de ce dernier en appor-
ple témoignage, tant les rumeurs sur les tortures et sévices tant la missive à son destinataire avant de lui demander de
qui y sont pratiqués ont marqué les esprits… bien vouloir compléter son éducation. Xue Baio déclina la
Ainsi la gestion du quartier est-elle devenue schi- proposition et mit le jeune homme à la porte. Celui-ci
zophrène, tiraillée entre la clémence relative du magistrat passa par une période très difficile à errer dans la rue, à la
et la brutale efficacité de l’officier local. Et bien que les recherche de quoi survivre.
deux hommes soient des légistes convaincus, ils n’ont réel- Complètement inadapté à ce genre de vie, le
lement pas la même façon d’appliquer cette philosophie jeune homme commença rapidement à délirer et son esprit
sur le terrain… partit se réfugier dans la seule chose qu’il connaissait : la
Brisant légèrement l’ambiance oppressante instaurée philosophie et les Cent écoles de pensées. Contre toute
par les bâtiments officielles, la grande esplanade qui s’étend attente, une partie de la faune des quartiers les moins hos-
entre eux abrite quasi quotidiennement un vaste marché, que pitaliers de Xianyang commença à le prendre en sympathie
certains décrivent comme le plus animé de Xianyang. et à le cacher de la garde pour qu’elle ne l’emporte comme
un vulgaire mendiant. Trop contents qu’on leur donne
enfin accès au savoir, certains commencèrent même à
Le bureau de Maître Min Huong écouter ses enseignements et à voir en lui une sorte de
guide spirituel.
Grâce à leur aide, depuis six mois, Chong a monté
Héritier d’une colossale fortune constituée en majo- sa propre école de pensée, basée sur la primauté de la liberté
rité de propriétés foncières hors de la ville, Min Huong sur la loi, sur la bienveillance inconditionnelle et la remise
(Renommée : 65) n’est pourtant pas de ces puissants qui en cause des dogmes et doctrines. Mais le jeune homme est

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Xianyang, capitale du Qin

bien trop gentil, ou naïf, pour comprendre que tôt ou tard Mais Ju Lian Wei est un débrouillard. Sa maigre
son enseignement poussera ses élèves à se rebeller contre solde ne lui laissant guère l’espoir d’une retraite dorée, il a
l’autorité royale, et donc vers une mort certaine. su tirer parti de sa position. En effet, beaucoup de gens
Renommée : 20 sont prêts à monnayer un petit service, la protection ou le
silence d’un sergent... Mais Ju Lian Wei se montre assez
malin pour ne jamais menacer sa position par des actes
An Xia pouvant s’apparenter à de la trahison. Et si certains supé-
rieurs ont découvert son manège, ils ont fermé les yeux sur
des actes somme toute mineurs.
Xia est depuis quelques mois la femme d’ An Vieillissant, il se rend compte que sa carrière n’évo-
Chong et ce dernier, fidèle à lui-même, lui porte un amour lue plus. Il ne lui reste que quelques années de service et il
sincère et passionné. Jeune membre du Bureau des compte bien en profiter pour mettre de l’argent de côté.
Rumeurs, elle a reçu comme mission de se renseigner sur Il a été approché récemment par le Gai Bang et
le jeune philosophe et de déterminer s’il était relié dans d’autres groupes d’intérêt de la capitale. Contre une
l’ombre à une autre organisation. Elle commença donc son somme rondelette, une vérification de marchandises se fait
approche dans les quartiers considérés comme les bas- plus vite, la fouille d’un tripot moins intense, un contrôle
fonds de Xianyang et y rencontra son futur époux en train de sauf-conduit moins regardant. Dans sa section, six
de donner une leçon à une douzaine de pauvres hères. hommes participent à ses « affaires » ; les autres sont de
Réussissant à intégrer le groupe, Xia se trouva jeunes recrues dont il se méfie.
rapidement subjuguée par Chong et ne mit guère long- Ju Lian Wei reste très prudent mais il a trouvé une
temps à s’apercevoir qu’il ne s’agissait que d’un homme à autre astuce risquée pour arrondir ses fins de mois. Il se
la fois fabuleusement sage et affreusement naïf. Souhaitant sert de sa position pour transmettre à des prisonniers
avoir une excuse pour rester auprès de lui et pour le proté- objets, messages ou pour leur arranger des visites norma-
ger d’une probable rafle de la garde du Qin, Xia le fit pas- lement interdites. De plus en plus avide, le sergent se mon-
ser pour plus dangereux qu’il n’était et suggéra à ses supé- tre de moins en moins scrupuleux. Sa dernière action lui a
rieurs de la forcer à l’épouser afin de le contrôler au mieux. permis d’empocher un beau pactole. Un officier de la
Depuis, elle joue un double jeu à la limite de la milice des marchands de Handan avait été arrêté pour
schizophrénie en tentant de protéger à la fois son mari et son espionnage. Contacté par un émissaire de Sung Cho Kuan,
Royaume. Elle influence Chong et le rend plus vindicatif Ju Lian Wei a réussi à remplacer ce prisonnier par un autre
afin de pouvoir se servir de l’école pour attirer les esprits avant son exécution. Le milicien ne subit qu’une simple
dissidents ou subversifs, qu’elle s’empresse alors de faire bastonnade avant d’être relâché tandis que l’autre malheu-
arrêter discrètement. Elle espère ainsi sincèrement protéger reux était écartelé en place publique.
55
le Qin et donner au Bureau des Rumeurs suffisamment de Le sergent sait qu’il joue un jeu dangereux mais hautement
bonnes raisons pour ne pas faire éliminer son mari. rentable, et il continuera tant que cela sera le cas.
Pour l’instant, elle est prête à tout par amour, sou- Renommée : 25
haitant d’autant plus aider Chong qu’il est naïf et que nom-
breux sont ceux qui souhaitent profiter de sa popularité,
mais elle doit constamment faire attention à ne pas le ren- Shui Beng
dre trop gênant ni trop docile, si elle ne veut pas le voir dis-
paraître. Inversement, pour pouvoir continuer son petit
manège elle ne peut se permettre ni de réduire les arresta- Citoyen du Qin, Shui Beng fut d’abord soldat
tions ni de les multiplier. puis il rejoignit le jiang hu et sillonna le Zhongguo comme
Xia est loin d’être idiote mais pour l’instant elle mercenaire. Il y gagna des cicatrices, une bonne réputation
ne se rend pas encore bien compte qu’elle se dirige vers un et assez d’argent pour acheter une taverne à Xianyang. La
désastre, n’ayant toujours pas réussi à choisir entre amour cinquantaine, un léger embonpoint naissant enrobe son
et devoir, quitte à ce que cela coûte la vie à quelques élèves corps musculeux. L’estaminet qu’il tient dans le quartier
de son mari. ouvrier n’est pas le plus luxueux de la ville, mais Shui
Renommée : 15 Beng veille à sa propreté et à la bonne tenue des clients.
L’arbalète qu’il cache derrière son comptoir l’y aide.
De fait, sa taverne est connue comme un lieu
Ju Lian Wei d’accueil pour ceux du jiang hu et ses lois s’appliquent
également entre ces murs. Au cœur de la capitale du Qin,
cet endroit est ce qui ressemble le plus à une terre d’asile
Ce soldat du Qin a effectué toute sa carrière pour les wu xia et autres marginaux. On s’y rencontre, on
dans l’infanterie. Vétéran de nombreuses campagnes, il échange des informations, on recrute des compagnons, en
a participé à plus de batailles que beaucoup de géné- toute quiétude et devant une coupe de bon vin. Les
raux. Aujourd’hui, dans la garnison de Xianyang, il bagarres restent rares car tous respectent ce lieu et le tenan-
demeure simple sergent. Ni trop intelligent ni trop cier lui-même pourrait calmer la plupart des convives.
brave, il n’a jamais pu briguer un grade plus élevé. Le Aussi, « l’Île » comme on la nomme parfois voit
règlement militaire a longtemps suffi à gérer son quoti- passer tôt ou tard presque tous les électrons libres de la
dien et ses supérieurs louent l’efficacité de ce sous-offi- société. Étrangement, les agents du magistrat ne traînent
cier obéissant. pas autour du bâtiment. Ils n’en ont pas besoin car Shui

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Beng, mais tout le monde l’ignore, renseigne lui-même le
Censorat sur ses clients. Pas de gaieté de cœur certes, mais
il n’a pas le choix…
Le quartier noble
Veuf, sa fille Wu Jian et son fils Wu Han furent éle-
vés par sa sœur et ont grandi à Xianyang. Engagé à seize ans,
Wu Han a rejoint ensuite le Censorat. Sans aucun scrupule, il
méprise le passé de son père et lui a demandé de lui servir Lieu d’habitation des riches et des puissants de
d’informateur. Shui Beng voulut refuser mais Wu Han a des Xianyang, le quartier noble n’est guère dépassé que par la
arguments : lui seul sait où se trouve actuellement Wu Jian Cité royale en terme de magnificence et de luxe. Et encore
et il connaît un secret honteux du vieil homme. Que devien- celle-ci contient t’elle nombre de bâtiments administratifs
drait la réputation du « Pourfendeur des Treize Bandits de à l’architecture plus fonctionnelle qu’esthétique alors que
Jiangshi » si la vérité sur cet épisode glorieux venait à être le quartier noble est tout entier dévoué à la beauté, au
connue ? Shui Beng aime trop sa vie actuelle et la considé- confort et à la mise en avant de l’opulence de ses habitants.
ration dont il bénéficie au sein du jiang hu pour risquer de Si la Cité royale est le centre du pouvoir du Qin,
tout perdre. Et puis, il s’agit de son fils qu’il espère raisonner c’est dans le quartier noble que se livre l’essentiel de la lutte
afin de revoir Wu Jian un jour. acharnée qui oppose diverses factions politiques, chacune
Renommée : 15 souhaitant promouvoir ses idées auprès du Roi afin d’infléchir
l’avenir du puissant Royaume légiste en sa faveur…

Vue d’ensemble
Ti Kong
Le magistrat Ti Kong est une anomalie au sein de
Xianyang : un simple travailleur élevé à une si haute
charge par la seule volonté du gouverneur. Contremaître Le quartier noble se situe au nord-est de
illettré, ayant dépassé la cinquantaine, nanti d’un physique Xianyang. Abritant la majorité des puissants du Qin, il est
de brute disgracieuse, personne ne misa une piècette sur la particulièrement fortifié : les portions des remparts de la
capacité du vieil homme à administrer un quartier aussi ville qui l’entourent sont parfaitement entretenues et les
tumultueux que le quartier ouvrier… murs qui séparent ce quartier du reste de la ville sont plus
Et pourtant, Chao Guang sut faire en sorte que son hauts et plus épais que la moyenne. Leurs portes sont de
protégé puisse avoir toutes les chances de son côté. Ti Kong
56 avait déjà l’immense qualité de connaître intimement la
bois massif renforcé de bronze et de fer, et closes la nuit
afin de préserver la tranquillité des habitants. Remparts,
population du quartier ouvrier, et d’en être respecté en tant murs et portes sont évidemment bien gardés, par des sol-
que notable local. Afin de le préparer à son poste, il suivit une dats compétents dont l’affectation au sein du quartier est
formation intensive aux mains de nombreux lettrés et le gou- souvent une promotion ou une récompense.
verneur l’entoura de fonctionnaires de confiance, compétents Presque tous les secteurs du quartier sont dédiés à
et dévoués. Assuré de l’appui total de son supérieur malgré l’habitation afin de loger les riches et influents hauts-fonc-
les hauts cris de hautes personnalités de l’administration, Ti tionnaires qui oeuvrent pour la plupart au sein des ministères
Kong put être intronisé en tant que magistrat. de la Cité royale, et parfois dans le quartier administratif.
Rapidement, son pragmatisme, son adhésion au Bien que nombre de ces puissants bureaucrates soient bien
légisme et son intelligence insoupçonnée lui gagnèrent la moins fortunés que les marchands ou artisans du quartier
loyauté de ses assistants et le respect de la population. Sa bourgeois, ceux-ci sont tacitement découragés de venir
gestion fut bien plus efficace que celle de ses prédéces- s’installer dans cette partie de la ville car les lettrés du gou-
seurs et il tente de régler au mieux les nombreux pro- vernement, de quelque faction qu’ils soient d’ailleurs, préfè-
blèmes qui ne manquent jamais de surgir dans le quartier rent vivre entre eux. C’est pourquoi le quartier porte tou-
ouvrier. C’est une rude tâche et Ti Kong regrette parfois jours le qualificatif de « noble » bien que plus aucun aris-
amèrement le temps où il était un simple ouvrier, quand la tocrate n’y habite : il reste un saint des saints inaccessible
vie était plus simple pour lui… Mais il se reprend bien vite au simple peuple, fût-il extrêmement riche.
en considérant la chance que représenta sa nomination Cependant il existe quelques secteurs, concentrés
pour sa famille : grâce à sa position, il a pu envoyer ses au sud-est, abritant des boutiques de luxe ou des ateliers de
petits-enfants à l’université, leur promettant un avenir première nécessité. Obtenir la gestion de ces magasins ou
radieux, et ses petites-filles se sont mariées parmi la caste ateliers est un grand honneur pour lequel la guilde bour-
des fonctionnaires. Ainsi son abnégation lui permet de geoise n’économise ni ses efforts ni son argent…
mettre les siens à l’abri du besoin et d’une vie ingrate De façon générale, le quartier est bâti selon un
comme celle qui fut la sienne durant sa jeunesse. axe nord-sud, avec comme démarcation la place centrale à
Toutefois le stress et les longues journées de tra- côté de laquelle se trouve les bureaux du magistrat : les
vail finiront tôt ou tard par réclamer leur du : Ti Kong palais les plus riches et extravagants sont situés dans le
s’affaiblit d’année en année et son corps usé par des décen- secteurs nord tandis qu’au sud se trouvent les manoirs et
nies de travaux pénibles ne pourra bientôt plus supporter demeures plus modestes.
une telle charge. Le vieux cœur du magistrat est certes Il n’est d’ailleurs pas exagéré de dire que presque
vaillant mais de plus en plus fragile… chaque palais du nord occupe un secteur à lui tout seul.
Renommée : 75 S’étalant sur de nombreux pavillons bâtis autour de parcs

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Xianyang, capitale du Qin

luxueusement entretenus (plantes rares, animaux exo- où Dun Li tenta de faire son travail, les sanctions et aver-
tiques, étangs artificiels, etc.), ces vastes demeures permet- tissements ne tardèrent pas à tomber afin de le décourager
tent aux fonctionnaires les occupant d’afficher leur puis- d’aller mettre son nez dans ce qui ne le regarde pas…
sance et leur influence. Dans ces secteurs nord, les avenues Cantonné à un rôle de pure figuration administra-
sont larges et pavées, fréquemment patrouillées par des tive, Dun Li en conçoit une amère frustration… Lui qui
soldats d’élite et chaque palais s’abrite derrière un haut rêvait d’une carrière de poète ou de lettré se retrouve
mur censé protéger non seulement l’intimité mais aussi la contre son gré à devoir observer les factions du quartier se
sécurité de ses habitants… Un cours d’eau creusé de main livrer à une guerre qui ne dit pas son nom, sans pouvoir
d’homme serpente à travers les rues, surmonté ça et là par interférer. Impuissant, il a fini par se réfugier dans l’alcool,
divers ponts et offrant la possibilité de se déplacer en le jeu et les femmes au grand désespoir de son épouse… 57
bateau pour les hauts-fonctionnaires les plus maniérés.

Bien que moins ostentatoires, les demeures des sec- Les factions politiques
teurs sud restent largement au-dessus de la norme citadine.
De plus, cette partie du quartier est particulièrement agréable
car parsemée de divers jardins d’agrément et places pavées On pourrait croire que les hauts-fonctionnaires de
de pierres blanches. Ainsi, y flâner reste un plaisir pour ses Xianyang, tous recrutés pour leur intelligence et leur volonté
habitants, qui compense largement la moindre envergure de de servir le Qin, formeraient une caste unie et solidaire, dési-
leurs maisons (reflétant d’ailleurs souvent une position reuse d’œuvre pour la grandeur du Royaume légiste.
sociale moins élevée au sein du gouvernement…). Et bien sûr, il n’en est rien. Quand un tel pouvoir

Fonctionnement
doit se partager entre plusieurs hommes, l’ambition finit tou-
jours par faire son œuvre et diviser les gens. Et dans le quar-
tier noble comme ailleurs, les habitants se regroupent en
fonction d’objectifs partagés, d’affinité idéologique ou par-
fois simplement parce qu’ils ont un ennemi commun. Mais
ici, du fait de l’intelligence, de la culture et de la puissance
Le magistrat politique de ses protagonistes, la lutte d’influence prend des
allures de conflit ouvert entre factions opposées.

Dun Li est un homme encore jeune. Neveu éloi- Actuellement, la cabale la plus puissante, celle
gné du gouverneur, il fut nommé magistrat du quartier qui dispose de l’oreille du Roi, est surnommée la « Vieille
par obligation familiale. Non d’ailleurs qu’il ne soit pas Garde ». Cette appellation vient du fait que ceux qui la
compétent pour ce poste, mais le malheureux Dun Li composent sont des hauts-fonctionnaires issus de vieilles
n’eut guère le choix et son affectation ne fut finalement lignées du Qin, d’anciennes familles ayant toujours vécu à
que le résultat d’une lutte d’influence au sein de la lignée la cour et disposant de façon quasi héréditaire de nom-
de Chao Guang. breux postes essentiels au gouvernement. Leurs ancêtres
Dans un quartier tel que celui-ci, le rôle du magis- sont d’ailleurs sans nul doute ces vieux nobles que les
trat est très limité : la criminalité y est quasi totalement réformes de Shang Yang jetèrent hors des allées du pouvoir
absente et lorsqu’un problème survient, les habitants pré- mais qui surent, à l’inverse des seigneurs du jiang hu,
fèrent le régler entre eux afin que leurs manœuvres poli- s’adapter aux nouvelles réalités bureaucratiques du
tiques ne soient pas dévoilées au grand jour. Les rares fois Royaume.

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Ayant le goût du pouvoir dans le sang, les mem- La lutte d’influence que se livrent ces deux
bres de la Vieille Garde ne comptent pas le lâcher et ils groupes a lieu en grande partie au sein de la Cité royale,
pèsent de toute leur influence pour orienter la politique du mais le quartier noble reste un champ de bataille annexe
Royaume dans le sens qui leur convient le mieux. Pour relativement important. Il y existe divers moyens de
eux, le légisme n’est qu’un socle sur lequel asseoir leur saper l’influence de ses opposants ou de se faire des
pouvoir et non un idéal ; le projet Tiàn Xia a certes leur alliés, par des moyens subtils ou cryptiques : par exem-
faveur mais ils préconisent de progresser lentement et avec ple, lorsqu’un haut-fonctionnaire donne une réception, la
prudence sur la voie de la réunification. Particulièrement liste des invités ou même le plan de table du banquet per-
conservateurs, ils voient d’un mauvais œil tout progrès mettent d’indiquer ses préférences politiques, ses inimi-
trop rapide ou important car ils le perçoivent confusément tiés, ses offres d’alliance ou ses déclarations de guerre.
comme une menace à leur position. Une étiquette sophistiquée régit tout cela et offre une
La main-mise de Lu Buwei sur le Royaume ne fut grille de lecture de la vie au sein du quartier noble, qui
guère appréciée par la Vieille Garde. Qu’un parvenu étran- est beaucoup moins tranquille qu’elle ne le parait. Et
ger se permette de diriger le Qin ne pouvait que leur bien que l’essentiel des conflits entre factions se can-
déplaire et, profitant de la lassitude du Roi Ying Zheng tonne à la politique pure (rumeurs, intrigues, trahisons,
concernant la durée de la régence du marchand, ils ont calomnies, humiliations, etc.), il n’est pas rare que des
récemment pu reprendre la main au fur et à mesure que le assassinats soient commis. La plupart du temps maquil-
premier ministre se retirait lentement de la vie politique de lés en accident (un jeune conseiller se sera noyé dans la
la Cité royale. Bien décidée à ne plus se laisser déposséder rivière artificielle après avoir trop bu lors d’un ban-
du pouvoir, la Vieille Garde tente de maintenir le Roi sous quet…), ils restent l’ultime recours car il n’est pas tou-
influence, en utilisant pour cela toute son expérience et jours facile d’empêcher le magistrat de poser des ques-
tout son considérable réseau politique et économique. tions qui dérangent… Or s’il y a bien un élément sur
La faction opposée à la Vieille garde s’est nom- lequel les factions s’entendent à la perfection, c’est sur
mée par dérision la « Relève », indiquant ainsi sa volonté la nécessité de régler leur antagonisme entre eux, sans
de renouveler la vie politique du Qin en portant au pouvoir que personne d’extérieur ne s’en mêle.

Lieux d’importance
d’ardents et ambitieux fonctionnaires. Dans sa grande
majorité, cette cabale est composée de jeunes loups aux
dents longues, des lettrés issus de l’université de Xianyang
ou d’autres Royaumes et dont l’intelligence et la pugnacité
leur ont permis d’accaparer de nombreux postes influents
au sein du gouvernement (et ce même si la Vieille Garde
58 tente par tous les moyens de bloquer leur ascension). Le centre du quartier
Souhaitant faire souffler un vent nouveau sur le
Royaume, les membres de la Relève sont pour une grande
part des idéalistes, mais c’est leur pragmatisme politique leur Comme tout le reste du quartier noble, le bâti-
a permis d’en arriver là. Plutôt progressistes, ils voient dans ment qui abrite les bureaux du magistrat est particulière-
le légisme un système équitable permettant à chacun de ten- ment majestueux. Véritable palais, il abrite de nom-
ter sa chance et d’être honoré pour ses compétences réelles. breuses officines et cabinets de travail et met à disposi-
Pour eux, l’Unification de Tout ce qui Existe sous le Ciel est tion du magistrat des appartements luxueux. L’activité
un impératif majeur qu’il convient de réaliser au plus vite. qui règne dans l’édifice reste faible comparée à celle
Un Empire unifié, une seule loi pour tous, un seul souverain d’autres magistratures ; le quartier est tranquille et les
à servir : tel est leur ambition et leur vision de l’avenir. fonctionnaires se contentent d’un travail de routine qui
Cependant, la Relève n’est elle-même guère unie : leur sied parfaitement. Le magistrat est d’ailleurs rare-
deux courants majeurs y prennent place. D’une part, il y a ment présent et l’administration a parfaitement appris à
les fonctionnaires issus du Qin, ayant étudié dans leur se débrouiller sans lui.
Royaume et trouvant normal de pouvoir y faire carrière.
Les membres de ce courant, patronné par le recteur de La caserne de la garnison locale est assez
l’université Pei Gong, ont vu d’un mauvais œil de nom- remarquable par sa taille. Le corps principal du bâtiment
breux étrangers accaparer des sièges de ministres ou de est une puissante forteresse carrée, dont les hauts murs
hauts-conseillers grâce à l’influence et la volonté d’ouver- lourdement protégés entourent un immense parc par-
ture de Lu Buwei. D’autre part, on trouve les lettrés venus semé de nombreux pavillons tous plus grandioses les uns
d’autres Etats, « mercenaires politiques » qui voient dans que les autres. La raison de ce choix architectural répond
leur ascension sociale la preuve que le légisme est le meil- au besoin des habitants du quartier de pouvoir se regrou-
leur système de gouvernance possible. Le chef de file (par- per en sécurité en cas d’attaque de la ville : logés alors
fois bien malgré lui) de ce mouvement est le ministre Li Si, dans des appartements protégés par de puissantes
ancien protégé de Lu Buwei à la cour. murailles, ils seraient à l’abri des attaquants. Jusqu’à
Bien que ces deux courants soient en désaccord sur présent, ce dispositif n’a jamais servi car Xianyang ne
bien des points (dont la volonté des natifs de promulguer une fut jamais assiégée au cours de son histoire. Cependant
politique de préférence nationale dans le recrutement des les pavillons sont toujours entretenus même si le général
fonctionnaires du Qin), ils savent faire taire leurs différends Wan Chang (Renommée : 120) y voit un gâchis de res-
lorsqu’il s’agit de s’opposer à la main-mise de la Vieille sources et de temps.
Garde sur l’appareil gouvernemental du Royaume.

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Xianyang, capitale du Qin

contreuse, sa hiérarchie le freina et il reçut des lettres de


reproches voilés de diverses personnalités de la cour…
Le Palais du Cheval
Comprenant où était sa place, Dun Li se résolut alors à
Située à l’extrême nord-est du quartier, la abdiquer sa bonne volonté.
demeure de Lu Buwei est peut-être la construction la plus Frustré par rapport à ses ambitions réelles, Dun Li
impressionnante de la ville après le Palais Jique. passe désormais plus de temps dans le quartier des plaisirs
Immense palais isolé et entouré de vastes enclos que chez lui. Il s’y perd entre les bras lascifs de courtisanes
abritant les haras du maître des lieux, son architecture expertes, buvant sa paie soir après soir et ne dessaoulant
mêlant l’influence du Zhao à celle du Qin impressionne presque jamais. Méprisé par son père, harcelé par sa femme,
même le plus blasé des voyageurs. Les nombreux transparent aux yeux de ses fonctionnaires, Dun Li caresse
pavillons qui entourent le bâtiment principal permettent à depuis quelques temps le rêve de fuir Xianyang. Afin de
Lu Buwei de recevoir ses invités. Bien qu’officieusement mener enfin la vie de bohème à laquelle il aspire depuis sa
en disgrâce, le premier ministre garde encore de nombreux jeunesse envolée. À presque quarante ans, c’est une chimère
amis dans la ville et il ne dédaigne pas non plus recevoir mais il se prend à y réfléchir de plus en plus souvent, quand
chez lui diverses personnalités de bonne réputation : l’alcool en laisse le loisir à son esprit embrumé.
qu’ils soient lettrés, marchands, combattants ou alchi- Renommée : 45
mistes, ces individus peuvent susciter son intérêt s’il per-
çoit en eux une certaine grandeur.
Toute une aile du Palais du Cheval est dédiée à une Gongji
immense bibliothèque regroupant des ouvrages venus de
tous les horizons. Certains prétendent que se trouve regroupé
là tout le savoir antique du Zhongguo, toutes les œuvres des Homme de fort belle allure, au visage avenant et
grands penseurs des Royaumes et de l’Empire qui les pré- toujours vêtu avec goût, celui que l’on nomme Gongji « le
céda. De nombreux scribes y travaillent à compiler et reco- Coq flamboyant » est l’un des Sacrés du Ciel et à ce titre,
pier le Lushichunqiu, les Printemps et les Automnes de probablement parmi les meilleurs bretteurs de tout le
Maître Lu, son livre-somme sur le savoir et la philosophie : Zhongguo.
l’œuvre qu’il souhaite léguer à la postérité. Né dans une noble famille martiale du Chu,

Personnalités
Gongji passa sa jeunesse à apprendre les arts qu’un homme
bien-né se doit de connaître : calligraphie, tir à l’arc,
escrime, poésie. Dans chacun de ces domaines, il excellait
et sa famille ainsi que ses serviteurs en vinrent à l’admirer
sans retenue. Sûr de lui, Gongji se rendit au palais des
59
Sacrés du Ciel à Juyang et demanda à devenir le disciple
de l’un d’eux. Devant tant d’arrogance, les Sacrés furent
amusé et voulurent corriger le jeune impertinent, mais le
Dun Li
vieux Coq à la Crête de Feu, qui n’avait jamais adoubé
Le magistrat du quartier noble est l’exemple aucun de ses disciples comme successeur, décida de le
même de l’individu sacrifié au nom d’une lutte d’influence prendre sous son aile et de le former.
au sein de sa lignée… Membre éloigné du clan Chao, son Au cours de son entraînement, l’ego de Gongji
père fit toujours tout son possible pour qu’il se trouve finit par en prendre un coup : doué il l’était certes mais
nommé à un poste important, espérant ainsi agrandir la son shifu le surpassait aisément alors qu’il avait l’âge
gloire de sa famille… La volonté de Dun Li n’entra bien d’être son grand-père ! Des hommes d’une autre trempe se
sûr jamais en ligne de compte dans les projets que faisaient seraient découragés, mais Gongji transforma son dépit en
ses parents pour lui. volonté et s’accrocha. Après plusieurs années, Coq à la
Envoyé à l’université, il s’y prit de passion pour Crête de Feu tomba malade, la vieillesse ayant fini par
la poésie et formula le souhait de devenir ainsi artiste, saper ses forces… Sur son lit de mort, il décerna à Gongji
allant sur les routes de ville en ville pour y répandre ses le titre de successeur qui lui donnait droit de prendre place
vers et y trouver mécène. Son père mit bien vite fin à ses parmi les douze Sacrés du Ciel. Avant d’expirer, il lui remit
illusions en obtenant enfin de Chao Guang sa nomination les Ergots de Bronze : une paire de crochets avec manches
comme magistrat du quartier noble. Le gouverneur faisait en ivoire sculpté, une arme ancestrale entérinant son nou-
ainsi taire son pénible cousin éloigné sans compromettre la veau statut. Mais Gongji ne sut se satisfaire de cette recon-
gestion de la ville car en vérité, n’importe qui semble pou- naissance : lui savait bien qu’il n’était pas à la hauteur,
voir administrer le quartier noble… Marié ensuite de force encore bien loin de la virtuosité dont son shifu faisait
à une petite-fille de ministre sans charme, Dun Li dut preuve avec tant de facilité. Afin de s’aguerrir et de se
s’installer dans un palais vaste et triste pour y exercer un montrer digne des espoirs de son maître, il partit arpenter
métier sans rapport avec ses aspirations secrètes. le jiang hu où il mena de nombreux duels, affinant sa tech-
Ne souhaitant cependant pas décevoir les siens, il nique et son éthique de chevalier. Après plusieurs années
décida de s’impliquer dans sa tâche afin (qui sait ?) d’y d’errance, il revint au Chu et prit la place qui lui revenait
trouver un peu de plaisir. Mais il comprit alors à quel point désormais de droit.
les factions politiques à qui le quartier sert de champ de Récemment nommé garde du corps de l’ambassa-
bataille étaient influentes. Chaque fois que Dun Li tenta deur du Chu à Xianyang, Gongji apprécie sa position. Se
d’enquêter sur une mort étrange ou une disparition malen- tenant toujours derrière son protégé, appuyant l’influence

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de celui-ci de par sa réputation même, il jouit également de
beaucoup de temps libre qu’il met à profit pour s’entraîner
et se familiariser avec Xianyang. Déçu que le Qin ne dis-
pose plus d’aucune tradition martiale, il espère cependant
toujours tomber sur des guerriers de valeur lorsqu’il arpente
les rues de la capitale. Dans son palais du quartier noble, il
organise régulièrement un tournoi d’arts martiaux amical,
dans lequel chevaliers et combattants divers viennent riva-
liser de brio pour le plus grand plaisir de leur hôte. Gongji
espère toujours secrètement qu’un jour, le gouverneur Chao
Guang en personne vienne relever son défi, mais le vieux
légiste ne semble guère intéressé. En attendant, Coq flam-
boyant noue des relations d’amitié avec les meilleurs guer-
riers qu’il rencontre, son caractère enjoué lui assurant d’at-
tirer la sympathie rapidement (ainsi, la guilde des portiers
du quartier des plaisirs l’apprécie grandement et s’arrange
toujours pour lui obtenir une ristourne lorsqu’il visite leurs
établissements). En raison de ces activités et accointances,
et parce qu’il est l’une des personnalités emblématiques du
Chu, Coq flamboyant est maintenu sous étroite surveillance
par le Censorat.
Gongji est un homme d’un abord facile mais qui
possède une grande confiance en ses capacités. Non qu’il
soit particulièrement vaniteux mais son assurance le
pousse souvent à ne pas estimer correctement la valeur de
ses amis ou rivaux… Une faille que ses adversaires éven-
tuels sauront bien exploiter un jour.
Renommée : 75

60 Guizha
Petit homme au long nez et au regard faux, Guizha
ne paraît guère à sa place dans les allées du pouvoir du Qin.
Pourtant, ce qu’il vient offrir au Royaume légiste pourrait
faire considérablement progresser le grand projet Tiàn Xia :
Guizha est l’un des plus hauts dignitaires de la secte des
Disciples de Mo et il est venu à Xianyang avec rien moins
qu’une offre d’alliance dans ses bagages…
Guerrier médiocre mais très fin stratège et habile
parleur, Guizha sut se hisser rapidement sur les plus hautes
marches du pouvoir au sein de sa secte. Disposant d’une
certaine fortune personnelle, il a usé de son influence pour
occuper un siège parmi ceux des cinq patriarches et est
donc l’un des chefs des hommes de Mo. Au cours de cette
ascension, Guizha a compris qu’il y avait une chose qu’il
aimait finalement plus que l’idée d’un Zhongguo en paix :
le pouvoir. Après un rêve particulièrement grandiose au
cours duquel il put contempler un Empire unifié, protégé
des barbares par une muraille titanesque et au peuple dirigé
par un souverain sage et juste, il comprit comment conci-
lier ses ambitions avec les objectifs de la secte : une
alliance avec le Royaume le plus à même de conquérir tous
les autres et d’unifier tout ce qui se trouve sous le Ciel per-
mettrait, au prix d’une certaine souplesse vis-à-vis des
enseignements de Mo Zi, d’enfin atteindre la paix généra-
lisée à laquelle chaque membre de la secte aspire. Le cœur
gonflé de joie à cette idée, Guizha fut d’autant plus désap-
pointé quand le conseil des patriarches désavoua ses pro-
jets d’alliance avec le Qin. Mais la rumeur de sa proposi-
Gongji tion finit par se répandre dans la secte et un schisme com-

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Xianyang, capitale du Qin

mença à s’opérer. Décidant de profiter de l’occasion,


Guizha se rendit à Xianyang pour proposer les services des
Mao Jiao
Disciples de Mo au Roi.
Intercepté en route par le Censorat, le petit Actuellement à Xianyang, Mao Jiao est probable-
homme est depuis assigné à résidence dans un manoir du ment le rhéteur le plus accompli, un homme dont l’aisance
quartier noble. Sa proposition est étudiée en haut lieu et les orale et l’éloquence sans pareille lui permettent de se mêler
services secrets du Qin songent déjà au meilleur moyen aux puissants, lui dont les sobres chang pao révèlent pourtant
d’éliminer discrètement les opposants aux plans de Guizha les origines modestes. Et sa langue de miel n’est pas son seul
au sein de la secte. Li Si notamment voit là un bon moyen atout : celui-ci se double d’une audace remarquable, d’une
pour asseoir son influence et de gagner les faveurs du Roi confiance en lui qui frôle parfois l’inconscience pure et simple.
en lui fournissant l’arme dont le Qin a tant besoin actuel- Originaire du Qin, Mao Jiao y vint au monde dans
lement. En attendant que tout soit en place pour que cette une famille sans richesse mais suffisamment aisée pour lui
alliance puisse se faire dans les meilleures conditions pos- permettre de faire des études. C’est à l’université que le jeune
sibles, Guizha est traité comme un invité de marque du homme conçut une telle passion pour l’art du débat et apprit
Royaume – mais reste dans les faits son prisonnier. à manier les mots et les sentences comme un philosophe
Renommée : 60 antique. Suscitant l’admiration de ses pairs et même de ses
professeurs, toutes les portes lui semblaient ouvertes : car
bien que ses résultats n’aient jamais rien eu d’exceptionnels,
Lu Buwei ses talents oratoires et son culot sans limite donnaient tou-
jours l’illusion d’avoir à faire à un lettré de renom, à l’aise en
toute circonstance et ce quel que soit son interlocuteur.
Retiré presque totalement des affaires politiques Mais malgré l’avenir brillant qui l’attendait en son
depuis un an, Lu Buwei est un homme déchiré. Lui qui pays, Mao Jiao avait de plus hautes ambitions. Après plusieurs
n’eut jamais aucun enfant a récemment appris de la années à exercer diverses fonctions chez lui, son regard se
bouche du rebelle Cheng Jiao sa paternité : Ying Zheng, porta à l’Ouest et il partit s’installer à Xianyang. Utilisant
Roi du Qin en titre, serait ainsi bel et bien son fils. Un toutes ses économies pour se payer un modeste manoir dans le
rêve qu’il caressa de nombreuses années après que son quartier noble, il habite désormais au milieu des puissants du
ancienne amante ait accouché si peu de temps après qu’il Qin pour son plus grand plaisir. Vivant chichement en exerçant
l’ait offerte au prince héritier Zichu. Mais le temps pas- diverses professions (précepteur, intervenant à l’université,
sant, il finit par renoncer à cette chimère ; d’autant que écrivain public), il donne le change en se mêlant aisément aux
le jeune homme présentait bien des traits communs avec
la lignée Zheng et semblait ne guère posséder de ses pro-
plus hauts-fonctionnaires de la cité et il a ainsi pu mettre les 61
pieds à plusieurs reprises à la cour. Sa gouaille et son cran lui
pres qualités. ont déjà ouvert de nombreuses portes et permis de se faire des
Mais la vérité semble l’avoir rattrapé. Que amis et des relations diverses. Désormais, Mao Jiao attend son
Cheng Jiao ou ceux qui lui confièrent ce secret aient pu heure ; il sait qu’un jour prochain, la chance tournera et qu’à
mentir ou être induits en erreur ne lui vint jamais à l’es- la faveur de grands bouleversements, il pourrait bien obtenir
prit tant son espoir d’avoir un héritier brûle fortement un poste important au sein du gouvernement.
dans son cœur. D’autant que ce fils est promis à un des- Renommée : 50
tin glorieux : diriger le Qin, le plus puissant des
Royaumes, celui qui accomplira le Tiàn Xia en unissant
sous sa bannière noire tout ce qui existe sous le Ciel.
Mais Lu Buwei ne l’estime pas prêt ; c’était le cas
Me Xung
quand il ne savait pas que Ying Zheng était son fils, et ce
l’est encore plus à présent. En bon père, il souhaite Approchant de la soixantaine, Me Xung semble être
léguer le plus parfait des héritages : un Royaume sans un homme à qui la vie a particulièrement réussi. Issu d’un
pareil, fort et solide. Et pour cela, il lui faut encore le milieu modeste, son intelligence et sa volonté lui permirent de
diriger quelques temps… faire de brillantes études d’architecture dans un pays ayant dés-
Souhaitant ménager la susceptibilité du jeune espérément besoin de se moderniser par de grands travaux.
Roi, Lu Buwei s’est publiquement retiré de la cour mais Capable et visionnaire, Me Xung reçut bien des soutiens dès
il continue à y exercer son influence et à tirer les ficelles son plus jeune âge et finit par gravir rapidement les échelons
grâce à ses nombreux disciples et obligés en place au du ministère des Grands Travaux. Inspectant d’innombrables
gouvernement. Toutefois il sait que depuis peu, un chantiers et n’ayant pas son pareil pour respecter délais et bud-
ennemi de taille se dresse face à lui aux côtés du Roi : gets, il fut finalement nommé Architecte royal : soit le super-
Li Si, son ancien protégé, semble avoir senti le vent tour- viseur de toute la politique de grands travaux du Qin, n’ayant
ner et met tout son poids politique dans la balance en de comptes à rendre qu’à son ministre de tutelle.
faveur de Ying Zheng. Et pourtant, Me Xung est actuellement un homme
Hélas, Lu Buwei n’a plus guère le choix et il aigri. Sa position si dominante il y a quelques années se fait de
lâche peu à peu prise sur la politique du Royaume. Il plus en plus précaire. La politique menée par le régent Lu
espère que son fils a su judicieusement s’entourer afin que Buwei pour attirer les talents étrangers à la cour lui fit beau-
lorsque lui ne sera plus là, le jeune homme puisse réaliser coup d’ombre car des architectes venus de tous Royaumes vin-
son grand rêve et devenir un Empereur sage et juste. rent s’installer à Xianyang pour proposer au souverain des pro-
Renommée : 195 jets tous plus délirants les uns que les autres. Espérant devenir

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ministre, Me Xung se vit de plus souffler le poste par un
incompétent notoire ayant fait joué ses relations. Lam Pinguo,
avide de reconnaissance, a donné son feu vert à presque tous
les architectes étrangers et ce sans même consulter son bras-
droit. Depuis quelques années, Me Xung n’a plus guère de tra-
vail et son statut a durement pâti de l’affluence des ingénieurs
étrangers au Qin. Il ne jouit plus que d’un prestige de façade à
la cour et son poste n’a d’ailleurs même plus d’existence offi-
cielle. Pour passer le temps, l’Architecte royal se contente de
fignoler le Palais Jique d’après les plans du Roi.
Pour tromper l’ennui, Me Xung se livre à son
coupable penchant pour les très jeunes filles. Le Palais de
Chang-E, une maison de plaisir, l’accueille discrètement et
lui donne ce qu’il vient y chercher… Me Xung fait de son
mieux pour cacher son vice mais à Xianyang, les secrets ne
sont pas faits pour être gardés…
Renommée : 65

Zheng Guo
Originaire du Han, Zheng Guo cache en lui un
terrible secret : il est un agent de son Royaume envoyé au
Qin pour y semer la ruine et la banqueroute.
En effet, l’architecte est de ces ingénieurs que le
Han envoie dans les Royaumes ennemis pour qu’ils en
vident le trésor en les lançant dans des projets pharao-
niques autant que ruineux, et ce afin de les affaiblir écono-
miquement. Zheng Guo fut envoyé au Qin avec dans ses
malles un de ces projet : un canal gigantesque, qui en
62 reliant deux cours d’eau au Nord de Xianyang pourrait per-
mettre de tripler la production agricole du Royaume. Bien
sûr, un chantier d’une telle ampleur allait demander d’y
épuiser des centaines de milliers de forçats et de dépenser
l’argent sans compter… Mais la façon dont l’habile archi-
tecte présenta la chose au ministre des Grands Travaux
enthousiasma tellement celui-ci qu’il donna carte blanche
à Zheng Guo pour mener à bien ce projet titanesque.
Et les travaux débutèrent. Au début, Zheng Guo pen-
sait que le Royaume allait vite se retrouver à genou avant de
renoncer à bâtir ce canal. Mais le contraire se produisit :
même quand les éléments semblaient contraires, que les tra-
vaux semblaient voués à l’échec, que plus rien n’avançait, les
ingénieurs ne renonçaient pas et rivalisaient d’astuce pour
trouver des solutions. La manne de travailleurs ne tarissait
guère et peu à peu, un changement s’opéra en Zheng Guo…
Lui qui était venu aider à détruire le Qin, se rendit compte que
jour après jour, il en venait à l’admirer, à admirer ses fonction-
naires et leur dévouement, à admirer un système légiste per-
mettant même à un projet aussi fou de voir le jour. Alors il prit
une décision : même s’il devait y laisser la vie, il terminerait
ce canal afin que lui aussi participe à la grandeur de ce
Royaume qu’il considère désormais comme le sien.
Passant printemps, étés et automnes sur son chan-
tier, Zheng Guo ne vient se reposer dans son manoir de
Xianyang qu’en hiver. Il en profite pour faire un rapport
complet à son ministre et espère toujours que son identité
réelle n’a pas encore été découverte. Zheng Guo est prêt à
mourir s’il le faut, mais il refuse de visiter le Feng Du
avant d’avoir vu sa grande-œuvre achevée.
Renommée : 100
Zheng Guo

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Xianyang, capitale du Qin

nement et divers baraquements permettent d’y loger les


Le quartier élèves le temps de leur formation militaire. La caserne de
la garnison locale se trouve attenante à l’académie et l’en-
semble forme un quartier dans le quartier, vivant quasi-
universitaire ment en autarcie : soldats et élèves-officiers aiment à res-
ter entre eux et ne sortent guère dans les autres secteurs si
ce n’est pour prendre quelques cours à l’université ou
patrouiller dans les rues dans le cadre de leurs corvées.

Lieu de savoir et de connaissances, le quartier Les autres secteurs sont très divers. Certains res-
universitaire regroupe en son sein les principales écoles et tent consacrés au savoir et il s’y trouve notamment des
académies du Qin qui, si elles ne sont pas les plus presti- bibliothèques thématiques ou des bâtiments accueillant des
gieuses du Zhongguo, possèdent tout de même une réputa- conférences et des groupes d’étude. Mais la grande majo-
tion d’excellence qui n’est pas surfaite. Universités, écoles rité sont des secteurs d’habitation. Modestes maisons ou
militaire, bibliothèques et salles de conférences parsèment immeubles séparées en chambrées permettent ainsi de
donc ce quartier prestigieux, dédié à la formation des loger les étudiants venus de loin. La plupart de ces loge-
futures élites du Royaume et des autres Etats. ments appartiennent à la ville mais la guilde bourgeoise en
Essentiellement peuplé d’étudiants venus de tous possède également un nombre croissant (et elle n’hésite
les horizons, le quartier universitaire abrite également tous pas à être coulante sur les loyers si les étudiants promet-
les fonctionnaires nécessaires à son bon fonctionnement tent, une fois devenus fonctionnaires, de ne pas oublier
ainsi que de nombreux voyageurs de passage du fait du cette générosité…). Sans surprise, les étudiants se regrou-
grand nombre d’auberges qui s’y trouvent. C’est donc une pent selon leurs origines et la répartition des secteurs d’ha-
partie de Xianyang des plus hétéroclites et sans doute la bitation reflète ce communautarisme (il existe ainsi un sec-
plus animée. teur du Qi, un secteur du Zhao, un secteur du Han, etc.) qui

Vue d’ensemble
ne va pas sans poser problème du fait des inimitiés entre
Royaumes parfois ici reproduites… Enfin, de nombreux
secteurs abritent restaurants et auberges, ainsi que les
magasins ou ateliers nécessaires à la vie du quartier.

Le quartier universitaire se situe au centre-est de


la ville, une orientation tournée vers le reste du Zhongguo
qui reflète la volonté d’ouverture de l’université, volonté
Fonctionnement 63

renforcée encore par la politique de Lu Buwei. Ainsi ce


quartier est sans doute le moins enclavé de tous : si les Le magistrat
remparts qui le protègent sont aussi solides qu’ailleurs, la
grande porte de l’Est est plus largement ouverte et moins
sévèrement gardée que les autres. C’est d’ailleurs souvent Lui-même ancien étudiant, Xin Wing fut recom-
par ce quartier que les visiteurs de passage découvrent la mandé par Pei Gong en personne pour être nommé magis-
ville, et nombreux sont ceux qui décident de s’y installer le trat du quartier, fonction qu’il occupe désormais depuis
temps de leur séjour. deux ans après avoir officié à divers postes dans des dis-
Contrairement aux autres quartiers, son centre tricts du Qin. Bien qu’encore jeune, il est un fervent légiste
n’est pas occupé par le bureau du magistrat mais bien par et était un étudiant brillant et sérieux : sa tolérance à
l’université elle-même. Fractionnée en nombreux bâtiments, l’égard des frasques de la population de son quartier est
elle s’étend sur l’équivalent de plusieurs secteurs et consti- donc des plus faibles.
tue presque une ville en miniature. Salles d’enseignement, En effet, Xin Wing compte bien diriger le quar-
bureaux administratifs, bibliothèques et parcs forment un tier universitaire d’une main de fer. C’est sous son impul-
ensemble certes harmonieux mais également parfaitement sion que l’académie militaire a ainsi organisé des
agencé : cet aspect fonctionnel est censé être le reflet de patrouilles d’élèves officiers afin que des étudiants
l’enseignement légiste qui est prodigué aux étudiants. contrôlent les débordements d’autres étudiants, évitant
Divers pavillons de l’université abritent les appartements ainsi aux soldats de la garnison de se retrouver en porte-à-
des professeurs et quelques logements vacants destinés aux faux envers les parents influents d’un jeune homme un
érudits de passage, qui interviennent parfois auprès des étu- peu rudoyé lors d’une interpellation… Car en bon légiste,
diants. Outre ses quelques annexes, le grande bibliothèque Xin Wing estime que la loi est la même pour tous et qu’un
de l’université occupe à elle seule plusieurs bâtiments. fils de ministre se comportant mal doit être châtié aussi
Professeurs et étudiants peuvent y trouver tous les ouvrages sévèrement que s’il était issu du peuple. Dans les faits il
qui leur seront nécessaires et de nombreuses équipes de se rend bien compte que cela n’est guère possible, aussi
scribes s’échinent à recopier inlassablement tous les livres. fait-il de son mieux pour trouver des idées lui permettant
L’ouest du quartier est presque entièrement de passer outre cet obstacle.
occupé par l’académie militaire du Qin, qui forme les Cette intransigeance lui a attiré les bonnes grâces
futurs officiers du Royaume. De nombreux pavillons à du commandant Nuo Xang (Renommée : 70) qui dirige la
l’architecture sinistre entourent de vastes terrains d’entraî- garnison, ainsi que celles des divers tenanciers d’auberge

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du quartier qui n’osaient jusque là guère se plaindre des position des étudiants souhaitant se regrouper pour œuvrer
excès et comportements outrageux des fils à papa étudiant de concert : disposant d’une autorisation écrite de Pei
à l’université. Gong, ils ne sont que rarement inquiétés par les patrouilles
lorsqu’ils se rendent à leur groupe de travail ou rentrent
chez eux après une nuit bien remplie.
La vie étudiante Mais à côté de cette vie nocturne sérieuse, il en
existe une autre bien plus légère. Dans leur grande majo-
rité, les étudiants aiment à sortir le soir dans les auberges
Il existe en gros deux catégories d’étudiants dans afin de se réunir pour boire et s’amuser. Cela ne va pas
le quartier : ceux qui sont issus d’une famille aisée voire sans causer quelques soucis car les plus riches d’entre
riche et sont entretenus par leurs parents et ceux qui ont pu eux, se croyant tout permis du fait de l’influence de leurs
accéder aux études grâce aux sacrifices des leurs et à leurs familles, n’hésitent pas à s’enivrer et à provoquer des
efforts incessants. troubles (bagarres, insultes ou viols dans le pire des cas)
Pour les premiers, la vie est facile : il leur suffit préjudiciables à la tranquillité du quartier. Jusqu’à la
d’aller à l’université et d’obtenir de bons résultats. Les nomination de Xin Wing comme magistrat, les gardes
dépenses courantes sont assurées par l’argent de leur des patrouilles n’osaient pas interpeller ces jeunes et
famille : logement, nourriture, achat éventuel de livres ou riches fats de peur d’en subir les conséquences (ils se
matériel de calligraphie, etc. De plus, les relations de leurs contentaient alors de les raccompagner chez eux). Mais
parents leur assurent dans presque tous les cas de trouver depuis, les choses ont changé et ils n’hésitent plus à arrê-
un poste prestigieux dès la fin de leurs études. ter les étudiants les plus turbulents pour les conduire
Pour les seconds par contre, il faut assurer à la dans les geôles où ils les gardent une nuit ou deux…
fois le quotidien et les études. Souvent issus d’un milieu voire les bastonnent afin qu’ils retiennent bien la leçon.
modeste, ces jeunes hommes ont travaillé dur pour venir à De plus, l’idée du magistrat d’opposer les universitaires
l’université et leur famille s’est saignée aux quatre veines civils et les élèves officiers en confiant implicitement à
sans pourtant que cela suffise à leur assurer gîte et couvert ceux-ci la sécurité du quartier permet de désamorcer
durant les longues années que va durer leur formation. bien des plaintes des familles : quand le fils d’un géné-
Plusieurs solutions s’offrent à eux. Tout d’abord, les ral arrête le fils d’un haut-fonctionnaire, le conflit se
plus brillants sont en général repérés par Pei Gong ou leurs trouve déplacé à un autre niveau.
professeurs et peuvent dès lors bénéficier d’une bourse dont De façon générale, depuis que Xin Wing dirige le
il existe plusieurs types : octroyées par l’Etat, la ville ou quartier, la vie nocturne s’est considérablement assainie. Si
l’université elle-même. L’obtention d’une telle bourse va les étudiants continuent à s’amuser dans les tavernes, ils
64 bien sûr conditionner la future carrière de l’étudiant : une ont appris à ne plus créer de problèmes, et la popularité du
bourse d’Etat l’obligera à servir le Qin durant dix ans après magistrat auprès du gouverneur et de la population doit
la fin de ses études, tandis qu’une bourse universitaire le des- beaucoup à cette amélioration de l’ambiance du quartier
tinera à travailler pour l’université durant cinq ans à peine. universitaire.

Lieux d’importance
Pour les moins chanceux, il existe également un système de
mécénat : de riches citoyens patronnent un ou plusieurs étu-
diants qu’ils comptent embaucher à la fin de leur cursus. Ce
type de parrainage est découragé autant que faire se peut par
Chao Guang car les membres de la guilde bourgeoise s’en
servent en fait pour avoir un moyen de pression sur de futurs
fonctionnaires… Enfin pour tous les autres, il est toujours Le bureau du magistrat
possible de cumuler les études avec un travail permettant de
vivre décemment : scribe, assistant, écrivain public ou
même serveur sont autant de postes auxquels peuvent préten- Situé dans le secteur est, non loin de la porte de la
dre les étudiants désireux de ne pas abandonner leur forma- cité, la magistrature est un bâtiment relativement modeste,
tion par pauvreté. sans luxe ostensible et ne serait-ce le drapeau noir du Qin
qui flotte sur sa façade, il ressemblerait à n’importe quelle
annexe de l’université.
La vie nocturne Depuis qu’il occupe le poste de magistrat, Xin
Wing s’est dépensé sans compter pour faire du quartier
un modèle de fonctionnement légiste. Il a notamment
Le quartier administratif est l’un des rares au sein œuvré pour calmer les débordements de la population
duquel la vie ne s’arrête pas durant la nuit. Il continue en étudiante mais il veille aussi à mieux contrôler les allers
effet à grouiller d’activités après le coucher du soleil. et venues dans le quartier d’où l’emplacement de son
Les étudiants doivent souvent travailler dur pour bureau (l’ancienne magistrature se trouvait à proximité
réussir leurs examens, aussi les bibliothèques du quartier de la caserne). Sous son égide, les soldats qui veillent sur
restent-elles ouvertes jusque très tard afin de permettre aux la grande porte de l’Est sont encouragés à faire preuve
plus studieux de s’y rendre et d’y étudier jusqu’au petit d’une vigilance acérée et à signaler tout individu suspect
matin. La plupart du temps, les gardiens de nuit ne sont entrant à Xianyang. Les fonctionnaires qui l’assistent
d’ailleurs autre que des étudiants embauchés à cet effet. De savent qu’ils doivent faire preuve d’efficacité pour
la même façon, diverses salles de travail sont laissées à dis- contenter leur nouveau supérieur.

