Vous êtes sur la page 1sur 7

LA THERMOREGULATION : ASPECTS PHYSIOLOGIQUE, MORPHOLOGIQUE

ET ECOLOGIQUE
Une synthèse conçue et rédigée par Pr. K TAGHZOUTI
===================================
- Comment s’effectue la thermorégulation dans le règne animal ? - Quels
sont les mécanismes adaptatifs des animaux face aux contraintes
thermiques ?
A ses problématiques une réflexion succincte est proposée dans cet essai.
La température est un élément fondamental déterminant de la physiologie
des êtres vivants. C’est un facteur limitant de l’activité biologique. C’est un
paramètre de l’environnement, une variable physiologique soumise à une
régulation très fine et enfin un déchet métabolique produit par toutes les cellules
actives.
La chaleur et la température sont deux grandeurs physiques qu’il ne faut
pas confondre. On exprimait autrefois les quantités de chaleur avec une unité
spécifique : la calorie. Une calorie étant la quantité de chaleur nécessaire pour
élever de 1°C (de 14.5 à 15.5°C) la température de 1g d’eau. La chaleur est définie
par l’intermédiaire d’une augmentation de la température. La chaleur est une
forme d’énergie, l’énergie calorifique que l’on l’exprime en joule (J) : 1 calorie= 4.18 joules.
La conception moderne de la température est associée aux sensations de
chaud et de froid, elle repose sur le degré d’agitation (thermique) des molécules qui
composent un système; on appelle agitation thermique, l’agitation désordonnée
des molécules d’un gaz, d’un solide ou d’un liquide.
L’animal échange de la chaleur avec son environnement par conduction,
convection, radiation et/ou évaporation. Ces échanges de chaleur se produisent
principalement par la peau dont la surface et l’isolation thermique (plumes, poils,
tissus adipeux blanc et brun…) ont une importance prépondérante. Ces transferts
de chaleur dépendent de trois facteurs : le rapport de la surface sur le volume
(S/V), le gradient thermique (différence de température entre l’organisme et son
milieu environnant) et la conductance thermique spécifique de la surface de
l’animal. Toute augmentation de l’un de ces trois facteurs entraîne une
augmentation du transfert de chaleur. La constance de la température est le
résultat d’un bilan thermique équilibré, où les apports (exogènes et/ou endogènes)
de chaleur équilibrent les pertes. Les animaux endothermes ont un métabolisme
très élevé qui leur permet de maintenir leur température corporelle à une valeur
constante. Les endothermes régulent leur température en toute circonstance et
sont qualifiés d’homéothermes. Les ectothermes dont la température corporelle
fluctue avec la température externe sont qualifiés de poïkilothermes en référence à
cette variabilité.
Les ectothermes contrairement aux endothermes, ne sont pas capables de
maintenir leur température à une valeur constante en raison de leur faible activité
métabolique. Les hétérothermes qui sont des endothermes temporaires cumulent
les avantages de l’endothermie et de l’ectothermie.
1
La thermorégulation requiert des thermorécepteurs, une intégration à la fois
somatique, neurovégétative, endocrine et comportementale et, enfin, des
systèmes de production (thermogenèse) et de dissipation (thermolyse) de la
chaleur. L’hypothalamus est le support neurobiologique de cette régulation.
Les thermorécepteurs :
Sont des cellules sensorielles particulièrement sensibles aux variations de la
température, du fait des propriétés spécifiques de leurs membranes. Ces neurones
sont à même de détecter des variations de température au niveau de la peau de
l’ordre de 0.01°C; Les thermorécepteurs cutanés contribuent à la perception de la
température de l’environnement (la sensibilité à la température n’est pas une
propriété uniforme de l’ensemble de la peau). Dès lors, les neurones sensibles à la
température situés au niveau de l’hypothalamus et de la moelle épinière vont
relayer les réponses physiologiques qui maintiennent stable la température du
corps.
