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Techniques d’expression juridique

Introduction

Le droit est-il une science ? Si l’on répond par l’affirmative, il faut alors envisager de
connaître un langage spécifique avant d’entamer une étude du droit. On comprend alors
mieux pourquoi un cours de technique d’expression juridique a été instauré dans le
programme des étudiants qui vont débuter une licence de droit, notamment, en première
année.

Ce cours répond à certain nombre d’objectifs. Il permet de mieux comprendre les


différents types de textes juridiques, de rédiger aisément et plus efficacement les exercices
spécifiques aux études de droit et mieux maîtriser la logique et l’argumentation juridique.

Pour ce faire, dans le cadre de ce cours, nous verrons, d’une part, le langage utilisé par les
juristes et, d’autre part, le raisonnement juridique.

I. Le langage juridique

A. Les prérequis

La grammaire française constitue un instrument indispensable à la compréhension du


droit. La maîtrise de celle-ci permet de comprendre les textes juridiques qui sont rédigées de
façon spécifique. Par ailleurs, les règles de grammaire se trouvent utiles pour la rédaction et le
raisonnement. On verra, d’une part, l’expression de la conséquence et de la cause et, d’autre
part, l’opposition et la concession.

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1) L’expression de la cause et de la conséquence

a) La cause

La cause
Utilisation courante et mise en évidence

conjonctions Prépositions et Autres Noms Verbes


locutions moyens Participes
adjectifs
Cause banale A cause de Ponctuation La cause ; le Etre dû à
Parce que (valeur Ex : mère pourquoi ; Ex :
Ex : Il a saisi le défavorable) d’élève l’explication La dégradation
juge parce que Ex : A cause de condamnée : Ex : il n’a de la couche
son voisin a sa mauvaise elle avait giflé donné aucune d’ozone est due
détruit le mur gestion, il a été le professeur explication à l’émission de
mitoyen entre arrêté par la pour ses gaz à effet de
leurs propriétés. police Poser des absences serre.
questions sur répétées
la cause :
Pourquoi a-t-il
été arrêté par
la police?
Cause évidente Grâce à (valeur Participes L’origine Découler de
pour le locuteur positive) Ex : en roulant Le principe
Puisque Ex : Ils ont pu à gauche, il a Le fondement Ex : les
Ex : reconstruire provoqué un (Point de problèmes
puisqu’aucune leur maison accident, départ de la économiques
mesure détruite par la Fondant sa cause) découlent des
permettant de tempête grâce demande sur Ex : la systèmes
sauvegarder les aux indemnités un texte confiance est financiers.
emplois n’a été versées par les inapplicable, il au fondement
prise, nous assurances. sera débouté. du crédit
déposons un bancaire.
préavis de
grève
Cause évidente Cause Poser des Cause L’origine de la
mise en valeur constatée ; fait questions sur provoquant à cause, avec
Comme (en tête reconnu la cause : l’action idée de
de phrase) Etant donné Pour quelle Le motif (la responsabilité
Du fait de raison ? raison d’agir) Etre causé par
(plus nom) Pour quel Le mobile Etre provoqué
Dès lors que motif ? (l’impulsion à par
Attendu que l’action)
La Considérant En vertu de La motivation Etre attribué à
connaissance se que quoi ? (vertu= (raison (origine
fera à l’aide Attendu que pouvoir) que psychologique) probable)
d’exemples : Eu égard à signifie ? Ex : le mobile Etre imputable