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Xianyang, capitale du Qin

Grâce à la rigueur de Xin Wing, l’argent des Doué, il obtint à vingt ans un poste d’ingénieur
impôts entre toujours en temps et en heure et les taxes ont au ministère des Grands Travaux. Une belle carrière
même pu être augmentées sans que la population ne pro- s’offrait à lui. Il revit parfois Fong Hi, devenu scribe de
teste trop grâce à la popularité dont jouit le magistrat. la bibliothèque royale, qui continuait en vain à le pousser
Depuis peu d’ailleurs, celui-ci commence à aspirer à de à exploiter son talent artistique. Puis ils se perdirent de
plus hautes fonctions et il regarde avec envie le siège de vue. Mais au bout de cinq ans, Hua Henji comprit que
gouverneur de la ville… Pour Xin Wing, sa gestion exem- ses choix de vie ne lui avaient jamais appartenu. Il vou-
plaire du quartier universitaire est le tremplin qui lui per- lut alors revoir son ami.
mettra bientôt d’accéder à un avenir prometteur. Fong Hi l’accueillit avec joie. Il entraîna son
cadet à la rencontre d’artistes réputés de la capitale. Tous
encouragèrent Hua Henji dans cette voie. Brusquement, il
quitta son poste d’ingénieur et étudia avec ferveur les arts
graphiques et la calligraphie. En deux ans il fit de tels pro-
L’école de calligraphie de
Maître Jin Luan grès que certaines de ses œuvres, des paysages surtout,
attirèrent l’attention de nombreux courtisans. La vie sem-
blait lui sourire. Mais une nuit la femme de Fong Hi, son
Modeste petit établissement dont la devanture ne bébé dans les bras, surgit chez lui. Bouleversée, elle lui
paie pas de mine, l’école que dirige le maître-calligraphe apprit que son mari appartenait à un groupe de penseurs
Jin Luan (Renommée : 125) ne désemplit pourtant inspirés par le taoïsme et déclaré illégal par le pouvoir.
jamais, d’années en années. Découverts, ils avaient été arrêtés et Fong Hi exécuté. Elle
Certes, l’université enseigne également la calli- gardait avec elle de vieux rouleaux qu’il avait pu sauver de
graphie mais d’une façon fonctionnelle et utilitaire là ou la saisie des légistes. Hua Henji cacha alors la jeune femme
Jin Zi lui redonne ses lettres de noblesse en en faisant un et son enfant chez un cousin.
art à part entière. De nombreux étudiants, attirés par la Il lut les ouvrages et s’en trouva changé. Son art
réputation de l’école, finissent par s’inscrire afin de profi- mûrit et le succès suivit. Feng Cheh devint son mécène
ter de la sagesse du maître. En effet, la calligraphie n’est mais, comme la plupart des gens, il ne distingue pas la
pour lui que le point de départ d’un enseignement plus symbolique taoïste sous-jacente des œuvres de Hua Henji.
vaste et global : ses cours finissent toujours par dériver sur Une manière pour l’artiste de rendre hommage à Fong
des leçons de vie, et se terminent en débats animés sur Hi… Mais récemment, la fille du ministre Douce Feuille
l’histoire, la politique, la philosophie, etc. du Saule a placé d’inquiétantes insinuations dans une
L’enrichissement intellectuel qu’ils en retirent conversation en apparence anodine... Qu’a-t-elle vraiment
est suffisant pour motiver de nombreux élèves à s’ins- découvert et pourquoi a-t-elle dit, avec un sourire étrange,
65
crire. Mais les autorités commencent à voir l’enseigne- que son père n’avait pas besoin de savoir ?
ment de Jin Luan d’un mauvais œil : en effet celui-ci Renommée : 15
prêche une philosophie dangereusement proche du
Taoïsme, ce qui n’est guère du goût du Censorat.
D’ailleurs, plusieurs étudiants inscrits chez Jin Zi sont Meiguo Shangwei
payés par la police secrète du Qin pour faire des rapports
sur son enseignement et quelques agents viennent assis-
ter eux-même aux cours qu’il donne. Dans un Etat légiste, il n’est pas de bon ton de
Pour le moment, Jin Luan reste dans les limites de s’intéresser aux légendes et aux traditions. Et pourtant, la
ce qui est toléré au Qin en matière de subversion mais cela littérature regorge de récits fantastiques. Leur plus grand
ne saurait durer, d’autant plus que le vieil homme ignore lecteur est sans doute Meiguo Shangwei. Difficile de don-
totalement qu’il est surveillé et même que son enseigne- ner un âge à ce jeune homme aux airs d’éternel adolescent.
ment va à l’encontre de la philosophie du Qin. Bien qu’une courte barbe couvre son menton, les gens de

Personnalités
son entourage continue à le considérer comme un brave
garçon pas trop sérieux. Ils n’ont pas tort.
Secrétaire aux archives de la bibliothèque royale,
Meiguo Shangwei se passionne pour les récits épiques des
héros de jadis. Le jiang hu revêt pour lui un incomparable
attrait et les légendes le font rêver tout éveillé. Lecteur
Hua Henji «Pinceaux miraculeux» boulimique, il dévore tous les ouvrages qu’il trouve sur le
sujet. Mais cela ne lui suffit plus, il veut maintenant passer
du rêve à la réalité. Après plusieurs mois d’enquête, il a
Fils d’un riche artisan de Xianyang, Hua Henji recensé les divers lieu de Xianyang où wu xia et marginaux
put faire des études à l’université. Rêveur, timide, il aimait se retrouvent. Et il a décidé depuis de les explorer.
peindre et s’adonnait toujours à ce plaisir au cours de ses Bien sûr, ce légiste de formation n’est pas vrai-
études. Son camarade Fong Hi devina dans ces esquisses ment à sa place dans ce milieu mais cela ne l’arrête en rien
un incroyable talent qui ne demandait qu’à s’épanouir. dans sa démarche. Il voulait d’abord rencontrer ces gens
Mais Hua Henji se sentait trop peu sûr de lui pour se lancer qu’il admire, mais petit à petit, il lui a pris l’envie de leur
dans une carrière artistique. ressembler. Désormais, il arpente tous ces lieux une épée
au côté, bien qu’il ne sache pas s’en servir. Il fait naître

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parmi ses idoles des réactions diverses, de l’amusement au
mépris. Alors il a décidé, pour être pris au sérieux, de deve-
Pinceau perspicace
nir un des leurs. Plusieurs fois il s’est retrouvé dans des
situations périlleuses en intervenant dans des combats qui Pinceau Perspicace était autrefois un espion du
n’étaient pas les siens ou en s’interposant entre une victime Zhao infiltré dans la ville frontière de Qizhu. Il y vivait
et ses agresseurs. Il s’en tire pour le moment toujours sans sous l’identité d’un écrivain public et sa popularité lui
trop de casse, ce qui est rarement le cas de son environne- garantissait un succès certain dans ses deux activités,
ment. Doué une chance insolente, il échappe aux coups publique et clandestine. Après le massacre de la ville (Cf.
adverses (ce qui renforce son opinion sur lui-même) mais « Le prince félon » dans le livret de l’Ecran) dont il réus-
ce n’est pas le cas des fenêtres, mobiliers ou simples pas- sit à s’enfuir grâce à d’anciens souterrains, il rentra au
sants présents sur les lieux de la bagarre. L’arrivée du guet Zhao où il rapporta ce qu’il avait vu. Ses supérieurs, intri-
l’a plus d’une fois sauvé d’une fin peu glorieuse pour gués par la présence d’autant de personnalités de la cour
l’amener devant les tribunaux pour dégradations. Il s’y est royale du Qin et par l’implosion puis le retrait de cette
lié d’amitié avec Jiaoshi, un avocat… spécial. armée pourtant largement capable d’enfoncer les frontières
Mais cela ne le freine pas et Meiguo Shangwei du Royaume du Cheval, lui ordonnèrent de faire route vers
continue à arpenter les rues afin d’écrire à son tour sa pro- Xianyang pour comprendre ce qui s’était passé.
pre légende. Il réalise qu’il lui faudrait juste comprendre ce Depuis presque un an, Pinceau Perspicace est
que sont ces « techniques martiales » dont parlent entre donc dans la capitale du Qin où il a repris son ancienne
eux les wu xia. couverture d’écrivain public. Une fois encore, son bagout
Renommée : 10 lui a permis de rapidement lier connaissance avec beau-
coup de monde et il semble désormais parfaitement intégré
dans la ville. Il s’est notamment lié avec Ju Lian Wei, Shui
Pei Gong Beng et Ding Jiang Cheng et, grâce à l’aide de se dernier,
il donne maintenant des cours de calligraphie à l’université
et à l’école du quartier bourgeois. Beaucoup de ses élèves
Pei Zi est l’actuel recteur de l’université de et rivaux seraient malades d’apprendre que leur professeur
Xianyang et le responsable de la principale bibliothèque n’est qu’un vulgaire écrivain public, mais pour l’instant
de la ville. Cela en fait un homme respecté et courtisé, grâce à son aisance et à ses relations, tout semble lui sou-
capable de lancer comme de briser la carrière de nom- rire. Son emploi à l’université lui permet d’étendre grande-
breux petits fonctionnaires. Autour de lui s’active donc ment son réseau de renseignements et de toucher à la fois
sans cesse une petite armée d’érudits, confirmés ou en
66 devenir, dont la principale préoccupation semble être de
la rue et le monde des petits fonctionnaires.
Toutefois, des personnages l’ayant rencontré à
s’attirer sa faveur. Qizhu peuvent représenter une menace, surtout s’ils
Âgé d’une cinquantaine d’années et ayant sué connaissent son allégeance réelle et ne la partagent pas.
sang et eau pour se hisser à cette place, il est parfaitement Dans ce cas, Pinceau Perspicace n’hésitera pas à comploter
conscient de son statut et met un point d’honneur à remplir contre eux et à provoquer leur disgrâce, voire à les faire
ses fonctions avec le zèle qu’elles exigent. Ce soin se assassiner en dernier recours.
retrouve jusque dans son apparence : on le reconnaît aisé- Renommée : 30
ment à sa coiffure impeccable, sa moustache parfaitement
taillée et ses chang pao bleus. À tel point que personne
n’ose plus porter cette couleur à l’université, de peur de
passer pour un insolent et de lui déplaire.
Xin Wing
Mais cette main de fer n’est qu’une façade qui
fatigue Pei Gong. D’un naturel pourtant enjoué et mali- Magistrat du quartier universitaire, Xin Wing
cieux, il supporte de moins en moins les contradictions de est l’archétype du fonctionnaire légiste au service du
son quotidien. En effet, chargé de former la plupart des Qin. Doté d’un physique quelconque mais d’une intelli-
petits fonctionnaires de la capitale et de leur faire passer gence aiguë, il possède un esprit scrupuleux et tatillon et
les concours, il a énormément de mal à accepter que le Roi une volonté d’acier. Peu de gens, en le jugeant à son
Ying Zheng limite leur carrière en distribuant les postes les apparence, imaginent à quel point Xin Wing peut être
plus prestigieux à des étrangers. dur et inflexible.
De même, malgré la taille plus que respectable de Les parents de Xin Wing étaient de modestes
la bibliothèque, il sait très bien qu’on ne lui fournit que les fermiers exploitant des champs dans la commanderie de
livres nécessaires aux concours et à la formation de ses Yong. Plusieurs années de récoltes abondantes permirent
étudiants et qu’il existe quelque part un endroit où l’on à la famille d’économiser quelque argent et il fut décidé
entrepose ceux, bien plus précieux, qui contiennent des que ces économies serviraient à payer l’université à Xin
savoirs subversifs ou interdits. Wing. Conscient du sacrifice consenti par ses parents et
Jouant sur ces frustrations, la vieille cour a su se ses jeunes frères et sœurs, le jeune homme décida de se
faire du vieux recteur un allié certain, lui faisant miroiter jeter corps et âme dans les études afin de ne pas les déce-
un avenir plus brillant pour ses protégés s’il acceptait de voir. Logeant dans une chambrée misérable du quartier
soutenir les revendications des aristocrates auprès du Roi. ouvrier, devant travailler en dehors de ses études pour
Renommée : 95 compléter le pécule familial, il se fit néanmoins remar-
quer par Pei Gong grâce à sa ténacité. Il ne fut jamais un

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Xianyang, capitale du Qin

étudiant particulièrement brillant mais sa volonté et son rées (du moins pour les plus larges avenues, ce quartier
courage impressionnèrent tant le recteur de l’université recelant son lot de coupe-gorges…) et les bâtiments sont
qu’il le recommanda au gouverneur. peints de couleurs criardes, comme pour attirer l’œil du
Devenu fonctionnaire, Xin Wing occupa de nom- badaud. Tout le quartier est ainsi décoré pour lui donner
breux postes et là encore, sa capacité de travail et son un air de fête permanente mais pour un esthète, c’est sur-
dévouement tout légiste firent qu’il monta rapidement en tout la vulgarité de cet habillage qui frappe : tout y
grade et finit par devenir magistrat. Ayant enfin une position, paraît trop coloré, trop vif, trop bruyant… Où que l’on
il envoie depuis régulièrement de l’argent à ses vieux parents s’y promène, les sens sont assaillis par les teintes agres-
et a permis à ses frères de se gagner une position à ses côtés. sives, les cris des portiers de bordel ou de courtisanes à
En tant que magistrat, Xin Wing est un modèle d’impartialité leur balcon, les odeurs de stupre, d’alcool et de sueur,
et d’efficacité. De sa jeunesse estudiantine, il ne garde etc. Pour certains, c’est un festival joyeux, un kaléido-
aucune indulgence pour les étudiants dissipés et fêtards, par- scope de sensations permettant d’oublier la dure vie au
ticulièrement si ceux-ci sont issus de riches familles. Il se Qin et de se perdre dans une spirale de plaisirs aussi
montre ainsi inflexible dans l’exercice de la loi et ni les récri- éphémères que coûteux ; pour les autres, ce n’est qu’un
minations ni les menaces n’ont prise sur lui. étalage de mauvais goût destiné à appâter les désœuvrés
Cela ne fait que deux ans que Xin Wing occupe le pour qui une putain grossièrement maquillée et un peu
poste de magistrat et durant cette brève période, il s’est d’alcool bon marché constituent le pinacle du plaisir.
déjà fait de nombreux ennemis parmi les notables de la Hors des murs de la cité, le quartier des plaisirs
capitale, qui apprécient le légisme tant qu’il ne s’applique possède une sorte d’annexe le long des berges de la Wei. Il
pas à eux… s’y trouve de nombreux bateaux mouillant sur les bords de
Renommée : 50 la rivière et accueillant des maisons de courtisanes particu-
lièrement appréciées du fait de l’environnement un peu
inhabituel. Des cabanons en apparence anodins abritent en
fait des maisons de jeu illégales et les bosquets boisés alen-
tours permettent de dissimuler les étreintes fugaces
offertes par les prostituées occasionnelles du port.
Le quartier Dans les secteurs nord de la ville, au contact du
quartier universitaire, se trouvent en majorité des mai-
sons de courtisanes relativement bon marché et divers
des plaisirs bordels, ainsi que de nombreuses tavernes. C’est ici que
les étudiants viennent se divertir, oubliant la rude com-
pétition à laquelle ils sont soumis à l’université dans les
67
bras d’une fille de petite vertu, une coupe de vin à la
Même une ville aussi strictement policée que main. Ceux qui sont originaires de la campagne sont
Xianyang ne peut faire l’économie d’un tel quartier, ser- presque toujours assurés de se faire délester de leur mai-
vant à évacuer stress et frustrations pour les habitants de la gre bourse par des tenanciers ou des prostituées à l’affût
cité et évitant les troubles qui ne manqueraient pas sinon de tels ingénus…
d’en résulter… Les secteurs ouest quant à eux sont la chasse gar-
Peu d’habitations ici, les résidents logeant direc- dée des quelques maisons de jeu légales du quartier. Les
tement là où ils travaillent : tavernes, maisons de courti- ouvriers viennent y dépenser leur maigre salaire, espérant
sanes, bordels bon marché et même quelques maisons de le faire fructifier en tentant leur chance mais bien rares
jeu strictement contrôlées fleurissent dans les rues tape-à- sont ceux qui y parviennent (et ce genre de cas ne doit rien
l’œil du vaste quartier des plaisirs. au hasard : les tenanciers s’arrangent toujours pour que

Vue d’ensemble
quelques joueurs remportent la mise de temps à autre, afin
d’encourager les autres à continuer à jouer). Toutes sortes
de jeux ont cours dans ces lieux de perdition : dés en
majorité mais aussi dominos ou osselets, combats de
grillons et de coqs, paris divers, etc.
Enfin, les secteurs qui couvrent toute la partie
Le quartier des plaisirs s’étend au sud-est de sud-est du quartier sont les plus luxueux, ceux qui abri-
Xianyang et déborde même des remparts pour essaimer tent les maisons de courtisanes prestigieuses, les
le long de la rivière Wei. Les portes qui le relient aux auberges célèbres pour la qualité de leurs alcools, les
quartiers ouvriers et universitaires sont presque toujours maisons de jeu dans lesquelles seuls les gentilshommes
grandes ouvertes, même et surtout la nuit, car travail- peuvent venir parier leurs sapèques, etc. Les habitants
leurs harassés souhaitant boire ou jouer leur paie et des quartiers bourgeois et noble sont les clients les plus
jeunes et frivoles étudiants avides de plaisirs nocturnes réguliers ici, et il est à noter d’ailleurs qu’ils préfèrent
sont les clients privilégiés des nombreux et divers éta- passer par l’extérieur de la cité plutôt que d’en traverser
blissement situés dans cette partie de la ville. les rues, dans un souci bien légitime de discrétion… Il
Relativement calme en journée, le quartier des plaisirs leur est alors nécessaire de s’entourer d’une escorte
s’anime dès la tombée de la nuit lorsque les clients ter- valeureuse car les abords de Xianyang sont bien moins
minent leur journée de travail et peuvent enfin penser à sûrs que la ville elle-même.
venir s’y divertir. Les rues en sont donc très bien éclai-

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Fonctionnement
rudoyer les propriétaires récalcitrants jusqu’à ce qu’ils
cèdent. Quelques établissements sont partis en fumée à
cause de l’entêtement de leur tenancier ; une situation
qui contrarie fortement le gouverneur. Sachant parfaite-
ment qui se cache derrière ces actes mettant toute la
ville en péril, il a donné pour consigne à Œil de Travers
Le magistrat
de se montrer particulièrement scrupuleux dans l’ana-
Œil de Travers est une vieux fonctionnaire lyse des comptes des établissements achetés par les
consciencieux, peut-être le plus expérimenté de tous les membres de la guilde bourgeoise.
magistrats de Xianyang. Ce qui explique qu’il ait en charge Les propriétaires indépendants, devant cette
le quartier le plus difficile à gérer de la ville. menace, ont récemment décidé de s’organiser eux aussi en
En effet, administrer un quartier des plaisirs est guildes : ainsi pour chaque type d’établissements a été
rarement une sinécure du fait même de la nature d’un tel créée une corporation correspondante. Cela permet aux
endroit, de ses habitants et de ses établissements. Outre tenanciers de s’appuyer entre eux et de faire front pour pré-
une mission classique de maintien de l’ordre qu’Oeil de server leur liberté face aux tous-puissants marchands. Il
Travers confie au commandant Nuo Chue (Renommée : 45) existe donc désormais une guilde des maisons de courti-
et à sa garnison entraînée, il est nécessaire de tenir une sanes, une guilde des taverniers, une guilde des maisons de
comptabilité scrupuleuse des diverses taxes à prélever. jeu, etc. au sein desquelles les tenanciers se réunissent au
Chaque type d’établissement doit être accrédité par la moins une fois par décade pour décider des actions à effec-
magistrature pour avoir le droit d’exercer ses activités, et à tuer pour endiguer les velléités expansionnistes de la
chacun également correspond une imposition différente. guilde bourgeoise.
Le trésorier principal s’avère donc être l’assistant le plus Enfin, il existe une guilde transversale à tous
précieux du magistrat car il a pour tâche chaque mois d’al- les types d’établissements : la guilde des portiers qui
ler encaisser les taxes et de vérifier qu’il n’y a pas trompe- regroupe en son sein tous les hommes chargés de veiller
rie sur le statut ou les revenus réels de l’établissement (par à la sécurité des diverses maisons. La mise en commun
exemple, de nombreuses maisons de passe n’hésitent pas à de leur expérience leur permet d’échanger nombre d’in-
faire office de maisons de jeu sans autorisation légale). formations (comme par exemple ficher les individus à la
C’est également au bureau du magistrat que les tenanciers solde de la guilde bourgeoise) et de s’entraider en cas de
de maisons-closes doivent déclarer leurs filles et là encore coup dur (bagarre, incendie, mise à sac, etc.). Ces «
un recensement annuel permet de confronter la réalité aux portiers », comme ils se nomment eux-même, sont des
boxeurs parfaitement entraînés et au sens de l’honneur
68 déclarations. Il va s’en dire que les contrevenants s’expo-
exacerbé, capables de désarmer un agresseur en
sent à des châtiments sévères, allant de la fermeture de
l’établissement à la bastonnade en place publique ; en quelques gestes ou de mettre hors de combat tout fau-
général toutefois, le magistrat fait miroiter de dures peines teur de trouble patenté. Depuis la formation de leur
pour que les amendes imposées finalement paraissent guilde voici quelques années, les hommes de main
bénignes à côté. recrutés occasionnellement par la guilde bourgeoise
Le quartier des plaisirs est considéré comme rap- n’ont plus la partie aussi facile…

Lieux d’importance
portant près du cinquième des revenus de la ville : autant
dire que la mission du magistrat est primordiale pour les
coffres de Xianyang.

La gestion des établissements Le centre du quartier


Au sein du quartier des plaisirs, la grande majo-
rité des établissements sont indépendants. Tavernes, bor- Situés sur la place centrale du quartier des plai-
dels et maisons de courtisanes appartiennent ainsi à des sirs, le bureau du magistrat et la caserne de la garnison
propriétaires libres, même si parfois un seul homme pos- semblent être les seuls bâtiments un peu sobres des envi-
sède plusieurs établissements. rons, un havre de grisaille au milieu d’une déferlante de
Et cette indépendance relative du quartier fait couleurs agressives. Les soldats en faction veillent à y
quelques envieux. Notamment la guilde bourgeoise des maintenir un calme parfait même pendant la nuit, car le
quartiers ouest, qui y voit une source de revenus non magistrat tient à ce que la grande place reste le symbole
négligeable sur laquelle elle aimerait bien mettre la de la rigueur légiste et ne devienne pas un lieu de
main. Cette main-mise n’en est qu’à ses débuts mais a débauche dans un quartier qui en comporte déjà trop.
bel et bien commencé : divers riches marchands ont pu Les bureaux de la comptabilité sont assuré-
acheter quelques établissements, d’abord de façon dis- ment le cœur de la magistrature, vaste annexe foison-
crète en utilisant des hommes de paille et des prête- nante de bureaux entre lesquels s’activent une véritable
noms pour ne pas éveiller les soupçons, puis de plus en petite armée d’économes et de trésoriers veillant à ce
plus ouvertement. Bien entendu, les ventes sont parfois que les comptes soient les mieux tenus possibles. Les
un peu « forcées », il n’est ainsi pas rare que la guilde coffres sont toujours abondamment remplis et leur
bourgeoise embauche des hommes de main pour transfert vers le palais du gouverneur se fait sous haute

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Xianyang, capitale du Qin

Personnalités
surveillance. Jamais aucune attaque n’a été tentée sur le
convoi acheminant l’or des impôts du quartier des plai-
sirs au quartier administratif mais la vision d’une
troupe lourdement armée marchant au pas dans les rues
de la ville rappelle à ses habitants la puissance du Qin
et sa prédominance militaire.
Laodaniang
« Le Désir céleste » ressemble aux autres éta-
La Taverne de Mademoiselle Ti blissements luxueux du quartier des plaisirs. Les tarifs éle- 69
vés dissuadent un grand nombre d’habitués des simples
maisons-closes, mais les filles y sont belles et l’accueil
Ancienne prostituée ayant gagné assez d’argent toujours parfait. Laodaniang, qui gère l’endroit, y veille
pour acheter sa liberté et un fond de commerce, particulièrement.
Mademoiselle Ti (Renommée : 30) aime à faire de son Quelques rides au coin des yeux n’en ont pas terni
modeste établissement un lieu d’accueil convivial, une l’éclat et soulignent encore sa beauté. Elle reçoit ses
maison dans laquelle les clients viennent passer un bon clients, parmi lesquels plusieurs hauts-fonctionnaires,
moment et savourer un bon repas ou un instant de détente avant de les conduire jusqu’à leur chambre. Inutile de
entre amis. La taverne est bien éclairée, chaleureuse et pro- demander, Laodaniang devine toujours ce qui leur fera
pre. Quelques chambres peuvent être louées à l’étage aux plaisir, comme un don infaillible pour deviner les désirs
visiteurs de passage, et les serveuses peu farouches accep- des autres. Mais elle ne se donne à personne.
tent de monnayer leurs charmes à l’occasion. Vêtue avec faste, elle s’appuie sur une canne,
accessoire rendu indispensable par sa claudication. On
Pourtant malgré toutes ses qualités, la Taverne l’attribue à tort aux conséquences d’une maladie de son
de Mademoiselle Ti est en difficulté depuis quelque enfance, rumeur qu’elle encourage. Laodaniang, sous le
temps. En effet, la guilde marchande souhaite l’acquérir nom de Baiser de la Mort, fréquenta de nombreuses
contre l’avis de sa propriétaire et n’hésite pas à user de années le jiang hu. Fille du légendaire Lion taciturne,
menaces pour la faire céder. L’amant de Mademoiselle elle vit sa famille massacrée, son père tué par traîtrise et
Ti, un vieux portier nommé Sam Toi-le, a été ainsi battu son épée volée. Élevée par son oncle, elle s’entraîna lon-
à mort par des hommes de main : un avertissement san- guement afin d’exercer un jour sa vengeance. Espionne
glant… Mais bien que la situation soit tendue, et assassin, elle accomplit de nombreuses missions pour
Mademoiselle Ti sait pouvoir désormais compter sur Sue divers chefs de clan, cherchant à découvrir qui avait
Ze (Renommée : 15), le jeune disciple de Toi-le, un détruit sa vie. Elle hérita de Baiser de Bronze, une autre
portier fougueux ayant abandonné ses études de philoso- arme de légende. Elle retrouva enfin la trace de l’épée
phie antique pour venir travailler dans le quartiers des Âme des Cinq Pics sacrés, aux mains de Chung Ho Liu
plaisirs et ayant désormais à cœur de venger la mort de le seigneur du clan des Lames glorieuses. Elle en dédui-
son mentor… Pour lui, la guerre est déclarée et il est sit qu’il avait tué Lion taciturne et vint le défier. Mais le
bien décidé à avoir la peau de tous ceux qui ont trempé combat tourna en sa défaveur et elle fut grièvement bles-
dans la mort de son shifu, commanditaire compris. sée à la hanche.

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Laodaniang put tout de même s’enfuir et vit
depuis à Xianyang. Elle assura la sécurité puis devint la
Sui Xi
gérante d’une maison-close. Sa clientèle huppée et la rigi-
dité des institutions du Qin lui offrent une certaine forme Vivant dans une cabane en bois construite à
de protection. Elle cache Baiser de Bronze dans sa cham- quelques soixante mètres des murs de Xianyang, Sui Xi
bre et se cherche un champion pour reprendre l’épée de est en apparence un modeste fermier, cultivant un petit
son père. De son côté, Chung Ho Liu ne désespérant pas de lopin de terre et vendant ses récoltes aux voyageurs de
réunir les lames du père et de la fille dans sa collection, passage dès la tombée de la nuit. D’ailleurs, étonnam-
plusieurs de ses agents la recherchent activement. ment, Sui Xi ne sort que la nuit. Que cela soit pour tra-
Renommée : 35 vailler ou haranguer les passants… À cela l’explication
est simple : Sui Xi est en fait un fantôme, le spectre d’un
homme au destin tragique.
Oeil de Travers
Il y a de cela bien longtemps, il naquit dans
une famille de paysans des contrées alors barbares du
Âgé de presque soixante ans, plus personne ne se Ba et du Shu. Lorsque le Qin vint annexer ces terres,
souvient depuis combien de temps le vieux Œil de Travers Sui Xi admira la puissance et la modernité du pays qui
œuvre dans le quartier des plaisirs. amenait la civilisation chez lui. Désirant s’y rendre, il
fit son baluchon et partit vers le nord, vers Xianyang.
De son vrai nom Lua Chang-O, il y commença Après des mois et des mois de voyage au cours des-
sa carrière comme tenancier d’une maison de passe quels il ne se lassait pas de contempler, émerveillé,
modeste dans les secteurs nord. Modèle d’efficacité toutes les réalisations techniques du Qin (canaux,
comptable, il fit prospérer son modeste établissement et champs parfaitement organisés, remparts puissants,
comprit bien vite qu’à Xianyang, seule une scrupuleuse etc.), il arriva enfin à destination. Frappé de stupeur, il
honnêteté permettait de continuer à exercer en toute put admirer l’une des plus belles et des plus grandes
quiétude. Il s’acheta de nombreux ouvrages comptables cités du Zhongguo : Xianyang elle-même. Alors, vêtu
et mit un point d’honneur à toujours verser ses impôts de ses haillons, les cheveux emmêlés et la peau noircie
en temps et en heure, à la sapèque près, de même qu’il de crasse, il se présenta à l’une des portes et voulut
allait régulièrement faire recenser ses filles afin de res- entrer. Mais son apparence de mendiant poussa les
ter en règle. Le magistrat de l’époque en vint à éprou- gardes à l’arrêter et à le jeter hors des murs ; Sui Xi en
ver une curieuse affection pour cet individu aux jambes
70 arquées et au regard torve, dont la rigueur et la probité
conçut une amère déception mais comprit qu’il lui fal-
lait être présentable pour pénétrer dans une telle cité.
démentaient son allure de filou. Devenus amis, les deux Alors il se bâtit une petite hutte et commença à cultiver
hommes buvaient souvent du vin ensemble et le magis- un jardin, espérant gagner quelques sapèques pour
trat finit par conseiller à Œil de Travers de tenter une s’acheter de plus beaux vêtements. Amusés, les gardes
carrière de comptable dans le fonctionnariat. Ce qui le laissèrent faire mais ne lui permirent jamais d’entrer
n’était en fait qu’une plaisanterie sonna pourtant aux à Xianyang : Sui Xi semblait condamné à rester éloi-
oreilles du tenancier comme la promesse d’un avenir gné de cinquante sept mètres exactement de cette civi-
brillant. Mettant son établissement en gérance, il utilisa lisation qui lui faisait tant envie… Méprisé par les
ses économies pour s’inscrite à l’université, à quarante voyageurs, il finit par mourir de faim seul dans sa
ans passés ! cabane… que son fantôme hante depuis.
Déjà fort versé dans la science comptable, il ter- En tant que spectre, Sui Xi est toujours incapable
mina son cursus suffisamment brillamment pour que son de s’approcher de Xianyang. Tant qu’il n’aura pas pu
ami le magistrat l’embauche comme assistant, responsable entrer dans la cité, sa malédiction ne prendra pas fin. Afin
de la trésorerie du quartier. Une fois encore, Œil de Travers de la lever, des personnes compatissantes pourraient lui
y fit des merveilles et y acquit son surnom actuel : du en offrir de beaux vêtements et des atours luxueux : dès que
partie à son fort strabisme divergent, les gens disent égale- l’âme de Sui Xi pourra franchir l’enceinte de Xianyang,
ment de lui qu’il garde un œil sur les registres comptables son âme pourra enfin trouver le repos.
des maisons-closes et l’autre qui reluque lubriquement les Renommée : 15
filles de joie. Car c’est un fait que l’ancien tenancier aime
les femmes, et que sa charge de respectable fonctionnaire
lui permit de prendre de nombreuses concubines pour
assouvir ses appétits.
Lorsque l’ancien magistrat prit sa retraite, il
recommanda au gouverneur de nommer Œil de Travers à
sa succession et c’est ainsi que, déjà fort âgé, celui-ci
accéda à cet haut-poste. Ses ambitions s’arrêtent là, lui qui
ne pensait jamais quitter les secteurs les moins bien famés
de la ville, et il espère que sous sa gestion le quartier des
plaisirs se soit un peu policé.
Renommée : 55

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Nouvelle

La nuit était redevenue noire et silencieuse « Tes paroles se parent de l’accent de la sin-
quand ils quittèrent enfin le réduit malodorant où ils se cérité, fangshi. Je crois que tu as raison. Souhaitons-
cachaient. La venelle longeant la tour à l’intérieur de nous bonne chance et espérons ne jamais nous revoir.
l’enceinte était encombrée de débris et de matériaux Et surtout pas devant le bourreau, » ricana l’espion.
divers. Ils purent ainsi aisément atteindre le couvert
d’une autre ruelle sombre et de là, pénétrer dans une A cet instant, les murs de la ruine où ils se
habitation abandonnée. Le toit effondré, le mobilier cachaient semblèrent exploser dans une gerbe de
dévasté gardaient les traces des boulets de pierre lan- pierres, de torchis et de poussière.
cés contre les défenseurs. L’inconnu les avait suivi sans
faire de difficultés. Tous étaient restés muets lors de Xian se releva péniblement, secouant la tête
l’attente sous la tour, mais maintenant, Xian se planta pour chasser la poussière qui le recouvrait. Presque
devant l’homme afin de poser les questions qui lui brû- aussitôt, il aperçut Trois Vérités surgir des débris de
laient les lèvres. Trois Vérités et Cœur de Jade se tuiles ocres. Cœur de Jade et l’espion restaient invi-
tenaient juste derrière lui, la jeune femme avait dégainé sibles. Un second projectile siffla au-dessus de leurs
ses deux poignards effilés aux lames noircies à la fumée têtes et vint éventrer le mur d’une maison voisine. Les
pour ne refléter aucune lumière. gongs et les cors d’alerte appelaient les soldats à
rejoindre leurs postes. L’aube rouge avait donné le
« Très bien, qui es-tu et que fais-tu ici ? signal d’une nouvelle journée de combat.
interrogea Xian. Et tâche d’être crédible si tu ne veux
pas rejoindre la fosse des cadavres anonymes. » Le fangshi, assis au milieu des décombres,
massait son épaule endolorie. Xian, hormis quelques
L’homme leva ses mains nues en signe d’apai- écorchures, constata rapidement qu’il n’était pas
sement. Il souriait toujours, étonnement calme malgré blessé. Il aida Trois Vérités à se remettre debout et à
sa situation. Plutôt petit et bien en chair, il ne ressem- faire quelques pas. Une entaille peu profonde barrait
blait vraiment pas à un soldat. Un espion sans aucun la cuisse de son compagnon et le faisait boiter. Ils ne
doute. Il parlait doucement avec une voix fluette. trouvèrent nulle part la trace de Cœur de Jade ou de
Song Ya.
« Allons, ne nous énervons pas. Je me nomme
Song Ya, et quant aux raisons de ma présence ici, elles Dans la ruelle, civils et soldats se pressaient 71
me semblent plus évidentes que les vôtres. Je travaille vers les remparts. L’assaut semblait imminent. Ils
pour l’armée loyaliste et le colonel Gu Ji qui com- sortirent ensemble dans la foule où personne ne fit
mande les forces rassemblées dehors. Je cherchais un attention à eux. Anonymes dans la cohue, Xian
moyen de pénétrer dans la cité quand je vous ai aper- décida de remonter vers le cœur de la cité afin de
çus faire votre numéro. J’ai profité de la diversion. trouver un abri pour le fangshi. Quelques rues plus
Mais vous, j’ignore qui vous envoie en ces lieux. » loin, ils découvrirent un grand bâtiment carré, sans
doute un édifice administratif, qu’un incendie avait
Les trois compagnons échangèrent un dû ravager la veille. Des poutres noircies fumaient
regard. Un espion, un assassin sans doute. Que faire encore parmi les restes de sa toiture effondrée. Sur la
de lui ? Leur silence s’éternisait et Song Ya restait place pavée s’étendant aux pieds de Xian, des abris
toujours aussi impassible, presque détaché. de fortune accueillaient les blessés. Une vingtaine de
femmes et d’hommes en robe s’affairaient parmi eux.
« Cette bataille et ses motifs ne nous concernent en Xian reconnut là quelques membres de la Secte des
rien, » dit subitement Trois Vérités. Quatre Lotus des Eaux Célestes, un groupe de soi-
gneurs et de rebouteux qui offraient leurs services
Xian recula d’un pas, laissant le fangshi aux malades du Zhongguo. Appuyé sur lui, Trois
prendre sa place devant l’espion. Vérités clopina jusqu’à l’une de ces tentes. Une fois
assis, une jeune femme plutôt ronde s’approcha aus-
« Nous avons franchi cette muraille afin sitôt du blessé.
d’accomplir une vendetta personnelle, continua-t-il.
Séparons-nous là. Accomplis tes ordres et nous achè- « Je vous le confie, dit Xian et il poursuivit
verons notre quête. Partons chacun de notre côté, avant que le fangshi n’ait pu émettre la moindre pro-
comme si nous ne nous étions jamais vus. » testation. Reste-là et repose-toi. Je vais retrouver
Cœur de Jade. »
Song Ya, bras croisés sur la poitrine, parut Sans attendre de réponse, il repartit aussitôt
réfléchir un instant. Dehors, les premières lueurs de en courant vers la muraille où les combats faisaient
l’aube commençaient à zébrer le ciel nuageux de maintenant rage.
teintes rougeâtres, sanglantes.

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Les services
secrets du
Qin
72
Beaucoup de raisons peuvent expliquer la prédo- La situation géographique même du Qin est un
minance actuelle du Qin au sein du Zhongguo. avantage : situé à l’Ouest du Zhongguo, protégé des autres
Tout d’abord, les réformes légistes y ont été pous- Royaumes par d’imposantes chaînes de montagnes au Nord,
sées plus loin que dans n’importe quel autre Royaume par au Sud et à l’Est, il n’a presque jamais été attaqué au cœur de
Shang Yang et ont été encore renforcées récemment par Lu son territoire ; et sur son front ouest, il n’a guère à se proté-
Buwei et Li Si. De fait, l’administration du Qin est des plus ger que contre quelques tribus barbares peu dangereuses.
efficaces et les fonctionnaires savent que leur zèle trouvera
souvent récompensé, ce qui les incite à toujours faire de Mais en plus de tous ces avantages, le Qin s’est
leur mieux. Les lois strictes régulent la criminalité et les forgé au fil des siècles une arme redoutable : ses services
gens du peuple peuvent vivre sans avoir à craindre bandits secrets performants qui passent pour être quasiment les
et meurtriers. meilleurs de tous.
La professionnalisation de l’armée a conduit le
Qin à se doter d’une véritable machine militaire, sans
pareille dans les autres Royaumes. La discipline y règne en
maître et même le plus humble des soldats dispose d’un
matériel de qualité. Pour gravir les échelons de la hiérar-
chie, un militaire doit juste faire ses preuves sur le champ
Le Censorat
de bataille (notamment en tranchant la tête de ses adver-
saires, ce qui explique la grande combativité des troupes
de base : même un simple conscrit peut espérer devenir Par un abus de langage, les gens ont tendance à
sous-officier avec ce système). regrouper sous le nom de Censorat tous les services secrets
Une stricte organisation du territoire, et notam- du Qin.
ment des terres arables étendues par une politique de Or le Censorat en lui-même n’est que l’un d’entre
grands travaux, permet au Qin de tirer le meilleur de eux, certes le plus utilisé et connu mais loin d’être le seul…
chaque lopin de terre à l’intérieur de ses frontières. Les De fait, le Censorat correspond à l’agence d’es-
exploitations agricoles produisent en abondance et permet- pionnage du Qin dont les hommes sont envoyés partout
tent de nourrir ouvriers et militaires, ainsi que de faire des dans le Zhongguo pour rassembler des informations ou
réserves pouvant être distribuées là où frapperait la famine commettre des attentats afin de faire progresser la cause de
et les catastrophes naturelles. leur Royaume.

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Les services secrets du Qin

Organisation
d’envoyer des messages par des moyens divers (pigeons
voyageurs, courriers codés, lettres confiées à des colpor-
teurs, etc.).

Enfin à la base, on trouve les agents du Censorat.


Espions, assassins, voleurs : de tels hommes doivent être
Hiérarchie
capables d’endosser toutes ces identités et bien plus encore
Le Censorat, comme presque toutes les adminis- pour dissimuler leur véritable nature.
trations du Qin, a la forme d’une pyramide bureaucratique En général, les agents sont regroupés au sein de
particulièrement stricte. Car ici plus encore qu’ailleurs, les cellules isolées, comprenant de deux à dix hommes aux
rouages doivent fonctionner à la perfection et l’erreur n’est talents complémentaires. Il peut arriver que plusieurs
pas permise. cellules opèrent ensemble sur une mission mais cela
Au sommet de cette pyramide se trouve le chef du reste rare car le cloisonnement du Censorat permet qu’en
Censorat, celui qui dirige l’agence, prend connaissance des cas de capture d’un agent, seule sa cellule se trouve mise
rapports et ordonne les actions à accomplir. Au Qin, ce rôle en danger.
est généralement dévolu à une personnalité spécifique, à Pour finir, il existe bien sûr des agents solitaires,
l’identité en général secrète afin que son travail puisse si compétents qu’ils peuvent opérer seuls ou sont placés à
s’accomplir en toute discrétion. Mais récemment, le rusé des postes divers dans les Royaumes étrangers, attendant
Li Si a pu faire en sorte, par d’habiles intrigues et conseils d’y recevoir leurs instructions pour passer à l’acte.
à son Roi, de récupérer toute autorité sur le Censorat.
Désormais le ministre des Lois et des Noms dirige
l’agence d’espionnage du Qin sans s’en cacher, et son Recrutement
influence politique en a grandi d’autant : qui oserait s’op-
poser à un homme disposant d’une telle arme ?
De plus, suffisamment malin pour ne pas s’alié- Les membres du conseil sont recrutés par coopta-
ner l’ancien dirigeant évincé, Li Si a fait de lui son premier tion. Lorsqu’une des douze places est vacante, chaque mem-
conseiller. Gu Yong, après des décennies à occuper ce bre peut proposer diverses candidatures qui sont toutes étu-
poste, a en fait plutôt bien accueilli ce changement de sta- diées avec attention. Li Si prend la décision finale.
tut, qui lui permet enfin de se reposer un peu tant le minis- Les analystes sont en général recrutés en même
tre tient à tirer toutes les ficelles lui-même, sans pour temps que le conseiller, dont ils étaient bien souvent déjà
les subordonnées. Bien peu refusent d’intégrer le Censorat
autant être fermé aux avis des autres.
car non seulement une telle promotion est signe de réussite
73
Autour de ces deux têtes pensantes gravite tout un sociale indéniable, mais surtout de nombreuses rumeurs
cénacle de conseillers stratégiques regroupant hauts-fonc- courent sur ceux qui auraient un jour eu l’audace de décli-
tionnaires, militaires gradés (qui dirigent bien souvent le ner cette offre…
renseignement militaire en parallèle), espions vétérans et Enfin les agents de base sont recrutés au coup par
différents types d’experts en tous genres (économie, ingé- coup, selon les besoins ou les pertes récentes. Beaucoup
nierie, politique, agriculture, etc.). Ces hommes, au nom- viennent de l’armée, d’autres ont été repérés et conseillés
bre de douze et qui occupent généralement divers postes au par des agents déjà en activité. À noter qu’être originaire
ministère de la justice, se réunissent à l’initiative de Li Si d’un autre Royaume n’est pas forcément un obstacle tant
ou Gu Yong, ou lorsque la majorité d’entre eux convoquent que la recrue jure loyauté au Qin (et apprend quel est le
le conseil. Ensemble, au sein de la Demeure aux Murs prix d’une trahison). Beaucoup d’agents sont ainsi recrutés
vigilants, ils analysent les informations les plus impor- sur place dans un Etat ennemi : le serviteur haut-placé
tantes et décident des actions à entreprendre. Li Si garde le d’un ministre, un assistant de gouverneur, etc. Toutefois,
dernier mot et peut opposer son veto à toute décision votée de tels individus achetés par la corruption ne se voient
par le conseil. jamais confier de missions délicates ; tout au plus leur
Chacun de ces conseillers dispose lui-même de demande t’on de fournir des informations sensibles.
nombreux subordonnés : scribes, juristes, comptables,
assistants, secrétaires, etc. afin de l’aider à tenir son rôle du
mieux possible. Pleinement membres du censorat, ces ana- Relations avec les autres services secrets
lystes constituent en quelque sorte la « tête » de l’organi-
sation et sont tenus par le sceau du secret comme les agents
de terrain, qui eux seraient les « jambes ». Le Censorat est le service secret central, celui qui
Entre la tête et les jambes, assurant le relais, se chapeaute tous les autres. Ainsi, son conseil doit recevoir
trouve le discret Dao. Aux yeux de presque tous, il n’est une copie de tous les rapports adressés aux dirigeants des
guère que le chef des serviteurs de la Cité royale mais sous autres agences du Qin afin qu’aucune information délicate
cette couverture se dissimule le responsable des opérations ne leur échappe. Le renseignement militaire dépend
du Censorat. C’est-à-dire que c’est lui qui récupère les rap- presque entièrement du Censorat qui communique toutes
ports des cellules d’agents et les transmet aux analystes du les informations sensibles au ministère de la Guerre.
ministère avant de distribuer les ordres de mission. Il aime Toutefois l’armée possède un réseau de renseignement
rencontrer en personne ses hommes mais bien sûr pour intrinsèque peu développé mais efficace. Des agents du
ceux qui vivent à l’étranger, il se contente de recevoir et Censorat y sont régulièrement recrutés.

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Le Bureau des Rumeurs travaille en bonne
entente avec le Censorat, même si les deux services se
Assassinats et attentats
marchent parfois sur les plates-bandes l’un de l’autre. Mai
Liu Bang tient cependant à ce que les conflits restent mar- Missions plus ponctuelles, elles consistent à dés-
ginaux et toujours bénins. organiser le fonctionnement d’un Royaume adverse à tra-
La Carapace noire est bien sûr inconnue de la vers ses institutions ou ses personnalités.
grande majorité des membres du Censorat et même des Ce sont des cellules spécialisées qui se chargent
douze conseillers. De fait, seuls Li Si et Gu Yong savent de de telles missions, généralement hautement dangereuses. Il
quoi il retourne. En règle générale, de par la nature même peut arriver qu’un espion bien placé se voit donner l’ordre
de leurs missions, les Tortues n’empiètent que rarement sur d’assassiner quelqu’un mais cela reste rare car cela
le terrain des agents du Censorat. entraîne obligatoirement le retrait de cet agent du terrain

Missions
(ce qui peut s’avérer improductif s’il avait fallu plusieurs
années pour qu’il se hisse à son poste).
Les personnalités visées sont en général de hauts-
fonctionnaires clés, des officiers influents et parfois même
des membres du gouvernement. Bien protégés, il faut
envoyer des spécialistes capables de frapper au cœur d’un
Le Censorat agit donc essentiellement à l’exté- palais sous haute surveillance et d’en repartir sans se faire
rieur des frontières du Qin, au sein des autres Royaumes. remarquer. Les meilleurs s’arrangent même pour faire pas-
Ses agents y accomplissent des missions diverses visant à ser la mort de leur cible pour un accident ou un décès natu-
faire avancer la cause de l’Etat légiste tout en affaiblissant rel… Le Qin emploie rarement des assassins indépendants
ses adversaires. comme les Clochettes tressées ou ceux de la Secte des
Cinq Venins mais cela peut arriver à l’occasion, ou comme
diversion pendant que les vrais agents agissent à côté.
Espionnage Les attentats consistent en général à détruire une
industrie importante (fabrique d’armes par exemple) ou
une administration symbolique afin de porter un coup au
C’est la mission de base du Censorat. moral de la population et aux infrastructures du Royaume
Le savoir est à la base du pouvoir, aussi le Qin touché. L’incendie est bien évidemment le moyen utilisé
tient à réunir le plus d’informations possible (même des majoritairement dans ce type de missions. Peuvent égale-
renseignements semblant sans importance) afin de se pré-
74 parer à tout et d’acquérir un avantage certain pour le lan-
ment être définies comme « attentat » l’extradition d’un
espion important ou d’un agent double, la capture d’une
cement du Tiàn Xia. personnalité et diverses opérations ordonnées en haut-lieu.
Sur le terrain, les agents chargés de cette mission se
fondent dans la population et tâchent d’occuper des postes
intéressants (scribes, assistants de magistrat, etc.). À l’écoute
de tout ce qui se dit autour d’eux (dans les administrations,
Contre-espionnage
sur les marchés, etc.), ils adressent des rapports réguliers à
Dao et reçoivent parfois diverses instructions (aller s’installer Bien que le Bureau des Rumeurs soit le service
ailleurs, être attentifs à certaines rumeurs, etc.). Ces espions secret chargé du contre-espionnage, le Censorat apprend
ont également comme rôle de corrompre des individus hauts- souvent par ses propres espions l’identité et la localisation
placés pour leur acheter des informations. Ils visent en géné- d’agents étrangers sur son sol, et agit en conséquence sans
ral des serviteurs de gens influents et leur paient à prix d’or forcément que Mai Liu Bang en soit informé.
tous les renseignements qu’ils peuvent soutirer. Ce type Cela ne va pas sans créer de nombreux troubles
d’informateurs est cependant traité avec prudence et en cas entre les deux services. Il semble que la communication,
de soupçons, un agent est autorisé à éliminer ceux qu’il qui ne va que dans le sens Bureau des Rumeurs – Censorat,
estime peu fiables. Mais un bon espion est capable de tisser doive être améliorée car il arrive que le Censorat élimine
un réseau de renseignements solide et de confiance sans pour un espion ennemi dont le Bureau des Rumeurs avait fait en
autant compromettre sa sécurité. secret un agent double…

Personnalité
Le vol de documents importants est une autre
facette de l’espionnage. Ce sont des agents spécialisés et
non de terrain qui les commettent. Plans de bataille, listes
d’agents doubles ou lettres confidentielles font partie des
documents dont le Censorat peut ordonner le vol. En règle
générale, ce n’est pas le document lui-même qui est dérobé
mais il est recopié et laissé en place pour éviter les soup-
çons ; seule la copie est envoyée au Qin.
Gu Yong
Les renseignements et informations remontent
par Dao jusqu’aux analystes du Censorat, qui recoupent Désormais âgé de plus de soixante-dix ans, Gu
divers rapports entre eux et livrent leurs conclusions au Yong aspire à un repos bien mérité.
conseil. Puis à partir de là, Li Si et Gu Yong peuvent déci- Chef du Censorat pendant presque trente ans, il a
der des nouvelles missions à assigner. grandement contribué à la montée en puissance du Qin.

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Les services secrets du Qin

Organisation
Lui-même ancien analyste au service d’un des douze
conseillers de l’époque, il demanda un jour son affectation
comme agent de terrain. En effet, les rapports de mission
qu’il recevait le faisaient rêver et il imaginait une vie exci-
tante, pleine de dangers mais aussi de panache pour les
espions du Censorat. Aussi étrange qu’elle soit, sa requête
Hiérarchie
fût entendue et Gu Yong prit place dans une cellule spécia-
lisée dans les missions de sauvetage. Bien qu’ayant subi un Bien qu’agence soit-disant indépendante du
entraînement physique de base, Gu Yong n’était pas au Censorat, dans la réalité le Bureau des Rumeurs dépend
niveau de ses compagnons mais ses capacités d’analyse et encore énormément de celui-ci, ne serait-ce qu’au
de déduction firent de lui le stratège du groupe, et bientôt niveau des crédits. Ainsi il n’est pas faux de dire de Li Si
son chef officieux. est de fait le chef officieux du Bureau comme il est
ouvertement celui du Censorat. Mais le ministre étant
Au cours des dix années durant lesquelles il dirigea plus intéressé par le moyen de déstabiliser les Royaumes
sa cellule, Gu Yong ne perdit jamais un homme et presque étrangers que par celui de protéger le sien de pareilles
toutes ses missions furent couronnées de succès. Sa réputa- manœuvres, Mai Liu Bang garde les coudées franches et
tion grandit au point qu’il fut finalement rappelé à Xianyang est vu par tout un chacun comme le dirigeant réel de son
pour occuper l’un des sièges du conseil. Un peu fatigué du agence de contre-espionnage. Toutefois la filiation
terrain, il accepta avec joie et en quelques années il fut promu directe entre le Bureau des Rumeurs et le Censorat fait
comme dirigeant de tout le Censorat. Fort de ses multiples que Mai Liu Bang est astreint à faire part de toute affaire
expériences à tous les niveaux, il mit en place des améliora- importante à Li Si – et il s’exécute de bonne grâce, cer-
tions qui portèrent rapidement leurs fruits et rendirent les ser- tain de servir au mieux les intérêts de son pays en ne fai-
vices secrets du Qin presque inégalables. sant pas passer les rivalités personnelles avant ceux-ci.
Il y a quelques années, c’est presque avec recon-
naissance que Gu Yong vit Li Si décider de prendre sa Mai Liu Bang est un homme plutôt solitaire, qui
place à la tête du Censorat. Enfin il allait pouvoir jouir aime travailler seul dans son bureau sur les dossiers les
d’une retraite qu’il espérait longue et tranquille (car bien plus importants. Toutefois, aussi intelligent soit-il, il lui est
que vieux, l’ancien espion est encore en pleine forme et impossible de traiter toutes les affaires en cours aussi s’en
tout le monde dans son entourage le voit finir centenaire). remet-il à ses proches collaborateurs, tous des analystes de
Mais le ministre, pensant se l’aliéner autrement, lui pro- grand talent entièrement dévoués à la cause du Bureau des
posa de devenir son bras droit de l’ombre et Gu Yong
décida d’accepter, une partie de lui ne semblant pas pou-
Rumeurs. Aidés par une horde de scribes, ils centralisent 75
les rapports, les recoupent, tirent leurs conclusions et les
voir se passer de travailler au Censorat. soumettent à leur supérieur lors des réunions qui ont lieu
Depuis, il vit une semi-retraite mais son esprit chaque matin dans l’aile de la Demeure aux Murs vigilants
agile reste au service de sa patrie et est encore capable de qui est dévolue au Bureau des Rumeurs.
prodiguer de précieux conseils.
Renommée : 45 Assez étonnamment, c’est une fois de plus Dao,
le supposé chef des serviteurs du palais royal, qui fait
office d’intermédiaire entre les agents de terrain et leurs
supérieurs. Toutefois, à la différence de son travail pour le
censorat, il n’est ici qu’un relais et n’a aucune part dans les
décisions à prendre. Il se contente de transmettre les rap-
Le Bureau des ports et de faire redescendre les ordres de mission, sans
même avoir connaissance de leur contenu. Du moins c’est
ce que tout le monde croit…
Rumeurs Enfin les agents de terrain se divisent en deux
catégories.

Il y a tout d’abord les citoyens ordinaires, exer-


Le Bureau des Rumeurs est une agence peu connue çant un métier honorable et respectant toutes les lois du
hors des frontières du Qin, alors que c’est à ses hommes que Qin. De tels individus exemplaires sont longuement étu-
devront échapper la plupart des espions étrangers. diés avant de se voir proposer de devenir les yeux et les
oreilles du Bureau des Rumeurs au sein de leur entourage.
En effet, le Bureau des Rumeurs est le service de Leur mission est simple : ils doivent juste rapporter tout
contre-espionnage du Royaume légiste, chargé de traquer propos séditieux ou fait suspect à leur agent de liaison.
et débusquer les agents infiltrés et autres dissidents pré- Pour cela, ils reçoivent une prime qui dépend de la perti-
sents sur son territoire. Anciennement annexe du Censorat, nence des informations fournies… et gare à celui qui por-
c’est sous l’égide de Gu Yong qu’il prit son indépendance terait un faux témoignage pour régler un différend person-
(relative) et devint un service secret à part entière pouvant nel, car son châtiment serait alors celui prévu pour le crime
se consacrer pleinement à sa mission. imaginaire dénoncé.

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Et il y a les véritables agents qui constituent la tionner avec une comptabilité réduite. Ce qui évidemment
police politique du Qin. Envoyés en mission là où le amoindrit grandement son efficacité sur le terrain, prétexte
besoin s’en fait sentir, ils ont pour rôle de démasquer les invoqué par le Censorat pour réduire encore ses subsides…
espions, les éliminer ou les retourner. Enfin le Bureau des Rumeurs ne sait rien de la
Carapace noire ou de sa mission, bien que de nombreuses
Tortues utilisent comme couverture celle d’agents de ce
service.

Missions
Recrutement
Les collaborateurs de Mai Liu Bang sont recrutés
uniquement sur sa décision, après une longue enquête de
moralité sur le candidat. Une fois que le chef du Bureau
des Rumeurs a décidé d’engager un fonctionnaire, il consi-
dère pouvoir lui faire une confiance aveugle tant sa vie Le Bureau des Rumeurs n’opère qu’à l’intérieur des
aura été épluchée de fond en comble. Aussi ce nouvel ana- frontières du Qin, la sécurité nationale étant de son ressort.
lyste est-il libre à son tour de prendre à son service les Ses agents ont ainsi pour rôle de faire barrage aux
assistants dont il estime avoir besoin : Mai Liu Bang se fie velléités intrusives des services secrets de Royaumes
à son jugement et compte sur lui pour faire preuve de vigi- adverses, en démasquant leurs espions et en organisant la
lance dans ses choix. désinformation ou le retournement de ceux-ci.
Les agents proprement dits viennent bien souvent
du Censorat. Être muté au Bureau des Rumeurs est vécu de
diverses façons : pour les uns, il s’agit d’une promotion Contre-espionnage
car le travail y est moins dangereux et plus sédentaire mais
pour les autres, il s’agit d’une régression tant l’aura qui
entoure le Censorat est supérieure à celle du Bureau des Première et plus importante mission du Bureau
Rumeurs… Mais globalement, les agents recrutés font des Rumeurs : la traque des agents étrangers présents sur
bien vite montre de zèle et de loyauté car Mai Liu Bang le sol du Qin.
sait motiver ses hommes. D’autres types d’individus peu- C’est grâce aux rapports faits par les indicateurs,
vent également se voir offrir une place au Bureau : magis- recoupés avec les informations partagées par le Censorat
trats ou fonctionnaires compétents, officiers de l’armée et ou les diverses magistratures, que ces supposés espions
parfois même simples wu xia. peuvent être découverts. Lorsque suffisamment d’éléments
76 Les indicateurs quant à eux se voient proposer indiquent qu’une personne peut être un agent ennemi, une
d’œuvrer pour le Bureau des Rumeurs après une stricte surveillance étroite est organisée autour de lui. Certains de
enquête de moralité, comme pour les collaborateurs de ses serviteurs ou voisins sont corrompus ou remplacés par
Mai Liu Bang. des agents, et tous ses faits et gestes scrupuleusement épiés
du matin au soir et même pendant la nuit. Si les soupçons
sont confirmés, plusieurs cas de figure se présentent :

• Cet espion n’a rien remarqué et continue sa mission sans se


Relations avec les autres services secrets
douter qu’il est désormais démasqué : dans ce cas, le Bureau
Les liens qui unissent le Bureau des Rumeurs au des Rumeurs peut décider de ne pas le faire éliminer mais
Censorat sont généralement une entrave au bon fonction- d’en faire un relais de désinformation en s’arrangeant pour
nement de l’agence de contre-espionnage. En effet, le que la plupart des renseignements qu’il transmette aux siens
Censorat voit le Bureau comme une institution moins soient faux. Poussant un Royaume ennemi à agir en fonction
importante, presque négligeable et n’hésite donc pas à d’informations erronées, le Qin gagne un avantage certain
empiéter sur ses prérogatives, quitte à faire échouer une sur lui. Bien sûr, au milieu de tous ces faux renseignements,
opération depuis longtemps planifiée par celle-ci. Si Li Si il faut en glisser quelques-uns qui soient avérés, utiles et
et Mai Liu Bang essaient de garder de bonnes relations et exploitables afin que ses supérieurs ne comprennent pas trop
faire en sorte que leurs services fonctionnent en harmonie, vite que leur agent a été repéré.
il en est tout autrement sur le terrain. Les agents rivaux
font montre d’une hostilité ouverte, qui dégénère rarement • L’espion démasqué semble corruptible ou d’une loyauté
mais amoindrit leur efficacité. Les hommes du Bureau fluctuante : le Bureau des Rumeurs cherchera à le retour-
détestent voir ceux du Censorat venir gâcher leur travail ner pour en faire un agent double à son service. Un tel indi-
avec leurs méthodes expéditives et leur manque de subti- vidu sera alors particulièrement utile pour l’agence mais
lité, tandis que les agents du Censorat voient ceux du fera l’objet d’une surveillance renforcée : un traître peut à
Bureau comme des planqués improductifs. Plus d’un nouveau trahir après tout, et les agents triples sont une
Royaume étranger a déjà su profiter de ces dissensions… menace particulièrement insidieuse…
L’autre grand problème qui oppose ces services
secrets est le budget : en effet celui-ci est octroyé par le • L’espion se sait repéré ou s’avère d’une loyauté totale à
Trésor royal et doit être partagé entre les deux agences. sa patrie : un tel agent doit être éliminé au plus vite. Une
Jouissant d’une plus grande influence, Li Si s’arrange pour équipe spécialisée est alors envoyée avec pour instruction
s’octroyer la part du lion et le Bureau des Rumeurs doit fonc- de faire passer le meurtre pour un accident ou un meurtre

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Les services secrets du Qin

crapuleux afin que le Royaume ayant envoyé l’agent pense Loin de s’offenser de sa réputation, Mai Liu Bang
avoir simplement joué de malchance, et dépêche un nouvel en jouit car elle lui donne un ascendant certain sur tous ses
homme sans précautions particulières . interlocuteurs. Car en fait, son obsession du contrôle se
double d’un amour immodéré du pouvoir. Pas forcément
Le Bureau des Rumeurs démasque chaque celui que l’on exerce au sein d’un gouvernement, mais
semaine plusieurs espions plus ou moins importants mais plus simplement celui qui vous donne prise sur autrui. Lire
rares sont les occasions de prendre un gros poisson dans la peur dans les yeux des autres, savoir qu’il peut briser
les filets… Le manque chronique de moyens de l’agence n’importe qui en détruisant sa vie et sa réputation, sentir la
ne lui permet pas de surveiller tous les suspects qui lui sont crainte qu’il inspire : voilà ce qui satisfait profondément le
signalés, et encore moins ceux qui jouissent d’une certaine directeur du Bureau des Rumeurs…
influence ou d’un haut statut… De façon étonnante pourtant, il n’est pas un
homme mauvais capable d’abuser de ses prérogatives.
Savoir qu’il pourrait le faire lui suffit et il n’a pas besoin
Police politique de passer à l’acte pour éprouver du plaisir. Ainsi, Mai Liu
Bang est finalement assez apprécié de ses subordonnés qui
savent que tout ce qui lui tient à cœur est de bien faire son
L’autre mission du Bureau des Rumeurs est d’of- travail en collaboration avec les autres services secrets du
ficier au Qin en tant que police politique chargée de la sur- Qin, malgré les nombreuses rivalités. C’est ce qui le rend
veillance et au besoin de l’élimination des dissidents. finalement si efficace dans son travail : ce mélange de
Lettrés ouvertement confucéens, philosophes bro- crainte et de respect qu’on lui porte et qui pousse ses
cardant le légisme, taoïstes illuminés sont autant d’exem- hommes à donner le meilleur d’eux-mêmes à son service.
ples des « mal-pensants » dont le Qin souhaite se débar- Renommée : 140
rasser afin qu’ils ne troublent pas l’ordre public avec leurs
idées séditieuses. Evidemment, afin de ne pas semer la ter-
reur sans mesure, le Bureau des Rumeurs n’agit jamais à la
légère. Un supposé dissident fait toujours l’objet d’une
enquête : on place en général un agent parmi ses disciples
ou dans son entourage proche. Celui-ci détermine alors en
La Carapace noire
le côtoyant si cet individu représente réellement un risque
de dissidence par son influence ou sa fortune. Lorsque
c’est le cas, il est éliminé impitoyablement de façon plus Tout simplement le service le plus secret du Qin,
ou moins publique selon ses torts réels. Sinon, l’individu l’existence de la Carapace noire n’est guère connue que de
77
est laissé en paix mais continue à être surveillé de temps à quelques très hauts personnages – et même eux ne mesu-
autre au cas où… rent pas l’ampleur et l’importance de sa mission.

Personnalité
Car celle-ci est de taille : détruire la Secte du Ciel
incliné et les adorateurs de Gonggong afin de préserver l’or-
dre au sein du Zhongguo. C’est une lutte féroce, que mène
Qin Long en personne en dirigeant lui-même cette agence
afin que son intelligence surnaturelle permette à l’humanité
de survivre aux noirs desseins de Cheng Huan…

Organisation
Mai Liu Bang
Solide courtisan aux cheveux blancs, vêtu
d’atours luxueux à la coupe parfaite, sachant disserter
aussi bien de philosophie antique que d’art de la guerre,
Mai Liu Bang est derrière cette apparence affable l’un des Hiérarchie et recrutement
hommes les plus craints du Qin.