Les récepteurs au chaud sont activés à partir d’une température de 30°C et
augmentent leur décharge jusqu’à une température de 45°C. Lorsque la
température augmente encore on assiste à une réduction rapide de la fréquence de
décharge de ces récepteurs. Au delà de 45°C ce sont les nocicepteurs qui sont
activés. La perception passe de la sensation du chaud à celle de la douleur. Les
récepteurs au froid ne répondent quasiment pas à des températures supérieures à
35°C. Ils se mettent à décharger d’une façon intense pour une baisse de la
température de 10°C. Au delà, le froid devient un anesthésique de la peau. Le
différentiel de décharge des thermorécepteurs est important au moment des
variations de la température. C’est le changement brutal de la qualité du stimulus
qui est à l’origine des sensations les plus fortes. Les thermorécepteurs adaptent
leur décharge lorsque les stimuli présentent un caractère durable.
Pour les voies de la thermoception, Les récepteurs au froid sont plus
nombreux, ils utilisent, entre autres, les fibres Aδ (fibres myélinisées, diamètre de
1 à 5 μm, vitesse de conduction entre 5 et 30m/s), les récepteurs au chaud utilisent
uniquement les fibres C (amyélinisées, faible diamètre 0.2à 2 μm, vitesse de
conduction de 0.5 à 3m/s), ces fibres font synapses au niveau de la substantia
gelatinosa de la corne dorsale de la moelle épinière. De là, des neurones de second
ordre, transmettent l’information par le faisceau spino-thlamique situé du côté
contralatéral jusqu’à la source d’information sensorielle.
Le rôle de l’hypothalamus est multiple : il mesure la température centrale,
intègre les informations thermiques et déclenche les réponses
thermocompensatrices. Chez le chien, une lésion de l’hypothalamus postérieur est
responsable d’une incapacité à maintenir l’homéothermie en ambiance froide et
une lésion de l’hypothalamus antérieur est responsable de la même incapacité en
ambiance chaude. On a montré qu’un refroidissement de l’hypothalamus entraîne
une hyperthermie, tandis que son réchauffement induit une hypothermie.
L’intensité des réponses thermorégulatrices est strictement proportionnelle au
refroidissement ou au réchauffement de l’hypothalamus. L’activité des neurones
2
thermosensibles hypothalamique est corrélée à celle des effecteurs de la
thermorégulation. Une micro-injection des substances pyrétogènes dans
l’hypothalamus provoque une hyperthermie associée à une inhibition de l’activité
des neurones sensibles au chaud et stimule dans les mêmes proportions l’activité
des neurones sensibles au froid. Réciproquement, les substances qui induisent
une hypothermie par injection dans l’aire préoptique hypothalamique stimulent les
récepteurs au chaud et inhibent les récepteurs au froid.
Les neurones thermosensibles sont localisés dans l’aire préoptique de
l’hypothalamus, dans le mésencéphale, le tronc cérébral et la moelle épinière. En
général, chez les mammifères, l’hypothalamus est l’intégrateur supérieur des
informations thermiques.
A côté du système nerveux central, le système endocrinien est impliqué dans
les réponses thermorégulatrices. L’exposition au froid conduit rapidement à une
synthèse accrue d’hormone thyréotrope (TSH) par l’hypophyse, suivie d’une
augmentation de la sécrétion des hormones thyroïdiennes qui accroissent la
consommation d’oxygène de certains tissus, ces mêmes hormones sont les
principaux facteurs contrôlant la pompe Na+-K+-ATPase, l’activité Ca++-ATPase;
elles sont nécessaires à la stimulation du tissu adipeux blanc et brun par les
catécholamines; elles facilitent donc la mobilisation des réserves énergétiques et la
stimulation de la thermogenèse.
La médullo-surrénale, par l’adrénaline qu’elle sécrète, augmente le
catabolisme glucidique. Il semble que cette glande a un effet hypermétabolisant en
agissant sur le métabolisme protéo-glucidique. Enfin, il importe de remarquer que
la thermogenèse physique (sudation, vaso-motricité, pilo-érection, thermogenèse
par le tissu adipeux brun…) est sous le contrôle du système nerveux autonome
largement influencé par l’hypothalamus qui centralise les influences du cortex
cérébral, du système limbique et de la formation réticulée...
