Vous êtes sur la page 1sur 5

L’apport de la sémiotique dans le marketing et la communication :

Les praticiens du marketing s'accordent à définir aujourd'hui le marketing comme un


ensemble de relations d'échanges entre vendeur et acheteur. Ces relations comportent des
significations physiques, financières, psychologiques et sociales. L'objectif de la
sémiotique appliquée au marketing est de décoder les comportements de masse, en
comprendre le sens et la signification, pour ensuite en tirer un avantage concurrentiel.

La sémiotique est également une méthode qualitative de conception publicitaire et de design


commercial (packaging, produit, logo, slogan).

Produits

On sait que les produits sont souvent achetés et consommés pour leur valeur symbolique.

En considérant des ensembles de produits comme des textes au sens sémiotique, on


apprend quels sont les liens psychologiques et symboliques entre eux (Semprini). Les règles
d'association des produits dans l'esprit du consommateur, c'est-à-dire leur degré de
substituabilité, sont guidées par des relations appelées paradigmatiques (chapeau,
casquette, ou bonnet). Les combinaisons de produits dans un contexte de tâche à effectuer
(préparer un repas), sont guidées par des relations dites syntagmatiques (entrée, et plat
principal, et dessert). Ces lois d'association ou de combinaisons reflètent les conventions
culturelles, sociales, ou esthétiques du consommateur.
La dimension paradigmatique du produit en tant que langage est bien utilisée par les
marketers pour aider au positionnement et à la définition de l'image des produits ou des
marques (Tel produit se situe sur tel ou tel segment.) Par contre, les relations combinatoires
entre produits sont peu étudiées, alors que leur utilisation pourrait permettre de déterminer
les conditions circonstancielles et psychologiques de choix d'une offre donnée parmi
d'autres, en fonction des autres choix déjà effectués (Si j'achète les pâtes Buitoni, j'achète la
sauce associée de la même marque.) Pourquoi ne pas utiliser ainsi la sémiotique pour le
merchandising, en prenant les linéaires pour des textes sémiotiques à construire ou
analyser ? T. Kehret-Ward propose également de construire ses stratégies de prix de
gamme de cette manière. Le packaging au sein du linéaire, au milieu des autres, s'exprime
par sa situation spatiale et par la relation qu'il entretient avec les autres produits.

Publicité

Le packaging est l'évocation et l'enveloppe d'un produit de consommation. C'est également


un support publicitaire puisqu'il s'agit de séduire le consommateur dans le linéaire. Il nous
paraît évident de pouvoir "décortiquer" un packaging comme Barthes le fait pour une
publicité. Ceci est d'autant plus vrai qu'un paquet est souvent constitué du nom de la
marque (éléments typographiques et linguistiques), de phrases commerciales (message
dénoté et connoté), d'indications d'utilisation, d'éléments iconographiques et/ou
photographiques… . Barthes nous éclaire davantage sur notre problématique lorsqu'il
analyse la photographie, ainsi que le visuel d'une publicité.
La photographie et le dessin

“ Une photographie et un dessin proposent-ils des messages différents? “


Roland Barthes considère la photographie comme un paradoxe:

D’une part, la photo est un message sans code, continu (dénotation pure) car c'est la
reproduction quasi-exacte du réel (contrairement à la peinture, au cinéma…qui, de
par leur style, comportent d'autres messages).

Mais d'autre part, en tant que photo publicitaire ou journalistique…, elle a été
sélectionnée, travaillée selon des normes esthétiques ou idéologiques. Elle est par
ailleurs vue, regardée, reliée par les lecteurs à un ensemble de signes culturels, et
c'est dans cette optique que la photo a été choisie. Or, l'existence de signes implique
forcément l'existence d'un code. Donc, une photo est composée d'un message sans
code, et d'un autre message codé.

Le paradoxe tient du fait que le second message se développe à partir d'un premier, sans
code. C'est le second message qui véhiculent un sens, le premier ne comportant pas
d'unités signifiantes. Tout comme pour le message publicitaire, une question éthique se
glisse dans cette approche: la photo se veut totalement naturelle, réelle, objective, or elle
introduit implicitement et "pernicieusement" un message.

Quel est le message d'une photographie?

La signification d'une photo est, selon Barthes, complètement historique: elle dépend des
circonstances culturelles, des connaissances du lecteur…

La photo "subit" ainsi des "interprétations" qui induisent 3 connotations d'origines différentes:

La connotation "perceptive" vient du fait qu'en regardant la photo, on en classifie


immédiatement les éléments en fonction d'un découpage individuel. En effet, nous
avons tous en construction dans notre intellect, une architecture de signes, une
classification logique de tous les éléments de la vie. L'interprétation d'un signe
dépend de cette classification, et est donc totalement personnelle.

La connotation "cognitive" suppose que pour "comprendre" certaines données


d'une photo, je fais appel à mes connaissances: la vue de la tour Eiffel me permet de
savoir que la photo est prise à Paris.

