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Le cheminement
du douzième parallèle
(première partie)
Jean-Claude LEBLANC - octobre 1968 - avril 1969 : mission est :
Dosso-Ouagadougou ; mission ouest :
Article tiré de Jalon, bulletin de l’association des personnels retraités de l’IGN, n° 146-
Dakar-Kayes ;
bis de mai 2022.
- novembre 1969 - avril 1970 : mission
Cette appellation désigne une épopée géodésique un MOTS-CLÉS est : Ouagadougou-Bamako ; mission
peu oubliée 55 ans après. Je la classe parmi les grandes ouest : Kayes-Bamako.
Cheminement douzième Toutes les missions se sont déroulées
opérations confiées à l’Institut géographique national parallèle, IGN, Institut pendant la saison sèche en Afrique
(IGN) et en particulier aux “Travaux spéciaux” de la géographique national, sahélienne. Les premières pluies appa-
2e direction (géodésie et nivellement) de l’IGN. Elle astronomie de position, raissent généralement en avril : les
vient après “l’axe 3000” (établissement d’une chaîne Wild T4, telluromètre nuages rendent incertaines les observa-
géodésique au Sahara), puis “le rattachement des MRA 1, géodimètre AGA 4D tions des étoiles et les pistes en latérite
Açores” à l’Europe et à l’Afrique par le système des deviennent des marécages, même pour
chambres balistiques en 1965. Pour résumer la genèse du “12e parallèle”, je reprends les véhicules 4x4. Je détaillerai ensuite
les missions auxquelles j’ai participé et
quelques lignes écrites dans “La boîte de Pandore”, le deuxième recueil de souvenirs
résumerai les deux autres.
des agents de l’IGN réunis à l’occasion du cinquantenaire de l’IGN.
“L’idée a germé à Bukavu, au Zaïre d’aujourd’hui, en 1953. Elle a mûri à Helsinki en
1960, au congrès de l’Union géodésique et géophysique internationale (UGGI) dont Le résultat
M. Laclavère était le secrétaire général, et s’est concrétisée à Nairobi en 1963. Le but Je donne le résultat global maintenant.
de l’opération était de mesurer par cheminement un arc de parallèle qui traverse La distance du point 1 (Adré, Tchad) au
toute l’Afrique”. L’US Army Map Service (USAMS) est responsable du programme. point le plus à l’ouest (à Dakar) repré-
Elle contrôle les opérations en Éthiopie, au Soudan, au Nigéria et a confié à l’IGN les sente environ 4 300 km. Cette distance
travaux dans les pays francophones. L’US Army Map Service est devenue peu après “US fut mesurée au millionième, soit à
± 4 mètres. Cela peut paraître beau-
Army Topographic Command” désignée ensuite par "TC". Au Nigéria, le Federal Survey
coup. Alors je prends une distance plus
Department (FSD) participait aux opérations avec le TC. Pourquoi cette mesure ? Pour “humaine”. Paris mesure environ 9 km
obtenir une nouvelle définition des dimensions de la Terre et, à terme, d’unifier les nord-sud et 11 km est-ouest. Imaginez
systèmes géodésiques des pays traversés, et plus tard de servir de base d’étalonnage qu’il faille mesurer ces dimensions à
des satellites ; le premier, Spounik-1, fut lancé le 4 octobre 1957. ± 1 cm, avec le matériel de l’époque,
sans les appareils mono ou bifré-
quences !
La participation de l’IGN - décembre 1966 - mai 1967 : départ
Pour la participation de l’IGN, je
à la frontière Soudan-Tchad (à l’est
La finalité du “12e parallèle” était de reprends un passage écrit dans le livre
de Abéché, vers Adré, c’est le point
mesurer, avec la plus grande précision précité : “Des résultats ? 240 sommets
n° 1), jusqu’à 200 km de Fort Lamy
permise par les techniques de l’époque, dont 117 points de Laplace pour
(N’Djamena actuellement), cette
la distance entre la frontière Soudan- 3 452 km de cheminement et
mission est décrite dans cet article,
Tchad à l’est et l’océan Atlantique 1 300 km de nivellement de précision,
tandis que celles de 1968 à 1970 seront
(Dakar). Comment ? Par un chemine- 160 signaux de hauteur moyenne de
publiées dans le prochain numéro ;
ment géodésique. À la fin des années 15 mètres”.
