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Cameroun
Résumé
Protégées par les normes internationales des droits de l’homme et par des normes qui
leur sont spécifiques et ayant reçu l’appui du gardien de la loi, les populations autochtones du
Cameroun éprouvent cependant des difficultés à faire valoir leur identité et leurs droits sur
leurs territoires. Ceci est tout simplement le fruit de la négation de leurs droits par le
législateur camerounais. Face aux projets et programmes de développement dits projets
d’utilité publique entrepris sur leurs territoires par le gouvernement et par les opérateurs
privés, ces populations sont automatiquement déguerpies, les indemnités qu’elles reçoivent de
dommages qu’elles subissent sont inadéquates et les avantages desdits projets qui leur sont
octroyés vont dans le sens de leur assimiler à la population majoritaire. A cette allure, les
populations autochtones du Cameroun demeurent les plus défavorisées de grands projets de
développement.
Sommaire
Introduction...............................................................................................................................1
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A. L’absence d’une consultation réelle des populations autochtones sur les avantages
des projets de développement...............................................................................................9
B. Le virement des modes de vie des populations autochtones par les projets d’utilité
publique................................................................................................................................11
Conclusion...............................................................................................................................13
Introduction
Les populations autochtones ou peuples autochtones ont, de nos jours, sans conteste
fait leur entrée dans le droit international, régional et national. Leurs droits sont proclamés
dans les instruments internationaux et régionaux de droits de l’homme et des instruments qui
leur sont spécifiques, reconnus par les instances internationales et confirmés par le gardien de
la loi aussi bien au niveau international, régional qu’au niveau interne des Etats. Cependant
ces populations continuent de subir les externalités négatives des programmes et projets
gouvernementaux de développement.
Les communautés, nations et peuples autochtones sont ceux qui ayant une continuité
historique avec les sociétés pré-invasion et pré-coloniales qui se sont développées sur leur
territoire, se considèrent comme distincts des autres secteurs des sociétés qui prévalent
désormais sur ces territoires ou une partie d’entre eux. Ils forment à présent des secteurs non
dominants de la société et sont déterminés à préserver, développer et transmettre aux
générations futures leurs territoires ancestraux, et leur identité ethnique, comme la base de
leur existence continue de peuple, en accord avec leurs propres critères culturels, institutions
sociales et système juridique1. Dans notre analyse, et selon l’approche camerounaise, nous
1
E/CN.4/Sub.2/L.566, § 34 : “ Study of the problem of discrimination against indigenous populations,
preliminary report submitted by Jose R. Martinez Cobo, Special Rapporteur of the Subcommission on the
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faisons allusions aux peuples de la forêt, communément appelé « pygmées » et les mbororos.
Le premier groupe est composé des baka, des bagyeli, des bedzang et les bakola. Les
Mbororos ou Fulani sont des éleveurs nomades répartis sur l’ensemble du territoire
Camerounais. Plus nombreux dans la région du nord-ouest avec une population estimée à 38
000 personnes, ce groupe présente de fortes concentrations dans plusieurs régions du pays.
Recensés dans les régions de l’Adamaoua, l’Est, l’Extrême-Nord, et l’Ouest, on les retrouve
également aux frontières avec le Nigéria, le Tchad et la République centrafricaine.
