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Crédits
Idée originale et conception du système
Florrent et Neko
Directrice éditoriale
Neko
Textes
Romain d’Huissier, Jérôme Larré, Kristoff et Neko
Relecture
Neko et Romain d’Huissier
Couverture
Marc Simonetti
Illustrations intérieures
Marc Simonetti, Yann Valeani et Xavier Collette (Acerb)
2 Eléments graphiques
Aleksi Briclot
Maquette
Florrent
Qin est édité par le 7ème Cercle SARL, titre et marque déposés.
La rumeur prétendait que le vieux merce- « Ce voyage ne sera sans doute pas
naire se trouvait actuellement à Yuxing, et ils nécessaire, dit subitement Xian. Regardez en
avaient galopé jusque là sans faire la moindre haut des remparts. »
halte. Mais le spectacle qu’ils découvraient avec
désarroi fit peser une grande lassitude sur leurs Le doigt pointé devant lui, il désignait un
épaules. La petite cité du Wei, fidèle au général groupe de combattants dont les cuirasses bril-
Fong, se trouvait actuellement assiégée par plu- laient au soleil. Cœur de Jade se libéra de la
sieurs milliers de soldats loyalistes. Des tours et poigne du fangshi et avança encore un peu. La
autres engins de siège s’approchaient dangereu- main au-dessus des yeux, elle scrutait attentive-
sement des murailles hâtivement renforcées. Des ment le point indiqué par son compagnon. Des
pluies de projectiles s’abattaient sur les unités échelles dressées contre la muraille déversaient
des deux camps. Des flammes s’élevaient des une cohorte de soldats sur les remparts. Mais
toits effondrés de plusieurs bâtiments de la ville. des guerriers repoussaient petit à petit cet assaut
violent et renvoyaient les cadavres ennemis par-
4 Cœur de Jade sauta de sa monture four- dessus les créneaux. Soudain elle reconnut les
bue et avança de quelques pas. Xian et Trois uniformes noirs.
Vérités l’imitèrent et la rejoignirent bientôt. Le
jeune wu xia se sentait fatigué, las de cette pour- « Les mercenaires de Poing de Bronze,
suite frustrante. N’avaient-ils parcouru tant de souffla Trois Vérités qui les distinguait égale-
li, évité tant de pièges que pour voir, une fois de ment. Tout n’est pas perdu. »
plus, leur piste s’évanouir sous leurs yeux ?
Un sourire carnassier se dessinait main-
Cœur de Jade, la mâchoire crispée, tenant sur le visage de la jeune femme.
bouillait d’une rage intérieure. L’énergie mys- Instinctivement, ses doigts se refermèrent autour
tique qui la poussait en avant, alimentée par sa du poignard qu’elle cachait dans sa large cein-
haine implacable, ne semblait jamais se tarir ture de soie.
remarqua le fangshi. Il se rapprocha de la jeune
femme et posa une main apaisante sur son « En effet, répondit Xian avec une pointe
épaule. Il la sentit trembler de colère sous ses d’ironie dans la voix. Reste juste un petit pro-
doigts et brûler d’une fièvre surnaturelle. blème à régler. Je dirai, à vue de nez, qu’environ
deux à trois mille soldats se trouvent entre nous
« Encore du temps perdu, grimaça-t- et les portes de la cité. Et je ne pense pas que nos
elle. Maudite soit la fortune qui se refuse à moi sauf-conduits les impressionnent beaucoup.
et retarde encore l’heure de la vengeance. »
Attendons la nuit. Ensuite nous trouve-
Xian tiqua à ces quelques mots. Une fois rons bien un moyen de nous faufiler entre les
de plus, il se demandait où l’entraînait cette lignes et d’atteindre les remparts. La vengeance
étrange association. Dominé par une puissance ne souffrira pas d’autre retard ! » rugit Cœur
invisible, il suivait Cœur de Jade dans sa quête, de Jade.
répondant à l’appel d’un destin qu’il subissait
plus qu’il ne le choisissait. Le wu xia, connais- Xian n’aimait pas du tout quand elle
sant les crimes de Poing de Bronze, rêvait de jus- parlait ainsi.
tice. Elle ne parlait jamais que de vengeance. Il
Voici le premier volet d’un supplément en deux Pourtant pour nous, Tiàn Xia est bien plus que
volumes appelé Tiàn Xia. Son objectif principal est de pré- tout cela. Tel que nous le voyions, il s’agit de la conti-
senter une campagne épique qui courre sur plus de vingt nuité directe et du complément indispensable du Livre
ans et retrace la fin de la période des Royaumes combat- de Base. Si ce dernier vous dévoile l’univers du jeu de
tants et la création d’un nouvel Empire, unifié à nouveau façon statique et pose les bases, ce double supplément
pour la première fois depuis des siècles : la Chine. les fait évoluer et en dévoile la dynamique, élément
indispensable pour en apprécier toute la richesse. Nous
Pour autant, ce livre est loin de se limiter unique- avons donc conçu cette campagne à la fois pour être
ment à cet aspect : il a été conçu avec le souci permanent jouée de façon conventionnelle et pour servir de cadre de
de vous fournir de quoi jouer pendant des mois, non seule- référence à vos créations. Un grand nombre de pistes et
ment en vous proposant du matériel directement utilisable d’événements en apparence secondaires sont évoqués
autour de vos tables de jeu mais aussi et surtout, tout le mais partiellement laissés dans l’ombre pour vous per-
nécessaire pour développer ce qui a été écrit dans le reste mettre d’y relier vos propres campagnes ou de l’adapter
de la gamme et vous laisser ainsi la liberté de développer exactement à vos envies. Le Zhongguo évolue énormé-
vos propres parties. ment durant les vingt ans qui séparent l’accession au
pouvoir de Ying Zheng et l’unification de la Chine. Sous
Fidèle à cet objectif, la description de Xianyang la forme d’une longue campagne épique, Tiàn Xia vous
et ses neufs quartiers vous permettra non seulement de offre toutes les clés de cette évolution.
découvrir le contexte si particulier de la première partie de 5
la campagne mais également d’y placer vos propres aven- L’équipe de Qin
tures ou d’y faire évoluer les personnages de vos joueurs.
Bien que capitale du Royaume le plus policé du Zhongguo,
la cité est un réservoir quasiment inépuisable d’intrigues et
d’opportunités ludiques, que ce soit en son palais, où s’af-
frontent quotidiennement fonctionnaires, espions, courti-
sans et eunuques, ou dans le reste de la ville, sur laquelle
de nombreuses factions antagonistes manigancent pour,
sinon régner, du moins étendre leur influence.
« Crois-tu vivre éternellement, mon ami ? Ils glissèrent quelques secondes vers le
avait-il alors demandé. Dans le pire des cas, nous bas, écorchant leurs paumes et leurs coudes
aurons au moins droit à une belle bagarre, une de pour ralentir leur chute dans les ténèbres. Les
celles qui font les meilleures histoires. » trois compagnons atterrirent presque en même
temps sur un sol dallé, lisse et froid. Une forte
De ses deux compagnons, Trois Vérités odeur de poussière et de bois humide flottait
ne savait lequel était le plus fou. Et voilà que dans l’air. Ils devaient se trouver dans une
6 maintenant, il rampait sur un sol maculé de réserve creusée sous la tour, une zone de
sang, attentif au moindre bruit et retenant son stockage condamnée par les travaux de renforce-
souffle, coincé entre deux armées promptes à se ment. Trois Vérités entendait ses compagnons se
jeter l’une sur l’autre à la moindre alerte. Il relever prestement. Xian se déplaçait à tâtons.
connaissait trop bien le sort réservé aux espions La lune choisit cet instant pour quitter sa
dans quelle faction que ce soit. Trois Vérités cachette et un mince filet de lumière argentée
avala péniblement sa salive et, d’un bond, rejoi- pénétra dans le réduit. Dehors, le tumulte conti-
gnit les deux autres derrière un tas de fascines nuait à se faire entendre loin au-dessus d’eux.
abandonné à quelques mètres de la muraille. Xian se tenait devant une petite porte de bois.
« Et maintenant ? demanda-t-il dans un « Et voilà, annonça le wu xia avec satis-
murmure. Vous savez peut-être voler, mais moi faction. Laissons-les se calmer et ensuite, il ne
pas. » restera plus qu’à se faufiler dehors et à se perdre
dans la ville. »
Cœur de Jade ne prit pas la peine de rele-
ver l’ironie de la remarque. Elle fit signe au Quelqu’un glissa subitement de l’orifice
fangshi de se taire. Sur les créneaux, ils entendi- par où ils étaient entrés. Il tomba sans un bruit
rent le cliquetis de l’armure d’une sentinelle au milieu d’eux. Devant les armes aussitôt tirées
effectuant sa ronde. Une fois éloignée, la guer- de leur fourreau, il s’accroupit et mis ses mains
rière désigna du doigt une échelle abandonnée vides bien en évidence. Il portait des vêtements
au pied du mur. Cette fois, Trois Vérités eut un sombres, son visage et ses mains étaient maculés
hoquet de stupeur. De plus en plus fous ! Mais de suie. Apparemment, l’inconnu avait suivi le
Xian se contenta de sourire de plus belle. Il se même chemin qu’eux et profité de leur diversion
leva doucement et attrapa fermement l’échelle. pour s’introduire dans Yuxing.
Avec vigueur, il la souleva et la projeta par-des-
sus le rempart. Aussitôt, il se mit à courir vers la « Je suis d’accord pour suivre le plan du
tour abîmée. Cœur de Jade empoigna le col du jeune homme », annonça-t-il avec un sourire
fangshi et se précipita à la suite du wu xia. Dans rusé.
un fracas épouvantable, l’échelle se brisa en
Hao, capitale
disposait que d’une faible garde rapprochée pour le protéger
durant un périple qui s’annonçait difficile. Xiang, chef du
de la dynastie Zhou
clan Ying allié de longue date des souverains Zhou contre les
barbares Rong, proposa à l’Empereur de lui fournir une
escorte qui l’accompagnerait jusque dans l’Est, le protégeant
de tous les périls encourus. Impressionné, l’Empereur intégra
le clan au sein de son Empire et nomma Xiang premier duc
du Qin, lui confiant un vaste fief à l’Ouest et la mission de
À l’aube de la dynastie Zhou, quand le Duc Wu protéger le Zhongguo contre les tribus barbares.
Wang renversa le tyran Di Xin et la lignée des Yin, il installa L’Etat du Qin connut de nombreuses capitales
sa capitale au sein de son ancien duché à l’Ouest du au fil des siècles mais Xianyang, la dernière et la plus
Shang Yang
régnante de l’époque, fut-elle alors fantoche.
Xianyang fut bâtie proche du site des ruines de
Hao, l’ancienne capitale des Zhou de l’Ouest. Construite
sur la berge nord de la rivière Wei, la cité bénéficie d’un
positionnement sûr malgré son emplacement excentré et
proche des frontières des Royaumes du Han et du Wei.
Fils d’une concubine du seigneur du Wei, le jeune Xianyang est située sur une vaste plaine fertile,
Gongsun Yang fut un élève brillant qui étudia la philosophie alimentée par plusieurs cours d’eau. De nombreux champs
et la politique auprès d’un maître légiste du pays. Très vite, il entourent la cité, exploités par diverses fermes, et assurent
entra au service du premier ministre du fief, lequel, impres- son approvisionnement en nourriture. La rivière Wei per-
sionné par son intelligence et sa volonté politique, voulut en met d’acheminer diverses matières premières issues des
faire son successeur attitré. Le souverain du Wei ne l’entendit mines et plaines de l’Ouest, tandis que de larges routes
pas de cette oreille, refusant de confier une telle responsabilité pavées relient la ville aux capitales des commanderies du
à un homme aussi jeune. Ce fut la première fois que Gongsun pays (la route vers Yong longe ainsi la muraille érigée à
Yang fut confronté à l’injustice de l’arbitraire et cette décon- l’Est du Royaume).
venue ne fit que le conforter dans son choix d’un légisme pur, À l’Est et au Sud, Xianyang est protégée par
uniquement soucieux de promouvoir les hommes selon leurs d’imposantes montagnes et de la cité, il est aisé d’aperce-
mérites et non leur âge ou leur rang de naissance. voir le Huashan, le Mont sacré de l’Ouest. Ces barrières
Il entendait alors dire que le duc Xiao du Qin était naturelles, ainsi qu’une puissante muraille barrant l’accès
à la recherche d’hommes d’expérience et de volonté, qui au Royaume depuis l’Est, expliquent pourquoi la capitale
l’aideraient à faire de son Hégémonie un puissant Etat à du Qin n’a jamais eu à souffrir d’attaques depuis sa fonda-
même de rivaliser avec les pays situés à l’Est. Gongsun tion il y a près d’un siècle.
Yang se rendit donc dans le fief de l’Ouest et obtint plu-
sieurs entrevues avec le duc. Il l’entretint de la bonne
manière de gouverner un pays, par les lois et les rites, et lui
détailla les réformes à entreprendre pour faire du Qin la
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plus puissante des Hégémonies. Malgré l’opposition des
nobles de sa cour, le duc Xiao nomma Gongsun Yang pre-
mier ministre en 761 et lui donna carte blanche pour réali-
Vivre à Xianyang
ser ses réformes.
Lorsqu’il eut terminé de rédiger les nouvelles lois Vaste cité densément peuplée, Xianyang attire à
du pays, Gongsun Yang voulut s’assurer que le peuple elle bien des personnes. Marchands désireux de faire for-
comprenne leur caractère absolu. Il fit dresser à la porte tune sans craindre la criminalité, politiciens avides de pou-
sud de la capitale un poteau d’un mètre de haut et fit savoir voir voulant se faire une place à la cour, penseurs et lettrés
par décret que quiconque parviendrait à le déplacer jusqu’à venus étudier à l’université, vaillants guerriers souhaitant
la porte nord recevrait cinq kilos d’or. Le peuple en resta faire carrière dans l’armée la plus puissante du Zhongguo,
coi et personne n’osa bouger le poteau. Gongsun Yang fit tous peuvent trouver leur place dans la capitale du grand
alors porter la récompense à dix kilos d’or ; un homme se Royaume du Qin. Tant qu’ils en respectent les lois toutes-
Vue d’ensemble
décida à déplacer le poteau et reçut son or. Ainsi, le pre- puissantes inspirées de la philosophie légiste…
mier ministre prouvait au peuple que l’Etat tenait parole et
que ses lois ne pouvaient être mises en doute.
Peu à peu les réformes portèrent leurs fruits et le
Qin devint assez rapidement une puissance majeure de
l’échiquier politique et militaire du Zhongguo. Alors
Gongsun Yang décida de déplacer la capitale afin de cou- Pour Shang Yang, la forme parfaite permettant un
per les anciens nobles, membres de l’opposition, du pou- bon gouvernement était celle du caractère jing (le puits)
voir centralisé. De Yong, le trône du duc fut transféré dans comme l’illustre le proverbe suivant : « Quand on creuse
la ville nouvellement bâtie de Xianyang, érigée non loin un puits, neuf champs nourrissent huit familles. » Ainsi
des ruines de Hao et construite selon les recommandations lorsque le réformateur redistribua les terres arables du Qin,
toutes légistes du premier ministre. il organisa les champs selon cette logique : huit familles
Gongsun Yang permit au Qin de remporter encore de paysans travaillaient neuf champs, un pour nourrir cha-
de nombreuses batailles, notamment contre son ancienne cune d’elle et le dernier pour payer les impôts dus à l’Etat.
patrie du Wei, et il reçut un important fief, celui de Shang
qui lui donna son nouveau nom de famille. Et c’est ainsi également qu’il dessina les plans
Mais à la mort du duc Xiao, son successeur de Xianyang : une cité composée de neuf grands quar-
retomba sous l’influence de l’ancienne cour qui avait gardé tiers eux-mêmes ceints de hauts et puissants remparts.
rancœur de sa mise à l’écart du pouvoir. Condamné à mort Couvrant une surface de plus de trente kilomètres carrés,
par ses adversaires politiques, Shang Yang fut écartelé en Xianyang abrite ainsi en ses murs près de deux cent cin-
place publique en l’an 783. quante mille âmes.
De fait, Xianyang ne se trouve pas exactement au même emplacement que Hao, mais à
quelques kilomètres à l’est. Ainsi, les vestiges de l’antique cité impériale existent toujours et sont
actuellement le lieu d’une intense activité.
En effet depuis l’arrivée au pouvoir du marchand Lu Buwei, le Qin semble destiné à être
le Royaume qui réunifiera l’Empire et son nouveau premier ministre a ainsi ordonné que soient
menées de nombreuses expéditions archéologiques sur tous les sites ayant eu une certaine impor-
tance dans le destin du pays. Le plus important de ces chantiers est bien sûr celui des ruines de
Hao, ville étroitement liée aux origines du Royaume légiste.
Depuis plus de quatre ans, un véritable petit village universitaire réunissant historiens,
philosophes et ouvriers s’active jour et nuit autour des ruines de Hao, y cherchant tous les vestiges
du passé à même de satisfaire les exigences de Lu Buwei. Des troupes de vétérans, dirigées par
le colonel Po Luo (Renommée : 35), patrouillent tout autour de sa haute palissade de bois afin de
décourager les incursions de bandits ou les tentatives d’infiltration d’espions venus d’autres Etats.
Les fouilles sont dirigées d’une main de fer par Fai Xu (Renommée : 50), un brillant
archéologue ancien professeur d’histoire à l’Académie Jixia de Linzi, que l’occasion de venir étu-
dier les restes d’une cité impériale inviolée a décidé à quitter son Royaume pour venir au Qin. Il
dirige son équipe, composée de divers érudits et d’une armée d’ouvriers triés sur le volet, comme
un général dirige ses troupes ; c’est un homme strict et sévère, aussi prompt à punir qu’il est
avare de compliments. Trouvant dans l’organisation légiste du Qin un écho à sa façon de travail-
ler, il songe à s’installer définitivement dans le Royaume de l’Ouest et serait fier de mettre à jour
des objets permettant à celui-ci d’accélérer ses projets d’unification de tout ce qui existe sous le 9
Ciel.
Actuellement, les recherches visent à mettre à jour les morceaux de Foudre de Bronze, la
mythique lance de Ying Xiang, le premier duc du Qin. À l’époque de la fuite de l’Empereur
Pingwang, le chef de clan dut en effet couvrir son suzerain et la légende veut que sa lance se soit
brisée après un puissant coup porté au chef des barbares Rong. Fai Xu est persuadé que la pointe
métallique de l’arme se trouve dans les ruines de Hao et Lu Buwei se montre particulièrement
intéressé par cet objet légendaire…
Foudre de Bronze
Ying Xiang était le chef respecté d’un clan considéré comme barbare par les habitants du
Zhongguo. Mais, intelligent, il savait que l’élévation culturelle et militaire de son peuple passait
forcément par une alliance avec la dynastie régnante aussi fit-il de son clan une nation vassale au
service de l’Empire des Zhou. Et quand l’Empereur Pingwang eut besoin d’aide, il put compter
sur le clan Ying, qui se vit octroyer en récompense de sa loyauté le fief du Qin.
Ying Xiang maniait une lourde lance que lui seul pouvait porter. Nommée Foudre de
Bronze, elle frappait impitoyablement ses ennemis et c’est en tuant l’un d’eux, un terrible chef de
tribu Rong, que l’arme se brisa. Xiang dut l’abandonner dans le tumulte de la bataille et elle
repose depuis quelque part dans les ruines de Hao…
Foudre de Bronze fait des dégâts de 4 et possède une solidité de 9,
Cette lance octroie à son porteur un bonus de +2 à ses Tests de Commandement lorsque
ce Talent est utilisé sur des hommes ayant juré fidélité au Qin.
Foudre de Bronze impose à son porteur la Faiblesse Code d’Honneur (protéger le Qin).
Renommée : 60
La première vision qu’a le voyageur de la ville est quelconque. En fait, chaque quartier est considéré quasi-
toujours impressionnante : entourée de champs et de fermes ment comme une ville à part entière et donc administré
éparses, se dresse Xianyang dans toute sa splendeur, ses comme tel.
murailles solides donnant une impression de puissance tandis
que le va-et-vient constant de part et d’autres de ses portes Gouverneur et magistrats
prouve l’intense activité qui règne en son sein.
Bâtie sur un plateau surplombant légèrement la
rive nord de la Wei, Xianyang est composée de neuf quar- Capitale non seulement du Royaume mais égale-
tiers. La ville est entourée d’épais remparts de protection, ment d’une commanderie de taille modeste, Xianyang a à sa
et à chacun de ses coins se tient une haute tour destinée à tête un gouverneur civil qui a pour rôle de coordonner toute
surveiller le territoire alentour. Ces murailles sont si larges la pyramide des fonctionnaires assurant la bonne marche de
que deux chariots tirés par quatre chevaux peuvent s’y la ville, et un gouverneur militaire qui n’est autre que le géné-
croiser aisément, et de nombreuses guérites parsèment leur ral de la garnison (poste actuellement occupé par Wang Jian,
longueur, autant de postes de garde depuis lesquels les sol- le fameux stratège). Homme de pouvoir, le gouverneur de
dats en faction peuvent veiller à la sécurité de la ville et Xianyang possède dans les faits une influence politique com-
observer les allées et venues. Au sud, le long de la Wei, les parable à celle d’un ministre ; c’est donc un poste particuliè-
remparts sont aménagés de façon à faciliter l’accès à la rement convoité et les diverses factions composant la cour
rivière, sur laquelle sont bâtis de nombreux quais et pon- luttent activement pour qu’y soit nommé l’un des leurs. C’est
tons reliés aux docks des quartiers-sud. Enfin, quatre actuellement Chao Guang, un partisan de la vieille aristocra-
imposantes portes placées en fonction des points cardinaux tie, qui occupe cette fonction.
permettent d’entrer dans la capitale du Qin.
À l’intérieur de ses murs, la cité se découpe en neuf Diriger une ville comme Xianyang (sans compter
grands quartiers qui sont eux-mêmes entourés de murs percés les terres alentour) est une tâche d’une ampleur rare. Capitale
de nombreuses portes. Divisés à leur tour en secteurs séparés bouillonnante d’activité, la ville doit être tenue d’une main
entre eux par de vastes rues droites et pavés, les quartiers de de fer afin de rester la vitrine de la politique légiste voulue
Xianyang sont tous dédiés à une activité ou un type de popu- par le Roi et ses ministres. Aussi le gouverneur dispose de
lation et ce découpage permet aux troupes chargées de faire neuf magistrats pour l’assister dans sa mission.
respecter l’ordre de mieux contrôler la foule. Quant aux sec- Chaque magistrat est nommé à la tête d’un quar-
teurs formant les quartiers, ils sont organisés de façon plus tier, qu’il administre comme une véritable ville indépen-
anarchique, et peuvent parfois présenter la forme d’un vérita- dante en travaillant en bonne intelligence avec ses
ble dédale de ruelles et d’impasses. Cet état de fait, qui peut confrères et en rendant compte au gouverneur régulière-
sembler en contradiction avec la nature toute légiste de la cité, ment. Cette division du travail permet une centralisation
11
est dû à l’afflux massif de migrants et à la construction hâtive locale du pouvoir entre les mains des magistrats, qui eux-
de bâtiments pour les loger et éviter le vagabondage, bâtiments mêmes sont soumis à l’autorité de leur gouverneur. Celui-
qui s’avèrent souvent de piètre qualité et construits en dépit des ci, ainsi déchargé, peut se concentrer sur la gestion de la
règles d’architecture édictées par les autorités du Qin. commanderie et de la cité dans sa globalité, comptant sur
ses magistrats pour régler les particularités et problèmes
Les quartiers de Xianyang sont les suivants : spécifiques de chaque quartier.
1 Quartier bourgeois Situé juste en-dessous du poste de gouverneur
2 Quartier marchand et artisan dans la hiérarchie, l’octroi des places de magistrat fait éga-
3 Quartier des docks lement l’objet d’une âpre lutte d’influence, non seulement
4 Cité royale dans les hautes sphères du pouvoir mais également au
5 Quartier administratif niveau du peuple lui-même. En effet, afin d’éviter les trou-
6 Quartier ouvrier bles il est bien souvent tentant de nommer un notable
7 Quartier noble populaire comme magistrat de son quartier, mais le risque
8 Quartier universitaire est alors de concentrer entre les mains d’un seul homme un
9 Quartier des plaisirs trop grand pouvoir. En règle générale, la cour préfère que
le gouverneur choisisse ses magistrats parmi les fonction-
Hors les murs, se trouvent également de nom- naires assermentés mais il arrive à l’occasion que
breux faubourgs dans lesquels s’entassent tous ceux qui quelques-uns d’entre eux soient issus du peuple lorsque le
n’ont pas les moyens de s’installer en ville. Le gouverneur besoin s’en fait sentir (ou que les notables du quartier
fait tout son possible pour décourager cela et régulière- concerné possèdent d’une influence économique et poli-
ment, les troupes de la cité sortent pour raser ces construc- tique suffisante pour cela).
tions illégales. Bien entendu, le gouverneur et les magistrats dis-
Administration de la ville
posent de toute une armée de fonctionnaires à leur service.
Scribes, juristes, comptables et assistants forment ainsi les
besogneux rouages d’une bureaucratie se voulant parfaite-
ment efficace, juste et équitable dans son fonctionnement.
Conflits d’intérêt et luttes d’influence ne sont pas rares
parmi ces fonctionnaires du rang, chacun espérant se faire
Du fait de sa taille et de la densité de sa popula- remarquer par son travail ou sa loyauté afin de monter en
tion, Xianyang ne peut être administrée comme une cité grade dans la grande pyramide de l’Etat.
Vue d’ensemble
sitôt de lui car il sait à qui il a affaire… Il écope ainsi d’un
malus à sa Défense passive et à son éventuel Test de
Défense active égal au Niveau d’Intimidation du person-
nage, et ne peut jamais avoir l’initiative sur lui.
Effets secondaires : Une grimace menaçante déforme les
traits du personnage.
À l’exception du quartier noble et bien sûr de la
Bloquer la Lame de la Justice Cité royale, le quartier bourgeois est le plus luxueux et le
Pré-requis : Bàngshù Expert, Manœuvres Parade totale et plus beau de toute la ville.
Double parade, Tao du Bouclier invisible 3, Tao du Corps Ses avenues, délimitant les différents secteurs,
renforcé 2 sont larges et pavées, permettant à deux chariots d’y cir-
Coût en Chi : 4 culer de front. Les rues qui serpentent au sein des sec-
teurs eux-mêmes sont également parfaitement entrete-
Fonctionnement
nues, majoritairement pavées même si quelques-unes
parmi les plus étroites ne sont guère plus qu e des che-
mins de terre battue. Certaines voies de circulation parmi
les plus importantes sont même abritées sous un toit de
bois huilé, afin que les promeneurs puissent s’abriter de
la pluie ou du soleil.
Le magistrat
De nombreux parcs fleuris agrémentent le quar-
tier et flattent le regard du badaud, tandis que des places au Depuis des années, la faction bourgeoise qui
sol de marbre permettent à ses habitants de se réunir pour domine le quartier utilise toute son influence auprès du 15
débattre ou dresser des banquets à la belle étoile en été. gouverneur pour qu’y soit nommé comme magistrat l’un
Des spectacles de rue, organisés par de célèbres artistes et des notables locaux. Peine perdue pour le moment, Chao
bateleurs, peuvent également y prendre place et attirent Guang refuse de se plier à cette demande ; en tant que
toujours un vaste public friand de divertissement. membre d’une vieille famille aristocratique, il n’éprouve
Les remparts Nord et Ouest sont rigoureusement que mépris pour ces parvenus qui tentent de l’influencer. Il
entretenus, de même que les murs qui séparent le quartier a ainsi préféré nommer un jeune fonctionnaire prometteur
des autres parties de la ville. De larges portes de bois ren- à ce poste, espérant que par son zèle, celui-ci combatte le
forcées de bronze restent ouvertes toute la journée pour pouvoir grandissant de la bourgeoisie de Xianyang.
permettre une abondante circulation (régulée cependant) et Mais les choses ne se déroulèrent pas comme pré-
sont closes et sévèrement gardées la nuit afin de préserver vues. Si Cui Huang essaya bien au début de sa carrière de
la tranquillité du quartier. suivre les recommandations de son gouverneur, il se rendit
très vite compte que la réalité des jeux de pouvoir du quar-
On y trouve les demeures des personnes les plus tier dépassait largement ses compétences. Incapable de
fortunées du Royaume, aussi est-il parsemé de vastes vraiment s’opposer efficacement aux riches bourgeois, il
manoirs ou de grandes maisons entourées d’un jardin amé- finit peu à peu par jeter l’éponge et se contenta d’assurer le
nagé. Chacune de ces résidences est entourée d’un haut travail administratif en abandonnant le combat politique…
mur d’enceinte car les riches et puissants aiment préserver Cette première étape franchie, la faction bour-
leur intimité et préfèrent s’assurer que nul ne puisse venir geoise décida de passer à la suite : corrompre le jeune
pénétrer leurs secrets. Ici, chaque maison est aussi étendue magistrat désabusé afin de s’en faire un allié, ou tout du
qu’un secteur entier dans un autre quartier ; les bourgeois moins un obligé… Cette corruption resta discrète et ne prit
habitent ainsi d’immenses propriétés dans lesquelles ils donc pas la grossière forme de généreux pots-de-vin ; au
logent également leurs serviteurs les plus proches et sur- départ ce furent surtout de simples faveurs ou coups de
tout leurs fidèles gardes du corps ou hommes de main. pouce qui furent accordés à Cui Huang, facilitant son tra-
Les demeures les plus grandioses, presque aussi vail et lui permettant d’obtenir des félicitations de ses
impressionnantes que des palais, sont situées dans les sec- supérieurs. Puis divers présents à l’occasion de fêtes et
teurs qui longent le rempart Nord de la ville et le mur est célébrations le mirent peu à peu en confiance et enfin, les
qui sépare le quartier de la Cité royale. Y vit la plupart des bourgeois lui offrirent même quelques-unes de leurs filles
dirigeants de la faction bourgeoise de Xianyang, ceux-ci se cadettes comme concubines. Se croyant favorisé par le
rencontrant alternativement chez les uns et les autres lors Ciel, Cui Huang ne comprit que trop tard dans quel piège
de leurs réunions. il était tombé. Quand il lui fut demandé d’appuyer cer-
Lieux d’importance
planifier les prochaines avancées de leur grand projet. Leur
hiérarchie repose sur un principe simple : les plus riches
sont les dirigeants de fait et ainsi, au sein même de la
guilde se livre un jeu de pouvoir qui bien souvent parasite
son fonctionnement…
Les marchands du Zhao sont en contact avec la
faction bourgeoise du Qin. Cependant, les dirigeants de Le centre du quartier
celle-ci préfèrent ne pas s’engager dans une alliance qui
risquerait d’être découverte par le Censorat : une entente
avec un Royaume, ennemi déclaré de leur patrie, pourrait En plein centre se situe le bureau du magistrat.
totalement compromettre leur organisation… Ce qui n’em- Vaste bâtiment dans lequel on trouve les nombreux tribu-
pêche pas Sung Cho-kuan d’envoyer régulièrement pré- naux, officines et cabinets dans lesquels travaillent les fonc-
sents et émissaires à Xianyang afin de plaider sa cause. tionnaires du quartier, il abrite également les appartements du
magistrat. Ceux-ci sont luxueux, reflétant ainsi la générosité
dont bénéficie Cui Huang de la part de ses administrés.
La milice privée Récemment agrandis pour pouvoir y loger ses nombreuses
concubines, ces appartements ressemblent finalement plus à
la demeure d’un riche propriétaire terrien qu’au logement
Afin de pouvoir administrer son quartier comme spartiate d’un scrupuleux fonctionnaire. Bien que Cui Huang
elle l’entend, la guilde bourgeoise fait son possible pour ait conscience de cela, il a pris goût au luxe et ne se sent pas
tenir à l’écart la garnison de la cité. prêt à renoncer aux richesses dont il s’entoure…
Personnalités
existait une marchandise dont le commerce était particuliè-
rement fructueux mais à laquelle presque personne n’avait
pensé jusqu’à présent : l’argent. Ainsi, depuis son manoir
au cœur du quartier bourgeois, le vieil homme amasse dés-
ormais sa richesse en la distribuant, inventant la profession
d’usurier.
Cui Huang Adipeux et à la vue basse, ce n’est pas que pour
son physique disgracieux que ses clients apprécient peu
d’être vus en sa présence. Des plus hauts fonctionnaires de
Bien qu’encore jeune, Cui Huang est un homme la cour (y compris le ministre Cao Xin Fang) aux classes
usé et vieilli avant l’âge. moyennes de Xianyang, nombreux sont ceux qui font
Plus jeune fils d’une famille aisée de la comman- appel à ses services, s’endettant toujours un peu plus. Pour
derie de Quren, il monta à la capitale et y fit des études suf- les plus démunis, Ding Jiang Cheng s’est arrangé avec de
fisamment brillantes pour être remarqué par le gouverneur nombreux petites frappes ou gardes de la cité (dont Ju Lian
de Xianyang en personne. Celui-ci le recruta parmi ses Wei) pour s’assurer de toujours récupérer ce qu’on lui doit.
fonctionnaires et Cui Huang commença à grimper peu à Avec les puissants par contre, il doit s’assurer sans cesse de
peu au sein de la hiérarchie bureaucratique. La consécra- faire assez de cadeaux pour que son établissement, certes
tion vint enfin quand, à moins de trente ans, il se vit légal, reste ouvert et prendre assez de précautions pour
nommé magistrat du quartier bourgeois de Xianyang… qu’un haut-fonctionnaire ou un eunuque ne décide pas
qu’il vaille mieux le faire tuer ou l’exiler plutôt que de le
Au début, le poste lui sembla fait pour lui : rembourser. Aussi, l’usurier si affable possède en fait de
ayant grandi dans une riche propriété, il pensait être à
18 même de comprendre les habitants du quartier et de se
très nombreux moyens de pression sur une grande partie
des habitants du palais, et presque autant d’amis dévoués
faire accepter par eux. Ce qui, en apparence, fut le cas : mais très peu sincères.
les marchands et gérants l’assurèrent de leur bonne Désormais, il envisage de construire des établis-
volonté, l’invitèrent à des réceptions et se montrèrent sement similaires dans les autres Royaumes, mais certains
plus que coopératifs lorsqu’il fallut régler certains litiges parmi les gens de pouvoir voient d’un très mauvais œil de
administratifs. Mis en confiance, Cui Huang ne comprit faire profiter le reste du Zhongguo de cette invention éco-
que trop tard qu’il se trouvait pris dans la toile de l’arai- nomique.
gnée qu’est la guilde bourgeoise. Peu à peu, il prit la Depuis son installation à Xianyang, Jiang Sheng
mesure des enjeux au centre de la lutte politique qui se fait partie de la guilde bourgeoise de la ville au sein de
jouait dans son quartier et se sentit dépassé. Comprenant laquelle il s’est hissé de plus en plus haut au point d’en être
qu’il n’était guère plus qu’un pion entre les mains du dorénavant l’un des dirigeants.
gouverneur et des bourgeois, il décida de se replier sur le Renommée : 90
simple travail bureaucratique et préféra laisser les puis-
sants se débrouiller entre eux. Mais la guilde bourgeoise
ne l’entendit pas de cette oreille et rappela au jeune
magistrat tous les cadeaux dont il avait bénéficié à son
Heng Hun
arrivée dans le quartier : devenu l’objet d’un chantage
qui ne dit pas son nom, il se voit obligé de rendre divers Heng Hun est l’un des hommes les plus riches de
« services » à la guilde, en échange de quoi son incom- Xianyang, et de fait l’un des dirigeants de la guilde bour-
pétence continue à être cachée au gouverneur… geoise. Gérant d’une fonderie de première importance
Mais Cui Huang n’en peut désormais plus. Sa pour la logistique tant civile que militaire de la ville, il
conscience le tenaille mais surtout la peur de ce qu’il jouit à la fois d’un prestige certain et d’une fortune colos-
adviendrait si le gouverneur apprenait sa légèreté et sa cor- sale que diverses malversations viennent encore augmen-
ruption l’empêche de dormir la nuit, le tenant éveillé ter. Ainsi, de nombreux employés de sa fonderie ne sont
jusqu’à l’aube. Il essaie d’oublier ses soucis en allant pas des ouvriers libres mais des hommes obligés de payer
presque chaque soir à la Maison des Déesse de Jade mais ainsi une dette insolvable contracté auprès de Ding Jiang
pour tous, il paraît évident que le magistrat est de santé Sheng : l’usurier et Heng Hun ont passé un fructueux
déclinante… De plus en plus, Cui Huang pense à écrire accord dont ils se partagent les bénéfices en toute quiétude.
une lettre de confession au gouverneur avant de se trancher Plus retors encore, il a conclu un marché avec quelques
la gorge de honte. officiers de la garnison de Xianyang pour leur racheter des
Renommée : 50 forçats issus des nombreuses rafles menées dans la ville.
Bien que dans les affaires Heng Hun soit un En effet, si Shangxiang est certes une enfant gâtée
homme sans pitié, un fauve avide et carnassier, il est un qui ne boude pas les joies simples de la vie, elle est avant
domaine dans lequel il devient le plus doux des hommes : tout une jeune femme énergique, sûre d’elle et de ses
lorsqu’il passe du temps avec sa fille Shangxiang. convictions. Elle fait régulièrement l’admiration de ses
L’aimant plus que tout, il la couvre de cadeaux et ne lui amies qui ne partagent pas sa hardiesse, à tel point que cer-
refuse rien, lui passant tous ses caprices sans hésiter un taines d’entre elles se voient interdire de la fréquenter par
seul instant. Incapable de faire preuve de mesure, il ne se leur mari. Mais elle est surtout connue pour ses qualités de
rend pas compte que son comportement commence à faire cœur et son refus profond et sincère de l’injustice.
jaser en ville… En effet, Heng Hun n’a encore jamais Beaucoup d’ailleurs sont convaincus qu’elle ne saurait être 19
donné son accord à aucun prétendant de sa fille, la trouvant la fille de son père tant ils semblent différents là-dessus et
trop jeune pour se marier bien qu’elle soit désormais âgée il y a fort à parier qu’elle réagirait très violemment si elle
de plus de vingt ans. Pourtant au fond de lui, il sait pour- apprenait ne serait ce qu’une partie des « arrangements »
quoi il ne souhaite pas la voir s’éloigner de lui… il sait que de Heng Hun.
l’amour qu’il lui voue est bien différent de celui qui devrait Mais elle a bien d’autres soucis en ce moment.
unir un père à sa fille… et il sait qu’un jour, malgré toute Depuis peu, elle fait des rêves récurrents où elle se voit
sa volonté, il accomplira un acte odieux, réprouvé même dans une mare de sang en train d’avoir une relation intime
par les dieux. Ce n’est que lorsqu’il se perd dans ses avec une autre femme, avant que cette dernière ne se
affaires qu’il parvient à oublier cette envie contre-nature, change subitement en un homme dont elle ne souvient
et plus elle le taraude plus il passe de temps à sa fonderie… guère que des lèvres et de leur couleur, un rouge particu-
Au point que se sentant délaissée, c’est Shangxiang elle- lièrement intense. Shangxiang en ignore la signification
même qui réclame à le voir souvent et vient lui rendre mais elle s’inquiète de faire ce rêve de plus en plus souvent
visite même à son bureau… et est persuadée qu’il ne présage rien de bon. Ne sachant ni
Renommée : 105 l’interpréter ni s’en débarrasser, elle cherche à prendre dis-
crètement contact avec des taoïstes.
Renommée : 20
Heng Shangxiang
Ji Wen
De prime abord, on pourrait croire que Heng
Shangxiang n’est qu’une de ces filles de bonne famille
gâtées par la vie et à qui il n’arrive jamais rien de grave. A Etrange destin que celui de Ji Wen. Médecin au
l’âge où nombre de ses amies sont déjà mariées, elle mène Han dont il est originaire, il y connut la gloire et la fortune
une vie relativement insouciante grâce à la fortune de son lorsqu’il fut nommé à la cour royale. Mais sa relation un
père, Heng Hun, qui la chérit plus que tout au monde. Mais peu trop intime avec l’épouse d’un courtisan en vue causa
la situation ne plait guère à sa mère qui commence à pren- sa perte : il dut s’exiler et erra quelque temps avant de
dre ombrage de tout cela et à lui reprocher sa frivolité et rejoindre Xianyang. Mais les autorités refusèrent de vali-
son ingratitude à ne pas chercher époux.. Elle aurait pour- der son diplôme et il ne put jamais y exercer son métier
tant largement de quoi être fière de sa fille qui semble ras- (les relations tendues entre les deux Etats à l’époque expli-
sembler toutes les qualités : belle, cultivée, enjouée, res- quent peut-être ce fait).
pectueuse, en bonne santé…
Fonctionnement
Men Bing s’évertue depuis maintenant plusieurs mois à
créer une sorte de guilde pour les ouvriers exploités du
quartier. D’après lui, ce n’est qu’en s’unissant que l’on
peut se faire entendre et acquérir une influence, or les cen-
taines de travailleurs qu’emploient de façon intermittente
les propriétaires et gérants des industries seraient une force
21
Le magistrat avec qui compter s’ils acceptaient de travailler main dans
la main, unis contre ceux qui profitent d’eux.
Sans relâche pendant des semaines, Men Bing a
Le quartier marchand et artisan est l’un des travaillé à la création de sa coalition ouvrière. Tout d’abord
seuls de Xianyang dont le magistrat soit un notable local en s’assurant de sa légalité auprès du bureau du gouver-
et non un fonctionnaire appointé par le gouverneur. La neur, puis en réfléchissant avec ses premiers partisans aux
nomination de Fan Tong, gérant d’une petite fonderie méthodes à employer et aux mécanismes à mettre en place.
d’Etat produisant des outils agricoles, ne fut bien sûr Et peu à peu, son idée fit son chemin et la coalition se mit
possible que grâce aux pressions et demandes répétées en place avec l’étonnante bénédiction (et une petite mais
de la guide bourgeoise pour laquelle il était indispensa- symbolique subvention annuelle) du gouverneur (qui y
ble qu’un homme d’affaire au fait du fonctionnement voit un bon moyen de mettre des bâtons dans les roues trop
d’un tel quartier reçoive le poste. Bien que réticent, bien huilées de la guilde bourgeoise), recrutant chaque jour
Chao Guang se laissa convaincre, sans doute plus de plus d’ouvriers.
guerre lasse qu’autre chose… Actuellement le siège de la coalition ouvrière se
Depuis sa nomination, Fan Tong fait désormais situe chez Men Bing, qui possède une petite maison à côté
tout son possible pour gérer le quartier au mieux des de son atelier. Presque les deux tiers des travailleurs du
intérêts de la guilde, sans toutefois tomber dans l’illéga- quartier ont accepté de faire partie de son mouvement, ou
lité ou l’opacité bureaucratique qui risqueraient de met- au moins d’en être sympathisants. Pour le moment, seuls
tre la puce à l’oreille du gouverneur… S’appuyant sur les travailleurs précaires du quartier marchand et artisan se
des fonctionnaires peu à peu gagnés à sa cause par de sont joints à la coalition ; les habitants du quartier ouvrier,
discrets pots-de-vin, le magistrat exploite toutes les disposant d’une situation plus stable et enviable, n’en
failles législatives pour faire baisser les taxes ou les frais voient pas l’utilité et ont peur de se mettre leurs
de douanes, permettre aux gérants de monopoles d’Etat employeurs à dos.
d’acquérir un plus grand poids décisionnel, exonérer La coalition a rapidement mis en place ses pre-
divers types de bénéfices des impôts, etc. Grâce à un mières mesures. La plus forte d’entre elles est la création
sens habile des affaires et aux conseils avisés de nom- d’un pot commun, que chaque ouvrier accepte d’alimenter
breux juristes et comptables, Fan Tong a pu gagner pour avec quelques pièces de sa paie, afin de subvenir aux
sa guilde de précieux avantages économiques ainsi que besoins de ceux d’entre eux malades ou blessés, leur per-
le contrôle quasi total du quartier. Ce qui lui a fait gravir mettant de survivre le temps de guérir et de pouvoir retour-
plusieurs échelons dans la hiérarchie, un motif d’inquié- ner au travail. Men Bing milite activement pour que les
tude pour ses nombreux rivaux…
Lieux d’importance
Depuis quelques temps, ses affaires vont mieux
grâce à la création du pot commun de la coalition ouvrière,
avec lequel ses services sont payés. Pris de sympathie pour
Men Bing, Nam Qen a souhaité se joindre à son mouve-
ment… une opportunité que l’usurier du quartier bourgeois a
22 très vite su saisir. Ainsi, à son corps défendant, Nam Qen est
Le centre du quartier désormais obligé d’espionner la coalition pour le compte de
la guilde bourgeoise, sans quoi il lui a été promis que son
cabinet pourrait malencontreusement partir en fumée…
Personnalités
Comme presque partout ailleurs en ville, le centre
du quartier est organisé autour d’une grande place servant
aussi bien aux proclamations publiques qu’à la tenue d’un
marché régulier.