Enfin, la connotation idéologique est introduite dans le message des raisons ou


des valeurs.
L'opposition avec le dessin

Le dessin, lui, ne comporte pas de message non codé: il ne peut être la transposition exacte
de la réalité et demande de la technique (Prenons comme exemple la perspective). De plus,
faire un dessin demande de faire des choix entre l'insignifiant et le signifiant: le dessinateur
ne peut pas tout reproduire. Enfin, il existe des styles de reproduction.

Ainsi, le lien entre le message dénoté et le message connoté est profondément différent:
l'objectif, le naturel, ne cohabitent plus avec le culturel de la connotation, mais ce sont deux
messages culturels ou historiques qui sont associés. Il en ressort que le dessin ne se justifie
pas et n'est pas légitimé comme le serait la photo. Il n'en a pas " l'objectivité perçue ", on
n'y associe pas la vérité qu'on attribuait à une photo. Spontanément, le lecteur sait qu'il a
affaire à des symboles, alors que la photo innocente la connotation qu'elle renferme.

On comprend ici que dessin, photographie, ou visualisation directe d'un objet n'ont pas
le même contenu sémiotique: ils n'impliquent pas les mêmes connotations, ne véhiculent
pas le même sens.

La publicité

R. Barthes est sûrement celui qui a le plus éclairé les praticiens du marketing sur la façon
d'aborder la publicité par la sémiotique.

Il affirme que "Toute publicité est un message." L'émetteur est l'entreprise, les récepteurs
sont les clients ou consommateurs, le canal de transmission est le support de la publicité.
Il décompose le message publicitaire en 3 éléments :

le message linguistique (nom de la marque, slogan…)

Le message iconique non codé (l'image photographique dénote l'objet promu)

Le message iconique codé

Le message linguistique

On constate que toute phrase publicitaire contient deux messages dont l'imbrication va
constituer le langage publicitaire. Le premier message est celui qui correspond à la syntaxe
pure de la phrase: mot-à-mot, sans interprétation des métaphores, le message est
intelligible: c'est le message de dénotation. Le signifiant est ici la substance phonique ou
graphique des mots. Le signifié sera le sens littéral des mots.
Le deuxième message est global: il magnifie le produit vendu. C'est dans le signifié du
message qu'on voit le fond du message, dès que celui-ci est perçu, le but de la publicité
est atteint. Le signifiant sera ici, le style, la rhétorique.
Mais le signifiant du second message est, en fait, formé par le 1er message dans son entier.(
car le style est incorporé à la phrase littérale, par exemple dans le cas d'une publicité rimée.)
Le second message connote le premier.
Cette connotation est très liée à la communication de masse: journal, cinéma, télévision,
radio, packaging, ne nous renvoient de façon quasi certaine que des messages connotés.

Se pose ici également le problème éthique: le second message n'est pas caché sous le
premier, c'est plutôt le signifiant du premier qu'il faut justifier, tant la connotation nous paraît
évidente.

Et les publicitaires diront sûrement que le premier message sert à développer les
arguments, à persuader. Barthes dit que cette dénotation a un rôle plus subtil: "naturaliser
le second message, lui ôter sa finalité intéressée, la gratuité de son affirmation". D'une
banale invitation (Achetez…), on rend naturel le fait d'utiliser la marque, et on l'associe à de
grands thèmes humains, à l'onirique.

Donc, plus la publicité sera "multiple" (subtile), mieux elle connote le message.
Enfin, le message linguistique joue un rôle précis dans l'image publicitaire, et ainsi dans le
pack également: il possède une fonction d'ancrage. En effet, que ce soit au niveau dénoté
ou connoté de l'image, les mots vont permettre au lecteur de limiter sa perception des
signes, de le guider vers le sens de cette image. En effet, lorsque ce dernier ne reconnaît
pas une image, il engage un traitement dirigé par les concepts: le texte présent va l'aider à
confirmer son hypothèse.

Le message iconique codé

Barthes souligne que l'image publicitaire est franche, dans le sens où la signification qu'elle
est censée véhiculer est voulue par des publicitaires et qu'elle est rendue la plus évidente
possible, de manière à être comprise par tous.

En analysant une publicité Panzani, Barthes en extrait des signes visuels discontinus, c'est
à dire codés:

les images des produits,

le jeu des couleurs,

la disposition des produits, leur mise en scène,

le style de l'image,

la présence du logo de la marque,


sont autant d'éléments qui renvoient des signes reliés à des codes culturels et produisent du
sens.

Le message iconique non codé

Mais tout comme pour la photographie ou le message publicitaire linguistique, Barthes


indique que, sans repères culturels ou historiques, l'image reste lisible et compréhensible.
Les signifiés sont les objets mêmes de la scène, les signifiants sont les photos de ces
objets. Là encore, les deux messages sont juxtaposés, et l'image sans code, donc
uniquement dénotée, sert de signifiant à l'image codée, connotée.
La publicité, et donc le packaging également, sont de véritables objets sémiotiques
véhiculant du sens au travers de signes dont l'interprétation peut être personnelle ou
universelle, consciente ou inconsciente.

Vous aimerez peut-être aussi