Il dirige en effet la vénérable institution du La hiérarchie au sein de la Carapace noire est par-
Bureau des Rumeurs, le service de contre-espionnage du ticulièrement complexe car mêlant faux-semblants à desti-
Royaume. À ce poste, autant dire qu’il est l’homme qui nation des profanes qui viendraient à entendre le nom de
sait tout sur tout le monde ou peu s’en faut… Mai Liu l’agence et réalités concrètes et efficaces.
Bang est réellement un obsessionnel du contrôle. Il pos-
sède ainsi des dossiers sur tous les hauts personnages de la Du côté des faux-semblants, la Carapace noire
cour, tous les ambassadeurs étrangers, et il lui suffit de est un service secret destiné à lutter contre les menaces
croiser un individu à l’air suspect dans la rue pour qu’aus- surnaturelles que brandissent quelques illuminés à tra-
sitôt il missionne plusieurs agents afin d’en établir le pro- vers le Zhongguo – comme les dirigeants du Wei – et
fil. Cette tendance est plus ou moins connue et c’est pour- dont l’ennemi le plus acharné semble être une secte
quoi tout un chacun fait très attention à chacun des mots extrémiste. Voilà la demi-vérité que connaissent les
qu’il prononce en sa présence. ministres et le Roi et à propos de laquelle même Li Si
n’émet aucun doute. En tant que telle, la Carapace noire

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est plus ou moins annexée au Censorat, elle en est un ser- un instrument efficace et surtout précieux : Qin Long n’em-
vice obscur dont personne ne s’occupe réellement : sa ploie jamais ses hommes à la légère et déteste les sacrifier
dirigeante Dianxia semblant parfaitement faire son tra- tant les bons éléments sont fastidieux à trouver et former.
vail, nul ne remet en cause l’existence même de Afin de se reconnaître entre eux, les Tortues apprennent un
l’agence. Bien sûr, ce relatif désintérêt est entretenu par sommaire langage des signes qui leur permet également de
Qin Long qui use de ses méthodes habituelles (dont la communiquer en toute discrétion.
manipulation par les rêves) afin de garder une totale
main-mise sur son arme contre Cheng Huan.
Relations avec les autres services secrets
Selon cette version, Dianxia est subordonnée aux
ordres de Li Si et Gu Yong et doit leur rendre un rapport
quotidien sur les actions de ses agents. Ce qu’elle ne La Carapace noire n’a aucune réelle relation avec
manque évidemment jamais de faire, avec une ponctualité le Censorat et le Bureau des Rumeurs. Dépendant logique-
rare. C’est également à elle de distribuer les missions à ses ment du Censorat, l’illusion Dianxia joue cependant son
agents, via les hommes qu’elle garde à Xianyang pour rôle en lui assurant une indépendance quasi-totale et sur-
qu’ils reçoivent les rapports et envoient les messages, ne tout en obtenant un budget de fonctionnement confortable.
remplissant guère que ce rôle d’intermédiaires (Dao n’a Par ses manipulations mentales, Qin Long veille à ce que
aucun interaction avec la Carapace noire même si le nom cette situation perdure jusqu’à ce qu’il ait enfin atteint ses
lui évoque quelque chose…). objectifs.

Enfin à la base les agents, nommés ici Tortues, Les Tortues utilisent cependant fréquemment
accomplissent les tâches qui leur sont confiées et rendent comme couverture celle d’agents de l’une ou l’autre des
régulièrement compte, soit en personne soit par l’intermé- agences précitées, ce qui reste le plus pratique pour leur
diaire de messages codés. permettre d’opérer en toute tranquillité.

Mission
En réalité, Dianxia n’est qu’une illusion que Qin
Long a investi d’une part de sa conscience et dont il se sert
comme véhicule terrestre pour diriger la Carapace noire.
C’est donc lui qui donne directement ses instructions à ses
Tortues, sans même attendre les ordres de Li Si ou du Roi
qui ne mesurent en rien à quel point la Carapace noire est La Carapace noire n’a qu’une mission : lutter de
78 différente de ce qu’ils imaginent. Pouvant étendre ses per- toutes ses forces contre la Secte du Ciel incliné, faire
ceptions sur presque tout le Zhongguo, le Guo Long n’a échouer ses sinistres projets, débusquer son maître et l’éli-
guère besoin que ses agents lui fassent de rapports miner définitivement afin de s’assurer que Gonggong ne
puisqu’il peut les suivre en temps réel mais il maintient quitte jamais sa prison du Feng Du.
cette tradition pour donner le change.
Les Tortues peuvent ainsi opérer aussi bien sur le
Quant aux Tortues, sont recrutés tous types d’in- territoire du Qin qu’au sein des autres Royaumes.
dividus semblant capables aux yeux de Qin Long et ce
quelle que soit leur origine ou leur condition sociale. Le Au Qin, le rôle des agents de la Carapace noire
Dragon ne prend en compte que l’efficacité réelle de la rejoint celui de ceux du Bureau des Rumeurs, à la diffé-
personne et n’a que faire des autres considérations, futiles rence près que les Tortues ne cherchent pas à démasquer
à ses yeux. Lorsque quelqu’un est ainsi pressenti pour des espions étrangers mais des séides de la Secte du Ciel
rejoindre les rangs de la Carapace noire, il est mis au cou- incliné. En effet, les adorateurs de Gonggong s’infiltrent
rant de la réalité secrète qui se cache derrière l’Histoire du à tous les échelons de la société afin d’y mener leur
Zhongguo : l’existence de Gonggong, de ses adorateurs sinistre ouvrage : semer le chaos, détruire l’harmonie,
prêts à faire basculer le monde dans un chaos de guerre jeter à bas l’ordre établi par les Royaumes. Ces parasites
éternelle, de leur sinistre maître encore inconnu, etc. Seule doivent donc être débusqués et éliminés sans remords :
l’existence des Guo Long est encore tenue secrète et telle est la mission principale des Tortues opérant au sein
aucune Tortue n’a même conscience d’obéir à un Dragon ! de l’Etat légiste. Cela recouvre également la protection
Une fois mise au courant, la future recrue n’a plus guère le de hauts personnages que la Secte pourrait approcher et
choix : soit elle rejoint la Carapace noire soit elle est éli- corrompre. Dans l’entourage de presque chaque membre
minée immédiatement car elle en sait trop. À la connais- du gouvernement se trouve ainsi une ou plusieurs
sance de Qin Long, il n’existe ainsi aucune Tortue dissi- Tortues chargées de débusquer les éventuels adeptes de
dente ; un tel agent pouvant représenter une menace inac- Gonggong et il n’est pas rare que ces agents de proximité
ceptable pour la Carapace noire, le Dragon veille bien à ce soient en fait directement recrutés sur place. Ainsi, la
que cela n’arrive jamais. Dame du Zhao Gong Li a t’elle été récemment appro-
chée par la Carapace noire pour devenir celle qui veillera
L’entraînement que subissent les Tortues recrutées en personne sur le Roi.
est draconien. Formé au combat avec ou sans arme, à l’art de
l’infiltration, à la stratégie et recevant une formation com- Dans les autres pays, c’est presque la même chose
plète sur le surnaturel et ses manifestations, l’agent devient à la différence près que les Tortues n’y disposent pas d’une

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Les services secrets du Qin

liberté aussi grande. Ils doivent donc faire attention à ne pas venir prendre livraison au manoir d’une copie écrite à
être repérés à la fois par les agents de contre-espionnage du destination de leurs supérieurs, copie dans laquelle
Royaume où ils opèrent et bien sûr par les partisans de la Dianxia ne reporte que les éléments dont elle estime
Secte. Il arrive souvent que détruire les adeptes de Gonggong devoir tenir au courant les autres services secrets. Ainsi
desserve les intérêts à court terme du Qin en favorisant la sta- la Carapace noire, tout en préservant son indépendance
bilité de l’Etat ainsi purifié mais Qin Long préfère traiter le nécessaire, collabore activement au système d’informa-
problème de la Secte en priorité, quitte à avantager en appa- tion du Qin.
rence les desseins de ses frères ignorants.
Il est arrivé que des assassins, des tueurs
Les Tortues opèrent en cellules, pouvant regrou- d’élite surentraînés, parviennent à pénétrer dans le
per de deux à cinq membres (rarement plus). Ces cellules manoir de Dianxia. On les a retrouvés éparpillés à tra-
ne sont pas totalement isolées les unes des autres car vers les pièces du bâtiment, horriblement mutilés avec
devant bien souvent s’allier pour agir ensemble lorsque une expression d’intense terreur sur ce qui restait de
l’adversité se fait trop forte. leur visage. Depuis ces tentatives se font bien plus rares
et les assassins n’arrivent que rarement à tromper la
Les cellules sédentaires sont constituées vigilance du garde.
d’agents implantés dans une ville ou un district et qui y
surveillent attentivement les agissement de la Secte du Tous ces mystères ont une explication simple :
Ciel incliné. Ces Tortues ont principalement un rôle de Dianxia n’existe tout simplement pas. Elle n’est qu’une
renseignement : regroupant toutes les informations pos- illusion à travers laquelle se manifeste Qin Long. Le
sibles sur les adeptes, leurs plans, leur repère, etc. Les Guo Long ne souhaite pas en effet qu’il y ait d’intermé-
cellules mobiles quant à elles rassemblent des agents très diaire humain entre la Carapace noire et lui car l’enjeu
spécialisés et compétents, souvent des vétérans. Ce sont est trop élevé pour qu’il en prenne le risque. Aussi a t’il
eux qui en général agissent directement après avoir éta- monté cette mascarade, qu’il fait durer depuis des décen-
bli un plan à partir des données recueillies par les cel- nies en se servant de l’aura de mystère qui entoure l’or-
lules sédentaires. Ainsi, la couverture de celles-ci n’est ganisation pour éviter que trop de questions soient
jamais compromise. posées (et de toute façon, ceux qui seraient habilités à
s’interroger en savent suffisamment sur la lutte du
Mais il arrive souvent que des cellules sédentaires Dragon pour s’abstenir). Mystification bien pratique,
et mobiles doivent s’allier car la Secte du Ciel incliné n’est Dianxia est partie pour occuper son poste pour encore
pas un adversaire à prendre à la légère. Ses groupuscules quelques années…
peuvent être constitués de fangshi redoutables, de merce- Renommée : 10
79
naires entraînés et de fanatiques inconscients ; parfois
même les sectateurs utilisent démons et morts-vivants pour
se protéger. Les Tortues savent tout cela et doivent être
prêts à donner leur vie pour la cause de Qin Long.

Personnalité
Dianxia
Voici sans doute l’individu le plus énigmatique de
tout le Royaume. Chef de la Carapace noire, il s’agirait
d’une vieille dame pour le peu que l’on en sait, et nul n’est
capable de dire depuis combien de temps elle occupe cette
fonction.

Dianxia vit dans un vieux manoir sinistre, isolé


aux confins de la Cité royale. Elle y habite seule et nul
serviteur ne semble l’assister ; seul un solide garde sans
âge à l’air de protéger le bâtiment. Lorsqu’elle reçoit ses
agents, les Tortues, elle se tient sur un dais, derrière une
tenture de soie qui ne laisse guère deviner que sa
silhouette. Sa voix, à peine un murmure, est pourtant
impossible à ne pas entendre et ses intonations semblent
forcer les visiteurs à bien l’écouter. Chaque fois qu’elle
écoute le rapport d’un agent, dès le lendemain les mes-
sagers du Censorat et du Bureau des Rumeurs peuvent

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Song Ya s’approcha discrètement de L’espion s’assit à son tour et attendit que
la petite porte renforcée de fer, perdue au les deux coupes soient remplies d’un vin à
milieu d’un grand mur blanc et seul accès l’odeur acide avant de prendre la parole.
visible au fond de cette venelle étroite. Il
entendait au loin les clameurs et les cris des « Comment se déroulent les opérations
guerriers qui se livraient un combat féroce ici ? » demanda-t-il en trempant ses lèvres dans
au sommet des murailles ébranlées par les le mauvais alcool. Gian Ju sourit en voyant une
engins de siège. Il frappa avec détermina- grimace déformer les traits de son interlocuteur.
tion contre le battant de bois. Trois coups
rapprochés, puis deux, puis un. La serrure « Comme prévu, le colonel Gu Ji ne s’at-
joua et la porte s’ouvrit immédiatement, tendait pas à tomber sur les mercenaires de
révélant un couloir bas et obscur, et une Poing de Bronze. Il ignore également que
silhouette sombre en retrait. L’espion se quelques hommes de Mo Zi renforcent la garni-
glissa rapidement à l’intérieur, l’ouverture son. La ville ne tombera pas facilement.
se referma derrière lui, le plongeant dans le
noir presque complet. Une main ferme le - Très bien, l’armée du duc Fong a mis en
poussa en avant, sûrement celle de l’homme déroute celle du Wei hier au matin. Le colonel
qui avait ouvert la porte, mais dont il apprendra la nouvelle dans la journée et il devra
n’avait pas pu distinguer les traits. Au bout alors lever le siège s’il ne veut pas succomber à
de quelques pas, celui-ci lui annonça d’une son tour. Les trois mille soldats du duc arrivent à
voix rauque : «  Attention à la marche. » marche forcée. »

Ils descendirent un escalier aux marches Gian Ju avala une longue gorgée de vin
inégales pour aboutir enfin dans une sorte de aigre puis se servit une autre coupe qu’il vida
minuscule caverne naturelle située sous la mai- également d’un trait.
son. Une table bancale, trois tabourets et un cof-
80 fre vermoulu constituaient le seul mobilier. Un « Tu es Song Ya, dit-il d’un ton brusque.
pichet et deux coupes trônaient sur la table. Une Certains disent que tu travailles pour les ser-
torche accrochée dans un coin apportait un peu vices secrets du Wei.
de lumière et dispensait une fumée résineuse
dans l’espace confiné. - C’est vrai, en partie. Ils m’ont recruté,
il y a environ deux ans. Comme l’avait prévu le
« Tiàn Xia, » murmura Song Ya. censorat, auquel j’appartiens depuis bien plus
longtemps. Infiltrer et contrôler de l’intérieur,
« Tout sous le Ciel, » répondit l’autre désinformer et se renseigner, affaiblir pour
avant de s’asseoir lourdement sur l’un des conquérir, et réunifier. Tiàn Xia ! »
sièges de bois. Il posa sur la table le poi-
gnard effilé qu’il avait gardé jusque là dissi- Ils levèrent leur coupe et burent ensemble
mulé le long de son bras. Il portait une barbe à la réussite de leurs projets.
clairsemée et ses cheveux noirs commen-
çaient à grisonner sur les tempes. Une vilaine « Et maintenant ? demanda ensuite
cicatrice séparait son visage en deux dans le l’ancien soldat.
sens de la hauteur. Mais Song Ya remarqua
surtout la large carrure et les mains puis- - La situation correspond parfaitement à
santes de l’homme. Pour ce qu’il en savait, ce nos attentes. Le pouvoir du Roi du Wei est affai-
Gian Ju était un ancien soldat du Qin venu bli par cette révolte. Il voit des ennemis même
s’établir à Yuxing depuis plus de trois ans. Il parmi ses courtisans, et veut la tête de son meil-
y exerçait le métier de cordelier et, accessoi- leur général.
rement, apportait un soutien logistique aux
opérations des services secrets du censorat - Mais Fong déteste le Qin, rétorqua
dans cette région. Gian Ju. S’il parvient à renverser le monarque,
le Wei deviendrait un adversaire plus sérieux
encore.

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Nouvelle

- C’est pourquoi je suis là. Le duc est un décida de revenir prendre des nouvelles de
homme intègre et honorable, ce n’est pas le cas Trois Vérités. La place grouillait de monde.
de tous les hommes de sa suite. Nous avons Citoyens à la recherche d’un de leurs disparus,
acheté l’un d’eux, une porte ouverte pour appro- médecins affairés, adeptes des Quatre Lotus
cher Fong. compatissants et surtout, couchés à même le
sol pour la plupart, des blessés et des mourants
- Tu vas le tuer ? » par centaines. Une clameur funèbre, un
mélange lugubre de râles et de gémissements,
Les traits d’ordinaire paisibles et plutôt montait de cette scène sinistre.
débonnaires de Song Ya parurent soudainement
s’assombrir. Un masque cruel s’insinua sur son Xian chercha quelques minutes le
visage. fangshi avant de l’apercevoir en train de discu-
ter avec ce qui semblait être un taoïste, un peu
« En effet. Poing de Bronze nous a assu- à l’écart du village de toiles. Le prêtre s’éloi-
rés que ses hommes n’interviendront pas, Sabre gnait déjà lorsque Xian réussit à atteindre
Fidèle, son second, a reçu des ordres en ce sens. Trois Vérités, en se frayant un chemin à travers
Fong va mourir. Le Roi se croira débarrassé ce champ de désolation.
d’une terrible menace. Mais le duc va devenir un
martyr et un symbole pour tous les mécontents « La guerre est une chose terrible à la
du Royaume. Les germes de la dissension vont se face du Ciel et de l’Harmonie du monde, mur-
répandre au Wei, le gangrener de l’intérieur. Tel mura le fangshi alors que Xian approchait.
un fruit mûr, il tombera bientôt entre nos
mains… » - Aucune trace de Cœur de Jade, répondit
le jeune wu xia.

... - Je ne suis pas inquiet pour elle, elle


reviendra. »

Ils se mirent alors en marche, Trois


Vérités s’appuyant sur son compagnon, afin
81

Des nuages de poussière et de fumée de trouver quelque chose à manger. Ils s’en-
provenant des incendies occultaient le ciel. gouffraient dans une rue à peu près intacte
Xian avait du mal à distinguer la position du lorsque Cœur de Jade apparut subitement
soleil, mais il estimait qu’il ne devait pas être devant eux, surgissant d’une ruelle latérale.
loin de la fin de l’heure du cheval. Et toujours Ses vêtements étaient froissés et maculés de
pas de trace de Cœur de Jade. Intuitivement, le sang. Un poignard sanglant brillait dans sa
wu xia s’était d’abord dirigé vers l’enceinte, main droite. Trois têtes tranchées pendaient
au plus près des combats. Il y avait vu les dans la gauche.
archers de Poing de Bronze mettre à mal les
premiers assaillants et une demi-douzaine « J’ai interrogé les hommes de Poing de
d’hommes qu’il pensait disciples de Mo, Bronze, dit-elle dans un souffle. Il n’est jamais
actionner de lourdes arbalètes de siège. Puis il venu à Yuxing. Et je crois qu’il se prépare ici
s’était rendu près des portes du Sud où réson- quelque chose de terrible. »
naient les coups d’un lourd bélier. Ici aussi, les
soldats du Wei avaient dû finalement reculer en
subissant de lourdes pertes. Maintenant, les
projectiles avaient cessé de pleuvoir sur la cité
et ses défenseurs.

La ville résistait bien et ne tomberait


certainement pas aujourd’hui. Mais nulle part
il n’avait pu apercevoir la silhouette féline de
Cœur de Jade. En désespoir de cause, Xian

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Faire jouer
Tiàn Xia
82
Par bien des aspects, Tiàn Xia est une campagne Ceux de ce supplément forment la première partie
ambitieuse. Elle s’étale sur une période de vingt ans et de la campagne : Bai Hu, le Tigre blanc de l’Ouest :
retranscrit des événements majeurs de l’Histoire de la Servir.
Chine certes, mais avant tout elle propose une très grande
diversité de situations et exige donc un certain nombre de Le découpage est le suivant :
qualités de la part de la personne qui voudra la faire jouer.
Car autant lever immédiatement toute ambiguïté : • Bai Hu, le Tigre blanc de l’Ouest : Servir
Tiàn Xia n’est pas seulement une campagne prête à jouer. Scénario 1 : Révolution de Palais
Vous pouvez bien entendu mener les différents scénarios pré- Scénario 2 : Au Service du censorat
sentés tels quels (et vous passerez probablement de très bons Scénario 3 : Le Procès
moments) mais si vous souhaitez l’exploiter au maximum de Scénario 4 : Le Piège
ses possibilités, vous pouvez vous attendre à accompagner
vos joueurs pendant environ trois cents heures de jeu et il • Gui Xian, la Tortue noire du Nord : Résister
serait illusoire de penser que cela puisse se faire sans un Scénario 5 : Naissance d’un Royaume
minimum de préparation. Scénario 6 : L’Empereur et l’Assassin
Ce chapitre n’a d’autre but que de vous faciliter Scénario 7 : La Flamme céleste
ce travail afin que vous puissiez en profiter au mieux et il
complète les conseils de maîtrise déjà présents dans le • Feng Huang, le Phénix rouge du Sud : Combattre
Livre de Base. Scénario 8 : L’Appel des Lacs et des Forêts

Tout sous le Ciel


Scénario 9 : La Chute
Scénario 10 : Guerre totale

• La Kirin jaune du Centre : Mourir


Scénario 11 : Au-delà du Seuil
Scénario 12 : Le Dernier Dragon
Si on excepte « Vers un Monde de Lacs et de Scénario 13 : Le Secret des Empereurs
Forêts »  paru dans le Livre de Base et « Le Prince félon
» dans le livret de l’Ecran (qui sont en quelque sorte un • Long Wang, le Dragon vert de l’Est : Choisir
généreux prologue), Tiàn Xia est organisée en treize scéna- Final : Le Mandat céleste
rios et un final, soit cinq parties correspondant aux points
cardinaux traditionnels de la culture chinoise.

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Faire jouer Tiàn Xia

De même, nous avons tâché de faire en sorte qu’il - 235 Lu Buwei en exil met fin à sa vie en absorbant du
soit possible de jouer un grand nombre de scénarios de poison, ne pouvant supporter de vivre dans la
façon indépendante ou quasi-indépendante (c’est-à-dire en honte (mais nombreux sont ceux qui pensent qu’il
les rattachant à vos propres aventures) et que chaque partie s’agit plus d’un assassinat que d’un suicide…).
puisse être jouée comme une campagne d’une dizaine de Le grand canal de Zheng Guo est achevé, le Qin
séances ayant un début et une fin. Toutefois, nous les avons triple son rendement agricole grâce à lui.
rédigés en priorité pour les Meneurs de Jeu faisant jouer Le Roi du Zhao meurt, son héritier Youmiuwang
l’intégralité de Tiàn Xia. prend sa place.

Un univers
- 234 Début du scénario 4 : « Le Piège »
Le Qin mène une guerre d’usure au Zhao, qui

en mouvement
perd 100.000 hommes.
Bataille de Pingyang et retour de Han Fei Zi au Qin.
- 233 Suite du scénario 4 : « Le Piège »
Début du Tiàn Xia et départ des troupes du Qin
vers le Han.
- 233 à Le Qin attaque sans relâche le Han et le Wei qui
Comme évoqué dans l’introduction de ce supplé- - 230 concèdent de larges portions de territoire mais
ment, nous avons voulu faire de Tiàn Xia bien plus qu’une n’obtiennent pas la paix.
simple succession de scénarios. En effet pour nous, le cœur - 230 Le Han est annexé : le Roi se rend.
de la gamme Qin est à la fois son Livre de Base qui décrit Le prince Dan s’enfuit du Qin et retourne au Yan.
l’état du Zhongguo à une date bien précise, mais également - 229 Le général Wang Jian entame la campagne d’annexion
cette campagne qui met tous les éléments de ce dernier en du Zhao.
branle et donne les clés de son évolution sur les vingt Le général Li Mu du Zhao, héros des guerres
années à venir, jusqu’à l’unification de la Chine. S’il s’agit contre les Xiongnu, contient les avancées du Qin.
selon notre point de vue de la véritable continuité du Livre Du fait d’un complot du Qin visant à le discréditer,
de Base, nous avons toutefois décidé de ne pas juste vous il est convaincu de traîtrise et exécuté par le Roi
décrire tous ces événements passionnants mais bel et bien du Zhao : sans général charismatique, l’armée du
de vous permettre de les faire jouer en leur donnant la Zhao perd de plus en plus de batailles.
forme d’une gigantesque campagne épique mettant les per- Handan est assiégée.
sonnages de vos joueurs au centre de ce maëlstrom d’in- - 228 Scénario 5 : « Naissance d’un Royaume »
trigues, de complots, de batailles et d’aventures. La Reine-mère du Qin meurt.
Mais bien évidemment, leur permettre de prendre Le Roi du Chu meurt, son héritier Aiwang prend
83
une part active à certains de ces événements implique égale- sa place et ne règne qu’un an.
ment de faire des choix et de les priver de participer à d’au- - 227 Scénario 6 : « L’Empereur et l’Assassin »
tres. En les mettant au plus près de certains des bouleverse- Le Roi du Chu meurt et son héritier Fuchu prend
ments qui agitent le Zhongguo, ils ne pourront avoir une sa place.
vision d’ensemble et embrasser toutes les causes et consé- - 226 Scénario 7 : « La Flamme céleste »
quences de ceux-ci, qui ne sont pas pour autant moins inté- - 225 Scénario 8 : « L’Appel des Lacs et des Forêts »
ressantes. Nous ne pouvions tout simplement pas tout traiter - 224 Wang Jian est rappelé de sa retraite pour mener
de façon crédible. Toutefois, toujours dans l’idée de vous campagne contre le Chu. N’acceptant pas la reddition
donner toutes les clés de l’univers de Qin, voici une chrono- du roi Fuchu, le général du Chu Xiang Yan place
logie permettant à la fois de situer les scénarios et les élé- le prince Changping sur le trône et contre-attaque.
ments les plus importants contemporains de Tiàn Xia. Début du Scénario 9 : « La Chute»
NB : Dans cette chronologie, ne sont donc décrits que les - 223 Fin du Scénario 9 : « La Chute »
évènements non couverts par les scénarios de ce supplé- Scénario 10 : « Guerre totale »
ment et du suivant. Début du Scénario 11 : « Au-delà du Seuil »
- 222 Fin du Scénario 11 : « Au-delà du Seuil »
- 240 Scénario du Livre de Base de Qin : « Vers un Scénario 12 : « Le Dernier Dragon »
Monde de Lacs et de Forêts » Wang Ben mène campagne contre le Yan, annexe
Point de départ de Qin : Le Livre de Base de Qin ce qu’il en reste et capture le Roi.
décrit l’état du Zhongguo à ce moment précis. Gao Jian Li, réfugié au Yan, est capturé et amené
- 239 Scénario du livret de l’Ecran de Qin : « Le près du Roi du Qin. Appréciant sa musique, celui-ci
Prince félon » consent à l’épargner mais lui fait crever les yeux.
- 238 Scénario 1 : « Révolution de palais » - 221 Scénario 13 : « Le Secret des Empereurs »
Le Roi du Han meurt. La délégation du Han quitte Le Qi est attaqué par Wang Ben et son Roi se
Xianyang avec Douce Feuille de Saule résignée rend. Le Qi est annexé.
dans ses bagages. Le prince héritier Ji An prend la La Chine est unie et Ying Zheng prend le titre de
place de son défunt père sur le trône. Qin Shi Huang Di.
Le Roi du Chu meurt, son héritier Youwang prend - 219 Gao Jian Li tente d’assassiner l’Empereur en le
sa place. frappant d’un instrument empli de pierres. Il est
- 237 Scénario 2 : « Au Service du Censorat » exécuté pour ce geste.
Scénario 3 : « Le Procès » Final : « Le Mandat céleste »

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Cette chronologie a donc certes pour objectif de • Enfin, nous avons laissé de côté de nombreux éléments
vous aider à comprendre la dynamique globale liée à l’uni- dans la campagne qui n’ont d’autres buts que de servir
fication de la Chine (et que les joueurs ne perçoivent pas d’interface entre Tiàn Xia et vos propres campagnes. Ainsi,
forcément), mais également de vous permettre de faire ils ne sont en général ni gènants pour le scénario en cours
quelque chose de très important : leur expliquer comment ni détaillés, mais sont au moins aussi intéressants et donc
leur monde évolue entre deux scénarios. Cela peut sembler évoqués afin que cela puisse soit susciter l’intérêt de vos
anecdotique ; c’est pourtant un élément clé contribuant joueurs, soit vous permettre de les intégrer dans vos créa-
énormément à leur donner l’impression d’évoluer dans un tions et d’ainsi faire le lien entre campagne personnelle et
monde riche et cohérent, et non dans un vague décor en officielle. Voici quelques exemples se basant presque
carton-pâte servant maladroitement de prétexte pour justi- exclusivement sur le premier scénario :
fier les scénarios.
Car plus que tout, les joueurs doivent sentir la pro- Au tout début de la campagne, Lu Buwei est en
fondeur de l’univers dans lequel leurs personnages vivent, disgrâce. Pourtant il est sans conteste l’homme le plus
faute de quoi ils risquent de se sentir bien peu concernés par influent du Qin, sinon du Zhongguo. Que s’est il passé ?
les diverses péripéties qu’ils auront à affronter. Ils doivent A-t-il vraiment rencontré le Roi dans le Temple des ancê-
avoir l’impression que chacun de leurs interlocuteurs est tres où seule la famille royale a le droit de pénétrer ?
animé d’une vie propre et que tous leurs actes auront des Pourquoi est-il condamné à l’exil ? Pourquoi choisit-il de
conséquences sur les uns ou les autres, même indirectement. se donner finalement la mort ? D’ailleurs, est-ce réelle-
Pour faire transparaître cet aspect, et il est vrai aussi pour ment un suicide ?
récompenser les lecteurs les plus volontaires, nous avons Dans le premier scénario, Lao Ai s’essuie les
truffé les différents suppléments de liens entre les person- pieds souillés de sang et le trésorier de la Reine-mère vient
nages non joueurs, événements ou lieux n’ayant en appa- juste d’être assassiné. Que s’est-il passé ? Que vient faire
rence que peu en commun. Ils peuvent aussi bien se trouver cet auguste fonctionnaire dans le projet de coup d’Etat de
dans les nouvelles ou les diverses descriptions que dans les l’eunuque ?
scénarios. Saurez-vous par exemple retrouver le lien entre le Bec Rouge est un personnage charismatique mais
sympathique marchand Fen Zhu et le Scribe de Wen Chang qui est tout sauf passif ou inactif. Que fait-il lorsqu’il n’est
en fonction à Xianyang, Xue Baio, sachant que ces deux pas en train de compromettre les actions des personnages ?
individus ne se sont encore jamais rencontrés ? À la fin du premier scénario, le Roi décide de se
venger des Rong et du rôle qu’ils ont joué dans le coup
Un autre élément essentiel pour faire ressentir la d’Etat qui a failli lui coûter la vie. Wang Ben est envoyé à
profondeur de l’univers de Qin est de laisser la liberté aux la tête d’un corps expéditionnaire. La vengeance est-elle le
84 joueurs de sortir du cadre initialement prévu, et que vous seul motif de ce déploiement de troupes ? Que se passe t-
puissiez connecter vos propres campagnes à Tiàn Xia sans il dans le lointain territoire Rong aux imprenables forte-
que ni vos créations ni cette dernière n’en voient leur cohé- resses de pierre ?
rence affectée. Ainsi, même si elle est désormais dyna- San Bai-hu est réputé être un fangshi à la puis-
mique et évolue dans le temps, vous pouvez toujours relier sance incommensurable. Si tel est le cas, comment a-t-il pu
vos créations à la trame officielle : vous pourrez donc dés- mourir dans un simple incendie ? Comment est-il mort ?
ormais bifurquer, raccourcir ou rallonger ce qui vous inté- Est-il d’ailleurs vraiment mort ?
resse sans que cela pose le moindre problème. Pour cela, Vous pouvez donc lier ces événements à vos pro-
nous avons essayé de vous laisser plusieurs possibilités : pres aventures pour fournir à vos joueurs une expérience
unique. Maintenant que vous avez les clés de la dynamique
• Tout d’abord le jiang hu, que nous laissons volontairement de la campagne, vous avez tout loisir de faire exactement ce
dans l’ombre afin qu’il reste la chasse-gardée des Meneurs que vous souhaitez, non seulement à un moment donné, mais

Le compte à rebours
de Jeu. Il est assez vaste pour autoriser la mise en place de également de faire courir vos propres trames sur des années.
tout type d’intrigues et permet d’établir une séparation géné-
ralement claire entre le monde des Royaumes, plutôt décrit
dans la campagne et l’Histoire officielle, et celui des forêts et
des lacs qui reste un formidable espace de liberté, pour les
personnages comme pour les Meneurs de Jeu. Certains scé-
narios de la campagne traitent toutefois d’une incursion par- Car il s’agit bien là de l’autre caractéristique
tielle dans ce monde à part (les scénarios 8 et 9) mais globa- majeure de cette campagne : sa durée et le passage du
lement, le jiang hu reste votre terrain de jeu. temps. Encore une fois, cela peut sembler anodin mais une
• Ensuite, la campagne court sur vingt ans et certains temps mauvaise gestion de ce facteur peut totalement modifier
morts entre les scénarios peuvent donc parfois être suffisam- votre expérience de jeu. Tiàn Xia s’étale sur vingt ans, cela
ment conséquents pour y placer vos propres développe- implique que les personnages vont changer au moins
ments. Ainsi, « Au Service du Censorat » est un exemple autant que l’univers autour d’eux et qu’ils doivent sentir
même de ce qu’il est possible de faire comme scénario pour non seulement le poids des années, mais également perce-
remplir les divers creux que vous voudriez combler lorsque voir ce changement d’époque. Leurs trajectoires person-
les personnages sont sous les ordres du Qin, mais les possi- nelles seront d’autant plus variées que certains pourront se
bilités sont presque infinies. La chronologie ci-dessus vous couvrir de gloire mais ne connaîtront que la solitude alors
permettra d’organiser cela au mieux en vous fournissant de que d’autres choisiront de foncer des familles et pour cela
nombreuses pistes via les évènements historiques décrits.. devront mettre un peu de côté leur destin héroïque.

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Faire jouer Tiàn Xia

certains s’enchaînent, à plusieurs années. Si vous voulez


justement que votre univers soit vivant et que vos joueurs
Tiàn Xia et l’Histoire s’y impliquent, il est très important de leur donner corps.
En effet, même lorsqu’ils ne sont pas joués, les person-
Comme le montre la chronologie, la nages continuent pourtant à vivre et à évoluer. Vos joueurs
campagne prend place dans une réalité histo- ne se feront pas prier pour vous le rappeler.
rique bien précise. De même, une partie non
négligeable des interlocuteurs des personnages L’expérience entre les scénarios
ont réellement vécu il y a plus de deux mille L’expérience acquise par un personnage entre deux
ans dans ce qui allait devenir la Chine et ont scénarios a une réelle importance sur son développement
participé aux événements qui sont ici décrits. personnel et ne doit donc pas être négligée. Toutefois elle
Toutefois, l’objet de ce supplément et comporte un certain nombre de spécificités qui fait que nous
de sa suite n’est ni de décrire avec précision vous conseillons d’appliquer une règle légèrement différente
cette période, ni de remplacer un livre de celles de l’étude décrites dans le Livre de Base.
d’Histoire. Il s’agit d’une campagne de jeu de En effet dans une telle situation, le personnage ne
rôle et à ce titre, nous n’avons pas hésité à se consacre généralement pas à une seule tâche et il répartit
modifier la réalité historique chaque fois que son temps entre ce qui lui permet d’obtenir sa pitance, ses
nous l’estimions nécessaire pour améliorer son loisirs et autres obligations ; il ne planifie pas réellement
intérêt ludique. Cependant, nous avons fait sa propre vie. De plus, il n’a aucune idée du moment où la
énormément de recherches et tenu à coller au période « calme » va s’arrêter et quand va commencer le
plus près de la Grande Histoire pour nous assu- prochain scénario. Il est d’ailleurs intéressant que vos
rer qu’à chaque fois que nous nous en écar- joueurs l’ignorent également.
tions, ce ne soit que sur des points mineurs et
uniquement pour améliorer le plaisir de jeu. Pour gérer au mieux les diverses progressions dues
à ces périodes, nous vous conseillons la méthode suivante :

• Réfléchissez à un nombre de points d’Apprentissage que


vous êtes prêts à donner en fonction de la durée du temps
mort et des conditions (plus ou moins de temps disponible,
Apprentissage et progression
des personnages accès au savoir, etc.). Un point par mois peut constituer
une bonne base.
• Demandez à vos joueurs ce que cherchent à faire leurs
85
Le Livre de Base (p.249) décrit de façon très personnages suite aux derniers événements que vous avez
complète les règles d’expérience et d’apprentissage. Cette joués sans leur dire pour l’instant pendant combien de
campagne a été prévue pour une telle évolution, avec des temps va durer l’inter-scénarios.
personnages gagnant de l’ordre de quatre points • En fonction de leur réponse, dépensez les points à leur place
d’Apprentissage par session : c’est-à-dire environ une et augmentez les caractéristiques de leurs personnages.
quinzaine par scénario. Toutefois ceci n’est qu’une base à • Expliquez-leur ce qui s’est passé dans la vie de leurs per-
laquelle viennent s’ajouter les évolutions découlant de la sonnages et comment ils se retrouvent impliqués dans le
gestion des temps morts et certaines attributions faites pour prochain scénario.
renforcer l’effet épique.
Ainsi, il ne faut pas hésiter à ne donner aucun
point, ou un seul, à des groupes qui ont passé leur session
de jeu à mettre en place un plan sans l’appliquer (vous À titre purement informatif, voici les
aurez l’occasion de voir que la tentation est souvent valeurs par défauts qui nous semblent intéres-
grande) ou inversement à donner dix points à des person- santes pour les différents temps morts de la
nages qui accomplissent des actions grandioses aux première partie. À vous bien sûr de les ajuster
moments les plus adaptés. Par exemple dans la première selon ce qui vous semble le plus adapté.
partie, il est tout à fait concevable de donner un tel nombre N’oubliez pas toutefois que ces points
de points d’Apprentissage aux personnages qui empêchent d’Apprentissage correspondent à une situation
le coup d’Etat et sauvent la vie du Roi, ainsi que lors du où le Meneur choisit les augmentations et où
scénario du procès : mais ce sont à peu près les seuls les personnages se retrouvent donc à monter
moments où ils en mériteront autant. Inversement, récom- de nombreux Talents en même temps et non
penser les personnages de façon classique lors de tels juste à se spécialiser dans un seul.
exploits aurait tendance à leur faire perdre leur éclat.
Entre « Le Prince félon » et le scénario 1 :
12 points
La gestion des temps morts Entre le scénario 1 et le scénario 2 : 12 points
Entre le scénario 2 et le scénario 3 : 0 points
Entre le scénario 3 et le scénario 4 : 36 points
Les temps morts, ou « inter-scénarios », sont les
phases généralement non jouées qui séparent deux scéna-
rios. Ils peuvent aller de quelques heures ou jours lorsque

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Cette méthode a notamment l’avantage de vous
permettre d’obtenir des retours de vos joueurs sur la cam-
Difficulté et fatalité
pagne. Ainsi, sans forcément avoir l’air d’y toucher, vous
pourrez vous faire une idée assez précise de ce qui leur Comme signalé précédemment, la campagne n’est
plait ou ne leur plait pas et vers quel type de scénarios ils pas facile et les joueurs qui sont habitués à tout réussir, parce
souhaitent voir leurs personnages évoluer. Il s’agit donc que leur Meneur de Jeu ne veut pas se fâcher avec eux et/ou
d’une source d’informations de première main que vous sous prétexte que les personnages sont des héros, risquent
seriez mal avisé de négliger. d’être très surpris. Il n’est en aucun cas question de se mon-
trer sadique, de blesser ou tuer les personnages pour le plaisir
Bien entendu, si vous choisissez de profiter des mais aucun héros n’en mériterait le titre s’il n’avait à faire à
temps morts pour y insérer des scénarios de votre cru, il une opposition digne de lui. La campagne est donc conçue
vous suffit alors de distribuer les points d’Apprentissage pour mettre une pression réelle et durable sur les épaules des
en fonction de ces aventures vécues par les personnages personnages et, bien souvent, la façon de réussir ou
selon la méthode habituelle. d’échouer importe plus que le succès.
Incorporation d’un nouveau personnage La pression
Tiàn Xia est loin d’être une campagne facile pour En effet, nous avons inclus pas mal de gardes-
les personnages : elle est ardue et longue. Il est donc très fous pour permettre aux personnages de s’en sortir même
probable que tôt ou tard, de nouveaux venus rejoignent le si les joueurs sont un peu moins bien inspirés que d’habi-
groupe soit parce que vous incorporerez un nouveau tude ce jour-là. Ainsi Li Si interviendra pour les soutenir
joueur, soit parce qu’un ancien changera de personnage. s’ils n’arrivent à se décider sur la condition de Lao Ai, ou
Vous vous poserez alors sûrement la question de l’Architecte royal se retournera contre Mao Jiao lors du
sa puissance : le personnage doit-il être un débutant ou procès pour leur éviter une mort certaine et collective s’ils
doit-il pouvoir tenir la dragée haute à ceux qui sont pré- ne se montrent assez bon manipulateurs pour s’en sortir
sents depuis le début ? La solution que nous vous par eux-mêmes.
conseillons est de lui donner autant de points
d’Apprentissage qu’en ont obtenu les autres lors de temps La survie des personnages n’est donc pas forcé-
morts au commencement desquels il avait au moins 16 ans. ment l’enjeu, car personne n’a réellement envie d’arrêter la
Ainsi les « vieux de la veille » conserveront un avantage campagne en cours juste parce qu’ils sont tous morts lors
mais celui-ci ne sera pas démesuré. Attention toutefois à la d’un scénario. Mais ils n’ont à aucun moment besoin de le
façon dont seront dépensés ces points, car ils deviennent
86 rapidement nombreux et les anciens joueurs n’ont pas eu la
savoir ou de comprendre quelles parties du scénario sont
courues d’avance et lesquelles sont laissées à leur créati-
possibilité d’optimiser leur dépense. Entre de mauvaises vité. Le véritable enjeu est alors de s’assurer qu’ils aient
mains, cela pourrait créer un sérieux déséquilibre à l’avan- une pression quasi permanente pour les motiver et les faire
tage du nouveau venu. aller de l’avant. Elle peut prendre de nombreuses formes,
de la plus évidente et la plus rapidement lassante (la
La vieille garde menace) aux plus pernicieuses et plus durables (comme la
Ce point sera détaillé plus tard, mais la question pression sociale ou des enjeux élevés en permanence).
de l’âge et du vieillissement est également très importante.
Avant tout, ces périodes sont l’occasion de voir les person- Vous trouverez toutes ces formes de pression dans
nages vieillir, mûrir, avoir leurs premiers cheveux blancs, divers épisodes de la campagne, mais il faut garder à l’es-
etc. Pour garder la cohérence de l’univers et souvent des prit qu’en plaçant les personnages au centre des événe-
personnages, il y a un grand nombre d’éléments permettant ments, elle leur impose de fait une pression permanente et
de réellement les développer qui trouvent parfaitement leur que c’est justement ce qui leur permettra de prendre la
place dans les temps morts, car pas toujours agréables à mesure de leurs actions héroïques. Ainsi en rendant les
gérer durant les scénarios choses faciles - au moins en apparence -, en leur donnant
Le premier d’entre eux est la famille. Dans une trop d’indications ou en baissant le niveau de l’opposition,
société où elle est l’unité de base et le symbole même de la vous vous attirerez peut-être les bonnes grâces des joueurs
civilisation, il y a peu de chance que les personnages ne pour la fin de la soirée, mais vous diminuerez leur plaisir à
tentent pas de fonder la leur durant les vingt années que moyen terme et vous les priverez de la joie de tous ces
dure la campagne. Encouragez-les, et faites de même pour moments où ils pourront faire le point et regarder le che-
toute tentative de leur part de s’investir dans le monde qui min qu’ils ont parcouru. Vous pouvez bien entendu leur
les entoure. Cela créera de formidables motivations pour faciliter les choses, tricher autant que vous voulez derrière
les prochains scénarios. votre écran de jeu ou changer complètement un scénario à
À noter également que la question du vieillisse- leur avantage : peu importe mais il est essentiel qu’ils ne
ment sera encore plus importante dans la seconde partie de sentent pas ce geste de votre part.
la campagne. Toutefois, parce que nous voulons que les
sages aux longs sourcils qui vivent au sommet des mon- Bref, vous pouvez les martyriser autant que vous
tagnes restent des maîtres incontestés dans Qin, nous voulez et vous pouvez être sûr qu’ils en redemanderont,
n’avons pas inclus de règle permettant de simuler la dégé- mais vous devez respecter constamment deux règles :
nérescence physique due à l’âge.

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Faire jouer Tiàn Xia

• Ne pas oublier que Qin reste un jeu et garder donc toujours personnages soient le plus régulièrement possible confrontés
une totale bienveillance envers les joueurs. Il est parfois aux résultats de leurs actions. Il existe de très nombreuses
facile d’oublier de quel côté de l’écran on se trouve mais le façons de rendre cela, mais une des plus efficaces est sans
but de la partie ne saurait être autre que prendre du plaisir aucun doute de restituer les réactions des habitants du
avec ses camarades de jeu. Tant que vous observez cette Zhongguo : de la foule qui les conspue ou chante leurs noms
bienveillance inconditionnelle vis-à-vis des joueurs et qu’il aux victimes innocentes de leurs actes, des petits garçons qui
n’y aura aucune ambiguïté, vous pourrez continuer à ajouter les prennent comme modèles ou des jeunes filles qui pré-
des embûches sur la route de leurs personnages pour qu’ils voient de les épouser plus tard aux garnements qui chantent
s’amusent encore plus. Si vous vous pensez supérieur, com- des chansons se moquant d’eux.
mencez à dénigrer vos joueurs car ils ne se sortent pas des Enfin, ces choix doivent avoir un coût (qui se
pièges que vous-mêmes leur avez tendu ou oubliez que les confond souvent avec l’enjeu), comporter un risque. Un
péripéties ne servent qu’à leur faire apprécier davantage la héros doit vaincre le péril pour connaître la gloire. Et à partir
partie, il est grand temps de consulter ou, à défaut, de repas- du moment où le choix est fait, le personnage peut très bien
ser pendant un temps de l’autre côté de l’écran. mourir car c’est son choix de tenter sa chance et de prendre
• Rien de ce que vous leur faites ne doit être gratuit. la décision de mener cette action qui conditionne son statut
Jamais. Il est en effet très facile et très efficace de repérer ou non de héros. Cela pourra d’ailleurs être sa façon de ren-
ce à quoi le personnage (et/ou le joueur) tient le plus et de trer dans la légende. Même dans ce cas extrême, la mort a
l’en priver momentanément ou définitivement. Et en effet désormais un sens et participe à l’histoire, elle devient donc
la plupart du temps, cela marche : consciemment ou pas, acceptable car le joueur savait qu’il y avait des risques et il a
si un joueur développe son personnage en mentionnant son choisi d’y faire face en toute conscience.
lien avec un objet ou une personne, c’est qu’il veut que
vous vous en serviez pour lui proposer des parties mettant Mais attention, il est impossible pour qui que ce soit
en scène ces éléments. Toutefois, il se peut aussi qu’il ait de supporter une pression constante et il est donc critique
ses idées en tête à ce sujet et vous ne devez pas le dépos- d’aménager des parties dans les scénarios où les joueurs puis-
séder de son personnage en le privant arbitrairement de ce sent à la fois l’évacuer et bénéficier de petites gratifications par
qu’il prévoyait. Vous ne devez donc vous en prendre aux l’intermédiaire de leurs personnages. Il s’agit généralement de
personnages que si cela apporte quelque-chose et que cela petites situations faciles à résoudre qui permettent de souffler,
permet de rebondir vers une nouvelle intrigue plus intéres- et donc de mettre en valeur ce qui se passe avant et après, et
sante. Il faut en fait que ce qui peut d’abord paraître hostile aux joueurs de continuer. Là encore, les interlocuteurs des per-
au personnage soit en fait un cadeau pour le joueur. sonnages, ou une chance inattendue, sont des moyens privilé-
giés de mettre en scène de tels moments.
Faire des choix et s’y tenir coûte que coûte : c’est Tous les joueurs n’acceptent pas ce genre de parties
87
exactement la base du comportement du héros. Car pour tendues en permanence. Vous devez donc accorder une atten-
mériter ce qualificatif, un personnage doit avoir des choix tion toute particulière sur ce que demande la campagne et ce
à faire – généralement relever ou non un défi – et ce sont que peuvent endurer facilement vos joueurs. Là encore, la
ces choix qui lui confèrent cette aura si particulière et non bienveillance permet généralement de bien faire passer les
simplement sa puissance comme on le croit de plus en plus choses mais il sera parfois nécessaire d’adapter la campagne
souvent. Pour autant ces situations doivent partager cer- (après tout, il est tout à fait possible de l’édulcorer) ou de la
taines caractéristiques. jouer sans une personne en particulier.
D’abord, être réellement maître de ses choix. Pour
pouvoir tirer une satisfaction à se comporter comme un La mort
héros, il faut avoir la possibilité de ne pas se comporter Tôt ou tard viendra un moment où les person-
comme tel de temps à autre : pour être courageux, il faut être nages seront dans une situation telle que la mort semblera
capable de céder à la lâcheté. Cela veut dire concrètement inévitable sous peine d’enlever toute la crédibilité à la
que si vos joueurs refusent d’envoyer leurs personnages dans campagne. Ces moments ne sont pas si nombreux car il est
une situation qui leur semble inextricable, ne les forcez pas. très rare que vous ne puissiez improviser un retournement
Continuez la campagne en prenant en compte cette fuite et de situation, une capture, une blessure ou un coup de théâ-
faites évoluer le monde en fonction de ses conséquences (car tre qui permettent de leur sauver la mise. Pourtant, abuser
il y en a toujours !). Encore une fois, si vous pouvez incarner de ce procédé est le meilleur moyen de donner aux joueurs
des habitants du Zhongguo déçus par leur comportement, un sentiment d’impunité et de faire s’envoler toute pres-
gardez-vous bien de toute conclusion même vaguement sion. Il est donc important que, sans chercher à le provo-
morale vis-à-vis de vos joueurs. quer, lorsque les scénarios comportent des scènes dange-
Ensuite, ces choix doivent avoir des enjeux et des reuses, elles le soient vraiment et que les joueurs puissent
conséquences, positives comme négatives. Ils ne deviennent perdre leur personnage. Il est toutefois préférable que cela
impliquants que s’ils peuvent avoir un effet sur le personnage arrive en début de campagne et que cela résulte de choix
ou son environnement. De ce côté-là, Tiàn Xia est abondam- volontaires de leur part.
ment fournie : nos héros sont au centre des évolutions du Attention toutefois à toujours assurer la conti-
monde et tout ce qu’ils font a d’énormes conséquences sur nuité de Tiàn Xia en veillant à ne pas couper trop tôt cer-
eux ou sur le monde autour d’eux. Certaines d’entre elles taines intrigues par la mort accidentelle de personnages-
sont déjà connues à l’avance (les enjeux), d’autres pas mais clés, même si vous devez garder à l’esprit que le véritable
à la fois pour préserver une certaine intensité dramatique et héros de la campagne est le groupe des « bouchers de
pour garder le monde cohérent, il est très important que les Quzhi » et non l’un ou l’autre des ses membres.

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Dans tous les cas, faites bien attention à conserver En effet, Ying Zheng est le Roi autoritaire et para-
une trace des personnages morts durant les différents scé- noïaque du Qin et ne va pas tarder à devenir un des dicta-
narios et à soigner leur fin, surtout s’il y a un moyen que teurs les plus sanguinaires de l’Histoire. La démesure sem-
ceux-ci aient au final survécu (sans que leur joueur le ble être ce qui le caractérise le plus et il peut à la fois s’em-
sache) et puissent penser avoir été trahis par leurs compa- porter on ne sait comment (et ses colères peuvent coûter la
gnons ; ils pourront ainsi revenir au meilleur moment vie à des dizaines de milliers d’hommes) et rester froid et
entre vos mains, en tant que personnages non joueurs, pour stoïque par rapport aux pires atrocités. Il n’est pas homme
surprendre votre groupe. Un tel retour est d’ailleurs prévu à s’encombrer de détails et il fait pourtant preuve d’une
dans le second volume de la campagne. sagacité impressionnante quand quelque chose l’intéresse.
De l’autre côté, Ying Zheng est encore un enfant
terrifié qui se sent seul face à une cour de flagorneurs et de
Personnages parasites, qui a fait le serment d’unifier tout ce qui se
trouve sous le Ciel et souhaite réellement apporter la paix
au monde entier sans forcément se rendre compte au début
Enfin, malgré toutes les précautions précédentes, de ce que cela implique. Il n’arrive pas réellement à com-
votre expérience ne sera mémorable que si vos person- prendre pourquoi on lui en veut autant et est content de
nages le sont tout autant. Aussi bien ceux des joueurs natu- trouver un soutien dans les personnages alors que même sa
rellement (après tout ce sont eux les héros), que ceux que mère et celui qu’il considérait comme un second père le
vous aurez à incarner en tant que Meneur de Jeu. trahissent.
Que ce soit à Xianyang ou au sein des divers scé-
narios proposés, les interlocuteurs des personanges sont Même si vos personnages sont opposés aux visées
aussi nombreux que variés et il est impossible de tous les du Qin, il est très important qu’ils s’attachent au Roi, ne
décrire. Toutefois un certain nombre d’entre eux possèdent serait-ce que sur un plan personnel et pas forcément poli-
une prestance et un poids qui les rendent particulièrement tique. En mettant en avant son aspect contrasté et humain,
difficiles à incarner. Ainsi par exemple, à part le cas parti- vous devriez parvenir sans trop de problème à poser les
culier de Ying Zheng et de ses ministres, le plus délicat à bases de cette relation, mais elle ne sera pas forcément évi-
interpréter est sans doute Mao Jiao tant son intervention au dente à gérer sur le long terme. Le Roi récompense autant
procès nécessite des capacités d’argumentation et une qu’il punit et il faut vraiment que vous apportiez un soin
répartie à toute épreuve. De même, il est difficile d’imagi- particulier aux scènes qui permettent de le rapprocher des
ner Lu Buwei bafouiller au milieu d’une phrase ou cher- personnages (comme le coup d’Etat du premier scénario et
cher ses mots. sa visite dans leurs geôles à la fin du quatrième scénario).
88 Outre le fait de bien s’imprégner des diverses
motivations des ces personnages, un des meilleurs moyens Les personnages des joueurs
de s’assurer d’avoir le bon ton pour de telles pointures est Voici enfin l’aspect le plus important de Tiàn Xia :
de se préparer, sinon des dialogues, du moins des phrases- les gestion des personnages des joueurs.
types qui pourraient être prononcées lors des interactions-
clés avec les personnages. En effet, écrire ainsi le phrasé Cette campagne a été conçue pour être jouée à
des personnages permet à la fois de les différencier de peu près autant à partir des scénarios décrits dans ce sup-
façon très forte et très expressive mais également de s’as- plément qu’à partir des histoires spécifiques aux person-
surer d’avoir le niveau de langage qui leur correspond et nages de votre table de jeu. L’objectif étant de commencer
une réserve de répliques qu’ils pourraient utiliser en cas de essentiellement par les scénarios et d’insérer au fur et à
passage à vide. mesure de plus en plus d’histoires personnelles pour que
les joueurs soient incapables de dire s’ils avancent sur le
C’est également pour cette raison que dans plu- scénario ou sur une trame spécifique à l’un d’entre eux.
sieurs scénarios, nous avons inséré des scènes de dialogue Cela dit si vous souhaitez aller vite, il est également possi-
qui permettent de garder une certaine intensité et de donner ble de jouer directement les scénarios de ce supplément et
une réelle épaisseur aux différents intervenants. Attention du prochain sans fournir ce travail supplémentaire.
toutefois à ne pas en devenir esclave : cette astuce ne ser-
vira à rien si vos joueurs sentent que vous êtes en train de L’essentiel pour bâtir une telle trame personnelle
lire ou que vous les empêchez d’agir pour finir votre est de prendre un personnage et d’imaginer où il sera dans
phrase. un certain nombre d’années et comment il va évoluer
jusqu’à ce moment, généralement en vous basant sur un
Ying Zheng défaut, une faiblesse ou une blessure qui lui sont caracté-
De tous ceux que vous aurez à incarner, Ying Zheng ristiques. Ajoutez son historique à cela, puis à vous ensuite
est bien évidemment le plus important pour le succès de la de voir comment le faire évoluer au fur et à mesure en
campagne. Véritable personnage principal avec ceux de vos insérant des éléments de cette trame dans les scénarios «
joueurs, il sera le moteur de la plupart des scénarios dans la officiels ».
première partie de Tiàn Xia et la relation qu’il entretiendra Ainsi par exemple, vous décidez de prendre le cas
avec eux aura un impact très important sur la suite. Pourtant, d’un jeune wu xia au moment du premier scénario et, sans
il n’est pas forcément des plus faciles à incarner car à l’image en parler directement avec le joueur mais en fonction de
même du jeu ou du Tao, sa personnalité est composée de ses envies, vous décidez qu’il va prendre des responsabi-
deux facettes que tout semble opposer. lités au fur et à mesure de la campagne mais que celles-ci

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Faire jouer Tiàn Xia

décrit le joueur, et non de l’empêcher de développer ce qui


l’intéresse. Par exemple, si un des personnages vient du Han,
Quels personnages pour il est tout à fait possible qu’il n’ait pas décrit son père et
n’aura rien contre le fait que celui-ci s’appelle « Han Fei Zi
» si vous savez bien présenter les choses.
jouer la campagne ?
Pour faire simple, disons que tous les
types de personnages peuvent participer à la
Trame 1 : Le personnage vient du Han, pour les ser-
vices secrets duquel il pense travailler, et est le fils de Han
campagne, même si les fangshi risquent de ne
Fei Zi dont il croit avoir provoqué la mort. Lors du scéna-
pas se sentir à leur aise durant la période se
rio 1, il recroise son père à Xianyang et celui-ci le recon-
passant à Xianyang. Heureusement pour eux,
naît. Dans le scénario 2, il est confronté au maître de son
ils compensent largement un peu plus tard.
père qu’il est censé tuer. Simultanément il voit disparaître
Faut-il des personnages débutants ? une partie de son héritage avant d’être accusé d’être tou-
jours à la solde du Han dans le scénario 3 et de devoir gérer
Rien ne vous y oblige et la campagne peut éga-
le retour de son père dans le scénario 4 avant de finalement
lement être jouée par des personnages plus expé-
causer sa mort et l’invasion de son Royaume.
rimentés. Nous vous conseillons cependant d’en
créer de nouveaux si vous en avez la possibilité
et d’y inclure les éléments détaillés ci-dessous.
Trame 2 : Le personnage est une jeune femme qui s’est
liée avec le personnage décrit dans la première trame. Sous
Des personnages détestant le Qin les ordres de celui-ci, elle devait tuer Han Fei Zi, mais l’a
sont-ils viables ? juste handicapé, a provoqué son exil et a fait croire à son
fils qu’il était mort. Travaillant ensuite pour le censorat du
Oui, tout à fait. Dans le pire des cas, vous
Han, elle se fait longtemps passer pour une herboriste dans
devrez travailler plus en profondeur à leur
le quartier marchand. Elle y entame une relation passion-
trouver des motivations au fur et à mesure des
née avec un jeune homme de la délégation diplomatique du
sessions, mais les choses devraient se décanter
Han qui s’échappe de la Cité royale tous les soirs pour la
très rapidement.
voir. Dans le scénario 1, elle se retrouve de nouveau en
contact avec Han Fei Zi. Entre les scénarios 1 et 2, sa rela-
tion avec son amant reprend mais le jeune homme doit
retourner au Han avec sa délégation, et elle s’aperçoit
qu’elle est enceinte puis accouche en plein milieu du scé-
(et éventuellement une blessure) vont l’éloigner de la voie
nario 3. Le père propose de garder l’enfant et de lui assurer
89
du perfectionnement martial. Il va devoir apprendre à délé-
guer et à supporter les conséquences de ses actes. une bonne éducation entre le scénario 3 et 4, voire la mani-
Vous devez ensuite placer des éléments de cette pule pour arriver à cette fin. Dans le scénario 4, elle est
trame dans le temps pour qu’elle soit la plus efficace. Pour confrontée directement à Han Fei Zi en public et elle se
reprendre l’exemple ci-dessus, vous pouvez décider de retrouve à menacer d’une arme son amant qui se révèle
laisser la possibilité au personnage d’être remarqué par le être Jin An, le Roi du Han.