Les Pygmées ou « peuples autochtones des forêts » sont les premiers occupants de la
forêt équatoriale et sont présents dans plusieurs pays de la sous-région Afrique centrale. Au
Cameroun, ils sont constitués de trois groupes de populations distinctes dont les Bakas, les
Bakola/Bagyéli et les Bedzang. De loin le groupe le plus grand, les Bakas sont localisés dans
les régions administratives de l’Est et du Sud. Ils rassemblent plus de 40 000 personnes
réparties dans quatre départements des régions du Sud et de l’Est. Les Bakolas et les Bagyélis
occupent principalement 12 arrondissements de la région du Sud. Ils sont présents à Akom II,
Bipindi, Campo, Niete, Ma’an, Djoum, Mintom, Meyomessi, Oveng, Bengbis Kribi et
Lolodorf. D’une population de plus de 3 700 personnes, les Bakolas/Bagyélis cohabitent avec
leurs voisins bantous dont ils parlent également les langues. Le groupe Bedzang quant à lui
est localisé à Ngambé Tikar dans la région du Centre.2
Les défis que rencontrent les peuples autochtones du Cameroun sont divers et variés :
la reconnaissance de leur existence et de leurs terres, le problème de la scolarisation et de
développement des infrastructures, le problème de leur gouvernance et en tout celui de la
conservation du patrimoine culturel. En d’autres termes, les droits des populations
autochtones dont il s’agit sont des droits socio-politiques, économiques, culturels et civils. En
l’occurrence, il s’agit des droits des peuples autochtones à l’autodétermination (du moins une
autodétermination interne3, vitrine internationale de l’existence des peuples autochtones), du
droit au développement, du droit de propriété4, du droit sur les ressources naturelles, du droit
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de conserver et de perpétrer le patrimoine traditionnel et coutumier. Cet ensemble des droits
est non seulement reconnu et consacré par les normes internationales mais également le juge a
prêté main forte sur ce point aux peuples autochtones. A cet égard, lorsque les peuples
autochtones accueillent sur leurs territoires ancestraux les projets de développement, ils
doivent en sortir indemnes et ils doivent en bénéficier de leurs retombées positives. Tout
d’abord, il s’agit pour l’Etat de faire participer les peuples autochtones au processus de mise
en œuvre des projets de développement par l’entremise du processus de consultation et leur
implication sur le plan opérationnel. Il s’agit en suite, lorsque les populations autochtones
doivent déguerpir, de leur octroyer une indemnité juste et adéquate. Et en fin il s’agit pour
l’Etat de faire bénéficier les populations autochtones des avantages de la mise en œuvre des
projets de développement, que ces derniers soient entrepris sur leurs territoires ou non.
L’effectivité de cet ensemble des droits reconnus aux peuples autochtones leur permet de
conserver et de perpétuer leurs coutumes et traditions ancestrales promues et protégées par les
normes et les instances internationales et reconnues par certains Etats dans leurs législations
respectives.
Pour notre analyse, nous étudions l’ensemble des droits des peuples autochtones à
l’aune du droit international et national en contexte de l’implantation des projets de
développement au Cameroun. Nous mettrons l’accent sur les projets d’exploitation des
ressources naturelles, en l’occurrence l’exploitation des ressources minières5.
Les droits des peuples autochtones étant reconnus aussi bien au niveau international 6
qu’au niveau régional7, la principale question qui demeure posée est celle de l’adéquation
entre ces droits et les grands projets de développement notamment les projets d’utilité
publique au Cameroun.
par l’Etat.
En somme, le droit de propriété foncière reconnu aux peuples autochtones ne peut s’aliéner que pour cause
d’utilité publique et à condition que lesdits peuples aient reçu au préalable une indemnité juste. Aucune
réinstallation ne peut avoir lieu sans le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause des
peuples autochtones concernés et un accord sur une indemnisation juste et équitable et, lorsque cela est possible,
la faculté de retour.
5
SAHINSOU Boniface, exploitation des ressources naturelles et droits des populations autochtones au
Cameroun, thèse de doctorat en droit, Université Catholique d’Afrique centrale, 2019
6
Voir art17 et 21 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme ; art2 de la Convention internationale sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1966, la déclaration des Nations Unies sur les
droits des peuples autochtones de 2007.
7
Art14 de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples
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A en croire le législateur camerounais, le sort des populations autochtones demeure
confus, sinon oublié sur le plan juridique 8, en contradiction avec les dispositions des normes
universelles, régionales et nationales, notamment les dispositions constitutionnelles de 1996 9.