- janvier à début mai 1968 : depuis
1960, les appareils de mesure des
le dernier point précédent jusqu’à
distances sont suffisamment précis : le
la frontière Cameroun-Nigéria pour Quelques spécifications
cheminement succède à la triangulation.
assurer les observations de la jonc-
techniques
Pour l’IGN, les opérations se sont tion avec le FSD du Nigéria ; puis
déroulées sur quatre années : 1966- traversée du Nigéria pour rejoindre Il fallait obtenir la meilleure précision
1970. Et pour diminuer la durée, deux le Niger (vers Dosso) ; puis assurer la possible, d’où des prescriptions tech-
missions furent montées les deux jonction Nigéria-Niger avec toujours niques rigoureuses imposées par le
dernières années. En voici un résumé : le FSD ; Topographic command (TC), elles
q
Revue XYZ • N° 171 – 2e trimestre 2022 53
TOPO VÉCUE
Le trajet : cette carte est extraite du Bulletin d’information de l’IGN n° 25 de mars 1974. Elle montre l’ensemble du trajet entre l’est
du Tchad et Dakar.
sont identiques à une vaste opération De novembre 1962 à mars 1964 : Service mois de complètement à Éauze (Gers).
q géodésique observée par les USA “la national à Thionville (quatre mois et Au début de l’hiver, Roger me propose
transcontinental traverse qui s’étend hiver très rigoureux), puis Châlons-sur- de me porter candidat à un lever dans
sur 5 000 km entre Beltsville (Maryland) Marne (redevenu “en Champagne” en la région de Marmande. Le chef de la
sur la côte est des États-Unis et Noses novembre 1995, six mois) puis Fontenay- 3e direction, notre vénéré Raymond
Lake (État de Washington) sur la côte le-Comte (sept mois). D’Hollander, accepte et je suis désigné
ouest” [extrait du Bulletin d’information pour effectuer le lever direct au 1:2000
En avril 1964 : retour à l’IGN. À cette
de l’IGN, BI n° 25]. Les principales spéci- (ou 1:2500) dans la forêt du Mas d’Age-
époque, au retour du Service, les ingé-
fications sont les suivantes. Un point sur nais (Lot), en vue du tracé définitif de la
nieurs et géomètres étaient affectés un
deux en détermination astronomique future autoroute Bordeaux-Toulouse, la
an à la 3e direction (topographie, photo-
(dit “point de Laplace”) ; mesure des photogrammétrie ne convenant pas en
grammétrie), puis un an à la 2e direction
distances au cm, côtés compris entre zone boisée (mi-janvier à mi-avril 1965).
(géodésie, nivellement), puis au bout des
5 et 40 km ; rattachement au nivellement
deux ans à l’une de ces directions. En avril 1965 : nous sommes affectés à la
de précision tous les 75 km environ ;
Pendant mon stage à la 3e direction, j’ai 2e direction. Avec mon camarade Gérard,
observations angulaires toujours
passé deux mois de stéréopréparation à nous participons, pendant cinq mois, à
centrées sur le repère principal, même
Montech (Lot-et- Garonne), puis quatre une mission d’astronomie de position :
si les observations sont faites sur un
mois de complètement d’esquisse plani- mesurer les coordonnées astronomiques
signal ; cheminement rectiligne à ± 20°
métrique vers Graulhet (Tarn), puis deux de points connus en coordonnées
avec la moyenne des angles inférieure à
géographiques à raison d’un point tous
10°. Tout cela sera ensuite détaillé.
les 60 km environ, dans un grand triangle
compris entre Bordeaux, le sommet de
Mon début de carrière La Rhune (Pays Basque) et Carcassonne,
soit une vingtaine de points. Comme
à l’IGN
souvenir exceptionnel, je retiens les trois
J’ai intégré l’École nationale des jours et trois nuits passés au Pic du Midi
sciences géographiques (ENSG) en (2 875 mètres moins les 15 mètres pour
novembre 1960 et j’ai suivi les deux ans
du cycle des Ingénieurs des travaux En février 1965…
géographiques de l’État (ITGE). Mon
seul camarade de promotion, Roger,
m’a servi de guide, lui qui connaissait
déjà l’École. De novembre à avril, les
cours étaient à Saint-Mandé et de mai
à septembre, les stages pratiques se
déroulaient en Provence.