Trame 3 : Beaucoup plus classique, un jeune soldat


Roi lors du premier scénario, que ce dernier lui donne des
responsabilités durant les inter-scénarios, qu’il se blesse
lors du troisième, qu’il sympathise avec des soldats durant croit à la propagande royale et utilise sa solde pour
le temps mort suivant et qu’il se retrouve ensuite dans le envoyer de l’argent à ses parents dans le besoin. Il devra
quatrième à diriger ces mêmes hommes qu’il doit sacrifier donc prendre des responsabilités croissantes au fil des scé-
pour mener à bien sa mission d’infiltration dans Pingyang. narios afin de gagner plus. La trame de ce personnage est
pour l’instant peu présente, mais elle devrait être beaucoup
Attention : Cette méthode a un défaut, qui est le risque de plus sollicitée durant la suite de la campagne.

Amusez-vous bien !
déposséder le joueur de son personnage si on n’y prête atten-
tion. Donc toujours sans lui demander directement, sachez
remarquer et exploiter tous les signes pouvant vous indiquer
si vous partez dans la bonne direction ou pas et surtout n’hé-
sitez pas à adapter ce que vous aviez prévu si il vous semble
que cela ne va pas plaire aux joueurs concernés : l’objectif est
ici clairement qu’ils s’amusent davantage, pas qu’ils vous Voici donc les quelques conseils et astuces que
regardent jouer leurs personnages. nous pouvons vous donner pour mettre en scène Tiàn Xia.
Bien évidemment, certains ont dû vous paraître évidents,
Afin de vous servir d’exemple, nous avons incor- d’autres plus surprenants, mais tous ont été testés et ont
poré les trames suivantes dans les scénarios. N’hésitez pas à permis d’ajouter à l’intérêt de la campagne. Car, comme
les adapter pour vos joueurs (voire à leur faire les utiliser sans tout en manière de jeu de rôle, c’est ce que vous apporterez
qu’ils s’en rendent compte) ou à les reprendre si vous créez vous-même qui fera que la magie prendra ou pas.
des personnages directement pour la campagne. Mais cela Désormais, c’est à vous de jouer.
marche également très bien avec ceux qui existent déjà :
encore une fois, l’essentiel est ici d’explorer les zones d’om-
bre de l’historique du personnage en fonction de ce qu’a déjà

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Bai Hu, le Tigre blanc de l’Ouest : Servir

Révolution
de palais
90
Dans ce supplément, vous trouverez les quatre
premiers scénarios de la vaste campagne Tiàn Xia. Dans
tous ces scénarios, les personnages sont au service du Qin,
Révolution de
c’est pourquoi ils sont regroupés dans le supplément qui
décrit la ville de Xianyang, capitale de ce grand Royaume
qui continuera à avoir une importance déterminante dans le
reste de la campagne.
palais
Note sur la rédaction technique des scénarios : Ce scénario introduit la première partie de la cam-
pagne Tiàn Xia, entamée dans le Livre de Base de Qin avec
Vous remarquerez que les scénarios ci-après « Vers un monde de forêt et de lacs » puis dans le livret
s’attardent principalement sur les évènements à mettre de l’Ecran avec « Le Prince félon ». Il est suivi bien évi-
en scène et à faire vivre aux personnages, et que l’aspect demment des trois autres aventures disponibles dans ce
technique des aventures est quelque peu mis de côté. supplément et de celles qui paraîtront bientôt dans le
Cela est bien sûr volontaire afin de gagner de la place à second volet de la campagne.
consacrer à l’essentiel. Il peut être joué individuellement mais part du
principe que vos joueurs ont déjà joué « Le Prince félon
C’est donc à vous Meneur de Jeu de traduire cer- » et que leurs personnages sont désormais des héros à part
tains éléments des scénarios en termes techniques. Ainsi, la entière. Pas de panique si ce n’est pas le cas, il existe bien
phrase « S’ils sont observateurs, les personnages remar- des solutions pour contourner le problème mais il est néan-
queront que… » veut tout simplement dire qu’ils peuvent moins conseillé qu’ils aient au moins une première expé-
tenter un Test de Bois + Perception pour remarquer un rience préalable de Qin et qu’ils soient à même d’apprécier
détail de la scène. De même, seuls les PNJ d’envergure les événements auxquels ils vont être confrontés. Car il
sont détaillés. Pour les autres anonymes, c’est à nouveau à n’est plus question désormais d’incarner les champions
vous de les créer succinctement en utilisant la règle des locaux d’une petite ville de province, mais bien d’accom-
Sbires ou en piochant parmi les exemples offerts dans le plir des exploits à l’échelle de Royaumes entiers et de se
supplément l’Art de la Guerre. couvrir de gloire au centre même de l’échiquier politique
du Zhongguo, où leur réputation les a d’ailleurs précédés :
à la cour du Roi Ying Zheng, à Xianyang.

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Scénario : Révolution de palais

Jouer Révolution de
Finies les escortes de futures mariées à la fron-

palais
tière de la civilisation et les assauts de fortins abandonnés.
Fini aussi de garder les bœufs et les chariots : dans ce scé-
nario les personnages auront entre leurs mains la survie de
plusieurs puissants du Royaume et feront connaissance
avec quelques uns des plus sombres secrets de la cour.

Il marque également le véritable début de la cam- Les événements décrits dans ce scénario se pro-
pagne. L’objectif y est donc de commencer fort en impli- duisent durant l’année –238 du calendrier grégorien (en
quant les personnages au cœur des événements qui vont l’an 883 de la dynastie Zhou), soit un an après le scénario
changer à jamais la face du monde, mais sans oublier de « Le Prince félon » paru dans le livret de l’Ecran de Qin.
leur faire rencontrer nombres de personnalités de premier Bien qu’il ne soit pas impossible de faire le
plan, de leur donner un avant-goût de ce qui les attend et contraire, il est prévu pour être joué à la suite de ce dernier
surtout de présenter tout ce qui leur sera nécessaire pour la et c’est la réputation qui y a été acquise par les person-
suite. Il est donc assez linéaire et explicatif, avec certaines nages qui permet de lancer l’action. En effet, suite à leur
scènes dans lesquelles les personnages auront du mal à rencontre avec Lu Buwei, celui-ci gonfle l’importance des
trouver le courage d’intervenir, mais c’est un mal néces- personnages et en fait de vrais héros pour couvrir ce qu’il
saire afin de bien poser les bases de la campagne et de lui s’est réellement passé à Quzhi. Ainsi, même si personne ne
donner un souffle qui lui soit propre. N’hésitez pas à pio- les a jamais vus - et encore moins rencontrés - à part
cher dans la description de Xianyang si vous voulez rajou- quelques soldats de l’armée du régent, la plupart des mem-
ter des événements ou des personnages pour l’étoffer. bres de la cour du Qin ont entendu parler d’eux et de leurs

Introduction
exploits, imaginaires ou réels.
Cependant, le scénario commence dans le pire
des endroits pour les personnages : les geôles de la cité
royale de Xianyang. Vous pouvez tout à fait décider de les
y faire débuter dans le feu de l’action ou de vous servir de
l’année entre « Le Prince félon » et « Révolution de
Ying Zheng est le Roi incontesté du puissant palais » pour faire jouer des scénarios de votre conception
Royaume du Qin, et nul ne saurait remettre son autorité en et y justifier l’emprisonnement des personnages qui n’ont
cause. Toutefois, il est loin de diriger les affaires de l’Etat. pas encore été reconnus. Les raisons ne manquent pas,
Trop jeune pour assumer une telle responsabilité dès la entre les lois strictes du Qin - dont l’interdiction du port
mort de son père, il a dû se résigner à accepter qu’un d’armes -, les exigences d’une vie aventureuse, un ennemi 91
régent, Lu Buwei, soit nommé et prenne en main l’admi- particulièrement retors et dont il faudra se venger plus tard,
nistration du pays. Si tout s’est passé au mieux pendant des voire le fait que des agents du Censorat viennent directe-
années, le Roi considérant le marchand presque comme un ment les capturer (auquel cas bien sûr, ils ne sont plus réel-
second père, cela fait maintenant trois ans que la cérémo- lement anonymes). Pour voir comment gérer cette année
nie de passage à l’âge adulte aurait dû avoir lieu et la fin au mieux, reportez vous aux conseils page 82.
de la régence avec elle. Les esprits commencent à Enfin pour être à même de continuer la campagne
s’échauffer et de grands bouleversements pourraient bien de la meilleure des façons, il est souhaitable que les person-
voir le jour. nages puissent effectivement se faire remarquer positivement
par le Roi lors de la tentative de coup d’Etat (l’idéal étant
Dans la première partie de ce scénario, les per- bien entendu de lui sauver la vie), qu’ils prennent part à la
sonnages vont devoir se sortir d’une situation pour le mort des enfants de Lao Ai, qu’ils soient mis au courant des
moins délicate avant de découvrir que leur réputation est différentes révélations que dévoile le scénario (la nature du
parvenue jusqu’au sommet de l’Etat. Le Roi leur demande projet Tiàn Xia, la filiation de Ying Zheng…) et rencontrent
alors de bien vouloir lui rendre un service en se rensei- le plus de personnages secondaires possible, qu’ils verront
gnant sur un des eunuques de la cour. ensuite évoluer au fil des scénarios.
Il est toutefois tout à fait possible de jouer ce scé-
La seconde partie correspond à leur enquête au nario de façon indépendante et le coup d’Etat peut très bien
milieu de tous les intrigants, eunuques et hauts-fonction- clôturer une mini-campagne. Cela dit, il ne sera pas forcé-
naires qui peuplent les allées de la Cité royale, avant de ment facile de rebondir après les événements qui y sont
découvrir qu’un coup d’Etat se prépare et que la vie du dépeints si on ne met pas en place directement les éléments
Roi, isolé à l’extérieur de la ville, est en danger. permettant de faire le lien avec une éventuelle suite.

Enfin, les personnages seront confrontés au coup


d’Etat en lui-même, et à ses terribles conséquences sur la Ce qui s’est réellement passé
famille et l’équilibre du Roi. Héros du Qin et peut-être
même infanticides, ils apprendront que l’ignorance est par-
fois la meilleure des protections. Voilà trois ans que le Roi du Qin, Ying Zheng,
aurait du se rendre à Yong pour y participer à la cérémonie
célébrant son passage à l’âge adulte, la fin de la régence et
sa prise de pouvoir effective. Accessoirement cette céré-
monie est surtout, sous couvert de tradition, un moyen

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démêler cet écheveau. Son plan est donc très simple : soit
les personnages échouent, auquel cas leur réputation a été
largement exagérée par Lu Buwei et celui-ci perd la face
L’Empereur et l’Assassin, une auprès du Roi, soit ils se montrent à la hauteur et dévoilent
la supercherie, ce qui fait chuter le premier ministre encore
inspiration de premier ordre. plus vite et offre à Li Si un groupe d’individus particuliè-
rement compétents à son service. Fort de cette position
Malgré quelques choix narratifs dif- confortable, le ministre des Lois et des Noms tente donc
férents, les événements décrits dans ce scéna- d’aider le plus possible les personnages sur une enquête
rio correspondent à une partie de ceux dépeints dont il connaît déjà l’issue.
dans ce superbe film de Chen Kaige. Et de fait, Malheureusement pour lui, il ignore que le faux
si vous ne l’avez déjà acquis avec l’Ecran de eunuque en question a eu des enfants avec la mère du Roi et
Qin, nous vous encourageons à vous le procu- que, sentant sa position de plus en plus délicate et ayant
rer au plus vite. Il est bien entendu tout à fait appris à Quzhi de la bouche même de Cheng Jiao le secret de
possible de jouer à Qin sans avoir vu ce film, l’origine du Roi avant d’en avoir confirmation par la femme
mais que ce soit comme inspiration visuelle qu’il aime, il a commencé à mettre en place un réseau de
pour les décors et les costumes, pour cerner la relations devant lui permettre d’effectuer un coup d’Etat pour
psychologie de certains personnages, l’inten- évincer l’usurpateur et donner le trône à l’un de ses fils.
sité de certaines scènes ou même pour les dia- Toutefois l’irruption de l’un d’entre eux lors du repas que le
logues, il vous sera très utile pour faire ressor- Roi prendra au pavillon de la Reine-mère fera comprendre à
tir au mieux l’ambiance si particulière de cette l’eunuque qu’il est en grand danger et le forcera à agir alors
époque et exploiter Tiàn Xia au maximum de qu’il n’est pas encore tout à fait prêt.
ses possibilités. À tel point qu’en hommage à Au milieu de tout cela, un assassin prétendant
ce magnifique film, nous en avons gardé un faire partie des Clochettes tressées pour s’assurer de meil-
des personnages non historiques (mais parmi leurs tarifs va encore ajouter à la confusion.
les plus emblématiques) dans la campagne et
que nous avons cherché à faire en sorte que ce

Première partie : Une


scénario soit certes jouable sans le film, mais
prenne tout son sel pour ceux l’ayant vu. Nous

bien curieuse demande


avons également repris quelques-unes des
tirades afin que vous puissiez le regarder plus
92 tard avec vos joueurs et qu’ils aient plaisir à
imaginer leurs personnages évoluer au milieu
des acteurs du film.

Les geôles de la Cité royale


pour Qin Long de s’assurer un contrôle total sur chacun Dans les sous-sols de la Cité royale se trouve une
des monarques du Royaume. Toutefois le régent comme la des visages les plus sinistres du Royaume légiste : les geôles
Reine-mère font pression pour retarder sans cesse cette royales. Des milliers de hors-la-loi, de bandits, de mendiants
cérémonie, ce qui n’est pas sans créer des tensions et des voire même de simples dissidents y sont gardés prisonniers
rapports de force houleux. Le dernier en date s’est produit et on compte chaque jour par dizaines les torturés, mutilés,
il y a peu à la cour entre le Roi et son Premier ministre et punis ou exécutés. Car à Xianyang encore plus qu’ailleurs,
régent, Lu Buwei, et s’est terminé par la mise à pied offi- rendre la justice est une affaire de professionnels et on le fait
cieuse de ce dernier qui est depuis en train d’attendre son comme on fait tout le reste : de façon méthodique, ordonnée
heure dans son palais du quartier noble. Les deux hommes et en masse. Les salles dans lesquelles sont retenus les pri-
se portent toujours un respect certain mais aucun n’est sonniers sont immenses, les jougs faits pour que l’on puisse
encore prêt à faire le premier pas, surtout s’il implique de marquer au fer rouge cinq ou dix personnes en même temps
perdre même partiellement la face. et les chariots destinés à évacuer les membres coupés et les
Parallèlement, le ministre des Lois, Li Si, qui cadavres à la nuit tombée ont des emplacements réservés à
convoite lui aussi la place de premier ministre, a eu vent même de faciliter leur chargement.
par ses hommes de l’ombre non seulement du fait que les Sous le patronage de Tu Er Po, c’est donc une
personnages vantés depuis des mois par le régent se trou- fourmilière qui s’agite jour et nuit pour accomplir un tra-
vaient dans les geôles royales, mais également qu’une ser- vail certes ingrat mais nécessaire au régime politique du
vante avait été violée et battue par un serviteur ivre de la Royaume. Les gardes amènent généralement des cargai-
Reine-mère, le dénommé Lao Ai. L’affaire n’aurait même sons entières de prisonniers qui sont classés selon leur sexe
pas attiré son attention si le serviteur en question n’était et le type de traitements qu’ils doivent recevoir, car rares
censé être un eunuque et n’avait été offert par Lu Buwei à sont les malheureux qui viennent là et dont le sort n’a pas
la mère du Roi. Li Si apprit donc au Roi que des rumeurs déjà été fixé : ils meurent généralement dans les salles de
couraient sur la condition de Lao Ai et il le convainquit de torture et il n’est pas rare que leurs pourtant très officiels
faire appel aux glorieux « bouchers de Quzhi » pour aveux soient posthumes et signés de la main du scribe en

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Scénario : Révolution de palais

fonction à ce moment-là. Les autres sont parqués dans de lieu et s’ils sont perspicaces, ils devraient vite s’apercevoir
vastes cellules collectives après avoir reçu une tunique que de nombreux groupes ou clans se sont formés dans les
couleur sable, parfois encore tâchées des restes de leur pré- cellules (allant même jusqu’à monter la garde à tour de rôle
cédent propriétaire, et avoir été interrogé par un scribe. En la nuit), et que lorsque les choses dégénèrent il vaut mieux
effet, Tu Er Po garde une comptabilité très précise du nom- faire partie de l’un d’eux. Quoi qu’il en soit, à part peut-être
bre de prisonniers passant par ses services, de leur destina- justement un ou deux des meneurs, les coups sont portés
tion et surtout de leur provenance, qu’il s’agisse d’un autre presque exclusivement à mains nues et par des combattants
Etat ou d’une commanderie du Qin, en espérant que le n’ayant que peu d’expérience du combat. Pour autant, la plu-
ministre des Lois lui permette de faire couvrir ses frais par part le font avec une véritable hargne qui témoigne à la fois
les diverses administrations en question. du fait que ce soit leur seul défouloir de la journée et qu’il
arrive généralement malheur à ceux qui sont considérés
À part croupir dans des cellules surpeuplées et comme des lâches.
humides où la distribution de nourriture journalière se fait
rarement sans bagarre et sans morts, les prisonniers peu- Une fois que vous estimez que les personnages se
vent y découvrir un grand nombre d’activités dont aucune sont assez confrontés aux joies de la vie carcérale et ont pu
n’est vraiment rassurante. Selon le passé de l’individu, les constater son manque de perspectives à long terme ou se sont
peines les plus courantes sont l’amputation des mains fait trop remarqués par leurs prouesses martiales, les gardes
(généralement avec un sabre chauffé à blanc) ou de la profitent d’une bagarre pour faire une descente dans la cel-
langue, le bris des jambes, le marquage au fer rouge, la lule. Là encore, ils ne font pas les choses à moitié : des arba-
pendaison ou l’écartèlement (mais le plus souvent, ce létriers tirent sur ceux qui ne se sont pas éloignés assez rapi-
genre de choses se fait en public) ou le supplice de la dement de la porte de la cellule et une trentaine de gardes en
balançoire. Celui-ci consiste à allonger le supplicié, la tête rangs serrés et lourdement armés pénètrent dans la cage,
en avant sur une planche en bois que des gardes font se n’hésitant pas à tuer tous les imprudents qui osent se mettre
balancer de plus en plus vite et de plus en plus proche du sur leur chemin. Mais ceux-ci sont peu nombreux tant les pri-
mur. Les simples peines d’emprisonnement sont extrême- sonniers semblent connaître et redouter ce genre de manœu-
ment rares et sont le plus souvent dues à des erreurs admi- vre ; tous courent se masser contre les murs, le plus loin pos-
nistratives, à la volonté de garder une personne à disposi- sible des soldats qui en profitent pour se saisir de dix prison-
tion de celui qui l’a faite enfermer, ou encore de simples niers dont les personnages et certains de leurs opposants.
périodes de transit avant de partir gonfler les rangs de l’ar- Naturellement ils peuvent résister, mais quelques coups de
mée ou des ouvriers des chantiers publics. La quasi-totalité sabres ou carreaux d’arbalètes devraient rapidement les
des prisonniers ressortent donc de ces geôles dans des ramener à la réalité. Même prendre celui qui semble être l’of-
délais plus ou moins courts, mais pas toujours en vie et ficier en otage n’amènera qu’un bref répit, Tu Er Po sait ce
93
encore moins souvent entiers. Certains, plus forts, plus qui l’attend en cas d’évasion et il ordonnera lui-même qu’on
malins ou juste plus désespérés, se débrouillent pour faire abatte l’otage si nécessaire.
châtier d’autres prisonniers à leur place et créent une ridi- Avec plus ou moins de mal donc, les personnages
cule et violente cour des miracles au sein des cellules sur- des joueurs et les autres prisonniers sont amenés devant un
peuplées. Mais ici point de contrebande ou de complexe joug à cinq places pour être marqués au fer rouge. On y ins-
système de troc et d’influence, juste une hiérarchie brutale, talle de force cinq personnes (avec le moins de personnages
presque animale, qui permet aux plus forts d’accaparer le possible, l’idéal étant de n’en mettre aucun) et le geôlier
plus de nourriture, d’éviter les peines et de choisir leurs chargé d’administrer la peine prend un réel plaisir à rendre la
partenaires sexuels plutôt qu’être choisis par eux. chose encore plus désagréable en faisant durer ou en prome-
nant son tisonnier à proximité des visages ou des yeux, allant
jusqu’à éborgner un des prisonniers en le marquant à l’œil
Un invité surprise pour le punir de lui avoir craché à la figure. Puis des gardes
les détachent pendant qu’on installe les cinq prisonniers sui-
vants sur le joug devant un geôlier impatient de continuer son
Les personnages commencent le scénario au sein petit jeu sadique. Pourtant, alors qu’il commence ses
d’une de ces vastes cages où sont massées des dizaines de manœuvres d’intimidation, une clameur vient de l’autre
personnes, agressées par les cris permanents et les diverses extrémité de la prison et l’interrompt. Les personnages ne
odeurs, au premier rang desquelles celle du sang et de l’urine voient pas ce qui se passe mais les yeux écarquillés des
séchés sur leurs tuniques. Mais contrairement à ce qu’ils gardes qu’ils ont en vis-à-vis semblent leur confirmer que
pourraient penser, il n’ont guère le temps de s’y ennuyer. c’est important. Tout comme le silence qu’ils entendent pour
Rapidement les autres prisonniers commencent à les jauger la première fois depuis leur arrivée : les cris, hurlements et
et, surtout si les personnages ont l’air athlétiques, les gémissements ont tous cessé…
meneurs ne tardent pas à venir tenter les intimider, voire à les Au bout de quelques minutes, le geôlier revient
frapper s’ils sentent que leur statut peut être menacé. Les per- apparemment très mal à l’aise et se jette au sol en pleurni-
sonnages sont devant un choix difficile : se laisser faire et chant : « Voici les hommes que vous m’avez demandés,
c’est la porte ouverte aux abus et aux exigences dégradantes maître Tu Er Po ». Rapidement, après que de très stricts
(baiser les pieds, passer à quatre pattes entre les jambes de soldats en noir aient entouré les environs immédiats du
celui qui l’exige) ou faire face et risquer le passage à tabac et joug et l’homme prostré par terre, trois hommes arrivent.
probablement la bagarre générale dans la cellule. Mais qu’ils L’un d’entre eux est reconnaissable sans gène, il s’agit du
y participent ou pas, cette dernière finira fatalement par avoir responsable en chef des geôles royales Tu Er Po. Les deux

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autres, un jeune homme d’une vingtaine d’années et un
plus âgé - sans doute de quinze ou vingt ans - portent des
atours majestueux et éclipsent totalement le maître des
lieux de leur stature. Un Test de Renommée réussi permet
de reconnaître Ying Zheng, Roi du Qin, et Li Si, son minis-
tre des lois et des noms, et les personnages feraient bien de
s’en rendre compte rapidement tant les gardes autour n’hé-
sitent pas à se montrer brutaux s’ils s’adressent à eux sans
la déférence due à leur rang. À la surprise générale, Ying
Zheng s’adresse à eux directement et leur demande s’ils
sont bien les vaillants « bouchers de Quzhi » dont Lu
Buwei n’a eu de cesse de vanter les mérites. À ce stade,
qu’ils aient effectivement participé ou pas aux massacres
de Quzhi n’a aucune importance tant qu’au moins certains
d’entre eux ont rencontré le régent. Le Roi n’est pas
homme à faire dans le détail et seul un refus pourrait attirer
davantage son attention, auquel cas il se montrerait amusé
et questionnerait plus avant le personnage sur les raisons
de son mensonge (au joueur de comprendre que Ying
Zheng ne saurait admettre s’être trompé, surtout en
public). Il les fait ensuite libérer et leur explique qu’ils
vont devoir se mettre un bandeau sur les yeux pour être
escortés dans un lieu secret où ils seront traités comme les
héros du Royaume qu’ils sont, avant de venir lui-même les
rencontrer une fois qu’ils auront repris des forces.

Le pavillon de Cheng Jiao


Après une marche en extérieur en apparence inter-
94 minable, les personnages sont laissés par la garde à l’inté-
rieur de ce qui semble être un bâtiment. Alors qu’une voix
féminine leur demande d’enlever leurs bandeaux, ils s’aper-
çoivent qu’ils sont au milieu d’un pavillon aux mille
richesses dont le luxe est bien supérieur à tout ce qu’ils ont
pu voir jusqu’à présent. Un banquet digne d’un prince a été
préparé pour eux et d’avenantes servantes (ou serviteurs pour
que nos jeunes héroïnes ne soient pas en reste) ont été lais-
sées à leur disposition pour satisfaire leurs moindres désirs, y
compris et surtout les plus inavouables. Tout a été fait pour
que les personnages se sentent à l’aise et relâchent leur garde.
S’ils s’inquiètent de ne pas voir arriver le Roi, les servantes
les calment en leur expliquant que tout ce qui se trouve ici est
un cadeau de sa Majesté et que l’une d’entre elles le fera
avertir dès qu’ils seront reposés, nourris et surtout suffisam-
ment propres pour le recevoir. Tôt ou tard, avec ou sans les
servantes, les personnages devraient donc aller se baigner
dans la grande salle d’eau du pavillon.

Ying Zheng n’est pas à proprement parler connu


pour son goût de la mesure. Il donne sans compter lorsqu’il
veut récompenser ou honorer un hôte, et ses punitions sont
généralement définitives. Pourtant ce n’est vraiment pas
pour compenser le séjour dans les geôles des personnages
qu’il leur a prévu de telles réjouissances.
Sous l’influence de Li Si et grâce à la réputation
que leur a faite Lu Buwei, il a décidé de faire d’eux des
agents du Censorat et de leur confier une mission qui lui
tient à cœur. Mais avant de les enrôler, il veut vérifier lui-
même leurs talents en leur faisant passer un test. Aussi
lorsqu’ils sortent de leur bain, des agents du Censorats aussi Li Si

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Scénario : Révolution de palais

nombreux qu’eux, sont cachés dans le pavillon (dans les j’ai besoin de héros tels que vous. Je veux que vous rejoi-
poutres, derrière une tenture, etc.) et tentent de les prendre gniez le Censorat en tant que cellule indépendante et que
par surprise. S’ils utilisent de vraies armes et n’hésitent pas vous travailliez avec mon ministre des Lois à la mise en
à se servir d’un ou deux Taos de faible niveau, ils ne com- place de ce grand projet. Êtes-vous d’accord ? ». Si le
battent pas pour tuer mais pour jauger leurs adversaires et Roi pose la question à chacun individuellement, il ne fait
leur capacité à s’adapter et à retourner la situation à leur de doute pour personne qu’elle n’est que purement théo-
avantage, s’arrêtant généralement collectivement à la pre- rique, comme il n’en fait aucun dans la tête du monarque
mière blessure sérieuse faite à l’un d’entre eux et individuel- qu’ils vont accepter. Même s’il ne supporte pas qu’on lui
lement à la première blessure qui passe leur défense. manque de respect, il parle ici avec son cœur et plutôt que
Pour s’assurer que tout se passe dans les meil- de menacer ou donner un ordre, il n’hésitera pas à chercher
leures conditions, une unité d’arbalétriers a été disposée à à convaincre son interlocuteur en cas de refus.
l’extérieur de façon à abattre tout fuyard (autre que les Une fois ce « détail » réglé, il souhaite néan-
domestiques). moins mettre une nouvelle fois les anciens prisonniers à
Les personnages seront sans doute très surpris par l’épreuve avant de les intégrer aux services secrets du
ce combat, n’hésitez pas à le rendre spectaculaire (duel dans Royaume en leur confiant une première mission qui
les poutres et utilisation des Taos du Pas léger et du Souffle requiert trois qualités indispensables à tout agent du cen-
destructeur, de celui des Mille Abeilles avec les plats du ban- sorat : la prise d’initiative, la capacité à s’adapter et sur-
quet ou de la Force insufflée avec les tentures, etc.) et à leur tout la discrétion. S’ils réussissent, ils en deviendront
montrer qu’à Xianyang, malgré le statut de héros des person- des membres à part entière ; nul n’évoque la possibilité
nages, ils ne sont pas les seuls à savoir se battre. d’un échec. Le Roi explique donc rapidement la situa-
tion : « Lors de votre escapade à Qhuzi, vous avez sans
Quoi qu’il en soit, dès qu’ils réalisent quelques doute rencontré le marquis de Changxin, un eunuque du
actions spectaculaires, que vous estimez qu’il y a suffisam- nom de Lao Ai qui accompagnait Lu Buwei. Depuis, il a
ment d’adversaires à terre ou avant les premières blessures repris la position qui est la sienne au service de la
réellement graves, Ying Zheng et Li Si font leur entrée Reine-mère et jusqu’à présent, personne ne s’est plaint
dans le pavillon et applaudissent les prouesses des person- de ses services ou de son comportement. C’est un mem-
nages, soit en les félicitant soit en leur recommandant bre important et respecté de la cour. Toutefois le bruit
d’améliorer leurs points faibles. court qu’il pourrait ne pas être un véritable eunuque.
Même si leurs adversaires sont congédiés, ils peu- Cette situation me trouble. Avoir un imposteur au plus
vent s’apercevoir par un Test de Bois + Perception contre près de la famille royale est une insulte à mon père et à
un SR de 9 que plusieurs hommes sont dissimulés dans tous mes ancêtres. J’exige donc que vous soyez à même
l’ombre, probablement prêts à bondir au moindre signe de me dire ce qu’il en est le plus vite possible. Il est
95
d’agressivité envers le ministre ou le Roi. Ce dernier est important que cela reste discret et que personne au sein
d’ailleurs très enthousiaste lorsqu’il s’adresse à ceux qu’il de la cour n’en entende parler. J’aimerai faire plus
appelle lui-même « les bouchers de Quzhi ». Il leur ample connaissance avec vous, mais malheureusement
explique une nouvelle fois qu’il était très impatient de les la vie de Roi ne laisse que peu de temps pour discuter à
rencontrer et de voir s’ils étaient à la hauteur des louanges loisir. Donc, à moins que vous n’ayez des questions à me
de Lu Buwei, qu’il aurait préféré que ses hommes n’aient poser qui soient plus importantes pour le Royaume que
pas à troubler leur repos mais qu’il devait d’abord s’assu- mon prochain rendez-vous et auxquelles mon ministre
rer de leur identité. Assez rapidement, sous prétexte de des Lois ne sache répondre, je vous laisse voir tous les
savoir comment ils sont devenus des héros, il demande à détails avec lui. »
chacun ce qu’il chérit le plus sous le Ciel avant de donner

Deuxième partie : Au
sa réponse : « La paix ». Il dit avoir « un grand projet
pour le Qin et pour les six autres Royaumes une fois unifiés
en un seul Empire où iront en paix et ensemble tous ceux

plus près du pouvoir


qui vivent sous la voûte céleste. Et si un seul monarque
régnera sur ce vaste Empire, des hommes de bien adminis-
treront les provinces pour que partout les récoltes soient
bonnes et le peuple heureux et prospère. De larges routes
pavées y seront construites pour relier les hommes et une
grande muraille pour les protéger des barbares. Au som-
met du Mont Tai, sur les rives de la mer et à tous les coins De menus détails
du monde seront érigées des stèles célébrant l’unification.
C’est mon rêve et le grand dessein de tous mes ancêtres. Je
le réaliserai, en marchant aux côtés de ceux qui se rallie- Avant de se lancer à corps perdu dans la mission
ront à moi et sur les corps encore chauds de ceux qui s’y confiée par le Roi, il y a de nombreux détails techniques à
opposeront ». régler. Le premier d’entre eux est que les personnages doi-
Sincère et objectivement un peu naïf, Ying Zheng vent avoir des sauf-conduits s’ils veulent pouvoir évoluer
semble croire lui-même à ce qu’il raconte. « Ce rêve est à leur guise dans la Cité royale. C’est d’autant plus impor-
celui de la revanche de la paix sur la guerre, celui de tant que les contrôles d’identité y sont omniprésents et
l‘Empire prospère sur les Royaumes combattants. Mais je qu’ils se trouvent dans un pavillon qui est certes à leur dis-
sais très bien que je ne pourrai le réaliser seul. Pour cela, position pour l’instant, mais censé être inhabité depuis

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environ un an (s’ils demandent, il s’agit du pavillon de Cette partie du scénario est volontairement très
Cheng Jiao). Bien évidemment Li Si peut fournir tout ce ouverte car il s’agit de la première fois que les personnages
qui est nécessaire, mais il les encourage à bien réfléchir à vont être laissés à eux-mêmes dans la Cité royale.
l’identité qui sera la leur sur ces documents. Car leur N’hésitez donc pas à leur faire rencontrer de très nom-
objectif premier n’est pas uniquement de se renseigner sur breuses personnalités locales ou visiter les lieux les plus
l’anatomie de Lao Ai mais de faire leurs preuves pour inté- pittoresques. Il est très important que les joueurs puissent
grer à terme le Censorat. Il est donc impossible d’agir au sentir cette liberté et enfin appréhender la richesse et la
grand jour ou de changer maintes fois d’identité à diversité des lieux. Attention toutefois à ne pas oublier que
Xianyang, ils seraient bien trop vite démasqués. Comme Lao Ai a déjà rencontré une partie des personnages un an
l’enjeu est important, le ministre les laisse réfléchir toute la plus tôt à Quzhi et risque donc de les reconnaître au pre-
nuit si nécessaire et s’assure qu’un homme à lui vienne mier coup d’œil. Cela dit, voici donc quelques pistes pour
chercher leur réponse le lendemain matin, puis leur ramène vous aider quand même :
le tout dans la petite heure qui suit. Il se permet également
de donner quelques conseils sur des choses qui pourraient Suivre Lao Ai : Ce n’est pas une chose facile car
paraître évidentes : il faut que les identités en questions comme tous les eunuques, il évolue surtout entre quelques
permettent de passer relativement inaperçu s et de se croi- endroits particulièrement fermés, comme le palais de la
ser néanmoins assez souvent pour pouvoir s’échanger des Reine-mère ou le Palais Jique, où il est très dangereux de
informations. Les possibilités sont presque illimitées, mais s’introduire subrepticement. Mais l’homme est un individu
les couvertures les plus courantes au sein de la Cité royale puissant et respecté de la cour et la filature n’apprendra
sont celles de gardes, serviteurs ou scribes et elles sont rien sur son anatomie. Elle pourra révéler beaucoup plus
beaucoup plus variées dans les autres quartiers. Si celles-ci de choses sur ses fréquentations et ses très nombreux amis,
sont choisies, il faudra également s’assurer de faire connaî- eunuques ou pas.
tre au ministre ou à son représentant l’affectation qui est
souhaitée (par exemple : Palais Jique, pavillon de la Surveiller le palais de la Reine-mère : En se
Reine-mère, garnison, etc.) sachant que si les affectations cachant à proximité de ce palais, il est tout à fait possible
sont beaucoup plus faciles à modifier par la suite que les d’en surveiller les allées et venues. La Reine-mère ne
identités, la plupart des membres du personnel d’un même sort jamais mais Lao Ai parfois, pour vaquer à ses
lieu ont l’habitude de travailler ensemble et se connaissent affaires, et il n’y a guère que les divers commis et
au moins de vue. domestiques qui vont et viennent. Pourtant quelques
Si les personnages ont besoin de prendre contact dignitaires ou invités font parfois le déplacement : Ding
rapidement avec leur hiérarchie, Li Si leur signale égale- Jiang Cheng (qui vient pour affaires), Han Fei Zi (qui
96 ment l’existence de Dao, le responsable des domestiques, vient tenter de faciliter le mariage de Ji An en passant
qui est donc un membre éminent du Censorat et très facile par la Reine-mère), Mao Jiao (un érudit dont elle finance
à joindre quelle que soit la couverture choisie. les travaux) et Me Xung (qu’elle sollicite pour améliorer
Enfin, à moins justement que leur identité factice son palais, à son grand désarroi).
ne le leur permette, Li Si leur rappelle qu’ils n’ont toujours
pas le droit de porter des armes car cela attirerait l’atten- Se renseigner sur lui : En se renseignant auprès
tion. Un poignard pourrait éventuellement être toléré mais des domestiques ou des milieux où il est convenable de
cela représente généralement beaucoup de risques de se parler de ces choses-là, il est facile d’apprendre que la
faire démasquer pour pas grand-chose. réputation de l’eunuque n’est plus à faire et qu’avant qu’il
Une fois tous ces détails réglés, le ministre se dit ne le devienne, il avait la très flatteuse (et très historique)
prêt à répondre à toutes les questions. Toutefois malgré les réputation de pouvoir soulever une roue de charrette de son
apparences, s’il cherche vraiment à aider les personnages, sexe volumineux.
il n’hésitera pas à quitter les lieux s’il trouve qu’ils lui
manquent de respect, le prennent de haut ou pour un Faire une incursion dans la palais de la
concierge à leur service. Après avoir répondu aux ques- Reine-mère : Le plan n’est pas forcément idiot, mais
tions, il insistera sur le fait que le Roi est pressé avant de vu la quantité de gardes à proximité, il va falloir que les
quitter les lieux et de laisser les bouchers de Qhuzi bien personnages dévoilent des trésors d’ingéniosité, de talent
réfléchir à leur mission et à leurs nouvelles identités. et une bonne dose de chance pour ne pas transformer cela
en mission-suicide. Cela dit s’il y arrivent, ils pourront
sans doute s’apercevoir que des enfants vivent dans le
De multiples approches palais et que Lao Ai garde dans ses appartement une paire
de testicules dans un bocal. Un Test de Bois + Savoir
(eunuque) contre un SR de 9 permet de se souvenir que les
Il existe de très nombreuses stratégies que peuvent eunuques gardent toujours leurs attributs non loin d’eux
adopter les personnages pour se renseigner sur la personne de car ils doivent se faire enterrer avec pour avoir une chance
Lao Ai. Ils peuvent tout simplement le suivre lors de ses de se réincarner.
déplacements, surveiller son pavillon, se renseigner sur lui
auprès de ses domestiques ou d’autres courtisans, se faire Faire en sorte que Lao Ai exhibe son ana-
embaucher chez la Reine-mère, y faire une incursion discrète tomie de lui-même : L’homme est un fin courti-
ou bien d’autres choses encore. La seule vraie mauvaise idée san habitué à naviguer dans les eaux particulièrement
serait d’agripper le marquis et de vérifier « sur pièce ». troubles de la Cité royale. Il ne suffira donc pas d’exhi-

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Scénario : Révolution de palais

ber devant lui une charmante jeune femme pour qu’il


cède à la tentation, ni même qu’elle tente de le séduire.
Des résultats immédiats
Il est bien trop malin et s’il a cédé à ses pulsions
quelques jours auparavant, c’est uniquement dû à Afin que les choses soient encore plus faciles, Li
l’ivresse. Pourtant il doit être possible de l’observer de Si va mettre sous pression les personnages pour qu’ils
plus près en se faisant passer pour un docteur (même s’il découvrent la vérité dans les trois jours et qu’ils avertissent
se méfierait instantanément d’un nouveau venu) ou en le Roi avant son départ vers Yong. Il n’est pas réellement
faisant pression sur un médecin pour savoir ce qu’il en concerné par les preuves, sachant déjà que Lao Ai n’est pas
est. Bien sûr cela implique de réussir à rendre Lao Ai un vrai eunuque : il souhaite juste qu’ils le lui confirment.
malade (auquel cas le fait même qu’il n’appelle pas un Il commencera à s’impatienter après une première
guérisseur permet de nourrir quelques soupçons) et le journée d’enquête et il convoquera les “bouchers de
moyen le plus efficace reste sans doute le poison. Par Quzhi” lors de la seconde matinée suivant leur rencontre
contre, il vaut mieux faire très attention car il serait très avec Ying Zheng. Il leur dira alors être très surpris qu’ils
malvenu d’expliquer au Roi que sa mère a été empoi- ne soient pas venus le voir pour lui demander quelle était
sonnée par erreur… l’origine de la rumeur qui avait éveillé les soupçons sur
Lao Ai. Il leur explique alors qu’une servante déclare avoir
Rentrer au service de la Reine-mère : Peut- été violée par le marquis de Changxin et qu’il l’a fait met-
être la plus simple et la meilleure des façons de faire, tre en détention pour eux. Bien sûr sa parole ne vaudra rien
mais elle implique aussi de marcher sur des oeufs. Il faut contre celle de l’eunuque et elle peut aussi bien fabuler,
tout d’abord avertir Dao ou Li Si qu’il faut se faire pas- mais elle pourrait néanmoins être une source potentielle
ser pour un domestique et se faire affecter sur place. d’indices pour eux. Le ministre leur dévoile alors où elle a
Cela se traduira invariablement par l’assassinat du été cachée, dans un lieu particulièrement secret du palais.
domestique que le personnage est censé remplacer. Toutefois en se rendant sur place, les personnages vont
Ensuite, selon ses qualités et son habitude à travailler remarquer un individu quitter les lieux après avoir tué la
(mains marquées, traits fins, port altier ou pas), le per- jeune femme et se précipiter dans un couloir particulière-
sonnage sera affecté par le chef des domestiques à l’une ment étroit donnant sur les cuisines royales. Un Test de
des diverses tâches : commis de cuisine, serveur, lavan- Bois + Perception contre un SR de 7 permet de se rendre
dière, etc. Si la cuisine n’apporte que peu de choses en compte que l’assassin possède des clochettes tressées dans
soi, elle permet de discuter avec un grand nombre de les cheveux. L’homme saute de tas de bois en fours, puis
domestiques et de créer des liens pour les jours suivants. sur une marmite géante et atterrit alors sur une charrette de
La blanchisserie permet de s’apercevoir que des vête-
ments pour enfants sont stockés avec les autres mais les
vivres mal calée. En le poursuivant, un des personnages 97
pourra le propulser dans les poutres des cuisines où le
lavandières sont muettes si on leur en parle. D’une façon combat continuera jusqu’à la mort de l’assassin ou jusqu’à
générale, les domestiques ne parleront que très peu de ce que des soldats fassent irruption alertés par les cris et lui
leur maître à un nouveau venu tant qu’ils n’auront pas eu décochent une volée de carreaux d’arbalète, le tuant sur le
de bonnes raisons de se montrer moins méfiants. Un tel coup. Dans les instants qui suivent arrivent le Roi et sa
goût du secret est bien entendu suspect. garde rapprochée qui n’ont d’yeux que pour l’état de santé
de celle qui règne sur les lieux : Gong Li. Le Roi deman-
dera bien sûr des comptes et il vaudrait mieux les lui don-
ner en privé.
L’assassin est effectivement un homme envoyé
par Lao Ai avec mission de suivre les personnages pour
découvrir où se cachait la jeune femme et la tuer avant
qu’elle ne puisse témoigner contre lui. Toutefois il ne fait
Servir Han Fei Zi
en rien partie des Clochettes tressées et utilisait cet artifice
Si un ou plusieurs des personnages pour profiter de la réputation de l’organisation et vendre
sont liés à l’histoire d’Han Fei Zi et décident ses services à un meilleur prix. D’ailleurs dans la confu-
d’entrer au service de la Reine-mère, il peut sion, les clochettes vont disparaître entre le moment où le
être très intéressant de les confronter au légiste corps sera enlevé de la cuisine et celui où on le jettera à la
en leur faisant servir les plats aux maîtres de fosse commune.
maison alors même qu’il est leur invité. Cela
provoquera à n’en point douter la méfiance de Encore un jour plus tard, Li Si continuera à mettre
Lao Ai et sera l’occasion de faire jouer la pression sur les personnages en leur expliquant que le Roi
quelques scènes dont vos joueurs se souvien- est très pressé et qu’il faut absolument lui donner leurs
dront. Il est ainsi très probable que le vieil conclusions le lendemain matin au plus tard. Le ministre
homme souhaite racheter les personnages et explique que concrètement, le Roi a peu de chances d’être
qu’on s’aperçoive ainsi qu’ils n’appartiennent intéressé par ce qui les aura amené à de telles conclusions et
pas à la maison… voudra juste savoir si effectivement Lao Ai est un vrai
eunuque ou pas. Par contre, il vaut mieux ne pas se tromper
et s’il le demande, il vaut mieux être capable de donner des
raisons, même grossières, à leur réponse. En attendant, ils ont
jusqu’à une journée pour approfondir leur enquête.

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Troisième partie :
L’escalade
Repas de famille
Si les personnages décident de dire à Ying Zheng que
Lao Ai est un eunuque tout à fait légitime, vous pouvez sauter
cette section et passer directement à la quatrième partie : le Roi
leur ordonne alors de le garder quand même à l’œil, ainsi que
les personnes les plus influentes vivant au palais de la Reine-
mère le temps que la cérémonie de passage à l’âge adulte ait
lieu. S’ils font le choix inverse, son visage s’empourpre et il
devient si furieux qu’il marmonne qu’il veut le voir lui-même
et que cela ne restera pas impuni. Il ordonne alors aux person-
nages de revêtir des tenues de garde (y compris pour les
femmes, il ne semble pas être d’humeur à s’arrêter à ce genre
de détails) et se dirige sans perdre un instant ni décolérer vers le
palais de la Reine-mère. À peine prend t-il le temps de se faire
annoncer. Dans tous les cas, le Roi se fie aux conclusions des
personnages et, probablement à leur grande surprise, ils n’ont
même pas à prouver ce qu’ils avancent.

Sur place, la Reine-mère accompagnée de son


précieux eunuque reçoit Ying Zheng et se dit honorée et
heureuse que son fils vienne manger chez elle.
Malheureusement, elle se sent indisposée et il sera donc le
98 seul à manger même si elle lui tiendra bien entendu com-
pagnie. S’ensuit donc une discussion surréaliste à laquelle
n’assistent que les deux altesses, Lao Ai, les personnages
(qui sont sensés être la garde personnelle du Roi mais un
Test de Terre + Empathie contre un SR de 9 permettra tou-
tefois de s’apercevoir que le marquis les a reconnus) et
quelques serviteurs. Le repas est calme et semble enjoué,
pourtant la tension est sensible. Le Roi mange goulûment,
la reine lui remémore son enfance et Lao Ai se sert de
nombreuses métaphores pour lui suggérer de renoncer à la
cérémonie, ce qui l’énerve d’autant plus même s’il se
refuse à briser les règles de l’étiquette devant sa mère.
Mais alors que tout semble se dérouler pour le mieux, un
enfant de six ans environ fait irruption dans la pièce puis,
tout sourire, se dirigeant vers les convives en laissant
échapper un « papa » enjoué. Si les personnages regardent
n’importe quel membre de la suite de la Reine-mère, ils
peuvent sentir le malaise, la surprise ou la peur…bien vite
effacés pour donner le change. De plus, ils aperçoivent en
ombres chinoises que derrière un paravent, des gardes ont
sortis leurs lames. Il ne va falloir qu’un instant à Ying
Zheng pour réagir mais si les joueurs sont impulsifs, cela
peut tout à fait être trop tard.

• Si Ying Zheng n’a pas le temps d’agir et que les person-


nages prennent les devants, les gardes sortent de derrière
les paravents et les attaquent ainsi que le Roi. Lao Ai s’em-
pare de l’enfant et tente de s’éloigner rapidement alors que
la Reine-mère est terrifiée et n’ose bouger. Clairement, les
joueurs ont eu un mauvais réflexe (même s’il était tout à
Lao Ai fait légitime) et ont oublié où ils se trouvaient. Faites en

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Scénario : Révolution de palais

sorte que le combat soit particulièrement difficile, qu’ils qu’il ne veut que le bien de tous. Une fois de plus, il est
doivent protéger le Roi quitte à prendre des coups (notam- totalement sincère et ses questions sont tout sauf rhéto-
ment des tirs) à sa place. La seule chose importante pour riques, au grand dam des joueurs.
pouvoir continuer le scénario est que Lao Ai réussisse à Au moment qui vous semble opportun, le prince
s’échapper et que les joueurs comprennent bien qu’ils ne Dan pénètre dans la salle, le sourire aux lèvres et manifes-
s’en sont sortis que de justesse. Donc s’ils font tout pour tant son plaisir d’avoir enfin trouvé le Roi. Mais son sou-
faire empirer la situation, n’hésitez pas à en tuer un ou à rire et sa démarche volontaire s’arrêtent net en contem-
blesser le Roi. Il est vital pour la suite de la campagne que plant la carte sur le sol et, comme on peut s‘y attendre, le
les joueurs arrivent dès maintenant à évaluer leur opposi- destin réservé à son Royaume. Un dialogue s’engage alors
tion ; leur parcours sera autant fait d’éclatantes victoires entre les deux hommes. N’hésitez pas à y laisser intervenir
que de cuisantes défaites et plus tôt ils le comprendront, les personnages, que ce soit par leurs paroles ou plus pro-
mieux ce sera. bablement par leurs actes. Par exemple, il serait malvenu
qu’ils se contentent d’écouter alors que la sécurité du Roi
• Si Ying Zheng a le temps d’agir, il fait un signe de la est en danger…
main aux personnages pour qu’ils restent sur place et fas-
sent comme si de rien n’était. Lao Ai prétend alors que Le prince prend donc la parole :
l’enfant est son neveu et que la Reine-mère lui a permis de « Pendant des années, j’ai cru que sa Majesté et
rester car il l’amuse et lui rappelle le temps béni des dieux moi étions amis mais si tel est le cas, pourquoi vouloir
où il était son fils avant d’être le Roi. Après un silence, conquérir mon Royaume alors qu’Elle sait que nous
Ying Zheng rit aux éclats puis prend l’enfant dans ses bras, sommes et seront toujours des alliés indéfectibles ?
allant même jusqu’à feindre une certaine affection pour lui. - La guerre continue depuis des siècles. Les
Peu après, il prétend d’avoir des affaires à régler et prend Royaumes n’ont de cesse de s’entredéchirer : les petits
congé de sa mère et de son irritant eunuque. Mais le retour veulent grandir, les grands veulent conquérir les petits.
au Palais Jique est des plus difficile : le Roi a grand peine Tant qu’ils ne seront pas unifiés, le Zhongguo ne connaîtra
à marcher sans tituber, il se refuse de toute évidence à pas la paix.
pleurer mais les larmes perlent sur ses joues, il semble - C’est tant que le Qin existera que le Zhongguo
estomaqué par ce qu’il vient de comprendre. La réaction ne connaîtra pas la paix ! » hurle le prince Dan en dégai-
est si violente qu’un empoissonnement semble tout à fait nant son épée.
vraisemblable mais il n’en est rien et il se dirige vers la Ying Zheng s’approche alors de son ami, pas inti-
salle de la carte. midé le moins du monde :
« Je comprends que ton Royaume te manque
mais ne t’inquiètes pas, je ferais en sorte que tu y occupes
99
La salle de la carte un poste à responsabilité une fois qu’il sera une province
de mon Empire. À moins bien sûr que tu souhaites rester
ici, à mes côtés. Sache que ce n’est pas moi qui te retiens
Le Roi est donc particulièrement troublé par cette ici, mais le Roi du Yan, ton père, qui te renverrait à moi à
trahison. Hébété, il erre comme un dément jusqu’à rejoin- l’instant même où tu le rejoindrais. Tu es mon ami et je te
dre le Palais Jique et l’antichambre de l’annexe réservée à laisse libre d’agir à ta guise, pour ton bien et ce Royaume
la salle de la carte où il finit par s’asseoir en maugréant et qui préfère te savoir otage à Xianyang que prince à Ji. »
gémissant. Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas Dan, après avoir accusé le coup, bombe alors le
très réceptif : n’hésitez pas à laisser les personnages tenter torse et s’adresse alors aux personnages :
de lui remonter le moral, il se montrera d’autant plus cruel « Puisque j’ai levé l’épée contre sa Majesté, la
et verbalement blessant qu’il ne souhaite pas qu’on le voit loi exige que je sois mis à mort… Faites donc votre office
aussi vulnérable. Assez rapidement, Zhan le nain sort de la que je puisse sinon le hanter, au moins rejoindre le temple
salle mitoyenne et semble surpris de voir autant de monde, de mes ancêtres.
alors que Ying Zheng tente tant bien que mal de se redon- - Te tuer ? Mais nous sommes frères ! »
ner une composition. L’eunuque explique à son suzerain Décontenancé, complètement à la merci de son
qu’il venait justement le chercher pour lui annoncer que la ancien ami, le prince s’effondre alors au sol, les larmes aux
carte était prête. Ce dernier esquisse alors un sourire, yeux. D’un geste du cou, Ying zheng ordonne alors aux per-
comme un enfant qui aurait reçu un jouet pour le consoler, sonnages de faire sortir Dan de la salle avant de les rappeler.
puis pénètre alors dans la salle, exhortant si nécessaire les
personnages à le suivre. Il prend alors un ton grave et retrouve sa conte-
Là une immense carte d’une dizaine de mètres de nance royale : « Je crois qu’ils me prennent pour un faible.
longueur est peinte sur le sol. Elle représente le Zhongguo Ils ont gardé de moi l’image de l’enfant que je ne suis plus
uni sous la bannière du Qin ; on y voit encore les six depuis presque dix ans maintenant et, tant qu’il subsistera le
autres Royaumes mais ils semblent avoir déjà été divisées moindre doute dans leur esprit, ils ne cesseront d’utiliser leur
en commanderies. Un peu partout, on peut voir des figu- énergie à essayer de me remplacer plutôt que de travailler à
rines en terre cuite représentant les diverses armées. la grandeur de ce Royaume. Je dois donc frapper un grand
Visiblement ému, le Roi prend à partie les personnages qui coup. Je dois montrer à tous que je suis Ying Zheng, le puis-
doivent sérieusement commencer à se demander comment sant Roi du Qin né pour réaliser le grand dessein de mes
ils ont pu en arriver là. Il leur demande comment on peut ancêtres. Il ne doit exister aucune ambiguïté à ce sujet. Je
vouloir le tuer alors que ses rêves de paix sont si purs et vais me rendre dès aujourd’hui à Yong et mettre un terme à

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tout cela. Ce Royaume plus que tout autre se doit d’être uni Alors que l’ancien marchand reçoit Lao Ai
et de tendre vers un même but. Pendant ce temps, je veux que comme le mérite son rang, la discussion prend un tour
vous surveilliez les allées et venues de sa Majesté ma mère et étrange dont il y a fort à parier que les personnages ne per-
de son laquais de marquis. S’ils préparent quelque chose, je dront pas une goutte :
veux savoir quoi et avec qui. Et s’ils sont assez stupides pour
s’en prendre à moi, c’est comme exemple du sort réservé aux « Comme tu peux le voir, la Reine-mère t’assure
traîtres qu’ils m’apporteront le soutien dont ils souhaitaient par le présent document que si tu nous soutiens, tu retrou-
me priver.» veras ton poste de Premier ministre lorsque que nous
aurons réussi, dit l’eunuque.
- Effectivement, il est marqué que je redeviendrais
Compte à rebours chancelier mais beaucoup de choses ne sont pas écrites
sur ces lamelles. Qui sera Roi du Qin ? Toi ? Ton fils ?
Lao Ai, je te connais bien et tu as été autrefois un de mes
Alors que le Roi est en route pour Yong, et après serviteurs. C’est donc plein de tendresse que je te dis cela
quelques heures passées à surveiller le palais de la Reine- : abandonne cette folie. Peut-être même que la mère du Roi
mère, les personnages peuvent apercevoir des hommes se le convaincra de te laisser en vie. Pour un tel projet, il te
rassembler sur les marches et préparer une chaise à por- faut plus que des hommes ou des armes : il te faut une car-
teurs. Peu après, Lao Ai sort du bâtiment en traînant la rure que tu n’as pas. »
patte. Un Test de Bois + Perception contre un SR de 11 Le régent jette alors la missive qu’il était en train
permet de s’apercevoir qu’il est en train de s’essuyer les de lire aux pieds de Lao Ai.
pieds, et se rendre sur place après son départ permet de « Oui…oui… ricane le marquis en ramassant les
découvrir des traces de sang. C’est extrêmement difficile à lamelles de bambous et en faisant mine de se retirer. Nous
découvrir sur le moment, mais il s’agit de celui du trésorier verrons alors qui sera Roi. Mon fils ou le tien ?
de la Reine-mère. Un autre Test semblable contre un SR de - Que veux tu dire par là ? » s’emporte le vieil
7 permet de l’entendre dire à ses porteurs de se rendre « au homme, dégainant son épée et laissant tomber bruyam-
palais du régent ». Le marquis et ses hommes quittent la ment son fourreau au sol.
cour intérieure et semblent se diriger vers la sortie de la Sans même se retourner, l’eunuque répond un
Cité royale. Il est naturellement très difficile de les suivre cinglant : « Allons, un vieux marchand qui ne doit le peu
sans attirer l’attention et le meilleur moyen est sans doute de respect qu’on lui témoigne qu’à son pathétique statut de
de monter sur les remparts, ce qui permet éventuellement ministre déchu aurait-il le courage ou même l’audace de
de les précéder. lever son arme sur moi ? J’en doute. » avant de quitter le
100 manoir de Lu Buwei.
Une fois à l’extérieur, les multiples portes et
contrôles d’identité passés, le groupe se dirige vers le quar-
tier noble où les hommes de Lao Ai dispersent la foule Une fois que Lao Ai a quitté les lieux, ce qui
devant la chaise à porteur. Les personnages peuvent tou- correspond plus ou moins au moment où les personnages
jours arriver chez Lu Buwei avant l’eunuque, mais ils doi- arrivent s’ils ne se sont pas dépêchés (auquel cas ils ont
vent courir à toute allure dans des rues parallèles pleines de raté toutes la discussion), Lu Buwei commente la ren-
badauds et d’échoppes. Une fois sur place, il leur reste contre avec eux. Si on mentionne la phrase concernant
encore à convaincre les domestiques de les laisser rentrer son fils, il prétendra l’avoir compris comme une
dans le palais du régent alors même que la chaise à por- manoeuvre de l’eunuque visant à insinuer qu’il voulait
teurs est en vue et qu’ils ne vont pas tarder à être reconnus. monter sur le trône. Toujours est-il que le marchand
Naturellement, mentionner Quzhi est le moyen le plus connaît son ancien serviteur et il sait bien qu’il n’a pas
rapide de se faire ouvrir les portes. les épaules pour un tel projet et ne peut donc agir seul.
S’il est venu le voir, c’est que tous sont prêts à frapper et
S’ils sont assez rapides, Lu Buwei les reçoit qu’il possédait une garantie qu’il ne serait pas arrêté,
comme des héros du Royaume, se félicite de leur venue et probablement parce que l’attaque peut aussi bien avoir
va même jusqu’à s’excuser de ne pas avoir pu préparer lieu sans lui qu’avec lui. S’ils n’y pensent pas d’eux-
quelque chose à leur mesure… jusqu’à ce qu’un de ses ser- mêmes, il exhorte les personnages des joueurs à avertir
viteurs ne vienne lui annoncer l’arrivée du marquis de Ying Zheng. Pour leur permettre d’arriver sans encom-
Changxin. Et devant les explications des personnages, il bre jusqu’à lui, et toujours avec l’arrière-pensée que le
les encourage à se cacher pour connaître les intentions de coup d’Etat va échouer et qu’il pourra ainsi retrouver sa
l’eunuque pendant que lui-même feint de le recevoir. Il place auprès du Roi, il va jusqu’à donner son sceau aux
leur demande juste de ne pas arrêter Lao Ai directement, “bouchers de Quzhi” et leur confier ses plus rapides che-
même si ses intentions sont mauvaises, afin d’éviter que vaux avant de les presser encore un peu plus d’agir avant
ses hommes ne ravagent la demeure et ne fassent des vic- qu’il ne soit trop tard.
times innocentes. Seul un Equilibre Yin/Yang sur un Test
de Terre + Empathie, et uniquement si le joueur réclame de En ressortant de chez le Premier ministre, ils
le faire, permet de s’apercevoir que le régent cherche sur- tombent rapidement nez à nez avec la chaise à porteurs
tout à se servir d’eux comme un moyen de se dédouaner du marquis de Changxin qui s’est arrêté devant une
auprès du Roi si le coup d’Etat venait à échouer. auberge. En s’approchant assez pour observer discrète-
ment, ils peuvent voir un barbare Rong tenant un étrange

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Scénario : Révolution de palais

paquet à la main en sortir et discuter avec Lao Ai. Ce


dernier lui dit alors à peu près ces quelques mots : « Il
a refusé de se joindre à nous, l’heure n’est donc plus à
la discrétion et nous devons agir avec encore plus de
Et si les joueurs décident de ne
hâte. Rejoins tes hommes et faites ce que vous avez à pas aider le Roi…
faire le plus vite possible. Et surtout avant qu’il n’at-
teigne Yong ! Nous agirons demain dès l’aube, mais les Même s’il est presque impossible que
choses seront beaucoup plus faciles avec sa dépouille. cela arrive par accident et que le scénario est
Ramène-la. » Le barbare acquiesce, sort un pigeon du fait pour l’éviter, vos joueurs peuvent toujours
paquet qu’il tenait et le relâche. L’instant suivant, il décider de favoriser le coup d’Etat ou tout sim-
monte à cheval et, alors que l’eunuque lui répète de se plement de ne pas porter secours à Ying
dépêcher et qu’il n’a pas un instant à perdre, file à bride Zheng. Dans une telle situation, afin que vous
abattue vers la porte ouest de la ville. puissiez quand même continuer la campagne,
partez du principe qu’il a été sauvé par une
A ce stade, les joueurs auront sans doute compris armée du Qin qui revenait vers la capitale et
qu’il faut agir sans tarder. Pourtant de nombreuses options passez directement à l’attaque du palais.
s’offrent à eux. Malheureusement, à moins de se disperser, Toutefois, assurez-vous que vous avez utilisé
ils ne pourront probablement en suivre qu’une seule. toutes vos ruses de Meneur de jeu avant de les
laisser faire le mauvais choix ou ne pas s’im-
pliquer, faute de quoi vous pouvez vous atten-
Suivre Lao Ai : Le serviteur de la Reine-mère ne ren- dre à fournir un peu plus de travail pour jouer
tre pas à la Cité royale. Au contraire, il continue à se pro- la suite de la campagne dans les meilleures
mener dans Xianyang, le sourire aux lèvres. Il se sait suivi conditions.
par des espions du Roi, mais il sait aussi que ceux-ci n’au-
ront pas le temps de le prévenir ou d’agir avant que son
plan soit mis à exécution. Il rejoint ensuite un groupe d’in-

Quatrième partie :
dividus à l’accent du Wei et leur dit de se mettre en posi-
tion pour le lever du soleil. Il part alors avec certains d’en-

Le coup d’Etat
tre eux retrouver des troupes à l’extérieur de la ville. Si les
personnages le suivent encore à ce moment là, ses hommes
les auront repérés et vont les attendre dans une embuscade
particulièrement violente.
101

Avertir la garnison : Le responsable de la garnison


n’est autre que le général Wang Jian et il faudra soit le sceau
La bataille de la route de Yong
de Lu Buwei soit se montrer particulièrement convaincant
pour avoir ne serait-ce qu’une entrevue avec lui. De plus, le Alors que les personnages suivent la route menant
vieux soldat est tout sauf facile à berner et il vaut mieux pour à Yong, ils découvrent un spectacle funeste en passant une
les personnages qu’ils ne cherchent pas à jouer au plus malin crête : la bataille à déjà commencé et elle semble bien mal
avec lui. Pensant à juste titre que l’attaque sur la personne du engagée pour le Roi et ses hommes. Les tristement célèbres
Roi ne servirait à rien sans une attaque du palais, il ne peut se chars Rong soulèvent une épaisse poussière sur le champ de
permettre de vider la garnison mais va néanmoins détacher bataille, renforcée encore par le chaos qui semble régner en
un nombre conséquent de troupes pour prêter main forte au contrebas. À première vue, les deux armées semblent être de
Roi, sous le commandement de son fils Wang Ben. Il aime- taille comparable, avec peut-être un avantage pour les bar-
rait en fournir plus mais vu l’urgence de la situation, il n’a bares. Pourtant la division régulière (environ trois mille
pas le temps de mobiliser les troupes stationnées dans les hommes, essentiellement des fantassins) qui escorte le Roi
autres quartiers de la ville. est visiblement malmenée et partiellement dispersée.