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Comme l’alerte (plus nom) Ex : pour de son crime à
a été donnée Compte tenu de quelle raison est la jalousie (responsabilité
très vite, la (plus nom) n’a-t-il pas La maladie probable)
population a pu Ex : compte voulu chronique Etre issu de
être évacuée tenu des pièces témoigner ? constitue un Etre motivé par
La population a versées au motif de Ex : le juge lui
pu être évacuée dossier, licenciement a imputé la
à temps car l’avocat de la Agent de la responsabilité
l’alerte a été partie adverse cause de la faillite de
donnée très vite doit déposer de L’auteur son entreprise.
Il a saisi le nouvelles Le créateur
juge ; en effet, conclusions L’inventeur
son voisin a Vu (plus nom) Ex : les auteurs
détruit le mur Ex : vu la de contrefaçon
mitoyen entre constitution du sont punis par
leurs propriétés 08 novembre la loi
2016
Vu les
nécessités de
service

b) L’expression de la conséquence

Tableau des expressions de la conséquence

noms verbes conjonctions locutions Adverbes d’intensité


La conséquence Provoquer Les Locutions Portant sur le nom :
L’impact Produire conjonctions de adverbiales : Tellement de…que
L’aboutissement Entrainer subordinations : En conséquence Un tel… que
Les retombées Amener Si bien que Par conséquent Tant de… que
L’effet Impliquer Au point que Par suite Assez /trop…pour /pour
Le résultat Occasionner De (telle) sorte que
La suite Susciter que Locutions
Nécessiter De (telle) prépositionnelles  Portant sur le verbe :
Rendre (plus manière que : d’où Tellement/tant que
adjectif) De (telle) façon De là trop pour / pour que
En découler que
Aboutir Portant sur l’adjectif
résulter Les ou l’adverbe :
engendrer conjonctions de Tellement/ si …que
déclencher coordination : Assez/trop… pour que
avoir pour Donc
effet Ainsi
permettre de C’est pourquoi
(il)
s’ensuivre
(que)

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Activité : choisir la cause ou la conséquence

Compléter les phrases suivantes en exprimant soit la cause soit la conséquence. Il existe
plusieurs possibilités.

L’usine de voiture a été délocalisée à Daloa…….les salaires y sont moins élevés et la main
d’œuvre qualifiée. Cela a bien entendu……..la fermeture de l’usine à Abidjan. Des
manifestations de grande ampleur ont eu lieu ; …….. la campagne électorale, les salariés
licenciés ont été entendus par les pouvoirs publics ; l’Etat a……….promis des aides au
reclassement.

2) L’expression de l’opposition et de la concession

a) L’expression de la concession

Conjonctions de Conjonction de Prépositions


subordination coordination et adverbes
+ indicatif Conjonction de Malgré
Alors que coordination : En dépit de
Même si or Quitte à
+ subjonctif Adverbes :
Bien que Pourtant
quoique Cependant
Néanmoins
Toutefois
Quand même

b) L’expression de l’opposition

Conjonctions de Conjonction de Prépositions


subordination coordination et
adverbes

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+ Indicatif Conjonction de Au lieu de
Alors que coordination : Par opposition à
Tandis que Mais A l’inverse de
Adverbes : Contrairement à
Par contre A la place
En revanche A défaut de
Par opposition A l’opposé de
Au contraire
inversement

B. Le langage des acteurs


1. Le langage législatif

Ici, on entend par législateur le créateur de droit objectif. On évoquera essentiellement les
termes utilisés par le parlement et les autorités administratives. L’exposé des motifs permet de
comprendre les raisons de l’élaboration d’une loi.

En ce qui nous concerne, il apparaît nécessaire de connaître quelques outils pour se référer
au droit objectif dans un raisonnement.

Les locutions Verbes


Construction : Locution+nom ex : Construction : Nom+verbe
Selon, Voyons en premier lieu les verbes
d’après, synonymes de « dire » :
en vertu de… Disposer + (que) qui est différent du contrat
conformément à … (stipuler)
aux termes de … Il résulte des dispositions de la loi x que…
Prévoir
En second lieu les verbes qui analysent
l’action de la loi :
Définir
Garantir
Interdire
Punir
Soumettre
Indiquer
Déterminer
Enumérer

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2. Le langage judiciaire

La lecture d’un jugement c'est-à-dire une décision rendue par le tribunal de première
instance.

Le demandeur : celui qui introduit une action en justice

Le défendeur : celui qui se défend.