L’équipe de reconnaissance
et de construction
Cette équipe comprend six personnes.
L’équipe de reconnaissance doit trou-
ver les points qui seront stationnés
par les trois équipes d’observation.
Les distances entre deux points sont
comprises entre 5 et 40 km (chiffres
précisés plus tard) et les côtés doivent
être alignés à ± 20 degrés, la moyenne
des angles du cheminement doit être
inférieure à 10 degrés.
L’équipe doit aussi reconnaître l’empla-
cement des repères de nivellement.
Cette équipe a donc “plusieurs coups”
Signal Bilby (créé par Jasper S. Bilby en 1926)
d’avance, parfois 100 km, sur les équipes
d’observation. À gauche : début de la construction du signal qui est
Pour s’assurer que la visée passe entre double. Les éléments intérieurs portent les appareils
les points successifs, l’équipe dispose d’observation, les éléments extérieurs portent les
de deux “échelles Delooz” pouvant opérateurs et le matériel annexe.
monter jusqu’à 24 mètres. Ensuite, il faut
Au centre : exemple de signal Bilby, d’environ
éventuellement assembler les signaux
18 m. Les signaux pouvaient monter jusqu’à 24 m :
“Bilby” pouvant atteindre 24 m (en
imaginez-vous grimper le long de la façade d’un
France jusqu’à 48 m). Il faut matériali-
immeuble de huit étages, avec parfois le théodoliteT3
ser le point par un bloc de béton assez
de 18 kg dans le dos ! Les premières fois, on serre bien
solide qui retient le repère principal et
fort les échelons, surtout à la descente. Le matériel
qui recouvre un repère souterrain (à
était monté avec une corde, une poulie et… deux bras.
1,2 m de profondeur selon les clauses
techniques) ou graver un bloc rocheux. À droite, détail des échelons qui mesurent 41,6 cm (vérifié sur un plan).
Si le point principal est au sol, mais ne
En France, les Bilby montaient jusqu’à 48 m ; les cerceaux de sécurité furent
voit pas l’un des points avant ou arrière,
rendus obligatoires plus tard.
la reconnaissance doit prévoir un repère
doit comprendre 12 à 16 étoiles, elle DKM 3A soit le Wild T4. L’IGN en possé-
q dure entre 1 h 15 min et 1 h 30 min. dait respectivement 4 et 3).
Une nuit, chaque opérateur observe (En fin de travaux, le trépied du T4 est
une soirée, puis recommence une autre démonté ; la partie métallique retourne
nuit. Donc, chaque point est déterminé en France et la partie en bois est brûlée
quatre fois, à condition que les critères sur place pour éviter d’importer des
de précision soient respectés, sinon, il parasites).
faut recommencer deux autres soirées.
L’observation se fait par l’oculaire qui est
De ces observations sont calculées
en bout de l’axe des tourillons et la lecture
les coordonnées géographiques de la
du limbe par la petite lunette au-dessous
station. Le T4 est toujours au sol, mais
(à droite sur l’image ci-contre) : quelles
à moins de 100 m du repère principal.
facilités pour l’opérateur !
Chaque équipe doit orienter les côtés du Le réticule (simplifié) comporte deux
LeT4 est ainsi un télescope de terrain de
cheminement par rapport à la polaire. traits fixes : un vertical et un horizontal.