Le champ de bataille : Relativement simple, le terrain est


Suivre le barbare : Sans doute le réflexe le plus évi- constituée d’une espèce de large cuvette à fond plat d’un
dent et la meilleure chose à faire. Toutefois, l’homme est demi li de côté traversée par la route reliant Xianyang à
un cavalier émérite qui distance rapidement les person- Yong. Au Nord-ouest (les personnages viennent de l’Est)
nages, mais ils peuvent facilement suivre ses traces, d’au- se trouve une sorte de petit promontoire rocheux où il est
tant plus qu’ils connaissent sa destination. Cette solution assez facile de monter mais dont une des faces est une
est courageuse et digne des plus belles légendes, celles qui falaise qui rend toute chute mortelle. Le reste du terrain est
peuplent les cimetières : elle risque de les amener à plat et dégagé et, à par la route, recouvert d’une fine
affronter une armée à eux seuls. couche d’herbe. Les Rong n’ont pas choisi ce lieu par
hasard, il leur permet d’utiliser au mieux leurs terribles
chars et de porter sans difficulté des attaques dévastatrices
dans les rangs serrés de l’infanterie du Qin.

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Si les personnages n’ont pas pris le temps d’aller
chercher des renforts, ils voient que la colonne qui accompa-
gnait le Roi est coupée en deux suite à une attaque concentrée
des chars et que le Roi est isolé à l’avant avec probablement Système de bataille
moins du tiers de ses troupes, harcelé par des archers montés,
et que l’arrière-garde, étêtée, est en train de partir en déroute Voici les données techniques néces-
sous les assauts d’une insaisissable cavalerie et de chariots de saires pour jouer cette scène grâce aux règles
guerre en terrain favorable. Seuls, les personnages n’ont que de bataille de l’Art de la Guerre.
peu de moyens de changer le cours de la bataille. Ils peuvent Les unités en italique n’ont plus que
bien sûr tenter de s’enfuir avec le Roi mais cela impliquerait la moitié de leurs effectifs si les personnages
de franchir les lignes ennemies et de semer des dizaines de arrivent avec des renforts.
cavaliers particulièrement expérimentés. L’autre principale
alternative est de tenter de réorganiser l’arrière-garde pour Type de la bataille : Rencontre
réussir à repousser l’adversaire. Ce n’est pas impossible mais
s’il ne s’agit pas de bons tacticiens, il va leur falloir redonner Armée du Qin, menée par le roi Ying Zheng :
du baume au cœur des soldats par des actions héroïques hau- 3.000 hommes
tement spectaculaires qu’ils ne pourront accomplir que tous - 500 chars lourds (1 unité) VM : 3- VU : 6
seuls. - 200 gardes royaux (garde d’élite, 1 unité)
Si les personnages ont pris le temps d’aller chercher VM : 2- VU : 6
des renforts, ils arrivent en théorie avec deux divisions sup- - 300 vétérans (infanterie lourde, 1 unité)
plémentaires menées par Wang Ben. Mais comme la situa- VM : 1- VU : 4
tion exigeait une certaine vitesse, seule l’avant-garde de l’ar- - 1.500 fantassins (infanterie légère, 3 unités
mée, soit une brigade (environ mille six cents hommes) de 500 hommes) VM : 2 - VU : 3
essentiellement composée de cavaliers et d’auriges pour une - 500 arbalétriers (1 unité) VM : 1V - U : 3
moitié, et de fantassins en marche forcée (donc exténués)
pour l’autre moitié, arrivent en même temps qu’eux. Les Armée Rong : 3.200 hommes
autres soldats arriveront plus tard au cas où la bataille s’éter- - 1.200 chariots de guerre (3 unités de 400 cha-
nise ou qu’il faille soit fuir vers Xianyang soit relayer les riots)VM : 4 - VU : 4
troupes plus rapides. Naturellement dans la cuvette, la situa- - 1.200 chariots de tireurs (3 unités de 400
tion est encore pire que si les personnages étaient accourus chars) VM : 4 - VU : 4
sans chercher de renforts. L’arrière-garde de la division - 400 cavaliers (cavalerie légère, 1 unité)
102 royale n’est plus qu’un vague souvenir et le Roi et ses der- VM : 5 - VU : 4
niers hommes sont acculés sur le promontoire rocheux d’où - 200 fantassins (infanterie légère, 1 unité)
ils arrivent à concentrer leurs tirs et se défendre pour l’instant VM : 2 - VU : 3
mais où ils sont particulièrement vulnérables aux chars qui - 200 archers (1 unité) VM : 3 - VU : 3
arriveraient au contact. Dans la plaine, les Rong qui ont dis-
persé l’essentiel de la colonne royale se regroupent pour por- Les renforts du Qin, menés par Wang Ben :
ter l’assaut final. L’armée de Wang Ben doit alors se diviser 3.200 hommes
en deux : l’essentiel des troupes doit empêcher l’ennemi de Avant-garde :
se regrouper pendant qu’un détachement doit franchir les - 400 gardes royaux (garde d’élite, 1 unité)
lignes ennemies pour rejoindre le promontoire rocheux et VM : 2 - VU : 6
empêcher les barbares de tuer le Roi. Là encore les opportu- - 400 chars légers (1 unité) VM : 4 - VU : 5
nités de coups d’éclat sont nombreuses et variées. - 400 cavaliers (1 unité) VM : 5 - VU : 4
Voici quelques exemples d’actions héroïques pour - 400 arbalétriers à cheval (1 unité) VM : 5
agrémenter cette bataille (de nombreuses autres sont disponi- VU : 4
bles dans l’Art de la guerre) qui est certes loin d’être facile, Et dans un deuxième temps :
mais aussi votre principale occasion dans ce scénario très - 800 vétérans (infanterie lourde, 2 unités de
tendu de vous faire plaisir et de vraiment bousculer les per- 400 hommes) VM : 1 - VU : 4
sonnages. La seule chose importante est qu’à un moment ou - 800 arbalétriers (2 unités de 400 hommes)
un autre, l’un d’entre eux sauve le Roi : VM : 1 - VU : 3

• Attaque de char : Un char fonce sur les personnages ou


le Roi, la seule possibilité de l’arrêter est d’utiliser le Tao
des Six Directions pour sauter par-dessus l’attelage, atter- Abeilles), de la dévier (Talent martial au Niveau Expert (3)
rir dans la nacelle, se battre avec l’équipage et arrêter les ou plus) ou, plus simplement, de s’interposer et de la pren-
chevaux.
• Poursuivre le char : Rattraper un char sans aurige à dre à la place du Roi.
• Rassembler les arbalétriers : Parmi les troupes sur le
cheval, se jeter dans la nacelle et arrêter le char avant qu’il point d’être mises en déroute, une unité d’arbalétriers vient
heurte des alliés.
• Prendre la flèche : Un officier ou un archer d’élite de perdre son officier alors que l’ennemi la charge. Elle
peut le repousser si elle réussit à concentrer son tir et à tirer
ennemi prend le temps de viser spécifiquement le Roi. Le de façon simultanée. Il va falloir donner les bons ordres
personnage peut tenter d’attraper la flèche (Tao des Mille pour éviter la déroute.

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Scénario : Révolution de palais

Quoi qu’il en soit, dès qu’il est hors de danger, sauver, je suis prêt à prendre le risque de ne pas faire bénir
Ying zheng semble particulièrement abattu par cette mon règne par les dieux. À quoi me sert de régner des
attaque mais il n’est pas homme à se laisser démoraliser années si mon peuple est réduit en esclavage ? Mais pour
bien longtemps pour si peu. Il se dirige alors vers le per- cela, je dois prétendre que la cérémonie a bien eu lieu et
sonnage qui s’est le plus illustré dans la bataille (probable- me précipiter au secours de vos femmes, de vos filles et de
ment en lui sauvant la vie) et lui demande son nom. Une vos mères. Je ne peux le faire sans vous, alors je ne le
fois que ce dernier a répondu, il proclame haut et fort demanderai qu’une fois : qui est avec moi ? QUI EST
qu’on ne l’appellera plus « X », mais « Capitaine X » AVEC MOI ? »
(remplacer X par le nom du personnage en question) sous
les acclamations des soldats survivants… sous réserve Bien entendu à ce moment là, le Roi est plus fin
qu’il y en ait, bien sûr. Rapidement, le Roi demande plus orateur que patriote sincère mais l’armée ne semble pas
de détails sur la nature du coup d’Etat et de la personne qui voir la différence et, survoltée, elle part ensuite en direc-
a essayé de le renverser. Quand les personnages lui racon- tion de la capitale à marche forcée. Elle y rentre le plus dis-
tent ce qui se trame, il décide de se dépêcher de regagner crètement possible, en quittant la route et en passant par la
Xianyang pour y accueillir lui-même Lao Ai, non sans lui porte Nord à la faveur de la nuit, n’hésitant pas à déplacer
avoir préparé un piège à la hauteur de ses méfaits. Il la population d’une partie des quartiers nord si nécessaire.
ordonne donc à un homme de sa suite, probablement un
agent du Censorat, de se déguiser en Rong et d’aller avertir
l’eunuque que son plan s’est déroulé comme prévu et que L’attaque du palais
le Roi est mort. Il lui confie même sa coiffe afin qu’il soit
en mesure de prouver ses dires.
Une fois de retour au palais royal, Wang Jian
accueille Ying Zheng et le reste des hommes. Une réu-
nion d’état-major s’improvise alors où sont conviés le
général et son fils, mais également les personnages après
Si les joueurs ont expliqué que que le Roi ait rappelé leur nouveau statut et ait vanté
leurs exploits au vieux militaire. Le plan du Roi est rela-
tivement simple : il veut laisser Lao Ai avancer facile-
Lao Ai était bien un eunuque…
Ils peuvent s’estimer très chanceux. ment jusqu’à la Place de la Souveraineté suprême où il
En effet, au milieu des encouragements desti- sera pris au piège et écrasé devant les marches mêmes du
Palais Jique comme « le cancrelat qu’il n’a jamais
nés à remonter le moral de ses troupes, le Roi
cessé d’être ». Il n’est de monarque qui soit heureux
103
leur fait une remarque discrète mais cinglante
afin de bien leur faire comprendre que s’il leur d’apprendre une tentative de coup d’Etat, mais Ying
pardonne, il n’a pas oublié leur erreur. De toute Zheng semble particulièrement touché par la trahison de
évidence, leurs vies auraient pu être menacées l’eunuque et déterminé à lui faire payer très cher le prix
s’ils ne s’étaient illustrés lors de la bataille de de son impudence. Le général prend donc les disposi-
la route de Yong. Ying Zheng aura bien trop à tions pour mener à bien le plan de son suzerain mais sou-
penser dès son retour au palais pour s’en haite y apporter une modification de taille. Il fait alors
préoccuper. entrer deux hommes dans la salle, Chu Changping et
Chu Changwen (identifiables sur un Test de
Renommée). Les deux princes expliquent avoir surpris
une discussion en fin d’après-midi entre des hommes à
Il fait ensuite mettre toutes les troupes en forma- l’accent du Wei et qui semblaient vouloir s’infiltrer dans
tion et monte sur son cheval, face à eux. Seul le person- la Cité royale par la porte Est à l’aube. Les jeunes
nage désigné comme capitaine et Wang Ben (s’il est là) hommes ne souhaitent pas dévoiler comment ils ont eu
sont autorisés à se tenir aux côtés du Roi, face à l’ensemble ces informations mais si on insiste, ils expliqueront
de l’armée. Il harangue alors les hommes : penauds qu’ils étaient dans une taverne de la ville, dans
laquelle ils se rendent fréquemment pour boire et se
« Fidèles soldats du Qin, vous venez une fois de mêler au peuple. Wang Jian expliquera alors qu’il pense
plus de montrer le courage et la détermination qui ont per- qu’il s’agit d’une unité de saboteurs de Wei, des spécia-
mis à notre Royaume de ne jamais connaître la défaite. listes de l’infiltration et de la guerre non convention-
Regardez les hommes autour de vous et souvenez-vous de nelle, dont il convient de se méfier au plus haut point et
leurs visages. Dans quelques années, vous pourrez dire à face à qui tout plan peut tomber en poussière.
vos enfants, puis à vos petits-enfants, que vous avez servi
auprès de tels hommes. Comme le capitaine X (placer le À l’aube, les rebelles de Lao Ai pénètrent donc
nom du personnage en question), vous êtes les véritables comme prévu dans une Cité royale qui leur est presque offerte
héros de ce Royaume et l’origine de ma fierté à le diriger. et profitent, du moins le croient-ils, de la quiétude matinale
Mais ce soir, notre capitale Xianyang est en danger. Votre pour arriver sans encombre jusqu’à la Place de la
devoir, mon devoir, est de la sauver. De quel Roi voulez Souveraineté suprême. Là, l’eunuque et ses trois cents soldats
vous ? Celui qui, alors que ses sujets sont en danger, part trouvent seul et face à eux, de l’autre côté de la gigantesque
à Yong pour accomplir un rituel désuet ou celui qui vous esplanade, un Ying Zheng impérial trônant sur les marches de
mène au combat défendre le peuple du Qin ? Car pour le son palais. Lao Ai a du mal a cacher sa surprise, puis il hurle

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Scène optionnelle :
les saboteurs du Wei
À ce stade de la partie, les personnages
viennent d’être confrontés à une bataille qui a dû
les éprouver physiquement. Par contre si la
scène de l’attaque du palais est aussi une
bataille, ils ne devraient en être finalement que
des spectateurs ou peu s’en faut. Certains
joueurs pourront préférer toutefois continuer sur
leur lancée et envoyer leurs alter-ego au combat.
Afin que vous puissiez gérer le rythme de votre
partie comme vous le souhaitez, nous avons
inclus la scène optionnelle ci-dessous. Si vous
préférez épargner les personnages, contentez
vous de faire dire à Wang Jian que des soldats à
lui vont surveiller la porte Est. Dans le cas
contraire, faites-le y envoyer les personnages.
Les saboteurs sont des ennemis peu
nombreux (un ou deux par personnages) mais
redoutables qui possèdent tous le Tao des Six
Directions au moins au niveau 2. Un peu avant
l’aube, ils se hissent par-dessus les remparts de
la cité royale et sautent à l’intérieur avant de se
diriger vers le Palais Jique. Le combat doit être
particulièrement spectaculaire avec ces enne-
mis qui peuvent aisément prendre appui sur les
murs, se servir de tous les couverts à leur dis-
104 position, tailler leur chemin parmi les gardes et
fondre sur les personnages comme des
démons. Gardez à l’esprit que, pour une fois,
ces derniers ne se battent pas contre des soldats
réguliers mais contre une poignée d’individus
qui leur ressemblent. Puis, une fois les sabo-
teurs interceptés, les personnages sont censés
rejoindre la Place de la Souveraineté suprême
et assister au triomphe du Roi.

pour lancer ses hommes à l’assaut que la Reine-mère a


déclaré que Ying Zheng n’était plus le Roi du Qin et qu’elle
anoblirait quiconque lui ramènerait sa tête. Pendant la longue
charge des insurgés, le Roi remonte sans un bruit dans le
Palais Jique et y pénètre d’une démarche ostensiblement
calme, glaciale et royale. L’apparent silence se rompt d’un
coup quand des milliers de fantassins lourds sortent du palais
et envahissent les marches en frappant en cadence leurs épées
sur leurs boucliers. Lao Ai, impressionné par une telle
démonstration de force, sonne immédiatement la retraite mais
quelle que soit la direction de la fuite, des gardes royaux sem-
blent surgir de nulle part et encerclent rapidement les fuyards.
Ying Zheng apparaît de nouveau sur les marches et Wang Jian
prend alors la parole : « Marquis de Changxin, vous rendez
vous ? » et toutes les troupes loyalistes reprennent en cœur «
Rendez-vous ! ». Devant le refus de l’eunuque, des arbalé-
triers commencent à tirer sur les rebelles. Il ne faut pas long-
temps à Lao Ai pour se rendre et implorer le général et le Roi,
toujours aussi impassible, de gracier ses hommes. Il jette alors Reine-mère

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Scénario : Révolution de palais

ses armes au sol et s’adresse à eux : « Je n’aurais jamais dû le bonheur simple de vivre à deux nous est donc interdit.
vous mettre dans une telle situation, j’assumerai donc seul le Toutefois, à la différence de ton fils, les dieux sont sages et
prix de ma folie. Faites ce que les soldats vous diront, ne com- nous nous retrouverons dans une autre vie. Paysans ou gens
mettez pas d’imprudence et sa Majesté épargnera vos vies ». du peuple, nous pourrons enfin nous aimer. Maintenant, il te
Le général fait alors signe aux personnages (du moins au nou- faut vivre et nous survivre. Lève-toi et ne donne pas la satis-
veau capitaine) de traîner l’eunuque jusqu’au Roi avant d’or- faction des tes larmes à ton fils. »
donner aux insurgés de déposer leurs armes et de se tenir Elle sèche alors ses larmes, prend sur elle pour
debout. Il échange un regard avec le Roi (qui hoche la tête) retrouver son port royal et quitte la salle. Ying Zheng, qui
puis abaisse son bras et ce sont des dizaines d’arbalétriers à n’osait l’interrompre, prend l’eunuque à parti alors que lui-
répétition qui déciment les hommes de Lao Ai avant que des même, bien qu’il soit fermement tenu par les personnages,
lanciers ne les remplacent et s’assurent qu’il ne reste aucun retrouve sa dignité naturelle et se prépare à affronter son sort :
survivant en achevant tous les blessés. Devant un tel massa- « Lao Ai, avoues-tu tes crimes ?
cre, Lao Ai s’effondre aux pieds des personnages, les implo- - Quels crimes ? Je suis innocent et même tes
rant en vain de faire quelque chose et injuriant Ying Zheng bourreaux ne sauront m’enlever cela !
d’une voix sanglotante. - En couchant avec la Reine-mère, tu as souillé la
lignée royale et donné naissance à des bâtards. Tu as ourdi
un complot avec l’étranger pour ravir le trône au Roi légi-
Révélation de palais time du Qin et tu as bien failli réussir. Tu mérites pire que
la mort !
- Oui j’ai couché avec la Reine-mère et des enfants
Le Roi n’a clairement pas l’intention de s’arrêter en sont nés de notre lit. Mais toi, le fils parfait, l’as-tu vraiment
si bon chemin. Il se dirige ensuite vers le palais de la Reine- connue ? Sais-tu quelle a été sa vie ? As-tu la moindre idée
mère avec ses soldats et les personnages, qui sont toujours de la solitude qui a été la sienne ? Alors qui es-tu pour me
chargés de traîner l’eunuque. Il ordonne alors à ses hommes reprocher ceci ? Quant aux autres Royaumes, le premier lait
de fouiller le palais et lui ramener les deux enfants alors que que tu as bu n’était-il celui du Zhao ? Tu me reproches
sa mère, en larmes, tente de le convaincre qu’il ne s’agit que d’avoir voulu dérober le trône, mais qui es-tu sinon le plus
d’enfants innocents, et de ses frères qui plus est. Mais le Roi grand des voleurs ? Laisse-moi te raconter une histoire.
ne veut clairement rien entendre et il ne cesse de demander à Quand le prince Zichu était otage à Handan, un marchand
la reine lequel des deux elle avait choisit pour le remplacer. du nom de Lu Buwei lui offrit sa concubine. Mais celle-ci
Devant son refus de lui répondre et de signer l’arrêt de mort était déjà enceinte et elle donna naissance un peu plus tard à
d’un de ses fils, Ying Zheng ordonne alors aux personnages un garçon dont on se débarrassa en l’envoyant garder les
de les tuer tous les deux et de les jeter par-dessus les rem- chevaux. Mon histoire te rappelle-t-elle quelque chose,
105
parts. Attention, malgré les réticences probables et bien natu- Majesté ? Elle ne se termine pas là. Quelques années plus
relles de vos joueurs, ils doivent comprendre que refuser cet tard, le prince monta sur le trône du Qin et à sa mort, le pale-
ordre reviendrait à faire exécuter leurs personnages tant le frenier du Zhao lui succéda. »
Roi est dans un état second, et qu’il est impossible de sauver La mâchoire crispée, le Roi est incapable de lais-
les enfants de façon discrète. Cette mise à mort est volontai- ser apparaître autre chose qu’un rictus alors que Lao Ai
rement dure mais en aucun cas gratuite et va avoir une impor- reprend de plus belle :
tance certaine pour la suite des événements. Vous devez donc « Je pense que même toi qui te décris comme le
faire en sorte de soigner particulièrement sa mise en scène et Roi légitime du Qin a compris qui était ton vrai père. Ne
de donner aux personnages l’occasion d’exprimer leurs sen- savoures-tu point l’ironie de la situation ? Quelle pathé-
timents à ce sujet entre eux. Rien n’est simple quand on sert tique créature tu fais à te réclamer sans cesse d’ancêtres
le Roi de Qin. qui ne sont pas les tiens, à aller prier dans leur temple et
à vouloir conquérir les six autres Royaumes au nom de
Lorsque les personnages reviennent, la Reine- leur grand dessein alors que tu n’es même pas du sang du
mère est en train de rouer le Roi de coups mais ce dernier Qin ! Voilà, enfant du Zhao, palefrenier qui a dérobé un
ne réagit pas et ne se permettrait en aucune façon à qui- Royaume entier, pourquoi tu es le plus grand des voleurs !
conque de frapper sa mère, même déchue : il préférerait la - … Tu es fou ! Tu es fou ! Faites le taire !
faire exécuter que lever la main sur elle. Les gardes qui - Ying Zheng, Roi du Qin, tu n’es qu’un bâtard !
avaient la responsabilité de Lao Ai pendant l’absence des Ah ah ah ! Le Roi du Qin est mort il y a un an. Le Qin est
personnages viennent leur remettre leur prisonnier. La mort il y a un an !
Reine-mère se jette alors au cou de son amant - Partez tous ! Que tout le monde s’en aille ! Je
« Je t’ai trahi. Nos fils sont morts et je n’ai pas ne veux voir personne ! »
été capable de les sauver.
- Alors l’affaire est entendue et il ne sert plus à La salle se vide très rapidement, les plus fidèles
rien de lutter. L’heure est à la défaite. gardes du corps du Roi étant les derniers à partir et restant
- Je t’en prie, excuse moi… à portée de voix. Il se tourne alors vers les personnages,
- Non, c’est moi qui te présente mes excuses. visiblement sous le choc et sanglotant sans cesse : « Ce
Jamais nos fils n’auraient du mourir. Bien sûr on prétendra n’est pas vrai ? Ce n’est pas vrai, hein ? » avant de leur
qu’ils sont morts parce que je recherchais le pouvoir et la demander d’amener Lao Ai dans les geôles du Palais
fortune, mais il n’en est rien. Je ne cherchais qu’une chose, Jique. « Je ne veux plus voir personne ! Ne vous ai-je pas
le bonheur de vivre à tes côtés. Mais tu es la mère du Roi et ordonné de me laisser seul ? »

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Epilogue
Aspects : Métal 3, Eau 3, Terre 3, Bois 3, Feu 3
Aspects secondaires : Chi 24, Défense passive 8
Don et Faiblesse : /
Talents : Perception 2, Etiquette 1, Intimidation 2,
Le scénario se finit ainsi, de façon troublante et incer- Jiànshù 2 (Bloquer, Charger), Qiangshù 2 (Mise à distance,
taine pour les personnages. Le lendemain, Dao vient les cher- Coup double), Acrobatie 1, Esquive 2
cher pour les féliciter et leur annoncer que le Roi les a promu Taos : Tao des Six Directions 2, Tao du Souffle destruc-
agents à part entière du Censorat. Ils agiront sous sa responsa- teur ou des Mille Abeilles 2, Tao de la Force insufflée 2
bilité et en cas de problème, leur chef de cellule sera le person- Souffle vital : 21 (7 / 0, 5 / 0, 4 / - 1, 3 / - 3, 2 / - 5)
nage promu capitaine par le Roi. Mais avant tous cela, ils Renommée : 5
devront suivre une période de formation complémentaire pour Equipement : Epée, lance, armure légère
bien comprendre le fonctionnement de l’institution. Par contre,
le Roi a explicitement exprimé sa volonté de ne plus les voir
jusqu’à nouvel ordre et, honteux de s’être montré si faible Ombre sans Nom
devant ceux qu’il considère comme des héros, il mettra
quelques semaines à oser réapparaître devant eux.
De son vrai nom Hun Lai, l’assassin qui se fait
Pendant ce court laps de temps, ils auront l’occa- appeler Ombre sans Nom est un combattant et un espion
sion d’apprendre énormément de choses concernant les compétent mais que l’ambition pousse à faire des folies.
conséquences plus ou moins directes de leurs actions. C’est ainsi qu’ayant entendu parler de la réputation des
tueurs aux Clochettes tressées, il décida de se faire passer
• Lao Ai a réussit à s’enfuir mais a été rapidement rattrapé pour l’un d’eux afin de négocier ses tarifs à la hausse. Cela
puis écartelé publiquement, tandis que San Bai-hu, le célè- fait trop peu de temps qu’il procède ainsi pour avoir déjà
bre ambassadeur du Wei, a péri dans l’incendie de sa mai- attiré l’attention des véritables Clochettes tressées.
son et que la rumeur populaire attribue cet accident à ses Ombre sans Nom a été engagé par Lao Ai pour
expériences magiques. assassiner la servante violentée avant qu’elle n’en parle
• Wang Ben a été promu général et nommé à la tête d’un aux personnages. L’eunuque a facilité l’infiltration du
corps expéditionnaire chargé de frapper durablement le tueur dans la Cité royale.
territoire Rong.
• Le destin de Lu Buwei semble plus confus. Par une indis- Assassin usurpateur - 1 m 72 / 70 kg / 27 ans
Aspect : Métal 4, Eau 4, Terre 3, Bois 3, Feu 2
106 crétion de Ba Chong alors qu’il était frappé par le deuil de
Aspects secondaires : Chi 18, Défense passive 9
son ami San Bai-hu, ils apprennent que le Roi et Lu Buwei
auraient eu une discussion au sein même du temple des Don et Faiblesse : /
ancêtres du Palais Jique et que les choses seraient rentrées Talents : Perception 2, Comédie 2, Intimidation 2, Boxe 1
dans l’ordre mais quelques jours plus tard, l’ancien régent (Projeter), Daoshù 2 (Coup précis, Feinte), Jiànshù 3
est disgracié et condamné à l’exil dans le lointain territoire (Parade totale, Charger, Désarmer), Acrobatie 2,
du Shu (au Sud du Royaume). Li Si prend naturellement sa Discrétion 3, Esquive 2
succession comme Premier ministre. Taos : Tao des Six Directions 3, Tao du Pas léger 1, Tao
• La Reine-mère était destinée à une mort certaine et rien ne de l’Ombre dissimulée 2, Tao de la Foudre soudaine 2
paraissait pouvoir lui permettre d’échapper à la colère de son Souffle vital : 19 (6 / 0, 5 / 0, 3 / - 1, 2 / - 3, 1 / - 5)
fils. Pas moins de vingt-sept courtisans tentèrent de lui faire Renommée : 18
comprendre que montrer si peu de piété filiale écornerait sa Equipement : Epée, dagues, chang pao noir, clochettes
réputation pour longtemps mais le Roi les fit tous ébouillan- tressées dans les cheveux
ter. Un rhéteur du Qi, Mao Jiao, tenta toutefois de le convain-
cre à son tour et, par un artifice oratoire des plus osés et alors Les saboteurs du Wei
que les gardes tentaient de se saisir de lui, il parvint à lui faire
entendre raison. Depuis, Wu Ji a été ramenée de Yong, où
elle attendait que son fils veuillent bien donner l’ordre de son Liés à Lao Ai par un pacte, ils sont censés amoin-
châtiment, à son palais où elle restera probablement prison- drir les défenses du palais royal pendant que l’eunuque
nière et sous bonne garde jusqu’à la fin de ses jours. mène son coup d’Etat.

Personnalités
Aspects : Métal 4, Eau 3, Terre 3, Bois 3, Feu 2
Aspects secondaires : Chi 27, Défense passive 8
Don et Faiblesse : /
Talents : Perception 2, Intimidation 2, Jiànshù 2 (Coup
précis, Double parade), Nushù 2 (Tir lointain, Tir rapide),
Acrobatie 3, Discrétion 3, Esquive 2
Taos : Tao des Six Directions 2, Tao du Pas léger 2, Tao
Les agents du Censorat
de l’Ombre dissimulée 2, Tao des Dix Mille Mains 2
Il s’agit de soldats de l’ombre, utilisés pour tester Souffle vital : 19 (6 / 0, 5 / 0, 3 / - 1, 2 / - 3, 1 / - 5)
les personnages afin de savoir si le Roi peut se fier à eux. Renommée : 10
Equipement : Epée, arbalète

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Au service du
Censorat
Ce deuxième scénario vise un but un peu particu- Rouge. Le traité leur échappant, ils vont devoir le poursui-
lier qui le différencie légèrement des trois autres proposés vre jusqu’aux frontières sud du Chu et une bien étrange
dans ce supplément. bibliothèque. Là, prisonniers de la malédiction d’un seul 107
Bien entendu, les événements qui y sont mis en homme, il leur faudra survivre à une réception et conserver
scène participent à la trame générale de Tiàn Xia et vont toute leur lucidité face à l’horreur de la situation. Les per-
amener les personnages à découvrir de nouveaux éléments sonnages vont devoir rassembler tout leur courage afin de
propres à cette intrigue épique. Mais, ils montrent égale- mener à bien cette étrange mission.
ment au Meneur de Jeu comment intercaler des aventures

Première partie : La mort


secondaires afin d’enrichir la campagne entre deux gros
scénarios officiels (parfois distants de plusieurs années).
Devenus agents du Censorat du Qin, il est facile de propo-

du dernier Philosophe
ser aux personnages des scénarios de type « mission ».
Mais vous pouvez bien évidemment amener vos joueurs à
accomplir toute sorte d’autres actions au cours de ces
«périodes de creux». La ville de Xianyang fourmille en
elle-même de dizaines d’opportunités d’aventures.
« Au Service du censorat » en constitue une assez
simple en soi, bien que les situations et les interactions entre Jours paisibles à Xianyang
les personnages et les PNJ puissent se résoudre de nom-
breuses manières différentes. Enfin, sa seconde partie
explore un aspect de Qin rarement mis en avant : l’horreur. Depuis plusieurs mois, les personnages sont

Introduction
devenus citoyens du Qin et vivent dans la capitale du
Royaume. S’ils n’ont pas encore découvert cette grande
cité lors d’aventures intercalaires, n’hésitez pas à prolon-
ger l’introduction afin que les joueurs prennent leurs
repères et considèrent Xianyang comme leur lieu de rési-
dence habituel. Ils devraient se sentir familiers de certains
Ce scénario se situe en -237 (soit en l’an 884 du endroits et habitants de la capitale du Qin ainsi ils se sen-
calendrier de la dynastie Zhou). Les personnages se voient tiront d’autant plus impliqués au coeur des événements qui
confier une mission prioritaire, qui consiste en l’assassinat s’y déroulent.
d’une personnalité réputée du Zhongguo et en la récupéra- Une fois qu’ils semblent à l’aise dans ce cadre et
tion d’un ouvrage mythique. Une opération simple en qu’ils ont commencé à envisager leur quotidien et leur ave-
apparence, mais qui va rapidement se compliquer suite à nir immédiat, lancez l’amorce du scénario.
l’intervention d’une de leur vieille connaissance : Bec

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Un matin, au saut du lit, au milieu d’un entraîne-
ment ou au fond d’une taverne, chaque personnage voit un
commis du ministère de la Justice le rejoindre. Ces messa-
Continuité de la campagne gers délivrent à tous une convocation de Dao qui souhaite
les voir au plus vite (comprenez : immédiatement). Il leur
Tiàn Xia donne rendez-vous à la Taverne des Dix Mille Fumets
(page 49) où ils ont déjà eu l’occasion de le rencontrer dis-
Les personnages ont normalement dû crètement. Les personnages réalisent sans doute là que leur
vivre les aventures narrées dans «le Prince supérieur sait où les trouver à n’importe quel moment.
félon» (dans le livret de l’Ecran) et Dao est assis seul dans une alcôve sombre et
«Révolution de Palais». Six mois se sont écou- prend tranquillement un petit déjeuner. À cette heure mati-
lés depuis la tentative de coup d’Etat de Lao nale, la salle est presque vide. Quelques fonctionnaires se
Ai, période pendant laquelle les personnages préparent à rejoindre leur poste, mais en réalité la plupart
ont déjà pu accomplir quelques missions des rares clients sont des agents du Censorat assurant la
mineures pour le Censorat du Qin (le Meneur sécurité de cette rencontre.
de Jeu peut ainsi se sentir libre d’intercaler des
scénarios de son cru entre « Révolution de
Palais » et « Au Service du censorat »). En
effet, ils doivent maintenant avoir pleinement
intégré cette institution tentaculaire, après leur Vie quotidienne dans
intervention héroïque au cours du scénario
précédent. Dans le meilleur des cas, ils ont eu la capitale du Qin
l’occasion de sauver la vie de Ying Zheng.
Agents du Censorat, les personnages
Ils résident désormais à Xianyang et, bénéficient de privilèges certains, mais doivent
devenus agents au service du Qin, ils côtoient également prouver en permanence leur loyauté
quelques grandes figures du Royaume (plus et leur efficacité. Pour l’ensemble de leurs voi-
particulièrement Li Si, le ministre de la Justice sins, ils restent des citoyens ordinaires : n’ou-
en charge du Censorat) et se trouvent donc sous bliez pas que la vie d’espion nécessite une cer-
ses ordres. Mais c’est à Dao qu’ils ont le plus taine discrétion. Aussi les personnages occu-
souvent à faire (Cf. L’Art de la Guerre, p. 43). pent-ils sans doute un poste quelconque dans
108 Bien que cela puisse pour le moment paraître l’armée ou l’administration du Qin. Ils ont pu
anecdotique, faites en sorte que les personnages nouer des relations avec d’autres citoyens,
aient fait la connaissance de Han Fei Zi, grand trouver une demeure dans l’enceinte de la
rival de Li Si. Dans le cadre de la campagne, si ville, continuer à s’entraîner ou assouvir leurs
vous décidez de suivre les historiques proposés passions… Ils possèdent également sans doute
dans ce live, cet homme est potentiellement le leurs propres motivations et centres d’intérêt et
père de l’un des personnages, une source d’in- les possibilités de les mettre en scène dans
trigues particulièrement savoureuses. cette grande cité du Qin ne manquent pas. En
parallèle de la campagne, les histoires person-
Il serait également intéressant que les nelles des personnages constituent d’excel-
personnages aient rencontré quelques-uns des lentes intrigues secondaires. Et pour vous, il y
autres habitants de la capitale parmi ceux pré- a là également l’occasion d’exploiter divers
sentés dans ce supplément, afin d’étoffer le aspects de la ville abordés dans ce livre, qu’il
réseau de leurs relations. Les joueurs doivent s’agisse de lieux, de situations ou de factions.
maintenant avoir une idée plus précise de ce Xianyang doit paraître particulièrement
que devient le légisme appliqué à la gestion vivante et prompte à fournir toutes sortes d’op-
d’un Etat, de ses points positifs mais aussi de portunités de jeu.
ses absurdités et limites les plus visibles. Quoi qu’il en soit, donnez l’impres-
sion aux joueurs que leurs personnages vivent
Enfin, les événements de ce scénario à Xianyang et que cette vie ne se résume pas à
peuvent sembler plutôt anodins dans le cadre attendre la prochaine aventure.
de la trame générale de Tiàn Xia. Cependant,
certains des éléments qu’il contient prendront
toute leur importance un peu plus tard (la récu-
pération du Traité des Choses de l’Est, le
retour de Bec Rouge, la rivalité entre Li Si et
Han Fei Zi notamment). Grâce à cette aven-
Une mission de confiance
ture, le fantastique et le surnaturel s’invitent
dans l’intrigue de la campagne. Bien en retrait dans l’alcôve, Dao accueille aima-
blement les personnages, prend de leurs nouvelles et leur
laisse le temps de commander une collation avant de ren-

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Scénario : Au service du Censorat

trer dans le vif du sujet. Aussitôt, son ton affable et pré- Bien que long, le voyage peut très bien se dérou-
cieux de courtisan laisse place à un mode d’expression ler sans la moindre péripétie notoire. Hormis les habi-
plus direct. Donnez le sentiment aux joueurs qu’ils ont en tuelles tracasseries administratives aux frontières, rien de
face d’eux presque deux personnalités différentes selon le notable ne survient à moins que le Meneur de Jeu n’en
rôle qu’endosse Dao. décide autrement : vous pouvez ainsi en profiter pour
À voix basse, le responsable du Censorat à amener les personnages à effectuer quelques rencontres
Xianyang leur présente les modalités de la mission qu’il amusantes. Peut-être connaissent-ils déjà Petit Profit, le
souhaite leur confier. Il ne s’appesantit pas sur les motifs marchand ambulant (Cf. Mythes et Animaux fabuleux,
de cette opération et reste évasif si les joueurs posent p.96) et le retrouvent sur cette route, toujours aussi bavard.
quelques questions pertinentes. Il leur affirme simplement Vous pouvez également émailler ce trajet de rumeurs, de
que la directive vient «d’en haut» et que cet ordre est prio- rencontres ou d’aventures locales. Mais les personnages ne
ritaire. À eux d’en déduire ce qu’ils veulent, après tout le doivent pas perdre de vue que la réalisation de leur mission
Censorat ne recrute pas des imbéciles. demeure leur objectif prioritaire, et que le Censorat aime
Voici exactement les informations qu’il est auto- obtenir des résultats et rapidement.
risé à leur transmettre. Les personnages doivent se rendre
jusqu’à Lan-ling, une petite cité du Chu située à l’Est de
Zhou, où réside Xun Zi. S’ils ne connaissent pas ce nom, La retraite de Xun Zi
Dao leur explique rapidement qu’il s’agit de l’un des maî-
tres à penser du légisme. Leur mission consiste à éliminer
cet homme le plus discrètement possible (à eux de décider Le voyage s’avère donc par défaut long et mono-
de quelle manière, s’ils feront passer cela pour un accident tone. Un soir, alors que les personnages ne sont plus guère
ou un suicide, etc.) et à récupérer un ouvrage important en qu’à une demi-journée de marche de la cité, la pluie s’abat
sa possession, intitulé le Traité des Choses de l’Est. Dao sur eux. La nuit tombe et l’averse les pousse à chercher un
insiste lourdement sur le fait qu’aucun des deux éléments abri. Heureusement, surgissent soudain des lumières au
de cette mission n’est optionnel. Les personnages doivent bord de la route. Il s’agit d’un relais situé au bord d’un
impérativement supprimer Xun Zi et ramener le livre. petit canal qu’un bac permet de traverser. À cette heure tar-
dive, plus personne n’assure ce transport et à moins de se
débrouiller seul, il vaut mieux chercher refuge dans «
l’Auberge du Canal ».
Une dizaine de clients, des marchands et des
voyageurs, se sèchent et dînent autour d’un feu brûlant
109
Les projets de Li Si
dans un large âtre central. L’aubergiste, un petit homme
Li Si, avant d’être ministre du Qin, jovial et sautillant, les accueille chaleureusement et
fut le disciple de l’un des théoriciens du envoie aussitôt un serviteur s’occuper de leurs chevaux.
légisme appelé Xun Zi (-310 à -237). Il avait Il leur propose de s’asseoir près du feu où un homme
d’ailleurs à l’époque un certain Han Fei Zi tente maladroitement de se souvenir d’une légende de
comme condisciple. Cependant, Li Si ne se son enfance. Les autres convives l’écoutent distraite-
contente pas d’être un ministre zélé et ambi- ment tout en mangeant leur soupe de légumes. Les per-
tieux, il est également un médiocre fangshi. Il sonnages intrigués par ce rassemblement apprennent que
a rapidement pris conscience de l’obsession leur hôte, nommé Heng Po, offre le repas à tous ceux qui
morbide du jeune Roi et il cherche désormais narrent une histoire qui lui plaise, fictive ou réelle, ou lui
dans ses maigres connaissances occultes le rapportent des nouvelles intéressantes. Une curieuse
moyen de le satisfaire ; il espère bien entendu habitude mais qui entretient une ambiance assez bon
s’attirer ainsi la faveur du monarque. Or il se enfant au sein de son établissement, fréquenté unique-
souvient avoir aperçu chez son ancien maître ment par des gens de passage.
un vieux traité écrit dans une langue antique. Il En fait, cette « tradition » procède d’un autre
avait jadis pu le déchiffrer partiellement et objectif : Heng Po est l’agent du Censorat du Qin envoyé
pense que les secrets qui y sont consignés par Li Si afin de surveiller Xun Zi. Mais il évite de s’ap-
pourraient l’aider dans son entreprise, sinon procher trop près de la ville complètement policée. Aussi,
maintenant, du moins plus tard. Il s’agit du il a trouvé ce moyen pratique de glaner des informations.
Traité des Choses de l’Est sur lequel il préfère Les personnages n’ont pas été mis au courant de l’identité
mettre la main avant de voir l’un de ses rivaux de cet agent (que Li Si protége) mais selon leur comporte-
s’en emparer. ment, Heng Po pourra peut-être deviner leurs réelles moti-
Grâce à son poste de ministre de vations et leur apporter une aide discrète.
tutelle du Censorat, Li Si fait surveiller son Parmi les autres clients de l’auberge, deux per-
ancien maître par un agent réputé des services sonnalités sortent du lot. La première est un wu xia empâté
secrets du Qin. Mais, impatient, il décide d’en- et négligé nommé Rung Na. Si les joueurs racontent une
voyer les personnage supprimer l’érudit (pour histoire, il les interrompt, pose des questions stupides et
effacer les traces de ce vol et parce qu’il en a émet des commentaires peu flatteurs. Pressé de faire
le pouvoir) et récupérer le Traité. mieux, il se met alors à conter les aventures d’un «grand
héros du Zhongguo», le dénommé Tong de Nao ! Les per-
sonnages qui ont joué le scénario «Vers un Monde de Lacs

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et de Forêts» vont bien entendu reconnaître là le fils de y couler une retraite paisible et y achever son œuvre litté-
Main Gauche. Mais surtout, le wu xia lui prête les exploits raire. Il remplit ses fonctions avec son zèle habituel, même
des personnages et eux-mêmes deviennent des figures si depuis quelque temps il délègue de plus en plus de
pitoyables. charges à son fidèle assistant, Porte-parole du Sage.
La seconde cliente remarquable se nomme La ville calme résonne du martèlement des tail-
Chenxi (cf. Mythes et Animaux fabuleux, page 68). Bien leurs de pierre. Les patrouilles nombreuses quadrillent les
qu’assise à l’écart, il est difficile de ne pas la remarquer. Si quartiers et surveillent les environs. De plus, le légisme y
les personnages l’abordent, elle se montre polie mais dis- étant appliqué avec zèle (bien plus que n’importe où ail-
tante, élude toute question la concernant et demeure leurs au Chu), la vie quotidienne se soumet au poids de la
stoïque s’ils déclenchent une bagarre avec Rung Na. Par bureaucratie, les comportements sont policés et codifiés.
contre, si les personnages ont participé au meurtre des Il est facile de trouver une auberge afin d’y poser
enfants de Lao Ai dans « Révolution de Palais », elle leur ses bagages. Une fois installés, les personnages n’ont plus
révèle alors de façon sibylline qu’ils sont suivis par deux qu’à recueillir des informations, observer et organiser leur
gamins (des fantômes en fait). Elle n’en dira pas plus et les opération.
abandonnera, en proie à leurs questions et leur étonnement.

Rendez-vous manqué
Les enfants de Lao Ai
Les personnages vont tôt ou tard tenter d’appro-
Deux enfants, deux spectres qui han- cher Xun Zi ou effectuer des repérages autour de la magis-
tent les personnages. trature. Porte-parole du Sage enregistre toute demande de
Ils les suivent de loin, rendent leur rendez-vous, mais chaque jour annule ceux-ci en raison de
chevaux nerveux, troublent leur sommeil par « l’indisposition » du magistrat. La voie bureaucratique
des pleurs et des gémissements. Leur but est ne permet pas de le rencontrer et les rumeurs vont bon train
d’inquiéter les personnages, de les pousser à car personne n’a vu Xun Zi depuis une semaine.
bout pour que, morts de fatigue ou de peur, ils
commettent des erreurs portant préjudice à En fait, le vieux maître est en train de mourir. Agé
leur mission ou leur réputation. Ils aiment en de soixante-treize ans, épuisé, il vit reclus dans ses appar-
particulier chanter une comptine pour enfant tements. Mais aucun de ses serviteurs ne transmettra cette
dont ils détournent les paroles de façon maca- information à l’extérieur. Aussi, les joueurs vont devoir
110 mettre au point un plan pour pénétrer dans l’édifice, certai-
bre. Ils surgissent quand on s’y attend le
moins, surprennent les personnages et les nement de nuit lorsque les locaux administratifs sont vides.
effraient par des bruits soudains ou des appari-
tions brèves et de mauvaise augure. Un exor- Les appartements de Xun Zi se situent au premier
ciste pourra sans doute les éloigner mais diffi- étage. Un jardin parfaitement agencé et entouré d’un haut
cilement les chasser définitivement. mur donne sur l’arrière du bâtiment, surplombé par le bal-
con de sa chambre. La nuit, les patrouilles sont fréquentes
dans la rue mais il n’y a que deux sentinelles devant la
porte, une autre dans le jardin et une au rez-de-chaussée.
A l’aube, la pluie a cessé et les personnages peuvent Trois serviteurs vivent dans les combles du bâtiment. Les
reprendre leur route vers Yeng par une route détrempée et Cinq Rossignols pourraient organiser une diversion des
glissante. Le soleil n’est pas encore à son zénith lorsqu’ils plus efficaces, si les personnages les trouvent et les en
arrivent en vue de la petite enceinte. Il s’agit d’une cité convainquent.
modeste d’à peine huit mille habitants, cernée d’un simple Les joueurs doivent comprendre qu’ils ne pour-
talus de terre damée surmonté d’un rempart de roche grise. ront pas approcher Xun Zi par la voie légale. Il faut tenter
Cette pierre abondante dans la région a servi à construire la une effraction. Laissez-les organiser avec minutie leur opé-
plupart des maisons basses et massives, chose très rare au ration (ou s’en remettre à la chance !).
Zhongguo. Seules la magistrature et la caserne respectent des Mais au moment de passer à l’action, tout s’avère
normes architecturales plus classiques et font usage intensif étrangement facile. Pas de garde dans le jardin (son cada-
du bois. Aussi la cité dégage une impression de solidité et est vre est caché dans un massif épineux), ni dans la magistra-
peu vulnérable aux incendies, véritable fléau urbain. Il s’agit ture (corps dissimulé dans un coffre du bureau fiscal). Les
d’un petit centre prospère dont la principale activité écono- personnages avancent dans un bâtiment vide et silencieux.
mique tourne autour de l’extraction et le travail de la pierre Personne jusqu’à l’escalier où ils découvrent le corps sans
qui lui donne son uniformité. vie d’un serviteur. La nuque brisée, il gît au pied des
Première constatation pour les personnages : la marches. Accident ? Deux autres corps dans les combles
garnison est nombreuse, le poste de garde devant l’entrée (poignardés ceux-là) indiquent le contraire.
principale regroupe ainsi pas moins de douze hommes. Au bout du couloir, un rai de lumière filtre par la
Cependant les personnages devraient rapidement se rendre porte entrebâillée de la chambre de Xun Zi. Mais lorsque
compte que ce déploiement de force répond au désir d’ho- les personnages jettent un œil dans cette pièce, une sur-
norer et de protéger la célébrité locale : Xun Zi. Très âgé, prise de taille les attend.
celui-ci s’est vu offrir le poste de magistrat de Lan-ling pour

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Scénario : Au service du Censorat

La ville et ses habitants : intrigues secondaires


Voici quelques informations sur Lan-ling afin de la rendre plus vivante et, pourquoi pas, y déve-
lopper vos propres intrigues.
L’aspect massif de la cité demeure assez unique dans le Zhongguo, des murs de pierre ne sont
pas inflammables et s’effondrent difficilement contrairement aux bâtisses de pierre et de bois d’autres
villes des Royaumes. Les patrouilles vérifient souvent les identités des étrangers, les postes de garde entre
les quartiers également. La moindre démarche administrative nécessite de remplir de nombreux formu-
laires ou de répondre à encore plus de questions. Des petites choses anodines ailleurs sont ici totalement
interdites : dormir dans la rue, jeter des détritus par terre, porter une arme sans autorisation de la magis-
trature, boire après l’heure du porc (et se montrer ivre en ville ; d’ailleurs les tavernes ferment dès cette
heure de la nuit), etc. Les joueurs doivent bien ressentir ce climat policé qui pèse sur la ville et leur rap-
pelle finalement beaucoup Xianyang. À la moindre alerte, une patrouille intervient rapidement (moins de
cinq minutes en général).
Xun Zi est respecté par les habitants qui le considèrent comme un magistrat compétent. Il y a
toujours des mécontents pour qui l’excès de loi nuit à la liberté, mais s’ils expriment trop ouvertement
leur opinion, ils en deviennent les premières victimes.
Les carrières de pierre grise, sa taille et son exportation vers d’autres provinces constituent la
principale ressource de la cité. Bien entendu, Xun Zi a organisé cette industrie sous l’égide de la magis-
trature qui la contrôle totalement. De nombreux ouvrages de pierre (statues, arches, colonnades) décorent
les rues de la cité.
Voici maintenant quelques lieux et citoyens remarquables :

• Le hall des antiquités et le site archéologique : Près de la carrière, lors de travaux d’aménagement
de la route qui y mène, des ouvriers ont découvert les vestiges ensevelis sous une coulée de boue d’un
édifice antique. Des experts ont pu le dater de la dynastie Xia et les éléments retrouvés (armes, poteries, 111
bijoux) sont exposés dans un bâtiment adjacent à la magistrature. Les fouilles archéologiques se poursui-
vent actuellement sous la direction d’An Gong, historien au service du Roi. Il a récemment mis à jour un
curieux pendentif de jade et d’onyx mêlés et semble depuis pris d’une fébrilité excessive, poussant jour
et nuit ses manouvriers à poursuivre les fouilles plus profondément, au mépris des risques d’éboulement.
• L’atelier de Main de Pierre : Cet homme dans la force de l’âge est considéré comme le meilleur sculp-
teur de Lan-ling. Il achève actuellement un buste de Xun Zi, mais n’a pu voir le magistrat depuis trois
jours. Il réalise également d’imposantes Ba Chui dans le granit local (Solidité : 13 mais il faut au moins
un niveau de 4 en Métal pour les manier).
• L’Auberge du Pèlerin jovial : Malgré son nom, cet établissement résonne rarement des rires de ses
clients. Tenu par Kun Ji, un ancien soldat du Chu, grand homme maigre et chafouin, l’auberge suit des
règles strictes : pas de bruit après la tombée de la nuit, service des repas à heures fixes, tenue impeccable
exigée… Mais les prix sont corrects et le service irréprochable. Kun Ji est également un informateur de
la police.
• Les Cinq Rossignols : La loi de Lan-ling interdit les rassemblements entre l’heure du porc et l’aube.
Les citoyens ne doivent pas faire de bruit durant cette période. Mais il y a des réfractaires. Rien de bien
méchant cependant : les Rossignols regroupent cinq adolescentes qui, pendant la nuit, se mettent à chan-
ter, jouer de la musique ou déclamer des vers sur les places publiques de la cité. Cachées derrière des
masques, elles jouent à cache-cache avec les autorités, bravent l’interdit par simple jeu. Irrégulièrement,
elles donnent leur court spectacle (quelques minutes) et disparaissent avant l’arrivée du guet. La plupart
des citoyens s’amusent de cette situation. L’une d’elles n’est autre que Bao Jin, la fille du colonel Bao
Bun, chef de la garnison.
• Fu Wan Ke : Borgne peu loquace et aux manières rudes, il tient un estaminet : le Chat Tigré, fréquenté
par les mineurs. Mais surtout, il possède une salle de jeu clandestine dans son arrière-boutique (activité
bien entendu illégale). Né dans le jiang hu, il déteste le légisme et pratique encore quelques rites taoïstes
ancestraux. C’est un brave homme qui sous son aspect revêche cache un cœur généreux pour les plus
démunis. En hiver, il ouvre une salle pour que les sans-logis dorment au chaud. Les autorités l’ont à l’œil
mais le laissent faire tant qu’il ne prend pas trop ouvertement parti contre le pouvoir (une sorte de soupape
de sécurité…).