S’y trouve le bureau du magistrat, qui n’est guère
occupé que par les nombreux fonctionnaires à son service
durant la journée. En effet, Fan Tong ne vit pas dans ses Fan Tong
appartements de fonction, trop spartiates à son goût, et il
préfère retourner dans son luxueux manoir du quartier
bourgeois une fois son labeur quotidien terminé. Seuls Lorsque le magistrat en place dans le quartier
quelques assistants assurent les urgences nocturnes, faisant marchand et artisan prit sa retraite, la guilde bourgeoise y
du bureau du magistrat un bâtiment sinistre et sans âme, là vit une opportunité unique. Faisant jouer toutes ses rela-
où ceux des autres quartiers sont toujours animés ou éclai- tions à la cour et contractant ainsi de nombreuses dettes
rés, rassurant la population sur la vigilance des autorités. d’influence, elle parvint à faire en sorte que le gouverneur
La caserne principale du quartier est bâtie non soit obligé, sous pression de hautes personnalités, de nom-
loin du bureau du magistrat et en est en fait le véritable mer comme nouveau magistrat un notable issu du quartier
centre de vie. En effet, le commandant Mao Fedong même. Chose à laquelle Chao Guang se refusait jusque là
(Renommée : 70) est l’un des rares officiers du Qin issus et qu’il prit très mal.
du peuple. Ayant grandi dans ce quartier, il s’engagea très Fan Tong, un petit homme replet âgé d’une qua-
tôt dans l’armée et ses exploits sur divers champs de rantaine d’années et modeste gérant de fonderie, fut choisi
bataille, ainsi que son adhésion totale aux principes entre tous car il avait souvent eu affaire au magistrat pré-
légistes de gestion militaire, lui valurent une ascension cédent dans le cadre de litiges divers et il connaissait ainsi
brillante. Désormais au crépuscule de sa vie, le comman- plutôt bien la machine administrative. Depuis sa nomina-
dement de la garnison du quartier devait être pour lui une tion, Fan Tong n’a pas ménagé ses efforts pour servir les
sorte de préretraite… Mais il n’en fut pas ainsi, car Mao buts de la guilde. S’offrant un précepteur lettré, il s’est
Fedong est l’opposant principal du magistrat Fan Tong. Le ainsi initié à la science bureaucratique et la philosophie
vieil officier voit ainsi avec effarement le quartier échap- légiste afin d’être certain de gérer parfaitement les affaires
courantes du quartier tandis qu’il délègue à son homme de souvent source d’amusement, et les plaidoiries enlevées de
confiance sa fonderie. Bien vite, son efficacité et son Jiaoshi relèvent de la poésie lyrique. Peu d’avocats peu-
enthousiasme finirent par lui gagner les faveurs des fonc- vent se prévaloir d’autant de public lorsqu’ils plaident.
tionnaires, au départ réticents à obéir à un simple mar- Comme quoi, Jiaoshi a réussi quelque part à devenir le
chand… Versant de discrètes primes aux bureaucrates les meilleur dans sa partie.
plus serviles, Fan Tong put bientôt compter sur quelques Renommée : 25
assistants sûrs et dévoués au sein de la magistrature. Ainsi
désormais le magistrat donne l’illusion de gérer son quar-
tier comme un parfait fonctionnaire du Qin. Men Bing
Bien sûr, la réalité est tout autre. Fan Tong vise un
double but par ses manigances. En premier lieu, gérant le
quartier sans faire de vagues, il endort la méfiance du gou- En apparence, Men Bing est un modeste artisan
verneur et en profite en sous-main pour accroître la main- des quartiers est de Xianyang, un notable étant parvenu par
mise de la guilde bourgeoise sur l’Ouest de Xianyang : ses efforts et sa persévérance à créer une guilde d’ouvriers,
pour cela il grappille quelques avantages économiques, un syndicat permettant de faciliter la vie des modestes tra-
déterre de vieilles lois favorables à ses alliés ou ferme les vailleurs de la ville. En cela, il est admiré par ceux que ses
yeux sur des malversations mineures. Quant à son second actions aident jour après jour mais aussi haï par ceux dont
but, lié au premier, il est de s’élever dans la hiérarchie de il gène les plans. En apparence encore, sa vie ne tient qu’à
la guilde jusqu’à en arriver à la tête. Il se sert de sa position un fil particulièrement ténu…
de magistrat pour étendre son influence et se gagner des Mais derrière ce personnage exceptionnel se
sympathies à cet effet, mais plusieurs dirigeants de la cache une réalité bien plus profonde et surnaturelle : car
guilde ont compris ses intentions et ne comptent pas se Men Bing n’est pas un homme, c’est un yao. Il y a de cela
laisser chasser du pouvoir. Quitte à sacrifier un pion aussi bien longtemps, il était un loup courant libre dans les forêts
utile en le faisant tomber dans les griffes du gouverneur… du Zhongguo, respirant l’air pur à pleins poumons et pas-
Renommée : 40 sant son temps à chasser avec sa meute. Puis un jour,
blessé par un braconnier, il dut se réfugier dans une ferme.
Découvert par les enfants du paysan, il y fut soigné, nourri
Jiaoshi et put reprendre des forces : mais adopté par ces humains,
il perdit l’envie de retrouver les siens car sa meute était là
désormais. Au contact des mortels, il finit par accéder à un
Dans le système judiciaire très performant du Qin, niveau de conscience supérieur et devint un yao. Lorsque
il existe une exception : Jiaoshi. Ce juriste, qui a pourtant sa famille humaine finit par disparaître, Men Bing repartit
23
suivi le même parcours que ses confrères, dénote parmi eux. sur les routes et arriva à Xianyang, une ville qui le fascina
Son embonpoint, sa perpétuelle distraction, son goût immo- d’emblée. S’installant dans le quartier marchand, il s’y éta-
déré pour pérorer et son imaginaire débordant ne le desti- blit en tant qu’ébéniste.
naient pas à une telle fonction. D’ailleurs on prétend qu’il a À force de vivre au contact des travailleurs du
obtenu son diplôme par lassitude, après avoir usé la patience quartier, de les côtoyer chaque jour et de s’en faire des
de ses professeurs. Car Jiaoshi n’a lui jamais renoncé à son amis, il en vint à les considérer comme sa nouvelle meute.
désir de défendre les droits des citoyens. Et sa nature reprit le dessus : en tant que loup alpha, il lui
Bien entendu, il n’est pas très doué et ses plaidoi- fallait faire tout son possible pour aider les siens à mieux
ries restent courues essentiellement pour l’amusement vivre. C’est ainsi qu’il lui vint l’idée de créer une coalition
qu’elles provoquent plus que pour leur effet sur la sen- ouvrière sur le modèle des guildes afin de mutualiser les
tence. Jiaoshi peut s’enorgueillir de n’avoir jamais gagné moyens des travailleurs, leur permettant ainsi de faire front
un procès. en cas de problèmes. Men Bing sait que son œuvre dérange
Pourtant, le jeune avocat ne manque pas d’atouts. certaines personnes en haut-lieu, et que sa tête est proba-
Il possède une culture phénoménale et, contrairement à blement mise à prix en secret. Il n’en a cure : de ses ori-
beaucoup de ses collègues, il aime voyager dans les autres gines animales, il a hérité une puissance surhumaine et une
Royaumes et s’intéresse à d’autres domaines que le droit. férocité effrayante en combat. Les hommes de main de la
Mais il a tendance à s’enthousiasmer facilement pour fina- guilde bourgeoise ne l’impressionnent donc guère.
lement ne jamais se concentrer sur une seule chose, en par- Renommé : 40
ticulier son rôle d’avocat.
Issu d’une famille modeste, il doit pourtant bien
gagner sa vie et loue alors régulièrement ses services Wu Ben
comme scribe, secrétaire ou conseiller à de nombreux
bourgeois ou aristocrates qui apprécient sa grande érudi-
tion et sa conversation. Né au Chu, son père officier fut tué lors du sac de
Jiaoshi possède cependant un client fidèle en la Ying par Bai Qi le Boucher. Prisonnier à Xianyang, il y
personne de Meiguo Shangwei. Ce jeune homme farfelu passa sa jeunesse avant de réussir à s’enfuir pour rejoindre
passe son temps à se mettre tout seul dans des situations sa patrie. Il avait seize ans et cette épreuve forgea son
impossibles. Jiaoshi et lui ont fini par se lier d’amitié et caractère. Wu Ben s’engagea dans l’armée où, promu rapi-
assister à un procès les mettant en scène est devenu une dement sergent, il s’illustra lors de campagnes sur la fron-
attraction au palais de justice. Les faits à eux seuls sont tière sud. Six ans plus tard, il intégrait la garde royale.
Le secteur se trouvant à l’est de l’avenue centrale put prendre son poste au quartier des docks. En plus de ses
regroupe toutes les habitations du quartier. Il s’y trouve sur- missions classiques, il y en a une à laquelle le gouverneur
tout de nombreuses auberges pour les hommes de passage, tient particulièrement : Ren Xiao est chargé d’établir un
mais quelques immeubles découpés en chambres permettent dossier à charge contre la guilde bourgeoise, en compilant
à un travailleur souhaitant s’attarder en ville de se loger à toutes les malversations sur lesquelles son œil d’expert
plus long terme. Quelques bordels de bas-étage offrent une pourrait tomber. En effet, Chao Guang sait que la guilde
distraction bon marché en proposant des filles peu farouches peut se permettre d’étouffer une ou deux affaires prises
aux marins en manque de plaisir de la chair. Quoique souvent isolément mais il espère bien que le dossier monté par son
illégaux, ces bordels sont protégés par la guilde bourgeoise magistrat, mettant en lumière des années de corruption et
en échange d’une dîme complaisamment versée (et de de détournements, portera un coup fatal à l’organisation 25
quelques faveurs gratuites pour les hommes de la milice). De des marchands de la ville.
manière générale, tout ce secteur d’habitation est ce qui se Afin de remplir au mieux et le plus discrètement
rapproche le plus des bas-fonds de Xianyang. On y croise en possible sa tâche, Ren Xiao se permet de fermer les yeux
effet une foule interlope composée bien souvent d’individus sur quelques affaires importantes tout en pointant du doigt
à la faible vertu que leur séjour rend particulièrement facile à les malversations les plus bénignes. Il encourage aussi ses
acheter - après tout, ils ne seront plus en ville dès demain : fonctionnaires et les soldats de la garnison à se laisser cor-
pourquoi avoir peur des autorités ? Ainsi il est rare que rompre, tant qu’ils lui font un rapport détaillé de ce qui a
l’homme honnête et soucieux d’éviter les ennuis soit encore pu leur être demandé. Les pots-de-vin sont bien sûr saisis
dehors à la nuit tombée… et stockés comme pièces à conviction en attendant le grand
Fonctionnement
procès… Grâce à son expérience, le magistrat sait com-
ment pensent les membres de la guilde, ce qui lui permet
d’obtenir de bons résultats dans l’instruction de son dos-
sier. En façade, il se fait passer pour un fonctionnaire
légiste scrupuleux et un peu dépassé mais l’habile négo-
ciant refait surface dès qu’il s’agit d’analyser les rapports
Le magistrat de ses juristes et comptables…
Lieux d’importance
subvention, la Dame de l’Ecume bleue (Renommée : 25)
s’engage à faire un rapport chaque décade à Ren Xiao
concernant tout ce qu’elle ou ses filles auraient pu entendre
de la bouche des marins et ouvriers.
Personnalités
affaires. Qui lui valut d’ailleurs d’occuper un poste
important au sein de la guilde marchande locale. C’est
pour ces compétences et cette expérience que Chao
Guang alla le rencontrer et lui proposa, après s’être
familiarisé avec la loi du Qin, de devenir un magistrat
de Xianyang. Une telle opportunité ne se refusant pas,
Montagne errante
Ren Xiao confia les rênes de son entreprises à son jeune
Celui que l’on nomme maintenant Montagne frère et partit s’installer au Qin.
Errante est l’un des seuls à avoir survécu au massacre de Sa formation dura quelques années, délai que le
Changping. Ce n’était à l’époque qu’un ancien enfant du gouverneur mit à profit pour préparer son poste au sein du
Zhao, presque un homme. Il y a vu le Qin tuer tous ceux quartier des docks. Ensemble, l’armateur et son supérieur
qu’il aimait, et quelques centaines de milliers de personnes convinrent qu’il valait mieux pour lui se faire passer pour
avec eux. Choqué, livré à lui-même, le jeune homme se mit un simple fonctionnaire sans talent particulier, un homme
à parcourir le monde selon la vitesse à laquelle on le chassait transparent et facile à abuser. Cette image devait servir la
des villages qu’il traversait, vivant de ce qu’on lui donnait, mission que Chao Guang confia alors à Ren Xiao : ins-
ou à défaut, de ce qu’il arrivait à prendre. Après des mois truire en secret un dossier à charge contre la guilde bour-
d’errance, il finit par se fixer dans une ville nommée geoise en compilant le moindre fait délictueux dont il
Pingyang où il fit la connaissance d’un devin appelé Sinistre serait témoin (mais qu’en tant que « benêt » légiste, il
Craquelure. Le fangshi le prit alors sous son aile et fit en laisserait passer).
sorte qu’il puisse finir son éducation tant dans le domaine L’appréhension de Ren Xiao à l’encontre de son
des arts prisés dans une cour que sur un champ de bataille. nouveau métier et de la lourde charge qui lui était confiée
Pendant trois ans, il se forma ainsi à de très nombreux par le gouverneur s’évanouit bien vite pour être remplacée
domaines, se destinant ensuite à la divination. Pourtant il par un sentiment nouveau et exaltant : le plaisir de faire
n’eut jamais l’occasion de commencer cet apprentissage son travail ! En effet jusqu’ici, l’ancien armateur se
mystique car à cette période là, l’armée du Qin menée par contentait de gérer ses affaires presque mécaniquement,
Bai Qi captura le dernier fief de la lignée impériale Zhou, n’en tirant guère de joie particulière. Mais plongé dans les
dans l’indifférence générale. Lorsqu’il en parla révolté à son manigances de Xianyang, devant jouer de multiples rôles
ami et mentor, le devin était en transe : il avait eu la vision et mettre à jour des secrets bien gardés, Ren Xiao sent qu’il
de neuf vases tripodes de taille variable, faits dans une fait ce pour quoi il est né. Il aime passionnément son tra-
matière noire et volés par le Qin. Ils apporteraient à n’en vail et cela se traduit par une loyauté sans faille à l’égard
du gouverneur.
point douter des catastrophes s’ils tombaient dans les mains
Individu polymorphe, capable de changer d’attitude
27
du Roi de ce pays. Maudissant les dieux de n’avoir pu empê-
cher la mise à sac du fief impérial, Montagne Errante rat- et de physionomie en quelques instants, Ren Xiao est un
trapa l’armée qui rentrait à la capitale du Qin et profita du interlocuteur déstabilisant avec qui on ne peut jamais savoir
passage d’une rivière pour voler les vases. Conscient d’avoir à quoi s’attendre. Ses qualités l’ont fait remarquer par le
alors quelque chose qui ne devait absolument pas tomber Censorat depuis déjà quelques années et ses dirigeants espè-
entre les mains du Qin et dont la valeur sinon la puissance rent bien pouvoir le recruter dans un avenir proche.
semblait très importante et attirait la convoitise d’une secte Renommée : 40
ayant un vague rapport avec l’inclinaison du Ciel, il dispersa
alors les huit premiers vases dans le Zhongguo (il en confia
notamment un à Sinistre Craquelure) et décida de rendre le You Zhishuai
dernier réellement introuvable. Il alla alors voir un des meil-
leurs artisons du Chu ayant conservé les anciens savoirs du
Yue et lui demanda de le fondre et d’en faire un sabre. Il alla Né l’année de la bataille de Huayang il y a un
ensuite le cacher en plein territoire xiongnu où il resta enfoui peu moins de quarante ans, Zhishuai accompagne cou-
ainsi pendant quinze ans, jusqu’à ce que les personnages le ramment les gardes de la garnison de Xianyang et est
trouvent sous la forme du dao noir (Cf. « le Prince félon »). aisément reconnaissable aux nombreuses balafres sur ses
Depuis, Montagne Errante se cache au Qin car il joues. Il est lui-même un ancien garde de la cité qui opé-
sait que le jour viendra où le Royaume de l’Ouest tentera à rait autrefois dans le quartier universitaire et se fit rapi-
nouveau de réunir les vases. En attendant, quand il ne se ren- dement remarquer par sa capacité presque surnaturelle à
seigne pas sur cette mystérieuse secte, il se tient prêt à tout résoudre certaines affaires particulièrement morbides.
faire pour qu’ils ne tombent pas entre de mauvaises mains Mais alors qu’il enquêtait sur les liens entre le Gai Bang
Renommée : 30 et un marchand nommé Zhu Chong, sa famille fut atta-
quée et faillit périr dans un incendie. Alors père depuis
peu, le garde décida de tout mettre en œuvre pour se
faire affecter le plus loin possible de la capitale.
Malheureusement, son mystérieux talent pour compren-
Ren Xiao
dre les actions et surtout les pensées des criminels se
Ren Xiao vit le jour dans une famille d’arma- révéla là-bas aussi une malédiction pour lui et ses
teurs du Qi, dans la ville portuaire de Gu. Marchand proches. Il se retrouva alors contraint à la désertion et
dans les traces de son père, il prit la tête de l’entreprise son corollaire, la vie de fugitif, et ne tarda pas à être rat-
familiale et la fit fructifier grâce à son sens aigu des trapé. Mis au courant de sa capture, Li Si lui fit alors une
Vue d’ensemble
sème le chaos dans sa vie.
Renommée : 25
Zhu Chong
Située au centre-nord de Xianyang, la Cité royale
Ancien wu xia, Zhu Chong est un vieux sympa- fut bâtie sur une butte afin que du palais royal, on puisse
thisant du clan des mendiants né au Qin, le Gai Bang. Il y contempler toute la ville étendue à ses pieds. Il va bien sûr
entra après que des membres l’aient recueilli et soigné, à de soi que la Cité royale est le quartier le plus somptueux
l’issue d’un duel qu’il perdit face à l’un de ses rivaux. La et le plus riche de toute la capitale, et cela ne fait aucun
vie sauve mais le corps blessé de façon permanente, une doute aux yeux du visiteur invité en ces lieux tant la mag-
existence dans le jiang hu n’était assurément plus pour lui. nificence de ce qu’il y verra ne manquera pas de le laisser
Aussi le Gai Bang lui proposa de le servir en tant qu’émis- bouche bée. À la glorieuse Cité royale du Qin ne peuvent
saire à Xianyang, la dangereuse capitale du Qin. Devenu guère que se comparer les demeures des souverains du
un « habits propres », Zhu Chong le borgne partit donc Zhao et du Qi…
s’installer dans le quartier des docks.
Les murs qui ceignent la Cité royale, l’isolant des
Grâce aux fonds fournis par son clan, il put ache- quartiers voisins, sont presque aussi épais que les remparts
ter une demeure relativement luxueuse par rapport au quar-
28 tier et il en fit la base d’où il lança son projet : organiser la
de la ville. Protégeant le siège du pouvoir du Qin, ils sont
patrouillés jour et nuit par des vétérans à la lame sûre et au
pègre efficacement dans la ville. Derrière sa façade d’hon- courage sans faille, membres d’élite de la garde royale.
nête commerçant, Zhu Chong est donc de fait le maître
incontesté d’une majeure partie des malandrins de Dominant toute la Cité, construit au point le plus
Xianyang : voleurs, petits escrocs, fugitifs font partie de haut de la colline qui domine tout Xianyang, se trouve le
ses sujets et au fil du temps, sa bienveillante protection palais du Roi, nommé le Palais Jique dont Shang Yang
s’est finalement étendue aux gens honnêtes mais vulnéra- posa la première pierre selon la légende. Cette bâtisse
bles du quartier. Car malgré son charisme et son expé- monumentale domine largement le quartier, jetant une
rience, Zhu Chong ne règne pas sur l’ensemble des crimi- ombre menaçante sur le complexe des palais ministériels
nels de la ville : chevalier des forêts et des lacs, son sens comme une métaphore de la hiérarchie stricte du Qin. Tout
de l’honneur lui interdit de frayer avec les assassins et les autour et au sein même de ce palais formidable se trouvent
violeurs qui constituent de fait ses adversaires les plus des parcs et jardins en abondance, peuplés d’animaux exo-
acharnés à Xianyang (bien plus que la justice elle-même, tiques et colorés et de plantes rares. Un cours d’eau artifi-
curieusement indulgente à son égard). ciel égaie l’ensemble et achève d’amener une touche buco-
lique dans ce qui reste probablement la construction la plus
De la lutte contre cette pègre violente et incon- imposante de tout le Zhongguo.
trôlable, Zhu Chong a fini par faire son cheval de
bataille. Le wu xia qui est en lui reprend le dessus Au centre de la Cité se trouve la grande place
lorsqu’il s’agit d’aider les plus faibles et de combattre la royale, pavée de briques rouges et de marbre blanc. Un
malveillance humaine. Quelques-uns parmi ses fidèles promontoire de pierre et de bois permet aux personnes
acceptent de le suivre dans sa croisade mais la majorité d’autorité de prononcer discours et proclamations à l’in-
des membres de sa cour des miracles ne comprend pas tention des nombreux fonctionnaires qui se pressent le
son attitude et voie plutôt d’un mauvais œil ses collabo- long des avenues découpant le complexe des palais. En
rations répétées avec le magistrat local : à trop frayer effet, c’est autour de cette place lumineuse que se situent
avec la justice, leur chef ne va t’il pas finir par les tra- les vastes demeures des ministres et autres personnages
hir ? De plus en plus, la loyauté qu’inspirait jusqu’à importants du Royaume. On y trouve le Grand Palais
lors Zhu Chong s’effiloche et ses partisans préfèrent avant la Porte du Ciel (dans lequel officie le premier
reprendre leur indépendance et certains vont même ministre du Royaume), le Palais de l’Administration
jusqu’à vendre ses secrets aux représentants de la guilde céleste (siège du ministre de l’Etat), le Tribunal qui Juge
bourgeoise. les Âmes (où travaille le ministre de la Justice), la
Renommée : 45 Vénérable Forteresse de Jade (que préside le ministre
Le Palais Jique
des Armées) ainsi que de nombreuses autres bâtiments
aux noms évocateurs, pouvant être utilisés par d’éven-
tuels ministres secondaires ou d’importants haut-fonc-
tionnaires. Tous ces palais sont reliés entre eux par de
larges rues pavées et couvertes, bordées d’agréables La colossale structure du palais royal domine lar-
parcs tandis que diverses petites places permettent aux gement le quartier, et même la ville toute entière. Siège du
fonctionnaires de s’y réunir pour prendre leur repas, pouvoir absolu du Roi, ce palais est un monument dédié à
débattre entre eux ou admirer la magnificence des lieux. la grandeur du Qin et de sa vision, son grand projet d’uni-
fier tout ce qui existe sous le Ciel. 29
Autour de la grande place royale et du complexe
des palais, de nombreux édifices au luxe légèrement moins
ostentatoire servent de bâtiments administratifs (dont les
bureaux sont occupés par les innombrables fonctionnaires
Description générale
nécessaires au bon fonctionnement de la Cité royale) ou de
logements de fonction pour tous ceux à qui leur travail ne Avant même le palais proprement dit, se trouve une
laisse guère le temps de rentrer chez eux pour la nuit. esplanade carrée si vaste qu’elle permet à toute la garde
Ainsi, la Cité royale est souvent aussi vivante la nuit que le royale de s’y réunir. Nommée la Place de la Souveraineté
jour, et il n’est pas rare d’y croiser même aux heures du suprême, cette étendue dallée de sombre invite le visiteur à
buffle et du tigre de besogneux et zélés bureaucrates tra- l’humilité car en la traversant, il a tout le temps de prendre la
vaillant sans répit au service de leur Royaume. C’est éga- mesure de la majesté des lieux dans lesquels il s’apprête à
lement sur les pourtours de la Cité royale que vivent les pénétrer. Tout autour de cette esplanade, reliant le reste du
eunuques au service exclusif du souverain, dans de quartier au palais royal, de nombreuses voies étroites entou-
modestes mais confortables manoirs. rées de remparts solides forment une dernière ligne de
défense en cas d’invasion ou de coup d’Etat. Ces avenues et
Enfin, au sud du quartier se trouve la partie ces murs de protection forment un réseau labyrinthique sur
fonctionnelle de la Cité royale. Nommée l’Antichambre plusieurs niveaux, permettant à la garde royale de facilement
du Royaume céleste, il s’agit du secteur dédié au fonc- bloquer les accès et de résister efficacement à une attaque
tionnement logistique du quartier tout entier. On y trouve massive (un événement qui ne s’est jamais produit depuis la
ainsi de vastes entrepôts destinés à stocker nourriture et fondation de la ville).
matériel, des enclos pour parquer le bétail, les bureaux
des négociants chargés de traiter avec les divers mar- Véritable complexe constitué de nombreux bâti-
chands ou artisans, plusieurs postes de garde pour sur- ments plutôt que construction unique, le Palais Jique se
veiller l’activité bouillonnante qui règne en ces lieux, divise en deux ailes symétriques enjambant le torrent arti-
etc. L’Antichambre ressemble ainsi à un vaste marché à ficiel qui l’alimente en eau et permet l’irrigation de ses jar-
ciel ouvert, dans lequel de puissants commerçants négo- dins. Le rez-de-chaussée, entouré de hautes arcades, forme
cient avec les chanceliers de la Cité, tandis que des ser- la base solide de tout l’édifice, sur lequel sont bâtis de
viteurs acheminent les marchandises vers les entrepôts et nombreux pavillons à terrasses formant autant d’étages.
que les soldats fouillent les chariots entrant et sortant par Chaque aile est à son tour constituée d’une pyramide à
la Grande Porte de la Lumière de l’Est, qui donne sur le trois degrés en terre damée abritant les étages à la superfi-
quartier administratif. cie décroissante.
poser au frais la nourriture et le vin. Chaque cave est C’est là que se situe la Salle du Haut Conseil
dédiée au stockage d’un type d’aliment (fruits, légumes, éclairé, où se tient le conseil des Ministres présidé par le
viande, poisson, etc.) ou d’un alcool en particulier. Des Roi. Cette pièce richement décorée, confortable et bien
scribes tiennent un inventaire précis de ce qui entre et sort défendue résonne des débats qui s’y tiennent et décident de
de ces lieux afin de tenir scrupuleusement leur comptabi- l’avenir du Royaume. Le Roi se tient sur son trône, sur-
lité ; une tâche qui n’est pas toujours facilitée par l’em- élevé par rapport au reste de la salle, tandis que les minis-
pressement des commis de cuisines devant travailler rapi- tres sont regroupés autour d’une longue table. Attablés à
dement pour préparer et servir les gargantuesques banquets leurs écritoires, plusieurs scribes retranscrivent le contenu
du Roi. De très nombreux renfoncements, cavités et autres des discussions qui ont lieu ici, permettant ainsi aux
encoignures permettent aux serviteurs et apprentis de voler paroles du Roi et de ses ministres de se transformer en lois
quelques instants de sommeil ou de se retrouver discrète- et décrets selon leur bon vouloir.
ment pour une rencontre amoureuse… La Bibliothèque de la Volonté royale concentre
La seconde partie des sous-sols, bien plus sinistre, d’ailleurs en son sein les copies de toutes les lois passées au
n’est accessible que par un passage connu de quelques indi- Qin depuis l’époque de Shang Yang. De larges étagères occu-
vidus triés sur le volet, dont le Roi lui-même. Il s’agit des pent toute la longueur de cette immense salle, et sur leurs
sombres cachots dans lesquels sont jetés les criminels que le rayonnages reposent d’innombrables livres consignant les
souverain souhaite avoir à disposition pour les interroger ou décrets successifs de tous les souverains du Royaume. Même
les torturer lui-même. Ces oubliettes sont creusées à même les textes amendés ou abrogés sont conservés sur une étagère
les murs en terre, fermées par une solide grille de bronze et consacrée, afin que rien ne soit jamais perdu.
une simple natte en paille tient lieu de couche. L’humidité et Le reste de l’étage est occupé par des bureaux, des
l’obscurité qui règnent en ces lieux rendent la détention par- officines, des cabinets de travail et une foule de fonction-
ticulièrement pénible et plus d’un prisonnier a sombré dans naires s’y active afin que la volonté du Roi devienne une réa-
la folie au fil des années, s’il a survécu aux infections lité tangible pour les citoyens du Qin. C’est à eux donc qu’in-
diverses… La salle entourée par les multiples cachots est combe la tâche proprement titanesque de mettre en place les
meublée d’un simple bureau et deux gardes sont chargés de mesures d’application des lois émises en haut-lieu, de déci-
surveiller les lieux. Un étroit couloir sombre mène à la salle der de leurs applications concrètes, de préciser les châtiments
des tortures, une vaste pièce au sol de terre battue recouvert à appliquer en cas de non-respect, etc. Ici, comptables,
de paille et meublée par divers instruments de cauchemar. De juristes, architectes, scribes, assistants, conseillers travaillent
nombreuses taches de sang ornent les murs et l’atmosphère de concert pour s’assurer que la machine administrative du
sinistre qui hante les lieux rappelle les souffrances qu’y ont Qin reste la plus efficace possible et que tous les rouages de
enduré des centaines de malheureux… sa bureaucratie fonctionnent parfaitement.
31
Les eunuques
Les eunuques, ces hommes castrés pour servir au sein du gynécée royal, ont joué divers rôles
parfois ambivalents dans les Royaumes combattants : à la fois pauvres mutilés, considérés comme des
monstres ou des demi-hommes, mais aussi détenteurs des secrets murmurés dans les alcôves du palais
royal ou eux-mêmes source de complots visant à asseoir leur influence...
L’opération
L’opération d’ablation des organes génitaux a toujours lieu dans un pavillon particulier situé
juste à l’extérieur des portes du palais. La fonction d’exciseur est souvent considérée comme héréditaire
car les spécialistes enseignent la profession à leurs propres enfants qui servent ensuite d’assistants avant
de reprendre la charge. Il s’agit là d’une fonction honorifique importante, au même titre que celle de
bourreau royal.
Les exciseurs sont reconnus par le gouvernement comme une profession d’utilité publique et
ils reçoivent environ six taels par opération : le métier paie bien.
Après une anesthésie locale (une potion ou un baume secret, transmis dans la famille de l’ex-
ciseur) et une préparation du sujet maintenu fermement en position allongée sur un banc par les assis-
tants (des bandages serrés autour des cuisses et du ventre limitent les hémorragies), le chirurgien
demande au sujet ou à son responsable, s’il est bien d’accord pour subir l’opération : l’accord n’est en
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général que de pur principe.
Alors l’aine est baignée d’eau chaude additionnée de poivre pour désinfecter et d’un coup de
couteau courbe prévu pour cet usage, les testicules et le pénis sont tranchés le plus ras possible. Un bou-
chon d’étain est mis en place pour éviter toute cicatrisation qui risquerait de fermer l’urètre.
La blessure est encore enduite d’eau chaude poivrée, puis d’onguent et recouverte de linges
blancs humides. Le nouvel eunuque est alors contraint de marcher dans la pièce, soutenu par les assis-
tants, durant deux à trois heures.
Pendant trois jours, il ne devra pas boire mais se reposer.
Le quatrième jour, le pansement est ôté ainsi que le bouchon et s’il parvient à uriner, il est
sauvé. Sinon, cela signifie qu’il y a infection et la mort est presque certaine sous quelques jours.
Cent jours sont nécessaires pour une guérison totale de la plaie. On estime à deux pour cent à
peine les morts résultant de cette opération, moins encore si l’exciseur maîtrise son art à la perfection.
Par contre les castrations « artisanales », pratiquées par des débutants sans la surveillance d’un spécia-
liste, ont un taux de mortalité bien plus élevé : de l’ordre de cinquante pour cent.
Toutefois il reste un risque fréquent de complications non létales, comme des fuites urinaires
parfois jugulées par un bouchon d’étain ou plusieurs épaisseurs de vêtements.
L’expression « puer comme un eunuque » fait référence à ces désagréments, et ces hommes
se parfument souvent lourdement pour cacher leur odeur.
Le « Précieux Trésor »
Les eunuques conservent leurs parties ainsi amputées, soit dans une petite jarre dans de l’alcool
soit desséchées dans un coffret, , qu’ils appellent alors « le Précieux Trésor ». Il peut être exigé d’un
eunuque de le montrer afin de prouver son statut ou avant d’obtenir une promotion.
En cas de perte ou de vol de son « Précieux Trésor », un eunuque peut toujours en racheter
un (voire en louer pour l’occasion) chez l’exciseur qui conserve en général ceux de ses patients décédés
et les revend pour environ cinquante taels.
Car il est primordial, pour pouvoir renaître entier lors de sa réincarnation, d’être enterré avec
ses attributs sinon l’eunuque risque de servir d’esclave aux Rois des Enfers en qualité de demi-homme.
Personnalités
Tout autour du complexe ministériel se trouvent
de nombreux palais ou manoirs, demeures de haut-fonc-
tionnaires, de puissants dignitaires ou d’invités de marque
comme les otages politiques venus des autres Etats.
La famille du Roi est également logée dans l’en-
ceinte de la Cité royale et la Reine-mère dispose d’un
immense palais dont elle ne sort presque jamais, prétextant Ba Chong
une santé défaillante pour ajourner les visites ou sorties.
L’imposant manoir dans lequel vivait Cheng Jiao est inoc-
cupé depuis presque un an, maison fantôme dans laquelle Homme à l’allure juvénile et au visage d’enfant,
plus aucun serviteur n’ose mettre les pieds de peur d’être Ba Chong est pourtant l’une des personnalités les plus res-
soupçonné d’avoir été jadis un partisan du prince félon… pectées de la Cour royale car lourde y est sa charge :
Maître des rites, c’est à lui qu’incombe la tâche d’organiser
L’Antichambre du
à la perfection chaque cérémonie, chaque allocution
royale, chaque instant de recueillement envers les ancêtres
Royaume céleste
de la lignée Ying.
Malgré la disparition de la noblesse et la fin de la
transmission héréditaire des prérogatives, la famille Ba est
celle qui depuis plusieurs siècles fournit au Roi son Maître
34 des rites. Car cette charge est bien plus qu’une fonction
administrative ou bureaucratique : elle touche à la science
Cette partie de la Cité royale est uniquement délicate de la communication avec les esprits et les ancê-
dédiée au fonctionnement logistique du quartier, tant son tres, et de fait celui qui l’occupe est le gardien des tradi-
ampleur et le nombre de ses habitants nécessitent qu’une tions ancestrales du Qin et de sa famille royale. Et même
gestion consacrée soit mise en place. les réformes légistes menées par Shang Yang n’ont pu
Ce secteur est enclavé et séparé du reste de la Cité entamer l’influence dont jouit la famille Ba à la cour.
royale par un haut mur percé de nombreuses entrées, et du Bien que très jeune, Ba Chong est un Maître des
quartier administratif par la Grande Porte de la Lumière de rites de grand talent. Sa prodigieuse mémoire lui a permis
l’Est, une ouverture ronde aux lourds battants de bronze d’emmagasiner toutes les subtilités du protocole de la cour
décorés de nombreuses fresques en relief. et sa voix étonnement forte pour un individu de sa faible
La première partie de l’Antichambre est un inex- carrure couvre les insignifiants murmures de l’assemblée
tricable réseau de bureaux, comptoirs et officines reliés quand il officie. Rassuré quant à la transmission de sa
entre eux par un dédale de ruelles. C’est là que viennent se charge, son père se retira du monde pour laisser Ba Chong
déclarer marchands, colporteurs et artisans afin d’y présen- prendre sa place. Depuis, le jeune homme vit dans l’en-
ter les marchandises et objets commandés par les inten- ceinte du temple des ancêtres de la famille Ying, situé der-
dants des différents palais. Scribes et commis vérifient la rière le Palais Jique. Lorsqu’il en sort, c’est toujours revêtu
conformité des lots sous l’œil vigilant de la garde royale, de ses atours officiels et ceux qui le croisent dans les cou-
et posent leur sceau une fois l’inspection terminée. Les loirs se hâtent de s’écarter de son chemin, car l’on dit
livraisons peuvent alors être payées en main propre avant qu’offenser le Maître des rites revient à faire injure à la
de se voir acheminées vers les entrepôts. lignée royale, dont il est la voix dans le monde des vivants.
Ce sont justement ces entrepôts et remises qui Depuis maintenant plusieurs mois, Ba Chong fait
constituent la seconde moitié du secteur. Des dizaines de des rêves particulièrement puissants, qui le laissent fourbu au
bâtiments de stockage composent la partie nord de matin. Dans ces songes si vivaces, il voit tous les ancêtres du
l’Antichambre et permettent de garder les innombrables den- Roi se lamenter que l’Empire ne soit pas encore unifié sous
rées livrées chaque jour en attendant qu’elles soient emme- la bienveillante autorité du Qin. Lorsqu’il se réveille, Ba
nées vers les palais ou demeures du reste de la Cité royale. Il Chong n’a qu’un mot en tête, un mot qui le hante jour et nuit
s’y trouve même des enclos et haras pour le bétail et les mon- : Tiàn Xia. Et inlassablement depuis lors, le Maître des rites
tures, ainsi que de petits ateliers permettant de réparer les rappelle quotidiennement à Ying Zheng le grand dessein de
objets ayant pu être endommagés pendant le transport. Une ses ancêtres : unir tout ce qui existe sous le Ciel.
partie des soldats de la garde royale patrouille régulièrement Renommée : 145
Gong Li
D’une beauté sans pareille, la Dame du Zhao
comme l’appellent les serviteurs du palais royal, est l’amie
d’enfance de Ying Zheng et à ce titre, l’une des personnes
ayant le plus d’influence sur lui.
Lorsqu’il n’était qu’un otage du Zhao sans grande
importance, celui qui allait devenir Roi du Qin vivait dans
la misère, méprisé par le peuple du Royaume du Cheval et
maltraité même par le plus humble des serviteurs. Sa vie
était alors sombre et presque sans joie ni plaisir. Presque
car il existait une personne qui l’acceptait comme ami sans
restriction : une petite fille nommée Gong Li. Ensemble,
les deux enfants firent les quatre cents coups et les rires de
cette unique amie étaient la musique qui permettait à Ying
Zheng de tenir le coup.
Puis vint le temps du retour au pays, grâce aux
manigances de Lu Buwei qui allait aider le jeune garçon à
monter un jour sur le trône du Qin. Mais Ying Zheng refu-
sait de quitter son amie, de la laisser seule dans un pays
37
aussi inhospitalier ; aussi sa mère Wu Ji accepta de l’em-
mener avec eux à la cour. Là, la jeune Gong Li reçut une
éducation de princesse et son intelligence ainsi que son
goût pour les intrigues put s’épanouir en toute liberté, et en
toute loyauté envers son bienfaiteur. Malgré ses nouvelles
obligations de prince puis de Roi, Ying Zheng fit en sorte
de toujours pouvoir passer un peu de temps avec elle et
bien vite des rumeurs coururent sur leur liaison supposée.
Rumeurs fausses évidemment, car le Roi aime certes Gong
Li mais seulement comme une sœur et la prendre pour
femme ou concubine ne lui est jamais venu à l’esprit. La
jeune femme en a bien conscience et bien qu’elle ne
caresse aucun espoir de régner aux côtés de son ami, elle
l’appuie cependant toujours quoi qu’il fasse.
Récemment, Gong Li a été approchée par la
Carapace noire. En effet, le plus obscur des services secrets
du Qin souhaite prendre sous son aile celle qui s’avère sans
doute être la confidente la plus proche du Roi, afin d’éviter
qu’elle ne soit recrutée par d’autres forces bien plus malin-
tentionnées…
Renommée : 95
Han Fei Zi
Issu de la famille royale du Han, Han Fei Zi n’y
fut jamais très bien vu du fait de sa vision peu orthodoxe
de la politique. Petit, bègue et sans charme, il devint bien
vite un paria parmi les siens et cela le poussa à se réfugier Gong Li
Jiu Lao
La cinquantaine passée, la moustache lisse et
l’œil vif, Jiu Lao arpente depuis plusieurs années les cour-
sives des palais de Xianyang. Ambassadeur du Zhao, il sait
sa position inconfortable tant les relations entre les deux
grands Royaumes sont parfois tendues. Pourtant, entre
intrigues et manœuvres politiques, il parvient pour l’instant
à maintenir entre les deux Etats rivaux un statu quo profi-
table à l’un et à l’autre.
Ancien officier, il a conservé une grande rigueur
dans son organisation. Sa démarche rigide et son corps tou-
jours musclé trahissent des années de pratique martiale. Il
mène son ambassade comme une unité militaire et manque
parfois de souplesse envers ses subordonnés. Mais son
esprit tortueux et son goût des secrets et des complots font
merveille dans le rôle qui lui est aujourd’hui assigné.
Jiu Lao est un homme prudent toutefois, et il sait
se montrer totalement pragmatique quand l’intérêt de son
Royaume est en jeu. Pour lui, la diplomatie est semblable
à un vaste jeu de go où chaque joueur tente de gagner le
plus possible d’avantages en usant de tous les moyens dis-
ponibles, quitte à tricher. Retors, il n’aime rien plus que de
mener une négociation serrée et d’amener ses interlocu-
teurs dans une position de soumission ou de dépendance.
Actuellement, il doit avant tout reprendre la main sur les
représentants de la guilde des marchands de Handan qui
tentent de négocier directement certains privilèges avec Lu
Buwei, court-circuitant ainsi son ambassade officielle.
Excellent cavalier, Jiu Lao s’autorise régulière- 39
ment de longues chevauchées aux alentours de la capitale,
toujours escorté par quatre soldats d’élite.
Un autre de ses plaisirs, secret celui-là, consiste à
passer du temps avec de belles jeunes filles. Cruel, c’est leur
souffrance qui le fait jouir. Un passe-temps dangereux, mais
il a jusqu’à maintenant toujours pu pourvoir à sa perversion
en toute discrétion. Depuis l’arrivée du nouvel ambassadeur
du Yan, il se cache plus et pense chercher les objet de ses
désirs dans les prisons de la cité. Il a entendu dire qu’un ser-
gent véreux, un certain Ju Lian Wei, pourrait l’y aider…
Renommée : 105
Lai Fu
Membre de l’immense cohorte des serviteurs du
palais royal, Lai Fu est un eunuque tout ce qu’il y a de plus
banal à une exception près : c’est un agent de la Secte du Ciel
incliné, et sans aucun doute le plus haut-placé de tout le Qin.