Ces dernières ne bénéficient ni du droit de propriété foncière individuelle ni du droit de
propriété foncière collective sur les terres dont elles habitent10, conformément aux dispositions
des normes du droit international relatif aux droits des peuples autochtones et confirmé par la
jurisprudence internationale et régionale. La négation du droit foncier des populations
autochtones au Cameroun expose ces dernières aux effets, pas commodes, de grands projets
de développement, notamment l’expropriation ou le déguerpissement pour cause d’utilité
publique et par ricochet à la disparition de leur patrimoine culturel, sans aucune indemnité
juste et équitable et sans consultation libre, préalable et informée des communautés
autochtones. Pour ainsi dire, les projets de développement dits d’utilité publique s’imposent
aux peuples autochtones du Cameroun ; non seulement les populations autochtones ne sortent
pas indemnes de grands projets de développement entrepris au Cameroun, que ces projets
soient réalisés sur leurs terres ou non (I), de plus les avantages que procurent lesdits projets
aux populations en général ne répondent pas aux besoins et attentes légitimes desdites
populations, désavouant ainsi leur droit à l’autodétermination (II).
8
Groupe de travail de préparation du projet de développement de l’élevage (PRODEL), cadre pour la
planification en faveur des populations autochtones (CPPA) Rapport définitif, août 2016, pp8 et 9, disponible
sur le site https://documents1.worldbank.org/curated/en/337251472102443904/pdf/SFG2383-REVISED-IPP-
FRENCH-P154908-Box396304B-PUBLIC-Disclosed-8-25-2016.pdf (consulté le 21 juillet 2021.)
9
L’Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la
loi. (Voir le préambule de la constitution du Cameroun, loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la
Constitution du 02 juin 1972 modifiée et complétée par la loi n°. 2008/001 du 14 avril 2008).
10
Les terres occupées par les peuples autochtones appartiennent au domaine national, lequel et administré par
l’Etat. (Voir Art 15 al1 de l’Ordonnance n° 74-1 du 6 juillet 1974 Fixant le régime foncier : « Les dépendances
du domaine national sont classées en deux catégories : Les terrains d’habitation, les terres de culture, de
plantation, de pâturage et de parcours dont l’occupation se traduit par une emprise évidente de l’homme sur la
terre et une mise en valeur probante ».)
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A. Les projets d’utilité publique et le déguerpissement automatique des populations
autochtones de leurs terres
La mise en place d’un projet ou programme déclaré d’utilité publique l’emporte sur le
droit de propriété. Selon les dispositions de l’article2 de la loi n° 85-09 du 4 juillet 1985
Relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux modalités d’indemnisation :
« L’expropriation pour cause d’utilité publique affecte uniquement la propriété privée telle
qu’elle est reconnue par les lois et règlements »11. A fortiori, lorsque les terres ne sont pas
immatriculées, tout simplement grevées des droits d’usage, tels que les droits reconnus aux
communautés autochtones sur leurs terres, les projets d’utilité publique s’implantent de facto
sur les terres sollicitées. Les peuples autochtones du Cameroun ne reconnaissent pas le droit
moderne d’acquisition des terres et l’Etat camerounais ne leur a pas non plus reconnu des
droits sur les terres dont ils vivent.
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fut exactement le cas avec l’installation du pipeline Tchad-Cameroun. Cependant, selon la
philosophie du droit international, c’est plutôt les Etats sur les territoires desquels vivent les
populations autochtones qui devront s’arrimer aux pratiques coutumières des populations
autochtones. S’arrimer aux pratiques des populations autochtones c’est reconnaitre à ces
dernières des droits pleins sur les parcelles des terres où elles vivent. Il s’agit pour l’Etat
camerounais de reconnaitre aux populations autochtones le droit de propriété foncière
collective sur les terres dont ces dernières habitent ; une chose qui demeure toutefois
difficilement à être abordée par le législateur camerounais.