60 kg environ. Le grossissement de l’op-
Les opérateurs doivent observer une Un trait horizontal mobile (en pointillés
tique est de 65 X et la focale de 550 mm.
série de seize couples un soir et une bleus) permet de suivre l’image de
Une fois l’appareil en place, il faut
autre série de seize couples un autre l’étoile qui se déplace.
attendre la nuit et au minimum encore
soir, soit deux déterminations par point ;
une heure pour que tout l’instrument
mais si les deux séries diffèrent de 1”,
soit stabilisé. La précision des mesures
une autre série, un autre soir, est néces-
est liée à la stabilité et à la précision de
saire.
la nivelle (cliché de droite) qui permet
Chaque équipe doit aussi mesurer
de maintenir la lunette à la distance
l’angle du cheminent, seize couples
zénithale constante. Voici une petite
un soir, puis seize couples un autre
explication sur la précision de cette
soir (ou bien deux fois seize couples
nivelle. Le verre est gradué et l’inter-
la même nuit à condition de respecter
valle entre deux traits correspond à un
deux heures entre la fin de la première
écart angulaire de 2ʺ (2 secondes sexa-
série et le début de la deuxième). Et s’il
gésimales) : c’est l’angle sous lequel on
existe, il faut aussi mesurer l’angle du
verrait un objet de 2 mm à la distance de
repère d’azimut. Les observations sur
210 m). La fiole, le liquide avec la bulle,
la polaire et les mesures de l’angle sont Agrandissement du côté oculaire avec
est illuminée par des sources autolu-
faites depuis le sommet du signal s’il nivelle et l’un des deux boutons moletés
minescentes qui permettent de lire les
est construit. (rond brillant, tirets blancs) ;
extrémités de la bulle sans autre éclai-
le second est sur le même axe, caché ici ;
rage, bien commode la nuit.
Les observations le micromètre est ainsi tourné avec les
Les boutons moletés de fin mouvement
des étoiles deux mains.
permettent de suivre le déplacement de
l’étoile ; ils entraînent un système qui
Les observations pendant les missions
déclenche des impulsions électriques
du 12e parallèle sont faites au T4. (Les
qui commandent l’imprimante, ce qui
appareils de terrain employés sont les
plus précis de l’époque : soit le Kern
Ciel étoilé, exposition de plusieurs heures, en “pause T“, à Ciel avec passage d’un satellite soit Echo 1 ou Echo 2 soit
Abéché, janvier 1967. Pageos, à Ati, avril 1967.
La longitude s’exprime en h, min et s rement… Pour simplifier, la suite se réfère - o bserver les distances zénithales
de temps. L’équateur mesure 40 000 km seulement au méridien de Greenwich (le réciproques et simultanées avec les
pour l’angle de 24 h soit de 86 400 s ; méridien du lieu est à ± ΔM). équipes d’astronomie ;
d’où 1s = 40 000/86 400 = 0,463 km = - mesurer la distance au telluromètre du
TS est l’abréviation de “Temps Sidéral”.
463 m, arrondis par facilité à 450 m. repère d’azimut aux points astro ;
Le jour sidéral est la durée de révolu-
Pour la latitude j la valeur d’une - rattacher certains points du chemine-
tion des étoiles autour de la Terre. Un
seconde de temps est 450 m x cosj soit ment au nivellement de précision ;
jour sidéral dure 23 h 56 min 04 s de
pour le 12e parallèle, 440 m. Et finale- - et bien sûr, mesurer les distances entre
temps moyen, donc les étoiles avancent
ment 1/100 de seconde correspond à les sommets avec le telluromètre et
de 3 min 56 s par jour de 24 h. Les
4 m (en France, vers Bordeaux, j = 45 ° avec le géodimètre.
documents donnent l’heure sidérale
et 1s = 320 m). Généralement, le point géodésique est
pour Greenwich (HSG) à 0 hTU ; l’heure
Le “nœud” est l’unité de vitesse dans entre deux stations astro ; mais si les
sidérale locale (HSL) est HSG + ΔM
les domaines maritime et aéronautique. côtés sont courts, deux points géodé-
(longitude avec son signe + à l’est).