La régulation par rétroaction négative
La variable température est captée par les thermorécepteurs centraux et
périphériques. Cette information est comparée au point de consigne thermique de
l’hypothalamus. La commande des effecteurs est fonction du résultat de cette
comparaison. Les réponses ont un signe opposé à la perturbation initiale,
permettent ainsi la correction de la température mesurée et son retour à la valeur
consigne. La thermorégulation peut être considérée comme un réflexe, les entrées
sont nerveuses et empruntent les fibres sensitives thermosensibles, l’intégration
met enjeu des réponses empruntant plusieurs systèmes de communication.
Thermorégulation et pathologie
Chez l’homme, lors d’une maladie, la température augmente et peut atteindre des
valeurs supérieures à 40°C : c’est la fièvre qui est considérée comme un
mécanisme de défense contre certains agents pathogènes. La fièvre agit par 1- une
amélioration de la migration et de la production des substances antibactériennes
des neutrophiles. 2- une augmentation de la production des interférons par les
lymphocytes, ainsi que de l’activité antivirale et antitumorale de
3
l’interféron. 3- une augmentation de la prolifération des lymphocytes T. La fièvre
résulte d’un déséquilibre du bilan thermique, sous l’effet de substances
pyrétogènes endogènes comme les interleukines 1α et 1β (IL1α et IL1β) et l’IL6
sécrétées essentiellement par les monocytes et les macrophages. Un anticorps
dirigé contre l’IL1β bloque l’apparition de la fièvre. Les substances pyrétogènes
font intervenir une sécrétion accrue de Prostaglandines E2 (PGE2) dans
l’hypothalamus, d’ailleurs les substances inhibant la synthèse des prostaglandines
(aspirine, indométacine…) sont des puissants antipyrétiques.
La physiologie thermique ou thermorégulation permet d’aborder quelques
exemples remarquables des adaptations morphologique, physiologique, et éco
éthologique dans les règnes animal et végétal.
Aspects morphologiques
Les adaptations morphologiques qui accompagnent la résistance au froid :
épaisseur du plumage, fourrure et développement des tissus adipeux brun et
sous-cutanés, remplacement saisonnier du pelage, sont des exemples concrets de
ces aspects. Par contre, la réduction des appendices (oreilles, queue, pattes…)
chez les espèces polaires pour minimiser les pertes de chaleur par rayonnement et
l’augmentation de ces appendices chez les espèces désertiques pour augmenter la
surface d’échange de chaleur avec le milieu ambiant résument bien (la règle
d’Allen). Dans le même sens, il faut signaler la loi de Bergman; qui énonce que :’’
lorsqu’un taxon de vertébrés à sang chaud (homéotherme) occupe une aire de
distribution géographique couvrant plusieurs zones climatiques, la taille et donc la
masse des espèces tend à croître avec la latitude’’. De là, il découle que le rapport
de la surface du corps sur la masse ou le volume corporel est plus faible chez les
espèces septentrionales ou boréales de grande taille (pour minimiser les pertes de
chaleur) que chez les espèces équatoriales de petite taille.
Les adaptations physiologiques
Le métabolisme de l’organisme des endothermes et des ectothermes varie en
fonction des modifications thermiques du milieu extérieur, il peut être traduit par
le Q10 qui est le rapport des vitesses des réactions biochimiques lorsque la
température augmente de 10°C ou par la consommation d’oxygène par l’organisme
en fonction de la température externe. Cette consommation d’oxygène est
minimale dans un intervalle de température définissant la neutralité thermique.
L’homéostasie thermique est le résultat d’un équilibre entre la production de
chaleur (thermogenèse) et sa perte (thermolyse). L’ATP étant l’élément clé du
métabolisme énergétique, elle est générée par la mitochondrie, l’hydrolyse de l’ATP
est la réaction biochimique majoritaire responsable du dégagement de la chaleur.
Le tissu adipeux brun, grâce à la protéine découplante (UCP) ou thremogénine, est
le seul effecteur spécialisé de la thermogenèse sans frisson. Le tissu adipeux brun
et la protéine découplante sont présents chez les mammifères hibernants, les
rongeurs adultes et chez tous les nouveaux-nés de mammifères. Ils ont une
fonction dans le réchauffement des hibernants à la fin des périodes d’hypothermie
et une fonction thermogénique chez les nouveaux-nés qui subissent un
4
refroidissement à la naissance.