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Où l’on retrouve Bec Rouge
Ce que Bec Rouge fait ici
La chambre est spacieuse mais austère : une table
de travail encombrée de matériel d’écriture, des étagères Bec Rouge est un personnage un peu
remplies de nombreux ouvrages, un coffre, un grand lit au particulier dans l’univers de Qin. Anti-héros
centre de la pièce. Les personnages y voient un Xun Zi par excellence, il représente les choix que les
livide, les yeux grands ouverts fixant le plafond. Il vient de personnages auraient pu faire, leur miroir en
rendre son dernier souffle, de mort naturelle. Mais ceci les négatif en quelque sorte. Après avoir quitté
personnages vont certainement en douter car ils décou- l’armée du Zhao, il fut approché et recruté
vrent Bec Rouge penché au-dessus de la dépouille du par la Secte du Ciel Incliné. Il se trouve
magistrat, un poignard ensanglanté à la main. Il est en actuellement au Chu pour y accomplir la
colère car arrivé trop tard, à peine une minute avant les même mission que les personnages : assassi-
personnages, pour assassiner Xun Zi. Dès que ceux-ci ner Xun Zi, une figure du légisme dont
entrent dans la chambre, il relève la tête et, les reconnais- Cheng Huan veut se débarrasser tout en tes-
sant, son expression change pour laisser place à un bref tant cette dernière recrue très prometteuse.
étonnement puis à un sourire amer. Laissez un instant aux Bec Rouge ne fait qu’une apparition ici, mais
joueurs pour émettre des hypothèses et se poser des ques- il devrait faire naître des questions et des
tions. Mais très vite, enchaînez les événements afin de les doutes dans l’esprit des joueurs.
mettre sous pression.
Ils perçoivent des voix au rez-de-chaussée. Les
sentinelles ont entendu du bruit et appellent leurs cama-
rades. Sans réponse, ils donnent aussitôt l’alerte. La
caserne se trouvant en face de la magistrature, les person- Des lendemains qui déchantent
nages disposent d’une minute de répit. Mais même en
fouillant la chambre, ils ne trouveront pas le Traité, mis de
côté par Porte-parole du Sage. Bien. Xun Zi est mort, c’est une chose. Mais
Bec Rouge prend immédiatement la décision de alors, où se trouve le livre ?
s’enfuir et tente de forcer le passage vers le couloir. Les Le lendemain, la cité entière est en émoi à l’an-
personnages vont sans doute se sentir menacés et saisir nonce du décès de son magistrat. Le colonel Bao a obtenu
112 leurs armes. Il ne souhaite pas se battre, uniquement filer par le contrôleur des décès la confirmation de la mort natu-
avant que la garde n’arrive. De plus, même s’il est un relle de Xun Zi et pense n’avoir donné la chasse qu’à des
adversaire redoutable, il évalue avec justesse que ce com- voleurs. Cependant, les rumeurs vont bon train. Les
bat risque de durer et de ne rien lui apporter. Arrangez- obsèques s’organisent, la garde autour de la magistrature a
vous pour que Bec Rouge parvienne à s’enfuir, dans la été triplée de jour comme de nuit. Une grande partie de la
cohue, par le jardin… Les soldats qui investissent le bâti- population assiste aux rites funéraires de son citoyen le plus
ment donneront assez de travail aux personnages pour célèbre. Porte-parole du Sage s’adresse alors à la foule pour
qu’ils s’occupent avant tout de se sauver. faire part des dernières volontés du défunt. Les personnages
Menés par le colonel Bao, ceux-ci se lancent à la apprennent que la plupart des ouvrages du maîtres ont été
poursuite des personnages avec d’autant plus de zèle que recopiés avant sa mort en double exemplaire. Ainsi, chacun
l’officier découvre rapidement le cadavre de Xun Zi. Vous de ses deux principaux disciples en recevra une copie, ces
pouvez ici mettre en scène une longue course-poursuite à disciples étant bien sûr Han Fei Zi et Li Si. Cependant, les
travers les rues de Lan-ling. Les statues, arches de pierre et personnages se montreraient bien avisés de vérifier le destin
murs de l’enceinte intérieure constituent autant d’éléments du Traité des Choses de l’Est. L’assistant de Xun Zi pourra
de décor pouvant la rendre des plus spectaculaires. Les sol- leur en dire plus s’ils l’abordent subtilement. Cet ouvrage
dats ne bénéficient pas des capacités des personnages, inestimable n’a pas été copié mais l’unique exemplaire
mais ils ont le nombre pour eux ainsi que la connaissance connu, et quelques autres pièces rares, sont destinés à un
du terrain. Des torches en procession suivent la progres- érudit et ami du maître.
sion des personnages, des cris, des alarmes brisent le Les personnages n’ont plus qu’à surveiller le
silence de la nuit. Les traits des arbalètes sifflent, les départ des livres. Mauvais plan car en fait, si les copies
pointes des lances tentent de déséquilibrer le personnage partent bien pour Xianyang, les autres ouvrages ont quitté
juché sur le bord d’un toit, un échafaudage barre soudaine- la cité dès le lendemain du décès de Xun Zi. Et ce en toute
ment une venelle… La garnison met tout en œuvre pour discrétion afin d’éviter d’attiser la convoitise des voleurs.
capturer les fuyards, Bao craignant pour sa tête. Les per- Cette information sera plus difficile à obtenir, mais à Lan-
sonnages doivent recourir à toutes leurs ressources afin ling comme ailleurs les pots-de-vin restent relativement
d’échapper à leurs poursuivants. efficaces lorsque l’on désire délier les langues même du
Quand ils parviennent enfin à se mettre à l’abri, plus scrupuleux des fonctionnaires…
ils entendent encore toute la nuit les clameurs des Porte-parole du Sage, le colonel Bao ou une visite
recherches. Mais surtout leur bilan est mitigé : Xun Zi est aux archives administratives permet finalement de déter-
mort, certes, mais ils n’ont pas le Traité et un nouveau per- miner la destination du Traité : le manoir de Bei Jiao-lin,
sonnage s’est invité inopinément dans l’aventure : Bec ami du philosophe et grand érudit vivant à la frontière sud
Rouge. Pourquoi ? du Royaume.

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Scénario : Au service du Censorat

Seconde partie : Un
l’érudit ne reçoit que très peu de visites. On raconte que

manoir et des manuscrits


ceux qui osent s’aventurer dans son domaine ne reviennent
jamais et les paysans superstitieux parlent d’un démon des
montagnes que bien sûr personne n’a jamais vu.

Quoi qu’il en soit, il paraît évident maintenant


aux personnages que, s’ils veulent s’approprier le Traité, il
Voici les personnages lancés à la poursuite d’un va leur falloir rendre visite à ce Bei Jiao-lin.
livre antique, toujours plus au Sud du Chu. Mais l’accueil
qui les attend risque fort de les surprendre et de mettre à NB : Encore une fois, cette partie voyage n’est pas ici
rude épreuve leur courage. Cette seconde partie se déroule très détaillée faute de place. N’hésitez pas à émailler le tra-
en huis-clos et fonctionne sur la mise en place d’une jet d’événements de votre cru. Une météorologie capri-
ambiance lourde et oppressante. Les personnages doivent cieuse, une rencontre inattendue, un mystère local ou des
rapidement se sentir piégés et à la merci de forces surnatu- tracasseries administratives peuvent venir rythmer à loisir
relles qui menacent de les entraîner dans la folie et la mort. le périple des personnages.

Sur la piste du Traité des Choses de l’Est Une invitation impossible à décliner
Renseignements pris, les personnages décou- Les personnages se rapprochent des frontières
vrent donc où a été expédié le Traité des Choses de l’Est. Sud du Chu et progressent maintenant à travers une suc-
Ne trouvant aucune trace de Bec rouge à Lan-ling, le cession de vallées encaissées où le soleil ne pénètre que
colonel Bao continuant à rechercher activement les « rarement. Hormis quelques animaux sauvages et des ber-
voleurs », ils devraient donc se hâter de quitter la gers incultes, ils ne rencontrent personne, pas même le
modeste cité. La route la plus directe rejoint Chansha commis mentionné par le marchand. Au bout de deux jours
puis longe la rivière Xiang jusqu’à Chengyang. La de marche pénible sur des sentiers escarpés, ils devinent
nature assez sauvage de ces régions risque plus de les enfin à travers la brume le but de leur long voyage.
ralentir qu’autre chose s’ils décident de chercher un rac-
courci. Toutes les précautions ont été prises pour Un manoir accroché au flanc d’une falaise se
convoyer discrètement et en toute sécurité les précieux dresse au-dessus d’un vide vertigineux. Son architecture
manuscrits. Les personnages apprennent à Chansha que élancée témoigne du génie de son bâtisseur. Mais alors que
113
le convoi est déjà reparti depuis la veille. En fait, il s’agit les personnages achèvent d’escalader l’étroit chemin qui y
d’une fausse piste organisée pour dérouter d’éventuels conduit, le soleil se cache derrière un sommet déchiqueté
voleurs. Le temps de rattraper ce leurre, de l’arrêter et de et l’obscurité envahit peu à peu le paysage. La nuit froide
se rendre compte que l’on a été dupé, les véritables mes- est tombée lorsqu’ils parviennent enfin devant la large
sagers seront déjà arrivés à Chengyang. porte de l’élégant édifice.

Une fois rendus, il faudra encore mener une Personne ne répond à leurs appels, des barreaux
enquête minutieuse pour découvrir que les livres ont été de fer bloquent l’accès aux rares fenêtres d’où aucune
confiés à un marchand voyageant vers le Sud. Les person- lumière ne filtre. Pourtant, en tendant attentivement
nages le retrouvent le lendemain dans un petit village de l‘oreille, les personnages perçoivent de la musique et des
bergers au fond d’une vallée humide. Il s’est déjà débar- éclats de voix joyeux. S’ils poussent la porte, ils constatent
rassé de son colis, donné à un commis parti rejoindre le qu’elle n’est pas verrouillée. Une invitation à entrer ?
manoir de Bei Jiao-lin.
Le hall, désespérément vide hormis le grand esca-
NB : Mener l’enquête lier laqué qui monte à l’étage, est froid et obscur. Une odeur
De loin en loin, les personnages vont devoir inter- de moisi flotte dans l’air. Les bruits semblent provenir d’en
roger des gens pour suivre la trace du livre. À Lan-ling ou haut. Personne ne semble avoir remarqué leur présence alors
ailleurs, il se trouve toujours des fonctionnaires trop qu’ils montent et traversent un petit vestibule plongé dans le
loquaces ou capables de délivrer une information sans noir. Mais cette fois, ils voient de la lumière passant à travers
conséquences contre une petite rémunération. Les person- une grande porte ajourée. Les sons d’une fête proviennent de
nages peuvent également exploiter la faiblesse du légisme cette direction. Dès qu’ils poussent les battants, les person-
: un administratif envahissant. De faux documents, un nages sont saisis par le contraste immédiat.
mensonge bien pensé et exploitant le système font toujours
leur effet. Une fois qu’ils ont le signalement des Ils débouchent dans une vaste salle luxueuse et bril-
convoyeurs, il suffit d’interroger de loin en loin les voya- lamment éclairée par des centaines de lampes colorées. Un
geurs et habitants de la région. festin de mets raffinés s’étale sur une grande table centrale.
Un feu crépite dans l’âtre d’une immense cheminée. Une
Leur course infructueuse n’a fait que les rappro- douzaine de convives boivent, mangent et discutent par petits
cher de ce lieu dont le seul nom fait frémir leurs interlocu- groupes. Laissez quelques instants aux joueurs pour se poser
teurs. En effet, vivant en reclus depuis des décennies, des questions et assimiler la situation. Dès qu’ils signalent

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


leur présence, l’assemblée se retourne vers eux et, un grand
sourire aux lèvres, les invite aussitôt à les rejoindre. L’accueil
est chaleureux, on se présente, on offre de se restaurer, on
s’excuse de ne pas les avoir entendu frapper, on demande des
La bibliothèque maudite nouvelles de reste du Royaume, etc.
Bien sûr, des chambres sont préparées pour les
personnages, elles sont luxueuses mais un peu froides.
Il s’agit d’une bibliothèque plus ou Leurs étroites fenêtres donnent sur la falaise.
moins secrète perdue sur une montagne, isolée Les personnages doivent avoir l’impression de
de tout, comme il y en a un certain nombre dis- débouler au milieu d’une célébration à laquelle ils sont les
persé dans le Zhongguo. Certains disciples de bienvenus. Rassurez-les afin qu’ils se sentent en confiance
Wen Chang et érudits du Qi peuvent ainsi s’as- dans ce cadre paisible. En apparence…
surer que certains documents ne seront jamais ni
perdus ni brûlés, ni ne tomberont en de mau-
vaises mains. La Fête des Morts
Désormais, les personnages se
retrouvent prisonniers du manoir de Bei Jiao- Pour le moment, les personnages n’ont aucune
lin. Comme il est dit dans Mythes et Animaux raison de douter des apparences. S’ils posent des questions,
fabuleux (Cf. p. 9), l’érudit décédé continue ils apprennent que les convives sont des érudits et des amis
d’entretenir l’illusion de son activité fébrile et de Jiao-lin venus lui rendre visite ou consulter sa biblio-
tente désespérément de terminer son œuvre- thèque. Certains ont fait un très long chemin jusqu’ici et
somme : le Bei Jing. De jour, il est évident profitent de la générosité de ce palais improbable.
que l’extérieur du bâtiment souffre des L’atmosphère insouciante devrait laisser les personnages
ravages du temps, mais la nuit masque cet sans méfiance et tout à leurs plans de cambriolage.
état. L’édifice construit à flanc de falaise n’est Ils remarqueront vite que Bei Jiao-Lin est absent :
qu’une portion de l’ensemble du manoir. Une il travaille à son dernier livre leur répondra-t-on. Il ne faut en
vaste salle troglodytique est aménagée dans la aucun cas le déranger.
montagne. C’est là que se trouve l’ensemble Maintenant, toute la difficulté pour le Meneur de
de la bibliothèque et le cabinet de travail de Jeu consiste à mettre en place l’ambiance souhaitée, tout en
Jiao-lin, mais l’accès dans le hall en est blo- nuances et en contrastes.
114 qué par une porte verrouillée et cachée par
une tenture. En réalité l’intérieur du manoir • D’un côté le faste et le luxe de la fête : rendez vivante
tombe en décrépitude, mais au pouvoir d’illu- chaque rencontre, multipliez les fausses pistes et les élé-
sion de l’érudit s’ajoute celui des autres ments de décor afin que les personnages se retrouvent plon-
convives. En effet, il s’agit de fantômes, col- gés au cœur de la situation sans vraiment pouvoir prendre
lègues et voyageurs, pris dans le piège et du recul. Inspirez-vous des quelques PNJ décrits ci-dessous
morts ici. Ils mettent en scène une fête perma- et n’hésitez pas à en ajouter d’autres adaptés aux histo-
nente afin d’attirer d’autres infortunés qui riques de vos personnages. Ils peuvent ici prendre du bon
pourront peut-être découvrir le moyen de met- temps, se reposer sans se sentir menacés.
tre fin à leur tourment, eux qui n’ont pas su • D’un autre côté, plusieurs détails dérangeants vont petit à
découvrir la solution. petit les amener à douter de ce qui les entoure. Les spectres
des deux enfants continuent à les suivre et leurs manipula-
Notez que, bien que la bibliothèque tions se mêlent aux éléments surnaturels liés au manoir.
renferme des milliers d’ouvrages, une somme de Apparitions spectrales, bruits sans aucune source visible,
connaissance incomparable, il est impossible lueurs étranges parsèment le manoir. Il fait souvent froid
d’en sortir quoi que ce soit hormis ce qu’ils ont dans ce grand bâtiment et même s’ils en donnent l’impres-
amené avec eux. Seules exceptions : le Traité sion, les feux illusoires ne protègent que de la sensation du
qui n’est pas soumis à cette influence et le Bei froid, pas de ses effets néfastes..
Jing si les personnages aident à son achèvement.
Lors de leur arrivée, les personnages ont entendu de
Enfin, s’ils utilisent des sorts leur per- la musique mais aucun musicien ne fait partie du groupe des
mettant de révéler la véritable nature des invités. Il semble faire toujours nuit dehors, même s’ils dor-
choses, ils découvrent bien sûr l’état de déla- ment et que plusieurs jours s’écoulent. Noyez ces détails dans
brement avancé du manoir et la nature de leurs vos descriptions, aux joueurs de percevoir ce qui cloche.
hôtes. Mais également les deux enfants qui Deux éléments ont des conséquences plus impor-
continuent de les poursuivre et auxquels ils tantes. Les portes, fenêtres et issues donnant sur l’extérieur
imputeront peut-être, dans un premier temps, sont toutes condamnées. Impossible de les ouvrir ou de les
la plupart des faits étranges qui vont se pro- briser, par quelque moyen que ce soit. De fait, les person-
duire autour d’eux. nages sont bel et bien prisonniers du manoir. Des condi-
tions météorologiques exécrables et la nuit peuvent limiter
leur désir de sortir.

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Scénario : Au service du Censorat

Enfin très rapidement, ils se sentent très las. Au escaliers, des plate-formes, des ponts de corde soutenus par
départ, mettez cela sur le compte la fatigue du voyage, une des poteaux taillés dans des troncs d’arbre géants, permettent
bonne nuit (troublée par les deux fantômes enfantins) d’accéder à des rayonnages adossés aux parois de pierre,
devrait y remédier. Mais en réalité, ils meurent de faim. La dans un dédale inextricable. Des lanternes éteintes sont
nourriture est illusoire et leurs forces déclinent au fur et à accrochées ici et là et des cages de métal pendent du plafond,
mesure que le temps passe (ils perdent une ligne de Souffle retenues par des chaînes rouillées. Elles renferment
vital et écopent d’un malus de -1 à toutes leurs actions, à quelques-uns des ouvrages les plus précieux, à l’abri des rats,
partir du deuxième jour et par journée de jeûne). dont le fameux Traité des Choses de l’Est.
Bei Jiao-Lin demeure introuvable. Les autres Sur une plate-forme en contrebas, ils aperçoivent la
convives ne peuvent pas expliquer réellement ce qui se silhouette d’un homme solitaire faisant les cent pas autour 115
passe ici, mais face aux doutes ou aux suspicions renvoient d’un immense bureau. Il s’agit bien sûr de Bei Jiao-lin cher-
systématiquement les personnages vers leur hôte. Qui chant désespérément le moyen de terminer son œuvre.
achève son dernier livre… Attention, ici aussi tout n’est qu’illusion de la
Tôt ou tard, ils vont comprendre que la situation splendeur passée de la bibliothèque. Les cordes sont usées,
n’est pas ce qu’elle semble être et qu’il leur faut absolu- les escaliers vermoulus, les ponts branlants. Un personnage
ment retrouver l’érudit pour tirer tout cela au clair, et sur- trop pressé ou un combat engagé avec Xin Hoan par exem-
tout remplir leur mission. ple, risque de précipiter le maladroit vers le fond du gouffre.

La malédiction de Bei Jao-lin Reflets et Vérités


Comme indiqué dans Mythes et Animaux fabu- Bei Jiao-lin n’est pas un spectre mauvais, il n’a
leux, la situation restera bloquée ainsi tant que l’œuvre de même pas conscience de son état. Cette rencontre peut s’en
Bei Jiao-lin ne sera pas achevée. Au milieu des désirs révéler d’autant plus surprenante. C’est un érudit de grand
conscients ou non des uns et des autres, les personnages savoir, il aime échanger des idées, converser et n’a aucune
doivent réaliser que leur priorité consiste toujours à trouver notion du temps qui passe. Il reçoit les personnages avec
le Traité des Choses de l’Est puis un moyen de quitter cet plaisir s’ils se montrent courtois, mais les chasse prompte-
endroit. Donc tôt ou tard, ils vont devoir explorer le ment dans un autre cas. Heureux d’avoir des visiteurs, il
manoir. Les fantômes ne sont pas agressifs, aucun danger discourt allègrement avec eux, surtout de ses mémoires.
ne les menace vraiment, hormis celui du temps qui passe. Par exemple, comme il l’a déjà écrit dans son
Ils devraient donc finir par découvrir la porte scellée qui œuvre, le fantôme se vante d’être un politicien de génie et
mène au cabinet de travail de l’érudit, sinon Xin Hoan le explique entre autres choses une ruse qu’il a soufflé à des
fera pour eux. hauts-fonctionnaires du Han : envoyer un architecte
Elle donne sur un couloir taillé à même la roche. Il renommé au Qin avec dans ses bagages un projet de canal
n’y a là évidemment aucune lumière : le fantôme n’en a pas titanesque sur lequel le Royaume légiste gâchera ses res-
besoin, tout comme il passe à travers la porte sans même s’en sources, s’affaiblissant ainsi grandement (le seul problème
rendre compte. Au bout d’une dizaine de mètres, le spectacle étant que le chantier a bien lieu en ce moment même et
qui attend les personnages va leur couper le souffle. Ils arri- qu’il est mené par un architecte originaire du Han : les
vent sur un promontoire surplombant une immense caverne, répercussions de cette révélation seront explorées dans le
large de plus de vingt mètres et profonde de cinquante. Des scénario suivant).

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Les convives

Prisonniers de la malédiction qui empêche l’âme de Bei Jiao-lin de trouver le repos, ils res-
tent à leur tour coincés dans le manoir hanté. Tous sont morts de faim ou sont devenus fous, c’est
pourquoi ils entretiennent collectivement cette illusion de fête et de bonheur insouciant. Ils ne com-
prennent pas pourquoi ils se trouvent encore ici, et certains n’ont même pas conscience de leur mort.
Ils espèrent que chaque nouveau venu trouvera la solution.

Shao Chang : Historien et érudit du Chu, il vint ici afin de consulter certains ouvrages uniques.
Imbu de sa personne et méprisant envers ceux qui vivent des armes, sa suffisance risque fort d’éner-
ver rapidement les personnages. Il considère Jiao-lin comme un gardien de livres et non comme un
penseur, et déteste Chen Gang depuis des années.

Chen Gang : Poète originaire du Han, il bénéficie des faveurs du Roi du Chu depuis quelques
années. Il est venu voir Jiao-lin afin de vérifier auprès de lui certaines légendes qu’il souhaite décli-
ner en poèmes. D’un abord sympathique, c’est un manipulateur qui n’aime rien plus qu’être admiré.
Il déteste Shao Chang et tout deux se livrent à des joutes verbales acides enrobées de politesses.

He Zhongwen : Philosophe, grand admirateur de Xun Zi, l’annonce de sa mort provoquera


une grande peine chez ce trentenaire timide et bégayant. Féru de légisme, il est un ami de Jiao-lin
qui fut son professeur à l’université de Shoucun. Il colle les personnages, les presse de questions dès
qu’il découvre qu’ils ont assisté aux dernières heure du maître ou qu’ils viennent du Qin.

Keng Wai : Dernier arrivé, c’est un jeune étudiant de Linzi venu parfaire ses connaissances
116 auprès de Jiao-lin qu’il n’a toujours pas rencontré. Romantique, il rêve d’aventures mais sa mala-
dresse le condamne aux écritoires plutôt qu’à l’épée.

Ten Sung : Scribe de Wen Chang, il effectuait une tournée d’inspection afin de s’assurer que les
ouvrages conservés ici étaient bien protégés. Renfermé, il semble éviter les autres convives et on le
trouve parfois furetant partout (il cherche l’entrée de la bibliothèque).

Il y a encore une demi-douzaine d’autres fantômes, des marchands et des érudits pour la
plupart. Développez vos propres idées si vous le souhaitez, afin de donner plus de vie à l’ensemble.

Cependant, il y a deux convives tout à fait vivants dans le lot :

Fen Zhu (Cf. Mythes et Animaux fabuleux, p. 51 et 52) : Arrivé un jour avant les personnages,
ce yao-cochon débonnaire et bon vivant profite pour l’instant de la générosité du buffet. Affable et
jovial, il accueille volontiers les nouveaux venus et affiche en permanence sa bonhomie. Mais dès
qu’il se rend compte que sa faim ne disparaît pas malgré les énormes quantités de nourriture qu’il
ingurgite (avec gloutonnerie), il paraît plus inquiet. Dès lors, il cherche par tous les moyens à quitter
ces lieux et peut assister les personnages dans leur enquête.

Xin Hoan : Jeune fille aux manières douces, charmeuse et sensuelle, elle prétend être la nièce
de Jiao-lin. Il s’agit en fait d’une voleuse payée par un riche collectionneur de Daliang afin de déro-
ber un livre de la bibliothèque de l’érudit. Elle est arrivée quelques heures avant les personnages en
se substituant au commis qui a apporté le Traité (elle l’a tué et a jeté son corps dans une crevasse).
Elle a déposé le livre dans l’entrée mais il n’y est plus : Jiao-lin l’a récupéré entre temps puis entre-
posé dans son bureau. Dotée d’une détermination à toute épreuve, elle ne laissera ni les scrupules ni
les personnages se mettre en travers de sa mission.

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Scénario : Au service du Censorat

Au final cependant, la conversation revient tou- Le soleil matinal ne les réchauffe pas. Toutes
jours au Bei Jing. Très vite, les personnages devraient se leurs affaires sont restées dans les ruines, leurs chevaux ont
rendre compte à quel pont ce livre compte pour l’érudit et disparus et il leur reste une longue route à faire jusqu’à
la souffrance qu’il ressent à ne pas pouvoir l’achever. Xianyang…
Une fois bien conscients de la situation (un fantôme
qui s’ignore, un livre inachevé, un piège mortel), les person-
nages vont devoir trouver une solution pour échapper à cette
malédiction et remplir leur mission. Même s’ils parviennent à
s’emparer du Traité, ils ne peuvent pas quitter le manoir dans Le Traité des Choses de l’Est
l’état actuel des choses. Jiao-lin ne sait pas comment faire. Il
faut donc déjà le convaincre qu’il est décédé. Cette révélation Il s’agit d’un rouleau de lattes de
prise d’abord pour une plaisanterie le plonge ensuite dans un bambous, mais il est indestructible et impossi-
profond désarroi. Un fangshi exorciste comprendra aisément ble à ouvrir. En effet il faut pour cela réunir
pourquoi l’âme de l’érudit ne peut pas quitter ce monde. Il ne deux « clés métaphoriques » qui prennent la
reste plus qu’à trouver un moyen de l’y aider. Jiao-lin ne pen- forme de deux phrases : une donnée à Han Fei
sera pas à la possession, les personnages devront le lui propo- Zi, une autre à Li Si. Un fait qu’ignorent les
ser et trouver un volontaire. Dicter le texte ne suffira pas car il personnages mais qui prendra toute son impor-
l’oublie aussitôt qu’il y pense, il doit donc l’écrire lui-même. tance par la suite. Il est possible toutefois d’en-
De plus, son matériel est hors d’usage : il faut donc en trouver trevoir des caractères très anciens par endroit
dans le manoir (dans les bagages d’un des convives) ou parmi en regardant entre les lattes.
les affaires d’un personnage féru de calligraphie.

Personnalités
La fin, et ensuite ?
Bei Jiao-lin trace de sa belle écriture le dernier
caractère du Bei Jing. Il pose doucement le pinceau et pousse
un soupir. Le personnage possédé tremble un peu quand le
fantôme quitte son corps pour réapparaître quelques mètres Bao Bun
plus loin. Il affiche un grand sourire radieux et tend les mains
vers ses bienfaiteurs pour les remercier. Mais aucun son ne
117
sort de sa bouche et sa silhouette commence doucement à Officier carriériste, il considère comme un hon-
s’effacer. L’âme de l’érudit entame son dernier voyage, et neur son poste actuel. Grand admirateur de Xun Zi, il
avec elle disparaît l’illusion qui maintient la cohérence du applique avec zèle ses directives à la ville de Lan-ling.
manoir. La réalité reprend soudainement le dessus, la grande Une moustache tombante lui donne un air plutôt
salle apparaît alors dans son état délabré. Très vite, la struc- comique, une fausse impression en contradiction avec
ture de bois se met à grincer, de la poussière tombe de par- son esprit vif et suspicieux. Son corps puissant et massif,
tout, les rayonnages semblent s’affaisser sous leur propre sa maîtrise des armes lui laissent espérer une affectation
poids. L’essence de Jiao-lin qui maintenait la cohérence de future au sein du prestigieux régiment Yue. Il vit seul
son domaine n’assure plus sa fonction. Tout menace de avec sa fille, une charmante peste qui déteste son père et
s’écrouler. Il faut vite fuir les lieux sous peine de se retrouver ne manque pas une occasion de le mettre en rogne. Elle
enseveli sous des tonnes de débris et de rochers. Espérons a formé, avec quatre autres filles de notables, les Cinq
que les personnages penseront tout de même à s’emparer du Rossignols et s’amuse à le faire tourner en bourrique.
Traité, et peut-être même du Bei Jing, livre unique que son
auteur désire désormais voir diffusé dans le Zhongguo. Colonel du Chu - 1 m 86 / 89 kg / 38 ans
De retour dans le hall, les personnages décou- Aspects : Métal 4, Eau 4, Terre 2, Bois 3, Feu 3
vrent les lieux tels qu’ils sont vraiment. Les fantômes Aspects secondaires : Chi 24, Défense passive 9
errent ici et là, certains semblent ne pas comprendre ce qui Don et Faiblesse : Cuirasse de Bronze / Impétuosité du
se passe, d’autres acceptent avec soulagement la fin de leur cheval
captivité. Il fait jour dehors, la neige a recouvert le paysage Talents : Etiquette 1, Héraldique 2, Art de la Guerre 2,
mais il faut se presser d’échapper à cette ruine qui risque Perception 2, Intimidation 2, Investigation 2, Qiangshù 4
de s’effondrer à tout moment. En effet une fois dehors, la (Repousser, Charger, Coup double, Coup précis,
façade du bâtiment se fend et glisse avec fracas dans Combinaison), Jiànshù 2 (Coup précis, Bloquer),
l’abîme. Ils aperçoivent Fen Zhu qui saute d’un pan de mur Equitation 2, Esquive 2, Commandement 2
branlant et s’éloigne après leur avoir adressé un petit signe Taos : Tao de la Foudre soudaine 2, Tao des Six
de main. Par contre, aucun signe de Xin Hoan si elle est Directions 1
toujours vivante à ce moment. Souffle vital : 19 (7 / 0, 5 / 0, 4 / - 1, 2 / - 3, 1 / - 5)
Si les personnages n’ont pas su, ou pu, emporter Renommée : 8
le Traité, ils le découvrent un peu plus tard, enfoncé dans Équipement : Yue, épée, armure de cuir et casque, cheval
la neige, soufflé par l’explosion. Coup de chance ou remer-
ciement de Bei Jiao-lin ?

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Style : Bec Rouge pratique le Style de la Carapace de Bois
et de Métal dont il maîtrise la base et les deux premières tech-
Bec Rouge
niques (Glissade de Fu Xia, Frappe-éclair de Fu Xia)
Il a depuis longtemps quitté le service de l’armée du Souffle vital : 21 (7 / 0, 5 / 0, 4 / - 1, 3 / - 3, 2 / - 5)
Zhao mais les personnages n’auront aucun mal à le reconnaî- Renommée : 32
tre. Les années ne semblent pas avoir marqué son beau visage Equipement : Epée ancestrale de sa famille (Larme
et il soigne toujours autant son apparence. Pourtant dans son d’Argent), armure de cuir, bouclier, cheval, arc et flèches.
regard, ils découvriront peut-être une dureté qu’il ne possédait
pas avant. Car Bec Rouge a finalement accepté la proposition
de Cheng Huan et a rejoint la Secte du Ciel incliné. Il n’a Xin Hoan
pourtant rempli pour l’instant guère que des missions secon-
daires et occupe actuellement une position de conseiller mili-
taire auprès du gouverneur de Wu, dans le Royaume du Chu. À dix ans, elle échappa au massacre de son village
Sous cette couverture, il renseigne son maître et organise éga- par des soldats en maraude. Puis elle vécut six ans dans les
lement la liaison entre la Secte et un groupe de pirates de la rues de Dai, mendiant et se prostituant afin de voir un jour de
Mer de l’Est qu’elle finance afin d’affaiblir ce Royaume. plus se lever. Un membre du Gai Bang la remarqua finale-
Cheng Huan l’envoie cependant à Lan-ling, à la fois pour le ment et décida de la prendre sous son aile. À ses côtés, elle
tester et pour éprouver ses capacités. apprit les rudiments du métier de voleuse et à sa mort, trois
Pétri d’orgueil et ambitieux, Bec Rouge aspire à de ans plus tard, elle quitta la ville et décida de sillonner les
plus hautes fonctions au sein de la Secte. Sa haine du Qin le routes du Zhongguo, prenant ici et là ce qui lui faisait envie.
pousse à s’engager sans réserve dans toute action pouvant Xin Hoan est une survivante dotée d’une volonté de fer et
déstabiliser ce Royaume ou contrer ses manigances. Pour prête à tout pour se tirer des pires situations. S’étant fait une
l’instant, il envisage les plans de la Secte du Ciel incliné petite réputation, elle a été engagée afin de dérober un
comme un moyen de préserver l’équilibre fragile du ouvrage rare chez Bei Jiao-ling. Elle peut devenir une alliée
Zhongguo menacé par Ying Zheng. Il connaît la légende de de circonstance ou une ennemie des personnages en fonction
Gonggong et les origines de la Secte, mais il se montrerait de leur approche. Mais elle donne la priorité à ses propres
peut-être plus circonspect s’il connaissait le véritable but de intérêt, quitte à trahir ses compagnons d’infortune.
Cheng Huan. En attendant, il utilise les ressources de la
Secte pour progresser et gagner en pouvoir. Voleuse et mercenaire - 1 m 53 / 42 kg / 24 ans
Bec Rouge est un personnage miroir pour les Aspects : Métal 3, Eau 4, Terre 3, Bois 3, Feu 4
Aspects secondaires : Chi 48, Défense passive 9
118 joueurs, un homme qui fait des choix qui auraient pu être les
Don et Faiblesse : Enfant des Ombres / Obnubilée (égo-
leurs. Sa position est tout aussi justifiable que les leurs, jouez
sur cette ambiguïté. Lorsqu’il tombe face à face avec eux, il a centrique)
un instant de surprise vite dissipé. Bec Rouge est un homme Talents : Perception 3, Commerce 1, Investigation 2,
d’action, un wu xia compétent et appelé à marquer de son Séduction 2, Bàngshù 3 (Coup double, Assommer, Parade
empreinte le Zhongguo. Il n’a aucune intention de les tuer et, totale), Improvisation 2, Acrobatie 3, Esquive 3,
sa mission accomplie, s’enfuit. Sa présence à Lan-ling doit Discrétion 4, Survie (bas-fonds) 3
rester une énigme pour les personnages, les déranger. S’ils se Taos : Tao de l’Ombre dissimulée 3, Tao des Six
renseignent, il n’apprendront que les faits notoires (il a quitté Directions 2, Tao du pas léger 2
l’armée, il vit au Chu). À eux d’émettre leurs hypothèses et un Souffle vital : 21 (7 / 0, 5 / 0, 4 / - 1, 3 / - 3, 2 / - 5)
jour de recoller les morceaux du puzzle. Renommée : 6
Équipement : Bâton, robe, nécessaire de crochetage
N.B : Bien que nous ayons cette fois-ci donné des carac-
téristiques chiffrées à Bec Rouge, elles ne sont qu’indica-
tives : son destin est déjà scellé. Fen Zhu
Agent de la Secte du Ciel incliné - 1m81 / 74 kg / 27 ans
Aspects : Métal 4, Eau 4, Terre 3, Bois 3, Feu 4 Le yao-cochon débonnaire se trouvait simple-
Aspects secondaires : Chi 36, Défense passive 9 ment de passage dans la région et, attiré par la possibilité
Don et Faiblesse : Témérité du Phénix / Code d’honneur d’un bon repas, a été pris au piège du manoir. Ses caracté-
(n’accepte un défi que contre des adversaires à sa hauteur, ristiques et sa personnalité vous sont décrites dans le sup-
ne se bat jamais pour le plaisir). plément Mythes et Animaux fabuleux, p. 52.
Talents : Bureaucratie 1, Calligraphie 1, Investigation 2,
Perception 2, Savoir (Secte du Ciel incliné) 1, Etiquette 1,
Héraldique 2, Intimidation 2, Séduction 2, Méditation 2, Les Fantômes
Art de la Guerre 2, Commandement 3, Jiànshù 4 (coup pré-
cis, parade totale, combat monté, feinte, aveugler, désar-
mer, combinaison), Dunshù 3 (parade totale, double La plupart ne maîtrisent pas vraiment leurs pou-
parade, repousser), Gongshù 2 (embuscade, tir lointain), voirs ou ne réalisent même pas leur état. Assez inoffensifs,
Improvisation 3, Acrobatie 3, Equitation 3, Esquive 3 ils tentent de vivre comme avant leur décès, attendant que
Taos : Tao des Six Directions 4, Tao du Pas léger 3, Tao quelqu’un trouve la solution pour les libérer. Ils possèdent
du Souffle destructeur 3, Tao de la Foudre soudaine 2, Tao tous le pouvoir d’Illusion ce qui permet au manoir de
du Bouclier invisible 2, Tao de la Force insufflée 2 conserver son aspect rutilant.

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Le procès
Ce scénario qui se déroule en -237 (soit en l’an
884 du calendrier de la dynastie Zhou) présente deux
aspects distincts et pourtant entremêlés. À la fois enquête 119
classique au sein de Xianyang et gestion d’un procès se À l’intention du Meneur de Jeu
tenant devant la plus haute assemblée de l’Etat, il explore
les rouages de la politique du Qin et détermine les bases Nous vous recommandons de prendre des notes
d’événements majeurs pour l’avenir du Zhongguo. sur les actions des personnages et la manière
Cette aventure est l’occasion pour les person- dont ils gèreront les différentes situations qui
nages de mieux découvrir la capitale du Qin, mais aussi de vont se présenter à eux. En effet, ici sans doute
réaliser à quel point la Cour royale constitue une faune plus que dans tout autre scénario, leurs décisions
dangereuse où le moindre faux pas entraîne une descente et leurs comportements influenceront grande-
immédiate aux enfers. ment la manière dont va évoluer le procès. La

Introduction
moindre faille pourra être exploitée par leur
adversaire qui cherchera par tous les moyens à
les mettre dans une position délicate.

Prologue
Une nouvelle mission attend les personnages,
mais cette fois c’est le monarque du Qin lui-même qui les
mandate. Ils doivent enquêter sur un architecte originaire
du Han qui dirige actuellement les travaux titanesques du
percement d’un immense canal. Cet ouvrage devrait doter
le royaume d’un avantage stratégique important face à ses
rivaux, mais il existe une possibilité que cet homme de Convocation royale
génie ne soit qu’un traître. Aux personnages d’apporter des
preuves de sa loyauté ou de sa duplicité, et de permettre au
juges de se forger une opinion. Cette aventure se déroule Les personnages doivent maintenant avoir pris
sur un fond d’exode massif des étrangers du Qin et de leurs marques dans leur nouveau rôle d’agents du
chasse aux sorcières au sein de la Cour royale. La décision Censorat. Hormis leurs préoccupations personnelles, leur
conditionnée par leurs recherches aura des répercussions quotidien s’articule autour des missions, parfois anodines,
majeures sur l’avenir. Enfin, il leur faudra défendre leur que leur confie Dao. Aussi laissez les joueurs s’installer
position devant un redoutable maître de rhétorique dans un tranquillement dans cette routine. Que font-ils actuelle-
procès plutôt inhabituel où ils auront tout à perdre. ment, comment gèrent-ils les conséquences de leurs der-

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vitesse entre les rangées de gardes, s’engouffrent dans des
couloirs luxueux pour arriver bientôt devant les immenses
portes de la salle de réception.
Ils perçoivent à l’intérieur un brouhaha inhabi-
tuel. La cour semble en effervescence : des cris, des huées,
Continuité de la campagne
des grondements montent derrière les battants fermés.
« Le Procès » est le troisième scéna-
Dao et Zhao Gao les attendent là. Tous deux affi-
rio de la campagne Tiàn Xia. De retour à
chent un air soucieux et semblent très tendus. C’est le chef
Xianyang peu après les évènements narrés
des eunuques qui les accueille et prend la parole de sa voix
dans « Au service du Censorat », les person-
de fausset : «Sa Majesté exige que vous vous présentiez
nages vaquent à leurs occupations habituelles.
devant lui. La situation est délicate et le Roi en est très
Agents du censorat, Li Si ou Dao font parfois
irrité.» Zhao Gao insiste bien sur ces derniers mots. « Aussi,
appel à eux afin de remplir diverses missions.
je ne crois pas utile de vous conseiller d’éviter toute attitude
Ils peuvent également profiter du court laps de
propice à aggraver l’humeur de notre souverain. »
temps (pas plus de quelques semaines, voire
Aussitôt, il tourne le dos aux personnages et
quelques jours) séparant cette aventure de la
pousse lui-même l’énorme battant de porte qui donne
précédente pour poursuivre des buts plus per-
accès à la grande salle.
sonnels. Ainsi, cette période permet d’intro-
Les personnages découvrent alors une importante
duire d’autres scénarios et intrigues secon-
foule rassemblée en ce lieu. Ministres, courtisans, fonction-
daires qui enrichiront votre campagne.
naires et eunuques s’y pressent et, les dominant tous depuis
Les personnages naviguent près des
l’estrade où se dresse son trône, Ying Zheng en personne.
hautes sphères du pouvoir et auront ici l’occa-
L’assemblée paraît très remontée, voire déchaînée. Les per-
sion de rencontrer d’autres personnalités
sonnages entendent quelqu’un crier : « À mort ! » par-des-
essentielles de cet univers. S’ils ont un peu
sus les vociférations de la foule. À cet instant, ils ne savent
visité la capitale du Qin, ils bénéficient sans
toujours pas quel problème attise ainsi la vindicte de la cour,
doute déjà de contacts pouvant les aider lors de
ils peuvent même croire qu’ils en sont à l’origine.
leur enquête. En arpentant les rues de
Dao les dépasse à cet instant car comme le veut
Xianyang, ils rencontreront un grand nombre
l’étiquette, il doit les précéder jusqu’au bas du trône du
des PNJ décrits dans ce supplément, ce qui les
monarque. Mais alors qu’il frôle le dos des personnages,
conduira vers autant de pistes secondaires et
les traits tendus, il leur murmure cette simple phrase :
contribuera à rendre la cité bien plus vivante.
«Pas un mot sur le Traité des Choses de l’Est !» La froi-
120 Afin d’entamer cette aventure, il faut
deur impérative de son ton est lourde de menaces. Puis
que les personnages aient ramené le livre de
aussitôt, son sourire de circonstance reprend le dessus et il
Bei Jiao-lin de leur expédition au Royaume du
s’avance à son tour dans l’allée centrale. Les personnages
Chu. De plus, il est nécessaire que Li Si ait eu
ne peuvent que lui emboîter le pas.
directement (ou indirectement) accès à cet
Les personnages se fraient donc un chemin
ouvrage. Dans ces conditions, il y découvre la
jusqu’aux premières marches de l’estrade royale, à travers
manœuvre politique imaginée par le bibliothé-
la foule furibonde. Ils y reconnaissent l’ensemble des per-
caire fantôme et en avertit immédiatement son
sonnalités importantes du Royaume. Ying Zheng se tient
souverain.
debout, les mains sur les hanches et fait les cent pas. Il
Le chantier du grand canal mobilise
affiche une expression de rage contenue qui déforme ses
actuellement une grande partie des ressources
traits. Dès qu’il aperçoit les personnages, il stoppe aussitôt
du Qin, sous la direction d’un architecte origi-
son manège et pousse un soupir de soulagement, mais
naire du Han.
paraît toujours furieux.
Tout près d’eux, ils découvrent maintenant l’objet
de la colère de l’assemblée. Un homme enchaîné se tient à
genoux au pied des marches, maintenu par quatre soldats.
La tête baissée, les cheveux défaits et les vêtements déchi-
nières opérations ? Ce rythme lent au départ permet d’in- rés, il est difficile de le reconnaître. Il s’agit de Zheng Guo,
troduire un contraste fort avec la suite du scénario. Dès que l’architecte en charge des travaux du grand canal. Mais si
les personnages se retrouvent tous réunis, lancez l’ac- les personnages ne l’ont jamais vu, personne ne viendra
croche de cette aventure. leur dire de qui il s’agit. Les courtisans les plus proches
l’insultent, l’accusent de traîtrise, lui crachent dessus mais
Un sous-officier de la garde royale se précipite dans Zheng Guo demeure impassible.
leur direction. En grande tenue, il est essoufflé et inquiet. Il « Ah, vous voici enfin ! Les bouchers de Quzhi ! »
rejoint les personnages afin de leur délivrer un message de la s’exclame le Roi. C’est ainsi qu’il présente les personnage à la
plus haute importance. Dao et Zhao Gao les réclament immé- cour. Aussitôt un semblant de calme gagne la salle. Ying
diatement au palais. Le soldat insiste sur l’urgence de la Zheng saisit un rouleau de lattes de bambous posé sur un
convocation et presse les personnage de le suivre sans tarder. tablette à côté de son trône puis descend la première marche et
Il serait discourtois (et dangereux) de refuser. Grâce au sauf- tend l’ouvrage vers eux.
conduit de leur guide, les personnages traversent rapidement « Reconnaissez-vous ceci ? » interroge-t-il
les enceintes du palais royal, gravissent les marches à toute d’une voix assez forte pour être entendu de tous.

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Scénario : Le procès

Les personnages voient aussitôt que le Roi tient


dans sa main le Bei Jing, le livre du bibliothécaire fantôme
qu’ils ont rapporté eux-mêmes à Li Si.

Colère royale
Tous les regards sont braqués sur les personnages.
Ils remarquent en particulier Li Si qui les fixe avec inten-
sité. Son expression est difficile à déchiffrer, mais elle
semble leur enjoindre de choisir leurs mots avec précau-
tion. Devant une absence de réponse immédiate, Ying
Zheng reprend aussitôt :
« Le ministre Li Si prétend que vous êtes à l’ori-
gine de la découverte de ce traité. Mais il ne m’a pas
expliqué dans quelles circonstances. Je vous écoute. En
fait, nous sommes tous très curieux de l’apprendre, »
ajoute-t-il en posant les yeux sur le prisonnier.

Sur la corde raide


Voici les personnages plongés bruta-
lement dans une situation des plus périlleuses.
En effet, il n’est pas question de mentir au Roi
et s’il exige une explication, ils vont devoir la
lui fournir. Mais en agissant aussi impétueuse-
ment, le monarque vient, sans s’en rendre
compte, de signifier leur appartenance au 121
Censorat. De plus, au cœur du Royaume
légiste, ils ne peuvent bien sûr pas faire men-
tion des éléments les plus surnaturels de cette
mission. Enfin, alors qu’ils préparent leur
réponse, Li Si leur adresse quelques gestes
aussi discrets qu’éloquents quant au sort qu’il
leur réserve s’ils venaient à mentionner le
Traité des Choses de l’Est devant l’assemblée.
Aussi, les joueurs doivent choisir
avec soin leurs mots afin de ménager les uns et
les autres et peut-être lever les soupçons qui
pèsent maintenant sur eux et leur allégeance
secrète. Quoi qu’il en soit, ils doivent être bien
conscients de l’extrême dangerosité de l’exer-
cice qu’ils s’apprêtent à réaliser.

Laissez maintenant les joueurs décrire à leur


manière les événements qui leur ont permis de récupérer
cet ouvrage. Il vaut mieux que leur récit soit convaincant
et réaliste, rappelez-leur s’il le faut qu’ils se trouvent
devant la cour du Qin et qu’il ne s’agit pas du lieu adéquat
pour des conciliabules. Cette première scène doit les met-
tre sous tension.

Leurs explications données, le Roi se tourne


vers Zheng Guo et tend vers lui un doigt accusateur. Il
l’accuse de trahison, le Bei Jing faisant expressément

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Première partie :
L’enquête
mention d’un complot contre le Qin, une manœuvre ima-
ginée par Bei Jiao-lin et orchestrée par le Han : la mise
en chantier d’un grand canal afin de dilapider les res-
sources de l’Etat et de le laisser exsangue, à la merci de
ses voisins.

« Est-ce exact Zheng Guo ? Et quel châtiment


mérite une telle trahison ? » rugit le monarque. À cet
Conséquences
instant, les joueurs découvrent, si ce n’était déjà fait,
l’identité du captif. Celui-ci relève la tête vers le sou- Ying Zheng fait les cent pas près d’un pilier, les
verain et répond d’une voix calme mais forte : « Sa mains dans le dos et la tête baissée. Il commence à prendre
Majesté devrait plutôt me demander quelle récompense conscience des conséquences de sa décision impétueuse.
mérite ma grande œuvre. » La salle est stupéfaite et Mais il désire avant tout savoir que penser de Zheng Guo. Il
l’architecte en profite pour continuer : « Car s’il est congédie ses ministres et Dao afin de s’entretenir en privé
vrai que je fus envoyé ici par le Han pour ruiner le Qin, avec les héros. Surpris et vexés, les hommes s’exécutent de
je suis rapidement tombé amoureux de ce pays. De sa mauvaise grâce. Le monarque demande donc aux person-
force, de sa volonté, de sa discipline : qualités qui per- nages de mener une enquête afin de lui fournir toutes les
mettent l’accomplissement de grandes choses ! Une informations nécessaires pour prendre une décision en ce qui
fois achevé, mon canal triplera la production agricole concerne l’avenir du chantier et de son architecte. Dao inter-
du Qin, en faisant le Royaume le plus riche de tous. vient alors pour rappeler au Roi que, si le canal a été claire-
Traître en effet je suis désormais, mais traître au Han ment conçu pour déstabiliser le Royaume, il pourrait pour-
et fidèle au Qin de toute mon âme ! Que des enquê- tant lui augmenter ses ressources et lui apporter un avantage
teurs aillent s’en assurer eux-même et prouvent ainsi stratégique considérable. Ying Zheng médite en silence
mon allégeance. » quelques instants puis revient aux personnages. Qu’ils
mènent leur enquête en toute impartialité : il les désigne
Ying Zheng est stupéfait, décontenancé. comme ses émissaires personnels et plénipotentiaires dans
L’assemblée en reste bouche bée quelques instants puis cette affaire. Ils doivent également prendre en charge Zheng
explose. Des cris, des injures et quelques objets fusent vers Guo. Enfin, il exige également un rapport quotidien à la mi-
le prisonnier qui se recroqueville sous l’assaut. On journée. Ainsi l’ordonne le Roi, ainsi doit-il en être.
demande son exécution, on hurle contre les étrangers qui Le Roi a donc ordonné aux personnages de prendre
souillent le sol du Royaume…
122 en charge Zheng Guo pendant la période de leur enquête. Il
entend par là qu’ils doivent le maintenir en résidence surveil-
Le Roi semble dépassé par ce déchaînement. lée afin de l’interroger à loisir mais également de le protéger
Comme souvent lorsqu’il craint de perdre le contrôle d’une en attendant le verdict. Cela implique que les personnages
situation, il contre-attaque aussitôt en reprenant à son doivent trouver un endroit sûr et secret pour y garder l’archi-
compte une idée émise bruyamment, notamment par les tecte. En effet, celui-ci n’est pas à l’abri d’une tentative d’as-
plus vieux fonctionnaires et courtisans. Il ordonne à la cour sassinat (de la part d’espions du Han, d’anciens complices,
de se taire afin de l’écouter. d’extrémistes du Qin…). De plus, il doit être suffisamment
surveillé pour ne pas s’enfuir. Ils doivent donc veiller à sa
« Cet homme est la preuve de la faiblesse de sécurité et à son bien-être : pas question de le torturer juste
notre Royaume face aux manœuvres étrangères qui visent pour régler plus vite l’affaire. N’oubliez pas que les person-
à nous déstabiliser. Il est temps de prendre des mesures nage vont devoir se déplacer sans lui afin de mener leur
efficaces. Je décrète qu’à compter d’aujourd’hui, les enquête. Il leur faut donc trouver un lieu et des hommes de
étrangers au Qin, quels qu’ils soient, disposent de dix confiance pour assurer cette mission secondaire.
jours pour quitter leurs fonctions officielles et le Royaume. Mandatés par le Roi, les héros doivent donc se lan-
Délai au terme duquel, ils seront considérés comme des cer dans la recherche d’éléments pouvant prouver la traîtrise
agents ennemis sur le territoire royal et donc traités de Zheng Guo ou sa loyauté. La difficulté vient du fait qu’il
comme tels ! » reconnaît lui-même avoir comploté contre le Qin mais que
son œuvre va tout de même permettre à cet Etat de prendre
Le silence s’abat sur la cour totalement choquée un avantage décisif sur ses rivaux. Il affirme de plus être le
par cette décision extrême ; des personnages observa- seul à pouvoir mener à terme ce projet titanesque.
teurs pourront constater que les membres de la Vieille
Garde paraissent satisfaits tandis que la Relève est aba-
sourdie. Ying Zheng donne aussitôt l’ordre à la garde de
disperser la salle avant qu’elle ne réagisse. Mais avant
Enquête
que les personnages aient pu partir à leur tour, Dao les
rejoint et leur demande de le suivre : le Roi désire Cette partie du scénario non linéaire s’organise
encore leur parler. autour des actes des personnages. Afin que vous ayez le
plus d’éléments possibles pour la gérer, vous trouverez
dans les paragraphes suivants l’essentiel des informations
nécessaires. Elles sont réparties en deux groupes : les
pistes possibles et la chronologie.