Etre débouté de sa demande : ne pas obtenir gain de cause

Faire droit à la demande : donner raison au demandeur

Lecture d’un arrêt de la cour d’appel

Interjeter appel : faire appel

L’appelant : le demandeur

L’intimé : le défendeur

Se pourvoir (s’être pourvu) en cassation

II. Le raisonnement juridique

Logique juridique ou logique du droit équivaut à la science qui étudie les raisonnements
juridiques.
la logique juridique générale et logique judiciaire dont objet = raisonnement du juge.
logique scientifique ou logique formelle = s'applique à des certitudes et aboutit à des
conclusions certaines.
Or en droit, rarement des certitudes et des conclusions certaines.
Habituellement, la logique juridique ne débouche pas sur des certitudes parce qu’il s'agit de
concilier le raisonnement et la justice pour aboutir à une solution acceptable.
Mais grandes variations selon époques et pays: Raisons
1. Logique juridique dépend de la conception qu'on a du droit.
2. Juriste opère une sélection des éléments sur lesquels il raisonne
=> critère des choix repose sur un jugement influencé par l'époque...
3. Raisons qui militent en faveur d'une solution sont contredites par d'autres raisons en
faveur d'une autre solution.
Une solution considérée comme juste à un moment donné peut devenir plus tard
erronée.

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A. Le syllogisme judiciaire

1) Définitions
Le syllogisme correspond à l’opération intellectuelle par laquelle, du rapport
de 2 termes avec un même 3e appelé moyen terme, on conclut à leur rapport
mutuel.
Si A = B et que
B=C
alors A = C

Les règles de droit s’appliquent à des situations déterminées ; elles ont un


champ d’application délimité et se réfère à des critères objectifs pour définir leur
champ.
Pour pouvoir appliquer une règle de droit objectif à une situation de fait
particulière, il importe de procéder à un raisonnement déductif, par syllogisme, qui lui-
même implique un exercice de qualification. Le but de cette opération est d’aboutir à
une solution juridique, logique et fiable.
2) Mise en œuvre du syllogisme judiciaire
= opération permettant d'appliquer à une situation de fait la solution prévue par
une règle de droit.
Comme cette situation de fait remplit les conditions d'application de la règle
de droit, on lui applique la solution dictée par la règle.
 Exemple
a) Tout condamné à mort aura la tête tranchée,
b) Or Louis XVI est condamné à mort,
c) Donc Louis XVI aura la tête tranchée.
 Syllogisme, quelle que soit sa formulation, est toujours de type
conditionnel.
Il faut donc lire:
a) Si une personne est condamnée à mort, elle aura la tête tranchée.
b) Or Louis XVI est condamné à mort.
c) Donc Louis XVI aura la tête tranchée.
La conséquence (tête tranchée) s'applique à Louis XVI, puisque Louis
XVI remplit la condition prévue par la règle (condamné à mort).

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a) L'articulation du syllogisme judiciaire: Trois éléments
a.1) La majeure:
"Si une personne a...,
alors elle doit..."
a.2) La mineure:
"Or X a ..."
a.3) La conclusion:
"Donc, X doit..."
b) L’explication des éléments du syllogisme
b.1) La majeure
 = Enonce la règle de droit
 Elle affirme de manière générale et abstraite que, si telle hypothèse est
réalisée, telle conséquence s'ensuivra.
Règle est fournie par les sources de droit reconnues par l' ordre juridique.
Qui veut appliquer le droit, doit d'abord rechercher cette règle.
=> méthode du traitement du cas pratique.
b.2) La mineure
 = consiste dans la confrontation de la situation de fait avec l'hypothèse
abstraite de la règle.
Cette confrontation suppose la connaissance du fait et du droit pour établir
le rapport de l'un avec l'autre = passage du général au particulier.
a) L'hypothèse légale est donnée par la règle de droit, telle qu'elle a été
analysée dans la majeure.
b) Le fait ou le cas concret est donné par la réalité!
Qui veut appliquer le droit, doit d'abord constater les faits (pour aboutir
à un jugement de fait qui affirme que choses se présentent de telle ou
telle manière) = version que retiendra juge pour appliquer le droit.
Droit de procédure fixe ces règles qui permettent d'établir les faits.
c) La confrontation entre la situation de fait et la règle de droit  on
peut alors affirmer si le cas concret remplit les conditions
d'application de la règle de droit.
 Le fait (inclus dans hypothèse de règle) reçoit sa qualification
juridique = subsomption.
 interprétation de la norme.
b.3) La conclusion
 Suivant le résultat de confrontation, la conclusion attribue ou n'attribue pas,
à la situation de fait la conséquence prévue par la règle de droit.
= particularisation de la règle générale: on attache au cas visé la
conséquence générale.
3) Syllogisme et jugement
 Les différentes étapes du syllogisme