Une fois le droit foncier collectif reconnu aux populations autochtones, ces derniers
bénéficieront des droits subséquents lorsqu’elles feront face aux grands projets de
développement (exploitation des ressources naturelles tels que les minerais, le pétrole, le gaz,
la forêt… ; construction des barrages hydroélectriques, construction des voies de
communication…), généralement déclarés d’utilité publique. Le droit de propriété foncière
privé ne saurait résister face aux projets d’utilité publique, garantir et protéger les droits des
populations va de la préservation de la paix sociale. Malheureusement pour les populations
autochtones, l’Etat du Cameroun ne leur reconnait pas le droit de propriété foncière collective
sur leurs terres. Autrement dit, le Cameroun ne respecte pas ses engagement pris au niveau
international à ce sujet et les populations autochtones continuent de subir la violation de leurs
droits fonciers face aux projets de développement. Dès lors, lorsque les projets d’utilité
publique sont envisagés sur les terres habitées par les populations autochtones, ces dernières
sont d’office déguerpies, réinstallées en rang dispersés sur des parcelles qui ne répondent pas
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à leurs modes de vie : chasse, cueillette, pèche pour les pygmées, élevage pour les bororos…
En un mot, le droit foncier des populations autochtones au Cameroun est, à nos jours, sans
protection juridique. Lorsque ces dernières font face aux projets de développement, leur
délocalisation est faite sans compte tenu de leur mode de vie collective, sans aucune
indemnité adéquate, la conséquence qui en découle est la perte du patrimoine culturel
autochtone.
12
Article2 de la Loi n° 85-09 du 4 juillet 1985 Relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux
modalités d’indemnisation.
13
Ordonnance n° 74-1 du 6 juillet 1974 Fixant le régime foncier au Cameroun : Art. 2. Font l’objet du droit de
propriété privée, les terres énumérées ci-après : a- les terres immatriculées ; b- les freehold lands ; c- les terres
acquises sous le régime de la transcription ; d- les concessions domaniales définitives ; e- les terres consignées
au « Grundbuch ». Art. 3. Dès l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, les titulaires des droits découlant
des actes énumérés en b, c, d et e du précédent article doivent les déposer au service provincial ou départemental
des domaines en vue de leur publication dans les livres fonciers. A défaut de cette publication, aucun acte
constitutif, modificatif ou translatif de droit réel sur les immeubles en cause ne peut être transcrit ni opposé aux
tiers.
14
Art. 7. 1- L’indemnité porte sur le dommage matériel direct immédiat et certain causé par l’éviction. Elle
couvre - les terrains nus ; - les cultures ; - les constructions ; - toutes autres mises en valeurs, quelle qu’en soit la
nature, dûment constatées par une commission de constat et d’évaluation.
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la pleine jouissance des prérogatives liées au droit de propriété en cas d’expropriation pour
cause d’utilité publique.
Bref, les populations autochtones du Cameroun, lorsqu’elles font face aux projets de
développement généralement déclarés d’utilité publique, elles ne bénéficient pas des droits
qu’aurait bénéficié un propriétaire foncier lorsque ce dernier se voit exproprié de ses terres
pour cause d’utilité publique. Dans ces circonstances, les droits auxquels les populations
autochtones déguerpies peuvent prétendre sont juste des indemnités allouées pour des
dommages touchant leur droit d’usage et dommages matériels directs, elles ne concernent pas
les terrains nus et qui ne sont pas mis en valeur. Ces indemnités sont celle pour relocalisation
et celle due pour le patrimoine détruit.
Quoiqu’il en soit, les indemnités allouées aux populations autochtones ne sont pas
conséquentes et ne tiennent pas compte du dommage immatériel, tel que le dommage moral
que subissent les peuples autochtones lorsque ces derniers sont chassés de leurs terres pour
laisser la place aux grands projets de développement. Pour ainsi dire, les peuples autochtones
du Cameroun sont des perdant, eu égard les indemnités qui leur sont accordées en contexte de
l’implantation des projets de développement. Il en va de même lorsqu’il est proposé aux
peuples autochtones des avantages liés à l’implantation des projets de développement.
En général, les avantages que procurent les grands projets de développent ne répondent
pas aux besoins et attentes légitimes des populations autochtones. Les avantages qu’apportent
souvent les grands projets de développement sont sans consultation réelle des populations
autochtones et tendent à la sédentarisation et à la modernisation des populations autochtones.
Via ces projets, les peuples autochtones du Cameroun ne s’autodéterminent pas.