Il existe aussi des mécanismes adaptatifs de tolérance aux températures
élevées, tel que l’intervention de la protéine Hsp 90 (Heat Shock Proteïn) qui
stabilise la structure tridimensionnelle des enzymes; cette protéine, est présente
chez tous les organismes des procaryotes aux mammifères. Il y’a aussi la synthèse
du tréhalose et de la proline qui stabilisent la structure membranaire des cellules
par augmentation de la proportion des acides gras saturés dans les
phospholipides membranaires.
Les mécanismes de résistance aux basses températures peuvent
se résumer à l’intervention des protéines ‘’antigel’’ tel que le glycérol
qui abaisse le point de congélation de l’hémolymphe et inhibe la
croissance des microcristaux de glace. Les protéines antigel présents
chez les Téléostéens, chez les poissons des eaux froides et chez
certains arthropodes, sont des polypeptides de structure répétitive
(alanine-alanine-thréonine).
Aspects écologiques et éthologiques
La migration (photopériode, enfouissement dans le sol, recherche des zones
tempérées); l’hibernation (hypothermie, ralentissement des fonctions
physiologiques…observée chez le lérot, la gerboise, l’hérisson…) et l’estivation
(diapause, vie ralentie liée à la sécheresse…chez certains arthropodes et
Annélides…) sont des supports ‘’écolo-éthologique’’ de la thermorégulation.
Règne végétal
Les plantes aussi, bien que ne rentrant pas dans la cadre strict de
l’homéothermie, ont dû développer des stratégies d’adaptation pour ne pas
dessécher (comme les cactus qui ont des épines et pas des feuilles), ou au
contraire dépenser de l’eau par évaporation pour conserver une température
supportable (exemple des arbres à feuilles caduques de l’hémisphère nord).
L’évaporation d’eau chez les plantes peut se comparer à la sudation chez l’homme.
CONCLUSION
Les capacités de régulation de la température centrale chez les endothermes
homéothermes sont particulièrement efficaces et leur ont permis de conquérir à
peu près tous les milieux terrestres, y compris les milieux polaires où sont absents
les vertébrés ectothermes. Cette fonction thermorégulatrice fait appel à un nombre
limité d’organes spécifiques, les thermorécepteurs, présents chez tous les
vertébrés endothermes. Par ailleurs, les oiseaux et beaucoup de mammifères sont
dépourvus de glandes sudorales et de tissu adipeux brun. La thermorégulation est
donc réalisée essentiellement par des organes ayant une autre fonction : l’appareil
vasculaire, l’appareil respiratoire et la musculature striée squelettique.
5
La régulation de la température corporelle permet aux endothermes de
s’affranchir de certaines contraintes climatiques, mais elle a un coût énergétique
élevé, en particulier pendant l’hiver. Réciproquement la thermolyse évaporatoire
qui permet de lutter efficacement contre l’hyperthermie, substitue une contrainte
hydrique à une contrainte thermique. Par ailleurs, la plupart des inconvénients de
l’endothermie (dissipation de chaleur et évaporation d’eau) étant proportionnels à
la surface corporelle, celle-ci est d’autant plus contraignante que la rapport
surface/masse est élevé. La plupart des petits mammifères sont en réalités
hétérothermes et présentent en réalité une oscillation importante de la
température centrale, notamment lorsqu’ils sont sous-alimentés ou pendant la
saison sèche (estivation).
L’ectothermie est un mode de vie peu exigeant en énergie, car la majeure
partie de l’énergie des ectothermes est utilisée pour la croissance ou la
reproduction et non pour des dépenses liées au maintien d’une température
élevée, comme chez les endothermes.
Certains milieux apparaissent particulièrement favorables aux ectothermes,
en particulier les milieux aquatiques qui comptent beaucoup plus d’espèces de
poissons et d’amphibiens que de mammifères et d’oiseaux, mais la plupart des
écosystèmes ont une pyramide trophique dominée par un super prédateur
endotherme (oiseaux ou mammifères).

K. Taghzouti
Professeur Universitaire
Responsable de l’équipe de recherche «Physiologie et physiopathologie»
Directeur du centre de recherche «Génomique des Pathologie Humaines»
Université Mohammed V - Rabat
6

Vous aimerez peut-être aussi