Membre depuis son plus jeune âge des adorateurs
de Gonggong, Lai Fu fut converti à la doctrine de Cheng
Huan par ses parents, eux-mêmes adeptes très engagés. Son
esprit formé par l’enseignement de la Secte, il ne remit jamais
en cause ses buts et méthodes et en devint même l’un des par-
tisans les plus véhéments. C’est pourquoi il fut invité à réflé-
chir au moyen d’infiltrer le Qin à son plus haut niveau, car le
Royaume légiste semblait capable de déjouer toutes les mani-
gances de la Secte sur son sol… Lai Fu entrevit rapidement
une solution simple : plutôt que de chercher à placer des
espions parmi les fonctionnaires ou courtisans, le mieux était
Lai Fu
son épouse Wu Ji, encore jeune, était dotée d’un appétit « Les hommes sont comme les rats, le produit de leur posi-
sexuel insatiable et ses frasques faisaient plus que jaser à tion sociale. J’en ai assez d’être un rat de latrines, je veux
la cour… Craignant, en tant qu’ancien amant, de se retrou- devenir un rat de grenier maître en son domaine ! »
ver mêlé à ces rumeurs malveillantes qui ne manqueraient Confiant ses maigres économies à sa famille, Li
pas d’attiser la fureur du Roi, Lu Buwei décida d’offrir Lao Si partit alors pour le Zhao étudier sous l’égide d’un shifu
Ai à la Reine-mère. Car le jeune homme était réputé pour renommé : Xun Zi, le père du légisme philosophique.
sa libido déchaînée et surtout pour son sexe particulière- C’est chez lui qu’il rencontra celui qui allait devenir
ment grand : d’après la légende, il pouvait porter une roue d’abord son camarade le plus fidèle puis son rival le plus
de chariot en le passant dans l’essieu ! Afin cependant de craint : Han Fei Zi, le lettré bègue. Lorsqu’il eut terminé
ne pas attirer les soupçons, Lao Ai fut accusé d’un crime de suivre la voie de Xun Zi, Li Si décida de se rendre au
imaginaire et condamnée à la castration ; quelques pots- Qin : il avait entendu dire qu’en ce pays, les hommes qui
de-vin au bourreau lui assurèrent de conserver ses attributs accomplissaient leur travail étaient reconnus à leur juste
et il put être placé auprès de la Reine-mère en tant qu’eu- valeur. Par chance, il fut très tôt remarqué par Lu Buwei
nuque – et afin de parfaire l’illusion, il se rase régulière- qui en fit son protégé et lui permit de rapidement gravir les
ment barbe et sourcils. échelons du pouvoir à la cour. Au point que Li Si se vit
Toutefois l’amour vint rapidement compliquer nommer ministre de la Justice, un poste particulièrement
l’équation. Lu Buwei n’avait pas prévu que le faux important dans le Royaume légiste !
eunuque et la Reine-mère seraient ainsi bénis par Chang- À la cour, les théories politiques qu’il avait mises
E, ni surtout qu’ils auraient ensemble deux fils. Si au début au point avec Han Fei Zi eurent l’honneur de plaire au
Lao Ai se satisfaisait de son sort, ses ambitions s’affutèrent jeune Roi qui accorda de plus en plus d’importance à l’avis
ayant appris de la bouche du prince félon Cheng Jiao une de Li Si au détriment de Lu Buwei. En conséquence de
vérité possible sur les origines de Ying Zheng. Depuis le quoi le ministre des Lois s’éloigna peu à peu de son mentor
faux eunuque, avec la complicité de son aimée, projette de afin de voler de ses propres ailes et de ne pas être entraîné
faire monter sur le trône l’un de ses propres fils, tout aussi dans une chute qu’il pressent inéluctable. Mais en entrant
légitimes à ses yeux que le bâtard de Lu Buwei… dans l’intimité de son souverain, Li Si put constater que
Renommée : 100 l’obsession du contrôle de celui-ci ne concernait pas que le
peuple et les lois, mais également sa propre mortalité :
Ying Zheng craint la mort et souhaite vivre éternellement,
Li Si et il pense pouvoir y arriver par l’intermédiaire du Tiàn
Xia. Ce grand projet, Li Si s’est promis d’aider son Roi à
le mener à bien, car il s’agirait alors pour lui d’une consé-
À la cour, rares sont ceux qui ne le pressentent pas : cration de ses théories légistes. Toutefois, parallèlement à
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avec la disgrâce de Lu Buwei et la futur cérémonie du bonnet cela, il a commencé à s’initier à la magie afin de peut-être
viril de Ying Zheng, Li Si est sans doute le prochain homme apporter au Roi une compétence dont celui-ci semble avoir
fort du Qin. Bien que cela déplaise à beaucoup, il est difficile désespérément besoin. Las, le ministre est bien trop prag-
de nier l’intelligence, la rigueur et la loyauté de ce jeune matique et n’est guère qu’un fangshi médiocre ; mais
ministre, qui malgré sa petite quarantaine rivalise de subtilité inlassablement il envoie ses agents quérir de rares
avec les plus vieux renards de la cour. ouvrages taoïstes pour accroître ses connaissances.
Le ministre de la justice et des noms n’est pour- Au Qin, Li Si est un personnage incontournable.
tant pas originaire du Qin. Ayant débuté sa vie profes- Depuis le semi-retrait de Lu Buwei, il exerce de fait les
sionnelle comme fonctionnaire au Chu, Li Si s’y ennuya fonctions d’un Premier ministre et le contrôle qu’il exerce
rapidement. En effet, jamais ses supérieurs ne reconnu- sur le Censorat fait de lui l’homme le plus dangereux du
rent sa valeur et il végétait en tant que scribe dans une Royaume. Actuellement, le sévère Li Si ne craint qu’une
insignifiante petite capitale de district. Son bureau était chose : que son rival Han Fei Zi, qui a la faveur du Roi, ne
un réduit inconfortable, glacé par de nombreux courants prenne un jour sa place… Mais le ministre de la Justice a
d’air lorsque l’hiver faisait souffler le vent du Nord. l’habitude d’écarter les obstacles de sa route…
Même son matériel d’écriture était médiocre, ne rendant Renommée : 175
pas honneur à ses talents de calligraphe pourtant unani-
mement reconnus pendant ses études. Devant nourrir sa
femme et son fils Li Hie, il accomplissait chaque jour Qiu Chan
son travail mais le dégoût de ce qu’il voyait autour de lui
le minait toujours un peu plus : les fonctionnaires
étaient corrompus, les escrimeurs jouissaient de passe- La cinquantaine bien passée, Qiu Chan reste un
droits inacceptables, la loi était partout bafouée et le Roi homme alerte aux gestes précis et au regard perçant : deux
ne semblait même pas s’en formaliser. D’un esprit qualités indispensables dans sa fonction de médecin royal.
ordonné, Li Si trouvait tout cela intolérable dans un Jouissant d’un statut privilégié, Qiu Chan est en effet le
Royaume se voulant moderne et puissant. seul praticien autorisé à exercer sa science sur la personne
Un soir, alors qu’il faisait une tournée d’inspec- infiniment précieuse du Roi du Qin : c’est à la fois un hon-
tion dans un grenier à riz, il tomba sur un énorme rat qui, neur sans pareil et une source d’angoisse quasi-perma-
loin de s’effrayer, attaqua l’humain qui troublait ainsi sa nente. En effet, garant de la bonne santé du souverain, le
tranquillité. Battant en retraite, Li Si eut cette pensée guérisseur est la première personne à blâmer lorsque celui-
amère qui le décida à partir à la rencontre de son destin : ci tombe malade ou voit ses forces décliner. Autant dire
son dévolu sur un étudiant dont elle pressentait le destin Aujourd’hui, à quarante ans, il dirige les bourreaux
prometteur : manipulant habilement son monde, elle de la capitale. Et il excelle dans cette fonction désormais
obtint l’autorisation de l’épouser. Le don qu’elle possède essentiellement administrative. Mais parfois, il ne dédaigne
de juger du potentiel des gens se manifestait pour la pre- pas confronter encore son intelligence à celle des criminels.
mière fois et ne la trahit jamais depuis : son mari, travail- Tu Er Po considère les choses simplement : il faut faire ce
leur très zélé, fut remarqué malgré sa discrétion naturelle qui doit être fait. Honnêtement et correctement.
et obtint au fur et à mesure de sa carrière des postes de plus Il a récemment entendu diverses rumeurs mettant
en plus prestigieux. Sa dernière mutation fit de lui le haut- en doute l’intégrité du service des prisons. Des passe-
conseiller du ministre de l’Etat. droits voire des libérations non autorisées auraient eu lieu.
Song Yin avait enfin ce dont elle rêvait : une vie de Pragmatiquement, Tu Er Po décida d’enquêter discrète-
faste et de luxe à la cour du Royaume. Epouse d’un dignitaire ment. Pour le moment, il rassemble des faits et les analyse
important, elle avait tout à fait sa place dans les grandes avant d’en tirer des conclusions.
réceptions et les banquets donnés par les hauts-fonction- On ne connaît à ce fonctionnaire intègre que deux
naires du gouvernement. C’est là qu’elle décida d’assurer défauts. Sous un aspect irréprochable, il fréquente pourtant
encore plus solidement son avenir. En effet, son mari étant de le soir les tripots de jeu où une fois encore son don lui per-
santé fragile et se tuant à la tâche, elle savait devenir veuve met de gagner plus qu’il ne perd. Enfin, bien qu’il paraisse
d’ici peu de temps. Encore jeune, elle ne souhaitait pas que toujours impassible, il lui arrive de passer ses nerfs sur son
la disparition de son époux la rejette dans les ombres ; aussi assistant Pa Tafai, le plus souvent verbalement.
entreprit-elle de tisser un réseau de relations et d’influence en Renommée : 50
utilisant sa meilleure arme : son corps. D’une grande beauté,
Song Yin était également une experte dans les sciences de
l’amour. Aussi quand son mari décéda de surmenage, elle ne Wu Ji
perdit en rien son statut et put continuer à évoluer à la cour,
consolidant sa position en offrant ou refusant ses charmes.
Voyant en Ying Zheng un être à la destinée excep- L’histoire de la Reine-mère du Qin est désormais
tionnelle, elle fit tout pour se rapprocher du Roi au point de connue de tous à Xianyang et au-delà même des frontières
devenir son initiatrice dans l’art de la chambre à coucher, du Qin. Courtisane, danseuse puis concubine du puissant
alors que le jeune homme n’avait que quinze ans. Depuis Lu Buwei qui l’offrit comme présent à Zichu, alors futur
cette époque, le monarque lui porte une réelle affection Roi du Qin, et désormais mère de l’héritier du trône : ces
même s’il préfère désormais ses innombrables et jeunes faits largement embellis par la rumeur sont presque deve-
courtisanes. Car Song Yin a vieilli ; à l’aube de la cinquan- nus une légende, un conte que les courtisanes du quartier
taine elle reste très belle et d’une prestance inégalée mais son des plaisirs murmurent, pleines d’espoir…
43
corps n’est sans doute plus à même d’assurer son statut à la Une réalité plus sordide se dissimule derrière tout
cour. Qu’importe : amie proche du Roi, elle se sait à l’abri ceci. La vérité est que Wu Ji fut dès son plus jeune âge une
pour le restant de ses jours et compte bien profiter au maxi- manipulatrice hors-pair : vendue comme prostituée à même
mum de tous les plaisirs que la vie a encore à lui offrir. pas quatorze ans, elle n’eut guère le choix pour s’en sortir.
Renommée : 105 Ainsi, ayant réussi à attirer l’attention du marchand Lu Buwei,
elle se crut arrivée au sommet quand elle entrevit un avenir
encore plus glorieux pour elle en la personne de Zichu : un
Tu Er Po futur Roi, qui saurait faire d’elle une souveraine ! S’arrangeant
pour se faire remarquer du jeune prince, elle parvint aisément à
le prendre dans ses filets et à s’en faire épouser après que Lu
Les malheureux retenus dans les geôles de Xianyang Buwei, au départ réticent, ne donne son accord.
ont appris à reconnaître la haute silhouette de Tu Er Po, le chef Après que Zichu soit reparti au Qin prendre sa place
des bourreaux du Roi. Curieux destin que le sien… d’héritier, Wu Ji et son fils restèrent quelque temps encore à
Plus jeune, il étudia les mathématiques à l’université Handan, jusqu’à ce que la colère du peuple les en chasse.
de Linzi puis fut recruté comme professeur à Xianyang. Mais Arrivée au Qin, Wu Ji ne resta pas reine bien longtemps :
des querelles intestines au sein de l’établissement, auxquelles son mari mourut rapidement et son jeune fils, dont elle ne
il était totalement étranger, le laissèrent sans poste. Démuni, s’était jamais réellement occupé, devenait alors un Roi sous
sans plus d’avenir au Qin, il envisageait de quitter la cité pour tutelle de Lu Buwei. Qu’importe : la position de Reine-mère
une destination plus clémente. était encore plus intéressante que celle de souveraine, les
Mais, suite à un concours de circonstances, il aida avantages sans les responsabilités. Mais Wu Ji était encore
à élucider une affaire criminelle compliquée grâce à son jeune et ses appétits sexuels étaient bien connus alimentant
remarquable esprit d’analyse. Il fut donc nommé, à vingt et les ragots de la capitale. Afin de calmer les ardeur de son
un ans, premier assistant du magistrat. Mais là encore, la ancienne amante et d’empêcher que sa réputation de légèreté
jalousie fit qu’il perdit rapidement ce poste. Une mutation le ne porte préjudice au futur Roi, Lu Buwei décida de lui four-
conduisit finalement aux salles d’interrogatoire de la prison. nir un « étalon », un individu réputé pour ses attributs et son
Prenant les choses comme elles viennent, Tu Er endurance au lit. Le dénommé Lao Ai, membre de la suite du
Po se plongea dans sa nouvelle fonction avec son zèle cou- régent, fut ainsi jugé pour un crime imaginaire et condamné
tumier. Ses capacités d’analyse doublées d’une bonne dose à la castration à laquelle il échappa grâce aux manigances de
de psychologie lui permirent d’obtenir d’excellents résul- son mentor. Envoyé au palais de Wu Ji, il put alors se consa-
tats. Et de nouveau, il se mit à gravir les échelons. crer à la satisfaire pleinement.
Yuan Ying
Ce jeune ambassadeur du Yan est en poste à
Xianyang depuis deux mois. Il reste pour le moment dis-
cret, prenant ses marques. Fonctionnaire efficace, sa pre- La vérité sur les origines de
mière action consista à délivrer le message d’amitié du
Roi, père du prince Dan, à Ying Zheng. Et à rencontrer Ying Zheng
l’ambassadeur du Zhao, son principal adversaire.
Yuan Ying est né à Dai et a connu dans sa jeu- Dans la culture populaire chinoise, il
nesse l’occupation cruelle de sa ville par les troupes du semble entendu que Qin Shi Huang Di était en fait
Royaume du Cheval. La cité fut reprise par le Yan, mais il un bâtard n’ayant pas une goutte de sang royal
y avait vu mourir une bonne partie de sa famille et de ses dans les veines. Toutefois, la réalité s’avère légè-
amis. Peu doué pour les armes, c’est dans la diplomatie rement plus nuancée et à l’heure actuelle, il est
qu’il souhaita servir son pays. Et ainsi poursuivre à sa encore bien difficile de déterminer qui fut le vrai
manière cette guerre. père du futur Premier Empereur de Chine…
Yuan Ying semble toujours calme et maître de lui.
Il parle d’une voix douce et possède une intelligence C’est un fait que sa mère, alors concu-
remarquable. Son éloquence lui suffit souvent à l’emporter bine du marchand, fut offerte en mariage au prince
sur ses adversaires. Mais sous cette apparence sereine, il Zichu qui en était tombé amoureux. Et que neuf
cache une haine farouche de ses anciens oppresseurs. Et de mois plus tard naquit un fils baptisé Ying Zheng.
l’un d’eux en particulier : Jiu Lao. L’actuel ambassadeur Etrangement à ce moment, personne n’émit l’hy-
du Zhao fut autrefois général dans l’armée de son pays. Et pothèse que cet enfant ait pu ne pas être issu du
pendant un an, il occupa la fonction de gouverneur mili- sang de Zichu, ce qui tendrait à prouver qu’il était
taire de la ville occupée de Dai. Le « Bourreau de Dai » bien un descendant de la lignée royale.
était alors son surnom...
Yuan Ying n’a rien oublié, et encore moins par- C’est Sima Qian, le grand historien des
donné. En public, il se contient et sait faire bonne figure en Han, qui sema le doute et se basa sur des calom-
toute circonstance. Mais en privé, il explose parfois dans nies plus tardives (sans doute émises lorsque le
de terribles rages qu’il ne calme qu’à l’aide de drogues pouvoir des Qin était fortement contesté par les
lettrés) qui faisaient de Lu Buwei le père véritable
qu’il achète lui-même, incognito, dans le quartier des plai-
de l’enfant. Ce qui reste une théorie valable mais 45
sirs de la capitale.
Diplomatiquement, il souhaite détruire l’in- on sait que Sima Qian n’était guère objectif, pas
fluence de Jiu Lao et du Zhao, l’isoler, le discréditer et plus que tous les érudits confucéens de la dynastie
anéantir tous ses efforts de conciliation avec le Qin. Il Han et des suivantes : pour eux, Qin Shi Huang
soupçonne que son rival cherche à gagner du temps alors Di était coupable du grand incendie des livres, et
que les armées du Zhao s’amassent aux frontières du Yan. ils n’eurent de cesse de dévaluer les mérites de la
Son talent diplomatique pourrait y suffire si sa haine lui en dynastie Qin dans leurs annales historiques. Il y a
laisse le temps. Après tout, ne soupçonne-t-il pas qu’un fort à parier que faire de l’Empereur honni le
assassin de l’organisation des Clochetes tressées fait partie bâtard d’un marchand (profession particulière-
du personnel de son ambassade ? ment méprisée par les confucéens) était pour eux
Renommée : 95 un moyen parmi d’autres de fustiger les Qin.
46 Zhao Gao
Actuellement particulièrement bien placé dans la
hiérarchie des eunuques, Zhao Gao faillit pourtant terminer
sa vie dans la honte et la souffrance à cause de sa cupidité.
Zhao Gao n’est d’ailleurs pas réellement un
eunuque : il est une curiosité (certains diraient une erreur)
de la nature. En effet, né avec une déficience sexuelle, il ne
fit jamais sa puberté et devint une anomalie : un homme
sans virilité, stérile, presque totalement semblable à un
eunuque. Cette malédiction, il en fit une chance : il put
entrer au service de la Cité royale sans en passer par une
opération de castration risquée. Bien sûr, le médecin royal
lui-même dut l’examiner pour attester de sa condition de
quasi-eunuque afin qu’il puisse pleinement prendre sa
place parmi les serviteurs du Roi.
Zhao Gao ne mit pas longtemps à se faire remar-
quer à la cour. Faisant pleinement partie de la corporation
des eunuques mais sans partager avec eux certains «
inconvénients » de leur condition (dus le plus souvent aux
effets secondaires de la castration) et présentant un phy-
sique moins dérangeant, il devint l’interlocuteur privilégié
des courtisans et hauts-fonctionnaires. Sachant profiter de
son statut ambigu pour mettre à l’aise ses vis-à-vis, il en
profita pour se créer un réseau de relation dense et étendu
et put asseoir son influence parmi sa caste au point de deve-
nir incontournable en son sein. Nombreux sont ceux qui le
voyaient déjà devenir chef des eunuques avant même ses
trente ans. Mais hélas, l’ambition et la soif de richesse de
Zhao Gao faillirent le perdre : profitant de sa position, il
Zhan détourna des sommes colossales à son profit et finit par
voir ses manigances découvertes. Arrêté et jugé, le juriste Construit selon un schéma concentrique, le centre
Meng Yi le condamna à mort. Ainsi semblait devoir du quartier lui-même est occupé par le palais du gouverneur.
s’achever le destin de Zhao Gao… Hormis le Palais Jique et les imposantes résidences des
Mais il eut de la chance : ses nombreux alliés à la ministres au sein de la Cité royale, ce palais est le bâtiment le
cour firent pression sur le Roi et celui-ci accepta de l’amnis- plus majestueux de toute la ville, dépassant en splendeur et
tier et de le reconduire dans ses anciennes fonctions, mais en importance même les luxueux manoirs du quartier noble.
sous haute surveillance comptable. Zhao Gao décida de faire Occupant un secteur entier à lui seul, il est bâti autour d’un
profil bas durant quelques années, le temps que cette affaire parc verdoyant dans lequel les divers hauts-fonctionnaires
soit oubliée, avant de reprendre son irrésistible ascension peuvent flâner à leurs heures perdues. De nombreux
vers les sommets de la hiérarchie des eunuques. pavillons de marbre blanc encerclent ce vaste jardin, tous
Depuis son procès, Zhao Gao voue une haine inextinguible reliés entre eux par divers passages, tunnels ou escaliers.
à la famille Meng et a juré de se venger un jour. L’ensemble forme une sorte de labyrinthe tant physique
Qu’importe si cela doit prendre des années ou des décen- qu’administratif et seuls les bureaucrates les plus aguerris
nies, mais son juge et tous les siens paieront pour son retrouvent leur chemin du premier coup sans se perdre dans
humiliation… les innombrables couloirs et annexes de ce palais.
Renommée : 95 Tout autour du palais du gouverneur, le deuxième
cercle du quartier est composé de tous les bâtiments admi-
Dao, Wang Jian et Wang Ben vivent également à nistratifs officiels. S’y trouvent donc d’importants édifices
la Cité royale. Leurs descriptions et caractéristiques se publics comme le Centre des Impôts, le Bureau des
trouvent dans l’Art de la Guerre, p. 43 et suivantes. Aménagements urbains, l’Office de Régulation des
Transactions commerciales ou encore l’Agence de
Prévention des Inondations. Tous ces centres bureaucra-
tiques sont dirigés par divers hauts-fonctionnaires sou-
cieux de préserver les intérêts de leur service, qui poussent
leurs subordonnés à se surpasser sans cesse afin de s’attirer
les bonnes grâces du gouverneur. Entre tous les bâtiments,
Le quartier de nombreuses petites esplanades permettent à des restau-
rateurs ambulants de venir proposer leurs menus aux fonc-
tionnaires surchargés de travail. Des bancs en bois y
offrent un repos bienvenu lorsque vient le moment de faire
administratif une pause, et c’est bien souvent au milieu de ces places que
se nouent et se dénouent les fils de nombreuses intrigues…
47
Enfin le dernier cercle du quartier comprend tous
les secteurs adossés aux murs le séparant des autres parties
Véritable cœur bureaucratique de la ville, c’est au de la cité. Les logements de fonction de quelques fonction-
sein du quartier administratif que sont prises les grandes naires privilégies y côtoient des auberges de bonne qualité,
décisions affectant la vie des habitants de tout Xianyang. quelques immeubles d’habitations abritent les plus jeunes
Essentiellement peuplé de fonctionnaires travail- assistants encore peu payés, divers restaurants à la réputa-
lant dans les innombrables bâtiments officiels, sa beauté tion flatteuse offrent une nourriture raffinée. Ces secteurs
architecturale en fait un lieu de promenade privilégié pour sont relativement hétéroclites et semblent parfois ne pas
les badauds et les flâneurs. Le contraste ainsi formé entre appartenir au quartier tant le rythme de vie y est différent :
les fonctionnaires toujours pressés et les promeneurs oisifs après une dure journée de labeur, les bureaucrates ont sou-
n’est pas la moindre des originalités de ce quartier. vent besoin de se divertir et les tavernes locales ne ferment
Vue d’ensemble
que rarement la nuit…
Fonctionnement
Le quartier administratif occupe le centre de
Xianyang. Il est ainsi à la croisée de toutes les grandes ave- Gouverneur et magistrat
nues de la ville, véritable cœur de la capitale régulant son
fonctionnement jusque dans ses moindres détails.
Du point de vue architectural, tout le quartier est Le statut du gouverneur de Xianyang est des plus
constitué de vastes et hauts bâtiments de pierre blanche. ambigus. Normalement son rôle est celui d’administrateur
Lorsque le soleil est au zénith, sa lumière inonde les rues et de toute la commanderie, comprenant donc tous les dis-
enchante le regard des promeneurs. De nombreuses rues rec- tricts environnants ainsi que la ville elle-même (dont
tilignes découpent les secteurs et assurent une circulation chaque quartier est de fait considéré comme un district de
fluide et sécurisée entre les diverses administrations. Le tout plein-droit). Mais du fait de l’importance de sa position,
est agréablement égayé par des parcs et étangs soigneuse- Chao Guang détient un pouvoir considérable qui va bien
ment entretenus et il émane du quartier administratif une au-delà de celui du gouverneur civil de n’importe quelle
ambiance d’ordre et de calme presque surnaturelle… autre commanderie du Royaume. Et à cette position
Lieux d’importance
La guerre des fonctionnaires
Pour le passant émerveillé, le quartier administra-
tif est un modèle de paix, une cité idéalement régulée au
sein de laquelle le parfait fonctionnement des rouages Le palais du gouverneur
bureaucratiques se fait l’écho d’une architecture harmo-
nieuse et grandiose. Un tel individu ne manquera pas de
penser qu’ici, rien de mal ne peut arriver car tous travail- Ayant acquis depuis bien longtemps le surnom de
lent à faire en sorte que règne la concorde… Cœur et Âme de Xianyang, le palais qui domine tout le
Comme il se tromperait ! En effet, le quartier centre du quartier est le bâtiment le plus impressionnant de
administratif est peut-être l’un des champs de bataille les toute la ville hors Cité royale. Siège du réel pouvoir admi-
plus meurtriers de tout le Zhongguo, un lieu dans lequel nistrant la ville, ce palais est à l’image de celle-ci : frag-
tous les coups semblent permis et la cruauté sans limite. menté afin d’être mieux géré. Autour du Grand Parc aux
Car la rude compétition qui oppose les différents services Ancêtres bienveillants, ainsi nommé car s’y trouve une
officiels de la ville pousse les nombreux fonctionnaires à petite nécropole abritant les tombeaux de tous les anciens
se réunir en factions et cabales afin de mener leurs objec- gouverneurs, un vaste dédale composé de nombreux
tifs à bien en mettant le plus de bâtons possible dans les pavillons constitue le palais proprement dit.
roues de leurs rivaux.
Le budget de la ville étant fixe, le seul moyen Le plus luxueux de ces pavillons abrite les appar-
pour le gouverneur de déterminer le montant alloué à tements du gouverneur. Véritable petit manoir dont le
chaque service est de comparer leurs mérites respectifs. confort n’a rien à envier aux plus belles des demeures du
Plus une administration s’avère efficace et économe, plus quartier noble, ce bâtiment donne directement sur le parc
ses dirigeants seront promus et la somme qui leur sera et est relié par divers tunnels ou passages à tous les autres
dévolue, élevée. L’enjeu est donc de taille et justifie que se pavillons du palais. Ainsi, le gouverneur est libre d’aller et
livre une véritable guerre silencieuse dans les allées som- venir à sa guise entre les différents services selon les
bres des diverses administrations. Poussés à se surpasser, nécessités de sa fonction.
À peine moins luxueux est le manoir du magis- Mais derrière cette apparence se cache une réalité
trat, situé à l’opposé des appartements du gouverneur. Il bien plus sinistre… La Taverne des Dix Mille Fumets n’est
abrite également le logis de Bei Wang Lu et divers bureaux autre que le relais local de la Secte des Cinq Venins. Chin
où des fonctionnaires désœuvrés sont payés à ne rien faire Zuong, malgré son air bonhomme et son embonpoint, est
tant l’autorité et les prérogatives du magistrat sont vampi- un tueur redoutable et un espion de grand talent. Toutes ses
risées par le gouverneur. Toutefois ces bureaucrates ne se serveuses, bien qu’ignorantes de son identité réelle, sont
plaignent pas : ici ils sont à l’abri de la lutte acharnée qui encouragées à bien ouvrir les oreilles lorsqu’elles badinent
se livre à l’extérieur des murs du palais. avec les clients. Car le rôle de la taverne est de récolter
Enfin, attenante au palais sans en faire totalement toutes les informations qui permettront alors à la Secte de
parti se trouve la caserne centrale de la garnison de proposer ses services à l’un ou l’autre de ces fonction- 49
Xianyang. Véritable petite forteresse dotée de solides naires assoiffés de réussite sociale… La guerre feutrée que
murailles, elle est actuellement dirigée par le colonel Lua Ji- se livrent les administrations de la ville est ainsi une
ken, seul soldat auquel le général Wang Jian fasse assez aubaine pour la Secte, qui a là un vaste réservoir de clients
confiance pour lui déléguer une aussi lourde responsabilité. potentiels et c’est alors à Chin Zuong de décider avec qui
En effet, Lua Ji-ken ne dirige pas uniquement la garnison du il est possible de conclure une affaire. Grâce à ses nom-
quartier mais celle de toute la cité ; depuis que Wang Jian se breux fournisseurs, le tavernier peut aisément envoyer et
consacre exclusivement à la garde royale, le colonel est de recevoir des messages codés et parmi les quelques cham-
fait le gouverneur militaire en titre de Xianyang. Bien que bres qu’il loue, une est réservée aux assassins envoyés par
tranquille, le quartier administratif est fréquemment la Secte pour remplir les contrats.
Personnalités
patrouillé par des soldats afin de montrer la corrélation entre
la paix des lieux et la présence d’une force militaire bienveil-
lante : une démonstration toute légiste.
Le quartier ouvrier d’esplanades, aucun parc boisé, uniquement des rues droites
et des constructions destinées à accueillir le plus d’habitants
possible, parfois au mépris de leur sécurité et des conven-
tions architecturales du Qin.
Au contraire les secteurs nord sont habités par des
Probablement le quartier le plus peuplé et hétéro- serviteurs, des ouvriers travaillant en ville ou même par-
clite de Xianyang, y habite une large population constituée fois de petits fonctionnaires. Les demeures, quoique tou-
de travailleurs, petits commerçants, artisans modestes, jours modestes, y sont plus espacées, les rues plus larges,
fonctionnaires en début de carrière, etc. La mixité sociale quelques parcs agrémentent la vue et des places permettent
y est importante et toutes sortes de gens s’y croisent et aux colporteurs et restaurateurs ambulants de faire leur
cohabitent en bonne entente. Ce qui en fait sans doute le métier. C’est dans cette partie du quartier que se trouvent
52 quartier le plus chaleureux de toute la ville, malgré les commerces et les ateliers, les cabinets médicaux et les
quelques troubles inhérents. bureaux d’écrivains publics. De nombreuses auberges
Constitué principalement de nombreux secteurs accueillantes offrent au visiteur de passage de quoi se loger
d’habitation, le quartier ouvrier possède son content de pour quelque temps à un prix modique et dans un environ-
rues commerçantes et de places de marché animées. Mais nement agréable. Bien que ces secteurs nord ne soient pas
ce qui fait sa plus grande particularité est une intense vie aussi luxueux que le quartier bourgeois ou aussi fonction-
souterraine, dans des sous-sols et des catacombes, tolérée nels que les secteurs d’habitation du quartier administratif,
par les autorités mais pour combien de temps encore ? ils sont de plus en plus recherchés et la surpopulation endé-
Vue d’ensemble
mique du Sud menace désormais le Nord…
Fonctionnement
Le quartier ouvrier est situé au centre-sud de
Xianyang et il se trouve donc au bord de la rivière Wei Le magistrat
dont il n’est séparé que par les remparts et un petit port de
pêche.
Celui-ci, bien que techniquement à l’extérieur Lorsqu’il fut temps de nommer un nouveau
de la ville, est toutefois considéré comme un secteur du magistrat dans le quartier ouvrier, le gouverneur étudia
quartier à part entière, ce qui autorise le magistrat à pré- minutieusement les candidatures et les mit en balance avec
lever des taxes sur ses activités (en contrepartie de quoi la réalité concrète de la gestion de cette partie de la ville.
le port est protégé par la garnison). Les habitants de ce Celle-ci est en effet en apparence un havre de cohabitation
secteur portuaire vivent dans des cabanes en bois avan- sereine, mais sa mixité et sa surpopulation galopante en
çant sur la rivière, et sont en majorité propriétaires de font justement un lieu propice à faire naître tensions et
leurs petites embarcations leur permettant d’aller pécher troubles… Après avoir longuement réfléchi, Chao Guang
en rivière. Les cargaisons de poissons ramenées sur les choisit d’élever Ti Kong au poste de magistrat du quartier,
berges sont nettoyées et vidées par les épouses ou filles une décision qui fit scandale à l’époque.
de ces pêcheurs pour être vendues sur un marché juste à En effet, ce dernier n’était qu’un simple contre-
côté de la porte sud de la ville. En parallèle de ces acti- maître travaillant dans une filature de l’ouest de la ville,
vités, une bonne dizaine de barges font vivre les passeurs approchant la cinquantaine et ne sachant ni lire ni écrire !
Pei Gong lui-même, le recteur de l’université, appuya de grottes souterraines, de tunnels naturels ou creusés de main
tout son poids pour que soit annulée cette décision mais d’homme, de catacombes antiques et de bien d’autres mer-
l’influence du gouverneur lui permettait de diriger la ville veilles chtoniennes. Et dans une cité aussi peuplée, un tel
à sa guise. Et Chao Guang tenait à cette nomination : bien réservoir d’espace ne resta pas inoccupé bien longtemps…
qu’homme du peuple, Ti Kong était un esprit pragmatique C’est par le quartier ouvrier que commença la
ayant vécu presque toute sa vie dans le quartier. En colonisation de ces sous-sols. En effet, avec une popula-
connaissant la vie intime bien mieux qu’aucun fonction- tion en constante augmentation et des loyers en hausse
naire, il était le mieux placer pour gérer une partie de la depuis des années, bientôt les habitants les plus
ville au fonctionnement bien plus délicat que toutes les modestes ne purent plus se loger, chassés de chez eux
autres. Plusieurs entretiens entre les deux hommes entéri- par des propriétaires avides de louer à plus solvables. 53
nèrent le choix du gouverneur et le vieux contremaître prit Ayant un emploi mais pas de domicile, poussés au vaga-
sa retraite pour commencer une nouvelle carrière. bondage, ces pauvres hères durent se réfugier sous terre
Grâce à quelques précepteurs triés sur le volet, Ti pour échapper aux patrouilles et aux lois fort répressives
Kong prouva son intelligence en devenant un lettré aux du Qin à l’égard des errants. C’est ainsi que peu à peu
compétences fort respectables. Si certes il n’égala jamais toute la partie souterraine située sous le quartier ouvrier
les jeunes universitaires pétris de culture depuis leur nais- devint une ville sous la ville, où purent venir se loger,
sance, il pouvait de toute façon s’appuyer sur des assistants parfois temporairement et parfois à plus long terme, les
efficaces qui furent bien vite acquis à sa cause. Car depuis victimes de la surpopulation de Xianyang. Les vastes
cinq ans que Ti Kong est le magistrat du quartier, il a tou- cavités sont ainsi remplies de logements de fortune,
jours su parfaitement le gérer (et en tout cas bien mieux cabanes en bois branlantes ou simples tentes de tissu
que ses prédécesseurs). Sa familiarité avec les habitants, abritant des familles entières dans des conditions d’hy-
son mélange de fermeté paternaliste et de compréhension giène intolérables. En effet, l’humidité des lieux due à la
compatissante fait des merveilles et la poudrière que sont proximité de la rivière Wei favorise les infections et un
les secteurs sud n’a pas encore explosé uniquement grâce début d’épidémie commence à se répandre.
à lui. Finalement, le quartier ne faisant pas trop parler de Ti Kong est bien sûr au courant et pour le
lui en haut-lieu et les impôts étant payés en temps et en moment, il essaie de temporiser en attendant de trouver
heure, le scandale de la nomination de Ti Kong finit par une solution au problème immobilier qui frappe son quar-
retomber de lui-même et le vieux magistrat sait pouvoir tier. Il a ainsi entamé un laborieux bras de fer avec la
compter sur le soutien du gouverneur en cas de coup dur guilde bourgeoise dont font partie les spéculateurs qui ont
ou de crise impromptue. conduit à cette situation. Disposant de peu de moyens
légaux pour faire pression, il espère néanmoins faire inter-
venir le gouverneur et peut-être même le ministre des
Sous Xianyang… grands travaux en sa faveur et en celle de ses administrés.
Hélas, sa mansuétude n’est pas partagée par le comman-
dant Yam Ji-kue (Renommée : 40) qui dirige la garnison
Une ville telle que la capitale du Qin n’a pu se du quartier. Il a commencé à mener des rafles dans les
développer sans poser de solides fondations ou construire baraquements de fortune, embarquant les gens et brûlant
sur diverses ruines, reliquat des anciennes cités sur les- leurs logements insalubres. Il dit agir par mesure de santé
quelles elle fut bâtie. publique afin que l’épidémie ne se propage pas, mais tous
Ainsi, sous les pieds de ses habitants existe un ceux qui ont assisté à ces descentes ont pu constater à quel
sous-sol étendu et profond, constitué de vastes égouts, de point le commandant aime faire ce travail…
Lieux d’importance
lations immobilières menées par la guilde bourgeoise.
Plusieurs fois menacé anonymement, Min Huong
n’a cure de ces tentatives d’intimidation et ne s’en est ainsi
même pas ouvert au magistrat. Une inconséquence qui
pourrait bien lui coûter la vie…
Personnalités
Le centre du quartier
Le secteur situé au centre du quartier sépare les
secteurs sud, majoritairement pauvres et délabrés, des sec-
teurs nord, bien mieux lotis. Cette démarcation est symbo- An Chong
lisée par l’imposant bâtiment de la magistrature, presque
une forteresse dont la silhouette pesante domine tout le
quartier. Les raisons de ce choix architectural sont simples Ayant un peu plus d’une vingtaine d’année, An
: le quartier ouvrier étant par définition le lieu d’habitation Chong est un homme au visage juvénile et à l’aspect
54 de la majorité des classes pauvres à moyennes de la ville, androgyne que l’on voit souvent déambuler dans les rues
il fallait que le bâtiment figurant l’autorité légiste soit à de Xianyang. Les rumeurs les plus folles courent à son
même d’impressionner les esprits et de leur rappeler la sujet et les habitants de la ville ne savent généralement pas
toute-puissance de la loi au Qin. Actuellement, ce symbo- s’ils ont à faire à un fou, avec sa longue silhouette filiforme
lisme est grandement tempéré par la gestion plus humaine et son chang pao trop grand pour lui, ou à un sage. Comme
du magistrat Ti Kong. toujours la vérité se situe quelque part entre les deux.
Pour les mêmes raisons, la caserne locale est elle Ancien disciple d’un érudit du Qi, il accompagna
aussi un édifice haut et massif. Effrayant, correspondant son maître venu amener une missive à Xue Baio.
totalement à la cruauté mesurée du commandant Yam Ji- Malheureusement, le voyage fut mouvementé et son shifu
kue, les habitants du quartier font tout pour ne jamais y être n’arriva jamais au Qin. Chong, ne sachant réellement où
emmenés par les soldats de la garnison, fut-ce pour un sim- aller, décida d’honorer la mémoire de ce dernier en appor-
ple témoignage, tant les rumeurs sur les tortures et sévices tant la missive à son destinataire avant de lui demander de
qui y sont pratiqués ont marqué les esprits… bien vouloir compléter son éducation. Xue Baio déclina la
Ainsi la gestion du quartier est-elle devenue schi- proposition et mit le jeune homme à la porte. Celui-ci
zophrène, tiraillée entre la clémence relative du magistrat passa par une période très difficile à errer dans la rue, à la
et la brutale efficacité de l’officier local. Et bien que les recherche de quoi survivre.
deux hommes soient des légistes convaincus, ils n’ont réel- Complètement inadapté à ce genre de vie, le
lement pas la même façon d’appliquer cette philosophie jeune homme commença rapidement à délirer et son esprit
sur le terrain… partit se réfugier dans la seule chose qu’il connaissait : la
Brisant légèrement l’ambiance oppressante instaurée philosophie et les Cent écoles de pensées. Contre toute
par les bâtiments officielles, la grande esplanade qui s’étend attente, une partie de la faune des quartiers les moins hos-
entre eux abrite quasi quotidiennement un vaste marché, que pitaliers de Xianyang commença à le prendre en sympathie
certains décrivent comme le plus animé de Xianyang. et à le cacher de la garde pour qu’elle ne l’emporte comme
un vulgaire mendiant. Trop contents qu’on leur donne
enfin accès au savoir, certains commencèrent même à
Le bureau de Maître Min Huong écouter ses enseignements et à voir en lui une sorte de
guide spirituel.
Grâce à leur aide, depuis six mois, Chong a monté
Héritier d’une colossale fortune constituée en majo- sa propre école de pensée, basée sur la primauté de la liberté
rité de propriétés foncières hors de la ville, Min Huong sur la loi, sur la bienveillance inconditionnelle et la remise
(Renommée : 65) n’est pourtant pas de ces puissants qui en cause des dogmes et doctrines. Mais le jeune homme est
bien trop gentil, ou naïf, pour comprendre que tôt ou tard Mais Ju Lian Wei est un débrouillard. Sa maigre
son enseignement poussera ses élèves à se rebeller contre solde ne lui laissant guère l’espoir d’une retraite dorée, il a
l’autorité royale, et donc vers une mort certaine. su tirer parti de sa position. En effet, beaucoup de gens
Renommée : 20 sont prêts à monnayer un petit service, la protection ou le
silence d’un sergent... Mais Ju Lian Wei se montre assez
malin pour ne jamais menacer sa position par des actes
An Xia pouvant s’apparenter à de la trahison. Et si certains supé-
rieurs ont découvert son manège, ils ont fermé les yeux sur
des actes somme toute mineurs.
Xia est depuis quelques mois la femme d’ An Vieillissant, il se rend compte que sa carrière n’évo-
Chong et ce dernier, fidèle à lui-même, lui porte un amour lue plus. Il ne lui reste que quelques années de service et il
sincère et passionné. Jeune membre du Bureau des compte bien en profiter pour mettre de l’argent de côté.
Rumeurs, elle a reçu comme mission de se renseigner sur Il a été approché récemment par le Gai Bang et
le jeune philosophe et de déterminer s’il était relié dans d’autres groupes d’intérêt de la capitale. Contre une
l’ombre à une autre organisation. Elle commença donc son somme rondelette, une vérification de marchandises se fait
approche dans les quartiers considérés comme les bas- plus vite, la fouille d’un tripot moins intense, un contrôle
fonds de Xianyang et y rencontra son futur époux en train de sauf-conduit moins regardant. Dans sa section, six
de donner une leçon à une douzaine de pauvres hères. hommes participent à ses « affaires » ; les autres sont de
Réussissant à intégrer le groupe, Xia se trouva jeunes recrues dont il se méfie.
rapidement subjuguée par Chong et ne mit guère long- Ju Lian Wei reste très prudent mais il a trouvé une
temps à s’apercevoir qu’il ne s’agissait que d’un homme à autre astuce risquée pour arrondir ses fins de mois. Il se
la fois fabuleusement sage et affreusement naïf. Souhaitant sert de sa position pour transmettre à des prisonniers
avoir une excuse pour rester auprès de lui et pour le proté- objets, messages ou pour leur arranger des visites norma-
ger d’une probable rafle de la garde du Qin, Xia le fit pas- lement interdites. De plus en plus avide, le sergent se mon-
ser pour plus dangereux qu’il n’était et suggéra à ses supé- tre de moins en moins scrupuleux. Sa dernière action lui a
rieurs de la forcer à l’épouser afin de le contrôler au mieux. permis d’empocher un beau pactole. Un officier de la
Depuis, elle joue un double jeu à la limite de la milice des marchands de Handan avait été arrêté pour
schizophrénie en tentant de protéger à la fois son mari et son espionnage. Contacté par un émissaire de Sung Cho Kuan,
Royaume. Elle influence Chong et le rend plus vindicatif Ju Lian Wei a réussi à remplacer ce prisonnier par un autre
afin de pouvoir se servir de l’école pour attirer les esprits avant son exécution. Le milicien ne subit qu’une simple
dissidents ou subversifs, qu’elle s’empresse alors de faire bastonnade avant d’être relâché tandis que l’autre malheu-
arrêter discrètement. Elle espère ainsi sincèrement protéger reux était écartelé en place publique.
55
le Qin et donner au Bureau des Rumeurs suffisamment de Le sergent sait qu’il joue un jeu dangereux mais hautement
bonnes raisons pour ne pas faire éliminer son mari. rentable, et il continuera tant que cela sera le cas.
Pour l’instant, elle est prête à tout par amour, sou- Renommée : 25
haitant d’autant plus aider Chong qu’il est naïf et que nom-
breux sont ceux qui souhaitent profiter de sa popularité,
mais elle doit constamment faire attention à ne pas le ren- Shui Beng
dre trop gênant ni trop docile, si elle ne veut pas le voir dis-
paraître. Inversement, pour pouvoir continuer son petit
manège elle ne peut se permettre ni de réduire les arresta- Citoyen du Qin, Shui Beng fut d’abord soldat
tions ni de les multiplier. puis il rejoignit le jiang hu et sillonna le Zhongguo comme
Xia est loin d’être idiote mais pour l’instant elle mercenaire. Il y gagna des cicatrices, une bonne réputation
ne se rend pas encore bien compte qu’elle se dirige vers un et assez d’argent pour acheter une taverne à Xianyang. La
désastre, n’ayant toujours pas réussi à choisir entre amour cinquantaine, un léger embonpoint naissant enrobe son
et devoir, quitte à ce que cela coûte la vie à quelques élèves corps musculeux. L’estaminet qu’il tient dans le quartier
de son mari. ouvrier n’est pas le plus luxueux de la ville, mais Shui
Renommée : 15 Beng veille à sa propreté et à la bonne tenue des clients.