1° correspond à la distance sur le globe siques peuvent être contigus. (Exemple
de 40 000 km/360, soit 111,1111… km. GMT est l’abréviation de “Greenwich au prochain numéro sur schéma en fin
1´ vaut 60 fois moins, soit 1,852 km Mean Time”. Le Soleil vrai décrit une de la 4e mission ouest).
ou 1 852 m. Un bateau à la vitesse de ellipse appelée “écliptique” inclinée de
10 nœuds va à 18,52 km/h. 23° 26ʺ par rapport à l’équateur terrestre n Principes généraux des
1 852 m est aussi l’unité du “mille marin (et céleste). Donc le Soleil vrai (Sv) ne appareils de mesure de distance
international”. passe pas au méridien de Greenwich Je prends l’exemple simple du poste
Simple, n’est-il pas ! exactement toutes les 24 heures. Le radio. La station choisie émet sur une
Soleil moyen (Sm) est le Soleil fictif qui certaine longueur d’onde, par exemple
À cette époque, les conversions se
parcourt l’équateur d’un mouvement le slogan de France Inter était dans les
faisaient à la table de valeurs natu-
uniforme, le Soleil moyen définit le années 1960 : “1 852 m grandes ondes”
relles et à la calculatrice à 16 chiffres
GMT. Comme en astronomie, l’angle (1 852 m : chiffre déjà cité). Deuxième
Vaucanson. Dans les années 1970, appa-
horaire AH est nul quand le Soleil passe caractère : l’onde porteuse est modulée
rurent les calculatrices scientifiques (qui
au méridien, il faudrait changer de jour par la parole ou la musique. Les appa-
ne prennent pas toujours en compte les
au milieu de la journée (il est plus facile reils de mesure de distance émettent
décimales de la seconde) et maintenant
d’observer le Soleil le jour que la nuit !). une onde électromagnétique ou lumi-
nous avons les serveurs par le Net… Les
Pour éviter cela, il est créé le “Soleil neuse, onde modulée par un système
grades furent introduits au moment de
civil” (Sc) décalé de + 12 h. électronique piloté par des quartz ;
la création du système décimal. (Le nom
l’ensemble permet les mesures avec la
“grade” est officiellement créé par le Le TU (UT en langage international)
précision donnée par les quartz.
décret du 1er août 1793 ; Delambre utili- est l’heure de passage, au méridien de
Longueur d’onde (λ) et fréquence (f)
sait parfois le terme “degré décimal”). Greenwich, du Soleil moyen plus 12 h =
sont liées par la formule λ x f = C, C
Lors de la mesure de leur méridien, Sc. Souvent confondus, GMT et UT
étant la vitesse de la lumière dans
Delambre et Méchain disposaient diffèrent donc de… 12 heures.
le vide : 300 000 km/s. (exactement :
chacun de deux instruments nouveaux :
UTC : la comparaison des résultats entre 299 792 458 m/s).
les cercles répétiteurs. Sur les quatre,
plusieurs observatoires dans le monde
trois étaient divisés en grades et un en
et maintenant avec les satellites (précis Principe du telluromètre
degrés. Pourquoi 400 grades et pas 100
à 1.10-14 s) définit UTC : “temps universel Le telluromètre émet une onde centimé-
ou 1 000 grades ? Probablement parce
coordonné”. (Le satellite “Pharo” aura trique modulée par une série de quartz. Il
que les deux unités grade et degré ont
une précision de 1.10-16 seconde, soit se compose de deux postes : le premier,
à peu près la même valeur ; comme
un écart d’une seconde au bout de… appelé “maître”(M) envoie un signal
les tables en grades n’existaient pas
300 millions d’années). au second appelé “répondeur” (R) ; le
encore, il leur fallait convertir les grades
L’équation du temps E(t) est définie par répondeur renvoie le signal modifié de
en degrés. Maintenant, nous profitons
la petite formule : E(t) = H du Sm - H du 1 kHz, le “maître“ compare le signal émis
du grade ou du gon…
Sv (H pour heure). et le signal reçu et affiche une distance. Il
Et l’unité le millième est instituée au
E(t) varie, approximativement, de faut connaître la distance à 15 km près.
moment de la sortie du canon de 75,
+ 15 min en février à – 15 min en Le premier quartz affiche la distance
en 1897. C’est une unité utile aux artil-
novembre ; elle est voisine de zéro aux entre 0 et 15 km ; le deuxième affiche
leurs car 1:1 000 correspond à un écart
changements de saison. entre 0 et 1 500 m ; le troisième entre
de 1 m à… 1 000 m.