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Scénario : Le procès

Les pistes :
• Zheng Guo : L’architecte sait qu’il est menacé. Il a de
grandes chances de mourir si on ne le cache pas (même la
prison n’est pas sûre). Du coup, il est conscient que les per-
Xénophobie
sonnages représentent ses seuls alliés potentiels. Il se mon-
tre donc très coopératif tant qu’ils garantissent sa sécurité, La décision du Roi et le complot
au moins le temps de faire le point. Zheng Guo est un du Han se trouvent rapidement au centre
homme intelligent et subtil, mais il ne fait jamais preuve des discussions dans la capitale. Tout le
d’arrogance. Par contre, il joue en permanence sur l’ambi- monde en parle et très vite, on assiste à
guïté de la situation. Une discussion avec lui ressemble à diverses exactions contre ces étrangers :
un jeu d’échec où chacun tente de toujours tirer un avan- pillages, mouvements de foule, baston-
tage de chaque mot. nades, etc. Cet événement important
Mais il cherche avant tout à rester en vie, et si possible implique un climat tendu dans la cité et il
continuer son œuvre. Interrogé sur le complot, il dévoile ne fait pas bon être ressortissant étranger
sans hésiter son implication. Mais il insiste sur le fait qu’il au Qin à ce moment là. Pire encore, même
n’avait pas le choix. Les agents du Han le menaçaient de les hautes personnalités occupant des fonc-
mort en cas de désobéissance mais cela ne l’a pas empêché tions d’Etat subissent ce décret royal si
de concevoir le canal non comme un désastre financier elles sont d’origine étrangères : ainsi en
mais bien comme une grande œuvre pouvant servir la est-il par exemple de Li Si, à qui tout le
cause du Qin, une fois terminé. monde prédisait pourtant un avenir glo-
Pressé d’en dire plus, il raconte quelques menus sabotages rieux au sein du gouvernement… Les seuls
orchestrés par ses soins, rien de bien important. Par contre, à ne pas subir les effets de cette décision
même s’il ne le dit pas spontanément, il accepte de révéler sont bien sûr les ambassadeurs et leur suite
l’identité des autres espions du Han qu’il connaît. Il cite ainsi car mandatés ouvertement en mission
quelques noms. Mais il ne prononce celui de Bien Long diplomatique par leur Royaume. Mais,
qu’en dernier recours, changeant subtilement de sujet si même eux voient la garde autour de leur
nécessaire. Il ne se décide finalement que si sa vie est mena- palais augmenter, officiellement pour les
cée par les personnages ou par la situation. Par contre, il parle protéger…
également d’un ou d’une herboriste du quartier marchand
(voir plus loin). Zheng Guo faisait des rapports réguliers à Cependant le problème dépasse le 123
Bien Long et recevait parfois des instructions, mais tout deux cadre de la rue, car de nombreuses person-
ne pouvant se déplacer facilement sans attirer l’attention, ils nalités officielles affichent une opinion
communiquaient par l’intermédiaire de mots codés transmis vis-à-vis de ces étrangers très différente de
par trois mercenaires du Zhao. L’architecte ne connait pas leur position quant au chantier ou Zheng
leurs noms mais peut les décrire : il parle d’un colosse Guo. Ainsi par exemple, le recteur de
maniant deux masses, d’un wu xia armé de deux épées reliées l’académie déteste les étrangers car ils
entre elles par une chaîne et d’un individu sinistre à la haute accaparent les postes normalement dévolus
et sombre silhouette. à ses étudiants, mais reste très favorable au
Le meilleur moyen de faire pression sur Zheng Guo chantier car il leur offre des débouchés. De
consiste à menacer sa famille dont il parle facilement et même, il apprécie l’architecte venu faire
avec tendresse. Il en cite parfois tous les membres sauf un quelques conférences chez lui par le passé,
de ses fils, comme le remarqueront des personnages ayant et pourtant il réprouve sa trahison. Même
pris des renseignements sur sa généalogie. En effet, ce der- lorsque cette première bouffée de violence
nier est membre du groupuscule dirigé par An Chong ce s’achève, et une fois que les étrangers ne se
qui pourrait lui porter gravement préjudice. Attention verront plus contraints à l’exil, le débat
cependant, bien qu’il s’inquiète pour sa famille et qu’il évi- demeurera passionné mais il portera sur
tera tout ce qui pourrait la mettre en danger, Zheng Guo tout autre chose : faut-il continuer le chan-
cache cette faiblesse avec habileté. tier et/ou condamner Zheng Guo ? La
L’architecte passe habituellement la plus grande partie de situation des étrangers est au cœur de
son temps sur le chantier, et profite de ses quelques jours toutes les conversations et chacun à son
de congés afin de rentrer à Xianyang. Ayant été victime mot à dire. Les personnages vont entendre
d’une agression il y a quelque temps, Zheng Guo est les arguments les plus pertinents comme
revenu escorté par cinq manouvriers plutôt costauds afin les plus fallacieux. Insistez sur cet événe-
d’éviter de prendre le moindre risque. ment essentiel aux répercussions majeures
sur leur vie de tous les jours, même si en
• Les trois mercenaires du Zhao : Malgré toutes les tant qu’émissaires du Roi ils sont à l’abri
démarches des personnages, ils restent introuvables. Par des exactions (mais pas des commérages
contre, ils obtiennent plusieurs confirmations que le ou coups fourrés…).
colosse a été vu en ville. Mais il s’agit de vrais profession-
nels, bénéficiant de contacts étroits avec les services
secrets du Han et d’autres groupes de mercenaires louant

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leurs services aux marchands de Xianyang. Il existe une patrie envers un allié aussi estimable que le Qin. Il y a
réelle solidarité entre eux, et personne n’a vraiment envie peu de chance qu’il soit percé à jour et il compte, même
de s’attirer les foudres de ce groupe. De même, s’ils posent après ces révélations, suffisamment d’alliés de poids à
trop de questions, cela finira par se savoir parmi les mer- Xianyang pour que les personnages y réfléchissent à
cenaires qui se renseigneront d’abord sur les personnages, deux fois avant de mal le traiter.
puis pourront aller jusqu’à les menacer à mots couverts
s’ils s’attaquent à l’un d’eux ou continuent de mettre leur • Han Xu : Bien qu’il ne soit pas tout blanc, il n’a rien à
nez dans les affaires des autres. voir dans l’affaire en cours. Cependant, entre la duplicité
de Bien Long et la volonté probable des joueurs de démê-
• Bien Long : Il sait bien sûr que Zheng Guo a été arrêté. ler les fils illusoires d’un complot international, il risque
Il prépare donc sa fuite en catastrophe de Xianyang, mais bien de s’y retrouver impliqué. Le Scribe officiel de Wen
préfère partir à la faveur de la nuit. Il espère ainsi achever Chang en poste à Xianyang, Xue Baio, n’est qu’une diver-
quelques affaires en cours, dont la principale reste l’orga- sion et il n’est même pas au courant de l’appartenance de
nisation du meurtre de Han Xu. Il s’agit d’un Scribe de Han Xu à ce groupe.
Wen Chang incognito oeuvrant comme scribe du palais. En Han Xu accusé nie en bloc sa participation à un complot
effet, celui-ci le fait chanter depuis quelques années et lui contre le Qin. Interrogé plus fermement, il admet à demi-
a soutiré de grosses sommes d’argent, dépenses qui restrei- mot avoir extorqué (mais de façon légale, précise-t-il) une
gnent considérablement le train de vie et les projets secrets importante somme d’argent à l’eunuque Bien Long. Il ne
de l’eunuque. s’attarde pas sur les conditions de cette transaction mais
Si les personnages tentent de l’appréhender dès cette pre- avoue n’avoir aucune intention de la lui rendre. Si jamais
mière journée, la garde s’interpose aussitôt. Les soldats les personnages confrontent les deux scribes, Xue Baio
croient en effet assister à l’agression de l’eunuque par des affirme sincèrement ne pas connaître son homologue ce
malfaiteurs. Le temps de dissiper ce malentendu, Bien qui plaide plutôt en la faveur de Han Xu. Toutefois, le sort
Long parvient à s’échapper. Il quitte alors l’enceinte de la de celui-ci dépend en grande partie des décisions que les
Cité royale et se réfugie dans une auberge miteuse du quar- personnages prendront en ce qui le concerne.
tier des docks. Là, les trois mercenaires du Zhao l’atten-
dent et vont lui prêter main forte si les personnages réus- • Le dernier espion / l’herboriste : Cette autre piste
sissent à suivre sa trace jusque là. Ces guerriers représen- réserve aux personnages une drôle de surprise. Une
tent de redoutables adversaires mais leur but n’est pas de enquête de voisinage permet de retrouver la trace de
tuer les personnages, juste de couvrir leur fuite. l’homme (ou de la femme selon ce qui correspond le
Bien Long ne se laissera en aucun cas capturer vivant, par mieux à votre groupe de joueurs) dont parle Zheng Guo.
124 contre il se montre prêt à négocier sa vie contre des (fausses) Mais très vite, ils se rendent compte que leurs investiga-
informations. Très rusé, il est prêt à servir aux personnages tions les mènent droit vers l’un d’entre eux. Un habitant du
ce qu’ils ont envie d’entendre. Il prétend notamment qu’il quartier bien intentionné peut même le reconnaître. Les
obéissait à Zheng Guo, et non pas l’inverse. De même, il met doutes se portent maintenant vers le personnage mis en
les personnages sur la piste de Han Xu en l’impliquant dans cause, à lui de se justifier auprès de ses compagnons.
le complot et leur révèle son appartenance officieuse à l’or-
ganisation des Scribes de Wen Chang. NB : Bien évidemment si l’un des personnages est origi-
Si la nuit tombe sans que Bien Long ne soit découvert, il naire du Han, herboriste ou cultive le goût du secret envers
se rend lui-même dans les appartements de Han Xu au sein les autres joueurs, il représente une victime toute désignée
de l’université et assassine le Scribe. Les personnages pour attirer la suspicion sur lui. Adaptez ce choix au person-
apprennent ce meurtre le lendemain matin (mais peuvent nage qui vous semble le plus adéquat dans votre groupe, et
ne pas du tout s’y intéresser car rien ne le relie à leur observez les réactions des joueurs… N’hésitez d’ailleurs pas
enquête). Renseignements pris, un témoin prétend avoir vu à modifier légèrement le témoignage de l’architecte pour que
un eunuque s’enfuir des lieux. Un serviteur a également cela soit plus adapté au personnage en question.
retrouvé près du corps une dague portant le poinçon d’un
forge du Han. Dans tous les cas, Bien Long souhaite repar- • La famille de Zheng Guo : Sa femme (Jia) et son plus
tir vers son Royaume. Il voyage rapidement et devient vite jeune fils (Fan) se trouvent en permanence sous la pro-
introuvable. Bien entendu si les personnages peuvent che- tection des cinq hommes qui ont raccompagné l’archi-
vaucher à bride abattue sur sa piste, ils parviendront peut- tecte lors de son retour du chantier. Ils oeuvraient alors
être alors à l’arrêter à temps. Mais dans ce cas, ils prennent comme gardes du corps et étendent maintenant ce rôle à
le risque de manquer aux rapports quotidiens qu’ils doi- sa famille. Le fils aîné (Liao) a quitté le foyer familial
vent présenter au Roi. depuis quelque temps pour rejoindre les disciple de An
Chong. Il s’entend très mal avec son père et n’est au cou-
• Geng Mao : L’ambassadeur du Han a beau être un rant de rien. Il ignore même les derniers événements en
agent très efficace du Censorat de son pays, il n’est pas date. L’épouse de Zheng Guo reste enfermée dans sa
pour autant au courant de toutes les manigances des grande demeure du quartier noble. Elle est terrorisée et
siens. Aussi n’est il absolument pas au fait des intrigues craint à juste titre la réaction des citoyens de Xianyang.
concernant Bien Long et Zheng Guo. Interrogé par les Elle a également peur pour la vie de son fils et la sienne.
personnages, il se contentera de jouer son personnage Dans la maisonnée, tout le monde s’attend à une rafle de
habituel : le bon vivant débonnaire, avec juste ce qu’il la garde, à l’attaque d’émeutiers ou encore à une tenta-
faut d’inquiétude et de contrition quant aux actes de sa tive d’assassinat. Parfois un groupe de passants s’arrête

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Scénario : Le procès

devant ses fenêtres, crie des slogans xénophobes à son fautes techniques, etc. Si on lui fait remarquer qu’il a
encontre et jette des pierres ou des ordures contre sa pourtant donné son accord à l’avant-projet, il se sent pris
façade. Les hommes de la garnison tout proches laissent dans sa propre contradiction. Il explique alors maladroi-
faire tant que cela ne dégénère pas plus et encore, beau- tement que les plans étaient parfaits pour éviter de se
coup partagent l’opinion des manifestants. Pourtant, mettre dans une position trop délicate. Selon lui, c’est la
Zheng Jia ne peut pas s’enfuir au Han et rejoindre sa réalisation qui pêche. Les joueurs vont sans doute vite
famille sans que cela ne soit interprété comme un aveu comprendre qu’il souhaite enfoncer Zheng Guo afin de
de la culpabilité de son époux. récupérer le projet à son profit. Ils observent d’ailleurs le
S’ils se présentent à sa porte, les personnages sont reçus même type de réaction au ministère des Grands Travaux.
sur le seuil par une vieille servante qui refuse de les laisser S’ils se rendent dans cette administration, le ministre
entrer, visiblement effrayée par leur simple présence. S’ils averti de leur présence vient lui-même les accueillir et
essaient de pénétrer de force dans la maison, une bagarre tente de faire pression sur eux afin qu’ils condamnent le
risque bien d’éclater. Pendant que la mère et son fils ten- travail de Zheng Guo. Le seul endroit où ils pourront
tent de s’enfuir, les cinq costauds s’interposent et tentent obtenir un regard neutre est l’université, en questionnant
de ralentir les personnages. Tous sont persuadés d’avoir à un professeur (mais dans ce cas ils doivent se méfier des
faire à des assassins ou des membres de la milice déguisés rivalités internes à l’établissement et à la xénophobie de
afin de s’introduire chez eux. Les personnages devront se certains d’entre eux) ou en interrogeant un étudiant déjà
montrer très persuasifs afin de régler cette situation sans bien avancé dans son cursus.
effusion de sang. Jia ne souhaite que cela et, s’ils se mon-
trent respectueux, espère trouver en eux des alliés dans • Le chantier : Dans cette première partie de l’enquête,
cette période difficile. il est nécessaire qu’ils ne s’y rendent pas encore.
Si les personnages n’attaquent pas la maison, la garde s’en Essayez de les garder à Xianyang où ils ont bien assez à
charge effectivement. Quelques soldats surexcités et nationa- faire. Le moyen le plus commode reste la volonté du Roi
listes à l’extrême pensent ainsi rendre justice et, sans aucun qui attend un rapport quotidien de leur part et surtout
doute amasser un butin non négligeable (« Vaut mieux que doit être averti avant de leur donner l’autorisation de se
ça profite à de vrais patriotes qu’à ce traître ! »). Si les per- rendre sur place. Pour information cependant, le canal
sonnages assistent à la scène, à eux de voir comment ils sou- est censé relier les rivières Jing et Luo dans la comman-
haitent réagir. S’ils laissent faire, ils devront se justifier derie de Yong.
devant le monarque mais s’ils interviennent, ils s’attirent
alors l’inimitié de la garde et la méfiance d’une bonne partie La chronologie :
de la population. Voici une chronologie indicative qui pourra bien sûr
Quoi qu’il en soit, dès le lendemain Jia demande audience se voir modifiée en fonction des actions des personnages :
125
au Roi. Elle vient publiquement se placer sous la protec- • Jour 0, matin : Début de l’enquête.
tion du Roi (prétendant que des brigands l’ont attaquée si • Jour 0 : Bien Long prépare sa fuite pour la nuit sui-
sa maison a été pillée). En aucun cas elle ne peut fuir sans vante.
condamner son mari, mais se rend bien compte du danger • Jour 0, nuit : Attaque du manoir de la famille de Zheng
qu’elle court en restant à Xianyang. Sa seule chance réside Guo par la garde. Bien Long assassine Han Xu si on lui en
dans ce coup de bluff plutôt osé. En effet, le Roi ne pourra laisse la possibilité puis s’enfuit vers le Han.
plus menacer sa vie et celle de ses enfants s’il accepte • Jour 1, matin : Découverte du corps de Han Xu. Les
publiquement d’accéder à sa demande et personne n’osera personnages en sont avertis et ils apprennent également
les menacer tant qu’elle restera sous la protection royale. que Zheng Jia a disparu si sa demeure a été attaquée.
Ying zheng demandant leur avis, les personnages peuvent • Jour 1, midi : Rapport au Roi. Alors que les person-
intercéder en sa faveur mais elle ne sera pas autorisée à nages conversent avec Ying Zheng, Zhao Gao vient annon-
rencontrer son mari. cer à l’oreille de celui-ci que l’épouse de Zheng Guo
demande une audience. Elle le prie de lui accorder sa pro-
• Les documents officiels : L’essentiel des documents tection. Il demande leur avis aux personnages et se soumet
concernant le canal se trouvent sur le chantier. Zheng à leur décision.
Guo garde toujours quelques notes dans son manoir • Jour 1, midi : En quittant le Roi, le ministre de la
familial de Xianyang mais bien peu de choses. Toutefois, Guerre invite les personnages à déjeuner avec lui dans ses
les archives royales conservent un document présentant appartements. Cette invitation contrarie très clairement le
l’avant-projet visé par l’architecte royal et son ministre ministre de l’Etat qui reste pourtant silencieux. Pendant le
de tutelle. Ce dernier s’est basé sur ce texte afin de don- repas, il tente de faire pression sur eux. Son discours
ner son accord à la production du canal. Il demeure peu patriotique loue leur travail mais insiste sur le fait qu’ils
probable que les personnages puissent évaluer eux- doivent prendre conscience qu’un tel crime ne peut rester
mêmes un tel projet (ce qui demanderait un Test de Bois impuni. Cela est important pour l’image du Roi, pour le
+ Architecture contre un SR de 11 au minimum), ils doi- pays et pour le moral des troupes.
vent alors faire appel à un expert. L’architecte royal est • Jour 1, soir : Le ministre de l’Etat invite à sont tour
le mieux placé pour cela. Cependant, face aux interroga- les personnages à dîner. Il leur expose des arguments
tions des personnages, il se lance aussitôt dans une inverses. Selon lui, le Qin ne peut se permettre de per-
démonstration compliquée visant à prouver que le travail dre autant de fonctionnaires, tout comme il ne peut
de Zheng Guo met en danger l’achèvement du chantier. décemment perdre son Premier ministre Li Si. À mots
Il leur affirme que sa gestion est entachée d’erreurs, de couverts, il mentionne également le fait qu’on ne lais-

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Deuxième partie :
sera probablement pas repartir chez eux tous les agents

Le chantier
du Censorat qui en savent bien trop sur le pays. Le
chantier ne fait pas partie de ses préoccupations, par
contre il ironise sur le fait que le canal servirait en pre-
mier lieu à nourrir les bouches des soldats du principal
adversaire à sa réalisation (le ministre de la Guerre). Il
insiste aussi sur le fait que le Roi ne possède pas une
très grande réserve de patience et que cette situation Cette deuxième partie du scénario est beaucoup
délicate le met dans l’embarras. plus linéaire, mais elle met en scène des situations bien
• Jour 1, nuit : Rencontre avec Dao qui demande aux per- plus spectaculaires et dangereuses. Aussi, il vous faudra
sonnages également de se dépêcher de soumettre une solu- veiller à maintenir un rythme assez enlevé lors de son
tion au Roi. Mais il parait également amer et leur affirme déroulement.
qu’à force de vouloir se faire remarquer à tout prix, à
contourner la hiérarchie pour en gravir les échelons, ils
s’en trouvent particulièrement exposés. Il les met en garde En route !
contre le fait de prendre trop de risques «inconsidérés».
• Jour 2, matin : Zheng Guo reparle de ses plans et du
projet comme d’une chance pour le Qin. Il se montre de Le Roi du Qin s’impatiente et demande aux per-
moins en moins confiant sur ses chances de survie. Il sonnages de lui apporter rapidement des éléments concrets
explique notamment aux personnages que c’est sur le afin de prendre sa décision en ce qui concerne les travaux
chantier qu’ils trouveront la preuve que les travaux avan- du canal. Ils doivent donc se rendre sur place sans tarder.
cent bien (et accessoirement qu’il est le plus qualifié pour À eux d’organiser cette expédition et d’entreprendre les
le mener à terme). Ils doivent pour cela rencontrer son démarches nécessaires (sauf-conduits, transports, etc.).
assistant-ingénieur sur le chantier. Afin de donner un caractère plus officiel et solen-
• Jour 2, midi : Rapport au Roi en présence du ministre nel à leur mission, Ying Zheng leur attache dix soldats de
de la Guerre. Le monarque interroge les personnages sur sa garde, commandés par un sous-officier vétéran. Il a
ce qu’ils pensent de l’affaire et les force plus ou moins à habilement choisi ces hommes pour leur loyauté et leur
prendre position. Il questionne tous leurs arguments pour obéissance, afin d’éviter tout problème quelles que soient
obtenir des faits et des preuves. Il veut être sûr de bien les conclusions que tireront les personnages de leur
embrasser la situation car elle l’intrigue énormément. enquête.
Malheureusement, il est peu probable que les personnages
126 puissent d’ores et déjà présenter un verdict. Le monarque
parait un peu agacé, surtout s’il s’aperçoit qu’ils fondent
l’essentiel de leur opinion sur les dires du principal accusé. Trouver un expert
Dans un tel cas, le Roi se met à rire et demande soudain à
l’un des personnages s’il lui est loyal. Puis aussitôt il lui Le Roi ayant ordonné aux person-
ordonne de trancher la tête de celui qu’il estime être le chef nages de recruter quelqu’un possédant de
de leur groupe (NB : cette victime désignée devrait cor- bonnes connaissances techniques afin d’éva-
respondre au personnage récompensé à la fin du premier luer le chantier, trois possibilités s’offrent à
scénario, « Révolution de Palais ».) eux :
Si le personnage refuse d’obtempérer, il sera exécuté
comme traître (mais vous pouvez également adoucir cette • L’architecte royal : Celui-ci refuse de quitter
sanction, cependant Ying Zheng ne doit pas paraître faible Xianyang sans un ordre direct de son ministre
dans une telle situation). ou du monarque. De plus, vous savez déjà
Par contre s’il accepte, le Roi stoppe son geste alors qu’il quelle opinion il a sur le sujet et il y a des
est sur le point de le porter le coup fatal. Il annonce ensuite chances que les joueurs le sachent aussi…
au personnage qu’il vient de sauver : « Je vous devais une • Un fonctionnaire du ministère des Grands
vie, maintenant nous sommes quittes. » Travaux : Bien qu’il conseille la poursuite des
Il leur conseille avec un sourire carnassier de ne plus le travaux, il mentira sur le travail de Zheng Guo,
décevoir et exige qu’ils en apprennent plus encore. Ils peu- par jalousie ou accointance avec l’architecte
vent se rendre sur le chantier si nécessaire (ce qui est en royal, et poussera les personnages à s’en
fait un ordre d’y aller). Si les personnages lui font remar- débarrasser.
quer qu’ils ne pourront pas être de retour à Xianyang avant • Un étudiant de l’université : Bien que moins
dix jours, Ying Zheng s’emporte. Il s’en moque visible- expérimenté que les deux précédents, il
ment : qu’ils obéissent, lui réglera ces détails qui ne les conserve un regard assez «neutre». En fonc-
regardent pas ! Par contre, il leur conseille de réquisition- tion de la manière dont les personnages requiè-
ner un assistant possédant un minimum de connaissances rent son aide, le recteur de l’université Pei
en architecture. Zheng Guo reste bien sûr à Xianyang et Gong lui donne quelques consignes. Dans ce
sous bonne garde. cas, il se montre encore plus enthousiaste sur
le projet et le travail de Zheng Guo.

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Scénario : Le procès

Ce voyage nécessite un trajet d’une semaine, aller apprécierait que la situation s’envenime encore pour
comme retour. Tout au long de leur périple, les personnages déboucher, pourquoi pas, sur un conflit armé avec un Etat
croisent ou dépassent de longues files d’étrangers quittant le voisin (le Han sans doute) ; soit le ministre de l’Etat. Cela
Qin avec tout ce qu’ils ont pu emporter avec eux. Les person- dépend des premières conclusions que les personnages ont
nages assistent parfois à des scènes de pillages : des bandes présentés au monarque lors de leur dernier rapport. L’un
organisées dépouillent les fuyards, et passent à tabac des comme l’autre envisagent de les faire disparaître si l’en-
familles entières en se disant patriotes. Ils tombent sur des quête n’est pas favorable à leur point de vue.
cadavres dénudés et jetés dans les fossés. Pourtant les
convois de réfugiés avancent inexorablement : enfermés A part cet incident, le voyage se passe plutôt calme-
dans leur propre détresse, ces malheureux ne prêtent même ment. La présence d’une escorte éloigne les éventuels pillards, 127
plus attention à toutes ces tragédies ils n’assistent donc, dans les villes comme sur les routes,
qu’aux sempiternelles exactions commises contre les étrangers
et les réfugiés. Mais les autorités interviennent bien peu, soit
Embuscade par manque de moyens soit par manque de motivation.
Enfin au bout de sept jours de trajet, les person-
nages atteignent enfin le canal. Ils longent pendant plu-
Au deuxième jour de voyage, ils aperçoivent bien- sieurs li une portion achevée et peuvent se rendre compte
tôt un chariot renversé au bord du chemin. Le cheval qui le de visu de l’ampleur du projet. Lorsqu’ils arrivent au chan-
tirait s’est détaché et se tient à quelques mètres de là, appa- tier, ce sentiment de démesure les frappe encore plus for-
remment très nerveux. Un blessé gît près du chariot. Mais tement. Alors qu’ils traversent les zones en travaux, les
dès que les personnages ralentissent, il se relève et une quin- milliers d’ouvriers se taisent et suspendent leurs activités.
zaine d’hommes armés de sabres se jettent sur eux. Quatre Tous les dévisagent et un silence pesant s’abat sur la scène.
archers (deux de chaque côté de la voie) sont postés au som- Quelques contremaîtres hurlent des ordres et le travail
met d’arbres dont les branches se joignent pour former une reprend petit à petit, mais les personnages perçoivent les
voûte au-dessus des têtes. Ils tirent afin de les forcer à cher- murmures de la foule qui, intriguée, spécule sur les raisons
cher un couvert. Il semble vite évident qu’il s’agit d’hommes de leur présence.
aguerris et agissants de façon coordonnée. Ces attaquants
sont déterminés à éliminer les personnages.
Leur propre garde se bat avec courage, mais ils doi- Le canal
vent eux aussi se jeter dans la mêlée afin de vaincre leurs
adversaires. Une fois le combat résolu, un Test de Bois +
Investigation contre un SR de 11 permet de trouver quelques Le chantier possède des proportions démesurées. Les
indices intéressants. Il pourrait s’agir là de soldats de la garni- personnages surplombent une vallée de deux cent mètres de
son de Xianyang, même s’ils ne portent pas d’uniforme. Par large. D’une colline à l’autre, elle est bloquée par un immense
contre, il est évident que leurs épées proviennent des manufac- barrage d’une trentaine de mètres de haut. Il bloque la rivière
tures royales. Le sous-officier qui les accompagne ou un per- qui doit alimenter le canal, mais de l’eau s’y accumule déjà.
sonnage ayant une identité officielle de soldat ou de garde peut Les personnages pourront ainsi apprendre que l’autre extré-
peut-être identifier l’un de ces hommes et lever les doutes. mité du canal a été sabotée quelques jours auparavant et laisse
Il s’agit en fait d’hommes envoyés par un minis- de l’eau s’écouler dans la partie déjà construite. Une équipe
tre. Soit celui des Armées afin de les empêcher de décou- s’occupe actuellement jour et nuit de résoudre ce problème qui
vrir des arguments pour la défense de Zheng Guo et qui ralentit considérablement le chantier.

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Le site ressemble à une fourmilière : une centaine La révolte et le repli vers le fort :
de milliers d’ouvriers et de forçats travaillent sur le chantier. Les ouvriers et les bagnards vivent dans des condi-
Les ouvrages de terrassement en occupent la majeure partie tions très dures. Des meneurs prêchent la révolte depuis plu-
mais d’autres consolident les parois et les rives. sieurs semaines. L’arrivée des personnages, symbole de l’au-
Au plus près du chantier, au fond de la vallée, torité du Roi, renforce encore leur rancœur. L’assassinat du
d’énormes assemblages de bois et de peaux semblables à chef du chantier finit de mettre le feu aux poudres.
des cages constituent un labyrinthe de taudis où s’entassent Alors que les personnages reprennent leur souf-
les travailleurs. Il s’en dégage des colonnes de fumées fle, quelques soldats du fortin viennent aux nouvelles.
grises et des miasmes formés à partir de la sueur et de la Mais alors qu’ils échangent leurs impressions, ils enten-
peine de cette foule. dent soudain une clameur sauvage monter depuis les tau-
Un village de tentes se dresse sur les parties dis. Des groupes d’ouvriers se saisissent des gardes les
basses des collines. Il accueille les fonctionnaires, scribes, plus proches, les rouent de coups et s’emparent de leurs
ingénieurs, commerçants et prostituées qui gravitent armes. Une dizaine d’abord, ces émeutiers sont vite
autour du chantier. Le millier de soldats chargé de la sécu- rejoints par d’autres et c’est bientôt tout le chantier qui
rité loge dans un fort en bois typique d’un campement de s’embrase. Les personnages voient une marée humaine
campagne. Les denrées les plus sensibles y sont stockées d’ouvriers et de forçats en rage qui fonce dans leur direc-
sous bonne garde. tion. Bien qu’individuellement ils ne représentent pas
Un immense échafaudage de bambou s’appuie des adversaires à leur mesure, les personnages se trou-
sur la plus grande partie du barrage. Un dédale d’échelles vent confrontés à des milliers d’hommes ! Ils peuvent
permet de grimper jusqu’à son sommet. sans doute abattre le premier rang de leurs agresseurs,
mais très vite il faut se replier vers le fort. Leur escorte
Une fois sur place, les personnages doivent d’abord tente vainement de s’interposer et les soldats tombent un
se faire reconnaître comme émissaires du Roi et ensuite ren- à un pour leur laisser le temps de gagner cet abri. Les
contrer les personnalités officielles du chantier (ingénieurs, rebelles tentent de couper toutes les voies de repli, mais
officier de la garnison, etc.) Une fois installés (on leur libère des personnages débrouillards devraient parvenir à
une tente ou on les accueille au fort selon leur souhait), ils rejoindre le fortin, non sans utiliser une grande partie de
peuvent commencer leurs inspections. Toutefois, certains leur Chi. Les soldats referment précipitamment les
événements vont venir perturber leur visite… portes derrière eux. Déjà, les assaillants se jettent dans
les fossés et des centaines de poing martèlent les hautes
Un cadavre et des wu xia : palissades de bois.
Lorsque les personnages arrivent, les travaux se
128 poursuivent normalement et rien n’indique que la nou- La défense des remparts :
velle de la captivité de Zheng Guo soit parvenue Les personnages se trouvent maintenant enfermés
jusqu’ici. S’ils demandent à rencontrer l’assistant de dans un fortin de bois, encerclés par un océan d’hommes
l’architecte, qui détient tous les documents concernant le en colère qui ne semblent pas vouloir se calmer. Quelques
projet, on les dirige aussitôt vers sa tente. Mais lorsqu’ils fonctionnaires et soldats ont pu se réfugier à temps à l’abri
se présentent devant celle-ci, ils entendent des bruits des murs. Ceux qui n’ont pas eu cette chance tombent sous
étouffés en provenant. S’ils se précipitent à l’intérieur, les coups furieux des révoltés. Une marée humaine se
ils découvrent un cadavre (l’ingénieur) assis à sa table de presse contre les portes, certains sont écrasés ou piétinés
travail, des documents éparpillés autour de lui. Sa gorge sous la poussée des autres. Mais les gardes, mieux équipés,
est tranchée et le sang coule encore abondamment de sa délivrent une pluie de projectiles sur les assaillants pendant
blessure. De l’autre côté de la tente, une silhouette som- que leur capitaine aboie ses ordres afin de barricader
bre s’enfuit par une seconde ouverture. Il s’agit du sinis- l’unique accès. Sur les remparts, quelques soldats tombent
tre mercenaire du Zhao. Rapide et agile, expérimenté sous les tirs chanceux des armes volées par les ouvriers.
dans le Tao des Six Directions, il s’engouffre entre les
tentes pour tenter de semer les personnages qui le sui- Ses premiers efforts s’avérant vains, la masse
vent. Leurs gardes ne peuvent tenir ce rythme et se trou- grouillante recule hors de portée des tirs nourris. Des diri-
vent rapidement distancés. geants émergent et organisent l’assaut. Les ouvriers ramas-
Mais, arrivé près de l’enclos où sont parqués une sent des outils qui deviennent autant d’armes. Ils détour-
centaine de chevaux, l’assassin s’arrête pour faire face à nent des échafaudages mobiles pour en faire des tours de
ses poursuivants. Espérant le renfort de ses deux compa- siège improvisées.
gnons, il peut être rapidement défait par les personnages
mais ses alliés finissent par arriver au bout de quelques ins- Si les personnages y pensent, les réserves du fort
tants. Les personnages font désormais face à deux nou- renferment d’énormes outres d’huile auxquelles il est pos-
veaux et dangereux adversaires, des wu xia aisément capa- sible de mettre le feu. Laissez les joueurs organiser la
bles de leur tenir tête. Toutefois, ils préfèrent s’enfuir une défense, et mettez en scène quelques actions héroïques. Ils
fois que tous les personnages sont de nouveau réunis ou doivent se sentir dépassés, menacés et sur le point de suc-
que la garde les a rejoint. Ils affolent et libèrent les che- comber. Car tôt ou tard, les ouvriers créent une brèche dans
vaux afin de couvrir leur retraite, ce qui provoque un les remparts ou abattent la porte. Il faut alors se défendre
immense mouvement de panique dans le village de toile. de tout côté en se repliant mètre par mètre vers la réserve,
Très vite, ils s’enfoncent dans les bois alentours où il dernier refuge possible.
devient bien plus difficile de suivre leur trace.

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Scénario : Le procès

Voyant surgir les personnages, il se bat cette fois-ci


pour de bon. Plus les personnages mettront de temps à cou-
per la corde ou à arrêter les bœufs, plus le barrage s’ouvrira,
Naissance mouvementée ce qui entraînera un plus grand nombre de victimes périssant
sous les flots furieux. De plus, ils risquent de voir détruits les
Si un personnage féminin a effective- documents qu’ils sont venus chercher (qui se trouvent a
ment succombé aux charmes de Ji An et est priori toujours dans la tente de l’ingénieur).
tombée enceinte, le bébé choisit alors ce Dépassé ou persuadé que son sabotage ne peut
moment pour venir au monde. Dans le cas plus être contré, le wu xia bondit sur l’échafaudage qui se
contraire, la fille du capitaine du fort, enceinte dresse à plusieurs dizaines de mètres au dessus du vide. La
jusqu’aux yeux, les a rejoint dans la réserve. structure se balance dangereusement sous la pression de
La tension et les efforts provoquent l’accou- l’eau qui jaillit puissamment et l’inonde (malus de -2 à
chement, elle perd les eaux sur les remparts toutes les actions à moins d’utiliser le Tao du Pas léger, un
puis le travail commence. double 0 implique une chute probablement mortelle). Il y
Un autre personnage doit l’accompa- poursuit le combat et y entraîne éventuellement un de ses
gner dans la réserve où elle se trouve à peu adversaires afin de lutter à un contre un.
près à l’abri. Dehors, les combats font rage. Les personnages devraient finalement parvenir à
Les défenseurs débordés doivent bientôt aban- tuer leur adversaire et bloquer l’ouverture. Mais ils aper-
donner les remparts. Les personnages et çoivent l’homme aux deux masses de bronze qui s’enfuit
quelques soldats, dont le capitaine, forment un de l’autre côté de la vallée, hors de leur portée.
dernier carré dans la cour devant le bâtiment.
La future mère commence à accoucher et un
autre personnages doit l’assister tant bien que
mal. Les cris au dehors ajoutent à son
Dénouement
angoisse. Soudain, le toit semble s’embraser et
des tuiles tombent du plafond, non loin de Une fois le combat fini et la porte du barrage
l’enfant à naître et des outres remplies d’huile. refermée, il est temps de constater les dégâts. Il peut y
À l’extérieur, les combats s’intensifient et avoir quelques dizaines de milliers de morts noyés parmi
tournent au carnage mais pour chaque ennemi les ouvriers (environ trente mille, le double s’ils ont vrai-
qui tombe, deux semblent prendre sa place. ment trop tardé à couper la corde). Le niveau de l’eau a
atteint les fossés du fortin, arrachant les tentes les plus
NB : Une fois le bébé venu au monde, sa basses. Des cadavres flottent un peu partout mais les hos-
129
mère subit un malus de -5 à toutes ses actions tilités ont enfin cessé. Au pied du barrage, il ne reste
jusqu’à ce qu’elle puisse prendre enfin un presque plus rien du chantier.
repos plus que nécessaire. Profitant de la trêve de fait et obligé de composer,
le capitaine s’entretient avec les meneurs de la sédition, et les
personnages apprennent ainsi qu’une rumeur assurait que
Zheng Guo arrêté, le chantier allait être stoppé. Les ouvriers
resteraient sur place, car cela reviendrait trop cher de les
déplacer. D’après cette rumeur, les personnages venaient étu-
Le barrage : dier les moyens d’exterminer les ouvriers à peu de frais.
Pourtant, alors que tout semble définitivement Cette nouvelle fut associée à l’absence de Zheng
perdu, les personnages s’aperçoivent que le barrage est en Guo, aux soldats les escortant et au fait que le ministre des
train de s’ouvrir. Des filets d’eau sous pression jaillissent Travaux du Qin ait déjà eu à recours à cette pratique par le
des vannes qui s’entrouvrent. Un raz-de-marée menace passé. Le capitaine et les ouvriers restant se mettent d’ac-
d’engloutir les dizaines de milliers d’hommes qui se trou- cord pour ne pas ébruiter l’affaire et faire en sorte que tout
vent dans la vallée comme dans le fort. cela passe pour un effroyable accident. Ils demandent aux
Si les personnages alertent les ouvriers, les combats personnages de jurer de ne pas contredire cette version.
cessent rapidement. D’abord sceptiques, les assaillants réali- Maintenant, ceux-ci peuvent enfin récupérer l’ensemble
sent à leur tour le danger et un mouvement de panique géné- des documents disponibles qui démontrent (si l’expert
ral s’ensuit. Ils se mettent à courir en tous sens, se piétinent, qu’ils ont amené avec eux est honnête) que le projet
se battent pour échapper à cette souricière. avance très bien et très vite. Les contremaîtres rescapés
Logiquement, il faut absolument empêcher le bar- mis au courant de la situation réelle apportent leur soutien
rage de céder afin d’éviter que la vallée (donc le chantier) inconditionnel à l’architecte et presque spontanément, une
ne soit immergée. Pour cela, les personnages doivent se vaste pétition s’organise dans les ruines du campement.
rendre au sommet de l’édifice afin de comprendre ce qui se Les personnages disposent désormais d’éléments
passe, et il n’existe que deux solutions depuis le fort : une plutôt en faveur de Zheng Guo : celui-ci semble gérer au
échelle verticale contre sa paroi ou l’immense échafau- mieux le chantier. Toutefois, ils restent libres d’adopter la
dage. Les deux permettent d’accéder au sommet de l’ou- position de leur choix et de se soumettre ou non aux pres-
vrage où le mercenaire aux deux épées dirige deux sions qu’ils ont pu subir. Il ne leur reste plus qu’à se mettre
énormes bœufs tirant une corde reliée au mécanisme qui d’accord, évaluer éventuellement les conséquences de leur
actionne l’ouverture du barrage (une énorme roue horizon- décision et enfin faire leur rapport au Roi.
tale fixée à un axe taillée dans un large tronc).

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Troisième partie :
Le temps des demi-mesures est terminé. Le

Le procès
monarque charge Li Si d’animer les discussions et,
s’adressant directement aux personnages, les prévient que
s’ils ne parviennent pas à convaincre les membres dési-
gnés, ils paieront leur échec par la mort.
La foule semble impressionnée, pourtant rapide-
ment des voix s’élèvent de nouveau. Elles réclament que la
Retour à la capitale position opposée à celle des personnages soit également
entendue. Bien sûr, personne n’ose assumer cette demande
lorsque le Roi demande qui parle ainsi. Mais plutôt que de
Les personnages rentrent maintenant à Xianyang repousser l’idée, il cherche un volontaire dans l’assemblée
avec en main les preuves réclamées par le Roi. Ils ont dû pour endosser une telle responsabilité. Le célèbre rhéteur
également se faire leur propre opinion sur le sujet. Mao Jiao s’extirpe alors de la foule. Il a déjà eu l’occasion
Alors qu’ils approchent de la cité, ils constatent que de faire parler de lui en réussissant à sauver la Reine-mère
les routes sont bordées de gibets macabres où se balancent après sa tentative de coup d’état (voir « Révolution de
des cadavres gris jetés en pâture aux corbeaux. Une foule Palais »). Un murmure parcourt l’assemblée et presque
nombreuse se dirige vers la capitale et se presse devant ses aussitôt Mai Liu Bang, le maître du Bureau des Rumeurs,
portes. Ils doivent faire une longue queue ou se frayer un rejoint Mao Jiao qu’il demande à assister. Le Roi réfléchit
chemin pour accéder à la ville. Dès qu’ils sont entrés, ils un instant puis accepte. Il nomme ensuite les onze per-
observent que des familles s’installent dans les bâtiments sonnes qu’il souhaite voir représenter la cour.
abandonnés deux semaines plus tôt. Ils apprennent rapide-
ment que Ying Zheng a annulé sa décision condamnant tous « Tout d’abord, je veux l’un de mes ministres. Ce
les étrangers à l’exil. De plus, le Roi a promulgué un décret sera son Excellence Cao Xin Fang, le ministre de l’Etat.
visant à châtier sévèrement ceux qui ont commis des crimes Puis un eunuque… Lai Fu. Je souhaite y voir également un
contre ces ressortissants. La rumeur prétend que Li Si a de ceux qui soutiennent cette cour économiquement et mon
envoyé au Roi un très long pamphlet intitulé « Jian Zhu Ke choix se porte sur Heng Hun. Un général maintenant et
Shu » afin de le faire changer d’avis : il y explique ce que le puisque Wang Jian est occupé, qui pourrait mieux repré-
Royaume doit aux étrangers et à quel point il se trouverait senter l’armée que son fils, Wang Ben ? Pour leur expé-
affaibli sans eux. De retour à Xianyang, les personnages rience et leurs connaissances, je ferai appel au précepteur
découvrent que Li Si jouit désormais d’une immense popu- royal He Seung et au recteur de l’université, Pei Gong.
larité. La foule est versatile et les mêmes qui conspuaient les Comment ai-je pu oublier l’architecte royal Me Xung dont
130 étrangers il y a deux semaines se félicitent publiquement de le coup d’œil nous sera indispensable ? Il manque encore
leur retour aujourd’hui. Beaucoup craignent de se voir accu- quatre personnes. L’une d’entre elle sera mon médecin
sés de crimes contre ces derniers. Qiu Chan dont je connais la sagesse et en qui j’ai toute
Le Roi attend impatiemment les personnages. Ils confiance. Enfin, je ferai appel à deux femmes : Dame
remontent les longs couloirs du palais royal jusqu’à la salle Gong Li que je sais incapable de la moindre injustice et la
du trône. Toute la cour se trouve de nouveau rassemblée courtisane Song Yin pour… sa connaissance de tous les
ici, mais cette fois l’atmosphère est bien plus calme. Le autres ou presque. Où en suis-je ? Dix ? Dix ! …j’ai
Roi questionne alors les personnages sur le résultat de leur trouvé ! Que l’on aille quérir Chao Guang, notre si
enquête. Désormais, tous savent qu’ils appartiennent au dévoué gouverneur. »
Censorat. Ils doivent, devant la cour et le monarque, expo-
ser et argumenter leurs conclusions. Quelle que soit leur Le Roi congédie alors la cour. Il précise que les
réponse, des voix dans l’assemblée pour remettre en cause discussions auront lieu en public, mais pour l’instant il
leur compétence ou leur honnêteté s’élèvent. Ces clameurs souhaite que Li Si rencontre les protagonistes du procès à
anonymes sont d’autant plus puissantes si les personnages huis-clos. Ils décideront ainsi ensemble de la manière dont
sont étrangers ou originaires du Han. Une fois de plus, le il se déroulera.
chaos s’empare de la cour et les personnages ne peuvent Les personnages sont donc invités à rester avec ce
aller plus loin dans leur exposé. groupe. Une fois seuls, Li Si annonce que la première réu-
Ying Zheng semble maintenant furieux. Il sort nion se tiendra le lendemain. Mao Jiao y présentera son
son épée de son fourreau et frappe violemment l’énorme point de vue, puis le surlendemain ce sera le tour des les
gong qui se trouve près de son trône. La foule se tait aus- personnages. Enfin le troisième jour, ils devront exposer
sitôt. Il laisse ce silence peser quelques secondes avant de leurs conclusions qui seront immédiatement suivies de
prendre la parole. celles de Mao Jiao. La décision finale interviendra donc à
« Assez ! Cessez vos querelles ! N’y a-t-il aucun cette occasion. Le Roi, qui assiste à la discussion du haut
moyen de vous satisfaire ? » hurle le Roi à son auditoire. de son trône, fait signe à Li Si de le rejoindre. Il lui glisse
« Puisqu’il en est ainsi, je décide que vous allez vous- quelques mots à l’oreille qu’il relaie ensuite aux autres per-
même décider du destin de Zheng Guo. Je vais en nommer sonnes présentes.
onze parmi vous qui représenteront la cour. » Puis il se « En attendant, sa Majesté et moi-même vous
tourne vers les personnages. «  À vous de les convaincre, conseillons de profiter au mieux de cette journée pour par-
et à leur tour ils devront me convaincre. Ensuite, je pren- faire vos argumentaires car si Zheng Guo est puni, ses
drai la décision de faire exécuter Zheng Guo ou de le défenseurs partageront sa peine. S’il est récompensé, ceux
récompenser et d’achever les travaux du canal ! » qui plaident pour son châtiment le recevront à sa place. »

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Scénario : Le procès

Assignez à chaque membre six catégories : sécu-


rité personnelle, position sociale, richesse/gains, intérêt du
Royaume, justice et autres. Pour chacune d’elles, notez son
Le procès du siècle attitude vis-à-vis de la position des personnages (+1 si favo-
rable, 0 si neutre, -1 si défavorable) et un chiffe pour son
Les joueurs doivent bien réaliser importance relative (nulle = 0, faible = 1, moyenne = 2,
l’importance de cet événement. Mais surtout, importante = 4). Multipliez ces deux chiffres pour obtenir un
ils doivent également comprendre qu’il n’est score pour chaque catégorie. Puis faites la somme. Si elle est
pas ici affaire de justice ni de vérité. La plupart positive, le représentant soutient les personnages ; si elle est
des « jurés » se moquent totalement du droit nulle, il n’est pas encore décidé (bien qu’il puisse le faire
ou n’ont aucune connaissance dans ce croire). Sinon, il s’oppose à eux.
domaine. Le débat dépasse le cadre juridique Par exemple : si les personnages défendent
ou judiciaire, il touche à la sphère politique. Zheng Guo, Cao Xin Fang trouve que c’est une mauvaise
Aussi, il importe moins de convaincre les jurés chose pour la justice que de ne pas punir l’architecte (atti-
que Zheng Guo est innocent ou coupable (il tude négative), mais cela n’a pas grande importance pour
avoue d’ailleurs lui-même sa culpabilité) ou de lui (-1 x 1 = -1). D’un autre côté, il concède que cela est
l’enjeu stratégique du canal, mais bien de leur positif pour le Royaume, mais cela ne le préoccupe guère
faire prendre la position qu’ils doivent pren- (+1 x 1 = 1). Comme il ne craint ni pour sa sécurité, ni pour
dre. Car à leur tour ils devront convaincre le son statut, ni pour ses richesses (attitude neutre), le résultat
Roi (mais Ying Zheng est tout à fait capable de final est de 0 (-1 + 1). Il va falloir le convaincre dans un
ne pas suivre l’avis des onze personnes qu’il a autre domaine pour rallier.
nommées).
Il s’agit donc d’une lutte d’influence Cao Xin Fang : Maintenant que les étrangers ne sont
où les personnages vont devoir évoluer en plus exilés, il sait qu’il n’aura pas à gérer le Royaume avec
eaux troubles. Ce procès se gagne ou se perd un nombre réduit de fonctionnaires.. Il se montre du coup
en dehors de la salle d’audience. Ainsi, par bien moins préoccupé par cette affaire. Il est plutôt défavo-
exemple, la position-clé de Ding Jiang Cheng rable à Zheng Guo car l’idée de récompenser publique-
permet de faire pression sur une bonne partie ment un traître le gène, mais ce n’est très important pour
de la cour, bien qu’il n’en fasse pas partie. lui et il peut vivre avec cette idée. Contrairement à d’au-
Suivant le degré de cynisme de vos joueurs, ils tres, il n’a pas d’idée préconçue sur le sujet et pourrait très
peuvent très bien ne pas s’en rendre compte et bien se baser uniquement sur des arguments légaux pour se
juste chercher à légitimement démontrer l’in- faire une opinion.
131
térêt du canal. Ce serait une grave erreur et elle
pourrait bien tous les conduire à la mort. Lai Fu : L’eunuque voit dans ce procès une occasion
inespérée de semer encore plus le chaos au sein cette cour
déjà bien agitée. Il ignore s’il vaut mieux pour la Secte du
Ciel incliné que le canal se fasse ou pas et il n’aura pas le
temps d’obtenir une réponse « officielle ». Il chercher
donc à attiser au maximum les tensions entre les diverses
factions. Il s’imagine faire de cette agitation le terreau
sinon d’une guerre civile, au moins d’une lutte intestine au
Les jurés
sommet de l’Etat.
Voici les motivations personnelles des onze repré-
sentants de la cour. Vous devriez bien vous familiariser
Heng Hun : Le vieil homme se s’intéresse qu’à deux
choses : ses affaires et sa fille. Il est plutôt favorable à la
avec leurs descriptions, que ce soit dans ce livre ou dans
construction du canal car, souhaitant diversifier son acti-
les précédents, afin de prendre en compte tous les moyens
vité, il y voit un débouché commercial de premier ordre.
de pression pouvant les toucher. Ils sont nombreux, mais
Mais il réalise qu’il s’enrichira également si les sommes
n’ont pas tous le même impact. Par exemple, la fille de
allouées à la construction servent à financer un effort de
Heng Hun ou certains secrets inavouables peuvent les
guerre. De plus, il peut toujours changer d’avis s’il entre-
atteindre. Mais tous deux sont tout à fait capables de se
voit une meilleure opportunité, bien qu’il soit difficile
débarrasser d’un maître chanteur qui manquerait de subti-
d’acheter un homme aussi riche.
lité. De même en s’engageant dans cette voie, il est fort
probable que les personnages lèvent le voile sur certaines
des nombreuses intrigues et luttes entre les factions de
Pei Gong : Le recteur de l’université affiche son sou-
tien au projet de canal et il est difficile de le faire changer
Xianyang. Il n’est pas possible de toutes les énumérer ici,
d’avis. À moins de lui rapporter les infidélités de son
les angles d’approches étant innombrables. Mais pour pro-
épouse et de parvenir à canaliser sa fureur pour le manipu-
fiter pleinement de ce scénario, il reste indispensable de se
ler, il reste campé sur sa position. Les personnages
faire une idée précise de la capitale et de ses habitants en
voyaient peut-être en lui un opposant farouche aux fonc-
lisant bien tout le supplément.
tionnaires étrangers et pouvaient donc le supposer opposé
Enfin, voici une méthode pour tenir compte des
au canal, mais depuis le début, il ne cherche qu’une chose
positions des représentants de la cour et des pressions
: trouver des débouchés pour ses étudiants.
contradictoires qui peuvent s’exercer sur eux.

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Wang Ben : L’officier prend son rôle très à cœur. Il est Intelligent et plutôt ouvert, il saura écouter la voix de la
conscient de l’importance de la responsabilité qu’on lui raison si on lui montre les bénéfices que Xianyang peut
confie et il veut s’en montrer digne, autant pour honorer tirer de sa position.
son père que pour se voir ensuite confier de plus hautes
prérogatives. Bien qu’il pense que le budget de la Mao Jiao : enfin est le rhéteur opposé aux personnages.
construction du canal profiterait aux finances de l’armée Dans ce procès, seul son intérêt compte à ses yeux : quelle
s’il ne se faisait pas (et donc à lui indirectement), il cherche que soit la position adoptée par les personnages, il prend la
à en faire abstraction pour prendre sa décision uniquement position inverse. S’ils défendent Zheng Guo, il cherchera à
dans l’intérêt du Royaume. Il se montre peu sensible aux le faire condamner ; s’ils veulent faire exécuter l’archi-
arguments juridiques mais réagit favorablement à un point tecte et stopper le canal, il fera tout pour le faire acquitter.
de vue plus géostratégique. Mao Jiao espère par cette affaire augmenter son prestige et
sa position au gouvernement.
He Seung : Le précepteur royal voit ce procès comme
une formidable opportunité de se mettre en avant. Il souhaite
ensuite proposer ses services à de nouveaux clients poten- Chronologie
tiels. Il profite de sa position privilégiée pour faire naître des
dissensions entre personnes susceptibles de faire appel à lui.
Il n’éprouve aucun intérêt pour le canal ou le sort de l’archi- Voici la chronologie du procès, qui peut bien sûr
tecte et il ne tente même pas de se forger sa propre opinion se voir modifiée dans une certaine mesure en fonction des
sur le sujet. Il se contente de suivre la majorité. actions des personnages.

Me Xung : L’architecte royal se trouve dans une posi- Jour 0 : Après la décision du Roi, les personnages peu-
tion délicate. Il souhaite ardemment que le projet se pour- vent profiter du reste de leur journée pour préparer leur
suive mais également remplacer Zheng Guo à sa tête. Il argumentaire, choisir les témoins qu’ils produiront, etc. Il
manigance un moyen de parvenir à ses fins jusqu’à envisa- peuvent également vouloir rencontrer les jurés désignés
ger très sérieusement la possibilité de faire assassiner l’ar- pour discuter avec eux, tenter se les concilier, etc. Sachant
chitecte, après lui avoir fait gagner le procès. Sa décision bien sûr que Mao Jiao fera la même chose de son côté…
reste en suspens et il demeure indécis, comptant sur un élé-
ment extérieur pour prendre position. Jour 1, journée : Mao Jiao dévoile son argumentaire et
insiste sur l’ambiguïté du rôle joué par Zheng Guo. Il n’hé-
132 Song Yin : La vieille courtisane ne vise que deux choses. site pas à faire pression sur des témoins sélectionnés par les
Faire ce qui est le mieux pour le Roi qu’elle considère tou- personnages afin de leur retirer cet appui. Il va jusqu’à faire
jours comme son protégé et s’amuser en observant les vieux témoigner Zheng Guo de la façon qui l’arrange, en menaçant
loups édentés et les jeunes courtisans si sûrs d’eux. Dans sa son épouse au besoin. Il dénonce l’existence d’un espion
position où elle ne craint plus grand-chose, elle se délecte de dans le quartier marchand qui ressemble beaucoup à l’un des
ce genre de situation et contemple toutes les turpitudes de la personnages. Excellent orateur, il expose des faits de manière
nature humaine. Les raisons et les conséquences de ce procès très convaincante, sur un ton posé et en rappelant aux person-
ne revêtent aucune importance pour elle, si ce n’est de per- nages les règles élémentaires du respect s’ils se montrent un
mettre au Roi d’en sortir grandi face à la cour. peu trop véhéments à son encontre.

Gong Li : Ce personnage central de la campagne Jour 1, nuit : Gong Li arrange une entrevue avec les
adopte la position des personnages, à moins bien sûr qu’ils personnages. Elle prétend qu’un de ses amis a quelque
se montrent en-dessous de tout ou indignes de la confiance chose à leur remettre. Elle les entraîne dans une taverne du
du Roi. Elle prend son rôle à cœur et cherche réellement à quartier ouvrier où ils rencontrent un dénommé Ying Jia.
prendre une décision juste. Cependant sa seule motivation Attablé dans un coin sombre, il semble tenir à son inco-
reste d’agir au mieux des intérêts du Roi et elle prépare gnito (il s’agit en fait d’un prince du Zhao ; ce personnage
déjà quelques manœuvres pour s’assurer de faire basculer jouera un rôle plus important dans la suite de la campagne
le procès dans le sens souhaité (notamment via un moyen donc essayez de le rendre sympathique aux joueurs). Il leur
de pression sur l’architecte royal). livre le mercenaire aux deux masses de bronze, seul survi-
vant du commando du chantier : celui-ci vit dans une
Qiu Chan : Le médecin ne se sent que très peu chambre louée au-dessus de l’établissement. Les person-
concerné par toutes ces histoires. Sa seule préoccupation nages devraient pouvoir le surprendre en plein sommeil et
demeure de faire en sorte que ces contrariétés ne nuisent le maîtriser. Ying Jia insiste pour que son nom n’apparaisse
pas à la santé du Roi. Il se moque totalement de ce qui est pas au cours du procès. Il motive son geste en assurant
bon pour le monarque ou le Royaume, il souhaite juste qu’il souhaite éviter qu’une guerre puisse se déclencher
continuer à vivre longtemps et dans le luxe en s’assurant entre le Zhao et le Qin. Le mercenaire ne leur révèle rien
de la bonne santé du souverain. de plus que ce qu’ils savent déjà, mais ils disposent désor-
mais d’un témoin à produire devant le jury.
Chao Guang : Le gouverneur de la capitale est un
homme pragmatique. Bien que vieil aristocrate à priori Jour 2, journée : Aux joueurs de présenter leur
hostile à Zheng Guo, il s’intéresse fortement aux intérêts réquisitoire. Mais face à eux, Mao Jiao se montre très
du Qin car ceux-ci affectent sa ville en permanence. agressif, il n’hésite pas à leur couper la parole, à ironiser, à

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Scénario : Le procès

discuter leurs arguments, etc. Grâce à Mai Liu Bang, il dis-


pose de rapports détaillés sur les activités des personnages
Nouvelle aube
lors de leur enquête. Il a pointé toutes les erreurs commises
et les étale devant la cour afin de les décrédibiliser. Doué Les personnages doivent a priori gagner ce pro-
d’une éloquence parfaitement maîtrisée, ses attaques bru- cès. Le Roi rend sa décision et se lance dans un discours
tales ou insidieuses déstabilisent le jury. passionné sur le grand avenir de son Royaume. La teneur
de celui-ci dépend de l’option soutenue par les person-
Jour 2, nuit : Lai Fu appelle au secours. Lorsque le nages et ratifiée par le Roi à l’issue du procès.
guet arrive, l’eunuque est seul mais visiblement très effrayé.
Il prétend avoir été attaqué et exhibe une touffe de cheveux S’ils ont sauvé Zheng Guo et le projet du 133
arrachée à son agresseur. Trois clochettes y sont tressées. Il canal : Le monarque imagine déjà la prospérité qui en
s’agit bien évidemment d’un coup monté par Lai Fu lui- découlera et l’influence croissante aux dépends de ses rivaux
même qui souhaite ainsi augmenter la tension autour de ce d’un Qin rendu plus fort. Zheng Guo se voit publiquement
procès. Il a pu récupérer les clochettes de l’assassin interve- amnistié pour ses erreurs passées et est nommé par le Roi
nant dans le premier scénario. Cet événement obnubile rapi- Grand Architecte du Qin avec pour mission de finir le canal
dement He Seung qui cherche à savoir plus. avant trois ans, sous peine de mort à l’expiration du délai.
Reconnaissant, Zheng Guo promet d’y arriver.
Jour 3, journée : Les personnages, puis Mao Jiao
après eux, sont invités à exposer leurs conclusions. Si les Dans le cas d’un choix contraire : Ying Zheng
personnages ont su tirer leur épingle du jeu, ils ont sans s’enorgueillit de constater que le complot du Han a échoué
doute réussi à convaincre la majeure partie du jury. Dans à faire vaciller son pouvoir. Le Qin se relève plus fort
ce cas, le Roi tergiverse quelques instants puis se range à encore de cette épreuve et, toutes ses ressources désormais
leur avis. Sa décision finale est prise et il en applique dirigées vers son effort de guerre, le Roi prend à témoin sa
immédiatement la sentence, visiblement soulagé de voir cour pour annoncer son intention de punir ses ennemis et
cette affaire toucher à sa fin. de faire du Qin le plus grand de tous les Royaumes, celui
qui unifiera l’Empire sous sa bannière. Zheng Guo est
Par contre, si les personnages n’ont pas été à la condamnée à mort pour trahison (et toute sa famille avec
hauteur, vous pouvez utiliser l’artifice suivant pour éviter lui), et le projet de canal abandonné.
de tous les envoyer à la mort : Mao Jiao présente une
conclusion poignante et il semble bien qu’il va remporter Dans tous les cas, Mao Jiao est condamné à mort,
la victoire. Il fonde son élocution sur les arguments de l’ar- la sentence immédiatement applicable. La garde entoure le
chitecte royal qu’il interroge une fois de plus. De toute évi- rhéteur et l’entraîne vers la cour extérieure du palais.
dence, cette scène a été préparée par avance et les deux L’assemblée suit en procession, ainsi que le Roi accompa-
hommes sont complices. Pourtant l’architecte change brus- gnés par les personnages. Mais soudain une violente rafale
quement d’opinion et émet un avis contraire de celui qu’at- de vent glacé balaie les couloirs jusqu’à la salle du trône.
tendait Mao Jiao. Ce dernier perd la face en public et toute Le démon Zhang-hu, revenu dans le Zhongguo grâce aux
crédibilité, et par conséquence le procès. Les manigances personnages (voir « le Prince félon) se matérialise. S’il
secrètes que Gong Li a orchestrées expliquent ce revire- avait déjà quitté son hôte, il s’extirpe du corps d’un soldat
ment de situation : elle a menacé de rendre publics les de la garde qu’il possédait et se précipite vers le trône. La
penchants honteux de Me Xung si celui-ci ne témoignait garde protège le Roi, les personnages se joindront sans
pas comme elle le lui demandait.

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doute à eux. Le médecin royal qui était resté en arrière est
balayé par la puissance de la créature infernale. Elle se
Sung « Morsure du Cobra »
dirige sans hésitation vers le mur derrière le trône, arrache
les tentures et abat la paroi d’un coup de poing. Une brèche Une mise élégante, un corps d’athlète et une belle
s’ouvre sur une petite salle annexe où le démon s’empare gueule : Sung se prétend aussi habile bretteur que bon
d’une sorte de vase tripode d’environ un mètre de haut, amant. Il manie deux épées reliées entre elles par une
puis il se rend invisible et disparaît avec. Une panique courte chaîne avec laquelle il pare et bloque l’arme de son
générale s’empare de la cour, des alarmes retentissent, on adversaire. Cette arme unique lui permet de surprendre ses
entraîne le Roi à l’abri. Dans la confusion, la créature ennemis car il peut aussi bien s’en servir comme de lames
s’évanouit sans laisser de trace. que comme un fléau tranchant. Son beau visage cache en
Au bout de quelques minutes, une fois assuré qu’il fait une âme noire et une cruauté certaine.
n’y a plus de danger, le Roi convoque les personnages. Il
tient à les féliciter pour la manière dont ils ont accompli leur Mercenaire du Zhao - 1 m 78 / 73 kg / 34 ans
mission et remporté ce procès. En récompense, il décide de Aspects : Métal 4, Eau 3, Terre 3, Bois 4, Feu 3
leur faire don de trois ans de leur vie. Qu’ils en fassent ce Aspects secondaires : Chi 36, Défense passive 9
qu’ils souhaitent, il subviendra à leurs besoins et financera la Don et Faiblesse : Griffes du Tigre / Fierté du Coq
majeure partie de leurs souhaits. Dans trois ans, ils repren- Talents : Perception 2, Intimidation 2, Séduction 3, Art de
dront leur fonction auprès de lui et continueront à toucher la Guerre 2, Jiànshù 3 (Coup précis, Aveugler, Coup dou-
leur solde pendant ce laps de temps. ble), Bianshù 3 (Etrangler, Désarmer, Harcèlement),

Personnalités
Equitation 2, Esquive 2, Survie (divers) 3
Taos : Tao des Six Directions 2, Tao du Pas léger 2, Tao
de la Foudre soudaine 2, Tao des Dix Mille Mains 2, Tao
de la Présence sereine 2
Souffle vital : 21 (7 / 0, 5 / 0, 4 / - 1, 3 / - 3, 2 / - 5)
Renommée : 36
Les mercenaires du Zhao Equipement : Sa double-épée (il peut s’en servir indiffé-
remment avec son Talent de Jiànshù ou celui de Bianshù :
selon les Manœuvres qu’il souhaite effectuer)
Ex-soldats, ex-miliciens de la guilde des mar-
chands, ex-bandits de grand chemin, mercenaires vendus
au plus offrant : ils possèdent une solide expérience et ont
134 su garder de nombreux contacts parmi les groupes qu’ils
Souffle de l’Ombre infernale
ont autrefois fréquentés. Chacun d’eux possède des talents
complémentaires de ceux de ses compagnons, ce qui en Grand et élancé, il possède cependant un incroya-
fait des adversaires dangereux. ble talent d’acrobate. Toujours encapuchonné dans un long
manteau noir dont le col lui dissimule le bas du visage, il
est l’espion et l’assassin du groupe. Il manie une dague et
Masses grondantes lance ses poignards avec précision. Il en possède sept, dont
six enduits de divers poisons allant du simple somnifère au
redoutable Voile noir. Silencieux et discret, il préfère éviter
Un colosse de presque deux mètres et maniant l’affrontement direct pour attaquer sournoisement ses
avec une facilité déconcertante deux énormes masses de adversaires.
bronze. Il compte essentiellement sur sa puissance phy-
sique pour noyer rapidement ses adversaires sous une ava- Mercenaire du Zhao - 1 m 85 / 60 kg / 30 ans
lanche de coups. Mais ce serait cependant un tort de Aspects : Métal 3, Eau 5, Terre 3, Bois 2, Feu 3
mésestimer sa maîtrise technique. Il est le plus expansif Aspects secondaires : Chi 24, Défense passive 9
des trois mercenaires. Don et Faiblesse : Enfant des Ombres / Froideur du
Serpent
Mercenaire du Zhao - 2 m 04 / 106 kg / 33 ans Talents : Herboristerie 3, Perception 3, Langues 2 (divers
Aspects : Métal 5, Eau 3, Terre 2, Bois 3, Feu 2 dialectes), Daoshù 2 (Coup précis, Feinte), Lancer 4 (Tir
Aspects secondaires : Chi 16, Défense passive 8 rapide, Rebond, Tir lointain, Double trait), Improvisation
Don et Faiblesse : Cuirasse de Bronze / Sang impur 2, Acrobatie 4, Discrétion 3, Esquive 2, Larcins 3
Talents : Perception 2, Intimidation 3, Jeux 2, Boxe 3 Taos : Tao des Six Directions 2, Tao du Pas léger 3, Tao
(Réduire la distance, Bloquer, Charger), Chuishù 4 du Bouclier invisible 2, Tao des Mille Abeilles 3
(Assommer, Mise à distance, Charger, Repousser), Souffle vital : 17 (6 / 0, 5 / 0, 3 / - 1, 2 / - 3, 1 / - 5)
Equitation 2, Esquive 1, Survie (divers) 3 Renommée : 27
Taos : Tao du Corps renforcé 3, Tao du Souffle destruc- Equipement : Vêtements sombres, dague, poignards,
teur 3, Tao du Bouclier invisible 2, Tao du Yin et du dards de lancer, poisons divers
Yang 1
Souffle vital : 23 (10 / 0, 7 / 0, 3 / - 1, 2 / - 3, 1 / - 5)
Renommée : 32
Equipement : Armure légère, deux masses à une main

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Le piège
Voici un épisode-charnière de la campagne Tiàn
Xia. Il conclut la première partie et s’ouvre vers de nou-
veaux horizons, et de nouvelles aventures, pour les person- Continuité de la campagne
nages. De nombreux mystères restent en suspens et toutes
les conséquences de leurs actes et des événements vécus Ce scénario, qui est le quatrième de la
jusque là ne sont pas encore visibles. Mais plus rien ne campagne Tiàn Xia, prend place en -234 et
peut stopper le cours de l’Histoire et le Zhongguo entre s’étale jusqu’en – 233 (887 et 888 du calen-
drier de la dynastie Zhou) : quatre années se

Introduction
désormais dans une nouvelle ère, dans laquelle le puissant
Royaume du Qin a assurément la prédominance. sont écoulées depuis le retentissant procès de 135
Zheng Guo. Que le canal ait été achevé ou non,
le Qin a su encore renforcer sa puissance éco-
nomique et militaire et est sur le point de partir
en guerre. Le Han semble être son premier
objectif même si tout est fait pour détromper
Suite aux événements du scénario « le Procès », cette rumeur…
Ying Zheng a fait cadeau aux personnages de trois années de Li Si désespère de pouvoir ouvrir le
leur vie. Cette période révolue, il les rappelle de nouveau à Traité des Choses de l’Est. Il a pour cela
son service. Nous sommes à l’aube de profonds bouleverse- besoin de la clé de Han Fei Zi, mais celui-ci est
ments dans l’Histoire des Royaumes combattants… actuellement réfugié au Han. Il ignore donc
Réintégrés au sein du Censorat, les personnages toujours le réel contenu du rouleau de Xun Zi.
vont d’abord devoir accomplir une mission essentielle
pour faire tomber une cité du Zhao, mission au cours de
laquelle ils croiseront de vieilles connaissances et devront
dérober un vase tripode. quatre années se sont finalement écoulées, Ying Zheng se
Puis ils seront au centre des tractations impliquant montrant toujours aussi peu rigoureux en ce qui concerne les
le retour de Han Fei Zi au Qin et se retrouveront par la suite «détails». Mais voilà enfin qu’on leur demande de reprendre
piégés par les manigances des deux Royaumes. Ils verront un du service. Deux cas de figure sont possibles  :
vénérable lettré mourir et seront eux-même bannis du Qin
alors qu’ils auront à nouveau sauvé la vie du Roi… • Les personnages vivent toujours à Xianyang : Ils sont

Première partie :
alors convoqués officiellement au palais royal. Le soleil au

Pingyang
zénith inonde la cour de lumière. Comme jadis, les voilà au
pied de l’immense escalier qui mène au splendide Palais
Jique. Ils le gravissent entre les rangées de gardes immobiles
et impeccablement alignés. À peine ont-ils quitté la dernière
marche que la silhouette familière de Dao s’avance vers eux.
Retour au service du Censorat Il les accueille chaleureusement, un grand sourire aux lèvres.
Après l’échange de quelques salutations d’usage, il les invite
à le suivre jusqu’à la salle d’audience. Les joueurs doivent se
Le Roi du Qin avait offert aux personnages trois ans sentir les bienvenus, un peu comme s’ils rentraient chez eux
de leur vie avant de les rappeler à son service. Et presque après un très long voyage.