L’arbalète qu’il cache derrière son comptoir l’y aide.
De fait, sa taverne est connue comme un lieu
Ju Lian Wei d’accueil pour ceux du jiang hu et ses lois s’appliquent
également entre ces murs. Au cœur de la capitale du Qin,
cet endroit est ce qui ressemble le plus à une terre d’asile
Ce soldat du Qin a effectué toute sa carrière pour les wu xia et autres marginaux. On s’y rencontre, on
dans l’infanterie. Vétéran de nombreuses campagnes, il échange des informations, on recrute des compagnons, en
a participé à plus de batailles que beaucoup de géné- toute quiétude et devant une coupe de bon vin. Les
raux. Aujourd’hui, dans la garnison de Xianyang, il bagarres restent rares car tous respectent ce lieu et le tenan-
demeure simple sergent. Ni trop intelligent ni trop cier lui-même pourrait calmer la plupart des convives.
brave, il n’a jamais pu briguer un grade plus élevé. Le Aussi, « l’Île » comme on la nomme parfois voit
règlement militaire a longtemps suffi à gérer son quoti- passer tôt ou tard presque tous les électrons libres de la
dien et ses supérieurs louent l’efficacité de ce sous-offi- société. Étrangement, les agents du magistrat ne traînent
cier obéissant. pas autour du bâtiment. Ils n’en ont pas besoin car Shui
Vue d’ensemble
Ti Kong
Le magistrat Ti Kong est une anomalie au sein de
Xianyang : un simple travailleur élevé à une si haute
charge par la seule volonté du gouverneur. Contremaître Le quartier noble se situe au nord-est de
illettré, ayant dépassé la cinquantaine, nanti d’un physique Xianyang. Abritant la majorité des puissants du Qin, il est
de brute disgracieuse, personne ne misa une piècette sur la particulièrement fortifié : les portions des remparts de la
capacité du vieil homme à administrer un quartier aussi ville qui l’entourent sont parfaitement entretenues et les
tumultueux que le quartier ouvrier… murs qui séparent ce quartier du reste de la ville sont plus
Et pourtant, Chao Guang sut faire en sorte que son hauts et plus épais que la moyenne. Leurs portes sont de
protégé puisse avoir toutes les chances de son côté. Ti Kong
56 avait déjà l’immense qualité de connaître intimement la
bois massif renforcé de bronze et de fer, et closes la nuit
afin de préserver la tranquillité des habitants. Remparts,
population du quartier ouvrier, et d’en être respecté en tant murs et portes sont évidemment bien gardés, par des sol-
que notable local. Afin de le préparer à son poste, il suivit une dats compétents dont l’affectation au sein du quartier est
formation intensive aux mains de nombreux lettrés et le gou- souvent une promotion ou une récompense.
verneur l’entoura de fonctionnaires de confiance, compétents Presque tous les secteurs du quartier sont dédiés à
et dévoués. Assuré de l’appui total de son supérieur malgré l’habitation afin de loger les riches et influents hauts-fonc-
les hauts cris de hautes personnalités de l’administration, Ti tionnaires qui oeuvrent pour la plupart au sein des ministères
Kong put être intronisé en tant que magistrat. de la Cité royale, et parfois dans le quartier administratif.
Rapidement, son pragmatisme, son adhésion au Bien que nombre de ces puissants bureaucrates soient bien
légisme et son intelligence insoupçonnée lui gagnèrent la moins fortunés que les marchands ou artisans du quartier
loyauté de ses assistants et le respect de la population. Sa bourgeois, ceux-ci sont tacitement découragés de venir
gestion fut bien plus efficace que celle de ses prédéces- s’installer dans cette partie de la ville car les lettrés du gou-
seurs et il tente de régler au mieux les nombreux pro- vernement, de quelque faction qu’ils soient d’ailleurs, préfè-
blèmes qui ne manquent jamais de surgir dans le quartier rent vivre entre eux. C’est pourquoi le quartier porte tou-
ouvrier. C’est une rude tâche et Ti Kong regrette parfois jours le qualificatif de « noble » bien que plus aucun aris-
amèrement le temps où il était un simple ouvrier, quand la tocrate n’y habite : il reste un saint des saints inaccessible
vie était plus simple pour lui… Mais il se reprend bien vite au simple peuple, fût-il extrêmement riche.
en considérant la chance que représenta sa nomination Cependant il existe quelques secteurs, concentrés
pour sa famille : grâce à sa position, il a pu envoyer ses au sud-est, abritant des boutiques de luxe ou des ateliers de
petits-enfants à l’université, leur promettant un avenir première nécessité. Obtenir la gestion de ces magasins ou
radieux, et ses petites-filles se sont mariées parmi la caste ateliers est un grand honneur pour lequel la guilde bour-
des fonctionnaires. Ainsi son abnégation lui permet de geoise n’économise ni ses efforts ni son argent…
mettre les siens à l’abri du besoin et d’une vie ingrate De façon générale, le quartier est bâti selon un
comme celle qui fut la sienne durant sa jeunesse. axe nord-sud, avec comme démarcation la place centrale à
Toutefois le stress et les longues journées de tra- côté de laquelle se trouve les bureaux du magistrat : les
vail finiront tôt ou tard par réclamer leur du : Ti Kong palais les plus riches et extravagants sont situés dans le
s’affaiblit d’année en année et son corps usé par des décen- secteurs nord tandis qu’au sud se trouvent les manoirs et
nies de travaux pénibles ne pourra bientôt plus supporter demeures plus modestes.
une telle charge. Le vieux cœur du magistrat est certes Il n’est d’ailleurs pas exagéré de dire que presque
vaillant mais de plus en plus fragile… chaque palais du nord occupe un secteur à lui tout seul.
Renommée : 75 S’étalant sur de nombreux pavillons bâtis autour de parcs
luxueusement entretenus (plantes rares, animaux exo- où Dun Li tenta de faire son travail, les sanctions et aver-
tiques, étangs artificiels, etc.), ces vastes demeures permet- tissements ne tardèrent pas à tomber afin de le décourager
tent aux fonctionnaires les occupant d’afficher leur puis- d’aller mettre son nez dans ce qui ne le regarde pas…
sance et leur influence. Dans ces secteurs nord, les avenues Cantonné à un rôle de pure figuration administra-
sont larges et pavées, fréquemment patrouillées par des tive, Dun Li en conçoit une amère frustration… Lui qui
soldats d’élite et chaque palais s’abrite derrière un haut rêvait d’une carrière de poète ou de lettré se retrouve
mur censé protéger non seulement l’intimité mais aussi la contre son gré à devoir observer les factions du quartier se
sécurité de ses habitants… Un cours d’eau creusé de main livrer à une guerre qui ne dit pas son nom, sans pouvoir
d’homme serpente à travers les rues, surmonté ça et là par interférer. Impuissant, il a fini par se réfugier dans l’alcool,
divers ponts et offrant la possibilité de se déplacer en le jeu et les femmes au grand désespoir de son épouse… 57
bateau pour les hauts-fonctionnaires les plus maniérés.
Bien que moins ostentatoires, les demeures des sec- Les factions politiques
teurs sud restent largement au-dessus de la norme citadine.
De plus, cette partie du quartier est particulièrement agréable
car parsemée de divers jardins d’agrément et places pavées On pourrait croire que les hauts-fonctionnaires de
de pierres blanches. Ainsi, y flâner reste un plaisir pour ses Xianyang, tous recrutés pour leur intelligence et leur volonté
habitants, qui compense largement la moindre envergure de de servir le Qin, formeraient une caste unie et solidaire, dési-
leurs maisons (reflétant d’ailleurs souvent une position reuse d’œuvre pour la grandeur du Royaume légiste.
sociale moins élevée au sein du gouvernement…). Et bien sûr, il n’en est rien. Quand un tel pouvoir
Fonctionnement
doit se partager entre plusieurs hommes, l’ambition finit tou-
jours par faire son œuvre et diviser les gens. Et dans le quar-
tier noble comme ailleurs, les habitants se regroupent en
fonction d’objectifs partagés, d’affinité idéologique ou par-
fois simplement parce qu’ils ont un ennemi commun. Mais
ici, du fait de l’intelligence, de la culture et de la puissance
Le magistrat politique de ses protagonistes, la lutte d’influence prend des
allures de conflit ouvert entre factions opposées.
Dun Li est un homme encore jeune. Neveu éloi- Actuellement, la cabale la plus puissante, celle
gné du gouverneur, il fut nommé magistrat du quartier qui dispose de l’oreille du Roi, est surnommée la « Vieille
par obligation familiale. Non d’ailleurs qu’il ne soit pas Garde ». Cette appellation vient du fait que ceux qui la
compétent pour ce poste, mais le malheureux Dun Li composent sont des hauts-fonctionnaires issus de vieilles
n’eut guère le choix et son affectation ne fut finalement lignées du Qin, d’anciennes familles ayant toujours vécu à
que le résultat d’une lutte d’influence au sein de la lignée la cour et disposant de façon quasi héréditaire de nom-
de Chao Guang. breux postes essentiels au gouvernement. Leurs ancêtres
Dans un quartier tel que celui-ci, le rôle du magis- sont d’ailleurs sans nul doute ces vieux nobles que les
trat est très limité : la criminalité y est quasi totalement réformes de Shang Yang jetèrent hors des allées du pouvoir
absente et lorsqu’un problème survient, les habitants pré- mais qui surent, à l’inverse des seigneurs du jiang hu,
fèrent le régler entre eux afin que leurs manœuvres poli- s’adapter aux nouvelles réalités bureaucratiques du
tiques ne soient pas dévoilées au grand jour. Les rares fois Royaume.
Lieux d’importance
d’ardents et ambitieux fonctionnaires. Dans sa grande
majorité, cette cabale est composée de jeunes loups aux
dents longues, des lettrés issus de l’université de Xianyang
ou d’autres Royaumes et dont l’intelligence et la pugnacité
leur ont permis d’accaparer de nombreux postes influents
au sein du gouvernement (et ce même si la Vieille Garde
58 tente par tous les moyens de bloquer leur ascension). Le centre du quartier
Souhaitant faire souffler un vent nouveau sur le
Royaume, les membres de la Relève sont pour une grande
part des idéalistes, mais c’est leur pragmatisme politique leur Comme tout le reste du quartier noble, le bâti-
a permis d’en arriver là. Plutôt progressistes, ils voient dans ment qui abrite les bureaux du magistrat est particulière-
le légisme un système équitable permettant à chacun de ten- ment majestueux. Véritable palais, il abrite de nom-
ter sa chance et d’être honoré pour ses compétences réelles. breuses officines et cabinets de travail et met à disposi-
Pour eux, l’Unification de Tout ce qui Existe sous le Ciel est tion du magistrat des appartements luxueux. L’activité
un impératif majeur qu’il convient de réaliser au plus vite. qui règne dans l’édifice reste faible comparée à celle
Un Empire unifié, une seule loi pour tous, un seul souverain d’autres magistratures ; le quartier est tranquille et les
à servir : tel est leur ambition et leur vision de l’avenir. fonctionnaires se contentent d’un travail de routine qui
Cependant, la Relève n’est elle-même guère unie : leur sied parfaitement. Le magistrat est d’ailleurs rare-
deux courants majeurs y prennent place. D’une part, il y a ment présent et l’administration a parfaitement appris à
les fonctionnaires issus du Qin, ayant étudié dans leur se débrouiller sans lui.
Royaume et trouvant normal de pouvoir y faire carrière.
Les membres de ce courant, patronné par le recteur de La caserne de la garnison locale est assez
l’université Pei Gong, ont vu d’un mauvais œil de nom- remarquable par sa taille. Le corps principal du bâtiment
breux étrangers accaparer des sièges de ministres ou de est une puissante forteresse carrée, dont les hauts murs
hauts-conseillers grâce à l’influence et la volonté d’ouver- lourdement protégés entourent un immense parc par-
ture de Lu Buwei. D’autre part, on trouve les lettrés venus semé de nombreux pavillons tous plus grandioses les uns
d’autres Etats, « mercenaires politiques » qui voient dans que les autres. La raison de ce choix architectural répond
leur ascension sociale la preuve que le légisme est le meil- au besoin des habitants du quartier de pouvoir se regrou-
leur système de gouvernance possible. Le chef de file (par- per en sécurité en cas d’attaque de la ville : logés alors
fois bien malgré lui) de ce mouvement est le ministre Li Si, dans des appartements protégés par de puissantes
ancien protégé de Lu Buwei à la cour. murailles, ils seraient à l’abri des attaquants. Jusqu’à
Bien que ces deux courants soient en désaccord sur présent, ce dispositif n’a jamais servi car Xianyang ne
bien des points (dont la volonté des natifs de promulguer une fut jamais assiégée au cours de son histoire. Cependant
politique de préférence nationale dans le recrutement des les pavillons sont toujours entretenus même si le général
fonctionnaires du Qin), ils savent faire taire leurs différends Wan Chang (Renommée : 120) y voit un gâchis de res-
lorsqu’il s’agit de s’opposer à la main-mise de la Vieille sources et de temps.
Garde sur l’appareil gouvernemental du Royaume.
Personnalités
Gongji passa sa jeunesse à apprendre les arts qu’un homme
bien-né se doit de connaître : calligraphie, tir à l’arc,
escrime, poésie. Dans chacun de ces domaines, il excellait
et sa famille ainsi que ses serviteurs en vinrent à l’admirer
sans retenue. Sûr de lui, Gongji se rendit au palais des
59
Sacrés du Ciel à Juyang et demanda à devenir le disciple
de l’un d’eux. Devant tant d’arrogance, les Sacrés furent
amusé et voulurent corriger le jeune impertinent, mais le
Dun Li
vieux Coq à la Crête de Feu, qui n’avait jamais adoubé
Le magistrat du quartier noble est l’exemple aucun de ses disciples comme successeur, décida de le
même de l’individu sacrifié au nom d’une lutte d’influence prendre sous son aile et de le former.
au sein de sa lignée… Membre éloigné du clan Chao, son Au cours de son entraînement, l’ego de Gongji
père fit toujours tout son possible pour qu’il se trouve finit par en prendre un coup : doué il l’était certes mais
nommé à un poste important, espérant ainsi agrandir la son shifu le surpassait aisément alors qu’il avait l’âge
gloire de sa famille… La volonté de Dun Li n’entra bien d’être son grand-père ! Des hommes d’une autre trempe se
sûr jamais en ligne de compte dans les projets que faisaient seraient découragés, mais Gongji transforma son dépit en
ses parents pour lui. volonté et s’accrocha. Après plusieurs années, Coq à la
Envoyé à l’université, il s’y prit de passion pour Crête de Feu tomba malade, la vieillesse ayant fini par
la poésie et formula le souhait de devenir ainsi artiste, saper ses forces… Sur son lit de mort, il décerna à Gongji
allant sur les routes de ville en ville pour y répandre ses le titre de successeur qui lui donnait droit de prendre place
vers et y trouver mécène. Son père mit bien vite fin à ses parmi les douze Sacrés du Ciel. Avant d’expirer, il lui remit
illusions en obtenant enfin de Chao Guang sa nomination les Ergots de Bronze : une paire de crochets avec manches
comme magistrat du quartier noble. Le gouverneur faisait en ivoire sculpté, une arme ancestrale entérinant son nou-
ainsi taire son pénible cousin éloigné sans compromettre la veau statut. Mais Gongji ne sut se satisfaire de cette recon-
gestion de la ville car en vérité, n’importe qui semble pou- naissance : lui savait bien qu’il n’était pas à la hauteur,
voir administrer le quartier noble… Marié ensuite de force encore bien loin de la virtuosité dont son shifu faisait
à une petite-fille de ministre sans charme, Dun Li dut preuve avec tant de facilité. Afin de s’aguerrir et de se
s’installer dans un palais vaste et triste pour y exercer un montrer digne des espoirs de son maître, il partit arpenter
métier sans rapport avec ses aspirations secrètes. le jiang hu où il mena de nombreux duels, affinant sa tech-
Ne souhaitant cependant pas décevoir les siens, il nique et son éthique de chevalier. Après plusieurs années
décida de s’impliquer dans sa tâche afin (qui sait ?) d’y d’errance, il revint au Chu et prit la place qui lui revenait
trouver un peu de plaisir. Mais il comprit alors à quel point désormais de droit.
les factions politiques à qui le quartier sert de champ de Récemment nommé garde du corps de l’ambassa-
bataille étaient influentes. Chaque fois que Dun Li tenta deur du Chu à Xianyang, Gongji apprécie sa position. Se
d’enquêter sur une mort étrange ou une disparition malen- tenant toujours derrière son protégé, appuyant l’influence
60 Guizha
Petit homme au long nez et au regard faux, Guizha
ne paraît guère à sa place dans les allées du pouvoir du Qin.
Pourtant, ce qu’il vient offrir au Royaume légiste pourrait
faire considérablement progresser le grand projet Tiàn Xia :
Guizha est l’un des plus hauts dignitaires de la secte des
Disciples de Mo et il est venu à Xianyang avec rien moins
qu’une offre d’alliance dans ses bagages…
Guerrier médiocre mais très fin stratège et habile
parleur, Guizha sut se hisser rapidement sur les plus hautes
marches du pouvoir au sein de sa secte. Disposant d’une
certaine fortune personnelle, il a usé de son influence pour
occuper un siège parmi ceux des cinq patriarches et est
donc l’un des chefs des hommes de Mo. Au cours de cette
ascension, Guizha a compris qu’il y avait une chose qu’il
aimait finalement plus que l’idée d’un Zhongguo en paix :
le pouvoir. Après un rêve particulièrement grandiose au
cours duquel il put contempler un Empire unifié, protégé
des barbares par une muraille titanesque et au peuple dirigé
par un souverain sage et juste, il comprit comment conci-
lier ses ambitions avec les objectifs de la secte : une
alliance avec le Royaume le plus à même de conquérir tous
les autres et d’unifier tout ce qui se trouve sous le Ciel per-
mettrait, au prix d’une certaine souplesse vis-à-vis des
enseignements de Mo Zi, d’enfin atteindre la paix généra-
lisée à laquelle chaque membre de la secte aspire. Le cœur
gonflé de joie à cette idée, Guizha fut d’autant plus désap-
pointé quand le conseil des patriarches désavoua ses pro-
jets d’alliance avec le Qin. Mais la rumeur de sa proposi-
Gongji tion finit par se répandre dans la secte et un schisme com-
Zheng Guo
Originaire du Han, Zheng Guo cache en lui un
terrible secret : il est un agent de son Royaume envoyé au
Qin pour y semer la ruine et la banqueroute.
En effet, l’architecte est de ces ingénieurs que le
Han envoie dans les Royaumes ennemis pour qu’ils en
vident le trésor en les lançant dans des projets pharao-
niques autant que ruineux, et ce afin de les affaiblir écono-
miquement. Zheng Guo fut envoyé au Qin avec dans ses
malles un de ces projet : un canal gigantesque, qui en
62 reliant deux cours d’eau au Nord de Xianyang pourrait per-
mettre de tripler la production agricole du Royaume. Bien
sûr, un chantier d’une telle ampleur allait demander d’y
épuiser des centaines de milliers de forçats et de dépenser
l’argent sans compter… Mais la façon dont l’habile archi-
tecte présenta la chose au ministre des Grands Travaux
enthousiasma tellement celui-ci qu’il donna carte blanche
à Zheng Guo pour mener à bien ce projet titanesque.
Et les travaux débutèrent. Au début, Zheng Guo pen-
sait que le Royaume allait vite se retrouver à genou avant de
renoncer à bâtir ce canal. Mais le contraire se produisit :
même quand les éléments semblaient contraires, que les tra-
vaux semblaient voués à l’échec, que plus rien n’avançait, les
ingénieurs ne renonçaient pas et rivalisaient d’astuce pour
trouver des solutions. La manne de travailleurs ne tarissait
guère et peu à peu, un changement s’opéra en Zheng Guo…
Lui qui était venu aider à détruire le Qin, se rendit compte que
jour après jour, il en venait à l’admirer, à admirer ses fonction-
naires et leur dévouement, à admirer un système légiste per-
mettant même à un projet aussi fou de voir le jour. Alors il prit
une décision : même s’il devait y laisser la vie, il terminerait
ce canal afin que lui aussi participe à la grandeur de ce
Royaume qu’il considère désormais comme le sien.
Passant printemps, étés et automnes sur son chan-
tier, Zheng Guo ne vient se reposer dans son manoir de
Xianyang qu’en hiver. Il en profite pour faire un rapport
complet à son ministre et espère toujours que son identité
réelle n’a pas encore été découverte. Zheng Guo est prêt à
mourir s’il le faut, mais il refuse de visiter le Feng Du
avant d’avoir vu sa grande-œuvre achevée.
Renommée : 100
Zheng Guo
Lieu de savoir et de connaissances, le quartier Les autres secteurs sont très divers. Certains res-
universitaire regroupe en son sein les principales écoles et tent consacrés au savoir et il s’y trouve notamment des
académies du Qin qui, si elles ne sont pas les plus presti- bibliothèques thématiques ou des bâtiments accueillant des
gieuses du Zhongguo, possèdent tout de même une réputa- conférences et des groupes d’étude. Mais la grande majo-
tion d’excellence qui n’est pas surfaite. Universités, écoles rité sont des secteurs d’habitation. Modestes maisons ou
militaire, bibliothèques et salles de conférences parsèment immeubles séparées en chambrées permettent ainsi de
donc ce quartier prestigieux, dédié à la formation des loger les étudiants venus de loin. La plupart de ces loge-
futures élites du Royaume et des autres Etats. ments appartiennent à la ville mais la guilde bourgeoise en
Essentiellement peuplé d’étudiants venus de tous possède également un nombre croissant (et elle n’hésite
les horizons, le quartier universitaire abrite également tous pas à être coulante sur les loyers si les étudiants promet-
les fonctionnaires nécessaires à son bon fonctionnement tent, une fois devenus fonctionnaires, de ne pas oublier
ainsi que de nombreux voyageurs de passage du fait du cette générosité…). Sans surprise, les étudiants se regrou-
grand nombre d’auberges qui s’y trouvent. C’est donc une pent selon leurs origines et la répartition des secteurs d’ha-
partie de Xianyang des plus hétéroclites et sans doute la bitation reflète ce communautarisme (il existe ainsi un sec-
plus animée. teur du Qi, un secteur du Zhao, un secteur du Han, etc.) qui
Vue d’ensemble
ne va pas sans poser problème du fait des inimitiés entre
Royaumes parfois ici reproduites… Enfin, de nombreux
secteurs abritent restaurants et auberges, ainsi que les
magasins ou ateliers nécessaires à la vie du quartier.
Lieux d’importance
Pour les moins chanceux, il existe également un système de
mécénat : de riches citoyens patronnent un ou plusieurs étu-
diants qu’ils comptent embaucher à la fin de leur cursus. Ce
type de parrainage est découragé autant que faire se peut par
Chao Guang car les membres de la guilde bourgeoise s’en
servent en fait pour avoir un moyen de pression sur de futurs
fonctionnaires… Enfin pour tous les autres, il est toujours Le bureau du magistrat
possible de cumuler les études avec un travail permettant de
vivre décemment : scribe, assistant, écrivain public ou
même serveur sont autant de postes auxquels peuvent préten- Situé dans le secteur est, non loin de la porte de la
dre les étudiants désireux de ne pas abandonner leur forma- cité, la magistrature est un bâtiment relativement modeste,
tion par pauvreté. sans luxe ostensible et ne serait-ce le drapeau noir du Qin
qui flotte sur sa façade, il ressemblerait à n’importe quelle
annexe de l’université.
La vie nocturne Depuis qu’il occupe le poste de magistrat, Xin
Wing s’est dépensé sans compter pour faire du quartier
un modèle de fonctionnement légiste. Il a notamment
Le quartier administratif est l’un des rares au sein œuvré pour calmer les débordements de la population
duquel la vie ne s’arrête pas durant la nuit. Il continue en étudiante mais il veille aussi à mieux contrôler les allers
effet à grouiller d’activités après le coucher du soleil. et venues dans le quartier d’où l’emplacement de son
Les étudiants doivent souvent travailler dur pour bureau (l’ancienne magistrature se trouvait à proximité
réussir leurs examens, aussi les bibliothèques du quartier de la caserne). Sous son égide, les soldats qui veillent sur
restent-elles ouvertes jusque très tard afin de permettre aux la grande porte de l’Est sont encouragés à faire preuve
plus studieux de s’y rendre et d’y étudier jusqu’au petit d’une vigilance acérée et à signaler tout individu suspect
matin. La plupart du temps, les gardiens de nuit ne sont entrant à Xianyang. Les fonctionnaires qui l’assistent
d’ailleurs autre que des étudiants embauchés à cet effet. De savent qu’ils doivent faire preuve d’efficacité pour
la même façon, diverses salles de travail sont laissées à dis- contenter leur nouveau supérieur.
Grâce à la rigueur de Xin Wing, l’argent des Doué, il obtint à vingt ans un poste d’ingénieur
impôts entre toujours en temps et en heure et les taxes ont au ministère des Grands Travaux. Une belle carrière
même pu être augmentées sans que la population ne pro- s’offrait à lui. Il revit parfois Fong Hi, devenu scribe de
teste trop grâce à la popularité dont jouit le magistrat. la bibliothèque royale, qui continuait en vain à le pousser
Depuis peu d’ailleurs, celui-ci commence à aspirer à de à exploiter son talent artistique. Puis ils se perdirent de
plus hautes fonctions et il regarde avec envie le siège de vue. Mais au bout de cinq ans, Hua Henji comprit que
gouverneur de la ville… Pour Xin Wing, sa gestion exem- ses choix de vie ne lui avaient jamais appartenu. Il vou-
plaire du quartier universitaire est le tremplin qui lui per- lut alors revoir son ami.
mettra bientôt d’accéder à un avenir prometteur. Fong Hi l’accueillit avec joie. Il entraîna son
cadet à la rencontre d’artistes réputés de la capitale. Tous
encouragèrent Hua Henji dans cette voie. Brusquement, il
quitta son poste d’ingénieur et étudia avec ferveur les arts
graphiques et la calligraphie. En deux ans il fit de tels pro-
L’école de calligraphie de
Maître Jin Luan grès que certaines de ses œuvres, des paysages surtout,
attirèrent l’attention de nombreux courtisans. La vie sem-
blait lui sourire. Mais une nuit la femme de Fong Hi, son
Modeste petit établissement dont la devanture ne bébé dans les bras, surgit chez lui. Bouleversée, elle lui
paie pas de mine, l’école que dirige le maître-calligraphe apprit que son mari appartenait à un groupe de penseurs
Jin Luan (Renommée : 125) ne désemplit pourtant inspirés par le taoïsme et déclaré illégal par le pouvoir.
jamais, d’années en années. Découverts, ils avaient été arrêtés et Fong Hi exécuté. Elle
Certes, l’université enseigne également la calli- gardait avec elle de vieux rouleaux qu’il avait pu sauver de
graphie mais d’une façon fonctionnelle et utilitaire là ou la saisie des légistes. Hua Henji cacha alors la jeune femme
Jin Zi lui redonne ses lettres de noblesse en en faisant un et son enfant chez un cousin.
art à part entière. De nombreux étudiants, attirés par la Il lut les ouvrages et s’en trouva changé. Son art
réputation de l’école, finissent par s’inscrire afin de profi- mûrit et le succès suivit. Feng Cheh devint son mécène
ter de la sagesse du maître. En effet, la calligraphie n’est mais, comme la plupart des gens, il ne distingue pas la
pour lui que le point de départ d’un enseignement plus symbolique taoïste sous-jacente des œuvres de Hua Henji.
vaste et global : ses cours finissent toujours par dériver sur Une manière pour l’artiste de rendre hommage à Fong
des leçons de vie, et se terminent en débats animés sur Hi… Mais récemment, la fille du ministre Douce Feuille
l’histoire, la politique, la philosophie, etc. du Saule a placé d’inquiétantes insinuations dans une
L’enrichissement intellectuel qu’ils en retirent conversation en apparence anodine... Qu’a-t-elle vraiment
est suffisant pour motiver de nombreux élèves à s’ins- découvert et pourquoi a-t-elle dit, avec un sourire étrange,
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crire. Mais les autorités commencent à voir l’enseigne- que son père n’avait pas besoin de savoir ?
ment de Jin Luan d’un mauvais œil : en effet celui-ci Renommée : 15
prêche une philosophie dangereusement proche du
Taoïsme, ce qui n’est guère du goût du Censorat.
D’ailleurs, plusieurs étudiants inscrits chez Jin Zi sont Meiguo Shangwei
payés par la police secrète du Qin pour faire des rapports
sur son enseignement et quelques agents viennent assis-
ter eux-même aux cours qu’il donne. Dans un Etat légiste, il n’est pas de bon ton de
Pour le moment, Jin Luan reste dans les limites de s’intéresser aux légendes et aux traditions. Et pourtant, la
ce qui est toléré au Qin en matière de subversion mais cela littérature regorge de récits fantastiques. Leur plus grand
ne saurait durer, d’autant plus que le vieil homme ignore lecteur est sans doute Meiguo Shangwei. Difficile de don-
totalement qu’il est surveillé et même que son enseigne- ner un âge à ce jeune homme aux airs d’éternel adolescent.
ment va à l’encontre de la philosophie du Qin. Bien qu’une courte barbe couvre son menton, les gens de
Personnalités
son entourage continue à le considérer comme un brave
garçon pas trop sérieux. Ils n’ont pas tort.
Secrétaire aux archives de la bibliothèque royale,
Meiguo Shangwei se passionne pour les récits épiques des
héros de jadis. Le jiang hu revêt pour lui un incomparable
attrait et les légendes le font rêver tout éveillé. Lecteur
Hua Henji «Pinceaux miraculeux» boulimique, il dévore tous les ouvrages qu’il trouve sur le
sujet. Mais cela ne lui suffit plus, il veut maintenant passer
du rêve à la réalité. Après plusieurs mois d’enquête, il a
Fils d’un riche artisan de Xianyang, Hua Henji recensé les divers lieu de Xianyang où wu xia et marginaux
put faire des études à l’université. Rêveur, timide, il aimait se retrouvent. Et il a décidé depuis de les explorer.
peindre et s’adonnait toujours à ce plaisir au cours de ses Bien sûr, ce légiste de formation n’est pas vrai-
études. Son camarade Fong Hi devina dans ces esquisses ment à sa place dans ce milieu mais cela ne l’arrête en rien
un incroyable talent qui ne demandait qu’à s’épanouir. dans sa démarche. Il voulait d’abord rencontrer ces gens
Mais Hua Henji se sentait trop peu sûr de lui pour se lancer qu’il admire, mais petit à petit, il lui a pris l’envie de leur
dans une carrière artistique. ressembler. Désormais, il arpente tous ces lieux une épée
au côté, bien qu’il ne sache pas s’en servir. Il fait naître
étudiant particulièrement brillant mais sa volonté et son rées (du moins pour les plus larges avenues, ce quartier
courage impressionnèrent tant le recteur de l’université recelant son lot de coupe-gorges…) et les bâtiments sont
qu’il le recommanda au gouverneur. peints de couleurs criardes, comme pour attirer l’œil du
Devenu fonctionnaire, Xin Wing occupa de nom- badaud. Tout le quartier est ainsi décoré pour lui donner
breux postes et là encore, sa capacité de travail et son un air de fête permanente mais pour un esthète, c’est sur-
dévouement tout légiste firent qu’il monta rapidement en tout la vulgarité de cet habillage qui frappe : tout y
grade et finit par devenir magistrat. Ayant enfin une position, paraît trop coloré, trop vif, trop bruyant… Où que l’on
il envoie depuis régulièrement de l’argent à ses vieux parents s’y promène, les sens sont assaillis par les teintes agres-
et a permis à ses frères de se gagner une position à ses côtés. sives, les cris des portiers de bordel ou de courtisanes à
En tant que magistrat, Xin Wing est un modèle d’impartialité leur balcon, les odeurs de stupre, d’alcool et de sueur,
et d’efficacité. De sa jeunesse estudiantine, il ne garde etc. Pour certains, c’est un festival joyeux, un kaléido-
aucune indulgence pour les étudiants dissipés et fêtards, par- scope de sensations permettant d’oublier la dure vie au
ticulièrement si ceux-ci sont issus de riches familles. Il se Qin et de se perdre dans une spirale de plaisirs aussi
montre ainsi inflexible dans l’exercice de la loi et ni les récri- éphémères que coûteux ; pour les autres, ce n’est qu’un
minations ni les menaces n’ont prise sur lui. étalage de mauvais goût destiné à appâter les désœuvrés
Cela ne fait que deux ans que Xin Wing occupe le pour qui une putain grossièrement maquillée et un peu
poste de magistrat et durant cette brève période, il s’est d’alcool bon marché constituent le pinacle du plaisir.
déjà fait de nombreux ennemis parmi les notables de la Hors des murs de la cité, le quartier des plaisirs
capitale, qui apprécient le légisme tant qu’il ne s’applique possède une sorte d’annexe le long des berges de la Wei. Il
pas à eux… s’y trouve de nombreux bateaux mouillant sur les bords de
Renommée : 50 la rivière et accueillant des maisons de courtisanes particu-
lièrement appréciées du fait de l’environnement un peu
inhabituel. Des cabanons en apparence anodins abritent en
fait des maisons de jeu illégales et les bosquets boisés alen-
tours permettent de dissimuler les étreintes fugaces
offertes par les prostituées occasionnelles du port.
Le quartier Dans les secteurs nord de la ville, au contact du
quartier universitaire, se trouvent en majorité des mai-
sons de courtisanes relativement bon marché et divers
des plaisirs bordels, ainsi que de nombreuses tavernes. C’est ici que
les étudiants viennent se divertir, oubliant la rude com-
pétition à laquelle ils sont soumis à l’université dans les
67
bras d’une fille de petite vertu, une coupe de vin à la
Même une ville aussi strictement policée que main. Ceux qui sont originaires de la campagne sont
Xianyang ne peut faire l’économie d’un tel quartier, ser- presque toujours assurés de se faire délester de leur mai-
vant à évacuer stress et frustrations pour les habitants de la gre bourse par des tenanciers ou des prostituées à l’affût
cité et évitant les troubles qui ne manqueraient pas sinon de tels ingénus…
d’en résulter… Les secteurs ouest quant à eux sont la chasse gar-
Peu d’habitations ici, les résidents logeant direc- dée des quelques maisons de jeu légales du quartier. Les
tement là où ils travaillent : tavernes, maisons de courti- ouvriers viennent y dépenser leur maigre salaire, espérant
sanes, bordels bon marché et même quelques maisons de le faire fructifier en tentant leur chance mais bien rares
jeu strictement contrôlées fleurissent dans les rues tape-à- sont ceux qui y parviennent (et ce genre de cas ne doit rien
l’œil du vaste quartier des plaisirs. au hasard : les tenanciers s’arrangent toujours pour que
Vue d’ensemble
quelques joueurs remportent la mise de temps à autre, afin
d’encourager les autres à continuer à jouer). Toutes sortes
de jeux ont cours dans ces lieux de perdition : dés en
majorité mais aussi dominos ou osselets, combats de
grillons et de coqs, paris divers, etc.
Enfin, les secteurs qui couvrent toute la partie
Le quartier des plaisirs s’étend au sud-est de sud-est du quartier sont les plus luxueux, ceux qui abri-
Xianyang et déborde même des remparts pour essaimer tent les maisons de courtisanes prestigieuses, les
le long de la rivière Wei. Les portes qui le relient aux auberges célèbres pour la qualité de leurs alcools, les
quartiers ouvriers et universitaires sont presque toujours maisons de jeu dans lesquelles seuls les gentilshommes
grandes ouvertes, même et surtout la nuit, car travail- peuvent venir parier leurs sapèques, etc. Les habitants
leurs harassés souhaitant boire ou jouer leur paie et des quartiers bourgeois et noble sont les clients les plus
jeunes et frivoles étudiants avides de plaisirs nocturnes réguliers ici, et il est à noter d’ailleurs qu’ils préfèrent
sont les clients privilégiés des nombreux et divers éta- passer par l’extérieur de la cité plutôt que d’en traverser
blissement situés dans cette partie de la ville. les rues, dans un souci bien légitime de discrétion… Il
Relativement calme en journée, le quartier des plaisirs leur est alors nécessaire de s’entourer d’une escorte
s’anime dès la tombée de la nuit lorsque les clients ter- valeureuse car les abords de Xianyang sont bien moins
minent leur journée de travail et peuvent enfin penser à sûrs que la ville elle-même.
venir s’y divertir. Les rues en sont donc très bien éclai-
Lieux d’importance
portant près du cinquième des revenus de la ville : autant
dire que la mission du magistrat est primordiale pour les
coffres de Xianyang.
Personnalités
surveillance. Jamais aucune attaque n’a été tentée sur le
convoi acheminant l’or des impôts du quartier des plai-
sirs au quartier administratif mais la vision d’une
troupe lourdement armée marchant au pas dans les rues
de la ville rappelle à ses habitants la puissance du Qin
et sa prédominance militaire.
Laodaniang
« Le Désir céleste » ressemble aux autres éta-
La Taverne de Mademoiselle Ti blissements luxueux du quartier des plaisirs. Les tarifs éle- 69
vés dissuadent un grand nombre d’habitués des simples
maisons-closes, mais les filles y sont belles et l’accueil
Ancienne prostituée ayant gagné assez d’argent toujours parfait. Laodaniang, qui gère l’endroit, y veille
pour acheter sa liberté et un fond de commerce, particulièrement.
Mademoiselle Ti (Renommée : 30) aime à faire de son Quelques rides au coin des yeux n’en ont pas terni
modeste établissement un lieu d’accueil convivial, une l’éclat et soulignent encore sa beauté. Elle reçoit ses
maison dans laquelle les clients viennent passer un bon clients, parmi lesquels plusieurs hauts-fonctionnaires,
moment et savourer un bon repas ou un instant de détente avant de les conduire jusqu’à leur chambre. Inutile de
entre amis. La taverne est bien éclairée, chaleureuse et pro- demander, Laodaniang devine toujours ce qui leur fera
pre. Quelques chambres peuvent être louées à l’étage aux plaisir, comme un don infaillible pour deviner les désirs
visiteurs de passage, et les serveuses peu farouches accep- des autres. Mais elle ne se donne à personne.
tent de monnayer leurs charmes à l’occasion. Vêtue avec faste, elle s’appuie sur une canne,
accessoire rendu indispensable par sa claudication. On
Pourtant malgré toutes ses qualités, la Taverne l’attribue à tort aux conséquences d’une maladie de son
de Mademoiselle Ti est en difficulté depuis quelque enfance, rumeur qu’elle encourage. Laodaniang, sous le
temps. En effet, la guilde marchande souhaite l’acquérir nom de Baiser de la Mort, fréquenta de nombreuses
contre l’avis de sa propriétaire et n’hésite pas à user de années le jiang hu. Fille du légendaire Lion taciturne,
menaces pour la faire céder. L’amant de Mademoiselle elle vit sa famille massacrée, son père tué par traîtrise et
Ti, un vieux portier nommé Sam Toi-le, a été ainsi battu son épée volée. Élevée par son oncle, elle s’entraîna lon-
à mort par des hommes de main : un avertissement san- guement afin d’exercer un jour sa vengeance. Espionne
glant… Mais bien que la situation soit tendue, et assassin, elle accomplit de nombreuses missions pour
Mademoiselle Ti sait pouvoir désormais compter sur Sue divers chefs de clan, cherchant à découvrir qui avait
Ze (Renommée : 15), le jeune disciple de Toi-le, un détruit sa vie. Elle hérita de Baiser de Bronze, une autre
portier fougueux ayant abandonné ses études de philoso- arme de légende. Elle retrouva enfin la trace de l’épée
phie antique pour venir travailler dans le quartiers des Âme des Cinq Pics sacrés, aux mains de Chung Ho Liu
plaisirs et ayant désormais à cœur de venger la mort de le seigneur du clan des Lames glorieuses. Elle en dédui-
son mentor… Pour lui, la guerre est déclarée et il est sit qu’il avait tué Lion taciturne et vint le défier. Mais le
bien décidé à avoir la peau de tous ceux qui ont trempé combat tourna en sa défaveur et elle fut grièvement bles-
dans la mort de son shifu, commanditaire compris. sée à la hanche.
La nuit était redevenue noire et silencieuse « Tes paroles se parent de l’accent de la sin-
quand ils quittèrent enfin le réduit malodorant où ils se cérité, fangshi. Je crois que tu as raison. Souhaitons-
cachaient. La venelle longeant la tour à l’intérieur de nous bonne chance et espérons ne jamais nous revoir.
l’enceinte était encombrée de débris et de matériaux Et surtout pas devant le bourreau, » ricana l’espion.
divers. Ils purent ainsi aisément atteindre le couvert
d’une autre ruelle sombre et de là, pénétrer dans une A cet instant, les murs de la ruine où ils se
habitation abandonnée. Le toit effondré, le mobilier cachaient semblèrent exploser dans une gerbe de
dévasté gardaient les traces des boulets de pierre lan- pierres, de torchis et de poussière.
cés contre les défenseurs. L’inconnu les avait suivi sans
faire de difficultés. Tous étaient restés muets lors de Xian se releva péniblement, secouant la tête
l’attente sous la tour, mais maintenant, Xian se planta pour chasser la poussière qui le recouvrait. Presque
devant l’homme afin de poser les questions qui lui brû- aussitôt, il aperçut Trois Vérités surgir des débris de
laient les lèvres. Trois Vérités et Cœur de Jade se tuiles ocres. Cœur de Jade et l’espion restaient invi-
tenaient juste derrière lui, la jeune femme avait dégainé sibles. Un second projectile siffla au-dessus de leurs
ses deux poignards effilés aux lames noircies à la fumée têtes et vint éventrer le mur d’une maison voisine. Les
pour ne refléter aucune lumière. gongs et les cors d’alerte appelaient les soldats à
rejoindre leurs postes. L’aube rouge avait donné le
« Très bien, qui es-tu et que fais-tu ici ? signal d’une nouvelle journée de combat.
interrogea Xian. Et tâche d’être crédible si tu ne veux
pas rejoindre la fosse des cadavres anonymes. » Le fangshi, assis au milieu des décombres,
massait son épaule endolorie. Xian, hormis quelques
L’homme leva ses mains nues en signe d’apai- écorchures, constata rapidement qu’il n’était pas
sement. Il souriait toujours, étonnement calme malgré blessé. Il aida Trois Vérités à se remettre debout et à
sa situation. Plutôt petit et bien en chair, il ne ressem- faire quelques pas. Une entaille peu profonde barrait
blait vraiment pas à un soldat. Un espion sans aucun la cuisse de son compagnon et le faisait boiter. Ils ne
doute. Il parlait doucement avec une voix fluette. trouvèrent nulle part la trace de Cœur de Jade ou de
Song Ya.
« Allons, ne nous énervons pas. Je me nomme
Song Ya, et quant aux raisons de ma présence ici, elles Dans la ruelle, civils et soldats se pressaient 71
me semblent plus évidentes que les vôtres. Je travaille vers les remparts. L’assaut semblait imminent. Ils
pour l’armée loyaliste et le colonel Gu Ji qui com- sortirent ensemble dans la foule où personne ne fit
mande les forces rassemblées dehors. Je cherchais un attention à eux. Anonymes dans la cohue, Xian
moyen de pénétrer dans la cité quand je vous ai aper- décida de remonter vers le cœur de la cité afin de
çus faire votre numéro. J’ai profité de la diversion. trouver un abri pour le fangshi. Quelques rues plus
Mais vous, j’ignore qui vous envoie en ces lieux. » loin, ils découvrirent un grand bâtiment carré, sans
doute un édifice administratif, qu’un incendie avait
Les trois compagnons échangèrent un dû ravager la veille. Des poutres noircies fumaient
regard. Un espion, un assassin sans doute. Que faire encore parmi les restes de sa toiture effondrée. Sur la
de lui ? Leur silence s’éternisait et Song Ya restait place pavée s’étendant aux pieds de Xian, des abris
toujours aussi impassible, presque détaché. de fortune accueillaient les blessés. Une vingtaine de
femmes et d’hommes en robe s’affairaient parmi eux.