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A. L’absence d’une consultation réelle des populations autochtones sur les
avantages des projets de développement
Selon les normes internationales et régionales auxquelles le Cameroun a adhéré, les
citoyens doivent participer à la gestion des affaires publiques, ils doivent être informés,
surtout lorsque les projets touchent la question environnementale 15 et qu’ils sont directement
concernés. Ce doit est repris dans la constitution du Cameroun. Particulièrement en ce qui
concerne les populations autochtones, elles doivent participer à la mise en œuvre des projets
et/ou programmes ayant des effets potentiels sur leurs conditions de vie. Si les populations
autochtones ne peuvent toutes y participer, elles doivent être représentées légalement et
légitimement : c’est la mise en œuvre du droit des populations autochtones à
l’autodétermination. En matière des industries extractives, il est reconnu aux populations
autochtones, et cela sur le plan international, le consentement libre, préalable et éclairé. Les
institutions et organismes opérant dans le secteur extractif reconnaissent ledit principe 16 et ce
dernier constitue, sous d’autres cieux, une condition préalable à toute activité extractive 17. A
cet effet et selon l’article 23 de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones, « les peuples autochtones ont le droit de définir et d’élaborer des priorités et des
stratégies en vue d’exercer leur droit au développement. En particulier, ils ont le droit d’être
activement associés à l’élaboration et à la définition des programmes de santé, de logement et
d’autres programmes économiques et sociaux les concernant, et, autant que possible, de les
administrer par l’intermédiaire de leurs propres institutions ».
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effet, selon la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, que les populations
autochtones aient obtenu un droit de propriété sur les terres qu’elles habitent conformément
aux dispositions des législations modernes ou pas, elles ne doivent pas être expulsées de leurs
terres sans leur consentement19. Cette cour reconnait non seulement le droit des peuples
autochtones sur leurs terres sans titre foncier mais elle reconnait également leur droit de
disposer de leurs terres et des ressources naturelles 20 et leur droit de participer à la gestion des
affaires leur concernant et leur droit au consentement. Dans le même sens, la commission
africaine des droits de l’homme et des peuples a affirmé que l’exigence du consentement des
peuples autochtones découle à la fois des droits de propriété et du développent selon la charte
africaine des droits de l’homme et des peuples 21. A cet effet, lorsque l’Etat envisage un projet
sur le territoire des populations autochtones, il a non seulement l’obligation de les consulter
mais également il doit obtenir leur consentement libre, préalable et éclairé conformément à
leurs coutumes et traditions22.
Par ailleurs, même si une norme juridique contraignante venait à imposer l’obtention du
consentement des populations autochtones sur les terres desquelles doivent s’implanter les
autochtones de 1997.
19
Requête No. 006/2012 du 26 Mai 2017, para131, Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
/ République du Kenya
20
Ibid, para199, 200 et 201.
21
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, requête 276/2003- centre for minority rights
development (KENYA) and minority rights group international on behalf of Endorois Welfare council v Kenya,
2009, paras226, 291, 293, 296.
22
Ibid., para291
23
UN, Doc. E/CN.4/2003/90, 2003, para66
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projets, ce processus n’aura pas d’objet, puis que les populations autochtones ne sont pas
propriétaires des terres dont elles habitent, elles doivent quand-même déguerpir même si elles
sont consultées ou si leur consentement est requis. Le dénominateur commun des droits des
populations autochtones est leur droit sur leurs terres qu’elles habitent et desquelles elles
vivent. Sans une reconnaissance juridique de leur droit de propriété foncière sur les terres
qu’elles habitent, les populations autochtones ne pourront que subir le poids négatif de grands
projets de développement. A l’état actuel, malgré l’importance des ressources naturelles dont
regorgent les terres habitées par les peuples autochtones, ces derniers croupissent toujours
sous le poids de la pauvreté, de la sous-scolarisation… et cela est dû en partie à la non
participation desdits peuples aux projets et programmes développés sur leurs terroirs. L’Etat
et les promoteurs de grands projets de développement décident en lieu et place des
populations autochtones pour les avantages à octroyer à ces dernières (populations
autochtones)
B. Le virement des modes de vie des populations autochtones par les projets d’utilité
publique
Le fait d’expulser les populations autochtones de leurs terres sans leur consentement leur
prive non seulement de leur droit au développement mais également de leur droit au
développement selon leurs propres aspirations et attentes. Généralement, en contexte
d’implantation des projets d’utilité publique, les avantages dont bénéficient les populations
autochtones sont réalisés sans compte tenu des modes de développement de ces dernières.