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= étapes effectuées par juge pour la résolution du problème = structure du
jugement.
début: reconstituer les faits.
 TROIS PARTIES DU JUGEMENT:
1. Les faits
Juge expose la version des faits qu'il a retenue sur la base des preuves qui lui
ont été offertes.
2. Le droit
Juge rappelle la règle applicable et vérifie si les faits retenus remplissent les
conditions prévues par la règle.
NB : la majeure et la mineure constituent les motifs qui justifient le dispositif
3. Le dispositif
Suivant le résultat de cette analyse, le juge décide quelle est la solution du
litige, eu égard aux effets prévus par la règle applicable.
B. L'ANALOGIE JURIDIQUE
 Un des plus anciens procédés juridiques; on l'applique toujours couramment aussi bien
le juge que législateur.
1°) La notion d'analogie
 Analogie juridique ou argument a pari
extension d'une disposition légale concernant un cas particulier à un autre cas
particulier non prévu par le législateur mais semblable sur les points essentiels,
pour une raison d'équité.

2°) les éléments de l’analogie juridique


a) L'extension
 = On quitte le domaine d'application prévu par le législateur.
 => pouvoir important du juge, fondé sur son pouvoir d'interprétation de la
loi: art. 1 al. 1 CC.
b) La similitude
 = L'analogie suppose des situations de fait comparables pour l'essentiel
auxquelles il paraît normal d'appliquer la même règle de droit: "une
situation de fait semblable implique la même règle juridique".
 Pour établir une similitude entre 2 situations, le juge se réfère à un système
de valeurs qui lui permettra de sélectionner les éléments caractéristiques
d'une situation et d'écarter les autres.
(Plusieurs analogies possibles plus règles).
Juge choisit la plus grande ressemblance en fonction du contexte politico-
social.
c) L'équité
 Doctrine suisse fonde l'analogie sur le pouvoir d'interprétation du juge.

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Droit canonique fait de l' analogie = source du droit fondée sur l' équité =
des considérations extérieures au droit destinées à réaliser la justice.
 Juge doit recourir à l'équité pour établir la justice.
= fondement plus logique puisque le juge sort du cadre de la loi et recours à
l' analogie.
3°) Aspects divers de l'analogie juridique
 Rappel : l'analogie peut avoir la forme de l'argument a pari
Il consiste à étendre le champ d’application de la règle de droit, édictée pour
un cas déterminé, à d’autres cas semblables en se fondant sur l’identité des
motifs
 Argument a fortiori
Ce raisonnement conduit le juge à étendre la solution d’une loi édictée pour
un cas déterminé à d’autres cas qui n’ont pas été prévu par le législateur. En
pratique, le juge étend une solution légale ou jurisprudentielle donnée à un
cas non prévu, parce que les raisons qui ont guidé le législateur se
retrouvent avec encore plus de force dans le cas non prévu. Il se distingue
alors de l’argument a pari dans la mesure où les cas sont différents.
 Argument a contrario
= le juge adopte la solution contraire à celle retenue par la loi dans un cas
pour résoudre un cas inverse. En d’autres termes, si l’application d’une
règle de droit est subordonnée à des conditions déterminées, et que celles-ci
ne sont pas remplies, on en déduit à contrario l’application de la règle
contraire ou inverse.

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