« Cette bataille et ses motifs ne nous concernent en Xian reconnut là quelques membres de la Secte des
rien, » dit subitement Trois Vérités. Quatre Lotus des Eaux Célestes, un groupe de soi-
gneurs et de rebouteux qui offraient leurs services
Xian recula d’un pas, laissant le fangshi aux malades du Zhongguo. Appuyé sur lui, Trois
prendre sa place devant l’espion. Vérités clopina jusqu’à l’une de ces tentes. Une fois
assis, une jeune femme plutôt ronde s’approcha aus-
« Nous avons franchi cette muraille afin sitôt du blessé.
d’accomplir une vendetta personnelle, continua-t-il.
Séparons-nous là. Accomplis tes ordres et nous achè- « Je vous le confie, dit Xian et il poursuivit
verons notre quête. Partons chacun de notre côté, avant que le fangshi n’ait pu émettre la moindre pro-
comme si nous ne nous étions jamais vus. » testation. Reste-là et repose-toi. Je vais retrouver
Cœur de Jade. »
Song Ya, bras croisés sur la poitrine, parut Sans attendre de réponse, il repartit aussitôt
réfléchir un instant. Dehors, les premières lueurs de en courant vers la muraille où les combats faisaient
l’aube commençaient à zébrer le ciel nuageux de maintenant rage.
teintes rougeâtres, sanglantes.
Organisation
d’envoyer des messages par des moyens divers (pigeons
voyageurs, courriers codés, lettres confiées à des colpor-
teurs, etc.).
Missions
(ce qui peut s’avérer improductif s’il avait fallu plusieurs
années pour qu’il se hisse à son poste).
Les personnalités visées sont en général de hauts-
fonctionnaires clés, des officiers influents et parfois même
des membres du gouvernement. Bien protégés, il faut
envoyer des spécialistes capables de frapper au cœur d’un
Le Censorat agit donc essentiellement à l’exté- palais sous haute surveillance et d’en repartir sans se faire
rieur des frontières du Qin, au sein des autres Royaumes. remarquer. Les meilleurs s’arrangent même pour faire pas-
Ses agents y accomplissent des missions diverses visant à ser la mort de leur cible pour un accident ou un décès natu-
faire avancer la cause de l’Etat légiste tout en affaiblissant rel… Le Qin emploie rarement des assassins indépendants
ses adversaires. comme les Clochettes tressées ou ceux de la Secte des
Cinq Venins mais cela peut arriver à l’occasion, ou comme
diversion pendant que les vrais agents agissent à côté.
Espionnage Les attentats consistent en général à détruire une
industrie importante (fabrique d’armes par exemple) ou
une administration symbolique afin de porter un coup au
C’est la mission de base du Censorat. moral de la population et aux infrastructures du Royaume
Le savoir est à la base du pouvoir, aussi le Qin touché. L’incendie est bien évidemment le moyen utilisé
tient à réunir le plus d’informations possible (même des majoritairement dans ce type de missions. Peuvent égale-
renseignements semblant sans importance) afin de se pré-
74 parer à tout et d’acquérir un avantage certain pour le lan-
ment être définies comme « attentat » l’extradition d’un
espion important ou d’un agent double, la capture d’une
cement du Tiàn Xia. personnalité et diverses opérations ordonnées en haut-lieu.
Sur le terrain, les agents chargés de cette mission se
fondent dans la population et tâchent d’occuper des postes
intéressants (scribes, assistants de magistrat, etc.). À l’écoute
de tout ce qui se dit autour d’eux (dans les administrations,
Contre-espionnage
sur les marchés, etc.), ils adressent des rapports réguliers à
Dao et reçoivent parfois diverses instructions (aller s’installer Bien que le Bureau des Rumeurs soit le service
ailleurs, être attentifs à certaines rumeurs, etc.). Ces espions secret chargé du contre-espionnage, le Censorat apprend
ont également comme rôle de corrompre des individus hauts- souvent par ses propres espions l’identité et la localisation
placés pour leur acheter des informations. Ils visent en géné- d’agents étrangers sur son sol, et agit en conséquence sans
ral des serviteurs de gens influents et leur paient à prix d’or forcément que Mai Liu Bang en soit informé.
tous les renseignements qu’ils peuvent soutirer. Ce type Cela ne va pas sans créer de nombreux troubles
d’informateurs est cependant traité avec prudence et en cas entre les deux services. Il semble que la communication,
de soupçons, un agent est autorisé à éliminer ceux qu’il qui ne va que dans le sens Bureau des Rumeurs – Censorat,
estime peu fiables. Mais un bon espion est capable de tisser doive être améliorée car il arrive que le Censorat élimine
un réseau de renseignements solide et de confiance sans pour un espion ennemi dont le Bureau des Rumeurs avait fait en
autant compromettre sa sécurité. secret un agent double…
Personnalité
Le vol de documents importants est une autre
facette de l’espionnage. Ce sont des agents spécialisés et
non de terrain qui les commettent. Plans de bataille, listes
d’agents doubles ou lettres confidentielles font partie des
documents dont le Censorat peut ordonner le vol. En règle
générale, ce n’est pas le document lui-même qui est dérobé
mais il est recopié et laissé en place pour éviter les soup-
çons ; seule la copie est envoyée au Qin.
Gu Yong
Les renseignements et informations remontent
par Dao jusqu’aux analystes du Censorat, qui recoupent Désormais âgé de plus de soixante-dix ans, Gu
divers rapports entre eux et livrent leurs conclusions au Yong aspire à un repos bien mérité.
conseil. Puis à partir de là, Li Si et Gu Yong peuvent déci- Chef du Censorat pendant presque trente ans, il a
der des nouvelles missions à assigner. grandement contribué à la montée en puissance du Qin.
Organisation
Lui-même ancien analyste au service d’un des douze
conseillers de l’époque, il demanda un jour son affectation
comme agent de terrain. En effet, les rapports de mission
qu’il recevait le faisaient rêver et il imaginait une vie exci-
tante, pleine de dangers mais aussi de panache pour les
espions du Censorat. Aussi étrange qu’elle soit, sa requête
Hiérarchie
fût entendue et Gu Yong prit place dans une cellule spécia-
lisée dans les missions de sauvetage. Bien qu’ayant subi un Bien qu’agence soit-disant indépendante du
entraînement physique de base, Gu Yong n’était pas au Censorat, dans la réalité le Bureau des Rumeurs dépend
niveau de ses compagnons mais ses capacités d’analyse et encore énormément de celui-ci, ne serait-ce qu’au
de déduction firent de lui le stratège du groupe, et bientôt niveau des crédits. Ainsi il n’est pas faux de dire de Li Si
son chef officieux. est de fait le chef officieux du Bureau comme il est
ouvertement celui du Censorat. Mais le ministre étant
Au cours des dix années durant lesquelles il dirigea plus intéressé par le moyen de déstabiliser les Royaumes
sa cellule, Gu Yong ne perdit jamais un homme et presque étrangers que par celui de protéger le sien de pareilles
toutes ses missions furent couronnées de succès. Sa réputa- manœuvres, Mai Liu Bang garde les coudées franches et
tion grandit au point qu’il fut finalement rappelé à Xianyang est vu par tout un chacun comme le dirigeant réel de son
pour occuper l’un des sièges du conseil. Un peu fatigué du agence de contre-espionnage. Toutefois la filiation
terrain, il accepta avec joie et en quelques années il fut promu directe entre le Bureau des Rumeurs et le Censorat fait
comme dirigeant de tout le Censorat. Fort de ses multiples que Mai Liu Bang est astreint à faire part de toute affaire
expériences à tous les niveaux, il mit en place des améliora- importante à Li Si – et il s’exécute de bonne grâce, cer-
tions qui portèrent rapidement leurs fruits et rendirent les ser- tain de servir au mieux les intérêts de son pays en ne fai-
vices secrets du Qin presque inégalables. sant pas passer les rivalités personnelles avant ceux-ci.
Il y a quelques années, c’est presque avec recon-
naissance que Gu Yong vit Li Si décider de prendre sa Mai Liu Bang est un homme plutôt solitaire, qui
place à la tête du Censorat. Enfin il allait pouvoir jouir aime travailler seul dans son bureau sur les dossiers les
d’une retraite qu’il espérait longue et tranquille (car bien plus importants. Toutefois, aussi intelligent soit-il, il lui est
que vieux, l’ancien espion est encore en pleine forme et impossible de traiter toutes les affaires en cours aussi s’en
tout le monde dans son entourage le voit finir centenaire). remet-il à ses proches collaborateurs, tous des analystes de
Mais le ministre, pensant se l’aliéner autrement, lui pro- grand talent entièrement dévoués à la cause du Bureau des
posa de devenir son bras droit de l’ombre et Gu Yong
décida d’accepter, une partie de lui ne semblant pas pou-
Rumeurs. Aidés par une horde de scribes, ils centralisent 75
les rapports, les recoupent, tirent leurs conclusions et les
voir se passer de travailler au Censorat. soumettent à leur supérieur lors des réunions qui ont lieu
Depuis, il vit une semi-retraite mais son esprit chaque matin dans l’aile de la Demeure aux Murs vigilants
agile reste au service de sa patrie et est encore capable de qui est dévolue au Bureau des Rumeurs.
prodiguer de précieux conseils.
Renommée : 45 Assez étonnamment, c’est une fois de plus Dao,
le supposé chef des serviteurs du palais royal, qui fait
office d’intermédiaire entre les agents de terrain et leurs
supérieurs. Toutefois, à la différence de son travail pour le
censorat, il n’est ici qu’un relais et n’a aucune part dans les
décisions à prendre. Il se contente de transmettre les rap-
Le Bureau des ports et de faire redescendre les ordres de mission, sans
même avoir connaissance de leur contenu. Du moins c’est
ce que tout le monde croit…
Rumeurs Enfin les agents de terrain se divisent en deux
catégories.
Missions
Recrutement
Les collaborateurs de Mai Liu Bang sont recrutés
uniquement sur sa décision, après une longue enquête de
moralité sur le candidat. Une fois que le chef du Bureau
des Rumeurs a décidé d’engager un fonctionnaire, il consi-
dère pouvoir lui faire une confiance aveugle tant sa vie Le Bureau des Rumeurs n’opère qu’à l’intérieur des
aura été épluchée de fond en comble. Aussi ce nouvel ana- frontières du Qin, la sécurité nationale étant de son ressort.
lyste est-il libre à son tour de prendre à son service les Ses agents ont ainsi pour rôle de faire barrage aux
assistants dont il estime avoir besoin : Mai Liu Bang se fie velléités intrusives des services secrets de Royaumes
à son jugement et compte sur lui pour faire preuve de vigi- adverses, en démasquant leurs espions et en organisant la
lance dans ses choix. désinformation ou le retournement de ceux-ci.
Les agents proprement dits viennent bien souvent
du Censorat. Être muté au Bureau des Rumeurs est vécu de
diverses façons : pour les uns, il s’agit d’une promotion Contre-espionnage
car le travail y est moins dangereux et plus sédentaire mais
pour les autres, il s’agit d’une régression tant l’aura qui
entoure le Censorat est supérieure à celle du Bureau des Première et plus importante mission du Bureau
Rumeurs… Mais globalement, les agents recrutés font des Rumeurs : la traque des agents étrangers présents sur
bien vite montre de zèle et de loyauté car Mai Liu Bang le sol du Qin.
sait motiver ses hommes. D’autres types d’individus peu- C’est grâce aux rapports faits par les indicateurs,
vent également se voir offrir une place au Bureau : magis- recoupés avec les informations partagées par le Censorat
trats ou fonctionnaires compétents, officiers de l’armée et ou les diverses magistratures, que ces supposés espions
parfois même simples wu xia. peuvent être découverts. Lorsque suffisamment d’éléments
76 Les indicateurs quant à eux se voient proposer indiquent qu’une personne peut être un agent ennemi, une
d’œuvrer pour le Bureau des Rumeurs après une stricte surveillance étroite est organisée autour de lui. Certains de
enquête de moralité, comme pour les collaborateurs de ses serviteurs ou voisins sont corrompus ou remplacés par
Mai Liu Bang. des agents, et tous ses faits et gestes scrupuleusement épiés
du matin au soir et même pendant la nuit. Si les soupçons
sont confirmés, plusieurs cas de figure se présentent :
crapuleux afin que le Royaume ayant envoyé l’agent pense Loin de s’offenser de sa réputation, Mai Liu Bang
avoir simplement joué de malchance, et dépêche un nouvel en jouit car elle lui donne un ascendant certain sur tous ses
homme sans précautions particulières . interlocuteurs. Car en fait, son obsession du contrôle se
double d’un amour immodéré du pouvoir. Pas forcément
Le Bureau des Rumeurs démasque chaque celui que l’on exerce au sein d’un gouvernement, mais
semaine plusieurs espions plus ou moins importants mais plus simplement celui qui vous donne prise sur autrui. Lire
rares sont les occasions de prendre un gros poisson dans la peur dans les yeux des autres, savoir qu’il peut briser
les filets… Le manque chronique de moyens de l’agence n’importe qui en détruisant sa vie et sa réputation, sentir la
ne lui permet pas de surveiller tous les suspects qui lui sont crainte qu’il inspire : voilà ce qui satisfait profondément le
signalés, et encore moins ceux qui jouissent d’une certaine directeur du Bureau des Rumeurs…
influence ou d’un haut statut… De façon étonnante pourtant, il n’est pas un
homme mauvais capable d’abuser de ses prérogatives.
Savoir qu’il pourrait le faire lui suffit et il n’a pas besoin
Police politique de passer à l’acte pour éprouver du plaisir. Ainsi, Mai Liu
Bang est finalement assez apprécié de ses subordonnés qui
savent que tout ce qui lui tient à cœur est de bien faire son
L’autre mission du Bureau des Rumeurs est d’of- travail en collaboration avec les autres services secrets du
ficier au Qin en tant que police politique chargée de la sur- Qin, malgré les nombreuses rivalités. C’est ce qui le rend
veillance et au besoin de l’élimination des dissidents. finalement si efficace dans son travail : ce mélange de
Lettrés ouvertement confucéens, philosophes bro- crainte et de respect qu’on lui porte et qui pousse ses
cardant le légisme, taoïstes illuminés sont autant d’exem- hommes à donner le meilleur d’eux-mêmes à son service.
ples des « mal-pensants » dont le Qin souhaite se débar- Renommée : 140
rasser afin qu’ils ne troublent pas l’ordre public avec leurs
idées séditieuses. Evidemment, afin de ne pas semer la ter-
reur sans mesure, le Bureau des Rumeurs n’agit jamais à la
légère. Un supposé dissident fait toujours l’objet d’une
enquête : on place en général un agent parmi ses disciples
ou dans son entourage proche. Celui-ci détermine alors en
La Carapace noire
le côtoyant si cet individu représente réellement un risque
de dissidence par son influence ou sa fortune. Lorsque
c’est le cas, il est éliminé impitoyablement de façon plus Tout simplement le service le plus secret du Qin,
ou moins publique selon ses torts réels. Sinon, l’individu l’existence de la Carapace noire n’est guère connue que de
77
est laissé en paix mais continue à être surveillé de temps à quelques très hauts personnages – et même eux ne mesu-
autre au cas où… rent pas l’ampleur et l’importance de sa mission.
Personnalité
Car celle-ci est de taille : détruire la Secte du Ciel
incliné et les adorateurs de Gonggong afin de préserver l’or-
dre au sein du Zhongguo. C’est une lutte féroce, que mène
Qin Long en personne en dirigeant lui-même cette agence
afin que son intelligence surnaturelle permette à l’humanité
de survivre aux noirs desseins de Cheng Huan…
Organisation
Mai Liu Bang
Solide courtisan aux cheveux blancs, vêtu
d’atours luxueux à la coupe parfaite, sachant disserter
aussi bien de philosophie antique que d’art de la guerre,
Mai Liu Bang est derrière cette apparence affable l’un des Hiérarchie et recrutement
hommes les plus craints du Qin.
Il dirige en effet la vénérable institution du La hiérarchie au sein de la Carapace noire est par-
Bureau des Rumeurs, le service de contre-espionnage du ticulièrement complexe car mêlant faux-semblants à desti-
Royaume. À ce poste, autant dire qu’il est l’homme qui nation des profanes qui viendraient à entendre le nom de
sait tout sur tout le monde ou peu s’en faut… Mai Liu l’agence et réalités concrètes et efficaces.
Bang est réellement un obsessionnel du contrôle. Il pos-
sède ainsi des dossiers sur tous les hauts personnages de la Du côté des faux-semblants, la Carapace noire
cour, tous les ambassadeurs étrangers, et il lui suffit de est un service secret destiné à lutter contre les menaces
croiser un individu à l’air suspect dans la rue pour qu’aus- surnaturelles que brandissent quelques illuminés à tra-
sitôt il missionne plusieurs agents afin d’en établir le pro- vers le Zhongguo – comme les dirigeants du Wei – et
fil. Cette tendance est plus ou moins connue et c’est pour- dont l’ennemi le plus acharné semble être une secte
quoi tout un chacun fait très attention à chacun des mots extrémiste. Voilà la demi-vérité que connaissent les
qu’il prononce en sa présence. ministres et le Roi et à propos de laquelle même Li Si
n’émet aucun doute. En tant que telle, la Carapace noire
Enfin à la base les agents, nommés ici Tortues, Les Tortues utilisent cependant fréquemment
accomplissent les tâches qui leur sont confiées et rendent comme couverture celle d’agents de l’une ou l’autre des
régulièrement compte, soit en personne soit par l’intermé- agences précitées, ce qui reste le plus pratique pour leur
diaire de messages codés. permettre d’opérer en toute tranquillité.
Mission
En réalité, Dianxia n’est qu’une illusion que Qin
Long a investi d’une part de sa conscience et dont il se sert
comme véhicule terrestre pour diriger la Carapace noire.
C’est donc lui qui donne directement ses instructions à ses
Tortues, sans même attendre les ordres de Li Si ou du Roi
qui ne mesurent en rien à quel point la Carapace noire est La Carapace noire n’a qu’une mission : lutter de
78 différente de ce qu’ils imaginent. Pouvant étendre ses per- toutes ses forces contre la Secte du Ciel incliné, faire
ceptions sur presque tout le Zhongguo, le Guo Long n’a échouer ses sinistres projets, débusquer son maître et l’éli-
guère besoin que ses agents lui fassent de rapports miner définitivement afin de s’assurer que Gonggong ne
puisqu’il peut les suivre en temps réel mais il maintient quitte jamais sa prison du Feng Du.
cette tradition pour donner le change.
Les Tortues peuvent ainsi opérer aussi bien sur le
Quant aux Tortues, sont recrutés tous types d’in- territoire du Qin qu’au sein des autres Royaumes.
dividus semblant capables aux yeux de Qin Long et ce
quelle que soit leur origine ou leur condition sociale. Le Au Qin, le rôle des agents de la Carapace noire
Dragon ne prend en compte que l’efficacité réelle de la rejoint celui de ceux du Bureau des Rumeurs, à la diffé-
personne et n’a que faire des autres considérations, futiles rence près que les Tortues ne cherchent pas à démasquer
à ses yeux. Lorsque quelqu’un est ainsi pressenti pour des espions étrangers mais des séides de la Secte du Ciel
rejoindre les rangs de la Carapace noire, il est mis au cou- incliné. En effet, les adorateurs de Gonggong s’infiltrent
rant de la réalité secrète qui se cache derrière l’Histoire du à tous les échelons de la société afin d’y mener leur
Zhongguo : l’existence de Gonggong, de ses adorateurs sinistre ouvrage : semer le chaos, détruire l’harmonie,
prêts à faire basculer le monde dans un chaos de guerre jeter à bas l’ordre établi par les Royaumes. Ces parasites
éternelle, de leur sinistre maître encore inconnu, etc. Seule doivent donc être débusqués et éliminés sans remords :
l’existence des Guo Long est encore tenue secrète et telle est la mission principale des Tortues opérant au sein
aucune Tortue n’a même conscience d’obéir à un Dragon ! de l’Etat légiste. Cela recouvre également la protection
Une fois mise au courant, la future recrue n’a plus guère le de hauts personnages que la Secte pourrait approcher et
choix : soit elle rejoint la Carapace noire soit elle est éli- corrompre. Dans l’entourage de presque chaque membre
minée immédiatement car elle en sait trop. À la connais- du gouvernement se trouve ainsi une ou plusieurs
sance de Qin Long, il n’existe ainsi aucune Tortue dissi- Tortues chargées de débusquer les éventuels adeptes de
dente ; un tel agent pouvant représenter une menace inac- Gonggong et il n’est pas rare que ces agents de proximité
ceptable pour la Carapace noire, le Dragon veille bien à ce soient en fait directement recrutés sur place. Ainsi, la
que cela n’arrive jamais. Dame du Zhao Gong Li a t’elle été récemment appro-
chée par la Carapace noire pour devenir celle qui veillera
L’entraînement que subissent les Tortues recrutées en personne sur le Roi.
est draconien. Formé au combat avec ou sans arme, à l’art de
l’infiltration, à la stratégie et recevant une formation com- Dans les autres pays, c’est presque la même chose
plète sur le surnaturel et ses manifestations, l’agent devient à la différence près que les Tortues n’y disposent pas d’une
liberté aussi grande. Ils doivent donc faire attention à ne pas venir prendre livraison au manoir d’une copie écrite à
être repérés à la fois par les agents de contre-espionnage du destination de leurs supérieurs, copie dans laquelle
Royaume où ils opèrent et bien sûr par les partisans de la Dianxia ne reporte que les éléments dont elle estime
Secte. Il arrive souvent que détruire les adeptes de Gonggong devoir tenir au courant les autres services secrets. Ainsi
desserve les intérêts à court terme du Qin en favorisant la sta- la Carapace noire, tout en préservant son indépendance
bilité de l’Etat ainsi purifié mais Qin Long préfère traiter le nécessaire, collabore activement au système d’informa-
problème de la Secte en priorité, quitte à avantager en appa- tion du Qin.
rence les desseins de ses frères ignorants.
Il est arrivé que des assassins, des tueurs
Les Tortues opèrent en cellules, pouvant regrou- d’élite surentraînés, parviennent à pénétrer dans le
per de deux à cinq membres (rarement plus). Ces cellules manoir de Dianxia. On les a retrouvés éparpillés à tra-
ne sont pas totalement isolées les unes des autres car vers les pièces du bâtiment, horriblement mutilés avec
devant bien souvent s’allier pour agir ensemble lorsque une expression d’intense terreur sur ce qui restait de
l’adversité se fait trop forte. leur visage. Depuis ces tentatives se font bien plus rares
et les assassins n’arrivent que rarement à tromper la
Les cellules sédentaires sont constituées vigilance du garde.
d’agents implantés dans une ville ou un district et qui y
surveillent attentivement les agissement de la Secte du Tous ces mystères ont une explication simple :
Ciel incliné. Ces Tortues ont principalement un rôle de Dianxia n’existe tout simplement pas. Elle n’est qu’une
renseignement : regroupant toutes les informations pos- illusion à travers laquelle se manifeste Qin Long. Le
sibles sur les adeptes, leurs plans, leur repère, etc. Les Guo Long ne souhaite pas en effet qu’il y ait d’intermé-
cellules mobiles quant à elles rassemblent des agents très diaire humain entre la Carapace noire et lui car l’enjeu
spécialisés et compétents, souvent des vétérans. Ce sont est trop élevé pour qu’il en prenne le risque. Aussi a t’il
eux qui en général agissent directement après avoir éta- monté cette mascarade, qu’il fait durer depuis des décen-
bli un plan à partir des données recueillies par les cel- nies en se servant de l’aura de mystère qui entoure l’or-
lules sédentaires. Ainsi, la couverture de celles-ci n’est ganisation pour éviter que trop de questions soient
jamais compromise. posées (et de toute façon, ceux qui seraient habilités à
s’interroger en savent suffisamment sur la lutte du
Mais il arrive souvent que des cellules sédentaires Dragon pour s’abstenir). Mystification bien pratique,
et mobiles doivent s’allier car la Secte du Ciel incliné n’est Dianxia est partie pour occuper son poste pour encore
pas un adversaire à prendre à la légère. Ses groupuscules quelques années…
peuvent être constitués de fangshi redoutables, de merce- Renommée : 10
79
naires entraînés et de fanatiques inconscients ; parfois
même les sectateurs utilisent démons et morts-vivants pour
se protéger. Les Tortues savent tout cela et doivent être
prêts à donner leur vie pour la cause de Qin Long.
Personnalité
Dianxia
Voici sans doute l’individu le plus énigmatique de
tout le Royaume. Chef de la Carapace noire, il s’agirait
d’une vieille dame pour le peu que l’on en sait, et nul n’est
capable de dire depuis combien de temps elle occupe cette
fonction.
Ils descendirent un escalier aux marches Gian Ju avala une longue gorgée de vin
inégales pour aboutir enfin dans une sorte de aigre puis se servit une autre coupe qu’il vida
minuscule caverne naturelle située sous la mai- également d’un trait.
son. Une table bancale, trois tabourets et un cof-
80 fre vermoulu constituaient le seul mobilier. Un « Tu es Song Ya, dit-il d’un ton brusque.
pichet et deux coupes trônaient sur la table. Une Certains disent que tu travailles pour les ser-
torche accrochée dans un coin apportait un peu vices secrets du Wei.
de lumière et dispensait une fumée résineuse
dans l’espace confiné. - C’est vrai, en partie. Ils m’ont recruté,
il y a environ deux ans. Comme l’avait prévu le
« Tiàn Xia, » murmura Song Ya. censorat, auquel j’appartiens depuis bien plus
longtemps. Infiltrer et contrôler de l’intérieur,
« Tout sous le Ciel, » répondit l’autre désinformer et se renseigner, affaiblir pour
avant de s’asseoir lourdement sur l’un des conquérir, et réunifier. Tiàn Xia ! »
sièges de bois. Il posa sur la table le poi-
gnard effilé qu’il avait gardé jusque là dissi- Ils levèrent leur coupe et burent ensemble
mulé le long de son bras. Il portait une barbe à la réussite de leurs projets.
clairsemée et ses cheveux noirs commen-
çaient à grisonner sur les tempes. Une vilaine « Et maintenant ? demanda ensuite
cicatrice séparait son visage en deux dans le l’ancien soldat.
sens de la hauteur. Mais Song Ya remarqua
surtout la large carrure et les mains puis- - La situation correspond parfaitement à
santes de l’homme. Pour ce qu’il en savait, ce nos attentes. Le pouvoir du Roi du Wei est affai-
Gian Ju était un ancien soldat du Qin venu bli par cette révolte. Il voit des ennemis même
s’établir à Yuxing depuis plus de trois ans. Il parmi ses courtisans, et veut la tête de son meil-
y exerçait le métier de cordelier et, accessoi- leur général.
rement, apportait un soutien logistique aux
opérations des services secrets du censorat - Mais Fong déteste le Qin, rétorqua
dans cette région. Gian Ju. S’il parvient à renverser le monarque,
le Wei deviendrait un adversaire plus sérieux
encore.
- C’est pourquoi je suis là. Le duc est un décida de revenir prendre des nouvelles de
homme intègre et honorable, ce n’est pas le cas Trois Vérités. La place grouillait de monde.
de tous les hommes de sa suite. Nous avons Citoyens à la recherche d’un de leurs disparus,
acheté l’un d’eux, une porte ouverte pour appro- médecins affairés, adeptes des Quatre Lotus
cher Fong. compatissants et surtout, couchés à même le
sol pour la plupart, des blessés et des mourants
- Tu vas le tuer ? » par centaines. Une clameur funèbre, un
mélange lugubre de râles et de gémissements,
Les traits d’ordinaire paisibles et plutôt montait de cette scène sinistre.
débonnaires de Song Ya parurent soudainement
s’assombrir. Un masque cruel s’insinua sur son Xian chercha quelques minutes le
visage. fangshi avant de l’apercevoir en train de discu-
ter avec ce qui semblait être un taoïste, un peu
« En effet. Poing de Bronze nous a assu- à l’écart du village de toiles. Le prêtre s’éloi-
rés que ses hommes n’interviendront pas, Sabre gnait déjà lorsque Xian réussit à atteindre
Fidèle, son second, a reçu des ordres en ce sens. Trois Vérités, en se frayant un chemin à travers
Fong va mourir. Le Roi se croira débarrassé ce champ de désolation.
d’une terrible menace. Mais le duc va devenir un
martyr et un symbole pour tous les mécontents « La guerre est une chose terrible à la
du Royaume. Les germes de la dissension vont se face du Ciel et de l’Harmonie du monde, mur-
répandre au Wei, le gangrener de l’intérieur. Tel mura le fangshi alors que Xian approchait.
un fruit mûr, il tombera bientôt entre nos
mains… » - Aucune trace de Cœur de Jade, répondit
le jeune wu xia.
Des nuages de poussière et de fumée de trouver quelque chose à manger. Ils s’en-
provenant des incendies occultaient le ciel. gouffraient dans une rue à peu près intacte
Xian avait du mal à distinguer la position du lorsque Cœur de Jade apparut subitement
soleil, mais il estimait qu’il ne devait pas être devant eux, surgissant d’une ruelle latérale.
loin de la fin de l’heure du cheval. Et toujours Ses vêtements étaient froissés et maculés de
pas de trace de Cœur de Jade. Intuitivement, le sang. Un poignard sanglant brillait dans sa
wu xia s’était d’abord dirigé vers l’enceinte, main droite. Trois têtes tranchées pendaient
au plus près des combats. Il y avait vu les dans la gauche.
archers de Poing de Bronze mettre à mal les
premiers assaillants et une demi-douzaine « J’ai interrogé les hommes de Poing de
d’hommes qu’il pensait disciples de Mo, Bronze, dit-elle dans un souffle. Il n’est jamais
actionner de lourdes arbalètes de siège. Puis il venu à Yuxing. Et je crois qu’il se prépare ici
s’était rendu près des portes du Sud où réson- quelque chose de terrible. »
naient les coups d’un lourd bélier. Ici aussi, les
soldats du Wei avaient dû finalement reculer en
subissant de lourdes pertes. Maintenant, les
projectiles avaient cessé de pleuvoir sur la cité
et ses défenseurs.
De même, nous avons tâché de faire en sorte qu’il - 235 Lu Buwei en exil met fin à sa vie en absorbant du
soit possible de jouer un grand nombre de scénarios de poison, ne pouvant supporter de vivre dans la
façon indépendante ou quasi-indépendante (c’est-à-dire en honte (mais nombreux sont ceux qui pensent qu’il
les rattachant à vos propres aventures) et que chaque partie s’agit plus d’un assassinat que d’un suicide…).
puisse être jouée comme une campagne d’une dizaine de Le grand canal de Zheng Guo est achevé, le Qin
séances ayant un début et une fin. Toutefois, nous les avons triple son rendement agricole grâce à lui.
rédigés en priorité pour les Meneurs de Jeu faisant jouer Le Roi du Zhao meurt, son héritier Youmiuwang
l’intégralité de Tiàn Xia. prend sa place.
Un univers
- 234 Début du scénario 4 : « Le Piège »
Le Qin mène une guerre d’usure au Zhao, qui
en mouvement
perd 100.000 hommes.
Bataille de Pingyang et retour de Han Fei Zi au Qin.
- 233 Suite du scénario 4 : « Le Piège »
Début du Tiàn Xia et départ des troupes du Qin
vers le Han.
- 233 à Le Qin attaque sans relâche le Han et le Wei qui
Comme évoqué dans l’introduction de ce supplé- - 230 concèdent de larges portions de territoire mais
ment, nous avons voulu faire de Tiàn Xia bien plus qu’une n’obtiennent pas la paix.
simple succession de scénarios. En effet pour nous, le cœur - 230 Le Han est annexé : le Roi se rend.
de la gamme Qin est à la fois son Livre de Base qui décrit Le prince Dan s’enfuit du Qin et retourne au Yan.
l’état du Zhongguo à une date bien précise, mais également - 229 Le général Wang Jian entame la campagne d’annexion
cette campagne qui met tous les éléments de ce dernier en du Zhao.
branle et donne les clés de son évolution sur les vingt Le général Li Mu du Zhao, héros des guerres
années à venir, jusqu’à l’unification de la Chine. S’il s’agit contre les Xiongnu, contient les avancées du Qin.
selon notre point de vue de la véritable continuité du Livre Du fait d’un complot du Qin visant à le discréditer,
de Base, nous avons toutefois décidé de ne pas juste vous il est convaincu de traîtrise et exécuté par le Roi
décrire tous ces événements passionnants mais bel et bien du Zhao : sans général charismatique, l’armée du
de vous permettre de les faire jouer en leur donnant la Zhao perd de plus en plus de batailles.
forme d’une gigantesque campagne épique mettant les per- Handan est assiégée.
sonnages de vos joueurs au centre de ce maëlstrom d’in- - 228 Scénario 5 : « Naissance d’un Royaume »
trigues, de complots, de batailles et d’aventures. La Reine-mère du Qin meurt.
Mais bien évidemment, leur permettre de prendre Le Roi du Chu meurt, son héritier Aiwang prend
83
une part active à certains de ces événements implique égale- sa place et ne règne qu’un an.
ment de faire des choix et de les priver de participer à d’au- - 227 Scénario 6 : « L’Empereur et l’Assassin »
tres. En les mettant au plus près de certains des bouleverse- Le Roi du Chu meurt et son héritier Fuchu prend
ments qui agitent le Zhongguo, ils ne pourront avoir une sa place.
vision d’ensemble et embrasser toutes les causes et consé- - 226 Scénario 7 : « La Flamme céleste »
quences de ceux-ci, qui ne sont pas pour autant moins inté- - 225 Scénario 8 : « L’Appel des Lacs et des Forêts »
ressantes. Nous ne pouvions tout simplement pas tout traiter - 224 Wang Jian est rappelé de sa retraite pour mener
de façon crédible. Toutefois, toujours dans l’idée de vous campagne contre le Chu. N’acceptant pas la reddition
donner toutes les clés de l’univers de Qin, voici une chrono- du roi Fuchu, le général du Chu Xiang Yan place
logie permettant à la fois de situer les scénarios et les élé- le prince Changping sur le trône et contre-attaque.
ments les plus importants contemporains de Tiàn Xia. Début du Scénario 9 : « La Chute»
NB : Dans cette chronologie, ne sont donc décrits que les - 223 Fin du Scénario 9 : « La Chute »
évènements non couverts par les scénarios de ce supplé- Scénario 10 : « Guerre totale »
ment et du suivant. Début du Scénario 11 : « Au-delà du Seuil »
- 222 Fin du Scénario 11 : « Au-delà du Seuil »
- 240 Scénario du Livre de Base de Qin : « Vers un Scénario 12 : « Le Dernier Dragon »
Monde de Lacs et de Forêts » Wang Ben mène campagne contre le Yan, annexe
Point de départ de Qin : Le Livre de Base de Qin ce qu’il en reste et capture le Roi.
décrit l’état du Zhongguo à ce moment précis. Gao Jian Li, réfugié au Yan, est capturé et amené
- 239 Scénario du livret de l’Ecran de Qin : « Le près du Roi du Qin. Appréciant sa musique, celui-ci
Prince félon » consent à l’épargner mais lui fait crever les yeux.
- 238 Scénario 1 : « Révolution de palais » - 221 Scénario 13 : « Le Secret des Empereurs »
Le Roi du Han meurt. La délégation du Han quitte Le Qi est attaqué par Wang Ben et son Roi se
Xianyang avec Douce Feuille de Saule résignée rend. Le Qi est annexé.
dans ses bagages. Le prince héritier Ji An prend la La Chine est unie et Ying Zheng prend le titre de
place de son défunt père sur le trône. Qin Shi Huang Di.
Le Roi du Chu meurt, son héritier Youwang prend - 219 Gao Jian Li tente d’assassiner l’Empereur en le
sa place. frappant d’un instrument empli de pierres. Il est
- 237 Scénario 2 : « Au Service du Censorat » exécuté pour ce geste.
Scénario 3 : « Le Procès » Final : « Le Mandat céleste »
Le compte à rebours
de Jeu. Il est assez vaste pour autoriser la mise en place de également de faire courir vos propres trames sur des années.
tout type d’intrigues et permet d’établir une séparation géné-
ralement claire entre le monde des Royaumes, plutôt décrit
dans la campagne et l’Histoire officielle, et celui des forêts et
des lacs qui reste un formidable espace de liberté, pour les
personnages comme pour les Meneurs de Jeu. Certains scé-
narios de la campagne traitent toutefois d’une incursion par- Car il s’agit bien là de l’autre caractéristique
tielle dans ce monde à part (les scénarios 8 et 9) mais globa- majeure de cette campagne : sa durée et le passage du
lement, le jiang hu reste votre terrain de jeu. temps. Encore une fois, cela peut sembler anodin mais une
• Ensuite, la campagne court sur vingt ans et certains temps mauvaise gestion de ce facteur peut totalement modifier
morts entre les scénarios peuvent donc parfois être suffisam- votre expérience de jeu. Tiàn Xia s’étale sur vingt ans, cela
ment conséquents pour y placer vos propres développe- implique que les personnages vont changer au moins
ments. Ainsi, « Au Service du Censorat » est un exemple autant que l’univers autour d’eux et qu’ils doivent sentir
même de ce qu’il est possible de faire comme scénario pour non seulement le poids des années, mais également perce-
remplir les divers creux que vous voudriez combler lorsque voir ce changement d’époque. Leurs trajectoires person-
les personnages sont sous les ordres du Qin, mais les possi- nelles seront d’autant plus variées que certains pourront se
bilités sont presque infinies. La chronologie ci-dessus vous couvrir de gloire mais ne connaîtront que la solitude alors
permettra d’organiser cela au mieux en vous fournissant de que d’autres choisiront de foncer des familles et pour cela
nombreuses pistes via les évènements historiques décrits.. devront mettre un peu de côté leur destin héroïque.
• Ne pas oublier que Qin reste un jeu et garder donc toujours personnages soient le plus régulièrement possible confrontés
une totale bienveillance envers les joueurs. Il est parfois aux résultats de leurs actions. Il existe de très nombreuses
facile d’oublier de quel côté de l’écran on se trouve mais le façons de rendre cela, mais une des plus efficaces est sans
but de la partie ne saurait être autre que prendre du plaisir aucun doute de restituer les réactions des habitants du
avec ses camarades de jeu. Tant que vous observez cette Zhongguo : de la foule qui les conspue ou chante leurs noms
bienveillance inconditionnelle vis-à-vis des joueurs et qu’il aux victimes innocentes de leurs actes, des petits garçons qui
n’y aura aucune ambiguïté, vous pourrez continuer à ajouter les prennent comme modèles ou des jeunes filles qui pré-
des embûches sur la route de leurs personnages pour qu’ils voient de les épouser plus tard aux garnements qui chantent
s’amusent encore plus. Si vous vous pensez supérieur, com- des chansons se moquant d’eux.
mencez à dénigrer vos joueurs car ils ne se sortent pas des Enfin, ces choix doivent avoir un coût (qui se
pièges que vous-mêmes leur avez tendu ou oubliez que les confond souvent avec l’enjeu), comporter un risque. Un
péripéties ne servent qu’à leur faire apprécier davantage la héros doit vaincre le péril pour connaître la gloire. Et à partir
partie, il est grand temps de consulter ou, à défaut, de repas- du moment où le choix est fait, le personnage peut très bien
ser pendant un temps de l’autre côté de l’écran. mourir car c’est son choix de tenter sa chance et de prendre
• Rien de ce que vous leur faites ne doit être gratuit. la décision de mener cette action qui conditionne son statut
Jamais. Il est en effet très facile et très efficace de repérer ou non de héros. Cela pourra d’ailleurs être sa façon de ren-
ce à quoi le personnage (et/ou le joueur) tient le plus et de trer dans la légende. Même dans ce cas extrême, la mort a
l’en priver momentanément ou définitivement. Et en effet désormais un sens et participe à l’histoire, elle devient donc
la plupart du temps, cela marche : consciemment ou pas, acceptable car le joueur savait qu’il y avait des risques et il a
si un joueur développe son personnage en mentionnant son choisi d’y faire face en toute conscience.
lien avec un objet ou une personne, c’est qu’il veut que
vous vous en serviez pour lui proposer des parties mettant Mais attention, il est impossible pour qui que ce soit
en scène ces éléments. Toutefois, il se peut aussi qu’il ait de supporter une pression constante et il est donc critique
ses idées en tête à ce sujet et vous ne devez pas le dépos- d’aménager des parties dans les scénarios où les joueurs puis-
séder de son personnage en le privant arbitrairement de ce sent à la fois l’évacuer et bénéficier de petites gratifications par
qu’il prévoyait. Vous ne devez donc vous en prendre aux l’intermédiaire de leurs personnages. Il s’agit généralement de
personnages que si cela apporte quelque-chose et que cela petites situations faciles à résoudre qui permettent de souffler,
permet de rebondir vers une nouvelle intrigue plus intéres- et donc de mettre en valeur ce qui se passe avant et après, et
sante. Il faut en fait que ce qui peut d’abord paraître hostile aux joueurs de continuer. Là encore, les interlocuteurs des per-
au personnage soit en fait un cadeau pour le joueur. sonnages, ou une chance inattendue, sont des moyens privilé-
giés de mettre en scène de tels moments.
Faire des choix et s’y tenir coûte que coûte : c’est Tous les joueurs n’acceptent pas ce genre de parties
87
exactement la base du comportement du héros. Car pour tendues en permanence. Vous devez donc accorder une atten-
mériter ce qualificatif, un personnage doit avoir des choix tion toute particulière sur ce que demande la campagne et ce
à faire – généralement relever ou non un défi – et ce sont que peuvent endurer facilement vos joueurs. Là encore, la
ces choix qui lui confèrent cette aura si particulière et non bienveillance permet généralement de bien faire passer les
simplement sa puissance comme on le croit de plus en plus choses mais il sera parfois nécessaire d’adapter la campagne
souvent. Pour autant ces situations doivent partager cer- (après tout, il est tout à fait possible de l’édulcorer) ou de la
taines caractéristiques. jouer sans une personne en particulier.
D’abord, être réellement maître de ses choix. Pour
pouvoir tirer une satisfaction à se comporter comme un La mort
héros, il faut avoir la possibilité de ne pas se comporter Tôt ou tard viendra un moment où les person-
comme tel de temps à autre : pour être courageux, il faut être nages seront dans une situation telle que la mort semblera
capable de céder à la lâcheté. Cela veut dire concrètement inévitable sous peine d’enlever toute la crédibilité à la
que si vos joueurs refusent d’envoyer leurs personnages dans campagne. Ces moments ne sont pas si nombreux car il est
une situation qui leur semble inextricable, ne les forcez pas. très rare que vous ne puissiez improviser un retournement
Continuez la campagne en prenant en compte cette fuite et de situation, une capture, une blessure ou un coup de théâ-
faites évoluer le monde en fonction de ses conséquences (car tre qui permettent de leur sauver la mise. Pourtant, abuser
il y en a toujours !). Encore une fois, si vous pouvez incarner de ce procédé est le meilleur moyen de donner aux joueurs
des habitants du Zhongguo déçus par leur comportement, un sentiment d’impunité et de faire s’envoler toute pres-
gardez-vous bien de toute conclusion même vaguement sion. Il est donc important que, sans chercher à le provo-
morale vis-à-vis de vos joueurs. quer, lorsque les scénarios comportent des scènes dange-
Ensuite, ces choix doivent avoir des enjeux et des reuses, elles le soient vraiment et que les joueurs puissent
conséquences, positives comme négatives. Ils ne deviennent perdre leur personnage. Il est toutefois préférable que cela
impliquants que s’ils peuvent avoir un effet sur le personnage arrive en début de campagne et que cela résulte de choix
ou son environnement. De ce côté-là, Tiàn Xia est abondam- volontaires de leur part.
ment fournie : nos héros sont au centre des évolutions du Attention toutefois à toujours assurer la conti-
monde et tout ce qu’ils font a d’énormes conséquences sur nuité de Tiàn Xia en veillant à ne pas couper trop tôt cer-
eux ou sur le monde autour d’eux. Certaines d’entre elles taines intrigues par la mort accidentelle de personnages-
sont déjà connues à l’avance (les enjeux), d’autres pas mais clés, même si vous devez garder à l’esprit que le véritable
à la fois pour préserver une certaine intensité dramatique et héros de la campagne est le groupe des « bouchers de
pour garder le monde cohérent, il est très important que les Quzhi » et non l’un ou l’autre des ses membres.