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Ying Zheng se montre ravi de leur retour, il les accueille connaissent peut-être déjà plus ou moins bien. Dans ce cas, il
avec une certaine exubérance, évoque des souvenirs com- leur réserve un accueil tout aussi chaleureux que Li Si. Il pré-
muns et se réjouit de les voir en bonne santé. Mais, juste sente le deuxième individu, un petit homme discret nommé
avant de leur donner congé, il leur glisse avec un sourire Guizha, comme un Disciple de Mo.
féroce sur les lèvres : Bientôt, il expose les données de la mission qu’il sou-
« J’espère que vous avez bien profité de ces quelques haite leur voir remplir. La cité résiste à tous les assauts du Qin
années. Vous voilà de nouveau à mon service. Tant mieux, depuis trop longtemps. Li Si ordonne donc que les personnages
je vous aime bien et je préfère vous voir avec moi que y pénètrent afin d’assassiner l’homme qui organise la défense
contre moi. » Il rit et ajoute : « Préparez-vous à partir, de la ville, un autre Disciple de Mo justement. Guizha leur
Dao vous expliquera tout. Allez, et ne me décevez pas. » confie alors un sceau de terre cuite, un laissez-passer inhérent à
Puis le roi retourne à ses occupations. Dao confirme qu’ils la secte qui leur permettra de se présenter devant ce stratège.
partent dès le lendemain matin. Les héros doivent rejoin- Une fois celui-ci mort, la prise de Pingyang ne sera plus qu’une
dre Li Si à Pingyang. Il s’agit d’une ville frontalière du question de jours. Ils doivent agir vite, cette nuit ou la suivante.
Zhao assiégée par les troupes du Qin. Apparemment, le Une fois les détails de l’opération réglée, Li Si invite les person-
ministre a lui-même réclamé leur présence là-bas. Par nages à le suivre au-dehors. Il les emmène contempler les for-
contre, il ne sait pas en quoi consiste exactement la mis- midables remparts de la cité et leur expose la seconde partie,
sion qu’il souhaite leur confier. plus secrète, de leur mission. Dans Pingyang, ils devront égale-
ment récupérer un vase tripode en tous points semblable à celui
• Les personnages ont quitté Xianyang : Un messager volé au Roi par le démon Zhang-hu. Le ministre prétexte que le
finit par les retrouver où qu’ils soient (le Censorat du Qin est souverain tient absolument à le retrouver, mais qu’il ne fera pas
efficace, comme ils le savent déjà), un par un si leur groupe la différence ici. Il donne ensuite aux personnages les informa-
s’est séparé au cours de ces dernières années. Il s’agit d’une tions recueillies à ce sujet par ses espions et les laisse se prépa-
lettre de réintégration dans les rangs du Censorat du Qin et de rer pour la suite de l’opération (cf. ci-après).
l’ordre de se rendre immédiatement à Pingyang, afin d’y
retrouver Li Si. Il est très facile (par diverses rumeurs) de
découvrir l’information donnée plus haut, à savoir que l’ar-
mée de Wang Jian assiège la cité du Zhao.
Le rôle de Guizha
Dans les deux cas de figure, l’aventure commence réelle- « Invité de marque » ou prisonnier
ment lorsque les personnages arrivent au campement de du Qin, ce patriarche des Disciples de Mo est
l’armée du Qin. toujours accompagné de deux gardes lors de
136 tous ses déplacements dans le camp. Li Si sou-
Sous les murs de Pingyang haite tester ici la sincérité de son offre et y voit
la possibilité d’éliminer un opposant au projet
de Guizha d’alliance avec le Qin. Celui-ci
Pingyang est une cité moyenne, mordant sur le ter- poursuit les mêmes buts, mais ni l’un ni l’autre
ritoire du Wei et proche de la frontière entre le Zhao et le Qin, n’aborderont ce sujet devant les personnages.
légèrement au sud de Dingyang. Relais commercial et capi- Dernier détail : Li Si se trompe aussi
tale de district, son implantation à l’entrée d’un série de val- parfois, car il fait confiance à Yao Jia et celui-
lées fertiles s’ouvrant sur le Royaume en fait une position ci est un espion du Han.
stratégique. Un petit canal la relie au Fleuve jaune et assure
un trafic fluvial régulier. En temps de paix du moins…
Mais depuis presque un an l’armée du Qin, com-
mandée par Wang Jian, assiège les puissantes murailles de Entrée en force
Pingyang, sans succès. Le Roi s’impatiente, l’humeur du
général devient exécrable et le moral des troupes faiblit.
C’est pourquoi Li Si se trouve sur place, officiellement en Revenus au sein du Censorat, les personnages se
tant qu’émissaire du souverain mais également comme trouvent donc aussitôt plongés dans l’action. Appuyé contre
responsable du Censorat. Car il souhaite voir accompli ce le rempart extérieur, un port fortifié abrite la capitainerie du
que l’armée n’a pu réussir. port fluvial. L’ayant capturé, les sapeurs du Qin avaient
Au loin, les personnages aperçoivent de la fumée réussi à percer un tunnel sous le rempart de Pingyang. Il était
noire qui s’élève de l’enceinte de la cité. Des gardes visible- presque achevé mais le fortin fut repris il y a trois jours. Li Si
ment nerveux les arrêtent à l’approche du camp où près de a élaboré le plan suivant : les troupes de Wang Jian vont lan-
trente mille hommes stationnent en permanence. Leurs sauf- cer un assaut contre le port auquel participeront les person-
conduits leur en ouvrent les portes. L’ambiance est morose nages. Pendant le combat, ils devront franchir la muraille et
dans les allées et une sentinelle fatiguée leur désigne la tente réussir à rejoindre discrètement l’entrée du tunnel. De là, ils
où réside le ministre, près de celle de l’état-major. pourront pénétrer dans l’enceinte. Bien sûr, laissez les
Li Si se montre très heureux de leur arrivée. Il leur joueurs émettre leurs propres idées afin d’améliorer ce plan
offre à boire, discourt gaiement et se réjouit de leur retour initial. Ils trouveront peut-être une autre solution mais nous
sous ses ordres. Deux personnes l’accompagnent et restent allons ici développer celle préconisée par Li Si.
silencieuses. Le premier se nomme Yao Jia, il s’agit d’un Les soldats du Qin lancent l’assaut au crépuscule.
notable de Xianyang s’étant récemment rapproché des hautes Les catapultes bombardent les positions ennemies (ce qui est
sphères du pouvoir et proche du ministre. Les personnages le extrêmement rare et dû aux hommes de Mo), les arbalétriers

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Scénario : Le piège

couvrant l’avance des fantassins. Arrivés au pied des murs, Ils sont alors conduits au dernier étage de l’édifice
moins hauts à cet endroit que dans la cité (six mètres environ), qui a beaucoup souffert du siège. Des murs sont éventrés, des
ils dressent des échelles contre la paroi brisée en plusieurs débris jonchent les trois niveaux. Deux autres gardes barrent
endroits. Le combat est acharné et meurtrier. Pour les person- l’accès à une salle étonnement intacte hormis des fenêtres
nages, vous pouvez utiliser le tableau d’engagement de l’Art brisées et occultées par de lourdes toiles. Le sceau suffit à les
de la Guerre (cf. page 105 du supplément). Les joueurs choi- laisser passer. Le Disciple de Mo prend un dîner frugal en
sissent leur attitude pour cet affrontement, mais ils n’auront compagnie d’un autre homme âgé, un lettré à première vue.
chacun qu’une seule opportunité héroïque à affronter. Si la Ils sont maigres mais en bonne santé. Un Test de Bois +
majorité d’entre eux parvient à accomplir son exploit, les sol- Héraldique contre un SR de 9 permet de discerner un sigle
dats du Qin s’emparent du fort et ils pourront entrer et ressortir typique du Han sur la robe du vieillard. Mais les personnages
par là. En cas d’égalité ou d’un nombre supérieur d’échecs, devraient reconnaître leur cible : il s’agit de Sze qu’ils ont
l’assaut est repoussé et doit être remis au lendemain. sans doute rencontré à Yanshan (voir «le Prince félon»). Mais
Alors que la lutte atteint son paroxysme, et que les il a terriblement changé : oubliée la loque aperçue autrefois,
assaillants prennent pied sur le rempart, les personnages peuvent ils ont désormais face à eux un homme déterminé et au
se faufiler à l’intérieur du fortin et descendre dans la cour sans regard enfiévré par le sacré de sa mission. Il est fort probable
trop se faire remarquer. Celle-ci est quasiment déserte, tous les que lui aussi reconnaisse les personnages, sa réaction dépen-
soldats disponibles étant mobilisés contre les attaquants. dant alors de la manière dont s’est déroulée leur première
Quelques planches rivées au sol bloquent l’accès au tunnel. Une rencontre. Quoiqu’il en soit, les personnages sont seuls dans
fois dedans, les clameurs des combats disparaissent rapidement. la pièce avec ces deux hommes. Il n’y a que deux gardes der-
Il s’agit d’une étroite galerie humide, de l’eau suinte sur les rière la porte, et un cordon de soldats en bas. Le reste du bâti-
parois,où les personnages doivent se déplacer courbés en deux. ment, très symbolique mais trop exposé, est vide. À eux d’ac-
Des étais soutiennent le plafond qui menace de s’écrouler. Les complir leur mission avec efficacité et discrétion.
personnages progressent ainsi une soixantaine de mètres (espé-
rons qu’ils ont pensé à amener de quoi s’éclairer) avant de tom- Le vase tripode : Un réseau de sous-sols obscurs sous
ber face à un mur de terre. Des outils traînent sur le sol. Il faut la magistrature renferme les cachots, des archives et une
encore creuser trois mètres pour déboucher à l’air libre, dans la grande salle voûtée où vit actuellement Sinistre Craquelure.
cité. Ils surgissent près de la berge du canal, à peine un mètre au- Ce devin possède un vase en tout point identique à celui volé
dessus des eaux calmes. Un petit bain nocturne leur permet de à Xianyang (à tel point que les personnages devraient soit
s’enfoncer discrètement au cœur de la cité. penser qu’il s’agit du même, soit qu’ils ont tous deux la
même origine). Il s’en sert de récipient pour ses rites. Rempli
d’eau pure, il y voit l’avenir sous formes de visions fugitives.
Vision trouble
Lorsque les personnages entrent, le devin est seul et plongé
137
dans sa divination. Il verse de l’eau dans le vase en chanton-
Une fois à l’intérieur de Pingyang, les personnages nant. Sinistre Craquelure leur tourne le dos et ne semble pas
doivent trouver le Disciple de Mo et le vase tripode. Les les avoir entendu arriver. Ils peuvent l’attaquer immédiate-
espions de Li Si leur ont précédemment appris que l’objet se ment et le tuer sans difficulté, discrètement. Dans ce cas, le
trouve sous la garde d’un devin nommé Sinistre Craquelure. premier personnage qui s’empare du vase contemple la
Il officie dans une salle aménagée pour lui dans les sous-sols vision reflétée par l’eau. S’ils abordent le fangshi, négocient
de la magistrature. Par chance, leur cible se trouve également (il refuse de céder son urne) ou se contentent de le saisir, tous
dans ce bâtiment comme ils l’apprendront en questionnant assistent à la vision suivante :
(plus ou moins subtilement ou brutalement) un soldat de la A travers un voile de brume, les personnages
garnison. Ils peuvent accomplir les deux volets de leur mis- observent une salle souterraine, mais luxueusement aména-
sion dans l’ordre de leur choix. Ils doivent juste veiller à ce gée. Ils s’y trouvent tous, en train de discuter avec trois
qu’aucune alerte ne soit donnée trop vite afin de ne pas com- hommes dont les costumes font penser à de très hauts digni-
promettre leurs chances de succès. taires. Eux-mêmes sont vêtus de la même façon élégante.
L’un de personnages s’écroule soudain, le torse percé par
Assassinat : Le bâtiment de la magistrature est gardé une flèche tirée d’on ne sait où. Ils ne peuvent distinguer son
en permanence par une trentaine de soldats mais, comme visage ni déterminer son identité, ils comprennent juste qu’il
le constatent les personnages, la garnison est épuisée par s’agit de l’un d’eux. La panique s’empare de l’assemblée,
ce long siège et la faim tenaille les défenseurs. Les che- tout le monde court en tous sens et ils reconnaissent claire-
vaux ont été mangés depuis longtemps, des femmes et des ment Ying Jia parmi leurs interlocuteurs, apparemment bien
enfants faméliques se terrent parmi les ruines de ce qui fut plus âgé que lorsqu’ils l’ont rencontré dans une taverne de
jadis une jolie cité. Tous les hommes valides sont affectés Xianyang quatre ans plus tôt.
aux murailles, mais il est évident que sans les conseils du S’il est toujours en vie, le devin profite de leur
Disciple de Mo, le moral et la détermination des défen- inattention pour tenter de les poignarder. Dans la lutte qui
seurs s’écrouleraient rapidement. s’ensuit, il est plus que probable qu’ils tuent le fangshi.
Si les personnages s’en servent, le sceau donné Dans tous les cas, au moment de sa mort, Sinistre
par Guizha intrigue la sentinelle qui en réfère à un officier. Craquelure prononce à leur encontre une sombre malédic-
Celui-ci interroge les personnages sur la manière dont ils tion (il est ici essentiel que le devin meure).
ont pu entrer et le but de leur visite. À eux d’inventer un
mensonge plausible afin d’obtenir l’autorisation d’être Complications : Soudain, un fort contingent de soldats
présenté au stratège (ce qui ne sera pas évident). du Zhao surgit par le seul accès à la salle. Leur chef en armure

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complète ordonne que les personnages soient capturés vivants décède. Li Si lui-même ne se sent pas très bien. Les symp-
et des arbalètes se pointent aussitôt dans leur direction. Ils tômes disparaissent assez vite et le ministre conclut à une
reconnaissent dans cet officier Ying Jia. Un long silence s’ins- mauvaise fièvre contractée lors du siège (l’un des person-
talle quand lui aussi les reconnaît et il semble très troublé. Il nages peut en être frappé lui aussi pour ajouter à la tension).
leur demande d’une voix amicale de déposer leurs armes à Yao Jia, espion du Han et ignorant le but de ce
terre. Dès qu’ils ont obtempéré, il ordonne à ses hommes, hor- voyage, a en fait empoisonné des rations. Mais il maîtrise
mis les quatre gardes de son escorte, de rejoindre leur poste sur mal le produit et son dosage est insuffisant (Virulence 7 ;
les murailles. Un sous-officier tente de protester mais Ying Jia nausées et fièvre). Il s’en repentira par la suite en décou-
en colère réitère son ordre. Les soldats quittent la salle. Une vrant les tractations entre son pays et le Qin. Cet élément
fois seuls, le prince du Zhao ramasse l’épée d’un personnage ne sert qu’à donner des soupçons aux personnages et aug-
et brusquement la lui tend ,tout en décapitant l’un de ses sol- menter la pression avant les événements suivants.
dats. Ceux-ci sont totalement surpris par cette attaque ce qui
devrait laissé le temps aux personnages de réagir et d’abattre Le pont
les trois autres gardes. Ying Jia leur demande alors de le frap-
per afin de mettre en scène leur évasion. Il les laisse bien sûr
emporter le vase. Questionné, Ying Jia ne leur fournit aucune Le ministre et son escorte forte d’une cinquantaine
explication, il se contente d’un sourire énigmatique. Il ajoute de soldats, atteignent bientôt leur destination. Il s’agit du pont
simplement : « Nous sommes appelés à nous revoir, notre enjambant la rivière Wei, à plus de cent kilomètres au sud de
destin n’est pas de mourir aujourd’hui. Partez ! » Anyi. Cet impressionnant ouvrage, long de cent dix mètres,
Les personnages doivent donc maintenant se frayer permet le passage entre les Royaumes du Qin et du Han. Un
un chemin hors de la magistrature. Six soldats et le sous-offi- tablier de bois encadré par des balustrades permet le passage
cier sont restés dans le hall car ils trouvent bizarre l’ordre de de deux chariots de front. Un poste de péage contrôle les sauf-
Ying Jia. Une fois franchi cet obstacle, et les sentinelles exté- conduits de tous les passants. De chaque côté, un bureau admi-
rieures si l’alerte est donnée, ils traversent de nuit la cité nistratif permet d’établir des laissez-passer officiels et collecte
assoupie et moribonde. Le tunnel est le meilleur moyen de les taxes idoines. Des postes-frontières fortifiés dressés sur
quitter l’enceinte, mais ils peuvent également escalader les chacune de ses berges surveillent l’important trafic des mar-
remparts. Ils seront certainement repérés à cette occasion, il chands et pèlerins qui empruntent cette route. Au loin, parmi
leur faudra alors fuir sous les tirs des sentinelles. les montagnes embrumées, les personnages aperçoivent le
Sa défense totalement désorganisée suite à la mort du sommet du mont Huashan. Enfin, des auberges, des enclos et
Disciple de Mo, Pingyang tombe quelques jours plus tard. Li Si quelques artisans sont installés à environ un li de là et offrent
annonce aussitôt son départ pour Xianyang, prétendument pour leurs services aux voyageurs. Côté Han, ils aperçoivent cepen-
138 préparer le triomphe du général Wang Jian. Il insiste pour que dant les tentes d’une petite troupe qui campe.
les personnages l’accompagnent lors de son retour au Qin. Dès leur arrivée, ils rejoignent le fortin du Qin. À
peine installé, Li Si se voit remettre une missive. Il sourit
et convie les personnages à le rejoindre pour dîner. À cet
Esclave du destin instant, les joueurs ignorent toujours le but de ce détour.
Dans le décor militaire du fort, Li Si explique
Ying Jia agit ainsi sans avoir prémé- alors qu’il doit ici rencontrer secrètement un envoyé du
dité son geste, mais par nécessité. Il a autrefois Royaume du Han.
aidé les personnages afin d’écarter la possibi-
lité d’une guerre entre son pays et le Qin.
Aujourd’hui, il leur sauve la vie car lui aussi a
La rencontre
consulté Sinistre Craquelure et jeté un œil dans
le vase. Et il s’y est vu sauvé de la mort grâce Au crépuscule, de part et d’autre de la frontière,
à l’intervention des personnages. Il n’a donc un cordon de soldats bloque le pont. Les voyageurs sont
aucune envie de les voir mourir avant l’heure obligés de camper aux environs. Toute la nuit, l’ouvrage
sur un gibet de Pingyang. reste désert et surveillé. À l’aube, chaque délégation s’en-

Deuxième partie :
gage sur le pont afin d’en rejoindre le centre. Elles sont
composées de Li Si et de Ji An (qui avance sous un vête-
ment ample lui permettant de se dissimuler) chacun

L’échange
accompagné de deux hommes de confiance armés d’arba-
lètes et chargés de tenir les interlocuteurs en joue afin
d’éviter toute manœuvre déloyale. Le ministre a désigné
deux des personnages pour jouer ce rôle, de préférence
ceux ayant un lien avec le Han.
NB : Si vous avez introduit les historiques personnels des
Très rapidement, les personnages réalisent que leur personnages, il choisit le fils d’Han Fei Zi et l’amante de Ji An.
route ne les mène pas dans la direction de Xianyang. Li Si
explique en chemin qu’il accomplit au préalable une mission La brume et l’aube réduisent la visibilité. Le
pour le Roi qui les conduit à la frontière du Han. Il compte croassement d’un corbeau solitaire trouble le silence. Puis
sur eux pour assurer sa sécurité et agir en cas de besoin. le bruit des pas résonne sur le bois et la délégation du Qin
Pourtant, ce trajet est ralenti par un événement étrange : plu- voit surgir son homologue du Han.
sieurs personnes sont victimes de nausées et un soldat

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Scénario : Le piège

Troisième partie :
NB : Li Si insiste pour que cette rencontre se passe selon

Le piège
les règles édictées par les deux camps. L’escorte de Ji An
est très nerveuse, comme le sont peut-être les personnages
qui accompagnent le ministre, surtout lorsqu’ils verront à
qui ils ont à faire. Mais, les joueurs prendront peut-être
d’autres initiatives. Laissez-les faire tant qu’ils ne mettent
pas en danger la rencontre. Les personnages rentrent à Xianyang et repren-
nent leurs fonctions d’agents du Censorat du Qin. Ying
La discussion est courtoise mais tendue. Li Si promet Zheng se montre effectivement ravi du retour de Han Fei
la clémence du Qin, ou du moins de détourner les ardeurs du Zi et celui-ci prend rapidement une place importante
Roi vers une autre direction que le Han. En échange, il réclame auprès du souverain. Plusieurs mois s’écoulent et l’in-
que Han Fei Zi revienne à Xianyang. Ji An hésite à peine et fluence du philosophe grandit à la cour. Il prône une poli-
donne son accord. Il espère que l’action conjuguée de Li Si et tique de rapprochement avec le Han mais ne s’entend pas
de Han Fei Zi suffira à protéger son Royaume. Il affirme que du tout avec Yao Jia qu’il humilie oralement plus d’une
le lettré arrivera dans quatre jours. Puis les deux délégations se fois en public. Bientôt sa rivalité avec Li Si occupe de nou-
séparent. Un peu plus tard, le trafic reprend normalement sur veau le devant de la scène. L’humeur du Roi ne s’améliore
le pont et l’armée du Han lève le camp. pas, ses rêves de grandeur s’accordant mal avec la réalité
diplomatique du Zhongguo. Vous pouvez bien sûr meubler
Escorte cette période d’aventures secondaires et de péripéties liées
aux décisions personnelles des personnages : un bon
moyen pour eux de développer également leur réseau de
Li Si quitte dans l’heure le fort. Mais il demande aux relations dans la capitale du Qin.
personnages d’attendre Han Fei Zi et de l’escorter jusqu’à
Xianyang. Ils n’ont guère le choix, vous pouvez donc émailler
ces quatre jours d’événements divers (bagarre d’auberge,
Doutes
contrebandiers, retrouvailles avec un PNJ se rendant au
Huashan en pèlerinage…) afin qu’ils ne s’ennuient pas trop. À la cour du Qin, les réputations se font et se défont
Mais cette attente doit tout de même leur paraître très vite. Han Fei Zi bénéficie actuellement des faveurs du
longue et monotone, hormis des nuits agitées. En effet, les souverain. Pourtant, son ardeur à défendre le Han suscite des
deux enfants fantômes reviennent les tourmenter et multi- rumeurs mettant en doute sa loyauté. Pour le moment, Ying
plient les tours pendables pour exaspérer les personnages. Zheng ne semble pas y accorder crédit. Pourtant… 139
Le manque de sommeil, les chants lugubres et les appari- Les personnages reçoivent la mission de surveil-
tions sinistres contribuent à mettre leurs nerfs à vif. Mais ler un marchand du Han séjournant à Xianyang et soup-
surtout, la nuit précédant l’arrivée du lettré, ils font tous le çonné par le Bureau des Rumeurs d’être un espion. Les
même rêve. Pour la plupart, il ne s’agit que de quelques deux premiers jours n’apportent aucun élément concret :
images furtives et dérangeantes. Mais l’un d’eux, idéale- l’homme se livre à ses activités commerciales, visite ses
ment celui qui a porté le coup fatal à Sinistre Craquelure, clients, donne une réception dans la résidence qu’il loue à
assiste à la scène onirique complète. grand frais et y invite de nombreux notables. Mais le troi-
Il revit la mort du devin mais, se penchant au-dessus sième jour, au crépuscule, le marchand se rend discrète-
du cadavre, il y découvre son propre visage. Pourtant c’est la ment chez Han Fei Zi. Il y reste quelques minutes puis res-
voix du fangshi qui s’élève entre les lèvres sanglantes : sort et reprend ses activités habituelles. Des personnages
se débrouillant pour jeter un coup d’œil sur ce qui se passe
« Une fois encore, à l’intérieur aperçoivent le marchand remettre une missive
Le sang du Han au lettré. S’ils sont assez près, ils l’entendent même dire :
Contre le sang du Han va se tourner. « Un courrier de qui vous savez. Il me charge de vous
Nul homme, nulle bête, nul dieu ne saura l’en empêcher. remercier pour le travail effectué ici. » Han Fei Zi lit la
Car de vos Royaumes vous causerez la perte lettre puis la jette dans le feu.
Comme de tous ceux que vous aimez ou avez aimé. NB : Il s’agit en fait d’un message de Ji An qui a demandé
Plus que les dragons, la kilin, la tortue noire, le tigre au lettré de plaider la cause du Han auprès du roi du Qin,
blanc, le phénix ou même le destin, tâche dont il s’acquitte parfaitement pour le moment.
Les hommes sont devenus fous et vous, le malheur de tout
ce qui vit sous le Ciel. Si les personnages s’en tiennent aux apparences,
Comme toujours, le monde finira à l’Est. » cette rencontre a tout de suspect. Le marchand est bien à la
solde des services secrets du Han, et s’il est arrêté il finit
Cette litanie résonne si clairement dans sa tête par l’avouer, mais pas Han Fei Zi.
qu’il ne pourra jamais l’oublier. Que les personnages émettent un rapport à Li Si
Lorsque Han Fei Zi finit par arriver, les person- en ce sens ou qu’un autre agent le fasse, le Roi est finale-
nages devraient être très nerveux et tendus. Lui-même se ment alerté par la possible trahison de son favori. Li Si et
montre maussade et le reste durant tout le trajet de retour Yao Jia s’emparent immédiatement de l’affaire et finissent
vers la capitale du Qin. par le convaincre que la loyauté de Han Fei Zi est dou-
Si vous jouez en plus les historiques particuliers, la ten- teuse. Le ministre convoque éventuellement les person-
sion entre le lettré et les personnages en sera encore plus palpable. nages à lui rapporter la scène dont ils ont pu être témoins.

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr


Mais Li Si joue subtilement, feint de défendre son rival et décide donc de les intercepter. Selon les informations dont
trouve des explications plausibles pour le disculper. Il sou- il dispose, il pense que les personnages sont chargés de
haite en fait gagner du temps car il n’a pas encore pu met- retrouver les vases pour le Qin. Il compte donc les tuer
tre la main sur la clé de Han Fei Zi, qui lui permettrait pour les en empêcher, et ainsi venger la mort de son ami.
d’accéder au Traité des Choses de l’Est. Mais Montagne Errante est un homme intelligent.
Le monarque organise une réunion avec les per- Plutôt qu’affronter les personnages en groupe, il tente de
sonnages et Li Si. Il se montre indécis ; malgré la colère les séparer, de les attirer un par un dans une embuscade. Il
que fait naître en lui une éventuelle trahison, il se maîtrise peut pour cela louer les services de quelques gredins afin
et n’est pas convaincu. Le ministre émet alors l’idée d’un qu’ils créent une diversion (incendie, vol de chevaux,
piège tendu au légiste, idée que lui a soufflée Yao Jia (à bagarre générale dans l’auberge, etc.)
moins que les joueurs n’y pensent eux-mêmes). Individuellement, c’est un adversaire redoutable,
maîtrisant des Taos de haut niveau et doté de Talents mar-
Piège tiaux supérieurs. Il doit donc offrir aux personnages une
opposition effrayante. Mais la situation doit également tour-
ner au désavantage de Montagne Errante. Un personnage
Les personnages se voient confier la mission de attaqué peut alerter ses compagnons et, à eux tous, ils doivent
répandre la rumeur que l’état-major envisage une invasion retourner la situation. Et tuer cet adversaire dont ils ne com-
prochaine du Han. Bien sûr, celle-ci doit parvenir en prio- prendront sans doute pas les motivations. Tout au plus lors de
rité aux oreilles de Han Fei Zi. Selon sa réaction, le Roi ce combat, il fait mention de Sinistre Craquelure et du fait
espère pouvoir ou non le démasquer. Mais le lettré bègue qu’il doit les éliminer afin de sauver le Zhongguo (ce qui
se montre incrédule dans un premier temps puis ferme exclue l’hypothèse d’un attentat perpétré par le Han). Pour le
dans sa politique de neutralité avec ce Royaume. Ce sou- reste, laissez les joueurs à leurs spéculations…
tien indéfectible demeure cependant suspect pour le Roi. Mais il est essentiel que Montagne Errante meure
Le Censorat échafaude donc un second plan pour- dans cet affrontement. Les personnages pourront ainsi
suivant un double but. Renforçant la crédibilité de cette croire clos cet événement, mais il n’en est rien. Par-delà la
annonce, il fait courir une seconde rumeur comme quoi Li Si mort, Montagne Errante aura encore un rôle à jouer dans
et les personnages, accompagnés par une petite escorte d’une l’accomplissement de leur destin.
trentaine d’hommes, devraient alors se rendre à Xinzheng
afin de remettre une invitation à Ji An. Celle-ci porterait sur
la négociation d’un traité de paix entre les deux Etats. Mais
une fois à Xianyang, Ying Zheng espèrerait quand même
140 capturer le Roi du Han. Il pourra ainsi vérifier à qui va véri-
tablement la loyauté du légiste qui, s’il est effectivement un
traître, fera tout pour empêcher ce départ.

Retour à la frontière
Le chemin du petit groupe les conduit de nouveau
au pont enjambant la rivière Wei où, quelques mois plus
tôt, ils obtinrent le retour de Han Fei Zi au Qin.
Mais alors qu’ils s’apprêtent à passer une dernière
nuit au Qin avant de traverser le pont le lendemain, un évé-
nement qui pourra leur sembler très secondaire va se pro-
duire. Pourtant dans quelques années, il revêtira pour eux
une toute autre signification.
Un client de l’auberge les observe tout particuliè-
rement, eux et pas Li Si. Il s’agit de Montagne Errante.
Effrayé par la nouvelle du siège de Pingyang, il chevaucha
jusqu’à la cité où il avait confié l’un des vases tripodes
qu’il dispersa autrefois, à son ami Sinistre Craquelure.
C’est le fangshi qui l’avait autrefois mis en garde contre le
pouvoir destructeur des vases. Mais arrivé trop tard, il ne
put que constater la mort du devin et la disparition de l’ob-
jet. Une enquête laborieuse (l’armée de Wang Jiang a
laissé peu de survivants) le mit sur la piste des personnages
et il sait que Han Fei Zi possédait un autre de ces vases. Si
en plus l’un des personnages utilise ou arbore le dao noir,
il réalise la menace qu’ils font peser, eux ou les gens pour
lesquels ils travaillent, sur tout le Zhongguo.
Mais en se dirigeant vers Xianyang, Montagne
Errante apprend leur départ vers la frontière du Han. Il Han Fei Zi

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Scénario : Le piège

Piégés ! • Obstacles et événements possibles : Un colporteur


chargé de paniers de fruits surgit au milieu de la rue. Un
cavalier téméraire prend un raccourci et coupe leur trajec-
Dès le lendemain, Li Si ordonne de se remettre en toire. Des éboueurs et leur chariot bloquent le passage. Des
route et ils partent à la mi-journée. Cette fois ils traversent enfants jouent dans la rue sans appréhender le danger.
entièrement le pont parmi la foule des voyageurs et mar- Une fois dans la campagne vallonnée, les personnages sui-
chands. Mais arrivés devant le poste-frontière, alors que vent une route sinueuse flirtant par moment avec des à-pics
les soldats du Han contrôlent scrupuleusement chaque car- sombrant vers des torrents impétueux. Des convois de
gaison et chaque personne, la simple vue du sceau brandi pèlerins et de marchands encombrent la voie. Les alentours
par le ministre suffit à leur ouvrir la voie. Si les joueurs sont assez abrupts et pentus, mais il existe des raccourcis à
trouvent cela un peu facile, Li Si lui se réjouit de voir que travers les monts environnants.
sa réputation le précède et lui réserve certains privilèges. • Obstacles et événements possibles : Un marchand perd
Ils chevauchent en direction de la capitale et, à la le contrôle de son cheval à l’approche des personnage. Un
nuit tombante, s’arrêtent dans une minuscule cité provinciale autre tire un chameau qui effraie leurs chevaux. Ils dépas-
nommée Yinan. Il faut un certain temps pour trouver sent un chariot remplis de barriques mal ficelées, et qu’il
quelques chambres libres dans un relais de classe moyenne est donc possible de renverser sur la route.
dont le propriétaire se montre ravi de recevoir d’aussi illus- À l’approche du pont, la région devient plus plate et plus
tres (et riches) clients. L’escorte doit cependant se contenter boisée. Il devient plus facile de se lancer dans une partie de
de dormir sur la paille de l’écurie ou de dresser des lits de for- cache-cache avec leurs poursuivants. N’hésitez pas à pro-
tune dans la salle commune. Le repas est correct sans plus, voquer de temps à autre une confrontation montée contre
les autres clients de l’auberge (surtout des marchands) évitent des soldats ennemis qui les rattrapent par petits groupes.
le groupe des personnages, de peur de s’attirer des ennuis. Ils possèdent une meilleure connaissance du terrain, même
Les personnages vont peut-être vouloir organiser la sécurité si leurs chevaux sont un peu moins frais après avoir galopé
ou discuter de la suite des événements. Ils peuvent également une partie de la nuit.
se reposer. Quoi qu’il en soit, qu’ils dorment ou pas, ils
entendent à l’heure du lièvre (peu avant l’aube) un tumulte Enfin après deux heures de ce jeu éprouvant, les
inhabituel dans la salle principale. Alertés, ils devraient s’y personnages parviennent en vue du pont. Un cordon de
rendre, sinon un soldat vient les chercher. En bas, un homme soldats filtre l’entrée et surveille les abords. En surgissant
très agité discute nerveusement avec les gardes. Ils recon- très vite, il est possible de bénéficier de l’effet de surprise.
naissent sans doute Gu, un marchand du Qin croisé à Mais si les personnages ne parviennent pas à briser leur
Xianyang. À leur approche, il les interpelle et tente de les rang dès le premier impact, ils risquent de se retrouver 141
rejoindre mais les soldats s’interposent et le ceinturent. Il englués dans un combat où ils finiront écrasés sous le nom-
vient en fait les avertir qu’ils sont tombés dans un piège. Au bre. Il faut ensuite traverser un pont où se presse une foule
pont, les gardes-frontières ont délibérément facilité leur pas- importante et affolée.
sage et un gros contingent de soldats détaché de la prochaine Il est également possible de jeter hommes et che-
garnison se rapproche pour les capturer, voire pire. Gu les vaux à l’eau. Le courant est puissant à cet endroit et la rivière
précède de quelques minutes. Les voilà pris en tenaille. Li Si assez large. Mais un bon nageur peut réussir la traversée.
survient à cet instant et il faut lui expliquer la situation. Sinon, il reste possible de s’accrocher à un tronc charrié par
La meilleure conduite à tenir semble de prendre les eaux et de se laisser dériver jusqu’à atteindre l’autre
rapidement la fuite. Alors que les personnages préparent berge, plusieurs kilomètres plus loin. Les personnages
les chevaux et s’ils n’échafaudent pas de plan particulier, devront sans doute ici aider Li Si dans une telle tentative.
Li Si donne les ordres suivants : il échange sa défroque Dans tous les cas, cette traversée s’effectue sous
avec Gu qui se fera passer pour lui. Leur escorte reste sur les projectiles des soldats du Han. Il faut un peu de temps
place afin de retarder les poursuivants. Lui-même et les pour que la garnison du Qin réalise ce qui se passe. Leur
personnages chevaucheront à bride abattue vers le pont où, capitaine ordonne alors un contre-feu afin de protéger leur
s’il le faut, ils forceront le passage. fuite. La foule panique et beaucoup se jettent à l’eau, les ani-
maux s’emballent, le chaos s’empare du pont. Cet échauf-
Poursuite fourée risque bien de marquer le début d’affrontements de
plus grande ampleur entre le Qin et le Han…
Donc : mettez en scène une fantastique course-pour-
L’aube se lève sur le Han. À peine les personnages suite où les personnages doivent sentir le souffle de la mort

Quatrième partie :
sont-ils en selle qu’un régiment régulier pénètre dans la ville. dans leur dos. Leur salut en paraîtra encore plus héroïque.
Leur escorte se déploie dans la rue pour établir un barrage face

Tiàn Xia
aux fantassins ennemis. Les personnages cravachent leurs
montures et partent au galop, mais un groupe de cavaliers
contourne les soldats du Qin et se jettent sur leurs traces. Il
vous faut maintenant organiser une course-poursuite haletante.
Les personnages accompagnés de Li Si fuient devant un
groupe de plus de quarante cavaliers lancés à leurs trousses.
Il faut d’abord quitter l’enceinte de Yinan, se
frayer un chemin dans les petites rues qui commencent à Une fois passée la frontière, les personnages sont
s’animer puis forcer le passage aux portes de la cité. désormais en sécurité. La garnison les recueille mais Li Si

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souhaite repartir le plus tôt possible vers Xianyang afin de n’apprendront rien ici, sinon que Yao Jia cache dans son
prévenir le Roi de ce qui vient de se produire. Les person- bureau des commentaires sur plusieurs personnalités de la
nages lui serviront d’escorte. Car à n’en pas douter ils ont cour (ce qui peut amener les personnages à découvrir cer-
été trahis, et même si ce n’était pas de la façon prévue, seul tains secrets), mais rien de réellement illégal. En faisant
Han Fei Zi a pu prévenir les autorités du Han des véritables jouer leur réseau de contacts, ils peuvent finalement
motifs de leur ambassade. Même les joueurs devraient découvrir que le notable loue une petite chambre dans une
maintenant se rendre à l’évidence. auberge du quartier des plaisirs. Mais loin de s’y encanail-
ler comme on pourrait le penser, il y gère ses activités
Arrestation secrètes. En la fouillant, les personnages y trouvent un cos-
tume sombre et des rapports en provenance ou destinés à
un officier du Han. Il y a également une liste de sympathi-
Li Si et les personnages rejoignent donc le plus vite sants de ce Royaume et d’informateurs de Xianyang.
possible la capitale. À peine arrivés, le Roi les convoque à Si les personnages utilisent la puissance d’infor-
une réunion incluant Li Si, Yao Jia et quelques-uns des ses mation du Bureau des Rumeurs, ils peuvent mener cette
autres proches afin de débattre de la situation. Le ministre se enquête à l’envers. On leur donne le nom de deux agents
contente d’exposer les événements survenus au Han, mais supposés du Han dans la capitale, un marchand et un scribe
son opinion semble déjà faite. Les autres conseillers soutien- du ministère de l’Etat. Ils sont sous surveillance depuis
nent également la thèse de la trahison de Han Fei Zi, le plus quelque temps, mais le réseau n’a pu encore être déman-
virulent et convaincant étant Yao Jia. Ying Zheng écoute en telé. Si les personnages les obligent à parler, ils ne connais-
silence puis se tourne vers les personnages et leur demande sent pas leur contact mais ils ont un lieu de rendez-vous où
leur avis. S’ils prennent la défense du légiste, ils mettent Li ils reçoivent leurs ordres et laissent leurs rapports une fois
Si dans l’embarras et Yao Jia attaque chacun de leurs argu- par semaine. Il s’agit d’une cache secrète dans un ancien
ments. En fin de compte, bouillant de rage sur son trône, le temple à l’abandon. En surveillant l’endroit la nuit sui-
Roi se lève et sa fureur explose. Il se sent trahi, humilié et il vante, un homme vient y placer un billet. Il s’agit d’un
donne l’ordre fatidique : Han Fei Zi doit être arrêté et immé- simple coursier mais qui leur donne l’adresse de l’apparte-
diatement jeté en prison, avant d’être exécuté pour haute tra- ment loué par Yao Jia.
hison d’ici quelques jours. Munis de ces preuves, il ne reste plus aux person-
Un détachement de soldats part aussitôt exécuter nages qu’à retourner voir Li Si. Il les félicite et aussitôt se pré-
cette sentence. Le légiste bègue est arraché à sa demeure et cipite au palais royal afin de faire part de cette découverte au
mené sans ménagement aux geôles de la Cité royale. Bientôt, souverain. Les personnages peuvent bien sûr l’accompagner.
la nouvelle fait le tour de la ville et alimente les discussions
142 de chaque citoyen. L’affaire est entendue, les personnages La fureur de Ying Zheng
peuvent disposer et prendre un repos bien mérité.
Dès le lendemain, Li Si rend visite à son condisci-
ple et passe plus de deux heures avec lui (les personnages Si c’est encore la nuit, les personnages patientent
peuvent l’accompagner en tant qu’escorte de confiance, mais de longues minutes avant que le monarque ne soit prêt à les
ne doivent pas se rendre compte que Li Si offre du poison à recevoir. De jour, ils arpentent les couloirs du palais car
son ancien ami). Le ministre obtient de Han Fei Zi la révéla- Ying Zheng donne une audience privée. Ce contretemps
tion de sa propre clé du Traité des Choses de l’Est (l’autre devrait augmenter leur nervosité comme leur laisser le
moitié de la formule nécessaire à l’ouverture de l’ouvrage). temps de préparer leurs arguments. On les introduit finale-
Le lettré est abattu, désespéré et persuadé de sa fin proche et ment en présence du monarque, à eux de le convaincre de
inéluctable. Compatissant, Li Si lui a apporté secrètement l’innocence de Han Fei Zi et de la trahison de Yao Jia.
une fiole de poison afin de lui éviter le déshonneur d’une Li Si plaide que le roi ne peut pas faire exécuter
exécution publique. Ils parlent longuement, échangent des celui qui inspire toute sa politique, surtout que les person-
souvenirs. Mais surtout, celui qui fut à la fois son camarade nages disposent de preuves formelles. Aux joueurs d’exposer
et son rival réussit à le faire douter. Le légiste pense avoir clairement ce qu’ils ont découvert. Ying Zheng est tendu, la
démasqué le véritable traître et il accuse Yao Jia. En le quit- colère le submerge et il semble prêt à exploser. Il se contient
tant, Li Si n’est plus aussi sûr de la culpabilité de Han Fei Zi pourtant et ordonne que les personnages se rendent immédia-
mais il ne peut intercéder en sa faveur auprès du Roi sans tement à la prison afin de lui ramener Han Fei Zi. Il souhaite
preuves. Il se rend donc directement chez les personnages écouter ce que le lettré a à dire avant de s’occuper personnel-
(ou s’adresse à eux directement s’ils étaient déjà avec lui). lement du traître. Quelle que soit la célérité dont ils font
preuve, les personnages arrivent trop tard. En proie au plus
Trahison profond désespoir, Han fei Zi a bu le poison et ils découvrent
son corps inanimé sur la paillasse de sa cellule.
Lorsque, de retour au palais, ils annoncent la nou-
Li Si leur résume sa rencontre avec Han Fei Zi et velle au Roi, celui-ci explose enfin de rage. Il ne peut accep-
ses soupçons à propos de Yao Jia. À eux de dissiper ce ter cette mort, le fait d’avoir été ainsi manipulé et trahi.
doute, il leur fait confiance pour cela. Ils doivent donc Toutes les personnes de son entourage s’éloignent devant sa
trouver des preuves de la trahison probable de Yao Jia. Ils fureur dévastatrice. Il convoque aussitôt ses généraux et le
disposent de plusieurs moyens pour cela. Le plus direct ministre de la Guerre. Toujours en proie à la colère, Ying
reste de s’introduire chez le notable afin d’y trouver des Zheng ordonne que ses armées se lancent à l’assaut du Han,
indices de sa culpabilité. Mais celui-ci est très discret et ils ce Royaume de vipères ayant provoqué la mort de son cher

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Scénario : Le piège

Han Fei Zi. Les soldats valeureux seront récompensés et les


officiers vaincus décapités. Exalté, il prend les personnages à
Déchéance
partie en leur expliquant que, aujourd’hui et grâce à eux,
commence réellement le Tiàn Xia : la marche du Qin contre Yao Jia fournit un motif supplémentaire à Ying
ses voisins afin de réunifier le Zhongguo et de mettre fin à Zheng pour déclarer la guerre au Han et mettre en branle
ces rivalités qui n’apportent que le malheur. son appareil militaire. Malheureusement, la scène de son
Puis il leur donne l’ordre de l’accompagner : il sauvetage par les personnages a eu de nombreux témoins.
part arrêter lui-même ce traître de Yao Jia. Et la loi du Qin est formelle : quiconque lève la main ou
brandit une arme contre le Roi (même involontairement)
Le régicide est passible de la peine de mort. Le monarque tergiverse et
fait traîner les choses en longueur, il se refuse à en arriver
là. Cependant, sous la pression de la cour et notamment de
Suivis par une douzaine de soldats, le Roi et quelques ennemis personnels que les personnages ont pu
les personnages se précipitent jusqu’à la résidence du se faire (lors du procès de Zheng Guo par exemple), il se
notable. Ils y pénètrent en force, mais sont aussitôt voit contraint de prononcer leur arrestation.
assaillis par une dizaine de serviteurs qui protègent la Les personnages sont surpris à l’aube chez eux par
fuite de leur maître. Depuis un balcon, ils tirent des car- une escouade de soldats de la garde royale qui vient les cher-
reaux d’arbalète et leur lancent des flacons d’huile cher. Ils ont cependant droit à tous les égards et Ying Zheng
enflammée qui provoquent bientôt un incendie. Dans la a refusé qu’ils soient entravés comme de vulgaires criminels.
confusion entre la mêlée et le feu, arrangez-vous pour Le magistrat de la Cité royale vient leur expliquer
que les personnages soient séparés du Roi. Ils ne le chef d’inculpation. Dans un tel cas, aucun procès n’est
devraient guère avoir de mal à se défaire des sbires qui prévu par la loi, la sentence unique est exécutable au bon
les attaquent et se lancer aussitôt à la recherche de Yao vouloir du Roi. Enfermé dans une cellule de la magistra-
Jia. La porte arrière de la demeure donne sur une espla- ture (et non dans les immondes geôles royales), les person-
nade où quelle que soit l’heure, une foule de badauds se nages disposent de toute la journée afin de ruminer leur
promène et profite d’une belle vue sur le reste de la nouvelle situation ; eux qui ont côtoyé les princes du
cité. Ils aperçoivent Ying Zheng qui court seul vers un Zhongguo, servi le Qin et son Roi par devoir et peut-être
kiosque à colonnade où coule une fontaine. Il disparaît aussi par idéalisme et amitié, ils sont devenus en quelques
dans l’ombre du petit édifice, les personnages devraient heures des parias et des condamnés à mort à cause d’un
se lancer sur ses traces. excès des lois qu’ils ont contribués à défendre.
Mais là une mauvaise surprise les attend. Yao Jia
a réussi à se saisir du Roi et s’en sert de bouclier face aux
À la nuit tombante pourtant, ils reçoivent une visite 143
inattendue. Caché sous un large manteau, un homme se fait
personnages. Une lame sous la gorge du souverain, il les ouvrir la porte de leur cellule puis congédie les gardes. Il s’agit
oblige à reculer sur l’esplanade. Quelques soldats les rejoi- de Ying Zheng lui-même. Il étreint chaque personnage tour à
gnent alors, de nombreux témoins assistent à la scène. Yao tour, des larmes dans les yeux et des sanglots dans la voix.
Jia joue son va-tout et réclame un cheval et un sauf-conduit Dominé par l’émotion, il leur explique qu’il ne peut déroger à
pour quitter la ville avec son otage. Il reste dangereuse- une loi qu’il a lui-même édictée. Quel Roi serait-il sinon pour
ment calme et déterminé, les personnages ne doivent pas se placer au-dessus des lois qui gouvernent la vie de chaque
douter que, sachant que tout est perdu, le traître n’hésitera citoyen de son peuple ? Il ne peut pas abimer aujourd’hui,
pas à tuer le Roi. alors qu’il lance le Tiàn Xia, son image de monarque fort et
Les yeux de Ying Zheng sont fixés sur les person- inébranlable. Mais il ne peut pourtant pas plus se résoudre à
nages et expriment sa rage. Ils semblent leur intimer l’ordre voir mourir ceux qui lui ont sauvé la vie et l’ont si bien servi
silencieux d’agir. Un cercle de badauds, dont quelques pendant toutes ces années. Il organise donc leur « trépas ».
hauts-fonctionnaires et personnalités de Xianyang, s’est Peu avant l’aube, Tu Er Po avec son zèle habituel va simuler
formé autour de la scène. Ils doivent agir vite. un incendie dans leur cellule. On y retrouvera autant de cada-
Grâce à leurs Taos et leur magie, les personnages vres qu’il y a de joueurs, méconnaissables. Quant à eux, il ne
possèdent un avantage décisif sur Yao Jia. S’ils tardent peut leur offrir que l’exil et une fuite discrète de Xianyang.
trop, Ying Zheng leur ordonne de tuer ce traître. Yao Jia Réputés morts, ils pourront se construire une nouvelle vie.
s’énerve, la pression de la lame sur sa gorge se fait plus Avant de les quitter, Ying Zheng embrasse une
forte : ils doivent intervenir immédiatement. dernière fois les personnages et leur dit : « L’histoire que
Quelles que soient les actions entreprises pour j’écris à partir d’aujourd’hui ne laissera aucune place aux
sauver le monarque, les personnages blesseront celui-ci héros d’hier. Mais dans ma mémoire, vos noms resteront à
involontairement (une arme lancée le coupe au visage, un

Nouvelles voies,
jamais gravés. » Puis il s’en va, d’un pas lourd et traînant.
coup raté l’atteint au bras, ou pire peut-être). Ceci est
important car conditionne les événements des prochains

nouvelles vies
jours. Profitez donc de chaque Test raté (l’idéal étant un
Double 0) pour mettre en scène cette action accidentelle.
Selon les actions des personnages, Yao Jia peut
être capturé, tué ou parvenir à s’enfuir. Dans ce dernier cas
ils peuvent se lancer à sa poursuite et le rattraper ou le lais-
ser s’échapper, auquel cas il sera arrêté quelques jours plus
tard près de la frontière. Le soleil matinal ne parvient pas à percer les
nuages gris et chargés d’eau qui s’accumulent au-dessus de

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Xianyang. Une pluie torrentielle s’abat sur la cité depuis le
milieu de la nuit et change les rues en torrents, les routes
Montagne Errante
en bourbiers. Près de cent mille soldats quittent la capitale
en direction de l’Est. Des convois d’intendance, des mar- Ayant quitté sa retraite de Xianyang, le vieux
chands et toutes une foule de parasites gravitant autour de héros est bien décidé à empêcher le Qin de mettre la main
l’armée les suivent. Parmi eux, les silhouettes anonymes sur les vases tripodes qu’il avait eu tant de mal à dissimuler
des personnages. Le cœur lourd, le regard perdu, l’eau par le passé. Prêt à tout pour cela, il n’hésitera pas à tuer
ruisselle sur eux sans pouvoir laver l’amertume qui les les personnages car il sent qu’ils représentent une menace
étreint. N’ont-ils vécu tous ces événements que pour en pour l’avenir du Zhongguo.
arriver là ? Où plutôt, malgré tout, ne seraient-ils pas à
l’origine de tout ce qui va maintenant se produire ? Héros vétéran - 1 m 82 / 78 kg / 39 ans
Quelle sera désormais leur vie ? Et où en sont Aspects : Métal 4, Eau 3, Terre 5, Bois 4, Feu 3
leurs convictions ? L’épisode de leur légende écrite à Aspects secondaires : Chi 80, Défense passive 9
Xianyang s’achève sous cette pluie, ce jour maussade. Don et Faiblesse : Courage du Tigre / Code d’honneur
Mais il reste tant de questions en suspens... Que voulait Talents : Calligraphie 2, Histoire 4, Investigation 2,
vraiment Montagne Errante ? Li Si leur a-t-il vraiment Perception 3, Eloquence 2, Intimidation 2, Divination 1,
tout dit et à quoi sert le Traité des Choses de l’Est ? Légendes 3, Méditation 2, Théologie 2, Jiànshù 2 (Bloquer,
Combien d’intrigues secondaires, d’énigmes, leur reste-il Aveugler), Qiangshù 5 (Charger, Coup double, Repousser,
à résoudre ? Combien de pistes à suivre ? Combinaison, Feinte), Gongshù 4 (Tir rapide, Double trait,
Peut-être pourront-ils enfin se consacrer à réaliser Coup de maître, Rebond), Improvisation 3, Equitation 1,
leur propre destinée, à moins qu’ils considèrent être allés Discrétion 2, Esquive 3, Forge 1, Survie (divers) 3
trop loin pour ne plus se sentir impliqués par le Tiàn Xia ? Taos : Tao des Six Direction 2, Tao du Pas léger 2, Tao du
Mais ceci, et bien plus encore, vous sera conté

Personnalités
Souffle destructeur 3, Tao de la Foudre soudaine 3, Tao des
plus tard… Dix Mille Mains 4, Tao du Yin et du Yang 3, Tao de
l’Esprit clair 2
Style : Montagne Errante pratique le Style de
l’Implacable Charge du Rhinocéros, dont il maîtrise la
base et la première technique (le Rhinocéros broie tous les
Obstacles).
Sinistre Craquelure
Souffle vital : 23 (8 / 0, 6 / 0, 4 / - 1, 3 / - 3, 2 / - 5)
144 Une silhouette dégingandée et des yeux fous
Equipement : Epée, arc, armure légère, ouvrages sur les
mythes et légendes et une hache à deux mains nommée
caractérisent le devin. Citoyen de Pingyang, il est l’ami de
Muraille des Sept Royaumes
Montagne Errante qui lui a confié la garde de l’un des
vases tripodes. Grâce à ses pouvoirs, il sait que cet objet
est convoité par les personnages mais il ignore quand ils
Yao Jia
viendront le chercher. Pour plus de sécurité, il s’est donc
établi sous la magistrature, espérant que le cordon de sol-
Nouveau venu à la cour du Qin, Yao Jia a très vite
dats suffira à les tenir à distance. Il parle d’une voix rauque
su y prendre une place privilégiée. Devenu en peu de
et, même s’il ne peut en aucun cas accepter de céder le
temps le secrétaire de Li Si, il profite de cette position pour
vase, il peut tenter de convaincre les personnages que cet
accomplir son œuvre… Car Yao Jia est le nouvel agent
objet représente un danger pour tout le Zhongguo.
envoyé par le Han à Xianyang, après la trahison de Zheng
Bien que Sinistre Craquelure s’oppose physique-
Guo et la mort de Bien Long… Espion d’élite, il est l’un
ment aux personnages, il n’est qu’un vieil homme maigre
des meilleurs éléments du censorat du Han, un adversaire
et sans force dont ils ne devraient avoir aucun mal à se
à ne surtout pas sous-estimer…
débarrasser : c’est pourquoi nous ne fournissons pas ses
caractéristiques.
Agent infiltré - 1 m 69 / 62 kg / 32 ans
Aspects : Métal 3, Eau 2, Terre 4, Bois 5, Feu 4
Aspects secondaires : Chi 40, Défense passive 9
Sze
Don et Faiblesse : Aisance du Courtisan / Loyauté du
Chien (envers le Han)
Le mohiste n’a plus rien à voir avec l’épave que
Talents : Bureaucratie 3, Calligraphie 4, Herboristerie 2,
les personnages ont pu rencontrer à Yanshan. Décidé à se
Loi 3, Comédie 5, Diplomatie 3, Eloquence 4, Etiquette 3,
racheter coûte que coûte, il a rejoint Pingyang peu avant
Méditation 2, Daoshù 2 (Coup précis, Feinte), Discrétion
l’encerclement de la cité par les troupes du Qin. Ayant par-
2, Esquive 3, Larcins 2
faitement retrouvé ses facultés, il dirige efficacement les
Taos : Tao du Bouclier invisible 2, Tao de la Foudre sou-
défenses de la ville et sa présence, ainsi que ses succès,
daine 2, Tao de la Présence sereine 4, Tao de l’Esprit clair
suffisent à soutenir le moral des habitants qui croient pou-
3, Tao du Yin et du Yang 2
voir lasser leurs assaillants et se sauver de l’extermination
Souffle vital : 17 (6 / 0, 5 / 0, 3 / - 1, 2 / - 3, 1 / - 5)
promise par Wang Jian.
Equipement : Manoir et cohorte de serviteurs (tous
Ses caractéristiques vous sont données dans le
loyaux au Han), poignard, nécessaire à écriture
livret de l’Ecran, page 44.

Accord? ? Richard Delaplace. Email adresse : arkaritch@yahoo.fr

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