Selon la CADHP, l’article 23 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits de peuples
autochtones de 2007 : « les peuples autochtones ont le droit de définir et d’élaborer des
priorités et des stratégies en vue d’exercer leur droit au développement. En particulier, ils ont
le droit d’être activement associés à l’élaboration et à la définition des programmes de santé,
de logement et d’autres programmes économiques et sociaux les concernant, et, autant que
possible, de les administrer par l’intermédiaire de leurs propres institutions ». Cet article doit
s’appliquer sans discrimination eu égard les droits desdits peuples tels que consacrés au
niveau international. Cette disposition a été interprétée par la cour africaine des droits de
l’homme et des peuples à la faveur des peuples Ogiek, au Kenya. 24 Lorsque les peuples
autochtones ne sont pas associés aux projets et programmes leur concernant et lorsque qu’ils
24
Requête No. 006/2012 du 26 Mai 2017, para210 et 211, Commission Africaine des Droits de l’Homme et des
Peuples / République du Kenya
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ne définissent pas eux-mêmes leurs propres politiques, les conséquences qui peuvent découler
vont dans le sens de leur assimilation à la société globale.
Si l’on rejoint le développement que nous avons fait ci-haut, celui selon lequel l’Etat
camerounais ne reconnait pas la propriété foncière des populations autochtones, ces dernières
sont chassées de leurs terres sans possibilité des trouver des terres égales à leurs terres
initiales, les terres en qualité et en quantité suffisantes pour leur permettre de perpétrer leur
patrimoine culturel et le léguer de génération en génération. Tout logiquement, que l’Etat leur
ait consulté ou pas sur les projets et programmes de développement leur concernant et sur les
avantages y relatifs, lesdits projets et programmes ne sauraient répondre efficacement à leurs
besoins et attentes légitimes ; ils vont plus dans le sens de sédentarisation des modes de vie
des populations autochtones.26 Selon les experts, 95% des langues autochtones pourraient
disparaître ou être en péril d’ici 2050, notamment du fait de l’éviction des peuples
autochtones de leurs terres d’origine.27
25
Groupe de travail de préparation du projet de développement de l’élevage (PRODEL), cadre pour la
planification en faveur des populations autochtones (CPPA) Rapport définitif, août 2016, p70, disponible sur le
site https://documents1.worldbank.org/curated/en/337251472102443904/pdf/SFG2383-REVISED-IPP-
FRENCH-P154908-Box396304B-PUBLIC-Disclosed-8-25-2016.pdf (consulté le 21 juillet 2021.)
26
Emmanuel Jules Ntap, Les peuples autochtones du Cameroun défendent leur identité, VOA Afrique, 08 août
2019, disponible en ligne sur le site https://www.voaafrique.com/a/la-d%C3%A9tresse-des-peuples-autochtones-
du-cameroun/5034265.html (consulté le 21 juillet 2021.)
27
Ibid., p2
28
Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones auprès de l’Organisation des Nations Unies (ONU)
29
Rapport du Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, M. James Anaya, Sociétés minières
opérant en territoire autochtone ou à proximité, UN Doc. A/HRC/18/35, 2011, para66
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Conclusion
Les projets déclarés d’utilité publique par l’Etat sont supposés amener le
développement aux citoyens de cet Etat, sans discrimination aucune, sinon une discrimination
positive.
Pour notre part, il n’est pas question d’empêcher l’implantation des projets de
développement ; la reconnaissance des droits des populations autochtones par l’Etat permet à
ces dernières de bénéficier non seulement des droits qu’aurait reçus un propriétaire foncier
individuel en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique mais également cette
reconnaissance ferait l’obligation à l’Etat, le cas éventuel, de transférer lesdites populations
sur des parcelles des terres en quantité et en qualité suffisantes qui permettraient à ces
dernières de perpétrer leurs pratiques traditionnelles. C’est à cette seule condition que l’on
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pourrait dire que les populations autochtones sont bénéficiaires des projets de développement,
souvent déclarés d’utilité publique, au même titre que le reste de la population du Cameroun.
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