Amusez-vous bien !
déposséder le joueur de son personnage si on n’y prête atten-
tion. Donc toujours sans lui demander directement, sachez
remarquer et exploiter tous les signes pouvant vous indiquer
si vous partez dans la bonne direction ou pas et surtout n’hé-
sitez pas à adapter ce que vous aviez prévu si il vous semble
que cela ne va pas plaire aux joueurs concernés : l’objectif est
ici clairement qu’ils s’amusent davantage, pas qu’ils vous Voici donc les quelques conseils et astuces que
regardent jouer leurs personnages. nous pouvons vous donner pour mettre en scène Tiàn Xia.
Bien évidemment, certains ont dû vous paraître évidents,
Afin de vous servir d’exemple, nous avons incor- d’autres plus surprenants, mais tous ont été testés et ont
poré les trames suivantes dans les scénarios. N’hésitez pas à permis d’ajouter à l’intérêt de la campagne. Car, comme
les adapter pour vos joueurs (voire à leur faire les utiliser sans tout en manière de jeu de rôle, c’est ce que vous apporterez
qu’ils s’en rendent compte) ou à les reprendre si vous créez vous-même qui fera que la magie prendra ou pas.
des personnages directement pour la campagne. Mais cela Désormais, c’est à vous de jouer.
marche également très bien avec ceux qui existent déjà :
encore une fois, l’essentiel est ici d’explorer les zones d’om-
bre de l’historique du personnage en fonction de ce qu’a déjà
Révolution
de palais
90
Dans ce supplément, vous trouverez les quatre
premiers scénarios de la vaste campagne Tiàn Xia. Dans
tous ces scénarios, les personnages sont au service du Qin,
Révolution de
c’est pourquoi ils sont regroupés dans le supplément qui
décrit la ville de Xianyang, capitale de ce grand Royaume
qui continuera à avoir une importance déterminante dans le
reste de la campagne.
palais
Note sur la rédaction technique des scénarios : Ce scénario introduit la première partie de la cam-
pagne Tiàn Xia, entamée dans le Livre de Base de Qin avec
Vous remarquerez que les scénarios ci-après « Vers un monde de forêt et de lacs » puis dans le livret
s’attardent principalement sur les évènements à mettre de l’Ecran avec « Le Prince félon ». Il est suivi bien évi-
en scène et à faire vivre aux personnages, et que l’aspect demment des trois autres aventures disponibles dans ce
technique des aventures est quelque peu mis de côté. supplément et de celles qui paraîtront bientôt dans le
Cela est bien sûr volontaire afin de gagner de la place à second volet de la campagne.
consacrer à l’essentiel. Il peut être joué individuellement mais part du
principe que vos joueurs ont déjà joué « Le Prince félon
C’est donc à vous Meneur de Jeu de traduire cer- » et que leurs personnages sont désormais des héros à part
tains éléments des scénarios en termes techniques. Ainsi, la entière. Pas de panique si ce n’est pas le cas, il existe bien
phrase « S’ils sont observateurs, les personnages remar- des solutions pour contourner le problème mais il est néan-
queront que… » veut tout simplement dire qu’ils peuvent moins conseillé qu’ils aient au moins une première expé-
tenter un Test de Bois + Perception pour remarquer un rience préalable de Qin et qu’ils soient à même d’apprécier
détail de la scène. De même, seuls les PNJ d’envergure les événements auxquels ils vont être confrontés. Car il
sont détaillés. Pour les autres anonymes, c’est à nouveau à n’est plus question désormais d’incarner les champions
vous de les créer succinctement en utilisant la règle des locaux d’une petite ville de province, mais bien d’accom-
Sbires ou en piochant parmi les exemples offerts dans le plir des exploits à l’échelle de Royaumes entiers et de se
supplément l’Art de la Guerre. couvrir de gloire au centre même de l’échiquier politique
du Zhongguo, où leur réputation les a d’ailleurs précédés :
à la cour du Roi Ying Zheng, à Xianyang.
Jouer Révolution de
Finies les escortes de futures mariées à la fron-
palais
tière de la civilisation et les assauts de fortins abandonnés.
Fini aussi de garder les bœufs et les chariots : dans ce scé-
nario les personnages auront entre leurs mains la survie de
plusieurs puissants du Royaume et feront connaissance
avec quelques uns des plus sombres secrets de la cour.
Il marque également le véritable début de la cam- Les événements décrits dans ce scénario se pro-
pagne. L’objectif y est donc de commencer fort en impli- duisent durant l’année –238 du calendrier grégorien (en
quant les personnages au cœur des événements qui vont l’an 883 de la dynastie Zhou), soit un an après le scénario
changer à jamais la face du monde, mais sans oublier de « Le Prince félon » paru dans le livret de l’Ecran de Qin.
leur faire rencontrer nombres de personnalités de premier Bien qu’il ne soit pas impossible de faire le
plan, de leur donner un avant-goût de ce qui les attend et contraire, il est prévu pour être joué à la suite de ce dernier
surtout de présenter tout ce qui leur sera nécessaire pour la et c’est la réputation qui y a été acquise par les person-
suite. Il est donc assez linéaire et explicatif, avec certaines nages qui permet de lancer l’action. En effet, suite à leur
scènes dans lesquelles les personnages auront du mal à rencontre avec Lu Buwei, celui-ci gonfle l’importance des
trouver le courage d’intervenir, mais c’est un mal néces- personnages et en fait de vrais héros pour couvrir ce qu’il
saire afin de bien poser les bases de la campagne et de lui s’est réellement passé à Quzhi. Ainsi, même si personne ne
donner un souffle qui lui soit propre. N’hésitez pas à pio- les a jamais vus - et encore moins rencontrés - à part
cher dans la description de Xianyang si vous voulez rajou- quelques soldats de l’armée du régent, la plupart des mem-
ter des événements ou des personnages pour l’étoffer. bres de la cour du Qin ont entendu parler d’eux et de leurs
Introduction
exploits, imaginaires ou réels.
Cependant, le scénario commence dans le pire
des endroits pour les personnages : les geôles de la cité
royale de Xianyang. Vous pouvez tout à fait décider de les
y faire débuter dans le feu de l’action ou de vous servir de
l’année entre « Le Prince félon » et « Révolution de
Ying Zheng est le Roi incontesté du puissant palais » pour faire jouer des scénarios de votre conception
Royaume du Qin, et nul ne saurait remettre son autorité en et y justifier l’emprisonnement des personnages qui n’ont
cause. Toutefois, il est loin de diriger les affaires de l’Etat. pas encore été reconnus. Les raisons ne manquent pas,
Trop jeune pour assumer une telle responsabilité dès la entre les lois strictes du Qin - dont l’interdiction du port
mort de son père, il a dû se résigner à accepter qu’un d’armes -, les exigences d’une vie aventureuse, un ennemi 91
régent, Lu Buwei, soit nommé et prenne en main l’admi- particulièrement retors et dont il faudra se venger plus tard,
nistration du pays. Si tout s’est passé au mieux pendant des voire le fait que des agents du Censorat viennent directe-
années, le Roi considérant le marchand presque comme un ment les capturer (auquel cas bien sûr, ils ne sont plus réel-
second père, cela fait maintenant trois ans que la cérémo- lement anonymes). Pour voir comment gérer cette année
nie de passage à l’âge adulte aurait dû avoir lieu et la fin au mieux, reportez vous aux conseils page 82.
de la régence avec elle. Les esprits commencent à Enfin pour être à même de continuer la campagne
s’échauffer et de grands bouleversements pourraient bien de la meilleure des façons, il est souhaitable que les person-
voir le jour. nages puissent effectivement se faire remarquer positivement
par le Roi lors de la tentative de coup d’Etat (l’idéal étant
Dans la première partie de ce scénario, les per- bien entendu de lui sauver la vie), qu’ils prennent part à la
sonnages vont devoir se sortir d’une situation pour le mort des enfants de Lao Ai, qu’ils soient mis au courant des
moins délicate avant de découvrir que leur réputation est différentes révélations que dévoile le scénario (la nature du
parvenue jusqu’au sommet de l’Etat. Le Roi leur demande projet Tiàn Xia, la filiation de Ying Zheng…) et rencontrent
alors de bien vouloir lui rendre un service en se rensei- le plus de personnages secondaires possible, qu’ils verront
gnant sur un des eunuques de la cour. ensuite évoluer au fil des scénarios.
Il est toutefois tout à fait possible de jouer ce scé-
La seconde partie correspond à leur enquête au nario de façon indépendante et le coup d’Etat peut très bien
milieu de tous les intrigants, eunuques et hauts-fonction- clôturer une mini-campagne. Cela dit, il ne sera pas forcé-
naires qui peuplent les allées de la Cité royale, avant de ment facile de rebondir après les événements qui y sont
découvrir qu’un coup d’Etat se prépare et que la vie du dépeints si on ne met pas en place directement les éléments
Roi, isolé à l’extérieur de la ville, est en danger. permettant de faire le lien avec une éventuelle suite.
fonction à ce moment-là. Les autres sont parqués dans de lieu et s’ils sont perspicaces, ils devraient vite s’apercevoir
vastes cellules collectives après avoir reçu une tunique que de nombreux groupes ou clans se sont formés dans les
couleur sable, parfois encore tâchées des restes de leur pré- cellules (allant même jusqu’à monter la garde à tour de rôle
cédent propriétaire, et avoir été interrogé par un scribe. En la nuit), et que lorsque les choses dégénèrent il vaut mieux
effet, Tu Er Po garde une comptabilité très précise du nom- faire partie de l’un d’eux. Quoi qu’il en soit, à part peut-être
bre de prisonniers passant par ses services, de leur destina- justement un ou deux des meneurs, les coups sont portés
tion et surtout de leur provenance, qu’il s’agisse d’un autre presque exclusivement à mains nues et par des combattants
Etat ou d’une commanderie du Qin, en espérant que le n’ayant que peu d’expérience du combat. Pour autant, la plu-
ministre des Lois lui permette de faire couvrir ses frais par part le font avec une véritable hargne qui témoigne à la fois
les diverses administrations en question. du fait que ce soit leur seul défouloir de la journée et qu’il
arrive généralement malheur à ceux qui sont considérés
À part croupir dans des cellules surpeuplées et comme des lâches.
humides où la distribution de nourriture journalière se fait
rarement sans bagarre et sans morts, les prisonniers peu- Une fois que vous estimez que les personnages se
vent y découvrir un grand nombre d’activités dont aucune sont assez confrontés aux joies de la vie carcérale et ont pu
n’est vraiment rassurante. Selon le passé de l’individu, les constater son manque de perspectives à long terme ou se sont
peines les plus courantes sont l’amputation des mains fait trop remarqués par leurs prouesses martiales, les gardes
(généralement avec un sabre chauffé à blanc) ou de la profitent d’une bagarre pour faire une descente dans la cel-
langue, le bris des jambes, le marquage au fer rouge, la lule. Là encore, ils ne font pas les choses à moitié : des arba-
pendaison ou l’écartèlement (mais le plus souvent, ce létriers tirent sur ceux qui ne se sont pas éloignés assez rapi-
genre de choses se fait en public) ou le supplice de la dement de la porte de la cellule et une trentaine de gardes en
balançoire. Celui-ci consiste à allonger le supplicié, la tête rangs serrés et lourdement armés pénètrent dans la cage,
en avant sur une planche en bois que des gardes font se n’hésitant pas à tuer tous les imprudents qui osent se mettre
balancer de plus en plus vite et de plus en plus proche du sur leur chemin. Mais ceux-ci sont peu nombreux tant les pri-
mur. Les simples peines d’emprisonnement sont extrême- sonniers semblent connaître et redouter ce genre de manœu-
ment rares et sont le plus souvent dues à des erreurs admi- vre ; tous courent se masser contre les murs, le plus loin pos-
nistratives, à la volonté de garder une personne à disposi- sible des soldats qui en profitent pour se saisir de dix prison-
tion de celui qui l’a faite enfermer, ou encore de simples niers dont les personnages et certains de leurs opposants.
périodes de transit avant de partir gonfler les rangs de l’ar- Naturellement ils peuvent résister, mais quelques coups de
mée ou des ouvriers des chantiers publics. La quasi-totalité sabres ou carreaux d’arbalètes devraient rapidement les
des prisonniers ressortent donc de ces geôles dans des ramener à la réalité. Même prendre celui qui semble être l’of-
délais plus ou moins courts, mais pas toujours en vie et ficier en otage n’amènera qu’un bref répit, Tu Er Po sait ce
93
encore moins souvent entiers. Certains, plus forts, plus qui l’attend en cas d’évasion et il ordonnera lui-même qu’on
malins ou juste plus désespérés, se débrouillent pour faire abatte l’otage si nécessaire.
châtier d’autres prisonniers à leur place et créent une ridi- Avec plus ou moins de mal donc, les personnages
cule et violente cour des miracles au sein des cellules sur- des joueurs et les autres prisonniers sont amenés devant un
peuplées. Mais ici point de contrebande ou de complexe joug à cinq places pour être marqués au fer rouge. On y ins-
système de troc et d’influence, juste une hiérarchie brutale, talle de force cinq personnes (avec le moins de personnages
presque animale, qui permet aux plus forts d’accaparer le possible, l’idéal étant de n’en mettre aucun) et le geôlier
plus de nourriture, d’éviter les peines et de choisir leurs chargé d’administrer la peine prend un réel plaisir à rendre la
partenaires sexuels plutôt qu’être choisis par eux. chose encore plus désagréable en faisant durer ou en prome-
nant son tisonnier à proximité des visages ou des yeux, allant
jusqu’à éborgner un des prisonniers en le marquant à l’œil
Un invité surprise pour le punir de lui avoir craché à la figure. Puis des gardes
les détachent pendant qu’on installe les cinq prisonniers sui-
vants sur le joug devant un geôlier impatient de continuer son
Les personnages commencent le scénario au sein petit jeu sadique. Pourtant, alors qu’il commence ses
d’une de ces vastes cages où sont massées des dizaines de manœuvres d’intimidation, une clameur vient de l’autre
personnes, agressées par les cris permanents et les diverses extrémité de la prison et l’interrompt. Les personnages ne
odeurs, au premier rang desquelles celle du sang et de l’urine voient pas ce qui se passe mais les yeux écarquillés des
séchés sur leurs tuniques. Mais contrairement à ce qu’ils gardes qu’ils ont en vis-à-vis semblent leur confirmer que
pourraient penser, il n’ont guère le temps de s’y ennuyer. c’est important. Tout comme le silence qu’ils entendent pour
Rapidement les autres prisonniers commencent à les jauger la première fois depuis leur arrivée : les cris, hurlements et
et, surtout si les personnages ont l’air athlétiques, les gémissements ont tous cessé…
meneurs ne tardent pas à venir tenter les intimider, voire à les Au bout de quelques minutes, le geôlier revient
frapper s’ils sentent que leur statut peut être menacé. Les per- apparemment très mal à l’aise et se jette au sol en pleurni-
sonnages sont devant un choix difficile : se laisser faire et chant : « Voici les hommes que vous m’avez demandés,
c’est la porte ouverte aux abus et aux exigences dégradantes maître Tu Er Po ». Rapidement, après que de très stricts
(baiser les pieds, passer à quatre pattes entre les jambes de soldats en noir aient entouré les environs immédiats du
celui qui l’exige) ou faire face et risquer le passage à tabac et joug et l’homme prostré par terre, trois hommes arrivent.
probablement la bagarre générale dans la cellule. Mais qu’ils L’un d’entre eux est reconnaissable sans gène, il s’agit du
y participent ou pas, cette dernière finira fatalement par avoir responsable en chef des geôles royales Tu Er Po. Les deux
nombreux qu’eux, sont cachés dans le pavillon (dans les j’ai besoin de héros tels que vous. Je veux que vous rejoi-
poutres, derrière une tenture, etc.) et tentent de les prendre gniez le Censorat en tant que cellule indépendante et que
par surprise. S’ils utilisent de vraies armes et n’hésitent pas vous travailliez avec mon ministre des Lois à la mise en
à se servir d’un ou deux Taos de faible niveau, ils ne com- place de ce grand projet. Êtes-vous d’accord ? ». Si le
battent pas pour tuer mais pour jauger leurs adversaires et Roi pose la question à chacun individuellement, il ne fait
leur capacité à s’adapter et à retourner la situation à leur de doute pour personne qu’elle n’est que purement théo-
avantage, s’arrêtant généralement collectivement à la pre- rique, comme il n’en fait aucun dans la tête du monarque
mière blessure sérieuse faite à l’un d’entre eux et individuel- qu’ils vont accepter. Même s’il ne supporte pas qu’on lui
lement à la première blessure qui passe leur défense. manque de respect, il parle ici avec son cœur et plutôt que
Pour s’assurer que tout se passe dans les meil- de menacer ou donner un ordre, il n’hésitera pas à chercher
leures conditions, une unité d’arbalétriers a été disposée à à convaincre son interlocuteur en cas de refus.
l’extérieur de façon à abattre tout fuyard (autre que les Une fois ce « détail » réglé, il souhaite néan-
domestiques). moins mettre une nouvelle fois les anciens prisonniers à
Les personnages seront sans doute très surpris par l’épreuve avant de les intégrer aux services secrets du
ce combat, n’hésitez pas à le rendre spectaculaire (duel dans Royaume en leur confiant une première mission qui
les poutres et utilisation des Taos du Pas léger et du Souffle requiert trois qualités indispensables à tout agent du cen-
destructeur, de celui des Mille Abeilles avec les plats du ban- sorat : la prise d’initiative, la capacité à s’adapter et sur-
quet ou de la Force insufflée avec les tentures, etc.) et à leur tout la discrétion. S’ils réussissent, ils en deviendront
montrer qu’à Xianyang, malgré le statut de héros des person- des membres à part entière ; nul n’évoque la possibilité
nages, ils ne sont pas les seuls à savoir se battre. d’un échec. Le Roi explique donc rapidement la situa-
tion : « Lors de votre escapade à Qhuzi, vous avez sans
Quoi qu’il en soit, dès qu’ils réalisent quelques doute rencontré le marquis de Changxin, un eunuque du
actions spectaculaires, que vous estimez qu’il y a suffisam- nom de Lao Ai qui accompagnait Lu Buwei. Depuis, il a
ment d’adversaires à terre ou avant les premières blessures repris la position qui est la sienne au service de la
réellement graves, Ying Zheng et Li Si font leur entrée Reine-mère et jusqu’à présent, personne ne s’est plaint
dans le pavillon et applaudissent les prouesses des person- de ses services ou de son comportement. C’est un mem-
nages, soit en les félicitant soit en leur recommandant bre important et respecté de la cour. Toutefois le bruit
d’améliorer leurs points faibles. court qu’il pourrait ne pas être un véritable eunuque.
Même si leurs adversaires sont congédiés, ils peu- Cette situation me trouble. Avoir un imposteur au plus
vent s’apercevoir par un Test de Bois + Perception contre près de la famille royale est une insulte à mon père et à
un SR de 9 que plusieurs hommes sont dissimulés dans tous mes ancêtres. J’exige donc que vous soyez à même
l’ombre, probablement prêts à bondir au moindre signe de me dire ce qu’il en est le plus vite possible. Il est
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d’agressivité envers le ministre ou le Roi. Ce dernier est important que cela reste discret et que personne au sein
d’ailleurs très enthousiaste lorsqu’il s’adresse à ceux qu’il de la cour n’en entende parler. J’aimerai faire plus
appelle lui-même « les bouchers de Quzhi ». Il leur ample connaissance avec vous, mais malheureusement
explique une nouvelle fois qu’il était très impatient de les la vie de Roi ne laisse que peu de temps pour discuter à
rencontrer et de voir s’ils étaient à la hauteur des louanges loisir. Donc, à moins que vous n’ayez des questions à me
de Lu Buwei, qu’il aurait préféré que ses hommes n’aient poser qui soient plus importantes pour le Royaume que
pas à troubler leur repos mais qu’il devait d’abord s’assu- mon prochain rendez-vous et auxquelles mon ministre
rer de leur identité. Assez rapidement, sous prétexte de des Lois ne sache répondre, je vous laisse voir tous les
savoir comment ils sont devenus des héros, il demande à détails avec lui. »
chacun ce qu’il chérit le plus sous le Ciel avant de donner
Deuxième partie : Au
sa réponse : « La paix ». Il dit avoir « un grand projet
pour le Qin et pour les six autres Royaumes une fois unifiés
en un seul Empire où iront en paix et ensemble tous ceux
sorte que le combat soit particulièrement difficile, qu’ils qu’il ne veut que le bien de tous. Une fois de plus, il est
doivent protéger le Roi quitte à prendre des coups (notam- totalement sincère et ses questions sont tout sauf rhéto-
ment des tirs) à sa place. La seule chose importante pour riques, au grand dam des joueurs.
pouvoir continuer le scénario est que Lao Ai réussisse à Au moment qui vous semble opportun, le prince
s’échapper et que les joueurs comprennent bien qu’ils ne Dan pénètre dans la salle, le sourire aux lèvres et manifes-
s’en sont sortis que de justesse. Donc s’ils font tout pour tant son plaisir d’avoir enfin trouvé le Roi. Mais son sou-
faire empirer la situation, n’hésitez pas à en tuer un ou à rire et sa démarche volontaire s’arrêtent net en contem-
blesser le Roi. Il est vital pour la suite de la campagne que plant la carte sur le sol et, comme on peut s‘y attendre, le
les joueurs arrivent dès maintenant à évaluer leur opposi- destin réservé à son Royaume. Un dialogue s’engage alors
tion ; leur parcours sera autant fait d’éclatantes victoires entre les deux hommes. N’hésitez pas à y laisser intervenir
que de cuisantes défaites et plus tôt ils le comprendront, les personnages, que ce soit par leurs paroles ou plus pro-
mieux ce sera. bablement par leurs actes. Par exemple, il serait malvenu
qu’ils se contentent d’écouter alors que la sécurité du Roi
• Si Ying Zheng a le temps d’agir, il fait un signe de la est en danger…
main aux personnages pour qu’ils restent sur place et fas-
sent comme si de rien n’était. Lao Ai prétend alors que Le prince prend donc la parole :
l’enfant est son neveu et que la Reine-mère lui a permis de « Pendant des années, j’ai cru que sa Majesté et
rester car il l’amuse et lui rappelle le temps béni des dieux moi étions amis mais si tel est le cas, pourquoi vouloir
où il était son fils avant d’être le Roi. Après un silence, conquérir mon Royaume alors qu’Elle sait que nous
Ying Zheng rit aux éclats puis prend l’enfant dans ses bras, sommes et seront toujours des alliés indéfectibles ?
allant même jusqu’à feindre une certaine affection pour lui. - La guerre continue depuis des siècles. Les
Peu après, il prétend d’avoir des affaires à régler et prend Royaumes n’ont de cesse de s’entredéchirer : les petits
congé de sa mère et de son irritant eunuque. Mais le retour veulent grandir, les grands veulent conquérir les petits.
au Palais Jique est des plus difficile : le Roi a grand peine Tant qu’ils ne seront pas unifiés, le Zhongguo ne connaîtra
à marcher sans tituber, il se refuse de toute évidence à pas la paix.
pleurer mais les larmes perlent sur ses joues, il semble - C’est tant que le Qin existera que le Zhongguo
estomaqué par ce qu’il vient de comprendre. La réaction ne connaîtra pas la paix ! » hurle le prince Dan en dégai-
est si violente qu’un empoissonnement semble tout à fait nant son épée.
vraisemblable mais il n’en est rien et il se dirige vers la Ying Zheng s’approche alors de son ami, pas inti-
salle de la carte. midé le moins du monde :
« Je comprends que ton Royaume te manque
mais ne t’inquiètes pas, je ferais en sorte que tu y occupes
99
La salle de la carte un poste à responsabilité une fois qu’il sera une province
de mon Empire. À moins bien sûr que tu souhaites rester
ici, à mes côtés. Sache que ce n’est pas moi qui te retiens
Le Roi est donc particulièrement troublé par cette ici, mais le Roi du Yan, ton père, qui te renverrait à moi à
trahison. Hébété, il erre comme un dément jusqu’à rejoin- l’instant même où tu le rejoindrais. Tu es mon ami et je te
dre le Palais Jique et l’antichambre de l’annexe réservée à laisse libre d’agir à ta guise, pour ton bien et ce Royaume
la salle de la carte où il finit par s’asseoir en maugréant et qui préfère te savoir otage à Xianyang que prince à Ji. »
gémissant. Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas Dan, après avoir accusé le coup, bombe alors le
très réceptif : n’hésitez pas à laisser les personnages tenter torse et s’adresse alors aux personnages :
de lui remonter le moral, il se montrera d’autant plus cruel « Puisque j’ai levé l’épée contre sa Majesté, la
et verbalement blessant qu’il ne souhaite pas qu’on le voit loi exige que je sois mis à mort… Faites donc votre office
aussi vulnérable. Assez rapidement, Zhan le nain sort de la que je puisse sinon le hanter, au moins rejoindre le temple
salle mitoyenne et semble surpris de voir autant de monde, de mes ancêtres.
alors que Ying Zheng tente tant bien que mal de se redon- - Te tuer ? Mais nous sommes frères ! »
ner une composition. L’eunuque explique à son suzerain Décontenancé, complètement à la merci de son
qu’il venait justement le chercher pour lui annoncer que la ancien ami, le prince s’effondre alors au sol, les larmes aux
carte était prête. Ce dernier esquisse alors un sourire, yeux. D’un geste du cou, Ying zheng ordonne alors aux per-
comme un enfant qui aurait reçu un jouet pour le consoler, sonnages de faire sortir Dan de la salle avant de les rappeler.
puis pénètre alors dans la salle, exhortant si nécessaire les
personnages à le suivre. Il prend alors un ton grave et retrouve sa conte-
Là une immense carte d’une dizaine de mètres de nance royale : « Je crois qu’ils me prennent pour un faible.
longueur est peinte sur le sol. Elle représente le Zhongguo Ils ont gardé de moi l’image de l’enfant que je ne suis plus
uni sous la bannière du Qin ; on y voit encore les six depuis presque dix ans maintenant et, tant qu’il subsistera le
autres Royaumes mais ils semblent avoir déjà été divisées moindre doute dans leur esprit, ils ne cesseront d’utiliser leur
en commanderies. Un peu partout, on peut voir des figu- énergie à essayer de me remplacer plutôt que de travailler à
rines en terre cuite représentant les diverses armées. la grandeur de ce Royaume. Je dois donc frapper un grand
Visiblement ému, le Roi prend à partie les personnages qui coup. Je dois montrer à tous que je suis Ying Zheng, le puis-
doivent sérieusement commencer à se demander comment sant Roi du Qin né pour réaliser le grand dessein de mes
ils ont pu en arriver là. Il leur demande comment on peut ancêtres. Il ne doit exister aucune ambiguïté à ce sujet. Je
vouloir le tuer alors que ses rêves de paix sont si purs et vais me rendre dès aujourd’hui à Yong et mettre un terme à
Quatrième partie :
dividus à l’accent du Wei et leur dit de se mettre en posi-
tion pour le lever du soleil. Il part alors avec certains d’en-
Le coup d’Etat
tre eux retrouver des troupes à l’extérieur de la ville. Si les
personnages le suivent encore à ce moment là, ses hommes
les auront repérés et vont les attendre dans une embuscade
particulièrement violente.
101
Quoi qu’il en soit, dès qu’il est hors de danger, sauver, je suis prêt à prendre le risque de ne pas faire bénir
Ying zheng semble particulièrement abattu par cette mon règne par les dieux. À quoi me sert de régner des
attaque mais il n’est pas homme à se laisser démoraliser années si mon peuple est réduit en esclavage ? Mais pour
bien longtemps pour si peu. Il se dirige alors vers le per- cela, je dois prétendre que la cérémonie a bien eu lieu et
sonnage qui s’est le plus illustré dans la bataille (probable- me précipiter au secours de vos femmes, de vos filles et de
ment en lui sauvant la vie) et lui demande son nom. Une vos mères. Je ne peux le faire sans vous, alors je ne le
fois que ce dernier a répondu, il proclame haut et fort demanderai qu’une fois : qui est avec moi ? QUI EST
qu’on ne l’appellera plus « X », mais « Capitaine X » AVEC MOI ? »
(remplacer X par le nom du personnage en question) sous
les acclamations des soldats survivants… sous réserve Bien entendu à ce moment là, le Roi est plus fin
qu’il y en ait, bien sûr. Rapidement, le Roi demande plus orateur que patriote sincère mais l’armée ne semble pas
de détails sur la nature du coup d’Etat et de la personne qui voir la différence et, survoltée, elle part ensuite en direc-
a essayé de le renverser. Quand les personnages lui racon- tion de la capitale à marche forcée. Elle y rentre le plus dis-
tent ce qui se trame, il décide de se dépêcher de regagner crètement possible, en quittant la route et en passant par la
Xianyang pour y accueillir lui-même Lao Ai, non sans lui porte Nord à la faveur de la nuit, n’hésitant pas à déplacer
avoir préparé un piège à la hauteur de ses méfaits. Il la population d’une partie des quartiers nord si nécessaire.
ordonne donc à un homme de sa suite, probablement un
agent du Censorat, de se déguiser en Rong et d’aller avertir
l’eunuque que son plan s’est déroulé comme prévu et que L’attaque du palais
le Roi est mort. Il lui confie même sa coiffe afin qu’il soit
en mesure de prouver ses dires.
Une fois de retour au palais royal, Wang Jian
accueille Ying Zheng et le reste des hommes. Une réu-
nion d’état-major s’improvise alors où sont conviés le
général et son fils, mais également les personnages après
Si les joueurs ont expliqué que que le Roi ait rappelé leur nouveau statut et ait vanté
leurs exploits au vieux militaire. Le plan du Roi est rela-
tivement simple : il veut laisser Lao Ai avancer facile-
Lao Ai était bien un eunuque…
Ils peuvent s’estimer très chanceux. ment jusqu’à la Place de la Souveraineté suprême où il
En effet, au milieu des encouragements desti- sera pris au piège et écrasé devant les marches mêmes du
Palais Jique comme « le cancrelat qu’il n’a jamais
nés à remonter le moral de ses troupes, le Roi
cessé d’être ». Il n’est de monarque qui soit heureux
103
leur fait une remarque discrète mais cinglante
afin de bien leur faire comprendre que s’il leur d’apprendre une tentative de coup d’Etat, mais Ying
pardonne, il n’a pas oublié leur erreur. De toute Zheng semble particulièrement touché par la trahison de
évidence, leurs vies auraient pu être menacées l’eunuque et déterminé à lui faire payer très cher le prix
s’ils ne s’étaient illustrés lors de la bataille de de son impudence. Le général prend donc les disposi-
la route de Yong. Ying Zheng aura bien trop à tions pour mener à bien le plan de son suzerain mais sou-
penser dès son retour au palais pour s’en haite y apporter une modification de taille. Il fait alors
préoccuper. entrer deux hommes dans la salle, Chu Changping et
Chu Changwen (identifiables sur un Test de
Renommée). Les deux princes expliquent avoir surpris
une discussion en fin d’après-midi entre des hommes à
Il fait ensuite mettre toutes les troupes en forma- l’accent du Wei et qui semblaient vouloir s’infiltrer dans
tion et monte sur son cheval, face à eux. Seul le person- la Cité royale par la porte Est à l’aube. Les jeunes
nage désigné comme capitaine et Wang Ben (s’il est là) hommes ne souhaitent pas dévoiler comment ils ont eu
sont autorisés à se tenir aux côtés du Roi, face à l’ensemble ces informations mais si on insiste, ils expliqueront
de l’armée. Il harangue alors les hommes : penauds qu’ils étaient dans une taverne de la ville, dans
laquelle ils se rendent fréquemment pour boire et se
« Fidèles soldats du Qin, vous venez une fois de mêler au peuple. Wang Jian expliquera alors qu’il pense
plus de montrer le courage et la détermination qui ont per- qu’il s’agit d’une unité de saboteurs de Wei, des spécia-
mis à notre Royaume de ne jamais connaître la défaite. listes de l’infiltration et de la guerre non convention-
Regardez les hommes autour de vous et souvenez-vous de nelle, dont il convient de se méfier au plus haut point et
leurs visages. Dans quelques années, vous pourrez dire à face à qui tout plan peut tomber en poussière.
vos enfants, puis à vos petits-enfants, que vous avez servi
auprès de tels hommes. Comme le capitaine X (placer le À l’aube, les rebelles de Lao Ai pénètrent donc
nom du personnage en question), vous êtes les véritables comme prévu dans une Cité royale qui leur est presque offerte
héros de ce Royaume et l’origine de ma fierté à le diriger. et profitent, du moins le croient-ils, de la quiétude matinale
Mais ce soir, notre capitale Xianyang est en danger. Votre pour arriver sans encombre jusqu’à la Place de la
devoir, mon devoir, est de la sauver. De quel Roi voulez Souveraineté suprême. Là, l’eunuque et ses trois cents soldats
vous ? Celui qui, alors que ses sujets sont en danger, part trouvent seul et face à eux, de l’autre côté de la gigantesque
à Yong pour accomplir un rituel désuet ou celui qui vous esplanade, un Ying Zheng impérial trônant sur les marches de
mène au combat défendre le peuple du Qin ? Car pour le son palais. Lao Ai a du mal a cacher sa surprise, puis il hurle
ses armes au sol et s’adresse à eux : « Je n’aurais jamais dû le bonheur simple de vivre à deux nous est donc interdit.
vous mettre dans une telle situation, j’assumerai donc seul le Toutefois, à la différence de ton fils, les dieux sont sages et
prix de ma folie. Faites ce que les soldats vous diront, ne com- nous nous retrouverons dans une autre vie. Paysans ou gens
mettez pas d’imprudence et sa Majesté épargnera vos vies ». du peuple, nous pourrons enfin nous aimer. Maintenant, il te
Le général fait alors signe aux personnages (du moins au nou- faut vivre et nous survivre. Lève-toi et ne donne pas la satis-
veau capitaine) de traîner l’eunuque jusqu’au Roi avant d’or- faction des tes larmes à ton fils. »
donner aux insurgés de déposer leurs armes et de se tenir Elle sèche alors ses larmes, prend sur elle pour
debout. Il échange un regard avec le Roi (qui hoche la tête) retrouver son port royal et quitte la salle. Ying Zheng, qui
puis abaisse son bras et ce sont des dizaines d’arbalétriers à n’osait l’interrompre, prend l’eunuque à parti alors que lui-
répétition qui déciment les hommes de Lao Ai avant que des même, bien qu’il soit fermement tenu par les personnages,
lanciers ne les remplacent et s’assurent qu’il ne reste aucun retrouve sa dignité naturelle et se prépare à affronter son sort :
survivant en achevant tous les blessés. Devant un tel massa- « Lao Ai, avoues-tu tes crimes ?
cre, Lao Ai s’effondre aux pieds des personnages, les implo- - Quels crimes ? Je suis innocent et même tes
rant en vain de faire quelque chose et injuriant Ying Zheng bourreaux ne sauront m’enlever cela !
d’une voix sanglotante. - En couchant avec la Reine-mère, tu as souillé la
lignée royale et donné naissance à des bâtards. Tu as ourdi
un complot avec l’étranger pour ravir le trône au Roi légi-
Révélation de palais time du Qin et tu as bien failli réussir. Tu mérites pire que
la mort !
- Oui j’ai couché avec la Reine-mère et des enfants
Le Roi n’a clairement pas l’intention de s’arrêter en sont nés de notre lit. Mais toi, le fils parfait, l’as-tu vraiment
si bon chemin. Il se dirige ensuite vers le palais de la Reine- connue ? Sais-tu quelle a été sa vie ? As-tu la moindre idée
mère avec ses soldats et les personnages, qui sont toujours de la solitude qui a été la sienne ? Alors qui es-tu pour me
chargés de traîner l’eunuque. Il ordonne alors à ses hommes reprocher ceci ? Quant aux autres Royaumes, le premier lait
de fouiller le palais et lui ramener les deux enfants alors que que tu as bu n’était-il celui du Zhao ? Tu me reproches
sa mère, en larmes, tente de le convaincre qu’il ne s’agit que d’avoir voulu dérober le trône, mais qui es-tu sinon le plus
d’enfants innocents, et de ses frères qui plus est. Mais le Roi grand des voleurs ? Laisse-moi te raconter une histoire.
ne veut clairement rien entendre et il ne cesse de demander à Quand le prince Zichu était otage à Handan, un marchand
la reine lequel des deux elle avait choisit pour le remplacer. du nom de Lu Buwei lui offrit sa concubine. Mais celle-ci
Devant son refus de lui répondre et de signer l’arrêt de mort était déjà enceinte et elle donna naissance un peu plus tard à
d’un de ses fils, Ying Zheng ordonne alors aux personnages un garçon dont on se débarrassa en l’envoyant garder les
de les tuer tous les deux et de les jeter par-dessus les rem- chevaux. Mon histoire te rappelle-t-elle quelque chose,
105
parts. Attention, malgré les réticences probables et bien natu- Majesté ? Elle ne se termine pas là. Quelques années plus
relles de vos joueurs, ils doivent comprendre que refuser cet tard, le prince monta sur le trône du Qin et à sa mort, le pale-
ordre reviendrait à faire exécuter leurs personnages tant le frenier du Zhao lui succéda. »
Roi est dans un état second, et qu’il est impossible de sauver La mâchoire crispée, le Roi est incapable de lais-
les enfants de façon discrète. Cette mise à mort est volontai- ser apparaître autre chose qu’un rictus alors que Lao Ai
rement dure mais en aucun cas gratuite et va avoir une impor- reprend de plus belle :
tance certaine pour la suite des événements. Vous devez donc « Je pense que même toi qui te décris comme le
faire en sorte de soigner particulièrement sa mise en scène et Roi légitime du Qin a compris qui était ton vrai père. Ne
de donner aux personnages l’occasion d’exprimer leurs sen- savoures-tu point l’ironie de la situation ? Quelle pathé-
timents à ce sujet entre eux. Rien n’est simple quand on sert tique créature tu fais à te réclamer sans cesse d’ancêtres
le Roi de Qin. qui ne sont pas les tiens, à aller prier dans leur temple et
à vouloir conquérir les six autres Royaumes au nom de
Lorsque les personnages reviennent, la Reine- leur grand dessein alors que tu n’es même pas du sang du
mère est en train de rouer le Roi de coups mais ce dernier Qin ! Voilà, enfant du Zhao, palefrenier qui a dérobé un
ne réagit pas et ne se permettrait en aucune façon à qui- Royaume entier, pourquoi tu es le plus grand des voleurs !
conque de frapper sa mère, même déchue : il préférerait la - … Tu es fou ! Tu es fou ! Faites le taire !
faire exécuter que lever la main sur elle. Les gardes qui - Ying Zheng, Roi du Qin, tu n’es qu’un bâtard !
avaient la responsabilité de Lao Ai pendant l’absence des Ah ah ah ! Le Roi du Qin est mort il y a un an. Le Qin est
personnages viennent leur remettre leur prisonnier. La mort il y a un an !
Reine-mère se jette alors au cou de son amant - Partez tous ! Que tout le monde s’en aille ! Je
« Je t’ai trahi. Nos fils sont morts et je n’ai pas ne veux voir personne ! »
été capable de les sauver.
- Alors l’affaire est entendue et il ne sert plus à La salle se vide très rapidement, les plus fidèles
rien de lutter. L’heure est à la défaite. gardes du corps du Roi étant les derniers à partir et restant
- Je t’en prie, excuse moi… à portée de voix. Il se tourne alors vers les personnages,
- Non, c’est moi qui te présente mes excuses. visiblement sous le choc et sanglotant sans cesse : « Ce
Jamais nos fils n’auraient du mourir. Bien sûr on prétendra n’est pas vrai ? Ce n’est pas vrai, hein ? » avant de leur
qu’ils sont morts parce que je recherchais le pouvoir et la demander d’amener Lao Ai dans les geôles du Palais
fortune, mais il n’en est rien. Je ne cherchais qu’une chose, Jique. « Je ne veux plus voir personne ! Ne vous ai-je pas
le bonheur de vivre à tes côtés. Mais tu es la mère du Roi et ordonné de me laisser seul ? »
Personnalités
Aspects : Métal 4, Eau 3, Terre 3, Bois 3, Feu 2
Aspects secondaires : Chi 27, Défense passive 8
Don et Faiblesse : /
Talents : Perception 2, Intimidation 2, Jiànshù 2 (Coup
précis, Double parade), Nushù 2 (Tir lointain, Tir rapide),
Acrobatie 3, Discrétion 3, Esquive 2
Taos : Tao des Six Directions 2, Tao du Pas léger 2, Tao
Les agents du Censorat
de l’Ombre dissimulée 2, Tao des Dix Mille Mains 2
Il s’agit de soldats de l’ombre, utilisés pour tester Souffle vital : 19 (6 / 0, 5 / 0, 3 / - 1, 2 / - 3, 1 / - 5)
les personnages afin de savoir si le Roi peut se fier à eux. Renommée : 10
Equipement : Epée, arbalète
du dernier Philosophe
ser aux personnages des scénarios de type « mission ».
Mais vous pouvez bien évidemment amener vos joueurs à
accomplir toute sorte d’autres actions au cours de ces
«périodes de creux». La ville de Xianyang fourmille en
elle-même de dizaines d’opportunités d’aventures.
« Au Service du censorat » en constitue une assez
simple en soi, bien que les situations et les interactions entre Jours paisibles à Xianyang
les personnages et les PNJ puissent se résoudre de nom-
breuses manières différentes. Enfin, sa seconde partie
explore un aspect de Qin rarement mis en avant : l’horreur. Depuis plusieurs mois, les personnages sont
Introduction
devenus citoyens du Qin et vivent dans la capitale du
Royaume. S’ils n’ont pas encore découvert cette grande
cité lors d’aventures intercalaires, n’hésitez pas à prolon-
ger l’introduction afin que les joueurs prennent leurs
repères et considèrent Xianyang comme leur lieu de rési-
dence habituel. Ils devraient se sentir familiers de certains
Ce scénario se situe en -237 (soit en l’an 884 du endroits et habitants de la capitale du Qin ainsi ils se sen-
calendrier de la dynastie Zhou). Les personnages se voient tiront d’autant plus impliqués au coeur des événements qui
confier une mission prioritaire, qui consiste en l’assassinat s’y déroulent.
d’une personnalité réputée du Zhongguo et en la récupéra- Une fois qu’ils semblent à l’aise dans ce cadre et
tion d’un ouvrage mythique. Une opération simple en qu’ils ont commencé à envisager leur quotidien et leur ave-
apparence, mais qui va rapidement se compliquer suite à nir immédiat, lancez l’amorce du scénario.
l’intervention d’une de leur vieille connaissance : Bec
trer dans le vif du sujet. Aussitôt, son ton affable et pré- Bien que long, le voyage peut très bien se dérou-
cieux de courtisan laisse place à un mode d’expression ler sans la moindre péripétie notoire. Hormis les habi-
plus direct. Donnez le sentiment aux joueurs qu’ils ont en tuelles tracasseries administratives aux frontières, rien de
face d’eux presque deux personnalités différentes selon le notable ne survient à moins que le Meneur de Jeu n’en
rôle qu’endosse Dao. décide autrement : vous pouvez ainsi en profiter pour
À voix basse, le responsable du Censorat à amener les personnages à effectuer quelques rencontres
Xianyang leur présente les modalités de la mission qu’il amusantes. Peut-être connaissent-ils déjà Petit Profit, le
souhaite leur confier. Il ne s’appesantit pas sur les motifs marchand ambulant (Cf. Mythes et Animaux fabuleux,
de cette opération et reste évasif si les joueurs posent p.96) et le retrouvent sur cette route, toujours aussi bavard.
quelques questions pertinentes. Il leur affirme simplement Vous pouvez également émailler ce trajet de rumeurs, de
que la directive vient «d’en haut» et que cet ordre est prio- rencontres ou d’aventures locales. Mais les personnages ne
ritaire. À eux d’en déduire ce qu’ils veulent, après tout le doivent pas perdre de vue que la réalisation de leur mission
Censorat ne recrute pas des imbéciles. demeure leur objectif prioritaire, et que le Censorat aime
Voici exactement les informations qu’il est auto- obtenir des résultats et rapidement.
risé à leur transmettre. Les personnages doivent se rendre
jusqu’à Lan-ling, une petite cité du Chu située à l’Est de
Zhou, où réside Xun Zi. S’ils ne connaissent pas ce nom, La retraite de Xun Zi
Dao leur explique rapidement qu’il s’agit de l’un des maî-
tres à penser du légisme. Leur mission consiste à éliminer
cet homme le plus discrètement possible (à eux de décider Le voyage s’avère donc par défaut long et mono-
de quelle manière, s’ils feront passer cela pour un accident tone. Un soir, alors que les personnages ne sont plus guère
ou un suicide, etc.) et à récupérer un ouvrage important en qu’à une demi-journée de marche de la cité, la pluie s’abat
sa possession, intitulé le Traité des Choses de l’Est. Dao sur eux. La nuit tombe et l’averse les pousse à chercher un
insiste lourdement sur le fait qu’aucun des deux éléments abri. Heureusement, surgissent soudain des lumières au
de cette mission n’est optionnel. Les personnages doivent bord de la route. Il s’agit d’un relais situé au bord d’un
impérativement supprimer Xun Zi et ramener le livre. petit canal qu’un bac permet de traverser. À cette heure tar-
dive, plus personne n’assure ce transport et à moins de se
débrouiller seul, il vaut mieux chercher refuge dans «
l’Auberge du Canal ».