0 et 150 m et le quatrième, qui permet
L’équipe de géodésie les mesures fines, entre 0 et 15 m. Ce
n TS GMT TU UTC quatrième quartz est à la fréquence
Rappel tout simple : laTerre tourne autour Je commence par résumer et énumérer étalonnée de 10 MHz, ce qui correspond
du Soleil ; vu de laTerre, c’est le Soleil qui les tâches à réaliser : à un trajet aller-retour de 30 m et donc, à
tourne autour de laTerre, mais pas réguliè- - mesurer l’angle du cheminement ; une distance mesurée de 15 m.
q ainsi que pour commander le déplace- Et pour être sûr de la précision de l’ins- (première mission) et le plus court de
ment des prismes pour la mesure avec trument, la fréquence du quartz des 5,160 km (4e mission est).
le géodimètre. En France, nous avions mesures fines était suivie en perma-
À remarquer page 63 : la planchette
essayé les appareils “ApolexTRPP1” qui nence pendant les observations : c’était
avec les deux thermomètres, le groupe
portaient jusqu’à 40 km, mais ils se sont la tâche du contrôleur américain qui
électrogène jaune de 110 V pour l’ali-
révélés limités à quelques km sur place. vivait en permanence avec l’équipe
mentation du géodimètre, la petite
Donc la liaison phonique par telluro- de géodésie, mais qui ne parlait pas
bouteille à droite avec… de l’essence.
mètre était indispensable. le français ; nous étions deux sur six à
Explication : plein, le réservoir ne tenait
Le telluromètre était rustique, alimenté échanger en anglais.
que pendant 50 min ; le géodimètre se
en électricité par une batterie de 6 V, Le principal avantage de la lumière est
stabilisait après 20 min environ et la
puis une boîte d’alimentation. Il suffi- que l’onde est beaucoup moins sensible
mesure durait au minimum 45 min. Si
sait de savoir changer des diodes et la à la pression de vapeur que l’onde
le groupe s’arrêtait, il fallait à nouveau
résistance de 4,7 kΩ de l’alimentation, radioélectrique. Il faut bien sûr appor-
attendre quelques minutes avant de
démonter et essuyer le klystron (l’émet- ter les corrections météorologiques,
reprendre les mesures. D’où la néces-
teur) puis le remonter, avoir un petit toujours fonction des températures
sité de remplir le réservoir pendant les
tournevis en buis pour corriger le cercle sèche et humide et de la pression
mesures. Le jerrican de 20 litres était
de lecture, etc. atmosphérique. Dans les conditions du
à plusieurs mètres ; une fois remplie,
12e parallèle, une variation de 1/10 de
la petite bouteille servait à compléter,
Principe du géodimètre degré sur t ou sur t’ fait varier N de 0,1 ;
avec un petit entonnoir, le réservoir du
Le géodimètre AGA 4D était l’appareil la variation de 1/10 de mm Hg, comme
groupe, celui-ci étant en fonctionne-
de mesure des grandes distances le plus pour le telluromètre, est de 0,03.
ment avec quelques vibrations. Comme
précis de son époque. L’émetteur était L’indice de base pour le géodimètre est
les observations se faisaient de nuit, il
une lampe à vapeur de mercure et le N = 308,6 et les formules de calcul sont
fallait penser à descendre à temps du
signal modulé par une série de quartz ; plus simples.
signal. Le sol était toujours éclairé, par
pour améliorer la précision, le signal Un côté était l’objet de quatre détermi-
une lampe à pétrole, puisque le contrô-
n’était plus sinusoïdal, mais devenu de nations dans les tolérances (au 1.10-6 D)
leur des fréquences observait en bas du
forme rectangulaire par une cellule dite réparties sur deux nuits.
signal (pas encore secouriste, je suivais
“de Kerr”. Le tout fonctionnait sous 500
déjà quelques notions de sécurité).