Une dizaine de clients, des marchands et des
voyageurs, se sèchent et dînent autour d’un feu brûlant
109
Les projets de Li Si
dans un large âtre central. L’aubergiste, un petit homme
Li Si, avant d’être ministre du Qin, jovial et sautillant, les accueille chaleureusement et
fut le disciple de l’un des théoriciens du envoie aussitôt un serviteur s’occuper de leurs chevaux.
légisme appelé Xun Zi (-310 à -237). Il avait Il leur propose de s’asseoir près du feu où un homme
d’ailleurs à l’époque un certain Han Fei Zi tente maladroitement de se souvenir d’une légende de
comme condisciple. Cependant, Li Si ne se son enfance. Les autres convives l’écoutent distraite-
contente pas d’être un ministre zélé et ambi- ment tout en mangeant leur soupe de légumes. Les per-
tieux, il est également un médiocre fangshi. Il sonnages intrigués par ce rassemblement apprennent que
a rapidement pris conscience de l’obsession leur hôte, nommé Heng Po, offre le repas à tous ceux qui
morbide du jeune Roi et il cherche désormais narrent une histoire qui lui plaise, fictive ou réelle, ou lui
dans ses maigres connaissances occultes le rapportent des nouvelles intéressantes. Une curieuse
moyen de le satisfaire ; il espère bien entendu habitude mais qui entretient une ambiance assez bon
s’attirer ainsi la faveur du monarque. Or il se enfant au sein de son établissement, fréquenté unique-
souvient avoir aperçu chez son ancien maître ment par des gens de passage.
un vieux traité écrit dans une langue antique. Il En fait, cette « tradition » procède d’un autre
avait jadis pu le déchiffrer partiellement et objectif : Heng Po est l’agent du Censorat du Qin envoyé
pense que les secrets qui y sont consignés par Li Si afin de surveiller Xun Zi. Mais il évite de s’ap-
pourraient l’aider dans son entreprise, sinon procher trop près de la ville complètement policée. Aussi,
maintenant, du moins plus tard. Il s’agit du il a trouvé ce moyen pratique de glaner des informations.
Traité des Choses de l’Est sur lequel il préfère Les personnages n’ont pas été mis au courant de l’identité
mettre la main avant de voir l’un de ses rivaux de cet agent (que Li Si protége) mais selon leur comporte-
s’en emparer. ment, Heng Po pourra peut-être deviner leurs réelles moti-
Grâce à son poste de ministre de vations et leur apporter une aide discrète.
tutelle du Censorat, Li Si fait surveiller son Parmi les autres clients de l’auberge, deux per-
ancien maître par un agent réputé des services sonnalités sortent du lot. La première est un wu xia empâté
secrets du Qin. Mais, impatient, il décide d’en- et négligé nommé Rung Na. Si les joueurs racontent une
voyer les personnage supprimer l’érudit (pour histoire, il les interrompt, pose des questions stupides et
effacer les traces de ce vol et parce qu’il en a émet des commentaires peu flatteurs. Pressé de faire
le pouvoir) et récupérer le Traité. mieux, il se met alors à conter les aventures d’un «grand
héros du Zhongguo», le dénommé Tong de Nao ! Les per-
sonnages qui ont joué le scénario «Vers un Monde de Lacs
Rendez-vous manqué
Les enfants de Lao Ai
Les personnages vont tôt ou tard tenter d’appro-
Deux enfants, deux spectres qui han- cher Xun Zi ou effectuer des repérages autour de la magis-
tent les personnages. trature. Porte-parole du Sage enregistre toute demande de
Ils les suivent de loin, rendent leur rendez-vous, mais chaque jour annule ceux-ci en raison de
chevaux nerveux, troublent leur sommeil par « l’indisposition » du magistrat. La voie bureaucratique
des pleurs et des gémissements. Leur but est ne permet pas de le rencontrer et les rumeurs vont bon train
d’inquiéter les personnages, de les pousser à car personne n’a vu Xun Zi depuis une semaine.
bout pour que, morts de fatigue ou de peur, ils
commettent des erreurs portant préjudice à En fait, le vieux maître est en train de mourir. Agé
leur mission ou leur réputation. Ils aiment en de soixante-treize ans, épuisé, il vit reclus dans ses appar-
particulier chanter une comptine pour enfant tements. Mais aucun de ses serviteurs ne transmettra cette
dont ils détournent les paroles de façon maca- information à l’extérieur. Aussi, les joueurs vont devoir
110 mettre au point un plan pour pénétrer dans l’édifice, certai-
bre. Ils surgissent quand on s’y attend le
moins, surprennent les personnages et les nement de nuit lorsque les locaux administratifs sont vides.
effraient par des bruits soudains ou des appari-
tions brèves et de mauvaise augure. Un exor- Les appartements de Xun Zi se situent au premier
ciste pourra sans doute les éloigner mais diffi- étage. Un jardin parfaitement agencé et entouré d’un haut
cilement les chasser définitivement. mur donne sur l’arrière du bâtiment, surplombé par le bal-
con de sa chambre. La nuit, les patrouilles sont fréquentes
dans la rue mais il n’y a que deux sentinelles devant la
porte, une autre dans le jardin et une au rez-de-chaussée.
A l’aube, la pluie a cessé et les personnages peuvent Trois serviteurs vivent dans les combles du bâtiment. Les
reprendre leur route vers Yeng par une route détrempée et Cinq Rossignols pourraient organiser une diversion des
glissante. Le soleil n’est pas encore à son zénith lorsqu’ils plus efficaces, si les personnages les trouvent et les en
arrivent en vue de la petite enceinte. Il s’agit d’une cité convainquent.
modeste d’à peine huit mille habitants, cernée d’un simple Les joueurs doivent comprendre qu’ils ne pour-
talus de terre damée surmonté d’un rempart de roche grise. ront pas approcher Xun Zi par la voie légale. Il faut tenter
Cette pierre abondante dans la région a servi à construire la une effraction. Laissez-les organiser avec minutie leur opé-
plupart des maisons basses et massives, chose très rare au ration (ou s’en remettre à la chance !).
Zhongguo. Seules la magistrature et la caserne respectent des Mais au moment de passer à l’action, tout s’avère
normes architecturales plus classiques et font usage intensif étrangement facile. Pas de garde dans le jardin (son cada-
du bois. Aussi la cité dégage une impression de solidité et est vre est caché dans un massif épineux), ni dans la magistra-
peu vulnérable aux incendies, véritable fléau urbain. Il s’agit ture (corps dissimulé dans un coffre du bureau fiscal). Les
d’un petit centre prospère dont la principale activité écono- personnages avancent dans un bâtiment vide et silencieux.
mique tourne autour de l’extraction et le travail de la pierre Personne jusqu’à l’escalier où ils découvrent le corps sans
qui lui donne son uniformité. vie d’un serviteur. La nuque brisée, il gît au pied des
Première constatation pour les personnages : la marches. Accident ? Deux autres corps dans les combles
garnison est nombreuse, le poste de garde devant l’entrée (poignardés ceux-là) indiquent le contraire.
principale regroupe ainsi pas moins de douze hommes. Au bout du couloir, un rai de lumière filtre par la
Cependant les personnages devraient rapidement se rendre porte entrebâillée de la chambre de Xun Zi. Mais lorsque
compte que ce déploiement de force répond au désir d’ho- les personnages jettent un œil dans cette pièce, une sur-
norer et de protéger la célébrité locale : Xun Zi. Très âgé, prise de taille les attend.
celui-ci s’est vu offrir le poste de magistrat de Lan-ling pour
• Le hall des antiquités et le site archéologique : Près de la carrière, lors de travaux d’aménagement
de la route qui y mène, des ouvriers ont découvert les vestiges ensevelis sous une coulée de boue d’un
édifice antique. Des experts ont pu le dater de la dynastie Xia et les éléments retrouvés (armes, poteries, 111
bijoux) sont exposés dans un bâtiment adjacent à la magistrature. Les fouilles archéologiques se poursui-
vent actuellement sous la direction d’An Gong, historien au service du Roi. Il a récemment mis à jour un
curieux pendentif de jade et d’onyx mêlés et semble depuis pris d’une fébrilité excessive, poussant jour
et nuit ses manouvriers à poursuivre les fouilles plus profondément, au mépris des risques d’éboulement.
• L’atelier de Main de Pierre : Cet homme dans la force de l’âge est considéré comme le meilleur sculp-
teur de Lan-ling. Il achève actuellement un buste de Xun Zi, mais n’a pu voir le magistrat depuis trois
jours. Il réalise également d’imposantes Ba Chui dans le granit local (Solidité : 13 mais il faut au moins
un niveau de 4 en Métal pour les manier).
• L’Auberge du Pèlerin jovial : Malgré son nom, cet établissement résonne rarement des rires de ses
clients. Tenu par Kun Ji, un ancien soldat du Chu, grand homme maigre et chafouin, l’auberge suit des
règles strictes : pas de bruit après la tombée de la nuit, service des repas à heures fixes, tenue impeccable
exigée… Mais les prix sont corrects et le service irréprochable. Kun Ji est également un informateur de
la police.
• Les Cinq Rossignols : La loi de Lan-ling interdit les rassemblements entre l’heure du porc et l’aube.
Les citoyens ne doivent pas faire de bruit durant cette période. Mais il y a des réfractaires. Rien de bien
méchant cependant : les Rossignols regroupent cinq adolescentes qui, pendant la nuit, se mettent à chan-
ter, jouer de la musique ou déclamer des vers sur les places publiques de la cité. Cachées derrière des
masques, elles jouent à cache-cache avec les autorités, bravent l’interdit par simple jeu. Irrégulièrement,
elles donnent leur court spectacle (quelques minutes) et disparaissent avant l’arrivée du guet. La plupart
des citoyens s’amusent de cette situation. L’une d’elles n’est autre que Bao Jin, la fille du colonel Bao
Bun, chef de la garnison.
• Fu Wan Ke : Borgne peu loquace et aux manières rudes, il tient un estaminet : le Chat Tigré, fréquenté
par les mineurs. Mais surtout, il possède une salle de jeu clandestine dans son arrière-boutique (activité
bien entendu illégale). Né dans le jiang hu, il déteste le légisme et pratique encore quelques rites taoïstes
ancestraux. C’est un brave homme qui sous son aspect revêche cache un cœur généreux pour les plus
démunis. En hiver, il ouvre une salle pour que les sans-logis dorment au chaud. Les autorités l’ont à l’œil
mais le laissent faire tant qu’il ne prend pas trop ouvertement parti contre le pouvoir (une sorte de soupape
de sécurité…).
Seconde partie : Un
l’érudit ne reçoit que très peu de visites. On raconte que
Sur la piste du Traité des Choses de l’Est Une invitation impossible à décliner
Renseignements pris, les personnages décou- Les personnages se rapprochent des frontières
vrent donc où a été expédié le Traité des Choses de l’Est. Sud du Chu et progressent maintenant à travers une suc-
Ne trouvant aucune trace de Bec rouge à Lan-ling, le cession de vallées encaissées où le soleil ne pénètre que
colonel Bao continuant à rechercher activement les « rarement. Hormis quelques animaux sauvages et des ber-
voleurs », ils devraient donc se hâter de quitter la gers incultes, ils ne rencontrent personne, pas même le
modeste cité. La route la plus directe rejoint Chansha commis mentionné par le marchand. Au bout de deux jours
puis longe la rivière Xiang jusqu’à Chengyang. La de marche pénible sur des sentiers escarpés, ils devinent
nature assez sauvage de ces régions risque plus de les enfin à travers la brume le but de leur long voyage.
ralentir qu’autre chose s’ils décident de chercher un rac-
courci. Toutes les précautions ont été prises pour Un manoir accroché au flanc d’une falaise se
convoyer discrètement et en toute sécurité les précieux dresse au-dessus d’un vide vertigineux. Son architecture
manuscrits. Les personnages apprennent à Chansha que élancée témoigne du génie de son bâtisseur. Mais alors que
113
le convoi est déjà reparti depuis la veille. En fait, il s’agit les personnages achèvent d’escalader l’étroit chemin qui y
d’une fausse piste organisée pour dérouter d’éventuels conduit, le soleil se cache derrière un sommet déchiqueté
voleurs. Le temps de rattraper ce leurre, de l’arrêter et de et l’obscurité envahit peu à peu le paysage. La nuit froide
se rendre compte que l’on a été dupé, les véritables mes- est tombée lorsqu’ils parviennent enfin devant la large
sagers seront déjà arrivés à Chengyang. porte de l’élégant édifice.
Une fois rendus, il faudra encore mener une Personne ne répond à leurs appels, des barreaux
enquête minutieuse pour découvrir que les livres ont été de fer bloquent l’accès aux rares fenêtres d’où aucune
confiés à un marchand voyageant vers le Sud. Les person- lumière ne filtre. Pourtant, en tendant attentivement
nages le retrouvent le lendemain dans un petit village de l‘oreille, les personnages perçoivent de la musique et des
bergers au fond d’une vallée humide. Il s’est déjà débar- éclats de voix joyeux. S’ils poussent la porte, ils constatent
rassé de son colis, donné à un commis parti rejoindre le qu’elle n’est pas verrouillée. Une invitation à entrer ?
manoir de Bei Jiao-lin.
Le hall, désespérément vide hormis le grand esca-
NB : Mener l’enquête lier laqué qui monte à l’étage, est froid et obscur. Une odeur
De loin en loin, les personnages vont devoir inter- de moisi flotte dans l’air. Les bruits semblent provenir d’en
roger des gens pour suivre la trace du livre. À Lan-ling ou haut. Personne ne semble avoir remarqué leur présence alors
ailleurs, il se trouve toujours des fonctionnaires trop qu’ils montent et traversent un petit vestibule plongé dans le
loquaces ou capables de délivrer une information sans noir. Mais cette fois, ils voient de la lumière passant à travers
conséquences contre une petite rémunération. Les person- une grande porte ajourée. Les sons d’une fête proviennent de
nages peuvent également exploiter la faiblesse du légisme cette direction. Dès qu’ils poussent les battants, les person-
: un administratif envahissant. De faux documents, un nages sont saisis par le contraste immédiat.
mensonge bien pensé et exploitant le système font toujours
leur effet. Une fois qu’ils ont le signalement des Ils débouchent dans une vaste salle luxueuse et bril-
convoyeurs, il suffit d’interroger de loin en loin les voya- lamment éclairée par des centaines de lampes colorées. Un
geurs et habitants de la région. festin de mets raffinés s’étale sur une grande table centrale.
Un feu crépite dans l’âtre d’une immense cheminée. Une
Leur course infructueuse n’a fait que les rappro- douzaine de convives boivent, mangent et discutent par petits
cher de ce lieu dont le seul nom fait frémir leurs interlocu- groupes. Laissez quelques instants aux joueurs pour se poser
teurs. En effet, vivant en reclus depuis des décennies, des questions et assimiler la situation. Dès qu’ils signalent
Enfin très rapidement, ils se sentent très las. Au escaliers, des plate-formes, des ponts de corde soutenus par
départ, mettez cela sur le compte la fatigue du voyage, une des poteaux taillés dans des troncs d’arbre géants, permettent
bonne nuit (troublée par les deux fantômes enfantins) d’accéder à des rayonnages adossés aux parois de pierre,
devrait y remédier. Mais en réalité, ils meurent de faim. La dans un dédale inextricable. Des lanternes éteintes sont
nourriture est illusoire et leurs forces déclinent au fur et à accrochées ici et là et des cages de métal pendent du plafond,
mesure que le temps passe (ils perdent une ligne de Souffle retenues par des chaînes rouillées. Elles renferment
vital et écopent d’un malus de -1 à toutes leurs actions, à quelques-uns des ouvrages les plus précieux, à l’abri des rats,
partir du deuxième jour et par journée de jeûne). dont le fameux Traité des Choses de l’Est.
Bei Jiao-Lin demeure introuvable. Les autres Sur une plate-forme en contrebas, ils aperçoivent la
convives ne peuvent pas expliquer réellement ce qui se silhouette d’un homme solitaire faisant les cent pas autour 115
passe ici, mais face aux doutes ou aux suspicions renvoient d’un immense bureau. Il s’agit bien sûr de Bei Jiao-lin cher-
systématiquement les personnages vers leur hôte. Qui chant désespérément le moyen de terminer son œuvre.
achève son dernier livre… Attention, ici aussi tout n’est qu’illusion de la
Tôt ou tard, ils vont comprendre que la situation splendeur passée de la bibliothèque. Les cordes sont usées,
n’est pas ce qu’elle semble être et qu’il leur faut absolu- les escaliers vermoulus, les ponts branlants. Un personnage
ment retrouver l’érudit pour tirer tout cela au clair, et sur- trop pressé ou un combat engagé avec Xin Hoan par exem-
tout remplir leur mission. ple, risque de précipiter le maladroit vers le fond du gouffre.
Prisonniers de la malédiction qui empêche l’âme de Bei Jiao-lin de trouver le repos, ils res-
tent à leur tour coincés dans le manoir hanté. Tous sont morts de faim ou sont devenus fous, c’est
pourquoi ils entretiennent collectivement cette illusion de fête et de bonheur insouciant. Ils ne com-
prennent pas pourquoi ils se trouvent encore ici, et certains n’ont même pas conscience de leur mort.
Ils espèrent que chaque nouveau venu trouvera la solution.
Shao Chang : Historien et érudit du Chu, il vint ici afin de consulter certains ouvrages uniques.
Imbu de sa personne et méprisant envers ceux qui vivent des armes, sa suffisance risque fort d’éner-
ver rapidement les personnages. Il considère Jiao-lin comme un gardien de livres et non comme un
penseur, et déteste Chen Gang depuis des années.
Chen Gang : Poète originaire du Han, il bénéficie des faveurs du Roi du Chu depuis quelques
années. Il est venu voir Jiao-lin afin de vérifier auprès de lui certaines légendes qu’il souhaite décli-
ner en poèmes. D’un abord sympathique, c’est un manipulateur qui n’aime rien plus qu’être admiré.
Il déteste Shao Chang et tout deux se livrent à des joutes verbales acides enrobées de politesses.
Keng Wai : Dernier arrivé, c’est un jeune étudiant de Linzi venu parfaire ses connaissances
116 auprès de Jiao-lin qu’il n’a toujours pas rencontré. Romantique, il rêve d’aventures mais sa mala-
dresse le condamne aux écritoires plutôt qu’à l’épée.
Ten Sung : Scribe de Wen Chang, il effectuait une tournée d’inspection afin de s’assurer que les
ouvrages conservés ici étaient bien protégés. Renfermé, il semble éviter les autres convives et on le
trouve parfois furetant partout (il cherche l’entrée de la bibliothèque).
Il y a encore une demi-douzaine d’autres fantômes, des marchands et des érudits pour la
plupart. Développez vos propres idées si vous le souhaitez, afin de donner plus de vie à l’ensemble.
Fen Zhu (Cf. Mythes et Animaux fabuleux, p. 51 et 52) : Arrivé un jour avant les personnages,
ce yao-cochon débonnaire et bon vivant profite pour l’instant de la générosité du buffet. Affable et
jovial, il accueille volontiers les nouveaux venus et affiche en permanence sa bonhomie. Mais dès
qu’il se rend compte que sa faim ne disparaît pas malgré les énormes quantités de nourriture qu’il
ingurgite (avec gloutonnerie), il paraît plus inquiet. Dès lors, il cherche par tous les moyens à quitter
ces lieux et peut assister les personnages dans leur enquête.
Xin Hoan : Jeune fille aux manières douces, charmeuse et sensuelle, elle prétend être la nièce
de Jiao-lin. Il s’agit en fait d’une voleuse payée par un riche collectionneur de Daliang afin de déro-
ber un livre de la bibliothèque de l’érudit. Elle est arrivée quelques heures avant les personnages en
se substituant au commis qui a apporté le Traité (elle l’a tué et a jeté son corps dans une crevasse).
Elle a déposé le livre dans l’entrée mais il n’y est plus : Jiao-lin l’a récupéré entre temps puis entre-
posé dans son bureau. Dotée d’une détermination à toute épreuve, elle ne laissera ni les scrupules ni
les personnages se mettre en travers de sa mission.
Au final cependant, la conversation revient tou- Le soleil matinal ne les réchauffe pas. Toutes
jours au Bei Jing. Très vite, les personnages devraient se leurs affaires sont restées dans les ruines, leurs chevaux ont
rendre compte à quel pont ce livre compte pour l’érudit et disparus et il leur reste une longue route à faire jusqu’à
la souffrance qu’il ressent à ne pas pouvoir l’achever. Xianyang…
Une fois bien conscients de la situation (un fantôme
qui s’ignore, un livre inachevé, un piège mortel), les person-
nages vont devoir trouver une solution pour échapper à cette
malédiction et remplir leur mission. Même s’ils parviennent à
s’emparer du Traité, ils ne peuvent pas quitter le manoir dans Le Traité des Choses de l’Est
l’état actuel des choses. Jiao-lin ne sait pas comment faire. Il
faut donc déjà le convaincre qu’il est décédé. Cette révélation Il s’agit d’un rouleau de lattes de
prise d’abord pour une plaisanterie le plonge ensuite dans un bambous, mais il est indestructible et impossi-
profond désarroi. Un fangshi exorciste comprendra aisément ble à ouvrir. En effet il faut pour cela réunir
pourquoi l’âme de l’érudit ne peut pas quitter ce monde. Il ne deux « clés métaphoriques » qui prennent la
reste plus qu’à trouver un moyen de l’y aider. Jiao-lin ne pen- forme de deux phrases : une donnée à Han Fei
sera pas à la possession, les personnages devront le lui propo- Zi, une autre à Li Si. Un fait qu’ignorent les
ser et trouver un volontaire. Dicter le texte ne suffira pas car il personnages mais qui prendra toute son impor-
l’oublie aussitôt qu’il y pense, il doit donc l’écrire lui-même. tance par la suite. Il est possible toutefois d’en-
De plus, son matériel est hors d’usage : il faut donc en trouver trevoir des caractères très anciens par endroit
dans le manoir (dans les bagages d’un des convives) ou parmi en regardant entre les lattes.
les affaires d’un personnage féru de calligraphie.
Personnalités
La fin, et ensuite ?
Bei Jiao-lin trace de sa belle écriture le dernier
caractère du Bei Jing. Il pose doucement le pinceau et pousse
un soupir. Le personnage possédé tremble un peu quand le
fantôme quitte son corps pour réapparaître quelques mètres Bao Bun
plus loin. Il affiche un grand sourire radieux et tend les mains
vers ses bienfaiteurs pour les remercier. Mais aucun son ne
117
sort de sa bouche et sa silhouette commence doucement à Officier carriériste, il considère comme un hon-
s’effacer. L’âme de l’érudit entame son dernier voyage, et neur son poste actuel. Grand admirateur de Xun Zi, il
avec elle disparaît l’illusion qui maintient la cohérence du applique avec zèle ses directives à la ville de Lan-ling.
manoir. La réalité reprend soudainement le dessus, la grande Une moustache tombante lui donne un air plutôt
salle apparaît alors dans son état délabré. Très vite, la struc- comique, une fausse impression en contradiction avec
ture de bois se met à grincer, de la poussière tombe de par- son esprit vif et suspicieux. Son corps puissant et massif,
tout, les rayonnages semblent s’affaisser sous leur propre sa maîtrise des armes lui laissent espérer une affectation
poids. L’essence de Jiao-lin qui maintenait la cohérence de future au sein du prestigieux régiment Yue. Il vit seul
son domaine n’assure plus sa fonction. Tout menace de avec sa fille, une charmante peste qui déteste son père et
s’écrouler. Il faut vite fuir les lieux sous peine de se retrouver ne manque pas une occasion de le mettre en rogne. Elle
enseveli sous des tonnes de débris et de rochers. Espérons a formé, avec quatre autres filles de notables, les Cinq
que les personnages penseront tout de même à s’emparer du Rossignols et s’amuse à le faire tourner en bourrique.
Traité, et peut-être même du Bei Jing, livre unique que son
auteur désire désormais voir diffusé dans le Zhongguo. Colonel du Chu - 1 m 86 / 89 kg / 38 ans
De retour dans le hall, les personnages décou- Aspects : Métal 4, Eau 4, Terre 2, Bois 3, Feu 3
vrent les lieux tels qu’ils sont vraiment. Les fantômes Aspects secondaires : Chi 24, Défense passive 9
errent ici et là, certains semblent ne pas comprendre ce qui Don et Faiblesse : Cuirasse de Bronze / Impétuosité du
se passe, d’autres acceptent avec soulagement la fin de leur cheval
captivité. Il fait jour dehors, la neige a recouvert le paysage Talents : Etiquette 1, Héraldique 2, Art de la Guerre 2,
mais il faut se presser d’échapper à cette ruine qui risque Perception 2, Intimidation 2, Investigation 2, Qiangshù 4
de s’effondrer à tout moment. En effet une fois dehors, la (Repousser, Charger, Coup double, Coup précis,
façade du bâtiment se fend et glisse avec fracas dans Combinaison), Jiànshù 2 (Coup précis, Bloquer),
l’abîme. Ils aperçoivent Fen Zhu qui saute d’un pan de mur Equitation 2, Esquive 2, Commandement 2
branlant et s’éloigne après leur avoir adressé un petit signe Taos : Tao de la Foudre soudaine 2, Tao des Six
de main. Par contre, aucun signe de Xin Hoan si elle est Directions 1
toujours vivante à ce moment. Souffle vital : 19 (7 / 0, 5 / 0, 4 / - 1, 2 / - 3, 1 / - 5)
Si les personnages n’ont pas su, ou pu, emporter Renommée : 8
le Traité, ils le découvrent un peu plus tard, enfoncé dans Équipement : Yue, épée, armure de cuir et casque, cheval
la neige, soufflé par l’explosion. Coup de chance ou remer-
ciement de Bei Jiao-lin ?
Introduction
moindre faille pourra être exploitée par leur
adversaire qui cherchera par tous les moyens à
les mettre dans une position délicate.
Prologue
Une nouvelle mission attend les personnages,
mais cette fois c’est le monarque du Qin lui-même qui les
mandate. Ils doivent enquêter sur un architecte originaire
du Han qui dirige actuellement les travaux titanesques du
percement d’un immense canal. Cet ouvrage devrait doter
le royaume d’un avantage stratégique important face à ses
rivaux, mais il existe une possibilité que cet homme de Convocation royale
génie ne soit qu’un traître. Aux personnages d’apporter des
preuves de sa loyauté ou de sa duplicité, et de permettre au
juges de se forger une opinion. Cette aventure se déroule Les personnages doivent maintenant avoir pris
sur un fond d’exode massif des étrangers du Qin et de leurs marques dans leur nouveau rôle d’agents du
chasse aux sorcières au sein de la Cour royale. La décision Censorat. Hormis leurs préoccupations personnelles, leur
conditionnée par leurs recherches aura des répercussions quotidien s’articule autour des missions, parfois anodines,
majeures sur l’avenir. Enfin, il leur faudra défendre leur que leur confie Dao. Aussi laissez les joueurs s’installer
position devant un redoutable maître de rhétorique dans un tranquillement dans cette routine. Que font-ils actuelle-
procès plutôt inhabituel où ils auront tout à perdre. ment, comment gèrent-ils les conséquences de leurs der-
Colère royale
Tous les regards sont braqués sur les personnages.
Ils remarquent en particulier Li Si qui les fixe avec inten-
sité. Son expression est difficile à déchiffrer, mais elle
semble leur enjoindre de choisir leurs mots avec précau-
tion. Devant une absence de réponse immédiate, Ying
Zheng reprend aussitôt :
« Le ministre Li Si prétend que vous êtes à l’ori-
gine de la découverte de ce traité. Mais il ne m’a pas
expliqué dans quelles circonstances. Je vous écoute. En
fait, nous sommes tous très curieux de l’apprendre, »
ajoute-t-il en posant les yeux sur le prisonnier.
Les pistes :
• Zheng Guo : L’architecte sait qu’il est menacé. Il a de
grandes chances de mourir si on ne le cache pas (même la
prison n’est pas sûre). Du coup, il est conscient que les per-
Xénophobie
sonnages représentent ses seuls alliés potentiels. Il se mon-
tre donc très coopératif tant qu’ils garantissent sa sécurité, La décision du Roi et le complot
au moins le temps de faire le point. Zheng Guo est un du Han se trouvent rapidement au centre
homme intelligent et subtil, mais il ne fait jamais preuve des discussions dans la capitale. Tout le
d’arrogance. Par contre, il joue en permanence sur l’ambi- monde en parle et très vite, on assiste à
guïté de la situation. Une discussion avec lui ressemble à diverses exactions contre ces étrangers :
un jeu d’échec où chacun tente de toujours tirer un avan- pillages, mouvements de foule, baston-
tage de chaque mot. nades, etc. Cet événement important
Mais il cherche avant tout à rester en vie, et si possible implique un climat tendu dans la cité et il
continuer son œuvre. Interrogé sur le complot, il dévoile ne fait pas bon être ressortissant étranger
sans hésiter son implication. Mais il insiste sur le fait qu’il au Qin à ce moment là. Pire encore, même
n’avait pas le choix. Les agents du Han le menaçaient de les hautes personnalités occupant des fonc-
mort en cas de désobéissance mais cela ne l’a pas empêché tions d’Etat subissent ce décret royal si
de concevoir le canal non comme un désastre financier elles sont d’origine étrangères : ainsi en
mais bien comme une grande œuvre pouvant servir la est-il par exemple de Li Si, à qui tout le
cause du Qin, une fois terminé. monde prédisait pourtant un avenir glo-
Pressé d’en dire plus, il raconte quelques menus sabotages rieux au sein du gouvernement… Les seuls
orchestrés par ses soins, rien de bien important. Par contre, à ne pas subir les effets de cette décision
même s’il ne le dit pas spontanément, il accepte de révéler sont bien sûr les ambassadeurs et leur suite
l’identité des autres espions du Han qu’il connaît. Il cite ainsi car mandatés ouvertement en mission
quelques noms. Mais il ne prononce celui de Bien Long diplomatique par leur Royaume. Mais,
qu’en dernier recours, changeant subtilement de sujet si même eux voient la garde autour de leur
nécessaire. Il ne se décide finalement que si sa vie est mena- palais augmenter, officiellement pour les
cée par les personnages ou par la situation. Par contre, il parle protéger…
également d’un ou d’une herboriste du quartier marchand
(voir plus loin). Zheng Guo faisait des rapports réguliers à Cependant le problème dépasse le 123
Bien Long et recevait parfois des instructions, mais tout deux cadre de la rue, car de nombreuses person-
ne pouvant se déplacer facilement sans attirer l’attention, ils nalités officielles affichent une opinion
communiquaient par l’intermédiaire de mots codés transmis vis-à-vis de ces étrangers très différente de
par trois mercenaires du Zhao. L’architecte ne connait pas leur position quant au chantier ou Zheng
leurs noms mais peut les décrire : il parle d’un colosse Guo. Ainsi par exemple, le recteur de
maniant deux masses, d’un wu xia armé de deux épées reliées l’académie déteste les étrangers car ils
entre elles par une chaîne et d’un individu sinistre à la haute accaparent les postes normalement dévolus
et sombre silhouette. à ses étudiants, mais reste très favorable au
Le meilleur moyen de faire pression sur Zheng Guo chantier car il leur offre des débouchés. De
consiste à menacer sa famille dont il parle facilement et même, il apprécie l’architecte venu faire
avec tendresse. Il en cite parfois tous les membres sauf un quelques conférences chez lui par le passé,
de ses fils, comme le remarqueront des personnages ayant et pourtant il réprouve sa trahison. Même
pris des renseignements sur sa généalogie. En effet, ce der- lorsque cette première bouffée de violence
nier est membre du groupuscule dirigé par An Chong ce s’achève, et une fois que les étrangers ne se
qui pourrait lui porter gravement préjudice. Attention verront plus contraints à l’exil, le débat
cependant, bien qu’il s’inquiète pour sa famille et qu’il évi- demeurera passionné mais il portera sur
tera tout ce qui pourrait la mettre en danger, Zheng Guo tout autre chose : faut-il continuer le chan-
cache cette faiblesse avec habileté. tier et/ou condamner Zheng Guo ? La
L’architecte passe habituellement la plus grande partie de situation des étrangers est au cœur de
son temps sur le chantier, et profite de ses quelques jours toutes les conversations et chacun à son
de congés afin de rentrer à Xianyang. Ayant été victime mot à dire. Les personnages vont entendre
d’une agression il y a quelque temps, Zheng Guo est les arguments les plus pertinents comme
revenu escorté par cinq manouvriers plutôt costauds afin les plus fallacieux. Insistez sur cet événe-
d’éviter de prendre le moindre risque. ment essentiel aux répercussions majeures
sur leur vie de tous les jours, même si en
• Les trois mercenaires du Zhao : Malgré toutes les tant qu’émissaires du Roi ils sont à l’abri
démarches des personnages, ils restent introuvables. Par des exactions (mais pas des commérages
contre, ils obtiennent plusieurs confirmations que le ou coups fourrés…).
colosse a été vu en ville. Mais il s’agit de vrais profession-
nels, bénéficiant de contacts étroits avec les services
secrets du Han et d’autres groupes de mercenaires louant
devant ses fenêtres, crie des slogans xénophobes à son fautes techniques, etc. Si on lui fait remarquer qu’il a
encontre et jette des pierres ou des ordures contre sa pourtant donné son accord à l’avant-projet, il se sent pris
façade. Les hommes de la garnison tout proches laissent dans sa propre contradiction. Il explique alors maladroi-
faire tant que cela ne dégénère pas plus et encore, beau- tement que les plans étaient parfaits pour éviter de se
coup partagent l’opinion des manifestants. Pourtant, mettre dans une position trop délicate. Selon lui, c’est la
Zheng Jia ne peut pas s’enfuir au Han et rejoindre sa réalisation qui pêche. Les joueurs vont sans doute vite
famille sans que cela ne soit interprété comme un aveu comprendre qu’il souhaite enfoncer Zheng Guo afin de
de la culpabilité de son époux. récupérer le projet à son profit. Ils observent d’ailleurs le
S’ils se présentent à sa porte, les personnages sont reçus même type de réaction au ministère des Grands Travaux.
sur le seuil par une vieille servante qui refuse de les laisser S’ils se rendent dans cette administration, le ministre
entrer, visiblement effrayée par leur simple présence. S’ils averti de leur présence vient lui-même les accueillir et
essaient de pénétrer de force dans la maison, une bagarre tente de faire pression sur eux afin qu’ils condamnent le
risque bien d’éclater. Pendant que la mère et son fils ten- travail de Zheng Guo. Le seul endroit où ils pourront
tent de s’enfuir, les cinq costauds s’interposent et tentent obtenir un regard neutre est l’université, en questionnant
de ralentir les personnages. Tous sont persuadés d’avoir à un professeur (mais dans ce cas ils doivent se méfier des
faire à des assassins ou des membres de la milice déguisés rivalités internes à l’établissement et à la xénophobie de
afin de s’introduire chez eux. Les personnages devront se certains d’entre eux) ou en interrogeant un étudiant déjà
montrer très persuasifs afin de régler cette situation sans bien avancé dans son cursus.
effusion de sang. Jia ne souhaite que cela et, s’ils se mon-
trent respectueux, espère trouver en eux des alliés dans • Le chantier : Dans cette première partie de l’enquête,
cette période difficile. il est nécessaire qu’ils ne s’y rendent pas encore.
Si les personnages n’attaquent pas la maison, la garde s’en Essayez de les garder à Xianyang où ils ont bien assez à
charge effectivement. Quelques soldats surexcités et nationa- faire. Le moyen le plus commode reste la volonté du Roi
listes à l’extrême pensent ainsi rendre justice et, sans aucun qui attend un rapport quotidien de leur part et surtout
doute amasser un butin non négligeable (« Vaut mieux que doit être averti avant de leur donner l’autorisation de se
ça profite à de vrais patriotes qu’à ce traître ! »). Si les per- rendre sur place. Pour information cependant, le canal
sonnages assistent à la scène, à eux de voir comment ils sou- est censé relier les rivières Jing et Luo dans la comman-
haitent réagir. S’ils laissent faire, ils devront se justifier derie de Yong.
devant le monarque mais s’ils interviennent, ils s’attirent
alors l’inimitié de la garde et la méfiance d’une bonne partie La chronologie :
de la population. Voici une chronologie indicative qui pourra bien sûr
Quoi qu’il en soit, dès le lendemain Jia demande audience se voir modifiée en fonction des actions des personnages :
125
au Roi. Elle vient publiquement se placer sous la protec- • Jour 0, matin : Début de l’enquête.
tion du Roi (prétendant que des brigands l’ont attaquée si • Jour 0 : Bien Long prépare sa fuite pour la nuit sui-
sa maison a été pillée). En aucun cas elle ne peut fuir sans vante.
condamner son mari, mais se rend bien compte du danger • Jour 0, nuit : Attaque du manoir de la famille de Zheng
qu’elle court en restant à Xianyang. Sa seule chance réside Guo par la garde. Bien Long assassine Han Xu si on lui en
dans ce coup de bluff plutôt osé. En effet, le Roi ne pourra laisse la possibilité puis s’enfuit vers le Han.
plus menacer sa vie et celle de ses enfants s’il accepte • Jour 1, matin : Découverte du corps de Han Xu. Les
publiquement d’accéder à sa demande et personne n’osera personnages en sont avertis et ils apprennent également
les menacer tant qu’elle restera sous la protection royale. que Zheng Jia a disparu si sa demeure a été attaquée.
Ying zheng demandant leur avis, les personnages peuvent • Jour 1, midi : Rapport au Roi. Alors que les person-
intercéder en sa faveur mais elle ne sera pas autorisée à nages conversent avec Ying Zheng, Zhao Gao vient annon-
rencontrer son mari. cer à l’oreille de celui-ci que l’épouse de Zheng Guo
demande une audience. Elle le prie de lui accorder sa pro-
• Les documents officiels : L’essentiel des documents tection. Il demande leur avis aux personnages et se soumet
concernant le canal se trouvent sur le chantier. Zheng à leur décision.
Guo garde toujours quelques notes dans son manoir • Jour 1, midi : En quittant le Roi, le ministre de la
familial de Xianyang mais bien peu de choses. Toutefois, Guerre invite les personnages à déjeuner avec lui dans ses
les archives royales conservent un document présentant appartements. Cette invitation contrarie très clairement le
l’avant-projet visé par l’architecte royal et son ministre ministre de l’Etat qui reste pourtant silencieux. Pendant le
de tutelle. Ce dernier s’est basé sur ce texte afin de don- repas, il tente de faire pression sur eux. Son discours
ner son accord à la production du canal. Il demeure peu patriotique loue leur travail mais insiste sur le fait qu’ils
probable que les personnages puissent évaluer eux- doivent prendre conscience qu’un tel crime ne peut rester
mêmes un tel projet (ce qui demanderait un Test de Bois impuni. Cela est important pour l’image du Roi, pour le
+ Architecture contre un SR de 11 au minimum), ils doi- pays et pour le moral des troupes.
vent alors faire appel à un expert. L’architecte royal est • Jour 1, soir : Le ministre de l’Etat invite à sont tour
le mieux placé pour cela. Cependant, face aux interroga- les personnages à dîner. Il leur expose des arguments
tions des personnages, il se lance aussitôt dans une inverses. Selon lui, le Qin ne peut se permettre de per-
démonstration compliquée visant à prouver que le travail dre autant de fonctionnaires, tout comme il ne peut
de Zheng Guo met en danger l’achèvement du chantier. décemment perdre son Premier ministre Li Si. À mots
Il leur affirme que sa gestion est entachée d’erreurs, de couverts, il mentionne également le fait qu’on ne lais-
Le chantier
du Censorat qui en savent bien trop sur le pays. Le
chantier ne fait pas partie de ses préoccupations, par
contre il ironise sur le fait que le canal servirait en pre-
mier lieu à nourrir les bouches des soldats du principal
adversaire à sa réalisation (le ministre de la Guerre). Il
insiste aussi sur le fait que le Roi ne possède pas une
très grande réserve de patience et que cette situation Cette deuxième partie du scénario est beaucoup
délicate le met dans l’embarras. plus linéaire, mais elle met en scène des situations bien
• Jour 1, nuit : Rencontre avec Dao qui demande aux per- plus spectaculaires et dangereuses. Aussi, il vous faudra
sonnages également de se dépêcher de soumettre une solu- veiller à maintenir un rythme assez enlevé lors de son
tion au Roi. Mais il parait également amer et leur affirme déroulement.
qu’à force de vouloir se faire remarquer à tout prix, à
contourner la hiérarchie pour en gravir les échelons, ils
s’en trouvent particulièrement exposés. Il les met en garde En route !
contre le fait de prendre trop de risques «inconsidérés».
• Jour 2, matin : Zheng Guo reparle de ses plans et du
projet comme d’une chance pour le Qin. Il se montre de Le Roi du Qin s’impatiente et demande aux per-
moins en moins confiant sur ses chances de survie. Il sonnages de lui apporter rapidement des éléments concrets
explique notamment aux personnages que c’est sur le afin de prendre sa décision en ce qui concerne les travaux
chantier qu’ils trouveront la preuve que les travaux avan- du canal. Ils doivent donc se rendre sur place sans tarder.
cent bien (et accessoirement qu’il est le plus qualifié pour À eux d’organiser cette expédition et d’entreprendre les
le mener à terme). Ils doivent pour cela rencontrer son démarches nécessaires (sauf-conduits, transports, etc.).
assistant-ingénieur sur le chantier. Afin de donner un caractère plus officiel et solen-
• Jour 2, midi : Rapport au Roi en présence du ministre nel à leur mission, Ying Zheng leur attache dix soldats de
de la Guerre. Le monarque interroge les personnages sur sa garde, commandés par un sous-officier vétéran. Il a
ce qu’ils pensent de l’affaire et les force plus ou moins à habilement choisi ces hommes pour leur loyauté et leur
prendre position. Il questionne tous leurs arguments pour obéissance, afin d’éviter tout problème quelles que soient
obtenir des faits et des preuves. Il veut être sûr de bien les conclusions que tireront les personnages de leur
embrasser la situation car elle l’intrigue énormément. enquête.
Malheureusement, il est peu probable que les personnages
126 puissent d’ores et déjà présenter un verdict. Le monarque
parait un peu agacé, surtout s’il s’aperçoit qu’ils fondent
l’essentiel de leur opinion sur les dires du principal accusé. Trouver un expert
Dans un tel cas, le Roi se met à rire et demande soudain à
l’un des personnages s’il lui est loyal. Puis aussitôt il lui Le Roi ayant ordonné aux person-
ordonne de trancher la tête de celui qu’il estime être le chef nages de recruter quelqu’un possédant de
de leur groupe (NB : cette victime désignée devrait cor- bonnes connaissances techniques afin d’éva-
respondre au personnage récompensé à la fin du premier luer le chantier, trois possibilités s’offrent à
scénario, « Révolution de Palais ».) eux :
Si le personnage refuse d’obtempérer, il sera exécuté
comme traître (mais vous pouvez également adoucir cette • L’architecte royal : Celui-ci refuse de quitter
sanction, cependant Ying Zheng ne doit pas paraître faible Xianyang sans un ordre direct de son ministre
dans une telle situation). ou du monarque. De plus, vous savez déjà
Par contre s’il accepte, le Roi stoppe son geste alors qu’il quelle opinion il a sur le sujet et il y a des
est sur le point de le porter le coup fatal. Il annonce ensuite chances que les joueurs le sachent aussi…
au personnage qu’il vient de sauver : « Je vous devais une • Un fonctionnaire du ministère des Grands
vie, maintenant nous sommes quittes. » Travaux : Bien qu’il conseille la poursuite des
Il leur conseille avec un sourire carnassier de ne plus le travaux, il mentira sur le travail de Zheng Guo,
décevoir et exige qu’ils en apprennent plus encore. Ils peu- par jalousie ou accointance avec l’architecte
vent se rendre sur le chantier si nécessaire (ce qui est en royal, et poussera les personnages à s’en
fait un ordre d’y aller). Si les personnages lui font remar- débarrasser.
quer qu’ils ne pourront pas être de retour à Xianyang avant • Un étudiant de l’université : Bien que moins
dix jours, Ying Zheng s’emporte. Il s’en moque visible- expérimenté que les deux précédents, il
ment : qu’ils obéissent, lui réglera ces détails qui ne les conserve un regard assez «neutre». En fonc-
regardent pas ! Par contre, il leur conseille de réquisition- tion de la manière dont les personnages requiè-
ner un assistant possédant un minimum de connaissances rent son aide, le recteur de l’université Pei
en architecture. Zheng Guo reste bien sûr à Xianyang et Gong lui donne quelques consignes. Dans ce
sous bonne garde. cas, il se montre encore plus enthousiaste sur
le projet et le travail de Zheng Guo.
Ce voyage nécessite un trajet d’une semaine, aller apprécierait que la situation s’envenime encore pour
comme retour. Tout au long de leur périple, les personnages déboucher, pourquoi pas, sur un conflit armé avec un Etat
croisent ou dépassent de longues files d’étrangers quittant le voisin (le Han sans doute) ; soit le ministre de l’Etat. Cela
Qin avec tout ce qu’ils ont pu emporter avec eux. Les person- dépend des premières conclusions que les personnages ont
nages assistent parfois à des scènes de pillages : des bandes présentés au monarque lors de leur dernier rapport. L’un
organisées dépouillent les fuyards, et passent à tabac des comme l’autre envisagent de les faire disparaître si l’en-
familles entières en se disant patriotes. Ils tombent sur des quête n’est pas favorable à leur point de vue.
cadavres dénudés et jetés dans les fossés. Pourtant les
convois de réfugiés avancent inexorablement : enfermés A part cet incident, le voyage se passe plutôt calme-
dans leur propre détresse, ces malheureux ne prêtent même ment. La présence d’une escorte éloigne les éventuels pillards, 127
plus attention à toutes ces tragédies ils n’assistent donc, dans les villes comme sur les routes,
qu’aux sempiternelles exactions commises contre les étrangers
et les réfugiés. Mais les autorités interviennent bien peu, soit
Embuscade par manque de moyens soit par manque de motivation.
Enfin au bout de sept jours de trajet, les person-
nages atteignent enfin le canal. Ils longent pendant plu-
Au deuxième jour de voyage, ils aperçoivent bien- sieurs li une portion achevée et peuvent se rendre compte
tôt un chariot renversé au bord du chemin. Le cheval qui le de visu de l’ampleur du projet. Lorsqu’ils arrivent au chan-
tirait s’est détaché et se tient à quelques mètres de là, appa- tier, ce sentiment de démesure les frappe encore plus for-
remment très nerveux. Un blessé gît près du chariot. Mais tement. Alors qu’ils traversent les zones en travaux, les
dès que les personnages ralentissent, il se relève et une quin- milliers d’ouvriers se taisent et suspendent leurs activités.
zaine d’hommes armés de sabres se jettent sur eux. Quatre Tous les dévisagent et un silence pesant s’abat sur la scène.
archers (deux de chaque côté de la voie) sont postés au som- Quelques contremaîtres hurlent des ordres et le travail
met d’arbres dont les branches se joignent pour former une reprend petit à petit, mais les personnages perçoivent les
voûte au-dessus des têtes. Ils tirent afin de les forcer à cher- murmures de la foule qui, intriguée, spécule sur les raisons
cher un couvert. Il semble vite évident qu’il s’agit d’hommes de leur présence.
aguerris et agissants de façon coordonnée. Ces attaquants
sont déterminés à éliminer les personnages.
Leur propre garde se bat avec courage, mais ils doi- Le canal
vent eux aussi se jeter dans la mêlée afin de vaincre leurs
adversaires. Une fois le combat résolu, un Test de Bois +
Investigation contre un SR de 11 permet de trouver quelques Le chantier possède des proportions démesurées. Les
indices intéressants. Il pourrait s’agir là de soldats de la garni- personnages surplombent une vallée de deux cent mètres de
son de Xianyang, même s’ils ne portent pas d’uniforme. Par large. D’une colline à l’autre, elle est bloquée par un immense
contre, il est évident que leurs épées proviennent des manufac- barrage d’une trentaine de mètres de haut. Il bloque la rivière
tures royales. Le sous-officier qui les accompagne ou un per- qui doit alimenter le canal, mais de l’eau s’y accumule déjà.
sonnage ayant une identité officielle de soldat ou de garde peut Les personnages pourront ainsi apprendre que l’autre extré-
peut-être identifier l’un de ces hommes et lever les doutes. mité du canal a été sabotée quelques jours auparavant et laisse
Il s’agit en fait d’hommes envoyés par un minis- de l’eau s’écouler dans la partie déjà construite. Une équipe
tre. Soit celui des Armées afin de les empêcher de décou- s’occupe actuellement jour et nuit de résoudre ce problème qui
vrir des arguments pour la défense de Zheng Guo et qui ralentit considérablement le chantier.
Le procès
monarque charge Li Si d’animer les discussions et,
s’adressant directement aux personnages, les prévient que
s’ils ne parviennent pas à convaincre les membres dési-
gnés, ils paieront leur échec par la mort.
La foule semble impressionnée, pourtant rapide-
ment des voix s’élèvent de nouveau. Elles réclament que la
Retour à la capitale position opposée à celle des personnages soit également
entendue. Bien sûr, personne n’ose assumer cette demande
lorsque le Roi demande qui parle ainsi. Mais plutôt que de
Les personnages rentrent maintenant à Xianyang repousser l’idée, il cherche un volontaire dans l’assemblée
avec en main les preuves réclamées par le Roi. Ils ont dû pour endosser une telle responsabilité. Le célèbre rhéteur
également se faire leur propre opinion sur le sujet. Mao Jiao s’extirpe alors de la foule. Il a déjà eu l’occasion
Alors qu’ils approchent de la cité, ils constatent que de faire parler de lui en réussissant à sauver la Reine-mère
les routes sont bordées de gibets macabres où se balancent après sa tentative de coup d’état (voir « Révolution de
des cadavres gris jetés en pâture aux corbeaux. Une foule Palais »). Un murmure parcourt l’assemblée et presque
nombreuse se dirige vers la capitale et se presse devant ses aussitôt Mai Liu Bang, le maître du Bureau des Rumeurs,
portes. Ils doivent faire une longue queue ou se frayer un rejoint Mao Jiao qu’il demande à assister. Le Roi réfléchit
chemin pour accéder à la ville. Dès qu’ils sont entrés, ils un instant puis accepte. Il nomme ensuite les onze per-
observent que des familles s’installent dans les bâtiments sonnes qu’il souhaite voir représenter la cour.
abandonnés deux semaines plus tôt. Ils apprennent rapide-
ment que Ying Zheng a annulé sa décision condamnant tous « Tout d’abord, je veux l’un de mes ministres. Ce
les étrangers à l’exil. De plus, le Roi a promulgué un décret sera son Excellence Cao Xin Fang, le ministre de l’Etat.
visant à châtier sévèrement ceux qui ont commis des crimes Puis un eunuque… Lai Fu. Je souhaite y voir également un
contre ces ressortissants. La rumeur prétend que Li Si a de ceux qui soutiennent cette cour économiquement et mon
envoyé au Roi un très long pamphlet intitulé « Jian Zhu Ke choix se porte sur Heng Hun. Un général maintenant et
Shu » afin de le faire changer d’avis : il y explique ce que le puisque Wang Jian est occupé, qui pourrait mieux repré-
Royaume doit aux étrangers et à quel point il se trouverait senter l’armée que son fils, Wang Ben ? Pour leur expé-
affaibli sans eux. De retour à Xianyang, les personnages rience et leurs connaissances, je ferai appel au précepteur
découvrent que Li Si jouit désormais d’une immense popu- royal He Seung et au recteur de l’université, Pei Gong.
larité. La foule est versatile et les mêmes qui conspuaient les Comment ai-je pu oublier l’architecte royal Me Xung dont
130 étrangers il y a deux semaines se félicitent publiquement de le coup d’œil nous sera indispensable ? Il manque encore
leur retour aujourd’hui. Beaucoup craignent de se voir accu- quatre personnes. L’une d’entre elle sera mon médecin
sés de crimes contre ces derniers. Qiu Chan dont je connais la sagesse et en qui j’ai toute
Le Roi attend impatiemment les personnages. Ils confiance. Enfin, je ferai appel à deux femmes : Dame
remontent les longs couloirs du palais royal jusqu’à la salle Gong Li que je sais incapable de la moindre injustice et la
du trône. Toute la cour se trouve de nouveau rassemblée courtisane Song Yin pour… sa connaissance de tous les
ici, mais cette fois l’atmosphère est bien plus calme. Le autres ou presque. Où en suis-je ? Dix ? Dix ! …j’ai
Roi questionne alors les personnages sur le résultat de leur trouvé ! Que l’on aille quérir Chao Guang, notre si
enquête. Désormais, tous savent qu’ils appartiennent au dévoué gouverneur. »
Censorat. Ils doivent, devant la cour et le monarque, expo-
ser et argumenter leurs conclusions. Quelle que soit leur Le Roi congédie alors la cour. Il précise que les
réponse, des voix dans l’assemblée pour remettre en cause discussions auront lieu en public, mais pour l’instant il
leur compétence ou leur honnêteté s’élèvent. Ces clameurs souhaite que Li Si rencontre les protagonistes du procès à
anonymes sont d’autant plus puissantes si les personnages huis-clos. Ils décideront ainsi ensemble de la manière dont
sont étrangers ou originaires du Han. Une fois de plus, le il se déroulera.
chaos s’empare de la cour et les personnages ne peuvent Les personnages sont donc invités à rester avec ce
aller plus loin dans leur exposé. groupe. Une fois seuls, Li Si annonce que la première réu-
Ying Zheng semble maintenant furieux. Il sort nion se tiendra le lendemain. Mao Jiao y présentera son
son épée de son fourreau et frappe violemment l’énorme point de vue, puis le surlendemain ce sera le tour des les
gong qui se trouve près de son trône. La foule se tait aus- personnages. Enfin le troisième jour, ils devront exposer
sitôt. Il laisse ce silence peser quelques secondes avant de leurs conclusions qui seront immédiatement suivies de
prendre la parole. celles de Mao Jiao. La décision finale interviendra donc à
« Assez ! Cessez vos querelles ! N’y a-t-il aucun cette occasion. Le Roi, qui assiste à la discussion du haut
moyen de vous satisfaire ? » hurle le Roi à son auditoire. de son trône, fait signe à Li Si de le rejoindre. Il lui glisse
« Puisqu’il en est ainsi, je décide que vous allez vous- quelques mots à l’oreille qu’il relaie ensuite aux autres per-
même décider du destin de Zheng Guo. Je vais en nommer sonnes présentes.
onze parmi vous qui représenteront la cour. » Puis il se « En attendant, sa Majesté et moi-même vous
tourne vers les personnages. « À vous de les convaincre, conseillons de profiter au mieux de cette journée pour par-
et à leur tour ils devront me convaincre. Ensuite, je pren- faire vos argumentaires car si Zheng Guo est puni, ses
drai la décision de faire exécuter Zheng Guo ou de le défenseurs partageront sa peine. S’il est récompensé, ceux
récompenser et d’achever les travaux du canal ! » qui plaident pour son châtiment le recevront à sa place. »
Me Xung : L’architecte royal se trouve dans une posi- Jour 0 : Après la décision du Roi, les personnages peu-
tion délicate. Il souhaite ardemment que le projet se pour- vent profiter du reste de leur journée pour préparer leur
suive mais également remplacer Zheng Guo à sa tête. Il argumentaire, choisir les témoins qu’ils produiront, etc. Il
manigance un moyen de parvenir à ses fins jusqu’à envisa- peuvent également vouloir rencontrer les jurés désignés
ger très sérieusement la possibilité de faire assassiner l’ar- pour discuter avec eux, tenter se les concilier, etc. Sachant
chitecte, après lui avoir fait gagner le procès. Sa décision bien sûr que Mao Jiao fera la même chose de son côté…
reste en suspens et il demeure indécis, comptant sur un élé-
ment extérieur pour prendre position. Jour 1, journée : Mao Jiao dévoile son argumentaire et
insiste sur l’ambiguïté du rôle joué par Zheng Guo. Il n’hé-
132 Song Yin : La vieille courtisane ne vise que deux choses. site pas à faire pression sur des témoins sélectionnés par les
Faire ce qui est le mieux pour le Roi qu’elle considère tou- personnages afin de leur retirer cet appui. Il va jusqu’à faire
jours comme son protégé et s’amuser en observant les vieux témoigner Zheng Guo de la façon qui l’arrange, en menaçant
loups édentés et les jeunes courtisans si sûrs d’eux. Dans sa son épouse au besoin. Il dénonce l’existence d’un espion
position où elle ne craint plus grand-chose, elle se délecte de dans le quartier marchand qui ressemble beaucoup à l’un des
ce genre de situation et contemple toutes les turpitudes de la personnages. Excellent orateur, il expose des faits de manière
nature humaine. Les raisons et les conséquences de ce procès très convaincante, sur un ton posé et en rappelant aux person-
ne revêtent aucune importance pour elle, si ce n’est de per- nages les règles élémentaires du respect s’ils se montrent un
mettre au Roi d’en sortir grandi face à la cour. peu trop véhéments à son encontre.
Gong Li : Ce personnage central de la campagne Jour 1, nuit : Gong Li arrange une entrevue avec les
adopte la position des personnages, à moins bien sûr qu’ils personnages. Elle prétend qu’un de ses amis a quelque
se montrent en-dessous de tout ou indignes de la confiance chose à leur remettre. Elle les entraîne dans une taverne du
du Roi. Elle prend son rôle à cœur et cherche réellement à quartier ouvrier où ils rencontrent un dénommé Ying Jia.
prendre une décision juste. Cependant sa seule motivation Attablé dans un coin sombre, il semble tenir à son inco-
reste d’agir au mieux des intérêts du Roi et elle prépare gnito (il s’agit en fait d’un prince du Zhao ; ce personnage
déjà quelques manœuvres pour s’assurer de faire basculer jouera un rôle plus important dans la suite de la campagne
le procès dans le sens souhaité (notamment via un moyen donc essayez de le rendre sympathique aux joueurs). Il leur
de pression sur l’architecte royal). livre le mercenaire aux deux masses de bronze, seul survi-
vant du commando du chantier : celui-ci vit dans une
Qiu Chan : Le médecin ne se sent que très peu chambre louée au-dessus de l’établissement. Les person-
concerné par toutes ces histoires. Sa seule préoccupation nages devraient pouvoir le surprendre en plein sommeil et
demeure de faire en sorte que ces contrariétés ne nuisent le maîtriser. Ying Jia insiste pour que son nom n’apparaisse
pas à la santé du Roi. Il se moque totalement de ce qui est pas au cours du procès. Il motive son geste en assurant
bon pour le monarque ou le Royaume, il souhaite juste qu’il souhaite éviter qu’une guerre puisse se déclencher
continuer à vivre longtemps et dans le luxe en s’assurant entre le Zhao et le Qin. Le mercenaire ne leur révèle rien
de la bonne santé du souverain. de plus que ce qu’ils savent déjà, mais ils disposent désor-
mais d’un témoin à produire devant le jury.
Chao Guang : Le gouverneur de la capitale est un
homme pragmatique. Bien que vieil aristocrate à priori Jour 2, journée : Aux joueurs de présenter leur
hostile à Zheng Guo, il s’intéresse fortement aux intérêts réquisitoire. Mais face à eux, Mao Jiao se montre très
du Qin car ceux-ci affectent sa ville en permanence. agressif, il n’hésite pas à leur couper la parole, à ironiser, à
Personnalités
Equitation 2, Esquive 2, Survie (divers) 3
Taos : Tao des Six Directions 2, Tao du Pas léger 2, Tao
de la Foudre soudaine 2, Tao des Dix Mille Mains 2, Tao
de la Présence sereine 2
Souffle vital : 21 (7 / 0, 5 / 0, 4 / - 1, 3 / - 3, 2 / - 5)
Renommée : 36
Les mercenaires du Zhao Equipement : Sa double-épée (il peut s’en servir indiffé-
remment avec son Talent de Jiànshù ou celui de Bianshù :
selon les Manœuvres qu’il souhaite effectuer)
Ex-soldats, ex-miliciens de la guilde des mar-
chands, ex-bandits de grand chemin, mercenaires vendus
au plus offrant : ils possèdent une solide expérience et ont
134 su garder de nombreux contacts parmi les groupes qu’ils
Souffle de l’Ombre infernale
ont autrefois fréquentés. Chacun d’eux possède des talents
complémentaires de ceux de ses compagnons, ce qui en Grand et élancé, il possède cependant un incroya-
fait des adversaires dangereux. ble talent d’acrobate. Toujours encapuchonné dans un long
manteau noir dont le col lui dissimule le bas du visage, il
est l’espion et l’assassin du groupe. Il manie une dague et
Masses grondantes lance ses poignards avec précision. Il en possède sept, dont
six enduits de divers poisons allant du simple somnifère au
redoutable Voile noir. Silencieux et discret, il préfère éviter
Un colosse de presque deux mètres et maniant l’affrontement direct pour attaquer sournoisement ses
avec une facilité déconcertante deux énormes masses de adversaires.
bronze. Il compte essentiellement sur sa puissance phy-
sique pour noyer rapidement ses adversaires sous une ava- Mercenaire du Zhao - 1 m 85 / 60 kg / 30 ans
lanche de coups. Mais ce serait cependant un tort de Aspects : Métal 3, Eau 5, Terre 3, Bois 2, Feu 3
mésestimer sa maîtrise technique. Il est le plus expansif Aspects secondaires : Chi 24, Défense passive 9
des trois mercenaires. Don et Faiblesse : Enfant des Ombres / Froideur du
Serpent
Mercenaire du Zhao - 2 m 04 / 106 kg / 33 ans Talents : Herboristerie 3, Perception 3, Langues 2 (divers
Aspects : Métal 5, Eau 3, Terre 2, Bois 3, Feu 2 dialectes), Daoshù 2 (Coup précis, Feinte), Lancer 4 (Tir
Aspects secondaires : Chi 16, Défense passive 8 rapide, Rebond, Tir lointain, Double trait), Improvisation
Don et Faiblesse : Cuirasse de Bronze / Sang impur 2, Acrobatie 4, Discrétion 3, Esquive 2, Larcins 3
Talents : Perception 2, Intimidation 3, Jeux 2, Boxe 3 Taos : Tao des Six Directions 2, Tao du Pas léger 3, Tao
(Réduire la distance, Bloquer, Charger), Chuishù 4 du Bouclier invisible 2, Tao des Mille Abeilles 3
(Assommer, Mise à distance, Charger, Repousser), Souffle vital : 17 (6 / 0, 5 / 0, 3 / - 1, 2 / - 3, 1 / - 5)
Equitation 2, Esquive 1, Survie (divers) 3 Renommée : 27
Taos : Tao du Corps renforcé 3, Tao du Souffle destruc- Equipement : Vêtements sombres, dague, poignards,
teur 3, Tao du Bouclier invisible 2, Tao du Yin et du dards de lancer, poisons divers
Yang 1
Souffle vital : 23 (10 / 0, 7 / 0, 3 / - 1, 2 / - 3, 1 / - 5)
Renommée : 32
Equipement : Armure légère, deux masses à une main
Introduction
désormais dans une nouvelle ère, dans laquelle le puissant
Royaume du Qin a assurément la prédominance. sont écoulées depuis le retentissant procès de 135
Zheng Guo. Que le canal ait été achevé ou non,
le Qin a su encore renforcer sa puissance éco-
nomique et militaire et est sur le point de partir
en guerre. Le Han semble être son premier
objectif même si tout est fait pour détromper
Suite aux événements du scénario « le Procès », cette rumeur…
Ying Zheng a fait cadeau aux personnages de trois années de Li Si désespère de pouvoir ouvrir le
leur vie. Cette période révolue, il les rappelle de nouveau à Traité des Choses de l’Est. Il a pour cela
son service. Nous sommes à l’aube de profonds bouleverse- besoin de la clé de Han Fei Zi, mais celui-ci est
ments dans l’Histoire des Royaumes combattants… actuellement réfugié au Han. Il ignore donc
Réintégrés au sein du Censorat, les personnages toujours le réel contenu du rouleau de Xun Zi.
vont d’abord devoir accomplir une mission essentielle
pour faire tomber une cité du Zhao, mission au cours de
laquelle ils croiseront de vieilles connaissances et devront
dérober un vase tripode. quatre années se sont finalement écoulées, Ying Zheng se
Puis ils seront au centre des tractations impliquant montrant toujours aussi peu rigoureux en ce qui concerne les
le retour de Han Fei Zi au Qin et se retrouveront par la suite «détails». Mais voilà enfin qu’on leur demande de reprendre
piégés par les manigances des deux Royaumes. Ils verront un du service. Deux cas de figure sont possibles :
vénérable lettré mourir et seront eux-même bannis du Qin
alors qu’ils auront à nouveau sauvé la vie du Roi… • Les personnages vivent toujours à Xianyang : Ils sont
Première partie :
alors convoqués officiellement au palais royal. Le soleil au
Pingyang
zénith inonde la cour de lumière. Comme jadis, les voilà au
pied de l’immense escalier qui mène au splendide Palais
Jique. Ils le gravissent entre les rangées de gardes immobiles
et impeccablement alignés. À peine ont-ils quitté la dernière
marche que la silhouette familière de Dao s’avance vers eux.
Retour au service du Censorat Il les accueille chaleureusement, un grand sourire aux lèvres.
Après l’échange de quelques salutations d’usage, il les invite
à le suivre jusqu’à la salle d’audience. Les joueurs doivent se
Le Roi du Qin avait offert aux personnages trois ans sentir les bienvenus, un peu comme s’ils rentraient chez eux
de leur vie avant de les rappeler à son service. Et presque après un très long voyage.
couvrant l’avance des fantassins. Arrivés au pied des murs, Ils sont alors conduits au dernier étage de l’édifice
moins hauts à cet endroit que dans la cité (six mètres environ), qui a beaucoup souffert du siège. Des murs sont éventrés, des
ils dressent des échelles contre la paroi brisée en plusieurs débris jonchent les trois niveaux. Deux autres gardes barrent
endroits. Le combat est acharné et meurtrier. Pour les person- l’accès à une salle étonnement intacte hormis des fenêtres
nages, vous pouvez utiliser le tableau d’engagement de l’Art brisées et occultées par de lourdes toiles. Le sceau suffit à les
de la Guerre (cf. page 105 du supplément). Les joueurs choi- laisser passer. Le Disciple de Mo prend un dîner frugal en
sissent leur attitude pour cet affrontement, mais ils n’auront compagnie d’un autre homme âgé, un lettré à première vue.
chacun qu’une seule opportunité héroïque à affronter. Si la Ils sont maigres mais en bonne santé. Un Test de Bois +
majorité d’entre eux parvient à accomplir son exploit, les sol- Héraldique contre un SR de 9 permet de discerner un sigle
dats du Qin s’emparent du fort et ils pourront entrer et ressortir typique du Han sur la robe du vieillard. Mais les personnages
par là. En cas d’égalité ou d’un nombre supérieur d’échecs, devraient reconnaître leur cible : il s’agit de Sze qu’ils ont
l’assaut est repoussé et doit être remis au lendemain. sans doute rencontré à Yanshan (voir «le Prince félon»). Mais
Alors que la lutte atteint son paroxysme, et que les il a terriblement changé : oubliée la loque aperçue autrefois,
assaillants prennent pied sur le rempart, les personnages peuvent ils ont désormais face à eux un homme déterminé et au
se faufiler à l’intérieur du fortin et descendre dans la cour sans regard enfiévré par le sacré de sa mission. Il est fort probable
trop se faire remarquer. Celle-ci est quasiment déserte, tous les que lui aussi reconnaisse les personnages, sa réaction dépen-
soldats disponibles étant mobilisés contre les attaquants. dant alors de la manière dont s’est déroulée leur première
Quelques planches rivées au sol bloquent l’accès au tunnel. Une rencontre. Quoiqu’il en soit, les personnages sont seuls dans
fois dedans, les clameurs des combats disparaissent rapidement. la pièce avec ces deux hommes. Il n’y a que deux gardes der-
Il s’agit d’une étroite galerie humide, de l’eau suinte sur les rière la porte, et un cordon de soldats en bas. Le reste du bâti-
parois,où les personnages doivent se déplacer courbés en deux. ment, très symbolique mais trop exposé, est vide. À eux d’ac-
Des étais soutiennent le plafond qui menace de s’écrouler. Les complir leur mission avec efficacité et discrétion.
personnages progressent ainsi une soixantaine de mètres (espé-
rons qu’ils ont pensé à amener de quoi s’éclairer) avant de tom- Le vase tripode : Un réseau de sous-sols obscurs sous
ber face à un mur de terre. Des outils traînent sur le sol. Il faut la magistrature renferme les cachots, des archives et une
encore creuser trois mètres pour déboucher à l’air libre, dans la grande salle voûtée où vit actuellement Sinistre Craquelure.
cité. Ils surgissent près de la berge du canal, à peine un mètre au- Ce devin possède un vase en tout point identique à celui volé
dessus des eaux calmes. Un petit bain nocturne leur permet de à Xianyang (à tel point que les personnages devraient soit
s’enfoncer discrètement au cœur de la cité. penser qu’il s’agit du même, soit qu’ils ont tous deux la
même origine). Il s’en sert de récipient pour ses rites. Rempli
d’eau pure, il y voit l’avenir sous formes de visions fugitives.
Vision trouble
Lorsque les personnages entrent, le devin est seul et plongé
137
dans sa divination. Il verse de l’eau dans le vase en chanton-
Une fois à l’intérieur de Pingyang, les personnages nant. Sinistre Craquelure leur tourne le dos et ne semble pas
doivent trouver le Disciple de Mo et le vase tripode. Les les avoir entendu arriver. Ils peuvent l’attaquer immédiate-
espions de Li Si leur ont précédemment appris que l’objet se ment et le tuer sans difficulté, discrètement. Dans ce cas, le
trouve sous la garde d’un devin nommé Sinistre Craquelure. premier personnage qui s’empare du vase contemple la
Il officie dans une salle aménagée pour lui dans les sous-sols vision reflétée par l’eau. S’ils abordent le fangshi, négocient
de la magistrature. Par chance, leur cible se trouve également (il refuse de céder son urne) ou se contentent de le saisir, tous
dans ce bâtiment comme ils l’apprendront en questionnant assistent à la vision suivante :
(plus ou moins subtilement ou brutalement) un soldat de la A travers un voile de brume, les personnages
garnison. Ils peuvent accomplir les deux volets de leur mis- observent une salle souterraine, mais luxueusement aména-
sion dans l’ordre de leur choix. Ils doivent juste veiller à ce gée. Ils s’y trouvent tous, en train de discuter avec trois
qu’aucune alerte ne soit donnée trop vite afin de ne pas com- hommes dont les costumes font penser à de très hauts digni-
promettre leurs chances de succès. taires. Eux-mêmes sont vêtus de la même façon élégante.
L’un de personnages s’écroule soudain, le torse percé par
Assassinat : Le bâtiment de la magistrature est gardé une flèche tirée d’on ne sait où. Ils ne peuvent distinguer son
en permanence par une trentaine de soldats mais, comme visage ni déterminer son identité, ils comprennent juste qu’il
le constatent les personnages, la garnison est épuisée par s’agit de l’un d’eux. La panique s’empare de l’assemblée,
ce long siège et la faim tenaille les défenseurs. Les che- tout le monde court en tous sens et ils reconnaissent claire-
vaux ont été mangés depuis longtemps, des femmes et des ment Ying Jia parmi leurs interlocuteurs, apparemment bien
enfants faméliques se terrent parmi les ruines de ce qui fut plus âgé que lorsqu’ils l’ont rencontré dans une taverne de
jadis une jolie cité. Tous les hommes valides sont affectés Xianyang quatre ans plus tôt.
aux murailles, mais il est évident que sans les conseils du S’il est toujours en vie, le devin profite de leur
Disciple de Mo, le moral et la détermination des défen- inattention pour tenter de les poignarder. Dans la lutte qui
seurs s’écrouleraient rapidement. s’ensuit, il est plus que probable qu’ils tuent le fangshi.
Si les personnages s’en servent, le sceau donné Dans tous les cas, au moment de sa mort, Sinistre
par Guizha intrigue la sentinelle qui en réfère à un officier. Craquelure prononce à leur encontre une sombre malédic-
Celui-ci interroge les personnages sur la manière dont ils tion (il est ici essentiel que le devin meure).
ont pu entrer et le but de leur visite. À eux d’inventer un
mensonge plausible afin d’obtenir l’autorisation d’être Complications : Soudain, un fort contingent de soldats
présenté au stratège (ce qui ne sera pas évident). du Zhao surgit par le seul accès à la salle. Leur chef en armure
Deuxième partie :
gage sur le pont afin d’en rejoindre le centre. Elles sont
composées de Li Si et de Ji An (qui avance sous un vête-
ment ample lui permettant de se dissimuler) chacun
L’échange
accompagné de deux hommes de confiance armés d’arba-
lètes et chargés de tenir les interlocuteurs en joue afin
d’éviter toute manœuvre déloyale. Le ministre a désigné
deux des personnages pour jouer ce rôle, de préférence
ceux ayant un lien avec le Han.
NB : Si vous avez introduit les historiques personnels des
Très rapidement, les personnages réalisent que leur personnages, il choisit le fils d’Han Fei Zi et l’amante de Ji An.
route ne les mène pas dans la direction de Xianyang. Li Si
explique en chemin qu’il accomplit au préalable une mission La brume et l’aube réduisent la visibilité. Le
pour le Roi qui les conduit à la frontière du Han. Il compte croassement d’un corbeau solitaire trouble le silence. Puis
sur eux pour assurer sa sécurité et agir en cas de besoin. le bruit des pas résonne sur le bois et la délégation du Qin
Pourtant, ce trajet est ralenti par un événement étrange : plu- voit surgir son homologue du Han.
sieurs personnes sont victimes de nausées et un soldat
Troisième partie :
NB : Li Si insiste pour que cette rencontre se passe selon
Le piège
les règles édictées par les deux camps. L’escorte de Ji An
est très nerveuse, comme le sont peut-être les personnages
qui accompagnent le ministre, surtout lorsqu’ils verront à
qui ils ont à faire. Mais, les joueurs prendront peut-être
d’autres initiatives. Laissez-les faire tant qu’ils ne mettent
pas en danger la rencontre. Les personnages rentrent à Xianyang et repren-
nent leurs fonctions d’agents du Censorat du Qin. Ying
La discussion est courtoise mais tendue. Li Si promet Zheng se montre effectivement ravi du retour de Han Fei
la clémence du Qin, ou du moins de détourner les ardeurs du Zi et celui-ci prend rapidement une place importante
Roi vers une autre direction que le Han. En échange, il réclame auprès du souverain. Plusieurs mois s’écoulent et l’in-
que Han Fei Zi revienne à Xianyang. Ji An hésite à peine et fluence du philosophe grandit à la cour. Il prône une poli-
donne son accord. Il espère que l’action conjuguée de Li Si et tique de rapprochement avec le Han mais ne s’entend pas
de Han Fei Zi suffira à protéger son Royaume. Il affirme que du tout avec Yao Jia qu’il humilie oralement plus d’une
le lettré arrivera dans quatre jours. Puis les deux délégations se fois en public. Bientôt sa rivalité avec Li Si occupe de nou-
séparent. Un peu plus tard, le trafic reprend normalement sur veau le devant de la scène. L’humeur du Roi ne s’améliore
le pont et l’armée du Han lève le camp. pas, ses rêves de grandeur s’accordant mal avec la réalité
diplomatique du Zhongguo. Vous pouvez bien sûr meubler
Escorte cette période d’aventures secondaires et de péripéties liées
aux décisions personnelles des personnages : un bon
moyen pour eux de développer également leur réseau de
Li Si quitte dans l’heure le fort. Mais il demande aux relations dans la capitale du Qin.
personnages d’attendre Han Fei Zi et de l’escorter jusqu’à
Xianyang. Ils n’ont guère le choix, vous pouvez donc émailler
ces quatre jours d’événements divers (bagarre d’auberge,
Doutes
contrebandiers, retrouvailles avec un PNJ se rendant au
Huashan en pèlerinage…) afin qu’ils ne s’ennuient pas trop. À la cour du Qin, les réputations se font et se défont
Mais cette attente doit tout de même leur paraître très vite. Han Fei Zi bénéficie actuellement des faveurs du
longue et monotone, hormis des nuits agitées. En effet, les souverain. Pourtant, son ardeur à défendre le Han suscite des
deux enfants fantômes reviennent les tourmenter et multi- rumeurs mettant en doute sa loyauté. Pour le moment, Ying
plient les tours pendables pour exaspérer les personnages. Zheng ne semble pas y accorder crédit. Pourtant… 139
Le manque de sommeil, les chants lugubres et les appari- Les personnages reçoivent la mission de surveil-
tions sinistres contribuent à mettre leurs nerfs à vif. Mais ler un marchand du Han séjournant à Xianyang et soup-
surtout, la nuit précédant l’arrivée du lettré, ils font tous le çonné par le Bureau des Rumeurs d’être un espion. Les
même rêve. Pour la plupart, il ne s’agit que de quelques deux premiers jours n’apportent aucun élément concret :
images furtives et dérangeantes. Mais l’un d’eux, idéale- l’homme se livre à ses activités commerciales, visite ses
ment celui qui a porté le coup fatal à Sinistre Craquelure, clients, donne une réception dans la résidence qu’il loue à
assiste à la scène onirique complète. grand frais et y invite de nombreux notables. Mais le troi-
Il revit la mort du devin mais, se penchant au-dessus sième jour, au crépuscule, le marchand se rend discrète-
du cadavre, il y découvre son propre visage. Pourtant c’est la ment chez Han Fei Zi. Il y reste quelques minutes puis res-
voix du fangshi qui s’élève entre les lèvres sanglantes : sort et reprend ses activités habituelles. Des personnages
se débrouillant pour jeter un coup d’œil sur ce qui se passe
« Une fois encore, à l’intérieur aperçoivent le marchand remettre une missive
Le sang du Han au lettré. S’ils sont assez près, ils l’entendent même dire :
Contre le sang du Han va se tourner. « Un courrier de qui vous savez. Il me charge de vous
Nul homme, nulle bête, nul dieu ne saura l’en empêcher. remercier pour le travail effectué ici. » Han Fei Zi lit la
Car de vos Royaumes vous causerez la perte lettre puis la jette dans le feu.
Comme de tous ceux que vous aimez ou avez aimé. NB : Il s’agit en fait d’un message de Ji An qui a demandé
Plus que les dragons, la kilin, la tortue noire, le tigre au lettré de plaider la cause du Han auprès du roi du Qin,
blanc, le phénix ou même le destin, tâche dont il s’acquitte parfaitement pour le moment.
Les hommes sont devenus fous et vous, le malheur de tout
ce qui vit sous le Ciel. Si les personnages s’en tiennent aux apparences,
Comme toujours, le monde finira à l’Est. » cette rencontre a tout de suspect. Le marchand est bien à la
solde des services secrets du Han, et s’il est arrêté il finit
Cette litanie résonne si clairement dans sa tête par l’avouer, mais pas Han Fei Zi.
qu’il ne pourra jamais l’oublier. Que les personnages émettent un rapport à Li Si
Lorsque Han Fei Zi finit par arriver, les person- en ce sens ou qu’un autre agent le fasse, le Roi est finale-
nages devraient être très nerveux et tendus. Lui-même se ment alerté par la possible trahison de son favori. Li Si et
montre maussade et le reste durant tout le trajet de retour Yao Jia s’emparent immédiatement de l’affaire et finissent
vers la capitale du Qin. par le convaincre que la loyauté de Han Fei Zi est dou-
Si vous jouez en plus les historiques particuliers, la ten- teuse. Le ministre convoque éventuellement les person-
sion entre le lettré et les personnages en sera encore plus palpable. nages à lui rapporter la scène dont ils ont pu être témoins.
Retour à la frontière
Le chemin du petit groupe les conduit de nouveau
au pont enjambant la rivière Wei où, quelques mois plus
tôt, ils obtinrent le retour de Han Fei Zi au Qin.
Mais alors qu’ils s’apprêtent à passer une dernière
nuit au Qin avant de traverser le pont le lendemain, un évé-
nement qui pourra leur sembler très secondaire va se pro-
duire. Pourtant dans quelques années, il revêtira pour eux
une toute autre signification.
Un client de l’auberge les observe tout particuliè-
rement, eux et pas Li Si. Il s’agit de Montagne Errante.
Effrayé par la nouvelle du siège de Pingyang, il chevaucha
jusqu’à la cité où il avait confié l’un des vases tripodes
qu’il dispersa autrefois, à son ami Sinistre Craquelure.
C’est le fangshi qui l’avait autrefois mis en garde contre le
pouvoir destructeur des vases. Mais arrivé trop tard, il ne
put que constater la mort du devin et la disparition de l’ob-
jet. Une enquête laborieuse (l’armée de Wang Jiang a
laissé peu de survivants) le mit sur la piste des personnages
et il sait que Han Fei Zi possédait un autre de ces vases. Si
en plus l’un des personnages utilise ou arbore le dao noir,
il réalise la menace qu’ils font peser, eux ou les gens pour
lesquels ils travaillent, sur tout le Zhongguo.
Mais en se dirigeant vers Xianyang, Montagne
Errante apprend leur départ vers la frontière du Han. Il Han Fei Zi
Quatrième partie :
sont-ils en selle qu’un régiment régulier pénètre dans la ville. dans leur dos. Leur salut en paraîtra encore plus héroïque.
Leur escorte se déploie dans la rue pour établir un barrage face
Tiàn Xia
aux fantassins ennemis. Les personnages cravachent leurs
montures et partent au galop, mais un groupe de cavaliers
contourne les soldats du Qin et se jettent sur leurs traces. Il
vous faut maintenant organiser une course-poursuite haletante.
Les personnages accompagnés de Li Si fuient devant un
groupe de plus de quarante cavaliers lancés à leurs trousses.
Il faut d’abord quitter l’enceinte de Yinan, se
frayer un chemin dans les petites rues qui commencent à Une fois passée la frontière, les personnages sont
s’animer puis forcer le passage aux portes de la cité. désormais en sécurité. La garnison les recueille mais Li Si
Nouvelles voies,
jamais gravés. » Puis il s’en va, d’un pas lourd et traînant.
coup raté l’atteint au bras, ou pire peut-être). Ceci est
important car conditionne les événements des prochains
nouvelles vies
jours. Profitez donc de chaque Test raté (l’idéal étant un
Double 0) pour mettre en scène cette action accidentelle.
Selon les actions des personnages, Yao Jia peut
être capturé, tué ou parvenir à s’enfuir. Dans ce dernier cas
ils peuvent se lancer à sa poursuite et le rattraper ou le lais-
ser s’échapper, auquel cas il sera arrêté quelques jours plus
tard près de la frontière. Le soleil matinal ne parvient pas à percer les
nuages gris et chargés d’eau qui s’accumulent au-dessus de
Personnalités
Souffle destructeur 3, Tao de la Foudre soudaine 3, Tao des
plus tard… Dix Mille Mains 4, Tao du Yin et du Yang 3, Tao de
l’Esprit clair 2
Style : Montagne Errante pratique le Style de
l’Implacable Charge du Rhinocéros, dont il maîtrise la
base et la première technique (le Rhinocéros broie tous les
Obstacles).
Sinistre Craquelure
Souffle vital : 23 (8 / 0, 6 / 0, 4 / - 1, 3 / - 3, 2 / - 5)
144 Une silhouette dégingandée et des yeux fous
Equipement : Epée, arc, armure légère, ouvrages sur les
mythes et légendes et une hache à deux mains nommée
caractérisent le devin. Citoyen de Pingyang, il est l’ami de
Muraille des Sept Royaumes
Montagne Errante qui lui a confié la garde de l’un des
vases tripodes. Grâce à ses pouvoirs, il sait que cet objet
est convoité par les personnages mais il ignore quand ils
Yao Jia
viendront le chercher. Pour plus de sécurité, il s’est donc
établi sous la magistrature, espérant que le cordon de sol-
Nouveau venu à la cour du Qin, Yao Jia a très vite
dats suffira à les tenir à distance. Il parle d’une voix rauque
su y prendre une place privilégiée. Devenu en peu de
et, même s’il ne peut en aucun cas accepter de céder le
temps le secrétaire de Li Si, il profite de cette position pour
vase, il peut tenter de convaincre les personnages que cet
accomplir son œuvre… Car Yao Jia est le nouvel agent
objet représente un danger pour tout le Zhongguo.
envoyé par le Han à Xianyang, après la trahison de Zheng
Bien que Sinistre Craquelure s’oppose physique-
Guo et la mort de Bien Long… Espion d’élite, il est l’un
ment aux personnages, il n’est qu’un vieil homme maigre
des meilleurs éléments du censorat du Han, un adversaire
et sans force dont ils ne devraient avoir aucun mal à se
à ne surtout pas sous-estimer…
débarrasser : c’est pourquoi nous ne fournissons pas ses
caractéristiques.
Agent infiltré - 1 m 69 / 62 kg / 32 ans
Aspects : Métal 3, Eau 2, Terre 4, Bois 5, Feu 4
Aspects secondaires : Chi 40, Défense passive 9
Sze
Don et Faiblesse : Aisance du Courtisan / Loyauté du
Chien (envers le Han)
Le mohiste n’a plus rien à voir avec l’épave que
Talents : Bureaucratie 3, Calligraphie 4, Herboristerie 2,
les personnages ont pu rencontrer à Yanshan. Décidé à se
Loi 3, Comédie 5, Diplomatie 3, Eloquence 4, Etiquette 3,
racheter coûte que coûte, il a rejoint Pingyang peu avant
Méditation 2, Daoshù 2 (Coup précis, Feinte), Discrétion
l’encerclement de la cité par les troupes du Qin. Ayant par-
2, Esquive 3, Larcins 2
faitement retrouvé ses facultés, il dirige efficacement les
Taos : Tao du Bouclier invisible 2, Tao de la Foudre sou-
défenses de la ville et sa présence, ainsi que ses succès,
daine 2, Tao de la Présence sereine 4, Tao de l’Esprit clair
suffisent à soutenir le moral des habitants qui croient pou-
3, Tao du Yin et du Yang 2
voir lasser leurs assaillants et se sauver de l’extermination
Souffle vital : 17 (6 / 0, 5 / 0, 3 / - 1, 2 / - 3, 1 / - 5)
promise par Wang Jian.
Equipement : Manoir et cohorte de serviteurs (tous
Ses caractéristiques vous sont données dans le
loyaux au Han), poignard, nécessaire à écriture
livret de l’Ecran, page 44.