V et nécessitait donc un groupe électro- n Cas des premières mesures et
gène. La mission disposait de deux AGA quelques remarques Les photos sont prises au sol, pendant
4D et d’un groupe électrogène (de 110 V) Pendant les premiers côtés, les un étalonnage. Le géodimètre et les
fournis par les Américains. Le géodi- deux températures (t et t’) étaient telluromètres étaient étalonnés au
mètre émet une lumière dans le spectre lues sur les thermomètres, selon la début de la mission et à la fin ; cela
visible à 550 Å (angströms), transmise méthode de l’IGN : à l’ombre d’une ne gâchait rien de vérifier pendant. Ici
par la lunette émettrice dirigée vers planchette, à au moins 1,50 m du sol n’était mesurée que la calibration : la
les prismes, lumière renvoyée par les si la station était au sol. Mais l’écart constante d’étalonnage. Dans le géodi-
prismes et reçue par le géodimètre de la mesure entre les deux appa- mètre, la lumière parcourait 3 cm dans
dans la seconde lunette (il faut que reils pouvait dépasser la tolérance les prismes et environ 20 cm dans les
les optiques des deux lunettes soient permise. Pour quelques côtés suivants, optiques émettrice et réceptrice. Dans
alignées). les mesures furent lues à la fois sur le telluromètre, le centre électroma-
Le premier quartz donnait la distance lue les thermomètres et sur les psychro- gnétique était le milieu de l’antenne. La
entre 0 et 2 000 m ; le deuxième, entre mètres. Surprise, les écarts étaient constante d’étalonnage est la correction
0 et 200 m, le troisième entre 0 et 20 m, plus conformes avec les températures qu’il faut apporter à chaque mesure,
le dernier entre 0 et 2 m. Ensuite, une du psychromètre. Donc, ces appareils c’est l’écart en cm entre le centre “élec-
“ligne à retard”, comme un rhéostat, furent toujours utilisés par la suite. Le tronique” et l’axe de fixation sur le
donnait le 1/100 soit 2 cm. La princi- géodimètre mesurait avec la précision support.
pale source d’imprécision provenait de du millionième soit ± 1 cm pour 10 km. Maintenant, il faut s’imaginer la plate-
cette ligne à retard. Pour y remédier, au Selon les spécifications techniques, forme hexagonale du signal, avec
lieu de mesurer l’appoint avec la ligne l’écart entre les mesures des deux 1,8 m entre les rambardes opposées.
à retard, on déplaçait les prismes pour appareils devait être inférieur à 10 cm Cette plateforme est occupée du côté
lire autour de l’origine de cette ligne à + 3.10-6 cm ; sur place, les écarts furent des instruments par le matériel et deux
retard. Les 27 prismes coulissaient sur plus réduits, probablement après de personnes puis, du côté des prismes,
une planche en “T inversé” longue de nouveaux critères. par la planche de 2,5 m, le telluromètre
2,5 m et percée de trous repérés tous les Les spécifications imposaient des et une ou deux personnes, et toujours
10 cm. La mesure était répétée plusieurs distances comprises entre 5 et 40 km. la nuit… Sur un signal, le géodimètre
fois : autour du zéro de la ligne, en avan- Dans la pratique, la moyenne des devait être centré sur le plateau à
çant les prismes de 10 et 20 cm, en les distances fut autour de 15 km. Le l’aplomb du repère principal. Côté
reculant de 10 et 20 cm. plus long côté mesuré fut de 23 km “répondeur”, la planche de 2,5 m était
Contact
Jean-Claude LEBLANC
L’équipe de géodésie en fin de mission, à Massaguet (100 km de Fort-Lamy). Au bureau. jc.leblanc@orange.fr